Chapitre iv – Prendre soin de sa famille
p. 189-212
Texte intégral
1Au sein des familles, les relations d’interdépendance reposent sur d’importantes contributions de travail et de temps de la génération âgée. Les grands-parents jouent un rôle crucial pour l’organisation domestique de la famille, la résolution des multiples complications de la vie quotidienne et les soins aux petits-enfants. Quelle combinaison d’amour, de nécessité et de faille des politiques publiques se donne-t-elle ainsi à voir ?
2La première fois que je vois Amadeo, en 2016, il est avec Mamy, dans le solar. Mamy, ravie de me retrouver, me parle du coin cuisine, pendant qu’Amadeo, assis dans son parc vide, se lève et prend appui sur le bord pour réclamer de la liberté. « Melina arrive, elle a dû aller chercher des choses pour l’entrée à la crèche. » Je prends dans mes bras le bébé qui a un peu plus d’un an, le cajole, puis le pose à terre quand il commence à se tortiller. Il titube sur ses jambes incertaines vers la porte de sortie. La grand-mère se précipite pour la fermer, pendant que le petit dévie sa course pour aller attraper le balai, avec lequel il commence à arpenter la pièce. Au bout de quelques minutes, Mamy le lui enlève : « Il est dangereux avec le manche, j’ai peur qu’il ne renverse une casserole. » Amadeo commence à protester, puis pivote sur ses jambes et se dirige vers les étagères de la cuisine qui sont à sa portée. Il y enfonce le bras, en retire le rouleau à pâtisserie, avec lequel il commence à taper sur un tabouret en plastique. Au bout de quelques instants, nouvelle déception : Mamy le lui a aussi retiré, de peur qu’il ne fracasse une vitre, la télévision, la vaisselle ou la machine à coudre. Tout est si proche dans l’étroit logement. Amadeo se met alors à ramper à quatre pattes. Mamy l’attrape, m’expliquant :
« Melina ne veut pas qu’il soit par terre, c’est sale pour lui.
— Et que peut-il donc faire, je ne vois pas de jouets ?
— Il a des jouets, mais si je les lui donne il en met partout, après il faut les ramasser. Attends, je vais le remettre dans son parc, on sera plus tranquilles. »
3Amadeo, à nouveau prisonnier de son parc et pas content du tout, se met à hurler. « Je vais lui allumer les dessins animés, il aime bien ça. » Et voilà le mouflet la tête cassée en arrière pour voir l’écran qui le surplombe, enfin calme, fasciné par les figurines qui s’agitent à l’écran en s’égosillant d’une voix nasillarde.
« On peut baisser un peu le son ? je demande.
— Melina va arriver, s’excuse-t-elle, elle va lui donner son bain. »
4Nous parlons de la nouvelle organisation familiale. Melina n’a pas encore repris son travail, bien que la fin de son congé de maternité d’un an soit dépassée depuis deux bons mois. C’est qu’elle vient seulement de se voir attribuer une place en crèche1. Elle est en train de rassembler le trousseau requis : les chaussons, les couverts et les serviettes, et le hamac qu’elle doit fixer sur les tréteaux de bois que lui a donné une amie pour en faire le petit lit de son fils. Elle devra ensuite accompagner la semaine d’adaptation d’Amadeo qui fera des séjours progressivement de plus en plus longs à la crèche.
5La recherche de tous ces objets, en principe disponibles dans des boutiques spécialisées sur présentation de son carnet d’approvisionnement, est une affaire compliquée, qui lui prend beaucoup de temps. Impossible d’emmener le petit : elle n’a de poussette qu’un énorme véhicule bien incommode à faire passer au-dessus des trous des trottoirs ou au travers des racines des arbres qui les crèvent. Impossible également de monter dans un bus – souvent bondé – ou de plier la poussette lorsqu’elle veut emprunter un taxi collectif. « Je suis contente de sortir, un an de congé maternité, c’est assez long ! J’aide aussi Alian dans l’entreprise, pour effectuer des livraisons, des contrôles de listes, des relevés des ventes. Et Mamy peut rester avec Amadeo. »
6Quoiqu’en congé prolongé, Melina est toujours travailleuse sociale. « Je ne sais pas si je reprendrai le travail social, les salaires sont si bas. Je vais peut-être m’enregistrer comme autoentrepreneuse et travailler pour de bon dans l’entreprise d’Alian. De cette façon, je serai plus souvent à la maison, je pourrai aller chercher le petit à la crèche », ajoute Melina. De fait, ce tournant dans les carrières des femmes est fréquent au moment de la naissance de leur enfant, surtout si les parents âgés ne peuvent pas apporter une présence et une aide régulières. Dans la famille Gutiérrez, les grands-parents contribuent assidûment aux besoins de leurs filles et petits-fils, mais Melina veut passer du temps avec son premier enfant.
7Mamy « profite » des moments où elle est avec Amadeo pour préparer des pochettes de disques, qui occupent toujours une partie du solar, en piles bien rangées près du canapé en rotin. Elle participe depuis le début à l’entreprise familiale qui les fait tous plus ou moins vivre. Elle reçoit aussi les clients et revendeurs lorsque Alian n’est pas là, et encaisse l’argent pour lui. Melina gère les listes de disques, ceux qui ont été vendus et ceux qu’il faut reproduire, répond au téléphone et prend les commandes des revendeurs. Alian est le patron. Il s’occupe de la production, des achats de matières premières (disques vierges, pochettes en nylon, cartons, encre) et de certaines transactions nécessaires à l’obtention des copies de morceaux de musique et de films, qui circulent sous le manteau. Papy ne travaille pas directement dans cette affaire, mais il prend en charge une bonne partie de l’intendance et des courses de la maisonnée comme de celle de leur autre fille. Melina ne lui fait pas totalement confiance pour lui laisser son fils.
8C’est aussi le travail de Mamy de faire la cuisine, avec les ingrédients que lui apporte Papy. Melina et elle se partagent le ménage et la lessive, faite le samedi. Melina m’explique que c’est interdit le dimanche et que les jours travaillés, elle préfère l’éviter parce que cela risquerait de déranger ses voisins. La lessive se fait dans l’espace commun du passage. La première étape est de sortir de son petit coin, près de la salle de bains, la machine à double tambour, un pour laver, l’autre pour essorer. On l’installe dans le passage. Il faut bien la pousser contre le mur, pour déranger le moins possible les voisins dans leurs entrées et sorties. L’arrivée d’eau est branchée sur le robinet de la cuisine, tandis que l’évacuation se fait directement dans l’ouverture aménagée dans le sol du passage. Pendant plusieurs heures, Melina enfourne le linge sale dans le tambour le plus large, y met de l’eau et de la lessive, fait tourner, vide la première eau sale et la change, lave et rince encore une ou deux fois, puis essore en faisant tourner le tambour le plus étroit. Elle étend ensuite le linge sur un fil qu’elle hisse avec une perche hors d’atteinte des passants, devant les fenêtres de l’appartement. Le temps qu’une autre fournée soit prête à étendre, la précédente est sèche, tant il faut chaud.
