Le gouvernement espagnol face aux dérives du régime sandiniste : entre peur de la radicalisation et soutien à la transformation
p. 98-116
Texte intégral
Entre optimisme et inquiétude : les sandinistes au pouvoir
1L’arrivée des sandinistes au pouvoir provoque de multiples inquiétudes quant à l’avenir du Nicaragua et l’équilibre régional de l’isthme centraméricain. Les antécédents cubains et la violente révolution iranienne qui porte au pouvoir l’ayatollah Khomeiny quelques mois plus tôt offrent des points de comparaison. Nombreux sont ceux en effet qui s’interrogent sur la filiation possible entre sandinisme et castrisme et sur la véritable nature et portée de la révolution nicaraguayenne.
Une révolution originale ?
2Comme nous l’avons déjà mentionné, le caractère non violent de la révolution sandiniste est mis en exergue par le journal El País. La chute de Somoza incarne une réelle rupture dans l’histoire du Nicaragua : il ne s’agit pas d’une énième lutte pour le pouvoir fondée sur la force des armes :
« LE RENVERSEMENT de Somoza ne fut pas le résultat d’un “coup de palais” ni d’une manœuvre pour se débarrasser d’une figure honnie et pour bénéficier, une fois au pouvoir, des intérêts dont ils bénéficiaient depuis nombreuses décennies […]149. »
3El País témoigne aussi du crédit que de nombreux observateurs accordent au nouveau régime, en insistant sur le caractère pluraliste de la junte et surtout sur la faction tercériste du front dont est issue la direction. Plus modérée, plus pragmatique, elle apparaît plus acceptable aux yeux de la société internationale occidentale : « […] elle a su profiter de l’absence de recours au terrorisme et bénéficier de l’appui des fils de familles fortunées150. »
4Le FSLN est effectivement composé de trois grandes tendances idéologiques qui seront réunies en un seul front le 9 décembre 1978 afin d’adopter une stratégie d’insurrection coordonnée. Le premier groupe, Guerre populaire prolongée, constitue la branche la plus radicale du front. De tendance marxiste et plaçant la lutte armée au cœur de son action d’opposition, son leader est l’inquiétant Tómas Borge, fondateur du Front et ministre de l’Intérieur du nouveau gouvernement. Le deuxième est celui des Prolétaires : d’obédience trotskiste, il est essentiellement composé d’étudiants et dirigé par Jaime Weelock. Ces deux groupes, partisans de la lutte armée et d’une idéologie marxiste radicale, ne pouvaient être considérés comme des partenaires potentiels aux yeux des commentateurs européens. C’est donc le troisième groupe, celui des tercéristes, de tendance moins guerrière, nettement plus pragmatique et proche des idées socialistes, qui prête un visage « honorable » à la révolution.
5L’IS, qui soutient formellement le Front depuis le congrès de Vancouver de 1978, manifeste, dans un rapport publié dans El País le 14 août 1979, sa solidarité sans conditions avec le FSLN. Elle précise néanmoins que la collaboration sera avant tout envisagée avec la faction tercériste. Le pragmatisme des tercéristes semble aux yeux des socialistes européens un gage de démocratisation et l’IS compte jouer un rôle prédominant dans la réorientation idéologique du Front comme elle le fit avec le PSOE151. Selon l’IS, le front sandiniste devait pouvoir se moderniser et adoucir ses tendances lénino-marxistes grâce au concours économique – contribuant à la stabilisation de son régime et à une solidarité sans faille réfrénant les tentatives de radicalisation. Le FSLN pourrait ainsi, du moins le croit-on, évoluer sur un modèle analogue à celui du parti révolutionnaire institutionnel mexicain152.
