Chapitre ix – Quelle justice transitionnelle en Europe de l’Est après 1989 ? La gestion du passé communiste et la « vérité » des archives
p. 219-242
Texte intégral
1Il est toujours risqué d’interroger des concepts de manière anachronique. Le terme de justice transitionnelle est apparu à la fin des années quatre-vingt-dix dans le contexte de la fin de la Guerre froide. Le confronter à la manière dont les pays d’Europe centrale et orientale ont géré la fin du régime communiste après 1989 et à la mémoire de cette période permet d’en éclairer le cadre analytique. Ces sociétés présentent un intérêt particulier pour une approche comparative dans la mesure où elles ont expérimenté des régimes communistes répressifs durant une même époque entre 1945 et 1989, ont connu des changements de régime au cours d’une période courte (1989-1991) et leurs gouvernements ont cherché à mettre en place des systèmes politiques et socio-économiques relativement comparables dans leurs programmes de transition post-communiste. Elles se sont aussi toutes posé la question de la gestion de l’héritage de l’ancien régime communiste, à laquelle elles ont apporté des réponses assez proches mais distinctes, au moins pour ce qui est de leur intensité et du calendrier de mise en œuvre.
2Cette apparente similarité des trajectoires doit toutefois être considérée avec prudence. En effet, la nature des régimes communistes a varié de manière importante, à la fois au cours du temps et en fonction de configurations différentes d’un État à l’autre, pour des raisons à la fois historiques, politiques, géographiques et sociologiques. Il n’est pas possible de se référer à un régime communiste de manière générique. L’analyse des politiques de justice transitionnelle montre d’ailleurs que le choix et la mise en œuvre de celles-ci ont dépendu de facteurs tels que les caractéristiques du régime, le niveau de répression associé ou encore les modalités de la transition politique en 1989 ; cette dernière dépend en partie aussi de ces mêmes facteurs.
3En 1989, à la chute des régimes communistes en Europe de l’Est, la question de la réussite de la transition a préoccupé les nouvelles élites politiques bien davantage que celle de la mémoire du communisme. Bien évidemment, la question de la place des anciennes élites communistes dans le nouveau régime s’est posée, de différentes manières selon les configurations politiques issues des transitions, mais elle n’a été qu’une variable dépendante des processus de transition. Dans les pays d’Europe centrale, leurs variations permettent de les classer en deux catégories1 : en Pologne et en Hongrie, après plusieurs années d’ouverture relative, le changement de 1989 a été le résultat d’une négociation avec les tenants de l’ancien régime, qui a permis aux anciens communistes de participer à la nouvelle démocratie en tant qu’acteurs politiques légitimes. C’est le paradigme de la « révolution négociée ». À l’inverse, la Tchécoslovaquie et la RDA ont connu des régimes sclérosés, inflexibles jusqu’à leur effondrement qui s’est déroulé en quelques semaines, face à des manifestations de masse qui ont rapidement dépassé les négociations très tardives entre l’opposition démocratique et le gouvernement et conduit à un renversement rapide et radical du pouvoir2.
4Après 1989, ces régimes ont tous construit leur légitimité politique sur le rejet de l’expérience communiste. Des gestes symboliques tels que le changement de noms de rues ou de certains États, les déboulonnages de statues ou la transformation des symboles nationaux3 ont partout accompagné ce besoin de discontinuité politique4. La question du traitement des anciens responsables du régime communiste s’est aussi posée mais a été l’objet de divergences entre les pays de la région et surtout sujet de débats au sein de ces sociétés. Si chaque État a emprunté des voies spécifiques pour gérer la rupture avec le communisme, on peut toutefois identifier plusieurs traits communs aux politiques de justice transitionnelle mises en œuvre en Europe centrale après 1989 : une approche judiciaire du post-communisme, avec la tenue de procédures pénales ou de procès en réhabilitation des victimes ; une approche législative et politico-administrative, déclinée à travers le vote de lois de lustration5 ainsi que des processus de restitutions immobilières et de réparations matérielles ; enfin, une approche relevant davantage du symbolique s’est traduite par des processus de reconnaissance, de dévoilement de la vérité, de relecture de l’histoire, avec la création d’instituts pour la mémoire et l’ouverture des archives des régimes6. Ces options politiques se sont déclinées différemment selon les cas, c’est-à-dire en fonction des contextes politiques, historiques ou socio-économiques mais aussi au cours du temps, selon des calendriers politiques distincts.
