Les sandinistes : Miles Christi d’une guerre juste ?
p. 69-97
Texte intégral
La construction d’une légitimité
1Créé en 1961 par Carlos Fonseca, Tómas Borge et Silvio Mayorga, le Front sandiniste de libération nationale, bien que revendiquant sa filiation avec la croisade nationaliste de Sandino contre l’ingérence américaine, relève davantage d’une guérilla d’idéologie castro-guevariste.
L’émergence des sandinistes comme acteur politique légitime ?
2D’abord partisan d’une stratégie foquiste, qui débouche sur un échec en grande partie à cause d’un milieu paysan hostile aux guérilleros72, le Front n’est à la fin des années 1960 qu’un groupuscule armé sans grande couverture « nationale », sans grande notoriété ni légitimité. Il est écrasé par la garde nationale et se terre dans le silence durant plusieurs années. Ce n’est qu’en 1974, et après quatre années à rester dans l’ombre, que le FSLN, désormais mieux organisé, reprend les actions armées. La prise en otage de plusieurs ministres dans la maison du somoziste Chema Castillo et l’attaque de la caserne de Waslala marquent d’ailleurs le début des opérations militaires sur tout le territoire nicaraguayen. En l’espace de quelques mois seulement, les sandinistes, restés durant vingt ans en marge de la sphère du pouvoir, s’imposent sur l’échiquier politique nicaraguayen, dont il faut préciser certains particularismes.
3Au Nicaragua, la sphère politique est le lieu de rencontre d’une foule d’acteurs hétérogènes tels que les partis, entreprises et syndicats ou les organisations étudiantes, civiles et des Églises. La reconnaissance mutuelle de leurs « capacités de pouvoir » se fait dans une logique de négociation et de compromis visant à satisfaire les intérêts de chacun73. Or, tout nouvel acteur, prêt à faire ses preuves et porteur d’« une capacité », qu’elle soit financière, économique, coercitive, militaire, morale ou sociale, peut être intégré et évoluer dans cette sphère politique.
4D’autre part, au sein de la culture politique nicaraguayenne, l’usage de la violence comme modalité d’action apparaît légitime et permet la mobilité sociale de bon nombre d’acteurs politiques tels que Sandino ou Somoza García dans les années 1930. Le Nicaragua a été stigmatisé en raison des luttes incessantes entre libéraux et conservateurs, eux-mêmes soumis en interne à des querelles et à des luttes de pouvoir. La continuité de la dynastie Somoza au pouvoir est rendue possible grâce à l’utilisation récurrente de négociations faites de pactes avec les factions conservatrices, de clientélisme et de diverses faveurs envers les factions libérales, et par le recours à la répression contre ses opposants. Cette violence néanmoins codifiée, ritualisée et légitimée répond à une vision dichotomique de la société divisée entre les « civilisateurs » et les « barbares » qui, rabaissés à un rang infra-humain, subissent la « juste » violence expiatrice des civilisateurs en charge de protéger la société du chaos et de la violence.
5Aussi, pendant quarante-deux ans, la dictature patriarcale des Somoza terrorise et exploite le peuple nicaraguayen en s’appuyant sur une rhétorique anticommuniste. Se déclarant premiers défenseurs de la patrie, les Somoza persécutent et assassinent leurs opposants de tout bord tout en bâtissant une fortune personnelle. Cette politique d’enrichissement personnel atteint d’ailleurs son paroxysme au moment du tremblement de terre de décembre 1972, à l’origine de la destruction de Managua et du décès de près de 20 000 personnes. Pour faire face à cette situation d’urgence, l’aide internationale débloque des fonds qui seront détournés par Anastasio Somoza. Elle envoie également des médicaments et des aliments de première nécessité, dont il fera commerce. En tirant profit de la ruine de son pays et en vendant à prix d’or des matériaux tel que le ciment, nécessaire à la reconstruction et dont il s’était octroyé le monopole, Anastasio Somoza prive en même temps ses opposants de mannes financières importantes. Cette dérive hégémonique, ce despotisme omnivore brisent les équilibres politiques et constituent alors une infraction à la coutume politique nicaraguayenne.
6Non content de faire main basse sur toutes les richesses du pays et de détourner l’aide internationale, Somoza vampirise également son peuple. Les terribles troupes prétoriennes de Somoza sont formées à l’assassinat et à la torture : on les incite à se considérer comme des « tigres », des prédateurs assoiffés, ayant pour vocation de se repaître du sang du peuple74. En 1978, il crée à cet effet l’entreprise Plasmaféris dont l’activité consistait à ponctionner le sang et le plasma des classes pauvres pour le vendre aux États-Unis. Il incarnait en cela la figure du vampire nécrophage, cannibale, décrépit et insatiable. L’image de Somoza s’oppose progressivement à celle du jeune peuple nicaraguayen, sacrifié à la pérennité d’un vieillard débile, malade, figure même de la décadence morale et politique. Ces multiples crimes et rapines furent largement dénoncés par le journaliste Pedro Joaquím Chamorro, directeur du journal La Prensa, qui devint l’un des plus fervents opposants politiques d’Anastasio Somoza, et aussi peut-être l’un des plus légitimes, puisque, en tant que conservateur, il avait refusé le pacte avec les libéraux. Contraint à des exils répétés, subissant arrestations et tortures, Chamorro fait figure d’homme intègre qui résiste, par la plume, à l’injustice et à la corruption75. Défenseur des déshérités, il devient le porte-parole de tous les secteurs d’une société pourtant fragmentée et désunie. Il incarne une figure incontournable de la scène politique et intellectuelle nicaraguayenne, sans doute la plus à même de faire la synthèse nationale.
7Dans un pays où le Christ demeure la seule figure unificatrice, cette rhétorique chrétienne s’impose telle une antienne nationale. Au sein de cette dialectique, Chamorro n’hésite pas à se mettre en scène tel un Christ martyrisé, comme lors de son procès en 1959, par un Somoza qui prenait les traits d’un Hérode, d’un Judas ou d’un Moloch, soit tout un panel de figures bibliques de traîtres ou d’assassins76. C’est pourquoi le 10 janvier 1978 l’assassinat de cette figure « nationale », « christique », déclenche la chute des Somoza. Le meurtre du journaliste77 ne fait pas qu’aggraver la crise qui secoue le Nicaragua, il provoque un divorce moral irréversible entre la dictature et le peuple nicaraguayen. Ces différentes ruptures impliquent par ailleurs une nouvelle lecture des dynamiques qui sous-tendent la société et redéfinissent les enjeux d’un conflit qui, d’une lutte pour le pouvoir, se transforme en un combat de la civilisation contre la barbarie incarnée par Somoza. Cet assassinat, rejeté de manière unanime par la société nicaraguayenne, unifie tous les secteurs de l’opposition autour de la figure martyrisée du « peuple » et provoque leur identification nationale. Perçu comme la victime christique d’un pouvoir barbare et païen, Chamorro devient un martyr des libertés.