6Dans cette perspective, El País observe de manière optimiste l’évolution du régime même s’il émet une certaine réserve quant aux difficultés internes liées à des divergences idéologiques au sein du gouvernement et de la junte puisqu’« Il est évident que Tómas Borge ou Moisés Hassan, deux marxistes orthodoxes, n’ont pas la même conception du nouvel État nicaraguayen qu’Alfonso Robelo ou que Joaquím Cuadra Chamorro, réformés modérés liés au capitalisme nord-américain depuis longtemps153. » D’ailleurs, « La désillusion peut surgir […]. Surtout quand il apparaît qu’un certain pouvoir reste entre certaines mains154. »
7Malgré ces quelques réserves, El País insiste davantage sur la composante « nationaliste » et sur l’assise populaire dont jouit le FSLN que sur les influences marxistes qui composent ce mouvement. Le 18 juillet, il souligne le caractère populaire de l’insurrection qui, encadrée par le Front et bras armé du peuple, en gomme les orientations idéologiques en titrant : « Le FSLN, un mouvement nationaliste et anti-somoziste155. »
[…]
8Aux qualités guerrières s’ajoutent des qualités politiques. Les sandinistes ne sont pas seulement des chefs de guerre, ils possèdent une vision et des compétences politiques nécessaires à la démocratisation, à la négociation et à la reconstruction du pays. Ils apparaissent en cela comme les véritables serviteurs du peuple contribuant à ce que « La vie citoyenne se normalise peu à peu au Nicaragua156. » Le texte mentionne la réouverture du journal La Prensa : « Sa réapparition symbolise la lente normalisation d’un pays qui est sorti exsangue de la guerre civile157. »
[…]
Le spectre de l’autoritarisme
9Aux yeux d’ABC, la révolution nicaraguayenne démontre clairement sa subordination au projet castriste. Pour désigner le nouveau régime, le journal utilise des termes dépréciatifs appartenant au champ lexical de l’obscurité : le communisme est ici assimilé à une ombre ou à un virus qui s’étend inexorablement, et qui assujettit à son pouvoir ce qu’il touche.
10Le numéro du 20 juillet 1979 est très évocateur : la une est intitulée « À l’ombre du castrisme158 » et, en page 14, il est écrit : « Le Nicaragua à la merci de Cuba159. » La photographie de cette une présente quatre des cinq membres de la junte : de gauche à droite, se tiennent assis sur des chaises à hauts dossiers tels des trônes, Daniel Ortega, Sergio Ramírez, Violeta Chamorro et Alfonso Robelo. Derrière eux figurent les symboles du sandinisme : un portrait de Sandino sur la gauche, peut-être celui de Carlos Fonseca, l’un des créateurs du Front, mort au combat en 1976, les drapeaux sang et noir du Front sandiniste. Devant eux, en gros plan, se dresse Tómas Borge, membre fondateur du Front, leader de la mouvance Guerre populaire prolongée, idéologue et homme fort du régime. Les membres de la junte semblent le fixer du regard, attendant ses consignes. Ainsi Borge est-il érigé en ombre inquiétante tel un ambassadeur du castrisme. Le regard dominant de Borge démontre une attitude de pouvoir écrasante, inquisitoriale et dominatrice. Vêtu de la tenue militaire des sandinistes (qu’il semble le seul à porter), il évoque le pouvoir coercitif et brutal de l’armée dominant le monde civil et tenant la junte sous influence. Le terme « ombre » du titre fait référence au corps castriste, entité politique proche, qui étend peu à peu son ombre sur l’Amérique centrale. Ainsi, telle une « divinité » ou une « force maléfique », Castro est omniscient, omnipotent et invisible. Il domine Borge, membre le plus important du sandinisme. Cette photographie agit comme une « sainte » trinité antithétique père, fils et Saint-Esprit. Le père est Sandino représenté par le portrait, le fils Borge et le Saint-Esprit Castro. La légende de la photographie précise à ce sujet : « […] l’ombre qui plane sur le Nicaragua : celle de la main large et audacieuse du castrisme160 ».