5Ce chapitre aborde les politiques de justice transitionnelle menées en Europe centrale après 1989 depuis le contexte de leur mise en œuvre. Elles ont d’abord été orientées vers les victimes, à travers des processus de réhabilitation ou de restitutions, même si la frontière entre victimes et coupables s’est avérée parfois difficile à établir, à cause de la nature des régimes mis en cause ; elles ont ensuite ciblé les responsables des crimes du communisme, à travers des lois de lustration et des procès pénaux ; elles ont enfin été axées sur la recherche de la vérité, à travers le vote de lois sur l’accès aux archives et la création d’instituts de la mémoire. L’outil symbolique de la justice transitionnelle que sont les commissions vérité et réconciliation n’a pas été mobilisé en Europe de l’Est, principalement en raison de la difficulté à distinguer des catégories de populations responsables et à cause de la nature même des crimes du communisme, notamment dans la période post-totalitaire. Dans une large mesure, en Europe post-communiste, c’est autour la question de l’usage des archives du régime et des dossiers des polices secrètes comme source d’information sur l’ancien système que se sont cristallisés les débats, ce qui illustre combien la question des comportements individuels et de la résistance au communisme reste aujourd’hui encore un sujet de dissensus dans la mémoire collective est-européenne.
Une frontière floue entre victimes et coupables
6Certaines caractéristiques des régimes communistes est-européens intéressent l’analyse de la justice transitionnelle, à commencer par les violations massives des droits humains et la nature de la répression policière. Totalitaires jusque dans les années cinquante, ces régimes ont évolué selon des trajectoires différentes vers des systèmes politiques de type autoritaire, que les dissidents centre-européens ont parfois qualifiés de « post-totalitaires7 ». Alors que le totalitarisme des années 1950 reposait sur la terreur de masse, le post-totalitarisme des années 1970 et 1980 visait la soumission et la résignation par une répression sélective : la peur était érigée en mode de gouvernement, en instrument d’atomisation de la société et de « son asservissement spirituel, politique et moral8 ». Si l’idéologie est restée un mode de légitimation ritualisé, il n’était plus question d’adhésion, mais seulement de comportement conforme. Lorsqu’un régime autoritaire ou totalitaire dure aussi longtemps que les régimes communistes d’Europe de l’Est – quatre décennies –, se développent au sein de la société des stratégies de survie et d’accommodement9, très bien décrites en 1989 par le dissident et futur président de la Tchécoslovaquie démocratique, Vaclav Havel10. Même avec une politique de terreur, des tels régimes n’auraient pu se maintenir dans la durée sans s’appuyer sur des « individus-relais », des « agents » au sein de la société11. Comme l’a souligné Vaclav Havel lors de son discours du Nouvel an, le 1er janvier 1990 à Prague :
« Nous nous sommes tous habitués au système totalitaire, nous l’avons accepté en tant que fait immuable et ainsi nous avons contribué à le maintenir. En d’autres termes, nous sommes tous – bien qu’à des degrés évidemment divers – responsables du fonctionnement de la machine totalitaire ; nous ne sommes pas seulement ses victimes, mais nous sommes tous en même temps ses co-créateurs12. »
7Ainsi, dans le post-totalitarisme, la ligne de clivage ne passait-elle plus seulement entre l’État-parti et la société ou entre dominants et dominés, mais chaque individu était devenu, à sa manière, victime et soutien du système. Ce brouillage des lignes entre victimes et coupables a constitué l’un des ressorts profonds des régimes communistes est-européens des deux dernières décennies. Il explique, en partie, les difficultés que connaissent depuis 1989 les sociétés d’Europe de l’Est à se confronter à leur passé13.