9Quand Melina est à la maison avec son fils, Mamy profite de ce temps libéré pour aller chez Telma, sa fille aînée, qui vit à Playa. Le petit Adolfo de sept ans a aussi besoin de présence lorsque ses parents, qui travaillent tous les deux dans l’audiovisuel, ne sont pas rentrés quand termine son école ou qu’il est malade. Si parfois une voisine peut dépanner, c’est bien souvent ses grands-parents qui vont le chercher à l’école, le font dîner et en profitent pour préparer le repas et faire un peu de ménage. Souvent, Mamy reste trois ou quatre jours de suite chez Telma : elle limite les trajets, en temps et en fatigue. Parfois, Mamy ramène Adolfo au solar, où Telma et son mari viennent le récupérer après le travail. Mais c’est difficile d’avoir les deux garçons dans le minuscule appartement. En jouant ensemble et se poursuivant, ils provoquent une agitation qui devient vite insupportable.
10Papy et Mamy sont impatients qu’Amadeo aille à la crèche. Ils ne cessent de faire des trajets entre les domiciles de leurs filles et doivent souvent partir en urgence pour le long voyage en bus jusqu’à Playa. D’ailleurs, depuis que leurs deux filles ont leurs enfants, ils ont pratiquement cessé de se rendre à Bayamo où ils possèdent toujours leur maison. « Les filles sont venues à La Havane, c’est mieux pour elles, elles ont besoin de nous, m’explique Mamy. Telma travaille et se fatigue, mais nous, on l’aide. » Je demande : « Comment font les gens qui n’ont pas de grands-parents avec eux ? » Papy y a réfléchi : « Si la femme travaille au-dehors2, elle doit avoir une employée pour faire le travail de la maison. » Je m’offusque, le provoque un peu, souligne le contraste entre ses paroles et ses grandes idées sur l’Homme nouveau : ne serait-il pas celui qui partagerait les tâches domestiques ? Se fait-il l’avocat du rétablissement de la domesticité ?
11Il me répond très sérieusement, éludant la question politique et parlant d’eux-mêmes : « Oui, mais on vieillit, on s’épuise. Regarde, Angélica et moi avons presque quatre-vingts ans. Quand Melina recommencera à travailler, on va devoir tout faire, il va falloir qu’on aille chercher Amadeo à la crèche tous les jours, or il marche à peine et la poussette est lourde. Pour l’instant, on est en bonne santé, mais si l’un de nous tombe malade, comment allons-nous pouvoir nous organiser ? » Je m’interroge sur cette réponse un peu décalée. Je comprends qu’il appréhende l’avenir et leur surcharge de travail. L’Homme nouveau est vieux, m’exprime-t-il clairement, il est fatigué.
* * *
12Deux ans plus tard, Mamy est libérée d’une partie des tâches de présence quotidienne auprès d’Amadeo : il est désormais à la crèche, Alian et Melina ont déménagé rue Lucena, et cette dernière a démissionné de son emploi d’assistante sociale pour travailler dans le negocio. Le plus souvent, elle se débrouille pour aller chercher son fils à partir de 16 heures et l’emmener jouer quelques moments au Parque Trillo. En revanche, Mamy passe beaucoup plus de temps chez Telma qui peut, grâce à cette aide, intensifier son activité de tournage pour la télévision et pour des clients privés. En ce dimanche après-midi d’octobre 2018, je suis au solar lorsque Mamy rentre de trois jours chez Telma où elle a cousu, lavé, repassé, nettoyé la maison et cuisiné. Elle m’embrasse, pose son sac de nuit, monte les étroits escaliers de la mezzanine pour aller se changer et réapparaît, à nouveau prête à sortir : « Où repars-tu ainsi si tard, Mamy ? » « Je vais chez Melina, l’aider. » Elle attrape un sac en plastique plein de pochettes de cellophane qu’elle a terminé de remplir. La voilà à nouveau partie et je me sens un peu déçue. Je me dis aussi que jamais ma propre mère ne m’aiderait à ce point et que je n’aurais jamais osé lui demander tant de temps et de disponibilité.
13Depuis qu’Alian, Melina et Amadeo ont déménagé du solar, Mamy a deux, voire trois maisons à entretenir. Chez Alian et Melina, elle est en charge des préparations culinaires qui prennent du temps. Elle se déplace d’un logement à l’autre et passe souvent la nuit chez ses filles, lorsqu’elles sortent, pour rester avec les petits garçons. « Et comme c’est Telma qui a ma machine à laver, je vais aussi chez Melina faire la lessive, mais il faut que je porte mon linge jusque là-bas, c’est lourd et fatigant. Mon problème, c’est surtout les escaliers, maintenant qu’ils habitent au deuxième étage. Tu as vu, les marches sont très hautes. Ils m’épuisent ces escaliers. Papy aussi, il doit porter les courses, et tu sais qu’il a les pieds très gonflés et qui lui font mal ? » Mamy porte aussi les lourds sacs emplis de pochettes de disques dans l’un et l’autre sens. « On prend souvent nos repas chez Melina, tu sais, comme je cuisine là-bas, pour eux, je ne peux pas en même temps cuisiner pour Omar et moi au solar », m’explique Mamy. Au-delà d’un partage, consommer la nourriture achetée par Alian et Melina, mais préparée par elle-même, me semble maintenant presque une rémunération. Le soir, après le dîner dans le nouvel appartement de la rue Lucena, Papy en profite souvent pour traîner un peu et regarder les matches sur le grand écran. C’est d’ailleurs là que je les vois le plus et que j’observe l’évolution des relations familiales.
14Tant qu’Alian et Melina vivaient au solar, Mamy était la maîtresse de maison, mais son rôle aujourd’hui me semble plus ressembler à celui d’une femme de ménage, même si son travail se fait toujours au nom de l’amour et des relations familiales. Consciente de ce glissement, elle évoque elle-même le fait qu’une partie du travail qu’elle fournit pourrait être effectuée par une personne rémunérée. « Quand je suis chez Telma, je fais tout comme chez moi, je lave, je fais le ménage, je prépare les repas, je repasse et répare les uniformes d’Adolfo. J’ai dit à Telma qu’elle pourrait prendre quelqu’un de temps en temps pour laver par terre, mais comme elle n’est pas souvent chez elle, elle ne veut pas laisser une personne qu’elle ne connaît pas chez elle en son absence, elle n’a pas confiance. Et elle me dit que personne ne ferait les choses aussi bien que moi. Melina n’est pas aussi active que Telma, elle est beaucoup chez elle à regarder la télévision, c’est vrai qu’elle pourrait en faire plus. » Mamy incite aussi Melina à embaucher une muchacha, ne serait-ce que de temps en temps, pour « laver le sol », euphémisme désignant des gros travaux de ménage. « Cela lui coûterait cinq dollars par jour, ne me dis pas qu’elle n’en a pas les moyens. » Elle continue : « J’ai soixante-seize ans et je suis très fatiguée. Melina ne se rend pas compte qu’on vieillit et qu’on s’épuise avec ces escaliers, elle nous en demande toujours autant, mais il faudra bien qu’elle se rende compte qu’on s’épuise. » Pendant que je lui parle, Mamy astique la cuisine de Melina. Il est dix heures du soir. Tout le monde a dîné et a laissé son assiette sale sur la table.