11Le 2 août, ABC consacre une fois encore sa une au sandinisme avec une photographie intitulée « Un air de Sierra Maestra » suivie de la légende « Un air de Sierra Maestra auréole leurs visages161. » Cela fait directement le lien avec les Barbudos de l’aventure cubaine de 1959, la Sierra Maestra étant la chaîne de montagnes d’où la guérilla avait commencé sa stratégie foquiste. La photographie montre Daniel Ortega et Bayardo Arce en conférence de presse. L’attitude des deux protagonistes est particulièrement contrastée : Ortega communique, parle aux journalistes, Bayardo Arce fixe l’objectif du photographe d’un regard particulièrement intense, voire hostile. Sa main gauche sur la table, refermée sur elle-même, révèle la tension de l’homme. À ses pieds, un porte-documents sur laquelle repose un fusil-mitrailleur. Comme si la photo n’était pas suffisamment explicite, ABC précise : « Sur le porte-documents – qui exprime l’idée d’un projet civil, d’une ambition concrète, du [sens des] affaires ou de la bureaucratie – repose le fusil-mitrailleur, qui semble attendre son tour pour prendre la parole » suivie de « Le sandinisme, après la victoire par les armes, continue avec les armes162. »
12ABC met ici l’accent sur le double visage du sandinisme : « Daniel Ortega […] parle. Bayardo Arce, […] observe et guette […]163. » Ortega, leader de la tendance tercériste, séduit l’opinion publique internationale. Il incarne le pouvoir politique, la face « policée » du sandinisme. En revanche, Bayardo Arce veille, arme à ses côtés. Il représente la force brutale militaire qui reste insidieusement cachée derrière le pupitre. Le fusil reposant sur le porte-documents évoque l’écrasement du monde civil, du monde de l’entreprise par la force militaire. Il laisse présager des persécutions du domaine entrepreneurial à venir, la spoliation des biens et l’asservissement de la société nicaraguayenne à la manne militaire. Les projets d’avenir et de reconstruction nationale paraissent entièrement soumis au pouvoir militaire, à la force coercitive des sandinistes. L’arme fait ainsi barrage à toute idée de négociation ou de débat autour d’un projet de société issu de la révolution : le pouvoir est conquis, mais ne sera pas partagé. Le même jour, El País reprend cette photographie, mais le titre donné à son article tranche avec la photographie : « Selon Felipe González, un exemple pour les autres pays centraméricains164. »
13ABC, à la différence d’El País, ne laisse aucune normalisation transparaître. Le pays, le peuple, la révolution sont soumis au castrisme et au militarisme. Un mois après la victoire sandiniste, à l’occasion de la visite du président du Panama, Omar Trujillo, ABC prophétise sur l’avenir du Nicaragua en titrant en couverture : « Les enfants et la guerre165 ». Les dirigeants sandinistes montés sur une estrade, en uniformes militaires, hilares, regardent de jeunes enfants ramper à terre et jouer avec des armes. La légende est la suivante : « Témoignage des dangereuses influences auxquelles on soumet la formation des enfants […]166. »
14Cette photographie contraste avec les titres récents d’El País : « La vie citoyenne se normalise peu à peu au Nicaragua167 » et avec la vision d’une jeunesse héroïque et volontaire décrite lors de l’insurrection par ce même journal. ABC rend compte ici au contraire de la militarisation de la société et de la jeunesse, laquelle ne favorise pas la normalisation de la société.
De la fin du consensus politique à l’éclatement de la réconciliation nationale
15La démission des deux membres de la junte, Alfonso Robelo et Violeta Chamorro, en avril 1980 représente une rupture importante.
Vers une confiscation du pouvoir ?
16Violeta Chamorro démissionne la première en invoquant des raisons de santé. Or Violeta représentait un défi pour les sandinistes : elle n’est nulle autre que la veuve de Pedro Joaquím Chamorro, le directeur de La Prensa dont l’assassinat a largement cautionné l’action armée des sandinistes. Sa présence au sein de la junte avait donc valeur de témoignage et d’héritage : elle était la garante de la pluralité et la caution symbolique du régime. Sa démission attaque les fondements mythiques de la révolution, comme si le fantôme du journaliste retirait sa légitimité aux sandinistes.
17Deux jours plus tard, c’est au tour d’Alfonso Robelo, président du Cosep, de démissionner. Sa démission est sujette à des critiques plus virulentes car Robelo ne cache aucunement les raisons qui l’y ont poussé : il dénonce la mainmise des sandinistes sur l’appareil d’État. La veille, la junte avait annoncé la constitution d’un nouveau conseil d’État, composé jusqu’alors de trente-trois sièges dont six étaient occupés par les sandinistes. L’élargissement de l’organe à quarante-sept sièges permettait alors l’intégration de représentants d’organisations de masse directement rattachées au FSLN, lequel pouvait désormais noyauter l’appareil législatif.