8Sa mort a deux conséquences : d’une part, la mise en place d’un nouveau credo révolutionnaire qui proclame la nécessité de se défaire d’un monde corrompu et de fonder une société nouvelle. L’assassinat de Chamorro donne à ce conflit, jusqu’alors plus rhétorique que réaliste, une valeur performative et fait de l’affrontement une lutte du bien contre le mal qui met en suspend les antagonismes existants dans l’opposition. Il ne s’agit donc plus d’équilibrer les pouvoirs, mais de combattre et d’obtenir l’écartement de Somoza et de ses fils de manière pérenne. D’autre part, la mort de Chamorro instaure un état de quasi-anomie dans le paysage politique nicaraguayen. Ce sont les sandinistes, jusque-là écartés du conflit politique par les élites, qui deviennent les héritiers de l’œuvre civilisatrice de Chamorro dans laquelle la lutte armée va progressivement acquérir toute sa place. La mort du journaliste donne en ce sens naissance à une nouvelle figure « nationale », celle du guérillero sandiniste ou « miles christi78 » d’une lutte du bien contre le mal qui puise dans l’imagerie biblique.
9Alors que toute la société civile se mobilise pour protester contre cet assassinat, les premières manifestations de solidarité internationale fleurissent. À Madrid, un communiqué de solidarité avec le peuple nicaraguayen est signé par des personnalités politiques telles que Felipe González et publié le 21 février 1978, soit plus d’un mois après la mort de Chamorro. La coïncidence de cette date avec l’anniversaire de l’assassinat de Sandino, survenu quarante-quatre ans auparavant et commis par le premier Somoza de la dynastie79, entraîne la juxtaposition des deux hommes, figures « nationales » du Nicaragua, et semble symboliser le trait d’union entre Chamorro et les sandinistes lesquels se réclament de l’œuvre de Sandino.
10Mais ce n’est que six mois plus tard que la passation de pouvoir se concrétise. En effet, c’est au cours de la spectaculaire prise d’otages du palais national conduite par Edén Pastora que les sandinistes font leurs « preuves ». Cette prise d’otages est pour eux un coup médiatique important : ils y acquièrent le statut de héros civilisateurs, ainsi que leur ticket d’entrée dans l’espace politique. Il s’agit de leur intronisation officielle comme acteur politique ascendant. Une rapide rétrospective des événements nous indique que la prise d’otages débute le 22 août : un groupuscule composé d’une vingtaine de guérilleros réussit à prendre en otage près de 2 000 personnes, parmi lesquels des députés et des journalistes venus assister à une séance du Congrès. La présence des parents de Somoza personnalise l’attaque dont les revendications sont la libération des prisonniers politiques, sandinistes ou non, la mise à disposition d’un avion pour qu’ils fuient vers le Costa Rica, le versement de 10 millions de dollars et la diffusion d’un message de libération via les radios.
11En Espagne, la prise d’otages fait la une des deux quotidiens auxquels nous nous intéressons et est qualifiée de « coup audacieux80 ». L’ABC et El País utilisent d’ailleurs la même photo d’Edén Pastora s’envolant vers le Costa Rica. La récurrence des superlatifs tel que « spectaculaire81 » souligne le caractère extraordinaire de l’action. El País insiste sur le fait qu’« Il apparaît encore incroyable qu’un groupe de personnes si réduit puisse contrôler un édifice aussi grand que le Palais et surveiller les 1 500 personnes présentes en son sein82 » ; tandis que ABC dénonce la violence illégitime de l’action en titrant « La guérilla attaque le Parlement » avec le surtitre « Attentat terroriste à Managua83 ». La prise d’otages présentée comme un acte illégitime dans le second quotidien est présentée dans le premier comme un acte de libération. L’inversion est totale, les sandinistes passant du statut de preneurs d’otages à celui de libérateurs.
12C’est par cet acte que la renaissance et la résurrection du Nicaragua semblent être impulsées. En témoigne le titre que donne El País à l’événement : « L’odyssée que des centaines de personnes ont vécue au Palais national se termine84. » Le terme d’odyssée est relativement positif. En outre, l’odyssée fait bien entendu référence à l’œuvre d’Homère et à Ulysse, héros grec vainqueur de la guerre de Troie qui, en s’introduisant dans la ville du même nom et par le biais d’un cheval, en avait signé la perte. À l’instar d’Ulysse, le commando sandiniste, composé d’une dizaine d’hommes affublés d’uniformes de l’armée, s’introduit dans le palais et tient en respect plus de 2 000 personnes. L’Odyssée est une série d’épreuves : Ulysse subit l’exil, la séparation, mais revient à Ithaque pour reconquérir un pouvoir qui lui appartient légitimement et qui lui fut usurpé durant son absence. Le terme « odyssée » n’est pas ici appliqué exclusivement aux sandinistes – et ce bien que la photographie d’Edén Pastora s’envolant vers le Costa Rica fasse davantage penser à un retour qu’à une fuite –, mais s’applique à tous les protagonistes de la prise d’otages.
13Le Parlement, symbole du pouvoir du peuple, n’a pas été asservi, mais au contraire libéré par les sandinistes. Ainsi, le véritable tortionnaire, le geôlier, n’est autre que Somoza qui prend alors figure du cyclope Polyphème, autre figure nécrophage dont la capacité de nuisance est réduite par l’action de Ulysse. En effet, cette prise d’otages réussie est un premier coup de massue pour Somoza : les grèves reprennent, l’opposition demande sa démission et les insurrections populaires débutent. Il s’agit donc d’une épreuve collective nationale qui mène vers la libération, vers le retour et plus encore, vers la renaissance de tous.
14El País reprend cette vision : en page trois, deux photos se répondent. La première montre la Croix-Rouge évacuant un blessé sur une civière. La photo suivante présente trois femmes enceintes regardant la civière partir. La légende indique qu’elles ont été libérées sans préciser pour autant de qui ou par qui : « Femmes enceintes après avoir été libérées85. » Nous pouvons supposer que les femmes n’ont pas été libérées des sandinistes, mais plutôt de Somoza qui aurait été d’ailleurs, plus que les sandinistes, le responsable désigné en cas de bain de sang. Le journal souligne en ce sens que la violence n’a pas été exercée contre les civils : « Les femmes et les enfants présents dans le bâtiment furent autorisés à le quitter ». « Certaines versions donnent le chiffre de cinq militaires morts86. » Ainsi ces deux photos symbolisent-elles la « presque fin » d’un monde ancien et décadent remplacé par un nouveau, prometteur pour l’avenir. ABC met également en avant cette atteinte à l’intégrité, à la force du colosse somoziste dans son titre « Somoza claudique devant la guérilla87. » La renaissance, la résurrection sont alors mis en exergue par la suite aux cours des combats, par cet antagonisme d’une jeunesse prête à donner son sang face à un vieil homme qui le ponctionne.
15Suite à cette prise d’otages, la popularité des sandinistes atteint son sommet. ABC et El País mettent en avant cette acclamation populaire : « Les membres du commando sont félicités avec enthousiasme par les étudiants panaméens88 », « Départ enthousiaste », « Un départ de “Héros” acclamé par le peuple de Managua », « 8 000 personnes se réunirent à l’aéroport pour acclamer les insurgés89. »
16Alors que les sandinistes s’envolent vers le Costa Rica ou le Panama, qui leur accordent avec le Venezuela un appui logistique, diplomatique et parfois militaire, tous les secteurs de l’opposition appellent à la grève nationale pour exiger la démission du président. Des insurrections éclatent, notamment à Matagalpa qui se déclare territoire libéré.