15J’aborde prudemment la question avec Melina, qui atermoie : « Regarde, les travaux du plafond ne sont pas terminés, il y a encore du plâtre partout. Je ferai venir quelqu’un quand on pourra tout nettoyer. » En attendant, Mamy balaye, lave le sol et entretient l’appartement.
16Je tente de comprendre cette équation : pourquoi Papy et Mamy ne mettent-ils pas de limite à leur travail pour leurs filles ? Et dans quel cadre moral les deux filles trouvent-elles cette situation normale ? Un jour j’interroge Papy, alors qu’il vient d’aller chercher les poubelles d’Alian et Melina et s’apprête à la tournée des bodegas et administrations pour récolter les rations du mois et payer les factures.
« Papy, pourquoi fais-tu tout cela ? Pourquoi en fais-tu autant, avec tes pieds qui te font mal ?
— Parce qu’il faut le faire et que cela me plaît de faire des choses pour mes filles. Regarde, on vit à trois blocs de Melina, c’est vraiment proche. C’est bien d’avoir Melina à côté, on peut continuer à l’aider avec Amadeo. J’y vais facilement, je porte les courses et Angélica peut aller s’occuper de la maison ou chercher Amadeo à l’école, quand elle n’est pas chez Telma. La seule chose, ce sont les escaliers, ces escaliers, ils me tuent, j’ai du mal à les monter. Cela me tient occupé, il faut bien que je sorte.
— Mamy n’est pas fatiguée d’en faire autant ?
— Mais non, elle n’est pas fatiguée, elle va juste garder Adolfo quand ses parents travaillent, la maison est petite, une fois qu’elle a fait le ménage, la cuisine et la vaisselle, elle n’a qu’à s’asseoir et regarder la télévision, c’est comme dans un hôtel. Ce n’est pas très difficile, il y a des gens qui font le nettoyage toute leur vie dans des hôpitaux, pour quelques centaines de pesos par mois, comme notre voisine qui est maintenant retraitée avec une pension minimum. »
17Je relance la question de payer une femme de ménage. Il me répond ce que m’a déjà expliqué Mamy :
« Il est difficile de trouver quelqu’un qui va le faire comme tu veux, tu la laisses chez toi et elle ne travaille pas, ou bien pas correctement, pas comme tu veux. Telma est absente toute la journée. Si une femme vient faire le ménage, il faudra quelqu’un pour la surveiller. Il vaut mieux qu’Angélica y aille et fasse le travail elle-même. »
* * *
18Tout autour de moi, les situations et récits semblent accréditer la thèse de la normalité de ces situations d’entraide poussées à ce qui me semble des proportions assez extrêmes. Où que j’en parle, je n’entends que des références à la normalité : « Nous sommes une famille, c’est normal d’aider ses enfants » ou « Nos enfants ont besoin de nous. » Norma, une de mes logeuses, dont la majeure partie de la famille a migré aux États-Unis après la révolution, m’en fournit un indice a contrario. Au départ de ses parents et frères et sœurs, Norma, qui avait à peine dix-huit ans, est restée à Cuba parce qu’elle était amoureuse d’un futur médecin qui ne voulait pas s’exiler. « J’ai élevé mes enfants toute seule », me dit-elle. Je m’étonne : « Mais ton mari était ici, avec toi ? » « Oui, mais ma mère n’était pas auprès de moi. » Élever ses enfants seule, c’est donc les élever sans sa mère ? La vieille Teodora me raconte une histoire similaire : « Quand mes enfants sont nés, j’étais seule parce que ma mère est morte quand j’ai eu dix-huit ans. » Moi : « Et le père de tes enfants, il n’était pas avec toi ? » « Si, si, on est restés ensemble dix-neuf ans. » « Dans une histoire de vie, me confirmera une sociologue à qui je confie mes réflexions, il y a toujours une mère ou une tante qui t’a aidée. » La norme, c’est d’aider et d’être aidée, entre femmes de différentes générations.
19Ce constat me rend songeuse. Comment se fait-il que les efforts de la révolution cubaine pour alléger la charge de maternité des femmes ne soient pas parvenus à défaire cette forte interdépendance des générations, ou, dit autrement, que la jeune mère compte autant sur sa mère3, que la mère âgée soit si nécessaire à sa fille devenue mère ? En observant et interrogeant, je parviens à plusieurs éléments de réponse.
20Une fonction cruciale des personnes âgées est la prise en charge de l’organisation familiale. Compliquée par les innombrables démarches et files d’attente nécessaires pour acquérir les biens du foyer, régler les factures, tâcher de trouver un article ou service rare, mettre à jour des papiers, etc., elle nécessite beaucoup de disponibilité pendant la journée. C’est le rôle principal de Papy. Il passe plusieurs heures quotidiennes à courir des services, points de vente et institutions qui ne sont généralement pas ouverts en soirée. À de multiples occasions, les employés s’absentent de leur lieu de travail ou y arrivent tard, parce qu’ils ou elles ont dû « résoudre » un problème pendant leurs heures ouvrées. Dans les années 1970, la Fédération des femmes cubaines a instauré le Plan Jaba, appelé à aménager les heures d’ouvertures des magasins et à donner la priorité dans les queues aux femmes actives, mais il n’est pas parvenu à régler la question. Les banques, par exemple, ont des horaires d’ouverture limités et stricts et les files d’attente y sont invariablement très longues. Comment concilier la tenue d’un ménage dans son infinie complexité et un emploi, sans aide ni division du travail ? Il m’est difficile d’imaginer quand Alian et Melina, ou Telma et Adolfo, pourraient prendre le temps que leur consacre Papy à faire les courses et effectuer leurs démarches. Il est vrai qu’ils sont autoentrepreneurs, avec des horaires de travail plus intenses que les employés de l’État : « Ce n’est pas facile, me disent Papy et Mamy avec lucidité. Sans nous, ils ne s’en sortiraient pas. »
21Les grands-parents sont ensuite des auxiliaires précieux pour le soin aux petits-enfants. Comme le montre la pièce Granma. Les Trombones de La Havane, et bien d’autres films documentaires et de fiction, les relations entre grands-parents et petits-enfants sont souvent très affectueuses et intenses, a fortiori lorsqu’ils partagent le même foyer. Si les grands-pères incarnent souvent des personnages plus ou moins héroïques, qui racontent des histoires de révolution, de guerre et de politique, les relations entre les grands-mères et leurs petits enfants sont plutôt marquées par l’intimité du quotidien, alors que les mères se consacraient à leurs engagements professionnels et militants.