18Cet événement suscite un nouveau clivage amis/ennemis de la révolution et fait resurgir de ce fait les vieux démons nicaraguayens. Les motifs de la démission de Robelo font l’objet d’une bataille rhétorique entre Robelo et les sandinistes. Couverte par la presse, cette polémique n’est guère envisagée d’un point de vue politique, mais sous l’angle de la théorie du complot : Robelo accuse les sandinistes de mener la révolution sur le chemin de l’extrême gauche et les sandinistes accusent Robelo – qui, rappelons-le, représente le monde de l’entreprise privée – de comploter pour « vendre la révolution au capitalisme168 ». Aussi sa démission est-elle qualifiée de déloyale et d’acte de traîtrise. Robelo rétorque aux sandinistes en les accusant de totalitarisme.
19Le 23 avril, El País titre : « Démission du dernier membre non marxiste de la junte nicaraguayenne169. » Le journal considère cette éviction comme relativement cohérente : elle confère ainsi, selon lui, la pleine légitimité aux vrais acteurs de la révolution, à « ceux qui ont fait don de leur sang » pour la patrie et affirme que « maintenant tout reste entre les mains de ceux qui ont réellement fait la révolution et qui jouèrent leur vie durant des mois les armes à la main170. »
« Dans la junte de reconstruction, il reste maintenant trois membres marxistes déclarés, sans la présence incommodante des collaborateurs ouverts au processus qui a conduit à la destitution d’Anastasio Somoza, mais qui sont très distants idéologiquement du groupe victorieux, le Front sandiniste de libération171. »
20Ces déclarations dans El País ne sont pas distanciées par le recours à des guillemets : elles laissent transparaître la position de l’envoyé spécial qui a suivi les combats. Pour lui, la légitimité politique résulte du sacrifice – manière de sous-entendre que les deux autres membres ne méritaient pas leur place dans cette junte.
21L’ABC du 25 avril 1980 reprend, quant à lui, une dépêche EFE avec comme titre : « Les sandinistes accusent Robelo de déloyauté172 », et cite les propos accusateurs de Humberto Ortega, membre de la direction nationale du Front, qui désavoue le démissionnaire, lors d’une conférence de presse. En effet, « La direction nationale du FSLN s’est prononcée aujourd’hui sur la démission de Robelo Callejas, qualifiant de déloyal le dirigeant du mouvement démocratique nicaraguayen173. » « Le commandant Humberto Ortga […] affirma […] qu’Alfonso Robelo [Callejas] qui démissionna de la junte, prétendait faire virer “à droite” le processus révolutionnaire de ce pays174 ». Et d’ajouter : « […] au Nicaragua, il n’y a pas de dérive gauchiste, [le pays] “garde le cap sans dévier à droite”175 ».
22Les deux quotidiens évoquent le thème du complot qui se dessine ici en filigrane. ABC reprend les propos d’Humberto Ortega qui critiquent Robelo. El País reprend, quant à lui, les propos de Robelo qui accusent les sandinistes de totalitarisme dans un autre article du 25 avril intitulé « Robelo qualifie le conseil d’État nicaraguayen de totalitaire176. » Cette configuration, un peu particulière compte tenu des idéologies propres à chacun des deux organes de presse, vise vraisemblablement à valoriser ou dévaloriser le démissionnaire.
23Ainsi lorsqu’ABC reprend le discours injurieux des sandinistes à l’encontre de Robelo, c’est moins pour le dévaloriser que pour souligner le caractère agressif et totalitaire des propos sandinistes à l’égard du démissionnaire. Le titre « Les sandinistes accusent Robelo de déloyauté » fait de celui-ci l’une des premières victimes de la nébuleuse sandiniste. « Les sandinistes », présentés comme identité négative dans leur logique totalitaire, accusent de traîtrise le démissionnaire qui fait dès lors figure de résistant et de martyr. El País recourt au même procédé avec son titre : « Robelo qualifie le conseil d’État nicaraguayen de totalitaire », mais cette fois pour dévaloriser le démissionnaire. À la différence d’ABC, le journal reprend les propos du démissionnaire et non ceux des sandinistes.