17Dans ce conflit où plus aucune transaction n’apparaît possible, Somoza réagit de manière disproportionnée. Refusant de démissionner, il ordonne le bombardement de villes, le lancement d’offensives et d’opérations de nettoyage si violentes que cela provoque l’inquiétude des pays voisins qui saisissent l’OEA90 et tentent d’entreprendre des médiations. Les violences de Somoza à l’encontre de son peuple et son refus obstiné d’accorder une quelconque place à l’opposition l’isolent de plus en plus. Les condamnations pleuvent. Début septembre, les députés de la République dominicaine qualifient les actes de violence de Somoza de « génocide contre son propre peuple » et de « honte du continent américain91 ». Quelques jours plus tard, c’est le Parlement colombien qui déclare Somoza « habitant indésirable de l’Amérique92 ».
18Malgré les tentatives de l’opposition de négocier une solution politique, l’entêtement de Somoza durant l’hiver 1978-1979 renforce l’option de la lutte armée prônée par les sandinistes et confirme leur entrée dans la sphère politique nicaraguayenne. Leur légitimité ne sera toutefois définitivement acquise que le 8 juin 1979, en pleine reprise de l’offensive. Miguel Obando Bravo, archevêque de Managua devenu médiateur lors des prises d’otages de 1974 et de 1978, souligne à ce titre la justesse de l’insurrection armée lors d’une interview donnée à El País dont le titre reprendra les propos : « La guerre contre la violence au Nicaragua est juste93 ».
L’Espagne et la guerre civile nicaraguayenne : ligne de fracture entre politique pragmatique et politique affective ?
19« La victoire est à portée de main et le soutien du peuple espagnol est très important94. » À la suite des événements nicaraguayens, la politique de consensus interne voulue par les élites aperturistas est mise à mal. D’importantes dissonances apparaissent progressivement dans la classe politique espagnole, mais le gouvernement continue de maintenir des relations diplomatiques et de fructueux rapports économiques avec le régime somoziste afin de préserver la stabilité du pays. Toutefois, aussi bien l’opinion publique que les partis de gauche exigent que celui-ci se positionne de manière exemplaire sur la question.
20En août 1978, lorsque la prise d’otages des sandinistes fait la une des journaux espagnols, la polémique concernant la vente d’armes espagnoles au régime somoziste est évoquée dans l’article d’El País, « L’Espagne aide Somoza avec [l’envoi] d’armes95 », tandis qu’ABC n’en fait pas écho. En effet, cet article reprend les propos du porte-parole du FSLN en Europe, Roberto Herrera :
« Lors des ultimes actions de la garde nationale de Somoza, nous avons découvert qu’ils [les soldats] utilisaient un armement en provenance d’Espagne. Il en fut ainsi lors du massacre de Masaya, durant lequel périrent 1 200 paysans indiens. »
« Compte tenu de la politique de droits de l’homme que prétend défendre Carter, se substituent à l’aide nord-américaine d’autres pays qui évoluent dans son orbite96. »
21Or, ce n’est pas la première fois que des personnalités sandinistes dénoncent l’aide militaire espagnole accordée à Somoza. Un an auparavant, le 25 novembre 1977, lors d’une interview donnée à Madrid, le prêtre sandiniste Ernesto Cardenal avait déjà appelé le gouvernement à signifier sa solidarité en mettant un terme à ses relations tant économiques que diplomatiques avec Somoza. À deux reprises dans El País, il invitera le gouvernement espagnol à rompre avec le régime et à cesser les ventes d’armes : d’abord, après la première insurrection de Matagalpa en septembre 1978, puis le 6 mai 197997.
22Néanmoins, le 28 avril puis le 3 juillet, le journal indique que « L’Espagne a continué à envoyer des armes au dictateur98 » et présente les récits d’Edén Pastora et Humberto Ortega qui relatent la saisie d’armes espagnoles chez les gardes de Somoza. Ils dénoncent notamment la complicité militaire et diplomatique du gouvernement espagnol de l’UDC :
« Les Jeeps, les fusils […] et les grenades qu’utilise la garde nationale pour massacrer le peuple sont espagnols. Le peuple nicaraguayen comme le gouvernement qui remplace Somoza éprouveront un ressentiment contre l’Espagne si elle n’adopte pas une position claire contre le dictateur99. »
23Ces différentes accusations visant le gouvernement aussi bien que le peuple espagnol sont d’autant plus infamantes pour l’Espagne que l’allié traditionnel de Somoza, les États-Unis, retire au même moment ses crédits militaires pour cause de non-respect des droits de l’homme. Le gouvernement de l’UCD dément à maintes reprises l’existence de ces contrats d’armement100.
24Avec l’intensification des combats courant juin 1979, l’actualité est couverte par des envoyés spéciaux dépêchés dans les zones de combat. Début juin, Ángel Luis de la Calle s’envole pour la première fois pour le Nicaragua. Il y écrira son premier reportage. Ce journaliste, correspondant d’El País en Amérique centrale, basé précédemment à Caracas, avait couvert la crise de 1978 à San José au Costa Rica en tant qu’envoyé spécial. Il donne ainsi aux combats de la guérilla contre les forces somozistes une portée internationale, à forte valeur idéologique et médiatique, et signe l’implication du journal dans cet événement.
25Comme le souligne Abderrahman Beggar, l’envoyé spécial a pour mission de relater ce qu’il voit, d’en donner une information objective en même temps qu’il s’en fait témoin101. Il rend compte et authentifie la réalité par sa présence. El País nous offre son premier reportage dans son numéro du 4 juin 1979. Par ailleurs, comme d’autres journalistes, Ángel Luis de La Calle a été invité par Somoza à visiter l’un des fronts pour témoigner de l’état des combattants, des gardes nationaux et des sandinistes et de donner une vision globale et objective de la situation. Aussi, dès le paragraphe d’introduction écrit en gras à gauche, le journal annonce son intention de délivrer la réalité :
« Une juste appréciation des événements au Nicaragua implique nécessairement d’aller plus loin que l’information délivrée par l’armée nicaraguayenne et la guérilla sandiniste. […] La garde nationale du Nicaragua a invité un groupe de journalistes étrangers pour qu’ils soient les témoins directs des combats dans une zone où la victoire de l’armée semble imminente102. »
26Sous le paragraphe, en caractère gras, le journal nous rappelle sa présence : « El País a visité le front sud qui jouxte la frontière avec le Costa Rica103. » Au prisme du titre « Au Nicaragua, les sandinistes et la garde nationale de Somoza se livrent à une guerre ouverte104 », l’article met d’emblée l’accent sur la nature de la situation nicaraguayenne. Il ne s’agit plus des seules actions d’une guérilla, mais bien d’une guerre, au sens classique du terme, dont il est question. Cela implique de fait la reconnaissance de l’armée sandiniste comme étant une force régulière, jouissant d’une violence légitime.
27Le journaliste fait ensuite allusion au voyage qu’il a effectué pour se rendre sur le front et précise qu’il s’agissait là d’« une sorte de journée [curieusement] espagnole105 ». En outre,
« Nous, journalistes, avons été véhiculés dans un autobus Pegaso. Nous avons voyagé jusqu’à la frontière avec le Costa Rica dans des avions C-212 […]. [Puis] nous nous sommes déplacés à bord d’un autre bus Ebro. Et, pour finir, des Jeeps composaient la batterie des véhicules légers des troupes de la gare nationale106. »
28L’envoyé spécial compose son récit de multiples références à la présence et à l’aide espagnole qui équipe le camp des somozistes et, notamment, son transport dans des véhicules de marque espagnole. Le « curieusement » souligne que le journaliste tourne en dérision les déclarations du ministère des Affaires étrangères espagnol qui niait l’existence de tels contrats, bien qu’il s’agisse non pas d’armes mais de transport militaire. La suite du texte révèle l’implication d’autres puissances : « des camions israéliens, des lance-roquettes argentins, des grenades de la Nouvelle-Orléans, des fusils automatiques belges et des munitions de calibre 50 d’origine coréenne107 ».