22Les grands-mères sont précieuses pour accompagner leurs filles lorsqu’elles mettent au monde un enfant. En effet, le système de prise en charge des jeunes enfants à Cuba est géré par des normes bureaucratiques, auxquelles s’adaptent les emplois publics, mais beaucoup moins ceux du secteur privé. Comme pour Melina, les places en crèche ne sont pas toujours octroyées immédiatement à la fin du congé de maternité d’un an. En outre, les femmes qui s’installent comme cuentapropistas, à leur propre compte, ne sont pas prioritaires pour les places en crèche, dès lors qu’elles ne sont plus rattachées à un centre de travail. D’autres solutions se développent, à la faveur de l’autorisation, pour des autoentrepreneurs, de s’établir comme « assistant pour le suivi éducatif et le soin aux enfants ». Le marché de la prise en charge des enfants sur une base salariale privée (nourrices) a été aboli à la révolution, comme la plupart des services à la personne, sous couvert de suppression de la domesticité. Ces formes de services ont persisté sous le manteau et récemment, des crèches et maternelles privées se sont développées en réponse à l’insuffisance d’offre de places dans les établissements publics4. L’existence d’une branche formelle d’activité n’a toutefois pas éliminé les « voisines qui rendent service », ni les nourrices privées qui ne possèdent ni licence, ni la formation adéquate. Parfois les journaux font état de plaintes et de soupçons de maltraitance, vraisemblablement pour mettre en garde les contrevenantes. Quoi qu’il en soit, cette possibilité de garde n’est accessible qu’aux parents qui travaillent dans le secteur privé et qui perçoivent des rémunérations plus élevées que dans le secteur public : les tarifs mensuels atteignent voire dépassent le niveau d’un salaire public.
23Un autre rôle que jouent les grands-mères est d’aller chercher les enfants à l’école et de s’occuper d’eux jusqu’à la fin de la journée de travail des mères. Pour les tout-petits jusqu’à cinq ans, même si la plage horaire pour aller les récupérer à la crèche s’étend jusqu’à 18 heures, de fait, il est de mise de ne pas tarder beaucoup au-delà de 16 heures, quand se termine formellement la journée. Melina s’organise parfois avec les parents des petits camarades de son fils, en les prenant chez elle ou en y envoyant Amadeo quand elle prévoit d’être en retard. Alma, qui n’a pas d’enfants, s’occupe beaucoup de ses petites-nièces, qui vivent à quelques blocs d’elle : elle va les chercher à l’école, les garde jusqu’à ce que leurs parents reviennent du travail, les emmène à leurs séances de repaso, les leçons payantes que de nombreux élèves prennent avec leur institutrice après l’école. De leur côté, David et Fanny, bien qu’en charge de leurs deux mères, très âgées et affectées par des maladies dégénératives, prennent chez eux leurs petits-enfants le samedi quand leurs parents travaillent et qu’ils ne vont pas à l’école.
24Les grands-mères sont souvent préposées à la cuisine, bien que des équipements électroménagers aient été distribués à tous les foyers pour alléger cette tâche. La révolution avait instauré des cantines scolaires et sur les lieux de travail pour libérer les femmes dans la journée. Mais j’entends que la qualité de la nourriture servie dans les écoles s’est beaucoup dégradée et que les enfants apportent, dans la mesure du possible, un casse-croûte pour le déjeuner. « Oliver aime prendre un repas chaud à midi, m’explique Iris, la femme de Jorge Luis. Comme l’école n’est pas loin, il rentre à la maison à midi. » Si les parents travaillent hors de la maison, ce sont souvent les grands-mères qui préparent ce repas et le servent. Diana, l’employée de maison de Jorge Luis et Iris, dont les deux mères vivent l’une dans l’Oriente, l’autre aux États-Unis, consacre son temps avant tout à préparer les petits-déjeuners et les chambres qu’ils louent aux touristes. C’est elle aussi qui fait déjeuner Oliver quand il rentre à midi.
25Les grands-parents soulagent aussi les parents lorsqu’ils sont requis en cas d’hospitalisation. Du fait du faible nombre de personnels infirmiers5, chaque personne hospitalisée a en effet besoin d’un accompagnant qui peut dormir auprès d’elle dans un fauteuil et qui reçoit les mêmes repas. Cet accompagnant doit faire la toilette du ou de la malade, lui donner ses médicaments, surveiller les poches de transfusion. Il doit parfois assurer une garde de nuit et signaler une crise ou un besoin grave. Les infirmiers sont là seulement pour les soins médicaux. Certains hôpitaux n’autorisent pas les accompagnants à rester la nuit. Ils retournent alors à la maison et reviennent le lendemain. Mais certains passent la nuit dans le hall, dormant comme ils peuvent, jusqu’au matin.
26Les personnes âgées ont également des responsabilités familiales envers leurs enfants, frères ou soeurs handicapés. Une responsable de la municipalité de La Havane, embauchée par une ONG internationale, me dit qu’elle s’occupe toute seule de son frère handicapé, mais paye une aide à domicile quelques heures par jour. La voisine de Jorge Luis, qui est déjà une très vieille dame, n’a pas les moyens de rémunérer quelqu’un et se charge de tous les soins à son frère, grabataire depuis des années. Un retraité salarié du Taller de Príncipe me raconte : « Mon frère est grabataire, ma sœur en fauteuil roulant. C’est notre vieille mère de quatre-vingt-sept ans qui s’occupe d’eux. Elle vient également chez moi faire mon ménage et me préparer mes repas, comme si j’étais un bébé. »
27La grand-parentalité s’exerce aussi à l’échelle transnationale. Une situation assez courante est celle où les grands-mères migrent vers le pays où sont installés leurs enfants pour les aider avec leurs propres enfants, comme l’autre sœur de Mamy. C’est la troisième de la fratrie, que je ne connais pas. Elle est partie pour l’île de Curaçao en 2012, juste avant l’assouplissement des règles migratoires. C’est là-bas qu’a migré son fils après avoir rencontré une fille du pays, de laquelle il s’est séparé pour se remarier avec une Cubaine. Mamy me raconte, lucide et nostalgique : « Mon neveu a appelé sa mère, parce que sa femme et lui travaillent dans un restaurant. Ils y sont du matin au soir et n’ont pas le temps de s’occuper de leurs quatre enfants. Il n’est pas très courageux au travail, pas vraiment luchador. Ma sœur passe son temps à travailler pour eux, elle n’est revenue qu’une fois à La Havane. » Le drame de cette histoire, c’est que la sœur de Mamy a quitté Cuba trois mois avant que ne passe la loi qui autorise les migrations courtes et elle a perdu ses droits sur sa maison. « Quand je pense qu’il n’aurait fallu que quelques mois, déplore Mamy. Son fils aussi a perdu sa maison. » Je lui demande si elles continuent à se voir. « Son fils ne la laisse pas partir et il ne lui donne pas d’argent pour payer le billet. » Ana Argentina et Mamy ont peur que leur sœur ne meure sans qu’elles l’aient revue : « Et tu penses qu’on pourrait y aller, nous, avec l’argent de la maison de Bayamo ? »
28Ivette, une pensionnaire d’une maison de retraite tenue par les « petites sœurs des personnes âgées abandonnées », me parle elle aussi de sa sœur partie aux États-Unis prendre soin de ses neveux : « Quand ils ont quitté le pays, leur mère était déjà morte. Alors ils ont demandé à ma sœur si elle pouvait venir avec eux pour les aider. Tu sais, aux États-Unis, ce n’est pas comme ici, il n’y a pas de crèche gratuite pour les enfants, tout se paye très cher. Alors ma sœur s’est installée avec eux. Elle travaille beaucoup à la maison, je crois qu’elle est heureuse avec eux, mais moi je reste seule ici, avec mon mari mais sans famille. » Pourtant, les visas pour les États-Unis sont difficiles à obtenir pour les personnes âgées, parce qu’ils savent qu’ils vont probablement rester jusqu’à leur mort et qu’ils deviendront une charge pour la collectivité6.