8L’une des difficultés inhérentes aux processus de justice transitionnelle après un régime autoritaire est ainsi la question de la démarcation entre victimes et bourreaux, entre responsabilité individuelle et collective, et pas seulement entre hauts responsables et exécutants. Dans un tel régime, la quasi-totalité de la population était sous contrainte et il s’est souvent avéré difficile d’établir la responsabilité d’un acteur en particulier. De manière paradoxale d’ailleurs, un même individu a pu être simultanément qualifié de soutien silencieux et de victime cachée du régime. En Europe de l’Est, de nombreux ouvriers qualifiés par exemple sont devenus membres du Parti communiste comme récompense pour leurs qualités professionnelles, tout en demeurant des opposants cachés. Du jour au lendemain, en 1989, ces individus ont été qualifiés d’ex-communistes et stigmatisés comme ayant été des privilégiés du régime. Inversement, ceux qui n’ont pas été membre du Parti avant 1989 ont pu prétendre au statut de héros et obtenir les avantages associés14.
9Comment mesurer l’adhésion ou le rejet d’une société à un régime sur plusieurs décennies ? En Tchécoslovaquie, les communistes ont pris le pouvoir en février 1948 sans intervention des troupes soviétiques ; le parti communiste avait remporté 40 % des voix lors des élections libres de 1946. Il comptait 500 000 membres en 1947 puis 2,5 millions en décembre 1948, c’est-à-dire presque le quart de la population totale et la moitié de la population active. Au cours des quatre décennies qui ont suivi, au gré des purges, notamment après 1968, et des campagnes de recrutement, presque six millions de personnes ont été membres du parti, sur une population de 15 millions d’habitants en 1989. À la différence de la Pologne ou de la Hongrie, le système politique n’a pas été réformé en 1956 ou après 1968 et la « normalisation » qui a suivi l’écrasement du Printemps de Prague15. Quoi qu’il en soit, ces chiffres ne suffisent pas pour comprendre la complexité du rapport des individus au pouvoir communiste, notamment au cours de la dernière décennie des régimes.
10La question des collaborateurs du régime et de la police secrète pourrait sembler plus simple a priori. Il n’en est rien. En 1989, en RDA, la Stasi (Staatssicherheit) employait 90 000 officiers de sécurité et environ 150 000 informateurs actifs sur une population de 17 millions d’habitants16. En Pologne, on estime que le nombre total d’agents de la police secrète (Sluzba Bezpieczenstwa, SB) est passé de 10 000 personnes en 1957 à environ 25 000 en 1985 pour compter jusqu’à 98 000 informateurs en 1988, sur une population totale de 37 millions de Polonais17. Ceux qui ont occupé des postes à responsabilité et qui ont été des collaborateurs du régime par conviction ou par sentiment du devoir n’avaient cependant pas de dossiers policiers contre eux puisque la police secrète n’avait pas eu besoin de les menacer pour obtenir leur collaboration. Leur responsabilité était pourtant a priori plus grande que celle de beaucoup d’agents forcés à collaborer par le moyen du chantage et qui étaient, en un sens, eux aussi des victimes18.
11Une approche par les victimes permet de compléter le tableau mais n’est guère plus aisée. Le nombre de victimes du communisme est objet de débats parfois virulents19. En Tchécoslovaquie, entre 1948 et 1989, au moins 250 000 personnes auraient été condamnées pour des raisons politiques, dont presque la moitié in abstentia. 22 000 d’entre elles ont été condamnées à des travaux forcés et 243 exécutées. On estime qu’environ 3 000 personnes seraient mortes pendant ou à la suite de leur emprisonnement, dans des camps de travail ou des mines d’uranium, pour la plupart dans les années cinquante. Environ 7 000 personnes auraient été emprisonnées dans des institutions psychiatriques20. En Pologne, près de 250 000 personnes ont été arrêtées entre 1944 et 1956 et 150 000 d’entre elles envoyées en camps de travail21. Par la suite, la répression de mouvements de protestation tels que celui de Poznan en 1956, de Nowa Huta en 1960 ou les grèves de 1968, 1970, 1976 et 1981, a fait des dizaines de morts et a conduit à des milliers d’arrestations22. En Hongrie, la révolution de 1956 à elle seule aurait fait 2 500 morts côté hongrois ; entre 400 et 500 personnes ont été exécutées, plus de 20 000 emprisonnées tandis que plus de 200 000 sont parties en exil23.