29Cet article fait donc ressortir deux points primordiaux concernant l’attitude adoptée par l’Espagne à l’égard du conflit se déroulant entre somozistes et sandinistes. Le premier fait état de l’implication espagnole dans la vente de matériel militaire à Somoza et est implicitement condamné par El País. Le second concerne l’attitude morale à tenir vis-à-vis de la guerre civile et insiste sur le devoir des Espagnols et du gouvernement à se positionner formellement vis-à-vis des forces belligérantes en présence. En recourant au terme de « guerre ouverte », El País valide indirectement les requêtes des personnalités sandinistes qui appellent, elles aussi, le gouvernement et le peuple espagnol à se prononcer clairement sur la question de la reconnaissance de leur combat.
30Cela s’avère d’autant plus urgent pour l’Espagne qu’à partir du printemps 1979 un nombre croissant de gouvernements étrangers rompent les uns après les autres leurs liens diplomatiques avec Somoza en raison de ses actions qualifiées de « dénaturées », « barbares » et « génocidaires ». En effet, le 21 mai 1979, le Mexique rompt ses relations au nom du génocide pratiqué par Somoza contre son propre peuple. Le 17 juin, alors qu’une junte et un gouvernement d’opposition provisoire sont créés au Nicaragua, les pays du pacte Andin (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela) accordent à la guérilla sandiniste le statut de force belligérante légitime. Le 22 juin, ce sont les États-Unis qui désavouent le pays, après l’exécution d’un journaliste américain par les gardes. Le 25 juin enfin, le Brésil rompt ses relations avec le pays.
31Ces derniers événements isolent de plus en plus Somoza sur le plan international et tandis que la guerre redouble de violence, ils poussent la commission des Affaires étrangères du Parlement espagnol à se prononcer sur la question lors de la session du 26 juin 1979. L’UCD y présente une motion qui condamne en substance les bombardements de la population civile et exige le respect des droits de l’homme. Si, à cette occasion, le parti de centre-droit applaudit la décision des pays du pacte Andin de reconnaître les sandinistes en tant que force belligérante légitime, nous soulignons toutefois la relative neutralité de cette motion. En mentionnant le respect des droits de l’homme et la cessation des bombardements de la population civile, elle s’adresse en effet aux deux camps.
32À l’instar d’autres forces de gauche, le PSOE prie instamment, comme de nombreux gouvernements latino-américains, le gouvernement d’adopter une position idéologiquement ferme et de rompre diplomatiquement avec le régime de Somoza108. Le Parlement s’oppose pourtant à une telle mesure. Bien que le régime somoziste soit agonisant, le gouvernement poursuit sa politique de reconnaissance des États, non pas des régimes, et persiste à ne pas vouloir rompre avec Somoza et à ne pas reconnaître le statut de belligérants aux sandinistes. Deux ans plus tard, la légitimité du combat des forces insurrectionnelles salvadoriennes est reconnue par la déclaration franco-mexicaine de Cancún du 28 août 1981. Pourtant, en dépit des incitations de González au gouvernement de Sotelo à s’y joindre, l’Espagne s’abstiendra par prudence de voter sur ce sujet lors de l’assemblée générale de l’ONU.
33Peu avant la tenue de la session au Parlement, El País offre durant trois jours consécutifs, les vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 juin 1979, une présentation un peu particulière qui soulève de nouvelles interrogations. En effet, les actualités de la guerre civile nicaraguayenne sont placées en page trois, tandis qu’en page deux est proposée une chronique historique et divisée en trois articles, photos à l’appui, à propos de la politique franquiste face à la Shoah : « La politique espagnole devant l’holocauste juif109. » Sur la page de gauche dans l’édition du vendredi, un article titré « Franco approuve la persécution nazie contre les juifs en décembre 1939110 », auquel répond, sur la page de droite un article sur la guerre civile nicaraguayenne « Un avion de la guérilla sandiniste bombarde “le bunker” de Somoza à Managua111. » Le samedi la chronique à gauche est titrée : « Soumission et au service des Allemands sans l’introduction de lois antisémites112 » et le dimanche, la chronique se termine par l’article : « L’odyssée des Séfarades espagnols113. »
34La particularité de cette configuration éditoriale réside dans trois traits distinctifs. Tout d’abord, les premières pages d’El País, sont d’ordinaire exclusivement consacrées à l’actualité internationale. Par ailleurs, cette parution est présentée en un format du journal léger, constitué d’à peine quelques dizaines de pages. Enfin, le fait d’insérer une chronique historique en deuxième page nous paraît tout à fait incongru, puisque nous n’avons pas eu l’occasion d’observer ce phénomène dans d’autres numéros hors notre corpus. Nous pouvons donc nous interroger sur la mise en parallèle directe et frontale d’une page de l’histoire de la politique extérieure franquiste vis-à-vis d’un sujet aussi traumatique que la Shoah avec l’actualité brûlante du Nicaragua.
35Cette chronique évoque en effet deux spectres : celui du franquisme, proprement espagnol et dont la victoire fut largement conditionnée par les aides matérielles des puissances de l’axe et par la neutralité des démocraties occidentales, et celui de l’holocauste, qui incarne quant à lui, le traumatisme suprême du monde occidental. Depuis 1945, les atrocités du régime nazi servent de normes quant à ce qui relève du barbare, de l’inhumain. Par cette mise en parallèle, Somoza, accusé d’être le génocidaire de son propre peuple, est inclus dans cette inhumanité. Ne pas le condamner, ou même se contenter d’adopter une attitude passive, s’assimilerait-il alors à une collaboration ? On trouve un premier élément de réponse dans le paragraphe d’introduction qui condamne la neutralité, la « passivité » du gouvernement de l’UCD qui, rappelons-le, est l’héritier du franquisme : « Une première phase de soumission totale aux Allemands, sans introduire cependant de lois antisémites […] pourrait difficilement être qualifiée de résistance passive114. »
36Si le PCE et le PSOE demandent à maintes reprises la nécessité de reconnaître les forces sandinistes au niveau gouvernemental et militaire, c’est parce qu’au sein de l’affrontement contre Somoza, elles représentent les « forces démocratiques ». Leur action trouve chez eux un écho tout particulier au vu de l’histoire de leur jeune démocratie espagnole. Car, avec l’adoption d’une nouvelle constitution entérinant le « pacte du silence », la guerre civile espagnole et les années de dictature franquiste se trouvent désormais juridiquement enterrées.
37C’est donc à la lumière des événements nicaraguayens que toutes leurs interrogations rejaillissent. Comment oublier que, quarante années plus tôt, le camp républicain avait souffert de l’internationalisation du conflit espagnol et que, malgré sa légitimité démocratique, les grandes démocraties européennes lui avaient tourné le dos ? Comment oublier que le camp nationaliste de Franco, pourtant force « illégitime », s’était fait toutefois reconnaître par de nombreux États comme une force belligérante légitime ? Comment oublier que, toute la guerre durant, le camp républicain, de plus en plus affaibli, s’était débattu pour garder une reconnaissance internationale ?
