Chapitre v – Une société inclusive
p. 213-254
Texte intégral
1La société révolutionnaire repose sur des collectifs d’intégration dans lesquels les vieilles personnes jouent un rôle crucial. Leur implication est pétrie d’une éthique citoyenne et d’une volonté de prolonger un engagement politique et professionnel. Elle fait aussi l’objet de normes hygiénistes du bien vieillir et de la mise en œuvre d’une vigilance de proximité. Comment la génération âgée négocie-t-elle une place dans une société inclusive ?
2Juillet 2010. C’est mon premier séjour de recherche à Cuba. J’arpente les rues du quartier de Cayo Hueso où je loge, dans l’idée d’en repérer les institutions, voire de les cartographier. Je découvre chaque jour de nouveaux lieux de ce petit territoire. Je tente de varier mes itinéraires, d’observer les changements de pratiques au fil des heures. Parce qu’il fait très chaud, la plupart des portes restent ouvertes durant la journée, et il est facile de nouer la conversation avec l’immanquable gardien des lieux officiels, avec des personnes postées en observation sur le pas de leur porte ou assises sur des fauteuils à bascule.
3Au coin des deux rues San Miguel et Espada, à un bloc du Parque Trillo, de ses grands arbres et de son petit marché agropastoral, je remarque une porte vitrée ouverte dans une façade verte, sur laquelle de grandes lettres sont peintes : Taller de transformación integral del barrio (Atelier de transformation intégrale du quartier). Intriguée, je passe un œil, restant sur le seuil. Une dame assez plantureuse, que je distingue mal dans la pénombre, me voit et me salue, m’identifiant comme étrangère :
« Bonjour, je peux vous aider ?
— Bonjour, c’est intéressant ce nom de Taller de transformación integral, je ne sais pas ce que c’est ?
— Entre, entre, me répond la dame, passant tout de suite au tutoiement. Nous tenons un atelier sur l’auto-estime, rejoins-nous, assieds-toi. Nous parlerons ensuite. Présente-toi, comment t’appelles-tu, d’où viens-tu ? »
4Je me présente comme chercheure sur les institutions locales. J’espère que le terme de « chercheure » ne va pas susciter de méfiance. En effet, les travaux de recherche sont soumis à l’obtention d’un visa spécial et d’autorisations complexes que je ne possède pas encore. « Bonjour Blandine, et bienvenue parmi nous. Je suis María Felicidad, responsable du taller de Cayo Hueso, nous allons continuer notre activité », reprend la dame. Elle me fait signe d’aller chercher un des fauteuils en plastique blanc empilés le long des murs, que je dépose dans un espace vacant et sur lequel je m’installe.
5Ce premier contact sera le prélude d’une longue relation avec María Felicidad et avec l’institution des Talleres de transformación integral del barrio.
6Je me trouve dans une grande salle, seulement éclairée de verrières étroites située au faîte des murs. Pas de lumière allumée. « Il y a un apagón, une panne d’électricité, on ne sait pas quand cela va reprendre », me chuchote ma voisine de chaise. Une quinzaine de femmes âgées sont assises en cercle et María Felicidad est debout au milieu d’elles. Elle les interpelle, avec force gestes : « Si je ne me donne pas de valeur, est-ce que les autres m’en accorderont ? », « Non », répondent les participantes à l’unisson. « Et quelle valeur pouvons-nous nous donner, qu’est-ce qui est positif en nous ? » « L’âge m’a donné beaucoup de connaissances, beaucoup d’expérience, les gens autour de moi peuvent en bénéficier », dit l’une. « Et je rends toujours service à ma famille et à mon entourage », avance une autre. María Felicidad reprend la parole : « N’oublions pas la valeur du cœur, mime-t-elle en posant sa main droite sur son opulente poitrine, cherchant une approbation qui fuse avec des accents émotionnels. Comment peut-on donner aux autres l’amour que l’on ne se porte pas à soi-même ? »
7L’atelier continue, mêlant références de développement personnel, proclamations presque mystiques et affirmations fortes des participantes. Il se termine sur une sorte de comptine, qui affirme les principes de la pensée positive à la première personne. Les participantes empilent alors les chaises le long de l’un des murs, récupèrent leurs sacs, puis sortent en petites grappes, échangeant des nouvelles.
8María Felicidad s’approche de moi : « Une fois par semaine se tient l’atelier d’auto-estime du Círculo de abuelos1 du quartier et c’est moi qui l’anime. C’est très important. En vieillissant, les personnes tendent à se sentir inutiles, mises de côté, parfois on leur parle mal. Il faut qu’elles continuent à se sentir bien dans leur famille et la communauté, c’est la condition pour bien vieillir. Le risque, c’est aussi qu’elles se négligent. Tu sais, les vieilles personnes, surtout les femmes, ont été élevées dans l’idée du sacrifice de soi pour les autres, à l’ancienne. C’est leur génération. Elles ont été éduquées à ne pas prendre soin d’elles-mêmes, mais seulement des autres : leur mari, leurs enfants, leurs parents, leur patron si elles travaillaient en dehors de chez elles. On leur a dit que prendre soin de soi, c’était de la vanité. Même si la révolution les a éduquées et leur a permis une carrière professionnelle, elles gardent ce conditionnement. Moi, je leur dis que c’est faux, qu’il faut prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres. »
9Enthousiaste, elle me décrit la méthode d’éducation à l’auto-estime, ses effets attendus et la formation qu’elle a suivie pour devenir animatrice. « Ces techniques d’animation sont adaptées de l’éducation populaire. C’est une des méthodes du travail social communautaire. » Je note les séances suivantes, auxquelles je participerai avec assiduité.
10D’un côté, les techniques cognitives et comportementales que mobilise María Felicidad me semblent bien impuissantes contre la dégradation des conditions de vie de la plupart des personnes modestes qui habitent ce quartier, dérisoires face aux structures sociales, économiques et résidentielles qui rendent difficiles leurs existences quotidiennes, qui détériorent leurs logements et leur alimentation, qui conduisent leurs enfants à s’exiler. Comme si les ambitions transformatrices de la révolution et l’utopie de l’Homme nouveau aboutissaient à un repli las de l’ethos révolutionnaire devant l’éthique néolibérale du bien-être et du développement personnel. Sur la clé USB que je porte toujours avec moi, équivalent dématérialisé de la jaba, María Felicidad me donne effectivement des fichiers qui proviennent des courants du développement personnel latino-américain et qu’elle engrange sur son ordinateur.
11Or je me rends compte que ces idées et valeurs relèvent d’une nébuleuse beaucoup plus complexe, qui enchevêtre des normes hygiénistes, des idées portées par le puissant courant psychosocial cubain et la promotion de la responsabilité de soi comme éthique révolutionnaire : bien vieillir à Cuba, c’est prendre soin de soi, pour garder une place de membre de la cité politiquement actif et socialement intégré. De surcroît, le bien-être psychologique entretient la santé du corps et chacun doit y veiller, pour se maintenir en bonne santé et ne pas peser sur les services de l’État. Les espaces de promotion de ces idées, valeurs, préceptes et méthodes auprès des personnes âgées sont multiples, et le Taller de transformación integral del barrio en est un. Je décide d’investir cette piste.
12Je retourne quelques jours plus tard interroger María Felicidad. Elle est en train de sortir du local : « Je vais à la maison des enfants, c’est à quelques blocs, accompagne-moi si tu veux, je te raconterai. » Elle me parle avec passion du projet qui l’occupe corps et âme.
13Les talleres (ateliers) n’existent qu’à La Havane, ils ont été fondés à la fin des années 1980 par le Groupe de développement intégral de la capitale, le GDIC, qui rassemblait architectes, urbanistes et sociologues. Il s’agissait de promouvoir une amélioration des conditions de vie de la population, sur une base participative, à partir des gens eux-mêmes, en conjuguant les dimensions économiques, sociales, environnementales, humaines et culturelles. Il existe vingt talleres, éparpillés dans différents quartiers de La Havane. Ils ont joué un rôle de cohésion sociale et d’entraide très important pendant la crise des années 1990. Certains font plutôt office de centre social, d’autres sont plus orientés vers les activités culturelles. Ils contribuent à dynamiser la communauté, à accueillir et accompagner les initiatives diverses, sur la base de relations horizontales et transversales. À demi-mot, María Felicidad me fait comprendre que les talleres ont du mal à affirmer une marge d’autonomie, qu’ils ne bénéficient pas de ressources suffisantes et qu’ils doivent lutter en permanence contre l’emprise bureaucratique du gouvernement local et des institutions nationales.
14« Nous n’avons pas de grand local, c’est pour cela que nous sommes éclatés entre l’espace du Parque Trillo que tu connais, la Casa del niño y de la niña2 et une salle de sport. Nous utilisons aussi une salle au sous-sol de la tour Raquel Pérez, proche du parc, pour certains ateliers. À la maison des enfants, nous organisons surtout des activités avec les élèves des écoles. Aujourd’hui, nous distribuons les prix pour le concours de dessins pour la paix. » Je découvre l’enchevêtrement des institutions sociales et culturelles locales, que je me représente comme des nœuds ou des pelotes, tant les réseaux d’implication et de personnes sont imbriqués.
15De fil en aiguille, je vais multiplier mes contacts dans ces espaces et trouver une place dans le taller de Cayo Hueso en proposant à María Felicidad d’initier les enfants au français par des jeux et des chansons. Ce seront des rendez-vous joyeux et très prisés. Pour matérialiser la gratitude du taller pour ma contribution à son animation, María Felicidad m’offrira un « certificat de reconnaissance », rédigé à la main avec des feutres de couleur.