* * *
29Il me semble important de réfléchir à la forte sollicitation des grands-parents dans le fonctionnement des ménages et familles dans une perspective politique et historique : les transformations des arrangements répartissant le travail domestique à l’intersection de rapports sociaux de genre, de classe et de race.
30Avant la révolution, la domesticité était omniprésente dans les classes moyennes et bourgeoises blanches7. La condition de domestique surgit à Cuba suite à l’abolition de celle d’esclave au service de la maison des maîtres. L’esclavage domestique, et non seulement de plantation, s’était développé du temps de la colonisation espagnole et a perduré jusqu’à la fin du xixe siècle. Le recensement de 1841 montre que 45 % des esclaves étaient assignés à des activités domestiques en milieu urbain : blanchisseuses, couturières et tailleurs, nourrices, cochers, majordomes, palefreniers, portiers et cuisiniers. Le reste des effectifs esclaves se partageait entre sucreries, plantations caféières et domaines agricoles.
31Lors de l’abolition de l’esclavage en 18868, environ deux cent mille esclaves furent libérés, ce qui se traduisit notamment par l’entrée de nombreuses personnes, surtout des femmes, dans le groupe des bonnes et des servantes, désormais rémunérées ou indemnisées en nature. De nombreuses anciennes esclaves restèrent avec leurs maîtres, faute d’options alternatives pour vivre et travailler. Le recensement de 1899 montre ainsi que, parmi les 8,5 % de femmes déclarées comme actives, dont certaines petites filles de moins de dix ans, 71 % étaient domestiques, dont près 78 % de couleur ou métisses. Comme toute société esclavagiste et coloniale, celle de Cuba était structurée de façon patriarcale et raciale. Les femmes noires, métisses ou chinoises représentaient les trois quarts des femmes analphabètes, aux côtés de femmes espagnoles pauvres. Hors de la domesticité, les opportunités d’emploi et d’éducation étaient fort limitées pour les personnes de couleur et pour les femmes. Le métier de couturière et son indépendance représentaient à cet égard une voie de libération, comme on le voit dans la trajectoire de plusieurs personnages féminins de cet ouvrage. Dans le recensement de 1907, ce sont encore les deux tiers des femmes actives qui travaillent comme domestiques. La place des femmes cubaines créoles de couleur dans ces emplois va en se renforçant au cours des décennies 1930 et 1940.
32Dans les premières années de la révolution, l’emploi domestique a été interdit. Suite à la création, en 1960, de la Fédération des femmes cubaines (FMC), les femmes blanches ou de couleur, employées comme domestiques, travaillant comme prostituées ou dans des lieux de divertissement, ont fait l’objet de politiques spécifiques. Avec le mot d’ordre « Plus de domestiques, toutes étudiantes », l’objectif de ces mesures était de les sortir de leur condition et de leur offrir d’autres opportunités d’emploi, plus compatibles avec les besoins de la révolution, l’égalité sociale et de genre, la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme et leur dignité de citoyennes. Une première étape fut de créer des écoles du soir pour « l’amélioration des domestiques ». Elles leur enseignaient l’écriture et la lecture et furent incorporées à la « Bataille pour le sixième niveau scolaire ». Parallèlement, une éducation politique fut prodiguée à ces élèves, afin de les intégrer à la révolution. Les brigades Conrado Benítez avaient comme but de les attirer vers les centres d’étude et de développer leur conscience politique et leurs ambitions professionnelles et de transformation sociale. Entre 1961 et 1962, quatre-vingt-onze de ces centres ont ainsi été créés et, jusqu’à leur fermeture, leur mission accomplie, plus de soixante mille domestiques de tout le pays y furent incorporées.
33Après leur passage par ces écoles, différentes options s’ouvraient à ces femmes. Toujours en cours du soir, ce qui leur permettait de travailler en parallèle, elles étaient encouragées à s’inscrire à des cours de coupe et de couture ou de tricot, de sténodactylographie ou de conduite, à des formations administratives, paramédicales et ouvrières, de cuisine, de puériculture, d’opératrices de téléphone et de réceptionnistes, et des écoles normales d’institutrices. Chaque branche relevait d’un ministère ou d’une administration qui les intégrait ensuite dans divers emplois. Résultat de ces efforts : au cours des années 1970, il apparut que la révolution avait mis fin aux domestiques, une évolution présentée comme irréversible par Fidel Castro.
34Toutefois, le processus d’extinction de la domesticité fut progressif et jamais total. Si une majorité rejoignit les programmes de formation et de placement, certaines anciennes domestiques continuèrent à occuper le même type d’emploi, quoique de façon dissimulée et au risque d’un certain opprobre social atteignant autant les travailleuses que leurs employeurs, qualifiés de bourgeois. Par souci de nier la dimension marchande des relations de travail, ces formes d’emploi pouvaient passer pour de l’aide amicale, ou de la solidarité. La première formalisation en 1978 d’une liste limitée de métiers qu’il était possible d’exercer « à compte propre » conduisit à contrôler l’emploi domestique. Son exercice pouvait être pénalisé, sauf s’il était effectué par le biais d’une entreprise publique qui fournissait leur personnel aux ambassades, consulats et organisations internationales, dans le cadre de conventions spécifiques. En 1979, la Fédération des femmes cubaines tenta de monter une entreprise publique de « Services à la famille » à La Havane, pour fournir aux femmes travailleuses des services qui les aident dans leurs tâches domestiques. Cependant, ces emplois devaient se soumettre aux normes des relations de travail dans l’ensemble des branches. Ces contraintes les rendaient incommodes pour les familles, en particulier les limites imposées en termes d’horaires et de temps de travail. Au cours des années 1970 et 1980, l’emploi domestique se trouva ainsi fortement restreint et, pour bonne part, repoussé dans l’illégalité et la dissimulation. La catégorie a disparu des statistiques officielles, rendant impossible l’estimation du nombre des femmes qui avaient quitté ces formes d’emploi grâce aux écoles érigées dans les années 1960 et encore moins des effectifs de celles qui continuaient à les exercer de façon illégale.
35Parallèlement à la suppression de la domesticité, des services visant à appuyer les ménages dans la réalisation des tâches domestiques furent développés. Des laveries populaires, des cantines ouvrières et étudiantes, des crèches et jardins infantiles, des services de garde pendant les congés scolaires, des pensionnats et camps d’enfants pour des séjours de vacances furent ouverts en grand nombre et des équipements électroménagers fournis aux ménages, afin d’alléger les tâches domestiques. Dans les faits, bien que construite en problème public par la Fédération des femmes cubaines, la question de la charge de travail domestique des femmes n’a jamais été résolue, ni par une remise en cause de la division genrée de ce travail ni par son transfert dans la sphère des services publics professionnalisés, et donc d’une responsabilité collective de la société.