38Le pacte du silence et des lois d’amnistie avaient conduit les élites franquistes et républicaines à s’accorder sur le fait de ne pas instrumentaliser la guerre d’Espagne ou le franquisme dans le débat politique et dans la sphère journalistique. Or, ces trois chroniques, bien qu’elles n’évoquent concrètement ni la guerre d’Espagne ni les dérives du régime autocratique de Franco, semblent d’une certaine manière faire entorse à cet accord.
39Le silence du gouvernement espagnol avait déjà été frappant en octobre 1978. Lors de la séance de l’ONU du 2 octobre, le ministre des Affaires étrangères avait réitéré la volonté de l’Espagne de défendre les droits humains. Pourtant, lorsqu’avec les événements de septembre 1978, plus aucun doute ne peut être émis quant aux dérives du régime, le gouvernement garde le silence. Ce fait est d’autant plus surprenant que le gouvernement de l’UCD n’hésite pas, parallèlement, à condamner ouvertement l’apartheid en Afrique du Sud ou encore les exactions au Zimbabwe115. Aussi, le Nicaragua de 1978 évoquerait-il des démons à proprement parler espagnols ?
40Finalement, le gouvernement espagnol reconnaît la junte le 19 juillet 1979, lors de la victoire sandiniste. Mais cette reconnaissance ne se fera pas sans souci et suscitera d’après El País de nombreuses critiques au sein de la société espagnole :
« En Espagne, le slogan de “deuxième Cuba” s’élève tel un reproche et telle une accusation contre le gouvernement qui est attaqué pour sa supposée rapidité à reconnaître le nouveau régime. Il n’en est rien. L’Espagne tout comme les États-Unis ont appliqué la “doctrine Estrada” qui implique la continuité des relations diplomatiques avec un pays quel que soit son changement de régime116. »
41Cette politique « du coup par coup » dépourvue de lignes directrices cohérentes et de clarté s’explique en grande partie par la situation extrêmement instable dans laquelle se trouve la jeune démocratie. Hormis sur l’axe des droits de l’homme, le gouvernement de l’UCD, en termes de politique extérieure, en est à ses premiers balbutiements. Il préfère ainsi inscrire sa politique dans la continuité franquiste et éviter toute identification, toute importation ou instrumentalisation du conflit nicaraguayen en Espagne, ce qui ne manquerait pas de réveiller quelques cadavres.
Les sandinistes : fascination pour le combattant ou révulsion pour la guerre ?
42Alors que la guerre fait rage et que Somoza est l’objet d’une condamnation unanime dans le monde, les sandinistes, dépeints comme les résistants les plus acharnés de la dictature, acquièrent la légitimité recherchée. Leur évocation dans la presse internationale traduit une certaine idéalisation fondée sur leurs qualités guerrières : leur courage, leur jeunesse, leur combativité, leur sacrifice de sang pour libérer le Nicaragua et leurs qualités de combattants victorieux, nobles et magnanimes envers le vaincu.
Le guérillero nouveau
43Dans cette optique, tandis qu’El País fait d’importantes descriptions laudatives visant à humaniser le guérillero, ABC à l’inverse garde une certaine distance à l’égard des sujets sandinistes et somozistes. Il est important de souligner que les descriptions qu’il effectue restent peu courantes et se focalisent essentiellement sur l’aspect guerrier des deux camps, perçus comme des entités destructrices.
44Entre le 4 juin et le 19 juillet 1979 et au fur et à mesure de la percée des sandinistes, El País en fait une description « héroïque » qu’il oppose bien souvent à la description des gardes nationaux. Il privilégie les sources « selon le Front117 » ou reprend les propos des sandinistes, auxquels il donne la parole dans des interviews, flattant leurs compétences guerrières et leur certitude de la victoire118. Dans ce combat acharné, les sandinistes s’incarnent en David luttant contre Goliath. Ainsi, les « compétences » de « David » sont mises en avant : l’extrême jeunesse tout d’abord119 : « des soldats de quinze ans120 », « l’extrême jeunesse de beaucoup des soldats, certains desquels atteignent avec difficulté les seize ans121 », « un autre très jeune122 ». C’est ensuite le caractère réduit de l’armée sandiniste et leur inexpérience militaire123 qu’il souligne : « lors de l’offensive militaire “finale”, 5 000 sandinistes armés défièrent directement les 15 000 hommes de la garde nationale ». Ce triptyque jeunesse, inexpérience et petit effectif révèle la fragilité supposée de ce David sandiniste face au Goliath somoziste dont les effectifs, abondamment équipés, mais surtout plus nombreux et formés professionnellement aux arts et aux stratégies de la guerre.
45Pourtant, si l’inexpérience militaire et la faiblesse des effectifs des jeunes forces sandinistes avaient joué en leur défaveur dans une guerre ouverte, leurs avancées retentissent ici comme autant de victoires et renforcent la parabole David-Goliath : « Une importante force sandiniste aurait réussi à rompre l’étau de fer de la garde nationale dans la zone124. » Les qualités humaines des guérilleros sont d’autant plus mises en valeur que le courage pallie le manque d’effectifs et que l’enthousiasme de l’extrême jeunesse compense l’inexpérience. Le quotidien relate :
« Nous avons démontré que même si nous n’avons pas étudié dans les académies militaires du Chili, d’Israël ou des États-Unis, nous savons combattre. Nous, nous avons appris la guerre à l’école de la vie. Nous sommes certains que nous nous dirigeons vers la victoire125. »
46Dans son premier reportage du 4 juin, le journaliste qui a visité les deux fronts fournit une description contrastée des hommes de la garde nationale et des combattants sandinistes. Il souligne l’humanité, la volonté et l’individualité des combattants sandinistes auxquels il donne, à la différence des gardes, directement la parole : « Tous les soldats se montrèrent communicatifs », ou « Un simple soldat qui s’exprimait avec une certaine difficulté en castillan nous raconta avec froideur […] » et « […] un autre très jeune portant l’uniforme […] nous répondit, avec véhémence […]126 ». Le journaliste décrit par ailleurs leur comportement comme discipliné puisqu’« Ils paraissent parfaitement éduqués au respect et sont absolument certains qu’ils vont gagner127. » En outre, il met également en avant leur fragile condition de vie, en insistant sur le fait que « La nourriture est ce qui manque le plus128 », sans que cela n’entrave leur enthousiasme.