16Elle m’accueille toujours avec chaleur, au milieu du matériel qui déborde des armoires et qu’elle ne cesse de sortir pour une activité, puis de ranger pour faire place à la prochaine. À l’exception de María Felicidad et de son assistante, la plupart des activités sont tenues par des volontaires qui considèrent cet engagement comme un acte civique et politique, prolongeant leurs engagements professionnels, parfois alors qu’ils sont encore employés, le plus souvent après leur retraite. Je rencontre une grande variété de personnes : bénévoles, professionnels, étudiants, retraités, bienfaiteurs, habitants du quartier qui viennent se renseigner ou discuter avec María Felicidad pendant qu’ils attendent leur tour au poste de santé situé juste en face.
17Nayelis, graphiste, anime des ateliers de dessin avec les enfants autour du thème de la paix. Elle cherche une bourse pour aller faire son master au Brésil et prend mon avis sur la formulation de son projet d’étude : l’éducation populaire destinée aux enfants. Finalement, elle partira deux ans comme volontaire en Angola et finira par s’installer en Espagne, d’où elle m’envoie une photo prise avec son téléphone portable. Francisco, un voisin, très bon guitariste, dont les deux enfants fréquentent mes cours de français, vient donner de petits concerts en encourageant ses fils à jouer avec lui. Maritza est une animatrice socioculturelle à la retraite, qui vit dans un solar de Centro Habana. Elle a été mariée avec un photographe aveugle, dont elle tente de prolonger la renommée. Elle conduit des ateliers de photographie dans les locaux du taller. Initiée des religions afro-cubaines, elle m’enseignera beaucoup, m’emmènera chez son frère pour qu’il me lise le jeté de coquillages et nous fréquenterons ensemble plusieurs événements culturels. L’Ingénieur, l’air constamment abattu et triste, vient régulièrement aider María Felicidad à élaborer des projets pour accroître sa marge financière et pour aménager le petit parc à côté de la maison des enfants. Ils voudraient y installer un espace pour les enfants et des plantations en permaculture, un jardin partagé et communautaire qui produirait des légumes pour de nombreuses personnes indigentes. Je prends une photo du projet, dessiné sur une grande feuille de papier par un voisin adepte : « Ils m’ont dit qu’ils allaient l’approuver, triomphe-t-elle à l’automne 2018, on a les plans, je dois encore récolter des donations pour les matériaux. » Avec des parents et les enfants, elle organise une campagne de nettoyage pour débarrasser le petit espace des ordures que les habitants des immeubles qui le surplombent jettent par leurs fenêtres depuis des années. Eliot, grand adolescent dégingandé, souffrant d’un retard mental, vient jouer sur l’ordinateur. María Felicidad l’a pris sous sa coupe, parce qu’il est maltraité par le compagnon de sa mère. Il finira par cambrioler le centre, manipulé par des garnements du voisinage, et María Felicidad ne veut plus le voir. Joel, architecte, est à l’origine du projet des talleres et organise des ateliers sur l’histoire de la ville. Aujourd’hui, dans le local encombré de chaises en plastique et des traces de toutes les activités qui s’y sont menées, un groupe d’élèves de l’école voisine est venu l’écouter raconter l’histoire du quartier. La conférence se termine par une promenade commentée. Une étudiante suisse est présente un autre jour, venue faire son mémoire de master en psychologie sociale sur les talleres. Je rencontre aussi une jeune volontaire du centre Cenesex, membre de la Fédération des femmes cubaines. Elle vient prodiguer à quelques lycéens volontaires des cours sur la violence et le harcèlement sexuels et sur la protection contre les grossesses non désirées, afin qu’ils deviennent à leur tour délégués au sein de leur établissement.
18Une bonne partie de l’énergie de María Felicidad est occupée à recevoir les délégations. Une délégation, c’est un groupe de visiteurs étrangers ayant obtenu l’autorisation officielle du gouvernement local et du ministère des Affaires étrangères, qui fait l’interface entre les institutions nationales et toute mission internationale. Vitrines des organisations socioculturelles havanaises, les talleres reçoivent ainsi des visites à un rythme assez soutenu, ce qui leur permet aussi de capter des dons. Il peut s’agir d’un quarteron de retraitées suisses envoyées par une ONG ou de visiteurs d’ambassades. Sous la présidence d’Obama, le taller accueille souvent des passagers de bateaux de croisières étatsuniens ; pour obtenir leur visa, ils ont avancé la raison humanitaire et doivent dès lors attester d’un emploi du temps de visites sociales bien fourni. La plupart apportent des crayons de couleur et de petites donations d’argent au taller, que María Felicidad économise ou dépense en jeux pédagogiques ou en photocopies. Ses talents d’hospitalité lui valent d’être sélectionnée par le bureau des relations internationales, qui lui envoie régulièrement de telles délégations. Dès qu’elle est prévenue, souvent au dernier moment, elle envoie son assistante courir à l’école d’à côté pour demander qu’on lui envoie des enfants : il s’agit parfois de chanter une chanson sur le thème des droits des enfants ou de la paix dans le monde, à d’autres moments de répondre à des questions de visiteurs curieux de leur vie, certaines tout à fait stéréotypées, d’autres plus perspicaces. Les enfants sont rodés : ils parlent de leurs droits universels à l’éducation et à la santé gratuits, à la culture et aux arts et des difficultés causées par l’embargo des États-Unis.
19Le taller dirigé par María Felicidad se voit attribuer des moyens minuscules. Aidée par l’Ingénieur, elle ne cesse de lancer de nouveaux projets « économiques » pour gagner en autonomie. Malgré les promesses des plans de décentralisation, aucun n’a encore été approuvé par le « gouvernement », l’autorité locale du Consejo popular, dont elle dépend. C’est avec l’argent des délégations, de faibles sommes grappillées ici ou là, que María Felicidad est en train de faire réparer le local de la maison des enfants. En 2018, les toilettes ont enfin l’air de fonctionner et une cuisine sort de terre. « On avait une cuisine dans l’autre bâtiment, celui du Parque Trillo, mais cela fait des années qu’on nous y a mis des familles sinistrées, dont la maison s’est écroulée pendant les pluies et le cyclone. Ils ont déjà fait beaucoup de dégâts dans le centre l’an dernier, on avait dépensé 50 CUC donnés par une délégation suisse pour réparer, et là de nouveau le gouvernement nous a envoyé des sinistrés pour une durée indéterminée. Alors j’arrange la maison des enfants. Et l’université du troisième âge peut réaliser ses activités dans le local qu’on a en bas de la grande tour de Cayo Hueso. Mais je n’arrête pas de courir de l’un à l’autre. »
20Au cours d’une de mes visites au taller de Cayo Hueso, María Felicidad me prend par le coude et me mène vers une petite femme mince, pimpante et énergique : « Viens, je voudrais te présenter la coordinatrice du Círculo de abuelos que nous accueillons », me propose-t-elle. Nous nous installons sur trois chaises. Pour tromper la faim de cette heure méridienne, María Felicidad achète quelques petits chaussons à la goyave que propose une dame du quartier sur le pas de la porte, dans un cabas discret. La bouche à moitié pleine, je me présente et exprime mon intérêt pour les Círculos de abuelos. Je sors mon cahier de notes, et écoute cette dame passionnée et disponible, qui me fait découvrir cet équivalent de nos clubs du troisième âge, façon cubaine : institutionnalisés, hygiénistes et holistiques.
21Les Círculos de abuelos sont des groupes de retraités qui ont envie de faire des activités ensemble, du sport, des visites, des travaux manuels, des ateliers et qui obtiennent un agrément du ministère de la Santé, m’explique la coordinatrice. Ils ont été créés dans les années 1990 pour entretenir la santé mentale, physique et l’intégration sociale des personnes âgées, au moment où se consolidait le Programa nacional de atención integral al adulto mayor3. L’idée est venue du ministère de la Santé et les sections de retraités de la Confédération des travailleurs cubains sont impliquées, ainsi que le ministère des Sports. « Il ne suffit pas que les personnes soient en bonne santé physique, nous avons une vision intégrale de la santé, celle du bien-être, et les communautés ont leur rôle à jouer. C’est par le collectif que passent la santé et le bien-être. En faisant partie de tels collectifs, les personnes âgées prennent soin d’elles-mêmes, des autres, et les institutions peuvent prendre soin d’elles en leur faisant passer des messages hygiénistes et en les dynamisant physiquement et mentalement. Leur bonne santé est bonne pour eux, mais aussi pour la société qui ne les abandonne pas exclusivement aux soins de leur famille4. »
22La création d’un círculo peut être impulsée par un médecin de famille, par une institution ou à l’initiative de personnes âgées elles-mêmes. S’il y a 20 % de personnes âgées dans la population, elles sont surreprésentées dans la patientèle des médecins, parce qu’elles ont plus besoin de soins que la population générale, donc environ trois cents sur un total de mille patients, ce qui correspond à la circonscription d’un généraliste de quartier. Pour créer un círculo, il faut qu’une personne décide de se charger de l’organisation. Le ministère des Sports leur fournit un professeur qui vient plusieurs fois par semaine animer des séances de tai-chi ou de gymnastique. Les círculos se trouvent un local, dans une institution du quartier ou une église, qui le leur met à disposition quand c’est nécessaire. Le círculo de Cayo Hueso utilise la salle du Taller de transformación integral del barrio pour ses activités à l’intérieur et s’installe dans le Parque Trillo pour la gymnastique et le tai-chi. Je comprends mieux les alignements de personnes âgées que j’ai pu voir le matin dans le parc, engagées dans des mouvements dirigés par un professeur en survêtement monté sur une estrade.