12Si les victimes d’arrestations sont relativement aisées à identifier, la question est plus complexe pour le reste de la population, victime elle aussi d’un système d’oppression qui violait massivement les droits humains et dont elle a dû s’accommoder, parfois au prix de compromissions. Cette difficulté explique sans doute que la question de la violation des droits humains n’ait pas été au cœur des débats dans ces pays post-communistes, bien que sa dénonciation ait fait consensus. Dès le milieu des années soixante-dix, la question avait été l’objet d’une attention particulière : après la signature de l’Acte final d’Helsinki en 197524, les opposants, dissidents et défenseurs des droits humains en URSS, en Tchécoslovaquie, en Pologne ou ailleurs en Europe de l’Est ont invoqué les instruments internationaux légaux de protection de ces droits pour faire pression sur leur propre gouvernement25. En 1989, les violations massives des droits humains perpétrées par ces régimes avaient déjà été dénoncées au sein même de ces pays. La fin du communisme a permis, avec l’ouverture des archives, de mieux comprendre les mécanismes d’oppression mis en œuvre par ces régimes et d’articuler la question des violations des droits humains aux processus de justice transitionnelle.
Les premières mesures symboliques pour les victimes : réhabilitations et restitutions
13Les premières mesures de justice transitionnelle mises en œuvre dans les mois qui ont suivi la chute des régimes communistes ont concerné les victimes, à travers des processus de réhabilitation, de réparation, d’indemnisation ou de restitution de biens confisqués. Dès le mois d’avril 1990, la Tchécoslovaquie a adopté une loi de réhabilitation (Loi 119/1990), votée à l’unanimité par une assemblée pourtant majoritairement communiste. Le processus de réhabilitation s’est traduit par la révision des procès politiques conduits par le pouvoir communiste et l’octroi de compensations pour les victimes et leur famille, mais sans procédure judiciaire. L’option d’une réhabilitation en bloc de tous les prisonniers politiques, défendue par les membres de la Confédération des anciens prisonniers politiques, visait à accélérer le processus de réparation. Elle a été d’autant plus facilement acceptée par tous, y compris par les députés communistes, que l’absence de procédure judiciaire revenait à considérer les victimes comme une communauté et permettait ainsi de réparer des préjudices sans poser le problème de la responsabilité des uns ou des autres26. Ce n’est qu’en 2011, soit plus de deux décennies après la chute du communisme, qu’une loi dite de la « Troisième résistance27 » a été adoptée. Elle accordait le statut d’anciens combattants à ceux qui avaient lutté, de quelque manière que ce soit, contre le totalitarisme communiste. La reconnaissance a dépassé le symbole puisque l’obtention du statut de vétéran28 est allée de pair avec des compensations financières et un complément de pension. Au Parlement, l’opposition du parti communiste tchèque, et dans une moindre mesure celle du parti social-démocrate, explique en partie qu’il ait fallu tant de temps avant l’adoption d’une telle loi, qui soulevait la difficile question de l’opposition au communisme.
14En Pologne, une loi de compensation invalidant les verdicts condamnant des individus « réprimés pour leurs activités en faveur de la restauration de la démocratie et de l’indépendance de la Pologne » a été votée par le parlement en 1991. Entre 1991 et 1996, près de 50 000 dossiers de demandes d’indemnisation ont été déposés pour dénoncer des verdicts énoncés sous l’ère stalinienne et plus de 50 millions de zlotys, soit environ 800 000,00 euros, ont été versés à titre de réparation à d’anciens prisonniers politiques ou à leurs héritiers29. En Hongrie, ce n’est qu’en 1996 que le gouvernement a offert l’équivalent de 12 millions de dollars à titre de compensations pour les victimes de persécutions « politiques, religieuses ou raciales » perpétrées entre 1939 et 1989, essentiellement pour les prisonniers des camps soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale, les victimes de la révolution de 1956 et plus largement toutes les personnes « injustement persécutées » pendant la période communiste30.