47Il oppose à cette description une présentation plus machinale et technique des gardes somozistes. En effet, il met l’accent sur le caractère matériel et factuel de la guerre, sur leur force de frappe « depuis la terre, la mer et les airs129 », ainsi que sur la valeur objective de l’affrontement qui pencherait en faveur de la garde nationale. Aussi, les jeunes guérilleros, bien qu’étant moins expérimentés, mal préparés à la guerre, souffrant de la faim, harassés par la lourde artillerie somoziste et ne parlant pas espagnol, apparaissent comme de féroces combattants volontaires, respectueux et disciplinés. Le journaliste termine à ce titre par une claire valorisation des sandinistes :
« Ces mots en rappellent d’autres, entendus de la bouche d’aussi jeunes combattants qui, dans l’autre camp, s’expriment avec une identique ardeur. Une différence pourtant les sépare : les uns sont des militaires professionnels, appartenant à une garde prétorienne personnelle. Les autres combattent pour des idées130. »
48El País met en lumière leur capacité à mobiliser et à encadrer les masses. Ils gagnent par là une vraie légitimité, celle de devenir le bras et la voix du peuple alors que :
« Au début des années 1960, le FSLN était simplement l’un des douze petits groupes de guérilleros existants en Amérique latine fondés sur le modèle du Mouvement du 26 juillet de Fidel Castro. Aujourd’hui les guérilleros sandinistes se comptent par milliers et ont réussi à forcer Anastasio Somoza à démissionner131. »
49En outre, le journal indique que « […] malgré les menaces de représailles, des dizaines de milliers de civils étaient disposés à suivre les guérilleros132 ». Implacables dans le combat, ils font preuve, une fois la victoire acquise, d’une « attitude générale […] aimable, courtoise et cordiale. Il n’y a eu jusqu’à maintenant ni actes de vengeance ni actes de haine133 », soit d’une « réelle noblesse » à l’égard des vaincus. D’ailleurs,
« La junte de reconstruction nationale […] a lancé un appel aux combattants du front pour qu’ils “soient généreux dans la victoire, autant qu’ils furent d’implacables combattants”. Il existe la conviction que les membres du nouveau gouvernement vont faire tous les efforts nécessaires pour que la nouvelle situation se consolide dans ce pays, avec le moins de violence possible134. »
50Enfin, en précisant que « Malgré certains rapports alarmistes qui affirmaient le contraire, il n’y a pas eu, en pratique, d’exécutions sommaires à cette étape de situation nouvelle135 », El País semble insister sur le fait que la révolution n’est pas « sanglante », ou tout du moins qu’elle est exempte de violence gratuite, d’épuration, que les révolutionnaires sont responsables et respectueux. Il ajoute que ce genre de « […] représailles […] n’auraient pas été étranges étant donné la dureté de la lutte armée et la nature répressive du régime somoziste136 ». Le journal sous-entend par là qu’une violence à chaud relèverait presque du domaine du normal, voire de l’excusable au vu d’une dictature si sanglante. En outre, « Après une époque de répression aveugle et une guerre d’une rare cruauté, il est inhabituel que des représailles généralisées n’aient pas lieu137. » Enfin, le journal ajoute : « […] les sandinistes ont réussi à attirer l’attention de l’opinion internationale sans recourir aux enlèvements ou aux assassinats138. »
51Les sandinistes incarnent les valeurs prônées par la doxa occidentale : tolérance, non-violence, discipline. Néanmoins, ont-ils cependant les qualités politiques pour mener le Nicaragua sur la voie de l’intégration nationale, de la justice sociale et de la démocratie ? La transition sandiniste serait-elle le pendant américain de l’Espagne ? En présentant une transition politique « exempte de violence », les sandinistes favoriseraient-ils réellement la réconciliation nationale ? Offriraient-ils les prémices d’un consensus politique au service du bien public en jouant le rôle de pays modèle en Amérique centrale comme l’Espagne l’avait fait en Amérique latine ?
52C’est en tout cas ce que pense Felipe González lorsqu’il affirme, lors de sa visite à Managua le 2 août 1979, que le Nicaragua est « un exemple pour les autres pays centraméricains139 ». Le nouveau régime nicaraguayen est érigé en un exemple de transition « pacifique » à suivre pour les pays voisins comme le Honduras, le Guatemala et le Salvador. Pendant quelques années, le caractère « pacifique » de la transition politique au Nicaragua donnera, aux yeux de nombreux observateurs dont González, un crédit moral aux sandinistes :
« Quand on dit qu’il n’y a pas de liberté aujourd’hui, que d’ailleurs il n’y en a jamais eu avant, on doit aussi se rappeler que la révolution nicaraguayenne a été extraordinairement généreuse d’un point de vue humain. Pour la première fois dans l’histoire, des “sans-culottes” ont conquis le pouvoir sans éliminer physiquement ceux qu’ils avaient vaincus140. »
Les atrocités de la guerre
53Contrairement à El País, ABC semble plus réservé quant aux supposées qualités des sandinistes. Premièrement, la couverture qui leur est consacrée est bien moindre. Dès le 4 juin, El País envoie à Managua un envoyé spécial. Ce ne sera qu’à partir du 12 juin qu’ABC suivra la guerre civile, sans jamais toutefois avoir un envoyé spécial sur place pour couvrir les événements. La plupart des articles sont écrits par le correspondant d’ABC New York ou par la rédaction de Madrid avec le concours des agences de presse EFE. Le regard offert est plus factuel, plus distancié vis-à-vis des forces en présence et donc des sandinistes. De même, il ne réalise pas d’interviews et la parole n’est pas donnée aux protagonistes du conflit.
54Outre ces aspects « techniques », ABC n’affiche vraisemblablement pas la même sympathie à l’égard des sandinistes qu’El País. Si ABC verse dans le descriptif, il ne cherche en aucun cas à humaniser le soldat, qu’il soit de la garde nationale ou de la guérilla. ABC met davantage l’accent sur le côté destructeur, sanglant et implacable de la guerre. Car pour ce journal, la guerre n’a aucune valeur positive, elle est « une voie sans issue » synonyme de destruction et de violence. « Avec la guerre, […], sans vainqueur et sans vaincu, ou autrement dit, parmi tous les vaincus, il ne sera pas facile de décider qui est le vainqueur.141 » Dans cette optique, il s’intéresse plutôt aux populations, aux réfugiés, aux villes et aux monuments qui subissent la guerre de manière passive.
55Notons également à ce propos un certain « ethnocentrisme » quant à la présence espagnole au Nicaragua chez ABC qui bénéficie d’une plus grande couverture médiatique. Aussi, le guérillero sandiniste n’est pas objet d’identification et tout ce qui relève de l’identité espagnole est fortement valorisé et souligné. Nous remarquons en ce sens une grande propension à traiter de sujets relatifs au rapatriement des Espagnols vivant au Nicaragua. Du 17 au 21 juin, nous relevons sept occurrences illustrées par trois photographies.
56Celle du 21 juin est située en couverture et titrée : « Les rapatriés du Nicaragua142 ». C’est la première fois qu’ABC consacre sa une à la guerre civile. La photographie choisie est celle d’une famille espagnole arrivant en Espagne, bagages à la main et les traits marqués par l’inquiétude. La légende précise : « Des moments d’intense émotion ont eu lieu hier à l’aéroport Barajas lors de l’arrivée de l’avion des Forces aériennes espagnoles […]143. » Toutes ces photographies présentent des familles de rapatriés au départ de Managua ou à l’arrivée à Madrid. À chaque fois, le drapeau espagnol est ostensiblement agité sur la photo. Cet angle très marqué sur les rapatriés est surprenant, d’autant que le journal est d’ordinaire avare de photographies ou de chroniques sur la vie quotidienne en temps de guerre et se borne plutôt à une analyse factuelle. El País traite également la question des rapatriés, mais, à la différence d’ABC, il l’inclut dans d’autres faits d’actualité.
57La présence espagnole dans l’histoire du Nicaragua, où les villes coloniales furent fondées par les Espagnols, est également rappelée. Ces monuments sont directement menacés par les combats : la guerre, émanation de la barbarie, semble donc ici menacer la civilisation. Or, les traces de civilisation sont espagnoles et dans cette perspective, les sandinistes, en tant que forces combattantes, représentent la barbarie. « Une colonne sandiniste a rompu hier ses positions à Masaya pour s’unir aux forces qui combattent près de Grenade et du lac Nicaragua : ici, la lutte menace les édifices coloniaux de cette ville fondée en 1524144. » La guerre est évoquée sur le plan des conséquences, et non de l’objectif, à savoir celui de la chute du dictateur la traitant ainsi sous l’angle de l’émotion et du point de vue espagnol. Le point de vue des populations nicaraguayennes n’est mis en avant que très rarement. Au contraire, le journal cherche à rappeler aux lecteurs espagnols les méfaits de la guerre et le prix de la paix. Qu’importe ici que le combat des sandinistes soit juste, semble dire ABC. La guerre est synonyme de destructions et de barbarie. Si nous poussons plus loin l’analyse, en tenant compte de la logique du consensus espagnol qui implique que les possibles réminiscences de la guerre civile soient tues, ABC semble révéler de manière insidieuse le prix à payer en cas de rupture du pacte du silence.