« […] Robelo a demandé à ses partisans d’abandonner les postes qu’ils occupaient au sein du gouvernement et de l’administration nicaraguayenne. Jusqu’à maintenant, 26 % des charges politiques étaient occupées au Nicaragua par des membres de la MDN, surtout des cadres et des techniciens dotés d’une instruction supérieure177. »
24Dans le corps du texte, le journal loue en effet l’action des sandinistes. Il met l’accent sur le renoncement de Robelo dans un contexte critique, celui de la reconstruction, et sur son manque de conscience collective, que traduit sa propension à priver l’État de 26 % de personnel qualifié. Aussi, l’injonction faite aux membres de son parti, au lieu d’être présentée comme un acte de résistance face au totalitarisme et de valider la rhétorique totalitaire utilisée par Robelo, signifie l’inverse : elle entérine du même coup l’accusation des sandinistes.
25La démission de Robelo évoque en ce sens la fin de l’illusoire consensus politique et jette les prémices d’un nouveau schéma dichotomique comprenant la figure négative du traître et la figure positive du résistant. Les deux quotidiens utilisent cette alternative en distribuant diversement les rôles.
Le début de la radicalisation
26Le 4 novembre, Ronald Reagan remporte les élections américaines. Fidèle défenseur des doctrines Monroe et Truman, il va grandement peser sur les événements centraméricains. Quelques jours plus tard, le 15e congrès de l’Internationale socialiste178 se tient à Madrid : l’Amérique centrale y est fortement évoquée et le Comité de défense de la révolution nicaraguayenne est fondé, avec à sa présidence Felipe González. Les missions de ce comité s’articulent autour de quatre axes : appuyer l’autodétermination du peuple et le processus de reconstruction nationale, protéger le Nicaragua de tout interventionnisme étranger, informer l’IS du processus de développement effectif de la démocratie, alimenter la solidarité internationale auprès du peuple nicaraguayen. Durant ce congrès, l’IS, par la voix de son président Willy Brandt, réaffirme sa solidarité à l’égard des forces combattantes pour la liberté et la démocratie et les associe aux luttes anti-impérialistes, que les groupes anti-impérialistes soient ou non ouvertement marxistes179.
27Cette rupture dans le discours n’est pas anodine. Certainement liée à la victoire du conservateur Reagan, elle traduit les prémices d’une future radicalisation et des crispations idéologiques dont le sandinisme sera l’objet. Certains partis latino-américains présents commencent toutefois à manifester une certaine distance à l’égard de la position défendue par l’IS et avertissent les partis socialistes européens quant aux possibles dérives dictatoriales du régime sandiniste.
28Au même moment, le Nicaragua est secoué par un nouvel affrontement politique. Le 17 décembre 1980, le président du Cosep, Jorge Salazar, est assassiné par les gardes sandinistes. Deux jours plus tard, le ministre de l’Intérieur, Tómas Borge, accuse Salazar d’avoir ourdi un complot visant à renverser le pouvoir révolutionnaire et d’être pour cela entré en contact avec des éléments somozistes tout en étant à la tête d’un trafic d’armes. Il accuse également six autres membres appartenant au MDN, le mouvement d’Alfonso Robelo qui a démissionné six mois plus tôt.