23À y regarder de plus près, les organisations de personnes âgées sont bien visibles dans la ville et ses espaces publics, bien qu’elles se diluent parfois dans diverses circonstances et institutions. Un après-midi, c’est un bal organisé sur le terre-plein du Paseo, cette jolie avenue bordée de bancs de pierre ombragés par de grands arbres, qui descend du Parque Central vers la mer et sépare Habana Vieja de Centro Habana. Attirée par l’attroupement et la préparation des musiciens, je m’installe sur un banc. Un orchestre de vieux messieurs, habillés de costumes crème et havane vissé sur la tête, fait danser des couples très âgés, surannés et délicats, les dames en robes à volants et chaussures à talons, parfois en bas malgré la chaleur, un éventail à la main ; les messieurs en pantalons clairs et guayaberas immaculées5.
24Un autre jour, en entrant dans le local d’accueil de l’église Del Carmen de la rue Infanta, je prête mieux attention aux informations du panneau d’affichage. Là aussi, parmi les nombreuses activités pastorales et de bienfaisance, la distribution de repas, de vêtements et de médicaments, les réunions d’un círculo sont annoncées. Je me rends compte que la plupart des églises que je visite et qui appartiennent à des congrégations, hébergent des activités du troisième âge qui profitent de leurs locaux. C’est le cas aussi de l’église de Reina. Caritas y organise de nombreux cours de langues, d’informatique ainsi que des ateliers pour les aidants familiaux et les personnes âgées. Les membres du círculo du quartier où est installée la congrégation en bénéficient au premier chef, mais pas exclusivement.
25Comme la plupart de ces institutions, les círculos possèdent la double caractéristique d’être animés par du travail volontaire, et d’être résolument ancrés dans un territoire d’interconnaissance, en maillage avec les autres institutions locales. Tentant de démêler ces écheveaux, je vais en fréquenter plusieurs.
26Lors de l’une de mes visites, María Felicidad me présente Aníbal, un grand septuagénaire dégingandé et expansif, l’un des infatigables responsables du Taller de Príncipe, un quartier voisin situé de l’autre côté de la rue Infanta. Ce vieil homme volubile, emporté par un enthousiasme chaleureux, s’exprime avec de grands moulinets des bras accentués par des hochements de tête : « Nous aussi accueillons un círculo et nous organisons des peñas deux ou trois fois par mois. Viens, justement il y en a une jeudi prochain. » Les peñas sont des fêtes participatives, où se donnent chansons, morceaux de musique, poésie ou lectures. Enthousiaste, je note ce nouveau rendez-vous dans mon agenda.
27Je prends soin d’arriver avant l’heure dite, pour avoir le temps d’engager la relation. Le quartier est un peu déconcertant, coincé entre le vaste périmètre de l’université et l’immense espace arboré et paysager du parc de la Quinta de los Molinos, qui borde l’avenue Carlos Tercero. Une partie du parc est occupée par une école, une autre par les échangeurs de l’important carrefour de l’avenue Rancho Boyeros. M’engageant dans une ruelle à l’atmosphère interlope de frontière, je dépasse une parcelle laissée vacante par la destruction d’une maison, où tente de s’installer une coopérative de construction, selon l’affichage installé sur le grillage. Je longe un vaste entrepôt où des employés en blouse blanche et gants de caoutchouc extraient de wagonnets de solides cylindres de mortadelle emballée dans du plastique pour les charger dans un camion frigorifique. J’atteins enfin des grilles rouges, d’où pend un gros cadenas ouvert.
28Entrevoyant une grande cour agrémentée de multiples plantes, dont une partie est couverte par un auvent de tôle, je pousse la grille et cherche Aníbal du regard. C’est bien là : sous le grand auvent, sont disposées des chaises pliantes en plastique et des rangées de sièges de cinéma recouverts de velours rouge. Une partie est déjà occupée par des personnes âgées, fringantes et animées, certaines tenant un gobelet qu’elles remplissent discrètement avec du rhum rangé dans leur cabas. Un groupe d’hommes tous habillés de pantalons beige et chemises blanches, portant un chapeau, sont en train de brancher des micros et d’installer leur bannière au-dessus de la scène : « Septeto Habanero. Quatre-vingt-dix ans de musique cubaine. » « C’est un groupe très célèbre, me dit Aníbal, ils ont popularisé le són dans les années 1920. Ils joueront après la peña. » Il ajoute : « Viens, je te présente Xenia, qui est la responsable en titre du taller, et Tatiana, chanteuse aux multiples talents. Elle arrive de province, elle n’est pas encore résidente à La Havane et donc ne peut pas trouver de travail. Elle participe aux activités du taller, comme volontaire, jusqu’à la régularisation de sa situation. »
29La peña se met en route. Aníbal joue son monsieur Loyal au milieu de la scène, alors que les retardataires affluent et s’installent dans les fauteuils. Il présente le taller, le programme du jour, et appelle la première chanteuse, pendant qu’un bénévole s’installe à l’ordinateur et envoie la musique d’accompagnement. Malgré ses quatre-vingt-dix ans dépassés, Griselda s’est donné l’allure d’une star : longue robe de scène, sandales à talons hauts, chignon tenu par des barrettes fleuries et maquillage presque outrancier. Elle entonne un boléro avec une énergie étonnante, des mimiques expressives et une théâtralité de professionnelle qu’elle était. Les spectateurs rejoignent le chant, des couples se forment sur la piste de danse et la joie gagne du terrain, alors que Griselda chante son second morceau, Dos gardenias para tí, un classique de la chanson cubaine. Elle laisse la place à un homme très élégant qui entonne A mi manera, que Claude François a popularisé en France sous le titre Comme d’habitude. Tout le monde chante maintenant, même moi qui fredonne ma version française. Les performances se succèdent, toutes applaudies et formant chœurs, jusqu’à ce qu’Aníbal me sollicite publiquement. Malgré ma gêne et mon impréparation, je n’ai qu’à m’exécuter et témoigner ainsi de ma participation. Je choisis de chanter La vie en rose, que je connais par cœur, et dont certains participants reprennent le refrain en français ou espagnol. La seconde partie de la peña est un concert du Septeto, qui ouvre le bal. Les couples se forment, dont l’âge fort avancé n’entame pas l’élégance. Aníbal m’entraîne dans une salsa joyeuse et balancée.
30Tout en rangeant, Aníbal me fait visiter les lieux. Le mur qui sépare cet ancien garage du parc de la Quinta de los Molinos est en train de s’écrouler : « Nous allons le reconstruire, l’État nous a donné les matériaux, nous allons organiser un chantier de volontaires. Il faut aussi aménager des toilettes », me dit-il en me faisant pénétrer dans une petite cour dans laquelle trône une citerne d’eau équipée d’un robinet. L’endroit est étrange, de bric et de broc, truffé de petits recoins protégés par des cloisons de fortune, où des artistes organisent des ateliers et entreposent leur matériel.
31Les activités liées au círculo ne remplissent qu’une partie du programme du taller, qui a entrepris un projet d’écriture de l’histoire culturelle et musicale du quartier et qui participe à une recherche de l’université sur les niveaux de vie de la population. Le taller a noué des accords avec des musiciens brésiliens qui viennent donner des cours de capoeira. Il accueille aussi des réunions politiques autour des élections, organisées par Aníbal, ancien délégué du pouvoir populaire. La vitalité de ce lieu m’impressionne. Xenia m’explique : « La mission des talleres est de favoriser la participation des habitants du quartier. Comme nous avons un grand espace et pas de voisins immédiats, nous pouvons consacrer une bonne partie de nos activités à la musique, accueillir des groupes, des ateliers, et valoriser la richesse culturelle de Príncipe. Aníbal vient d’une famille de musiciens et a beaucoup de relations avec des groupes du quartier, qui nous demandent de venir travailler et jouer ici. Nous accueillons de nombreux concerts et bals, et nos voisins viennent régulièrement. » Pendant que nous parlons, un groupe de judokas s’entraîne et Aníbal me compose une petite chanson sur le vieux piano qui couine un peu.
* * *
32Janvier 2016 : mon ami médecin chercheur Eduardo m’oriente vers María Elena, une cadre dynamique du ministère de la Santé, ancienne militaire, soutien sans relâche de la révolution, qui a fondé un Círculo de abuelos et l’organise d’une main de maîtresse. Elle me donne rendez-vous à huit heures pour des exercices matinaux avec les Mariposas, les lys papillons, qui est le nom qu’elle a donné à ce collectif. J’ai mis mon réveil à 7 heures, j’ai un peu de mal à émerger. Les bruits matinaux de la rue San Rafael se faufilent dans mon demi-sommeil engourdi : raclements de moteurs poussifs au démarrage, apostrophes des vendeurs de rue, grincements de camions cahotant sur les nids-de-poule de la rue, interpellations de quelques lève-tôt du haut des balcons. Je m’habille rapidement et confortablement, jean et baskets, pull chaud. Le temps est au frais et bien qu’il fasse dans les vingt degrés, les Cubains sortent leurs doudounes, chaussettes et bonnets. Je traverse d’un pas vif tout Cayo Hueso pour atteindre les premières rues du Vedado, sur la colline qui mène à l’université.
33Une vingtaine de femmes et hommes assez âgés sont installés sur des chaises disposées autour du porche de l’annexe du ministère, qui donne accès aux bureaux et domine la rue 27 du haut de son escalier à double révolution. Si nous pouvons voir tous les passants, eux aussi nous remarquent. Arrive un jeune homme en survêtement, marqué au nom de l’institut de promotion des sports et l’éducation physique. Les conversations s’interrompent, tout de monde se lève, le salue, certains rangent leur canne contre un mur, leur sac sous une chaise, retirent une veste. Le groupe proclame à haute et forte voix le slogan « Ganando juventud en Infomed con salud » (Gagner en jeunesse à Infomed avec la santé), se positionne en ligne et la séance démarre. En file indienne, dont le tracé épouse la forme allongée du portal, suivant le rythme marqué par le professeur, nous marchons, en avant, en arrière, sur la pointe des pieds, levons les genoux, les bras, ployons la taille, les mains sur les hanches, non sans quelques bousculades qui provoquent des éclats de rire. La séance se poursuit assis, par de petits exercices abdominaux, des battements de pieds, puis des étirements.