36La question de l’emploi domestique resurgit dans les années 1990, quand la crise engendrée par le démantèlement de l’Union soviétique provoqua des ruptures importantes d’approvisionnement en denrées et produits de première nécessité, en combustible et en électricité. Cette crise conduisit à la désorganisation et l’affaiblissement des services publics et à la détérioration, voire la disparition, de services d’assistance aux familles, comme les pensionnats, les cantines, les laveries, la distribution de repas dans des restaurants populaires, les centres de loisirs pendant les vacances scolaires. La demande, de son côté, tendit à augmenter sous la pression du vieillissement : pourvoyeurs de soins tant qu’ils le peuvent, les vieux deviennent progressivement demandeurs de care. Par ailleurs, l’émigration de personnes en âge de travailler s’intensifiait, privant les familles de travail de care.
37Parallèlement, l’exercice informel d’emplois de services auprès des particuliers se développa, jusqu’à ce que, en 1993, l’État décide d’y mettre de l’ordre en établissant une liste élargie d’emplois qu’il était possible d’exercer à compte propre. Cette expansion des cuentapropistas devait aussi répondre à la réduction de l’emploi public, rendue nécessaire par le déficit budgétaire. En conséquence, le nombre de licences accordées à des personnes auto-employées a littéralement explosé, se multipliant par près de huit entre 1988 et 1995. Comme c’est encore le cas aujourd’hui, les activités autorisées relevaient de travaux techniques et ouvriers et ne concernaient pas d’emplois de niveau universitaire, tels que médecins, architectes, ingénieurs ou avocats.
38Parmi les nouvelles catégories d’emploi autorisées, celle de « Personnel domestique » réapparut, ouvrant la voie à une possible légalisation de la profession pour un nombre croissant de femmes. Certaines retrouvèrent un emploi que leur mère ou grand-mère avait occupé. D’autres, y compris des diplômées universitaires, s’y intégrèrent à la recherche de gains en devises. Leur nombre est difficile à estimer, du fait qu’une partie importante d’entre elles ne sont pas officiellement enregistrées et continuent d’exercer cette activité de façon invisible ou sous couvert d’aide rémunérée de la main à la main ou en nature. Les profils des domestiques ont néanmoins changé. Celles d’avant la révolution étaient principalement noires ou métisses, mariées et mères de famille, et de bas niveau d’instruction, assignées à ces emplois par pauvreté et discrimination et les exerçant dans des conditions de forte domination et sans cadre légal. Les nouvelles sont plus éduquées, leurs âges sont plus diversifiés, elles disposent de droits sociaux égaux à ceux des autres travailleurs et elles reçoivent un salaire bien supérieur aux employés publics. Régulièrement, je rencontre une personne embauchée pour quelques heures, de temps à autre, pour laver le sol, ou des aides à domicile rémunérées pour assurer une présence et des soins à des personnes grabataires.
39Le gros des employeurs sont des personnes qui louent des chambres à des touristes, qui ouvrent des restaurants privés ou qui travaillent dans le secteur du tourisme, et qui gagnent de cette façon de quoi rémunérer leurs employées, tout en ayant besoin de services réguliers et soignés. C’est le cas d’Iris et de Jorge Luis, qui emploient une dame qui prépare les chambres et les petits-déjeuners des touristes, tout comme David et Fanny et la plupart de mes hôtes et hôtesses. Une autre partie des employeurs appartient au groupe des nouveaux riches, à l’économie personnelle alimentée par une activité économique privée ou par des transferts de l’extérieur. Mais, à l’échelle des besoins des familles, l’emploi domestique demeure marginal et trop onéreux pour prendre le relais des grands-parents et se substituer aux anciennes institutions de mutualisation. Cette résurgence évoque le passé et ses univers de bonnes. Elle contribue à reconstruire des hiérarchies sociales, raciales et de genre que la révolution avait tenté de faire disparaître. Bien que les femmes de ménage soient couramment qualifiées de muchacha, la figure de « la bonne », omniprésente dans des romans historiques sur Cuba, est peu visible.
40Mamy a suivi ce parcours : bonne chez des avocats dans les années 1950, quoiqu’ayant engrangé plusieurs années de scolarité, elle a été incorporée à des cours de coupe et de couture dans les écoles d’« amélioration des domestiques » au début des années 1960. Elle a pu subvenir à ses besoins et à une partie de ceux de sa famille en cousant à façon et en réalisant des reprises et retouches. Mamy souffre aujourd’hui de la dépendance économique qu’entraîne son engloutissement dans le travail domestique pour ses filles. L’accaparement dont elle fait l’objet de leur part lui fait regretter son indépendance et ravive le parallèle entre les tâches qu’elle accomplit pour elles et l’état de domestique. Pour autant, elle ne l’évoque qu’à demi-mot, sans outrepasser le registre de l’amour maternel et de la norme morale.
41Elle me confie : « Je voudrais travailler moins pour mes filles, reprendre la couture et travailler “pour la rue”. J’ai toujours “cherché ma vie” par mon travail, je suis habituée à trouver l’argent dont j’ai besoin, sans demander à personne. Quand je suis arrivée à La Havane il y a quinze ou vingt ans, je cousais beaucoup plus. Telma étudiait encore, Melina était à l’école et je faisais des robes pour des clientes. Depuis que les filles gagnent leur vie, je fais surtout des retouches, mais maintenant je ne trouve plus le temps, tu vois bien. Les filles m’aident, mais je préférerais travailler. J’aimerais bien recommencer à luchar de nouveau, gagner mon propre argent. J’aimerais bien aussi avoir le temps d’aller danser, de sortir, de rencontrer des amis, d’aller au cinéma et même au concert. Je l’ai toujours fait, mais tu vois bien que maintenant, c’est compliqué. L’autre jour on est allées au Palacio de la Rumba avec une amie d’enfance, mais cela faisait des années. J’ai payé vingt pesos l’entrée, je lui ai offert une bière et ensuite elle m’a offert un soda. Tu vois, je veux avoir mon argent et en faire ce que je veux. Après tant d’années d’indépendance, je ne veux pas dépendre de mes filles… » Sa rancœur s’accroît avec sa fatigue.
42J’essaie de comprendre ce que Mamy appelle l’« aide » qu’elle reçoit de ses filles. Le terme désigne une aide économique : mais quelles formes prend-elle ? Je constate qu’elle est faite de repas partagés et de petits cadeaux qui ne s’affichent ni comme contrepartie ni comme rémunération. Les filles offrent à leur mère des objets dont elle n’a pas forcément besoin.
« Telma m’a offert une petite bouteille d’huile d’olive, me montre Mamy.
— C’est pour te remercier de ton aide ?
— Oh, je ne sais pas, elle me fait des cadeaux de temps en temps, elle a dû l’acheter ici, ou bien quelqu’un l’aura rapportée d’un voyage. »
43De l’autre côté, Alian m’explique qu’à partir du moment où Papy et Mamy possèdent l’argent de la vente de la maison de Bayamo il ne voit plus de raison pour les aider financièrement. L’idée ne semble pas lui venir que ce serait une contrepartie à leur travail.