15La question des restitutions et des indemnisations pour les biens confisqués s’est avérée plus complexe car elle interagissait avec le projet de privatisation de la propriété d’État dans le cadre de la transition économique. En effet, restituer les propriétés revenait de facto à priver les États du revenu de leur privatisation. L’élaboration d’une loi de restitution soulevait également la complexe question de son champ d’application temporel, ouvrant la voie à des débats difficiles sur les responsabilités cumulées du nazisme, du communisme et des gouvernements nationaux dans les confiscations de biens aux citoyens de ces pays. En Tchécoslovaquie, une loi de restitution des biens nationalisés ou confisqués a été votée en 1991, la loi no 403/1990 dite « d’atténuation des conséquences de certains préjudices liés à la propriété ». Elle ne concernait toutefois que les biens confisqués par le gouvernement communiste après le Coup de Prague du 25 février 1948. Cette loi excluait ainsi du champ des restitutions les biens confisqués aux Allemands de Tchécoslovaquie (dit Allemands des Sudètes) avant leur expulsion, conformément aux décrets Beneš31, ainsi que les expropriations des Juifs pendant la seconde guerre mondiale.
16Si la restitution ou l’indemnisation des biens confisqués ont partout été envisagées, elles n’ont pas toujours été mises en œuvre32. L’Allemagne de l’Est a conduit le programme de restitution le plus ambitieux de la région : on estime que près de 90 % des logements urbains ont été concernés, les anciens propriétaires ou leurs héritiers pouvant réclamer la restitution des biens confisqués sous le gouvernement communiste mais aussi sous le nazisme, qu’ils fussent citoyens allemands ou non33. En Hongrie, deux lois votées en 1991 ont conduit, d’une part, à la restitution des biens religieux confisqués sous le communisme, d’autre part, à une indemnisation financière pour les biens privés expropriés, sous forme de coupons de privatisation dans la plupart des cas. En effet, en Hongrie, le gouvernement communiste avait déjà depuis plusieurs années autorisé la propriété privée, de sorte qu’un processus de restitution aurait conduit à des expropriations des nouveaux propriétaires. C’est pourquoi le gouvernement a proposé des indemnisations aux anciens propriétaires plutôt que des restitutions. Celles-ci ne concernaient toutefois que les citoyens résidant en Hongrie en 1990, ce qui excluait notamment les exilés post-195634.
17En Pologne, en revanche, aucune loi de restitution n’a vu le jour, malgré plusieurs tentatives et bien qu’une restitution des biens ecclésiastiques eût été engagée dès 1989. Presque vingt plus tard, en octobre 2017, le gouvernement polonais a présenté un nouveau projet de loi visant à trancher définitivement la question des biens immobiliers nationalisés sous le communisme, excluant leur restitution en nature et versant aux propriétaires 20 % de leur valeur. Depuis 1989, aucun gouvernement n’a réussi à régler le problème des biens d’avant-guerre nationalisés après 1945, y compris ceux des Juifs polonais exterminés par les nazis. Une vingtaine de projets de loi a échoué, conduisant certains plaignants à recourir à des procès pour récupérer leurs biens. La valeur totale des biens nationalisés est aujourd’hui estimée à environ 15 milliards d’euros par les associations d’anciens propriétaires35. L’impact économique d’éventuelles restitutions ou indemnisations sur le budget national explique en partie l’incapacité du gouvernement à trouver un compromis acceptable par toutes les parties. Le problème du territoire d’application de la loi a constitué une autre raison au blocage : le gouvernement polonais devait-il indemniser les victimes des expropriations qui ont eu lieu hors des frontières de la Pologne post-seconde guerre mondiale, c’est-à-dire en Ukraine, et inversement, les biens expropriés des Allemands installés à l’Ouest du territoire polonais ? Devait-il courir le risque de laisser ouverte la question moralement délicate des biens confisqués aux Juifs polonais exterminés pendant la guerre36 ? De façon générale, l’interférence des politiques de restitutions avec le processus de privatisation dans le cadre des transitions économiques rappelle, s’il en était besoin, l’imbrication complexe des processus de justice transitionnelle avec ceux de la transition politique mais aussi économique dans le cas de l’Europe de l’Est.