29El País en parle au détour d’un article concernant la situation en Amérique centrale et, reprenant les mots du communiqué du front sandiniste, le traite comme un simple fait divers : « En tentant de l’arrêter, […] il a ouvert le feu contre les forces de sécurité180. »
30L’ABC du 22 novembre 1980, recourant au même procédé utilisé lors de la démission de Robelo, reprend une déclaration de l’ambassadeur nicaraguayen en République dominicaine et la titre : « Ils dénoncent un “complot” contre le régime nicaraguayen181 » avec en surtitre « Prétendument dirigé par l’entrepreneur Alfonso Robelo182. »
31Dans le numéro du jeudi 20 novembre d’El País intitulé « Le gouvernement sandiniste accuse les secteurs entrepreneuriaux de préparer un coup d’État au Nicaragua183 », le journal commence à prendre de la distance vis-à-vis des propos sandinistes. « Le gouvernement sandiniste a converti Salazar en leader d’une organisation qu’il aurait lui-même créée et financée184. »
32Cet assassinat marque au Nicaragua la fin de la réconciliation nationale et le début d’un nouvel affrontement. C’est une des prémisses de la seconde guerre, qui débute officiellement en mars 1982. Les partis socialistes restent solidaires avec le Front quelles que soient les circonstances. Ce n’est qu’en décembre 1981 que Willy Brandt, face aux persécutions persistantes du régime contre les entrepreneurs, décide de donner au FSLN une sanction exemplaire en ne l’invitant pas à se joindre à la conférence de l’IS de Caracas. Quant à l’Espagne, ses fantasmes de médiation dans le conflit centraméricain sont réduits à néant après à la tentative de coup d’État du 23 février 1981.
Notes de bas de page
149 El País, 26 juillet 1979, Éditorial. Citation originale : « EL DERROCAMIENTO de Somoza no fue el resultado de un “golpe de palacio” ni una maniobra para soltar el lastre de una figura odiada y asegurar a los intereses que se beneficiaban del poder desde hace muchas décadas […]. »
150 El País, 18 juillet 1979. Citation originale : « […] que supo aprovechar la ausencia del recurso al terrorismo, consiguió el apoyo de los hijos de familias acaudaladas ».
151 Jusqu’en 1975, le PSOE est un parti clandestin et son incorporation politique à la société espagnole ne se passe pas sans questionnements sur le nouveau projet politique à offrir. Le PSOE était traversé par de nombreux clivages : clivages entre nationaux et exilés se traduisant concrètement par un clivage générationnel entre ceux qui avaient connu la guerre civile et qui s’étaient exilés, et la jeune génération qui avait évolué en Espagne franquiste. À cette opposition entre socialisme historique et socialisme réformé, des clivages régionaux s’ajoutèrent. Le PSOE se divisait en trois grandes fédérations régionales : la madrilène, la basque et l’asturienne qui se répartissaient les pouvoirs. L’arrivée d’un nouveau groupe, celui de Séville, brisa cet équilibre de distribution territoriale du pouvoir. Enfin, s’ajoutent les clivages idéologiques entre socialistes marxistes, dont le chef de file était Alfonso Guerra, et socialistes non marxistes, représentés par la mouvance de Felipe González. Cette question était primordiale car il s’agissait de donner la future identité politique du parti. Les élections de 1977, puis celles de 1979, avaient montré que la société espagnole était partisane de la modération. Au sein du consensus démocratique, la perte de la rhétorique marxiste s’avérait nécessaire. En 1978, lors du congrès de Suresnes, le PSOE abandonna donc définitivement son identité marxiste.
152 Emilio A. Rodríguez, « Transición a la democracia en España, Hacia una nueva política iberoamericana », dans Realidades y posibilidades de las relaciones entre España y América en las Ochenta, Madrid, Instituto de Cooperación Iberoamericana, 1986, p. 167.
153 El País, 26 juillet 1979. Citation originale : « Está claro que Tómas Borge o Moisés Hassan, dos marxistas ortodoxos no tienen la misma concepción del nuevo Estado nicaragüense que Alfonso Robelo ou Joaquím Cuadra Chamorro, reformados moderados ligados al capitalismo norteamericano desde hace tiempo. »
154 El País, 21 juillet 1979. Citation originale : « Puede surgir el desencanto […]. Sobre todo, cuando se vea que un cierto poder continúa en unas ciertas manos. »
155 El País, 18 juillet 1979. Citation originale : « El FSLN, un movimiento nacionalista y anti somocista. »
156 El País, 17 août 1979. Citation originale : « La vida ciudadana se normaliza paulatinamente en Nicaragua. »
157 Ibid. Citation originale : « Su reaparición simboliza la paulatina normalización de un país que ha salido exangüe de una guerra civil. »
158 ABC, 20 juillet 1979. Citation originale : « Bajo la sombra del castrismo. »
159 Ibid. Citation originale. « Nicaragua, a merced de Cuba. »
160 Ibid. Citation originale. « […] la sombra que se cierne sobre Nicaragua: la de la mano larga y audaz del castrismo ».