58Dans cette optique, ABC, contrairement à El País, ne considère pas la transition comme non-violente, mais comme le fruit de la guerre. Lors de la victoire sandiniste, le 20 juillet, il titre en première page : « Nicaragua, le changement par les armes145. » Pour ce journal, la transition est liée au pouvoir coercitif : la révolution n’est ni aux mains des Nicaraguayens ni dans celles de politiques responsables, mais se trouve dans les bras armés des sandinistes. La transition politique nicaraguayenne est donc ici présentée comme distincte de la transition espagnole qui se fait par en haut, par la paix et le consensus politique. Dans un article intitulé « La junte projette de demander l’extradition de Somoza146 », paru le 24 juillet, le journal affirme : « le nouveau régime commence à faire le ménage147 », ce qui corrobore la thèse du journal. L’expression employée, renforcée par l’intertitre « Justice révolutionnaire148 », est ambiguë et laisse planer le doute sur les méthodes employées.
Notes de bas de page
72 Pierre Vayssière, Les Révolutions d’Amérique latine, Paris, Le Seuil, 1991.
73 Charles W. Anderson, « Central American political parties: A functional approach », Political Research Quaterly, vol. 15, no 1, mars 1962, p. 125-139, cité par Gilles Bataillon, Genèse… op. cit., p. 62.
74 El País, 10 juin 1979, entretien avec le colonel nicaraguayen Bernardino Larios : « Les consignes données étaient les suivantes : “Qui êtes-vous ?”, demandait-il et tous hurlaient : “Des soldats !”. “Que font les soldats ?”, “Ils tuent !” ; “Qui est l’ennemi du soldat ?”, “Le peuple !” ; “Que boit un soldat ?”, “Du sang pur !” ; “Le sang de qui ?”, “Du peuple ! Du peuple !” La garde nationale enrôlait des jeunes adolescents souvent marginaux et se chargeait de les éduquer en les déshumanisant. C’était le fils de Somoza, surnommé “El Chiguin” qui veillait personnellement à leur formation. »
75 Ces écrits sont les suivants : Estirpe sangriente, publié en 1958, et Diaro de un preso, publié en 1961.
76 Gilles Bataillon, Genèse…, op. cit., p. 162-174.
77 Bien que nous ayons commencé notre corpus avec l’assassinat de Chamorro, c’est en fait la prise d’otages du palais national survenue en août 1978 qui constitue notre point de départ. Les sandinistes ne sont en effet pas évoqués dans la presse espagnole lors de l’assassinat du journaliste conservateur.
78 En latin : « le soldat du Christ ».
79 Belén Blázquez Vilaplana, La proyección internacional de un líder político: Felipe González y Nicaragua 1978-1996, Séville, Centro de Estudios Andaluces, 2006, p. 160.
80 Source incomplète. Citation originale : « Audaz golpe ».
81 Source incomplète. Citation originale : « Espectacular ».
82 El País, 25 août 1978. Citation originale : « Aún resulta increíble que un grupo tan reducido de personas pudiera controlar un edificio tan grande como el Palacio y vigilar a más de 1 500 personas presentes en él. »
83 ABC, Madrid, 23 août 1978. Citation originale : « La guerrilla asalta el parlamento », « Atentado terrorista en Managua. »
84 El País. Source incomplète. Citation originale : « Concluyó la odisea del Palacio Nacional de Nicaragua. »
85 El País, 25 août 1978. Citation originale : « Mujeres embarazadas después de ser liberadas. »
86 Ibid. Citation originale : « Las mujeres y niños presentes en el edificio fueron autorizados a abandonarlo », « Algunas versiones citan el número de cinco militares muertos. »
87 ABC, Madrid, 25 août 1978. Citation originale : « Somoza claudica ante la guerrilla. »
88 Ibid. Citation originale : « Los miembros del comando son felicitados con entusiasmo por estudiantes panameños. »
89 El País, 25 août 1978. Citation originale : « Entusiasta despedida » , « Una despedida de “héroes” tributo el pueblo de Managua », « Unas 8 000 personas se congregaron en las instalaciones del aeropuerto para dar vivas a su paso al grupo insurgente. »
90 Organisation des États d’Amérique.
91 Source : dépêche AFP du 2 septembre 1978, provenance Saint-Domingue.
92 Source : dépêche AFP du 13 septembre 1978, provenance Bogotá.
93 El País, 8 juin 1979. Citation originale : « La guerra contra la violencia en Nicaragua es justa. »
94 El País, 28 avril 1978. Citation originale : « La victoria está así alcanzada y es muy importante el apoyo del pueblo español. »
95 El País, 23 août 1979. Citation originale : « España ayuda con armas a Somoza. »
96 Ibid. Citation originale : « En las últimas acciones de la Guardia Nacional de Somoza hemos descubierto que utilizan armamento de procedencia española. Así, ocurrió en la matanza de Masaya, donde murieron más de doscientos campesinos indígenas. Dada la política de derecho humano que dice defender Carter, la ayuda directa norteamericana está iendo sustituida por otro países que se mueven en su orbita. »
97 El País, 7 octobre 1978.
98 El País, 6 mai 1979. Citation originale : « España ha seguido enviando armas al dictador. »
99 El País, 28 avril 1978. Citation originale : « Los jeeps, fusiles […] y granadas que utiliza la guardia nacional para masacrar al pueblo son españoles. Para ambos, el pueblo y el gobierno que sustituyan a Somoza, estarán resentidos con España si no adopta una posición clara contra el dictador. »
100 Cf. par exemple El País, 25 août 1978.
101 Abderrahman Beggar, La Transition au Nicaragua vue de Paris et Madrid dans la presse quotidienne, Turin, L’Harmattan Italie, 2001, p. 26.
102 El País, 4 juin 1979. Citation originale : « Una apreciación justa de los acontecimientos en Nicaragua pasa necesariamente por el desbordamiento de la información que tanto el Ejercito nicaragüense como la guerrilla sandinista dan de los hechos. […] La guardia nacional de Nicaragua invitó a un grupo de periodistas extranjeros para que presenciaran directamente los combates en pleno frente, en una zona donde la victoria del Ejercito parecía inminente. »
103 El País, 3 juin 1979. Citation originale : « El País visitó el Frente sur, junto a la frontera con Costa Rica. »
104 Ibid. Citation originale : « En Nicaragua, sandinistas y la guardia nacional de Somoza libran una guerra abierta. »
105 Ibid. Citation originale : « El viaje curiosamente fue para este corresponsal una especie de jornada española. »
106 Ibid. Citation originale : « […] los periodistas fuimos trasladados en un autobús Pegaso. Los aviones en los que viajamos a la frontera de Costa Rica fueron tres C-212 […] fuimos a bordo de otro autobús Ebro. Y, para finalizar, jeeps de esta última marca componían básicamente la flota de vehículos ligeros de las tropas de la Guardia Nacional ».