34María Elena reprend la main au bout d’une bonne demi-heure, me présente, puis lance le sujet du jour : la nutrition pour la santé et l’équilibre corporel et moral, au croisement du développement personnel et de la diététique : mangez des fruits et légumes, ajoutez un peu d’huile d’olive à vos crudités, évitez le sucre raffiné, n’abusez pas des viandes grasses. Abondant dans le sens psychosocial du bien vieillir à Cuba, elle s’inspire apparemment des nombreuses informations de vulgarisation qu’elle consulte grâce à sa bonne connexion à Internet, luxe rare que lui offre son lieu de travail. Ces conseils et préconisations, que tous et toutes écoutent religieusement, m’apparaissent voilés d’irréalité, tant les denrées conseillées sont onéreuses, difficiles à trouver à Cuba et éloignées des pratiques alimentaires courantes.
35Pour terminer, María Elena commente quelques points d’actualité, loue une mobilisation de la sécurité civile lors d’un épisode de cyclone, fustige la propagande étatsunienne. Elle ajoute quelques annonces, notamment les prochaines sorties, auxquelles elle m’invite avec l’accord des présents : une visite au musée Napoléon, tout proche, une autre au Grand Théâtre de La Havane, juste restauré et rouvert après de longs mois de travaux, un voyage vers un cayo6 du nord de l’île, que je vais malheureusement rater. Avant l’éparpillement, chacun et chacune se redresse, relève la tête et proclame d’une voix ferme la profession de foi des Mariposas, aux forts accents de slogan politique : « Las alegres mariposas se despiden cada día con más salud y alegría. No a la guerra ; queremos la paz. Un mundo mejor es posible. » (Les papillons joyeux se réveillent tous les jours avec plus de santé et de joie. Non à la guerre ; nous voulons la paix. Un monde meilleur est possible.) « C’est un raccourci de notre hymne, me prévient María Elena, je te donnerai le texte entier la prochaine fois. »
36Je retiens quelques dames, entame des conversations, me préparant aux prochaines rencontres. Enthousiaste de cette expérience et de la facilité que j’ai eue à m’insérer dans ce groupe, je m’engage à rejoindre les Mariposas aussi souvent que possible. Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons sous le vaste porche du musée Napoléon, une autre curiosité du quartier. Nous nous installons dans la grande salle de conférences, sortons nos éventails, et écoutons la conservatrice du musée nous expliquer l’origine de l’établissement et ce qui en fait la richesse. C’est une villa florentine conçue dans les années 1920 pour un politicien italo-cubain par deux architectes reconnus. Elle témoigne de la période fastueuse de la société havanaise. Julio Lobo, un puissant négociant en sucre et financier cubain, qui s’est exilé en 1960, y avait rassemblé la plus importante collection au monde d’objets attachés à Napoléon et à la période allant de la Révolution française au second Empire, y compris le masque mortuaire et une dent de l’empereur français qui intriguent particulièrement les visiteurs.
37La révolution a transformé la villa en musée dès sa nationalisation. Elle a fait l’objet d’une rénovation conduite par l’Office de l’Historien de la ville, inaugurée en grande pompe en 2011, en présence de la princesse Alix de Foresta, veuve de Louis Marie Bonaparte, un descendant du plus jeune frère de Napoléon. Comme lors de mes visites dans les demeures aristocratiques des villes fondées lors de la conquête de Cuba par les Espagnols, je m’interroge sur la fascination peu critique que suscitent l’évocation de ces périodes et leurs traces matérielles auprès de personnes manifestant une foi sans faille dans la révolution cubaine. La visite se poursuit, l’intérêt des Mariposas apparemment émoussé par le fait que tous et toutes ont déjà visité le musée plusieurs fois. C’est visiblement l’être ensemble qui prend le dessus sur l’intérêt de la découverte, ce qui sera également le cas lors de la prochaine sortie organisée par le círculo, celle du Grand Théâtre de La Havane.
38Pour moi l’enjeu est un peu plus épineux, puisque je risque d’être considérée par les personnels très sévères du théâtre comme une infiltrée étrangère dans les rangs des personnes âgées. Je retrouve le groupe dans le hall de ce majestueux monument, un imposant édifice néobaroque de la première moitié du xixe siècle, orné de sculptures et lui aussi récemment rénové, dont la magnificence avoisine le Capitole et domine le Parque Central. Les dames mariposas font corps autour de moi, dans l’idée de dissimuler ma présence en leur sein. « Ne dis pas un mot et baisse la tête. » Je me recroqueville un peu, prenant le bras de Teodora, que je fais mine d’assister dans sa marche. L’artifice fonctionne et nous vaut quelques fous rires et plus tard de bons souvenirs à raconter. Cet épisode nous liera et me permettra une familiarité propice à l’exploration des facettes de ces organisations sympathiques et dynamiques : sont-elles des institutions de santé, de récréation, politiques ?
39María Elena est particulièrement encline à louer, avec des accents lyriques, les bienfaits de l’institution des círculos, et le fonctionnement de celui qu’elle a fondé en 2002. En quinze ans d’existence, l’effectif de la vingtaine des membres fondateurs a doublé. « La cotisation est très modique, chacun donne selon ses possibilités un ou deux pesos par mois, avec lesquels nous pouvons fêter des anniversaires et réaliser des sorties qui se terminent par un déjeuner ou un goûter. » Avec les Mariposas, María Elena affiche clairement l’objectif de lutter contre le retrait des personnes âgées de la sphère publique. Elles ne vivent pas nécessairement seules, mais le passage à la retraite signe une distanciation avec les collègues de travail. En contrepartie, c’est souvent le début d’un repli sur l’espace domestique du foyer et les tâches qu’exigent d’eux leurs enfants et petits-enfants ou un parent très âgé dont elles prennent soin. María Elena, avec son franc-parler, me le dit clairement : « C’est important, le círculo. Cela permet aux personnes âgées de ne pas être soumises complètement à leurs parents, enfants et petits-enfants, d’avoir leur propre vie, de voir des amis, de mener des activités nouvelles et de prendre soin d’elles-mêmes. Cela leur permet de dire “non, demain, je ne peux pas t’aider, je suis occupée avec les Mariposas”. Elles peuvent aussi prendre des responsabilités, animer nos ateliers, s’engager dans les talleres où nous nous installons7. Cela renforce leur estime de soi et leur permet de recevoir de la reconnaissance du groupe et de leur famille. Ce collectif leur permet aussi de résoudre des problèmes quotidiens qu’elles ne pourraient pas partager avec leurs proches. »
40Elle ajoute que si l’une d’entre elles est malade ou simplement manque une activité, les autres l’appellent, passent la voir, lui apportent des informations et lui proposent de menus services : « Ainsi, elles deviennent solidaires, alors que pendant qu’elles travaillaient, elles sortaient tôt le matin. Beaucoup ne se connaissaient pas, bien qu’elles habitent le même quartier depuis des années. » María Elena me transmet les résultats d’une enquête qu’elle a conduite auprès de quarante personnes âgées incorporées au círculo. Peut-être biaisés par la formulation des questions, ils montrent que le collectif leur a procuré des relations et de l’entraide, un sentiment d’aller mieux et d’éloigner la pensée de la maladie. Il leur a également ouvert de nouvelles connaissances et activités culturelles.
41Bien qu’elle définisse les círculos comme faisant partie de la société civile, María Elena précise : « Toutes les actions que nous menons sont appuyées par le médecin de la famille, les organisations de masse et le gouvernement local. » De fait, un texte publié sur le site d’Infomed mentionne que les membres des Mariposas sont attachés à quatre postes de santé, dont il cite les numéros d’immatriculation. Il faut ajouter que le ministère de la Santé, qui l’emploie, trouve un intérêt suffisant dans le círculo pour l’autoriser à consacrer une partie de son temps de travail à cette activité communautaire, alors même que le contrôle des heures de travail s’est récemment renforcé avec l’installation d’une pointeuse dans les bureaux.