44À l’inverse, dans quelle mesure le travail qu’on leur demande ou qu’ils offrent peut-il être considéré comme une contrepartie à l’aide matérielle que Mamy et Papy reçoivent de leurs enfants ? En effet, avec leur petite pension de retraite, la plupart des personnes âgées ne pourraient pas vivre sans le partage ou les versements que leur font leurs enfants, même si ces derniers vivent de fait dans la maison qui appartient à leurs parents. D’un autre côté, Mamy dit que si elle en avait le temps, elle gagnerait assez par son travail pour ne pas avoir besoin de l’aide matérielle de ses filles. En outre, les ressources ne circulent pas toujours dans le même sens. Tout comme le grand-père d’Alian qui avait avancé l’argent du voyage de la petite-fille Araelis, Mamy avait aidé financièrement Alian au début de son entreprise. Il ne disposait pas de capital de départ et a démarré avec un prêt de Mamy et de son grand-père, alors qu’il revenait juste du Venezuela. Avec ces trente dollars, il a acheté des CD vierges et, en douze jours, me raconte-t-il fièrement, il avait remboursé son crédit et possédait de quoi continuer à investir et à étendre son affaire. J’ignorais ce lien entre Mamy et lui. Pragmatique et discrète, comment a-t-elle pu trouver une telle somme, certes modeste dans la nouvelle économie, mais considérable au regard des rémunérations courantes à l’époque ? Mamy a-t-elle économisé de l’argent gagné par la couture ?
45D’autres personnes âgées aident leurs enfants financièrement. Le vieux Pedro récupère les bouteilles en plastique pour subvenir aux besoins de sa fille qui ne peut pas travailler. Tara envoie à ses neveux une partie de l’argent qu’elle tire de la location de son petit appartement. En effet, ils ne gagnent qu’un maigre salaire et ont envie de ces biens de consommation qui marquent la nouvelle génération mais qu’ils ne peuvent pas s’acheter eux-mêmes. C’est peut-être aussi pour Tara une façon de garder un lien de don et de gratitude avec eux. « Il y a même ici des personnes âgées qui envoient de l’argent à leurs enfants émigrés aux États-Unis, car ils n’y trouvent pas de travail suffisamment bien payé pour faire face à toutes leurs dépenses », me commente Alma.
* * *
46Témoin de certaines scènes dans la famille Gutiérrez, je trouve que les jeunes ménages malmènent le couple âgé. Dans mes cahiers de notes, j’ai même écrit le mot « maltraitance ». Un jour, dans le nouvel appartement d’Alian et Melina, Papy arrive en fin d’après-midi. Il porte un grand plateau d’œufs, qu’il tient à bout de bras, et dans l’autre main un cabas rempli de poulet, de lait de la bodega pour Amadeo et de deux paquets de CD vierges qui ont été livrés au solar. Il émerge de l’escalier en transpirant et soufflant, se plaignant de son pied gonflé qui lui fait mal et lui rigidifie la cheville. Melina lui ouvre la porte sans lui dire ni bonjour ni merci et elle ne lui offre ni eau ni café. En déposant les CD sur la table du salon, il bredouille quelques commentaires sur ses courses, auquel Melina ne répond pas. Comme si tout allait de soi, que l’approvisionnement n’était pas un sujet de conversation à Cuba. J’ai mal pour lui, échange quelques mots. Papy part ensuite vers la cuisine ranger le reste des courses. Il en sort la bouche pleine, il a dû trouver quelque chose à manger et se dirige vers la sortie.
47Sortant la tête de sa chambre, Melina lui demande, d’une voix autoritaire, de ne pas oublier de descendre la poubelle de la cuisine et de penser aussi à celle de la salle de bains, dans laquelle se met le papier hygiénique souillé. « Et jette les cartons d’œufs dans la benne, ne les rapporte pas au solar. » Alors qu’il se dirige vers la porte, en marmonnant un au revoir piteux, la voix d’Alian surgit du fond du couloir : « Papy, est-ce que tu as pensé à ramasser la poubelle du bureau ? L’autre jour tu l’as déjà oubliée. S’IL TE PLAÎT, peux-tu faire les choses correctement ? » Papy se justifie, revient sur ses pas, verse dans un de ses sacs le contenu de la corbeille pleine de papiers posée sous les ordinateurs et file.
48Quelques jours plus tard, Papy téléphone à l’appartement le matin pour prévenir qu’il est temps d’aller payer la facture d’électricité et qu’il passera la prendre avec l’argent. Quand il arrive, toujours transpirant et soufflant de l’épreuve des escaliers, il s’assied un moment. Alian est allé chercher la facture dans le bureau, lui a tendue avec l’argent nécessaire, sans un mot. Pendant ce temps, Melina reste assise sur le canapé, les yeux tournés vers l’écran de télévision, sans lui adresser la parole non plus.
49Sans vouloir être intrusive, je tente d’en parler avec Papy, un jour où je lui propose de marcher ensemble vers la rue Soledad. Au lieu de faire des commentaires, il me raconte que, alors qu’il était à Bayamo, ses filles ont décidé de profiter de son absence pour ranger la chambre du solar. Il est vrai que cet espace étroit, mal ventilé et peu éclairé, est très encombré par des vêtements et de multiples livres. Papy est le seul de sa famille à aimer les livres et il a accumulé une petite bibliothèque hétéroclite qu’il consulte fréquemment : la biographie de Fidel Castro par Ignacio Ramonet, Le Livre des esprits d’Allan Kardec, qui est sa bible en spiritisme, quelques ouvrages d’histoire, beaucoup autour de la révolution cubaine. Papy les sort de temps en temps lorsque nous « étudions » et m’en lit des passages. « Telma et Melina ont jeté beaucoup de mes livres, elles ont profité de mon absence et ne m’ont rien dit. C’est une immense barbarie, ajoute-t-il avec révolte et tristesse. Les livres, je peux les retrouver, ce n’est pas difficile, mais leur geste m’a fait très mal. Elles ont aussi jeté des objets auxquels je tenais. » Je suis stupéfaite : « Papy, pourquoi l’ont-elles fait ? » Il me répond, l’air effondré mais résigné : « Je ne sais pas, elles ont dû vouloir nettoyer ma chambre, mais elles ne lisent jamais une ligne, c’est vraiment brutal pour quelqu’un qui aime les livres. » Je sais que se procurer des livres n’est pas simple pour un homme comme Papy, sans compter que malgré leur prix très modique lorsqu’il s’agit d’éditions cubaines, il ne perçoit qu’une retraite de moins de trois cents pesos. Je sais aussi qu’il possède peu d’objets : même s’il peut avoir tendance à garder des tas de choses au cas où elles pourraient servir, il est de la génération de la sobriété matérielle. Par ailleurs, il est vrai que Papy peut être assez rigide et intolérant, qu’il a des opinions très tranchées. J’ai plusieurs fois été témoin de tensions entre Melina et lui. Est-ce que Papy s’est mis en colère au point où Alian et Melina seraient encore fâchés contre lui ?