161 ABC, 2 août 1979. Citation originale : « Un aire de Sierra Maestra les nimba la cabeza. »
162 Ibid. Citation originale : « Encima del portafolios –que expresa una idea de quehacer civil, de concreto afán, de negocio o de burocracia– descansa el fusil ametrallador, como en la espera de su torno para tomar la palabra. El Sandinismo, tras de su victoria por las armas, sobre las armas continúa. »
163 Ibid. Citation originale : « Daniel Ortega […]. Bayardo Arce, […] mira y avizora […] ».
164 El País, 2 août 1979. Citation originale : « Según Felipe González, ejemplo para otros paises centroamericanos. »
165 ABC, Madrid, 21 août 1979. Citation originale : « Los niños y la guerra. »
166 Ibid. Citation originale : « Testimonio de las peligras influencias a las que se ve sometida la formación de los niños […]. »
167 El País, 17 août 1979. Citation originale : « La vida ciudadana se normaliza paulatinamente en Nicaragua. »
168 Note des Éditions de l’IHEAL : source manquante.
169 El País, 22 avril 1980. Citation originale : « Dimite el último miembro no marxista de la Junta nicaragüense. »
170 Ibid. Citation originale : « Ahora todo queda en manos de quienes realmente hicieron la revolución y se jugaron la vida, durante meses, con las armas en la mano. »
171 Ibid. Citation originale. « En la Junta de Reconstrucción permanecen ahora tres miembros declaradamente marxistas, sin la incómoda presencia de colaboradores abiertos del proceso que derrocó a Anastasio Somoza, pero muy distantes ideológicamente del grupo victorioso, el Frente Sandinista de Liberación. »
172 ABC, Madrid, 25 avril 1980. Citation originale : « Los Sandinistas tachan de desleal à Robelo. »
173 Ibid. Citation originale : « La Dirección Nacional del FSLN se pronunció hoy sobre la renuncia de Robelo Callejas, calificando de desleal al dirigente del Movimiento Democrático Nicaragüense. »
174 Ibid. Citation originale : « El comandante Humberto Ortega […] afirmó […] que Alfonso Robelo que dimitió de la Junta de gobierno, pretendía hacer virar “hacia la derecha” el proceso revolucionario en este país. »
175 Ibid. Citation originale : « […] en Nicaragua no se está dando un giro del proceso “hacia la izquierda” sino que “sigue el rumbo correcto sin desviarse a la derecha” ».
176 El País, 23 avril 1980. Citation originale : « Robelo califica de totalitario el Consejo de Estado nicaragüense. »
177 Ibid. Citation originale : « […] Robelo [...] dio instrucciones a sus afiliados que ocupaban cargos en el Gobierno y en la Administración de Nicaragua para que abandonen sus puestos. Hasta ahora, el 26 % de los cargos políticos eran ocupados en Nicaragua por miembros del MDN, sobre todo, cuadros y técnicos con instrucción superior. »
178 Les 13, 14, 15 et 16 novembre 1980.
179 Blázquez Vilaplana, op. cit., p. 175.
180 El País. Source incomplète. Citation originale : « Al intentar su arresto, […] se abrió fuego contra las fuerzas de seguridad. »
181 ABC, Madrid, 22 novembre 1980. Citation originale : « Denuncian un “complot” contra el régimen nicaragüense. »
182 Ibid. Citation originale : « Supuestamente dirigido por el empresario Alfonso Robel. »
183 El País, 19 novembre 1980. Citation originale : « El gobierno sandinista acusa a sectores empresariales de preparar un golpe de Estado en Nicaragua. »
184 Ibid. Citation originale : « El gobierno sandinista ha convertido a Salazar en cabecilla de una organización que el mismo habría creado y financiado. »
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