42« De nos jours, les personnes âgées représentent une partie très importante de la population cubaine. Il faut leur prêter attention, nous ne pouvons pas les laisser hors de la société, argumente-t-elle. Elles doivent continuer de participer, être intégrées, ne pas vivre desvinculadas, désaffiliées ou déliées. Il faut les incorporer à un groupe d’intérêts communs, propre à leur tranche d’âge. Il est aussi important qu’elles pratiquent des activités physiques et manuelles pour réduire les effets du vieillissement et de la diminution de leurs capacités physiques sur leur santé. Nous leur proposons des activités culturelles et récréatives qui stimulent leurs capacités cognitives et intellectuelles et élargissent leur monde spirituel, pour favoriser leur maintien en bonne santé et dans une bonne qualité de vie. Nous invitons des personnalités, des artistes, des artisans, des médecins, des psychologues, des thérapeutes occupationnels, des nutritionnistes, des musiciens, qui collaborent avec nous et accompagnent nos projets. Avec le projet “Amor y vida”, nous avons monté un chœur avec un répertoire de chansons cubaines et universelles à contenu social. Nous déclamons des poèmes et montons parfois des saynètes théâtrales qui évoquent la vie des personnes âgées. Nous poursuivons ainsi à notre façon le projet de massification de la culture lancé par notre Commandant en chef. »
43Organisations hybrides, entre volontarisme étatique et initiative individuelle, encadrement public et auto-organisation, développement personnel et intégration sociale, les círculos représentent donc l’un des chaînons communautaires et locaux des institutions révolutionnaires, enchevêtrant objectifs hygiénistes, culturels, sociaux et politiques. Le texte complet de l’« hymne » des Mariposas, que María Elena m’envoie par courrier électronique quelques jours plus tard, confirme cette portée politique :
Aquí estamos los abuelos de Infomed (bis) | Nous voici, les personnes âgées d’Infomed (bis) |
Con mucha experiencia y alegría | Avec beaucoup d’expérience et de joie |
Ganando en salud y energía | Gagnant en santé et en énergie. |
En los años de nuestra juventud, | Dans les années de notre jeunesse, |
Luchábamos por todas esas cosas | Nous avons lutté pour toutes ces choses. |
del Moncada surgió la mariposa | De la caserne de Moncada a surgi le papillon8 |
con dignidad, vivir a plenitud | avec dignité, vivre pleinement |
Adelante con Raúl y con Fidel, | En avant avec Raúl et Fidel, |
Adelante, adelante por la patria | En avant, en avant pour la patrie |
Con amor y vida lucharemos | Avec de l’amour et de la vie nous lutterons |
por un mundo mejor (bis) | pour un monde meilleur (bis) |
44À force de l’arpenter et de fréquenter ses institutions culturelles et sociales, je prends conscience de l’importance du quartier comme espace de vie, d’identité et d’intégration, surtout pour les personnes âgées. La révolution est enracinée dans des territoires : si la cubanité est un sentiment national, la citoyenneté concrète se manifeste avant tout dans le quartier. C’est la plus petite unité du corps social et politique, dans laquelle les gens sont localisés, recensés, intégrés, reliés et également surveillés : dans son quartier, chaque résident se voit assigner une bodega de référence, un poste de santé ou consultorio9, une polyclinique, un bureau administratif pour régler ses factures courantes, une école ou une crèche. La construction volontariste de l’identité des quartiers prend corps dans la rédaction de monographies, dont les talleres de transformación integral sont des artisans. J’en récolte plusieurs, sur la clé USB que je porte toujours avec moi ; la monographie de Cayo Hueso produite par un travail collaboratif organisé autour du taller par une chercheuse argentine10 en est l’un des exemples. Ces monographies sont élaborées à partir de la mémoire des anciens, du recensement des bâtiments notables, du travail de chroniqueurs et d’historiens locaux, à partir aussi de la consultation d’archives et de travaux de chercheurs. Elles mettent notamment en lumière les lieux marqués par des pratiques sociales et des événements politiques qui ont contribué à l’indépendance et à la révolution. Ce sont des outils d’éducation populaire, qui promeuvent la cohésion sociale, l’appartenance locale et l’engagement social et politique des jeunes générations. Elles font l’objet de conférences et de visites et de marches guidées.
45Parce que la mobilité résidentielle est limitée par le manque de logements disponibles, les personnes que je fréquente habitent leur quartier depuis de longues années et connaissent intimement leurs voisins, les transformations de la composition de leur famille et les événements de leur vie. La familiarité et la routine vont de pair avec un sentiment d’enracinement, d’identité, d’appartenance. Les quartiers fonctionnent ainsi comme des microsociétés, dans lesquelles il est difficile de garder l’anonymat, où il est important d’être conscient de sa visibilité et de soigner ses relations de proximité. C’est à cette échelle que s’expriment des gestes de solidarité et que s’exerce une vigilance à l’égard des situations difficiles, des personnes seules, des malades, des formes de déviance, de la violence et de la délinquance. Le quartier concrétise l’idée de communauté que j’entends de façon répétée. Territoire d’existence et de pratiques, la communauté peut épouser les frontières de la circonscription électorale, représentée par un délégué. Elle se vit différemment dans les centres urbains denses et dans les régions rurales, dont les habitants sont éloignés les uns des autres.
46Dans le quartier, l’on marche. Avec l’avancée en âge, les trajets en bus et surtout les longues attentes pour parvenir à y monter deviennent pénibles. Les autres moyens de circulation, comme les taxis collectifs ou les bicitaxis, sont trop onéreux pour un usage régulier avec une seule pension de retraite. Le périmètre de mobilité des personnes très âgées se contracte, leur vie quotidienne se mène dans une large mesure à proximité du domicile, à pied, dans un périmètre restreint et de façon routinière. Elles en viennent à passer dans le quartier la majeure partie de leur temps, entre points d’approvisionnement, logement, consultations médicales, et activités culturelles et récréatives. Elles en parcourent les petites rues à pied, évitant les artères passantes et les trottoirs crevés de trous et défoncés par les racines des arbres qui en bordent certaines, pour préférer les chaussées dégagées par une circulation automobile rare.
47Par leur maillage serré, les institutions sociales, culturelles et sanitaires du territoire participent activement à la production de la communauté territoriale : le travail communautaire se réclame de la culture communautaire et la produit en même temps. Outre les professionnels qui lui sont affectés, le travail communautaire repose sur l’engagement volontaire d’étudiants, de retraités, d’artistes et d’intellectuels, à l’instar de ceux et celles qui animent les talleres et les círculos de abuelos. Les hommes et les femmes âgés sont des piliers importants de la vie communautaire.
48Les comités de défense de la révolution ou CDR contribuent aussi à donner une consistance sociale et politique aux territoires locaux. Ils représentent l’une des organisations de masse de la révolution cubaine, créée en 1960 pour enrayer les sabotages organisés par les contre-révolutionnaires. Ils ont connu leurs heures noires dans les années 1970, aux périodes de forte répression contre manifestants, délinquants, pratiquants de la prostitution, homosexuels considérés comme déviants, et autres critiques politiques. Ils ont été très actifs dans la surveillance de la délinquance économique, petits trafics et transactions illégales, dont les protagonistes étaient sévèrement punis. À La Havane, un CDR regroupe quelques dizaines de ménages, généralement les deux côtés d’une rue sur la longueur d’un pâté de maisons. Il est doté d’un président ou d’une présidente, clairement identifié, et des cotisations sont récoltées régulièrement auprès de toutes les maisonnées incluses. L’affiliation n’est pas obligatoire, mais, comme me le commentait Eduardo, « Si tu n’en fais pas partie, tout le monde le sait et te soupçonne. »
49Des rondes nocturnes étaient organisées par les CDR, avec comme mot d’ordre une sécurité dont le champ débordait de beaucoup la délinquance ordinaire. Comme me le disait Jeannette avec nostalgie, ces pratiques sont tombées en désuétude, les jeunes s’en détournent et seuls certains membres convaincus de la vieille génération les maintiennent encore. Le président de chaque CDR fait des rapports au comité de vigilance du quartier ou, le cas échéant, au représentant du ministère de l’Intérieur qui réside dans chaque pâté de maisons. Si nécessaire, celui-ci fait remonter les informations à ses supérieurs hiérarchiques par l’intermédiaire de responsables d’une unité territoriale plus étendue.
50Les CDR ont aussi pour mission de promouvoir les mesures et programmes décidés par le Parti communiste cubain, dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection civile. Pendant les années couvertes par mon enquête, c’est essentiellement ce rôle civique, voire social et de solidarité, que je constaterai : des affichettes fixées sur les pylônes électriques ou des portes convoquent les habitants à des réunions d’information sur les maladies transmises par les moustiques, appellent des volontaires pour entretenir la voirie ou aller au secours de familles dont le logement a été victime d’un cyclone. Les CDR mettent en œuvre les campagnes de vaccination et de don du sang. Ils convoquent des réunions de « reddition de compte » des élus locaux. Leurs responsables se proposent pour faire entrer les fumigateurs chargés d’éliminer les moustiques dans les logements des absents. Ils s’assurent de la présence des habitants du quartier aux grandes manifestations révolutionnaires. Ce sont les CDR qui ont organisé les consultations populaires lors de la révision de la Constitution en 2018 et mis en place les bureaux électoraux en février 2019.
51Dans un habitat aussi dense que celui de Centro Habana, tous les membres d’un CDR se connaissent, se voient quotidiennement comme voisins, dans la rue, sur les balcons, dans les cages d’escalier. Cette proximité nourrit la culture de vigilance. « Si je vois un enfant du voisinage dans un autre quartier, me dira Rosita, une présidente de CDR de Cayo Hueso, je lui demande ce qu’il y fait et je le renvoie chez lui. Je préviens aussi ses parents, pour qu’ils le surveillent mieux. » Afin d’aider Teodora à parcourir de son pas chancelant les quelques centaines de mètres pour venir à notre rendez-vous au taller, mais avec une curiosité ouverte et une légitimité affichée, la même Rosita assistera à notre entretien et répondra à la place de Teodora à plusieurs de mes questions. C’est elle encore qui organisera la prise en charge d’une vieille dame isolée et presque impotente.
52Je ressens moi aussi mon appartenance à Cayo Hueso. Au fur et à mesure de mes séjours, je m’y repère de mieux en mieux. Avec le temps, j’ai l’impression d’échapper au qualificatif de touriste dont tous les étrangers repérables sont affublés. Je prends quelques habitudes auprès des commerçants et des bicitaxistas. Je me fais reconnaître par des voisins, que je salue soigneusement. Mes ateliers de français au taller m’ont conféré une certaine visibilité et des enfants m’interpellent dans la rue « ¡Profe ! » Je suis aussi concernée par la surveillance des CDR. Alian et Melina ont dû demander l’autorisation de la présidente de leur CDR pour me loger à titre gratuit pendant les semaines que je passerai chez eux à l’automne 2018. J’ai pris bien soin de la saluer et de la remercier de cette autorisation lors de la fête des CDR. Et la présidente du CDR qui englobe le solar de Papy et Mamy où je loge en 2019 pointera aussi son nez pour savoir si je suis une locataire non déclarée, ce qui constitue un délit économique grave.