50Alors que je me demande si le terme de maltraitance pourrait aussi s’appliquer à Mamy, je la vois arriver un matin dans l’appartement avec une petite huche à pain en métal émaillé et décoré, qu’elle vient d’acheter. Elle est très contente et la montre à Melina qui déclare qu’elle lui plaît plus que celle qu’elle vient juste d’acquérir pour elle-même. Melina se met alors à exercer sur sa mère une pression très forte pour qu’elles échangent leurs huches, alternant chatteries, larmoiements, autoritarisme, menaces et colère. Finalement, après m’avoir pourtant discrètement chuchoté qu’elle ne voulait pas céder, Mamy acceptera l’échange à contrecœur.
51La petite maltraitance, c’est aussi celle de la négligence, du manque d’attention, du manque de reconnaissance exprimée. L’histoire des robinets qui fuient dans le solar par exemple : j’aurais pensé qu’Alian se rendrait disponible pour les réparer, mais depuis leur déménagement, il ne s’occupe plus du solar, ayant à faire avec les travaux dans son propre logement. Encore une fois, l’asymétrie me semble injuste.
52La maltraitance des personnes âgées est un problème presque public à Cuba9. Quelque peu étouffée sous le concert unanime de proclamations d’amour filial, elle parvient à percer les murs épais de la honte, de la complicité tacite et des secrets familiaux. Une recherche sur Internet débouche sur des centaines d’articles dans des journaux officiels, des blogs et publications en ligne et des travaux de recherche scientifiques. Certes, les situations décrites touchent, le plus souvent, à la prise en charge de personnes dépendantes et atteintes de maladies dégénératives, par leurs enfants et petits-enfants, dans des logements étroits et surpeuplés et des conditions économiques difficiles. Peu de choses sont dites de la maltraitance par exploitation, qui semble naturelle, au nom de la solidarité familiale.
53Au cours d’un entretien, une médecin gériatre, chercheuse au Centre de recherche sur la longévité et le vieillissement, me confirme que de nombreux grands-parents sont épuisés par le travail requis par leurs enfants et petits-enfants. « Souvent, les filles n’admettent pas que leur mère ou leur père vieillissent et en fassent progressivement moins. Les jeunes vieux ont beaucoup d’énergie, ils sont généralement en bonne santé et lors du passage à la retraite, ils ont beaucoup de temps libre et un peu peur de s’ennuyer. Ils se donnent souvent à fond dans le soin à leurs petits-enfants et continuent à agir comme des maîtres et maîtresses de maison. Mais progressivement, ils se fatiguent, ne peuvent plus en faire autant et deviennent plus une charge et une source de soucis qu’une aide. Parfois un accident survient, une chute ou une maladie, qui provoque un basculement dans la relation d’aide. Mais souvent c’est un processus progressif que les enfants ne veulent pas voir, ou n’acceptent pas. La maltraitance en découle souvent. C’est une maltraitance par exploitation, mais aussi par déni des besoins d’une mère ou d’un père affaibli. Les relations dépendent des dynamiques familiales, mais on constate beaucoup de règlements de comptes au moment où le vieillissement s’accélère. »
54Quels que soient les besoins des uns et des autres, c’est la cohésion familiale qui se joue dans ces arrangements d’entraide et d’interdépendance. Pour les personnes âgées, il me semble que s’occuper des siens est une façon de se rendre utile et de ne pas être seul, de garder sa place dans la famille. A contrario, le déménagement d’Alian et Melina a entraîné pour Papy une forme de marginalisation à l’égard du jeune couple : bien qu’il ait de multiples raisons d’y aller, il semble gêné de traîner dans l’appartement une fois ses tâches accomplies. Il se repose parfois dans un des fauteuils à bascule, absorbé par la télévision toujours allumée. Comme il ne reçoit pas d’invitation explicite, il s’attarde peu. Je sais aussi qu’Alian et Melina ne veulent pas que Papy ait la clé de leur appartement, qu’ils ne lui font pas confiance et que Mamy n’a pas le droit de lui confier la sienne. En quelque sorte, il est partiellement disqualifié. Papy me dit, avouant son ambivalence : « Telma a beaucoup moins besoin de moi, je n’y vais presque plus », et je sens dans sa voix un regret. Le principal signe de son vieillissement, qui semble le terroriser, serait de ne plus pouvoir assister ses filles et de risquer de perdre avec elles son principal lien, celui de l’entraide.
55Que se passera-t-il avec Papy et Mamy quand ils ne pourront plus du tout monter ces fameux escaliers, vider les poubelles, faire les courses et le ménage, quand ils risqueront de perdre les clés des appartements de leurs filles et qu’elles ne pourront plus leur faire confiance, comme c’est déjà le cas pour Papy ? Comment Melina et Telma l’accepteront-elles, comment s’adapteront-elles ?
Notes de bas de page
1 Il s’agit de círculo infantil, qui correspond à un cycle de crèche et de maternelle, de un à cinq ans. Les plages horaires d’accueil des enfants sont en principe très larges, afin de permettre aux parents de s’engager pleinement dans leur emploi.
2 L’expression est « por la calle » ou « dans la rue ».
3 Les résultats du recensement de 2012 indiquent que 21 % des chefs et cheffes de famille vivent avec un ou plusieurs petits-enfants.
4 Placées sous la double tutelle du ministère de l’Éducation et de celui de la Santé et sous le contrôle de la Commission d’attention à la jeunesse, l’enfance et l’égalité des droits de la femme, elles peuvent accueillir entre cinq et quinze enfants, selon la place dont elles disposent. Elles n’ont pas l’autorisation de se transformer en établissements scolaires.
5 Il semble que le quota effectif est d’un infirmier pour quarante ou cinquante patients, selon les établissements. Il est impossible de comparer avec des pays dans lesquels l’offre de soins est répartie entre le public et le privé. À titre purement indicatif, en France, chaque personnel infirmier hospitalier a en charge entre six et dix patients environ.
6 Il est courant que les Cubains aux États-Unis perçoivent l’aide sociale et bénéficient des programmes d’accès aux soins de santé (medicare). Ces avantages, par rapport à d’autres migrants, font partie de la politique des États-Unis pour encourager l’émigration de Cuba et faire tomber le régime.
7 Je reconstitue cette évolution à partir d’un roman [Pérez Sarduy, 2010], de commentaires et conversations et des travaux de la sociologue Magela Romero Almódovar, qui a étudié l’histoire de la domesticité et sa résurgence à Cuba, et notamment 2014 et 2018.
8 Abolition progressive de l’esclavage entre 1880 et 1886.
9 Les résultats de l’enquête 2017 sur le vieillissement [Onei et al., 2019 p. 95] suggèrent une faible prévalence de la maltraitance envers les personnes de soixante ans et plus dans leur environnement résidentiel, dont la grande majorité (89 %) ne reconnaît pas avoir connu de situation de comportement irrespectueux, de rejet, d’agression physique ou verbale, de déni ou d’abandon de ceux qui devraient s’occuper d’eux, de négligence dans l’administration de médicaments ou d’articles auxiliaires nécessaires tels que des lunettes, des cannes, entre autres. Pour les 11 % qui ont vécu au moins une de ces situations, la principale expérience négative étant le fait de ne pas avoir pris en compte leurs avis (plus de sept personnes sur dix) et de ne pas leur avoir fourni les aides techniques dont ils ont besoin telles que lunettes, cannes, béquilles, etc. (quatre personnes sur dix).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992