107 Ibid. Citation originale : « [Para compensar en el mismo escenario vimos] camiones israelíes, lanzacohetes argentinos, granadas de Nueva Orleans, fusiles automáticos belgas y munición del calibre 50, de procedencia coreana. »
108 El País, 20 juin 1979. Citation originale : « La guerra de Nicaragua será tratada por el Parlamento español. »
109 El País, 22 juin 1979. Citation originale : « La política Española ante el holocausto judío. »
110 Ibid. Citation originale : « Franco aprobó la persecución nazi de los hebreos en diciembre. »
111 Ibid. Citation originale : « Un avión de la guerrilla sandinista bombardea “el bunker” de Somoza en Managua. »
112 El País, 23 juin 1979. Citation originale : « Sumisión y servicio a los Alemanes, sin introducir leyes antisemitas. »
113 El País, 24 juin 1979. Citation originale : « La Odisea de los sefardíes españoles. »
114 El País, 23 juin 1979. Citation originale : « De una primera fase de sumisión total a los alemanes aunque sin introducir leyes antisemitas […] difícilmente podría calificarse como de resistencia pasiva. »
115 Belén Blázquez Vilaplana, op. cit., p. 160.
116 El País, 21 juillet 1979, rubrique opinion. Citation originale : « En España, la consigna de la “segunda Cuba” se alza como un reproche y una acusación contra el Gobierno, al que se ataca por su supuesta rapidez en reconocer el nuevo régimen. Lo cual no existe. España como Estados Unidos ha aplicado la “doctrina Estrada” que implica la continuidad en las relaciones diplomáticas con un país sea cual sea su cambio de régimen. »
117 El País. Source incomplète. Citation originale : « según el frente… ».
118 Nous avons relevé dans El País une interview de Somoza et deux conférences de presse : les occurrences concernant les sandinistes sont les plus nombreuses, on en recense une douzaine de 1978 à 1979.
119 Il n’est d’ailleurs pas certain que de jeunes hommes ne se trouvent dans la garde nationale : Somoza avait l’habitude de recruter parmi les enfants des rues.
120 El País, 3 juin 1979. Citation originale : « Soldados de quince años. »
121 Ibid. Citation originale : « la extrema juventud de muchos de los soldados, algunos de los cuales alcanzan con dificultad los dieciséis años ».
122 Ibid. Citation originale : « […] otro jovencísimo ».
123 El País, 18 juillet 1979. Citation originale : « En la ofensiva “final” de carácter militar, 5 000 sandinistas armados desafiaron directamente la Guardia Nacional de 15 000 hombres. »
124 El País, 5 juillet 1979. Citation originale : « Una importante fuerza sandinista [que] habría conseguido romper el cerco hierro de la Guardia Nacional en la zona. »
125 El País, 3 juillet 1979. Citation originale : « Hemos demostrados que, aunque, ni hemos estudiado en escuelas militares de Chile, Israel o Estados Unidos, sabemos combatir. Nosotros aprendemos la guerra en la escuela de la vida. Estamos seguros de que vamos hacia la victoria. »
126 El País, 3 juin 1979. Citation originale : « Todos los soldados se muestran comunicativos », « un soldado raso que se expresaba con cierta dificultad en castellano, nos contó con frialdad […] », « otro jovencísimo uniformado […] contestó, con vehemencia […] ».
127 Ibid. Citation originale : « […] (parecen perfectamente aleccionados al respecto). Y absolutamente seguros de que van a ganar. »
128 Ibid. Citation originale : « La alimentación es más deficiente. »
129 Ibid. Citation originale : « […] desde tierra, mar y aires ».
130 Ibid. Citation originale : « Estas palabras recuerdan otras escuchadas de labios también jóvenes combatientes del otro lado, que se expresan con idéntico ardor. Una diferencia separa a ambos, sin embargo: aquellos son militares profesionales, pertenecientes a una guardia pretoriana personal. Estos combaten por ideas. »
131 El País, 18 juillet 1979. Citation originale : « Al principio de la década de los años sesenta, el Frente Sandinista de Liberación Nacional era simplemente uno de la docena de pequeños grupos guerrilleros existentes en América Latina, modelados al estilo del Movimiento 26 de Junio de Fidel Castro. Hoy los rebeldes sandinistas se cuentan por millares. »
132 Ibid. Citation originale : « […] pese a las amenazas de represalias, decenas de miles de civiles estaban dispuestos a seguir los guerrilleros ».
133 El País, 20 juillet 1979. Citation originale : « La actitud general de los sandinistas es amable, cortés, cordial. No ha habido, hasta ahora, venganzas ni odios. »
134 Ibid. Citation originale : « La Junta de Reconstrucción Nacional, […] hizo un llamamiento a los combatientes del Frente para que “sean generosos en la victoria, como fueron implacables en los combates”. Existe la convicción de que los integrantes del nuevo Gobierno van a hacer toda clase de esfuerzos para que la nueva situación se consolide en este país con la menor violencia posible. »
135 El País, 21 juillet 1979. Citation originale : « Prácticamente no ha habido ejecuciones sumarias en esta etapa de la nueva situación a pesar de informes alarmistas que afirmaban lo contrario. »
136 Ibid. Citation originale : « […] episodios de […] represalia […] que no hubieran sido extraños dada la dureza de la lucha armada y el carácter represivo del régimen somocista. »
137 El País, 7 octobre 1979. Citation originale : « Resulta, en efecto, poco usual, después de una época de represión indiscriminada y de una guerra cruel como pocas, que no se hayan producido represalias generalizadas. »
138 El País, 18 juillet 1979. Citation originale : « […] los Sandinistas han conseguido atraer la atención de la opinión internacional sin recurrir a secuestros o asesinatos. »
139 El País, 2 août 1979. Citation originale : « Ejemplo par otros paises centroaméricanos ».
140 Pierre Schori, El desafio européo en Centro América, Editions Universitaria Centroaméricana Educa, 1982, p. 142. Citation originale : « Cuando se dice que no hay libertades ahora como nunca las ha habido antes, también debe decirse que la revolución nicaragüense ha sido extraordinariamente generosa desde un punto de vista humano. Por primera vez en la historia de “los Sans culottes” han alcanzado el poder sin eliminar físicamente a aquellos que han derrocado. »
141 ABC, Madrid, 5 juillet 1979. Citation originale : « Con la guerra, en un callejón sin salida, sin vencedores ni vencidos, mejor dicho, con todos vencidos, no va a ser fácil decidir quién es el vencedor. »
142 Source incomplète.
143 ABC, Madrid, 21 juin 1979. Citation originale : « Escenas de intensa emoción se sucedieron ayer en el aeropuerto Barajas a la llegada del avión de la Fuerza Áerea Española […]. »
144 ABC. Source incomplète. Citation originale : « Una columna sandinista salió de sus posiciones de Masaya ayer para unirse a las fuerzas que combaten cerca de Granada junto al lago Nicaragua: la lucha allí amenaza a los edificios coloniales de esa ciudad fundada en 1524. »
145 ABC, Madrid, 20 juillet 1979. Citation originale : « Nicaragua, el cambio por las armas. »
146 ABC, Madrid, 24 juillet 1979. Citation originale : « La Junta proyecta solicitar la extradición de Somoza. »
147 Ibid. Citation originale : « El nuevo régimen inicia la limpieza. »
148 Ibid. Citation originale : « Justicia revolucionaria. »
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