53Je prends progressivement la mesure du point de vue particulier que le choix de résider à Cayo Hueso imprimera sur mon regard. Mon ami Eduardo m’interpelle : « Et tu veux rester là-bas, à Centro Habana ? Tu l’aimes, ce quartier ? Tu ne penses pas que tu serais mieux ici ? Tu sais, près de chez moi, une dame loue aussi des chambres à des touristes, tu serais plus tranquille. » Et, en réponse à mes véhémentes protestations expliquant à quel point je me sens bien dans « mon quartier » : « Cela ne te dérange pas que, là-bas, les gens crient dans la rue, s’interpellent d’un balcon à l’autre ? Tu ne trouves pas que c’est sale, que les ordures ne sont pas ramassées, que cela sent mauvais ? » Eduardo vit dans un quartier résidentiel tranquille du Vedado, de population essentiellement blanche et d’origine bourgeoise, là où son père, médecin lui aussi, avait son cabinet de cardiologie. Par effet de miroir, je prends conscience du marquage racial et de classe de Centro Habana, fruit d’une histoire populaire et métissée avec laquelle Eduardo, médecin et fils de médecin, maintient une distance. J’ai l’impression que l’atmosphère bruyante et animée de Cayo Hueso donne plus à voir et à entendre qu’un quartier aux maisons individuelles closes.
* * *
54Une autre institution locale œuvre au bien-être holistique des personnes âgées : les universités du troisième âge. En octobre 2013, je me rends dans le taller de Cayo Hueso, pour saluer les personnes présentes et voir ce qui s’y passe. Lorsque j’arrive, une dame très élégante est assise. « C’est Alida, présidente d’une chaire de l’université du troisième âge. Je lui ai dit que tu venais, je pense que tu seras heureuse de la rencontrer », m’interpelle María Felicidad, que j’avais eu la bonne idée d’appeler avant ma visite. Avec son emphase coutumière, elle ajoute : « Les universités du troisième âge ont été fondées pour que les personnes âgées se donnent l’importance qu’elles méritent et qu’elles développent leur amour de soi. Qu’elles ne souffrent pas de leur passé mais se projettent dans l’avenir. Tout le monde a un potentiel, on a tous quelque chose à donner, avec nos différences et nos individualités. Le développer aide à soulager les problèmes sociaux. » Un peu pressée, Alida m’invite : « Justement, mercredi prochain, nous avons une sortie, nous allons en bus dans une coopérative agricole, à Arroyo Arena. Tu peux venir avec nous si tu veux ? On demande juste dix pesos de contribution, pour notre participation aux dépenses du bus et le goûter à la coopérative. Ainsi, tu feras connaissance avec les universités du troisième âge. » Je suis ravie.
55Quelques jours plus tard, je me retrouve à huit heures du matin au coin du parc des Martyrs de l’école de médecine. Je repère un petit attroupement facile à identifier. La coordinatrice me fait signe, me présente aux autres participants, quelques hommes et surtout des femmes, dont certains me reconnaissent pour m’avoir vue au taller. Tout le monde est bien habillé, les femmes maquillées, les hommes en chemise ou guayabera et havane sur la tête. Nous montons dans le bus garé le long du trottoir et qui a été « prêté » par un centre de travail. Je comprends qu’il s’agit là d’un arrangement informel et quelque peu illégal, mais courant, qui rend service à plusieurs protagonistes. L’usine (ou le responsable du matériel roulant) retire un petit bénéfice d’un équipement destiné à transporter des travailleurs, mais sous-utilisé. Le chauffeur gagne quelque argent en le conduisant. L’université trouve ainsi un moyen de locomotion ; elle doit contribuer aux frais d’essence et rémunérer le chauffeur et la chaîne d’intermédiaires. L’ambiance est celle d’une excursion joyeuse et indisciplinée, les passagers se hèlent, plaisantent, rigolent. Alida passe entre les rangs pour récolter les contributions. Je suis installée près de Semíramis, avide d’échanges et de contacts avec l’étrangère que je suis.
56Nous arrivons à Arroyo Arena, une bourgade riante de la banlieue sud-ouest de La Havane : « Mon frère y habite, me dit Semíramis, j’irai le voir cet après-midi, tu pourras venir avec moi si tu veux. » Le bus s’arrête dans une allée de terre flanquée de palmiers. En file indienne, nous nous engageons dans un sentier étroit, orné de plantes luxuriantes, qui borde de petits bâtiments coquets bleus et blancs. La directrice de la coopérative nous souhaite la bienvenue et nous explique où nous sommes : c’est un centre de production horticole et fructicole, qui approvisionne surtout les institutions publiques de la capitale : hôpitaux, écoles, crèches, orphelinats, centres pour personnes âgées. Un camion débordant de régimes de bananes stationne dans l’allée de la coopérative, prêt à partir livrer. La directrice nous invite à visiter les plantations qui entourent les bâtiments : une atmosphère de serre, des bananiers plantureux, intercalés avec des goyaviers et bordés de grands manguiers et, au-delà, des alignements de papayers et des cultures de haricots. Des rigoles permettent l’irrigation, dont l’eau s’infiltre dans des cuvettes cernées de buttes, aménagées au pied des arbres fruitiers.
57La visite achevée, un autre volet de l’activité de l’université démarre : certains proclament des poèmes, d’autres lisent des passages des écrits de José Martí et un petit groupe entonne une chanson que tous reprennent. Mon attention est attirée par une petite femme aux courts cheveux noirs, qui parle espagnol avec un fort accent. Je me rapproche d’elle, engage la conversation : c’est Jeannette, une Française qui a épousé dans les années 1960 un agronome cubain qu’elle a rencontré au cours d’un voyage organisé par une association qui permettait à de jeunes Français de visiter des pays communistes. Maintenant retraitée, elle a travaillé de longues années comme assistante sociale. Nous promettons de nous revoir, d’autant qu’elle est en train de rédiger ce qu’elle appelle une « petite thèse » pour l’université du troisième âge, sur le thème des personnes âgées seules dans son quartier. Il s’agit donc d’une vraie université ?
58Après une collation, une petite brique de jus et une part de gâteau, pendant que les dames se reposent et s’assoupissent, Semíramis m’emmène chez son frère, en bas de la rue. Médecin à la retraite, il a passé plusieurs années dans la guerre d’Angola, dont il est revenu fort traumatisé. Il n’appartient à aucune organisation du troisième âge, mais passe le plus clair de son temps comme volontaire à la clinique d’à côté, avec d’autres vétérans de la guerre. « Il est obsédé par la guerre, me dit Semíramis qui s’énerve, il continue à vivre dans ce monde. Avec ses copains, ils ne parlent que de leurs souvenirs. » Sur le chemin du retour, nous promettons de nous revoir, mais ce ne sera pas possible avant la fin de mon séjour : « Une prochaine fois ? »
59Avant que tout le monde ne s’éparpille, je demande un rendez-vous à Alida, pour qu’elle m’explique ce qu’est cette université. « Appelle plutôt Teodora, c’est elle la présidente de l’université au niveau municipal, elle te racontera tout. » Je le fais de la maison des enfants, dès mon retour, encouragée par María Felicidad. Je connais déjà la vieille dame, qui participe aux activités du círculo des Mariposas. La rencontre est délicieuse. Rosita, la présidente de son CDR, aiguillonnée par la curiosité, l’a accompagnée pour le trajet, étiré par les difficultés à marcher de Teodora. Nous sommes assises sur un petit banc dans le square qui jouxte la maison des enfants. D’une ineffable élégance, la vieille dame me séduit de son sourire lumineux et de son intelligence pétillante.
60Elle m’explique que les universités pour le troisième âge ont été fondées au début des années 2000, à l’initiative du mouvement des retraités, pour étendre l’unique classe qui existait alors dans la faculté de psychologie. Il s’agissait d’incorporer les universités aux politiques sociales de développement communautaire. Pour ce faire, il leur a fallu modifier leurs pratiques et qu’elles utilisent l’animation socioculturelle comme outil de promotion du savoir. L’université devient alors une institution engagée dans le développement socioculturel de la société. C’est ainsi que s’est structuré le mouvement des universités populaires communautaires, sous les auspices de l’association des pédagogues, des sections de retraités de différentes branches de la Confédération des travailleurs cubains et des facultés de psychologie des universités.
61Les universités pour le troisième âge relèvent du ministère de l’Éducation. Organisées au niveau national, puis provincial, elles se déclinent en chaires municipales, elles-mêmes concrétisées par des aulas ou classes, qui portent généralement le nom de héros ou héroïnes révolutionnaires. Je constate encore une fois à quel point l’institutionnalisation de ces organisations est solide et semble leur conférer de la légitimité. Au début, m’explique Teodora, il n’y avait qu’une chaire par municipio, mais les distances à parcourir pour s’y rendre étaient trop longues et les demandes trop nombreuses pour être acceptées. Très vite, les classes se sont démultipliées et décentralisées. À Cayo Hueso, il y a donc quatre classes, donc l’une est rattachée à la Fragua martiana et une autre à l’université de La Havane. María Felicidad est ainsi collaboratrice de ces deux classes et de surcroît coordinatrice scientifique. L’inscription est ouverte à tous et toutes, même aux personnes de très faible niveau d’instruction ou aux analphabètes fonctionnels. Chaque classe contient entre trente et quarante personnes, en vaste majorité des femmes. Au début, les professeurs qui y enseignaient furent formés aux techniques d’éducation populaire et aux questions gérontologiques. Tous sont bénévoles et une bonne part eux-mêmes retraités.
62Les participants à une aula sont organisés en « familles pédagogiques », c’est-à-dire des cellules de quatre à cinq personnes qui adoptent un nom et s’entraident. Par exemple, si une personne manque un cours, les autres peuvent le lui apporter, pour qu’elle ne prenne pas de retard sur le programme. Les familles pédagogiques apportent à tour de rôle de petits goûters ou une boisson lors des sessions. Par cette forme d’organisation, les liens entre leurs membres s’intensifient et leur dépendance à l’égard de leur famille se réduit. Les termes de Teodora sont très proches de ceux de María Elena lorsqu’elle me parlait du círculo : qu’ils vivent seuls ou partagent un logement surpeuplé, l’université permet aux participants de ne pas être relégués à la maison. Ils ont leur propre activité. Le jour où une personne doit venir à l’université, elle travaille moins à la maison, elle acquiert un espace propre. Ses activités à l’université lui permettent d’être mieux capable de négocier, de réclamer une autre place dans la famille et d’être moins surchargée de travail à la maison. Elles lui occupent aussi l’esprit, contribuant à son bien-être psychique et donc physique.
63Dans leur contribution à l’incorporation des personnes âgées au développement communautaire, l’objectif des chaires universitaires est ainsi pluriel : éducatif, social et sanitaire. J’ajoute qu’il est aussi politique, tant est présent, dans le discours de Teodora, le besoin d’intégration sociale, celui de se maintenir utile et de continuer d’être impliqué dans l’espace public, selon l’ethos révolutionnaire : il s’agit d’un engagement de chacun selon ses moyens, pour le collectif de tous. Les universités sont donc complémentaires des círculos et s’en distinguent.
64Dans une perspective gérontologique, leur mission est d’éduquer les personnes pour qu’elles aient une meilleure qualité de vie, mais pas de freiner le vieillissement : il n’est pas considéré comme un problème ou une maladie, mais plutôt comme une étape du développement humain, une période pleine de richesse et de ressources. « À partir de soixante ans, on peut se préparer pour la vieillesse. Et il est important de rendre les enfants conscients des étapes de la vie aussi. Il est important de maintenir les personnes retraitées actives, intégrées et engagées dans la communauté. Et aussi de leur donner une chance d’aller au musée ou au théâtre, quand nombre d’entre elles ont juste travaillé toute leur vie, sans pratiques culturelles » ajoute-t-elle, dans la même veine que María Elena.
65Le programme de l’université des personnes âgées est construit autour de cinq modules : il démarre par une étape propédeutique, qui présente l’ensemble du programme. L’objectif est de permettre aux participants de dépasser leur appréhension, assez commune. Le second module est appelé « développement humain », il porte sur le processus de vieillissement et l’ensemble du cycle de vie, ses dimensions sociales et psychologiques et l’organisation de la vie quotidienne. Vient ensuite le module d’éducation à la santé, y compris les questions de bioéthique, d’isolement, de culture de santé et de diététique. Le travail et la sécurité sociale constituent le module suivant, visant à ce que les participants connaissent leurs droits généraux et spécifiques comme personnes âgées. Finalement, le dernier module traite de la culture et organise des visites de musées, des excursions et des cours sur la pensée de José Martí. L’obtention du diplôme dépend des capacités de chacun et chacune. Certains participants rédigent une « thèse » et certains l’exposent publiquement, voire participent à un débat ou une table ronde. Le cycle initial est d’un an, mais des cours de continuité sont ensuite offerts « pour que la personne âgée se maintienne active et qu’elle exerce sa mémoire ».
66Teodora me dit que la plupart des personnes de son cours ont renouvelé leur inscription après la première année, pour continuer à apprendre mais aussi pour maintenir les liens d’amitié : « Ils se rendent visite, se téléphonent, fêtent leur anniversaire ensemble et nous organisons de nombreuses peñas et des excursions. L’université les fait passer d’un lien ou d’une intégration par le travail, à une intégration communautaire. » Les personnes diplômées peuvent aussi prolonger leur cursus par un autre cours, d’informatique, d’anglais ou autre. L’université les aide à trouver le cours qui leur convient et à s’inscrire. Des places sont réservées pour les personnes âgées dans différentes formations et, en particulier, celles recommandées par l’université du troisième âge.
67Teodora ajoute : « Nous avons un problème, le manque de diffusion de l’information. Les gens ont peur de l’étiquette “université”, mais nous encourageons les participants à être des multiplicateurs, à faire circuler leur témoignage. Nous utilisons tous les supports possibles pour recruter de nouveaux participants, les banques, les bodegas, la poste, les pharmacies. Il faut pourtant reconnaître que de nombreuses personnes âgées ont des problèmes économiques : elles doivent continuer à avoir une activité qui complète leur revenu, soit dans leur centre de travail, soit en vendant du café, ou comme gardien ou encore réparateur de pièces industrielles qui manquent à Cuba. Elles n’ont pas le temps de venir à l’université11. »
68Xenia, la directrice du taller de Príncipe, à qui je raconterai la conversation, me commente : « Les personnes qui vont à l’université du troisième âge croient que c’est vraiment une université et se prennent un peu la grosse tête. En fait, les gens vraiment diplômés de l’université sentent bien qu’il existe un décalage, un malentendu. Mais c’est le propre de l’éducation populaire de se situer en dehors de l’éducation formelle. » Elle ajoute que les personnes qui fréquentent les universités ne sont pas les mêmes que ceux des círculos : « Les âgés qui font de l’exercice dans les parcs, on les appelle “los abuelos del parque” (les papis et mamies du parc). Les participants à l’université du troisième âge ne veulent pas forcément faire des exercices en public. »
69Rosita s’est lassée de ce long entretien et je propose à Teodora de la raccompagner chez elle, dans la rue San José, à l’autre bout du quartier. Nous mettons une heure à marcher tout doucement, au bord de la chaussée, elle appuyée sur sa canne et de l’autre côté sur mon bras. Un monsieur l’interpelle : « Señora, il vaut mieux marcher sur le trottoir que dans la rue. » Elle lui répond que les trottoirs sont souvent plus dangereux que les chaussées et me fait remarquer leur mauvais état. « Souvent, les feux sont trop courts pour que je puisse traverser la rue, et regarde, les petites rues n’ont pas de feu, les personnes qui marchent mal ont peur de traverser seules. » Avec une quinzaine de coordinatrices des chaires universitaires, elle s’est mobilisée pour l’amélioration de l’accessibilité des rues pour les personnes âgées. Lors d’une rencontre avec les autorités de la circulation de Centro Habana, elles ont demandé des adaptations. Les feux de circulation devraient être régulés pour donner aux personnes qui marchent lentement le temps de traverser les avenues les plus larges en sécurité. Les bus devraient s’arrêter juste au bord du trottoir pour que les passagers n’aient pas besoin d’en descendre pour franchir la haute marche d’accès aux véhicules. Il faudrait aussi réparer les trottoirs en très mauvais état, qui font trébucher les personnes au pas incertain. Le résultat : « Ils vont le communiquer plus haut. » Je constate que Teodora mobilise avec confiance les voies administratives et politiques pour tenter de changer les choses : elle interpelle également le délégué de quartier et les présidents de comités de défense de la révolution.
70En 2019, je retrouverai Semíramis dans la maison des enfants. Je l’avais perdue de vue depuis deux ou trois ans. Elle était en mauvaise santé pendant ces années, et moi engagée dans des projets qui m’ont menée à sortir fréquemment de La Havane et à passer moins de temps au taller. Je ne l’avais recherchée que mollement, peu enthousiaste de partager à nouveau ses plaintes, sa colère contre son frère et ses épisodes de maladie étayés de force détails. Nous sommes heureuses de nous retrouver : « Je vais beaucoup mieux, ils m’ont découvert un problème de thyroïde et, avec les médicaments, je suis moins fatiguée et moins déprimée. J’ai recommencé les activités de l’université et débute ma propre recherche. »
71Contente de la trouver dans de si bonnes dispositions, je l’accompagne le lendemain à une activité de l’université du troisième âge qui a lieu dans la Fragua Martiana. Je retrouve Alida, très élégante comme toujours, mais plus petite et menue que dans mon souvenir. Comme Teodora, elle fait partie des grandes dames de la révolution, engagées, solidaires et fermes dans leurs convictions, reconnaissantes pour la mobilité vécue et dignes dans leurs difficultés matérielles. La séance commence par quelques mouvements de gymnastique, une brassée de préceptes de psychologie positive, des conseils de respiration et de nutrition, que professent des participants bien préparés et à qui ce partage offre une reconnaissance. Je comprends que ces cercles procurent une incitation à se former, à apprendre, à préparer des interventions, qu’elles dynamisent leurs membres. S’ensuit la déclamation de poèmes. Comme aucune conférence formelle n’est programmée ce jour-là, Alida me propose de parler de ce qui m’amène, de mes travaux, de mon intérêt pour Cuba et les organisations de personnes âgées. Dans l’esprit participatif qui caractérise ces assemblées, je m’y prête volontiers, tentant de trouver des angles qui puissent alimenter les discussions, sans m’embourber dans un dualisme stérile, une comparaison à l’emporte-pièce entre un « chez vous » qui s’opposerait à un « chez nous ».
72Semíramis me raconte son nouveau projet, celui dont elle pense faire une « petite thèse » pour l’université ou même écrire un livre. Ce projet l’enthousiasme et je réalise à quel point l’université est importante pour la sortir d’elle-même, de sa solitude, des incessantes limites qu’elle doit imposer à ses envies du fait de sa pauvreté. Elle voudrait retourner sur les lieux où se sont installés ses grands-parents et parents lors de leur arrivée du Liban autour de 1930, une bourgade nommée Nicaro, située sur une toute petite péninsule qui s’avance comme un doigt dans la Baie de Levisa, à l’extrême nord-est de Cuba. « Avant, on l’appelait “langue d’oiseau”, tellement elle est fine et longue », me raconte-t-elle. Il s’y trouve l’une des principales mines de nickel et de cobalt, qui sont parmi les plus importantes ressources minières de l’île. Après la Seconde Guerre mondiale, les investisseurs étatsuniens y avaient implanté une usine, maintenant obsolète et fermée. Semíramis sait que ses grands-parents étaient colporteurs, comme de nombreux Libanais. Elle porte un nom d’origine moyen-orientale, celui d’une reine assyrienne et elle a appris quelques mots d’arabe dans son enfance. Elle a retrouvé des lettres au décès de sa mère, mais il lui manque une partie de l’histoire, et elle espère trouver des traces de ces parcours sur place. Comment les Libanais sont-ils arrivés là ? Quelles activités ont-ils exercées ? Elle voudrait aussi enquêter sur le devenir de ce lieu. Elle pense que ses problèmes de prostate sont liés aux pollutions industrielles auxquelles elle a été exposée dans son enfance. « Mais je n’ai pas d’argent, me dit-elle, il en faut ne serait-ce que pour voyager jusque là-bas, trouver un endroit où dormir, contacter des gens. » Je suis très intéressée, l’aventure me tente, je promets à Semíramis de revenir pour y aller avec elle.
* * *
73« Papy, Mamy, ce mardi il y a une peña au Taller de Príncipe, vous voudriez y venir avec moi ? » Mamy est assez enthousiaste, mais décline : « Tu sais, je dois aller chez Telma, cela m’étonnerait que j’en sois revenue. » J’essaie de l’encourager : « La prochaine fois, on y va ensemble ? » « J’aimerais bien, j’aimais beaucoup danser et cela fait longtemps que je ne l’ai pas fait. À Bayamo, on allait souvent au bal. Je vais de temps en temps au Palacio de la Rumba, au Parque Trillo, on s’y retrouve à plusieurs amies dans l’après-midi et on danse. Mais tu vois bien, les filles me demandent toujours d’aller les aider, je n’arrive pas à trouver du temps pour moi », me répond Mamy.
74Quant à Papy, prudent, il ne s’engage pas : « On verra, pourquoi pas, mais à cette heure-là, il y a des chances que je doive garder Amadeo. » Je l’encourage : « On pourrait l’emmener alors, tu verras, c’est un grand espace où il sera en sécurité ! »
75J’ai dû un peu insister. Papy se faisait apparemment une montagne de ce déplacement qu’il voyait comme une réelle expédition. Je crois qu’il avait peur de prendre la responsabilité de son petit-fils pour sortir de l’immédiat périmètre des rues adjacentes. Ma caution certainement a joué un rôle dans l’autorisation donnée par Melina, qui ne fait guère confiance à son père. C’était l’époque où Amadeo, n’ayant pas encore de place en crèche, restait fréquemment l’après-midi avec un de ses grands-parents pour la sieste, pendant que Melina vaquait à diverses occupations.
76Une fois l’enfant réveillé de son somme et son biberon de lait bu, nous voilà partis avec la poussette-canne que j’avais achetée en seconde main dans la rue lors de notre voyage à Camagüey. Le trajet n’est pas long, il nous suffit de remonter la rue San Miguel jusqu’à la large avenue Infanta et de bifurquer vers la gauche pour entrer dans la Calzada où se trouve le taller. La fête bat déjà son plein quand nous arrivons, nous libérons Amadeo de ses harnais et le laissons déambuler entre les gens et les plantes de la grande cour, en le surveillant pour qu’il ne sorte pas dans la rue. Papy a l’air bien content, ne résiste pas à l’appel de la danse et m’entraîne. Au retour, le petit dort sans sa poussette, Melina se douche et Mamy, revenue de Playa, est affairée à la cuisine. Nous racontons nos aventures et je leur montre quelques photos de la peña.
77Je tente de comprendre pourquoi Papy et Mamy se maintiennent totalement à l’écart des activités des talleres, círculos et autres universités pour personnes âgées. Est-ce par faute de temps uniquement ? Parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans l’image desdites « personnes âgées » ? Par appartenance sociale ?
78En 2019, quand je partage le solar avec Papy et Mamy, je me rends compte que Mamy a pourtant réussi à sauvegarder un temps pour elle. Elle va régulièrement faire de l’exercice avec Ana Argentina, sa sœur. « C’est juste à côté, j’ai dit à Telma que demain j’irai plus tard chez elle, viens avec nous si tu veux. »
79Le lendemain matin, nous voici prêtes quand arrive Ana Argentina, délicieuse et drôle. À deux blocs de là, nous rejoignons le petit parc d’agrès devant lequel j’étais souvent passée et que j’avais toujours vu fermé. Une vingtaine de personnes d’âge divers y font de l’exercice, sous le regard d’une grande instructrice en survêtement de sports marqué du logo de l’Institut national des sports, de l’éducation physique et des loisirs. Mamy me présente, demande l’autorisation que je participe. De nouveau, l’activité est conduite par les autorités de santé qui embauchent l’instructrice. Nous nous installons toutes les trois sur des espèces de balançoires qu’il faut repousser avec les jambes, pour les muscler. Mamy et Ana Argentina, sérieuses, comptent leurs mouvements. Elles ont reçu une ordonnance de leur médecin de circonscription. Il leur a prescrit une gymnastique d’entretien correspondant à leur âge, que l’instructrice a traduite en séries précises de mouvements.
80Lorsque nous passons à un agrès qui permet de faire travailler la taille et le dos, en faisant pivoter de petites plates-formes avec nos pieds, nous partageons l’équipement avec un jeune homme qui a eu un accident vasculaire cérébral et vient depuis dix-huit mois se rééduquer dans le parc. « Si tu l’avais vu quand il est arrivé, il était pratiquement paralysé de tout le côté gauche. À force d’assiduité et d’efforts, il a recommencé à marcher et sa paralysie recule », admire Mamy. Le jeune homme, dont la parole est encore empêchée, sourit fièrement. Il transpire à grosses gouttes, le soleil gagne du terrain et nous y sommes déjà exposés. L’instructrice se rapproche de nous et apprécie ses progrès, l’encourage, corrige une posture, puis nous laisse continuer en bavardant. Quelques dames et un jeune homme profitent de l’ouverture du parc pour venir faire en plein air de l’exercice et de la musculation. L’une d’entre elles a étalé un carton sur le sol et souffle dans sa série de relevés de buste. Vers 11 heures, le parc ferme. Mamy file se changer pour aller chez Telma.
81Et Papy, pourquoi ne va-t-il pas, lui aussi, faire des exercices dans le parc ? Mamy me répond sur un ton amer : « Omar reste toute la journée devant la télévision, parfois il ne se rase pas, il se renferme et devient paresseux. » De fait, c’est ainsi que je le retrouve la plupart du temps pendant ce séjour chez eux. Il est coupé d’une partie de la famille depuis le déménagement d’Alian et Melina. Il est aussi éloigné de Mamy qui passe une bonne partie de ses journées chez ses filles et le houspille quand elle est avec lui. Il ne fréquente pratiquement personne. Serait-il menacé par la dépression que les organisations de personnes âgées tentent de combattre ?
Notes de bas de page
1 Organisation de personnes âgées.
2 Maison du petit garçon et de la petite fille.
3 Programme intégral de soins aux personnes âgées.
4 Pour autant, la fréquentation des círculos est assez réduite : environ 8 % des femmes de plus de soixante ans et 4 % des hommes de la même tranche d’âge (mais 9,1 % des femmes de plus de soixante-quinze ans et 5,7 % des hommes du même âge) [Enquête sur le vieillissement 2017, Onei et al., 2019]. En cause essentiellement : leur éloignement des domiciles, l’absence de mode de transport et le temps occupé par les tâches familiales.
5 La guayabera est une chemise populaire en Amérique latine et aux Antilles. À manches longues ou courtes, elle a quatre poches, deux au niveau de la poitrine et deux au niveau du ventre.
6 Petites îles basses de sable et de corail, îlot ou récif, typiques des Caraïbes. En français, se dit cayes et en anglais, keys.
7 Au cours des douze mois précédant l’enquête sur le vieillissement de 2017 [Onei et al., 2019], environ 50 % des hommes et des femmes de plus de cinquante ans ont accompli au moins une activité bénévole : la collaboration, l’assistance ou l’aide bénévole dans des organisations de masse, des politiques et des conseils de quartier, dans des institutions des systèmes nationaux de santé et d’éducation, dans d’anciens centres de travail, dans des institutions ou des groupes religieux, ou d’autres non spécifiés. La prévalence est plus forte dans le groupe des 50-59 ans (autour de 60 %) et 60-64 ans (autour de 57 %) qu’aux âges plus avancés, plus de 75 ans (autour de 40 % pour les plus de 75 ans).
8 Il s’agit d’un lys papillon ou lys de guirlande blanc (Hedychium coronarium), la fleur nationale de Cuba associée aux guerres d’indépendance.
9 En 1984, les Consultorios del Médico de la Familia ou postes de santé de la famille ont été instaurés dans l’ensemble du pays. Chacun, tenu par un médecin et une infirmière au moins, sert environ cent vingt familles, soit à peu près six cents personnes.
10 Isabel Rauber, Cayo Hueso, estampas del barrio, Adelantos Editoriales, 2010.
11 Fréquentation des universités du troisième âge selon l’enquête de vieillissement 2017 [Onei et al., 2019] : femmes 60-74 ans : 2,4 % ; femmes de plus de 75 ans : 4,2 % ; hommes 60-74 ans : 2,2 % ; hommes de plus de 75 ans : 2,7 %.
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