Une justice pénale complexe et limitée
18L’approche judiciaire s’est aussi caractérisée par la conduite de procès pénaux, peu nombreux toutefois en Europe de l’Est après 1989, alors que les vagues de répression qui ont eu lieu pendant la période stalinienne, ou à la suite de mouvements de révolte ou d’émancipation, se sont soldées par des violations massives des droits humains : procès, peines de prison, exécutions, tortures, déportation, internements psychiatriques37… On peut distinguer deux types de procès contre les ex-officiels du régime communiste et les agents de la police politique : d’une part, des procès pour des violations qui relèvent du Code pénal telles que la torture et les crimes, d’autre part, des procès pour les offenses motivées par des raisons politiques telles que l’espionnage pour le compte de la police secrète. Plusieurs de ces procès n’ont toutefois pas été menés à leur terme en raison de l’âge avancé des prévenus ou bien, pour des questions de procédure, ils ont mis des années à aboutir, perdant largement leur signification symbolique pour les victimes.
19Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible recours à la justice pénale, à commencer par le fait qu’il s’agit d’une justice rétroactive qui se propose de punir les auteurs d’un crime qui n’en était pas un lorsqu’il a été commis ; les personnes incriminées se sont souvent protégées derrière la légalité du système dans le cadre duquel elles avaient agi. De manière générale, la qualification des crimes était complexe et l’éventuelle prescription des crimes les plus anciens a été perçue comme une entrave à la justice. D’où le recours, dans les cas les plus importants, au droit international et à la notion de crime de guerre et de crime contre l’humanité38. Le procès d’Erich Mielke en Allemagne est emblématique de ces difficultés : Mielke a été à la tête de la Stasi entre 1957 et 1989 et, à ce titre, un des principaux responsables des violations des droits humains perpétrées par le régime communiste de la RDA. Pourtant, en 1992, il a été condamné non pas pour violation des droits humains mais pour le meurtre de deux officiers de police qu’il aurait commis en 1931 à Berlin, en tant qu’activiste communiste. Les procureurs ont finalement préféré adopter une stratégie sûre en inculpant Mielke pour meurtre, plutôt que de s’engager dans un processus de qualification des crimes du communisme en matière de violation des droits humains. Le véritable objectif de ce procès était de condamner, quel qu’en fût le motif légal, l’un des plus hauts responsables de la RDA afin de consolider le processus de transition démocratique en cours39.
20En Pologne, un procès important d’un point de vue symbolique, présenté comme l’équivalent polonais du Procès de Nuremberg40, s’est ouvert à Gdansk en 1995. Après quatre années d’investigation, douze des plus hauts responsables de l’ancien régime devaient être jugés pour la répression des manifestations de Gdansk et Gdynia en 1970. Le procès a toutefois été suspendu pour diverses raisons, puis reporté en 1998, et finalement restreint à sept accusés, le général Jaruzelski41 n’en faisant plus partie. Le procès de ce dernier a repris en 2010 mais a été suspendu dès 2011 à cause de l’état de santé de l’accusé, décédé en 2014. Quant au procès des responsables de la répression des mineurs à Wujek en décembre 1981, alors que les premières investigations avaient commencé dès 1991, le verdict n’a été rendu qu’en 200942. En Pologne, le Comité de coordination pour l’étude des crimes contre la nation polonaise a conduit entre 1991 et 1995 plus de 500 enquêtes qui n’ont finalement abouti qu’à une vingtaine de condamnations. L’essentiel des procès concernait la période stalinienne, pour laquelle la recherche de preuves ou de témoins était difficile.
21En Hongrie, plusieurs procès ont eu lieu à la fin des années 1990, mais seule une quinzaine de commandants de police et d’officiers a été condamnée. Il a fallu attendre 2014 pour que s’ouvre le premier procès d’un ancien dirigeant communiste. Âgé de quatre-vingt-douze ans, Béla Biszku, ancien haut responsable du Parti communiste, a été condamné à cinq ans et demi de prison pour crimes de guerre commis durant la répression du soulèvement de 1956. De même, dans les premières années qui ont suivi la révolution de velours en Tchécoslovaquie, peu de hauts responsables de l’ancien régime ont été jugés. En 1993, après la partition tchéco-slovaque, le parlement tchèque a pourtant adopté une loi sur l’illégalité du régime communiste dont l’article 2 déclare le régime communiste « criminel, illégal et condamnable43 ». Cette loi était toutefois une déclaration d’ordre moral et non une loi pénale, même si elle énonçait une condamnation juridique du système communiste de 1948 à 1989, ouvrant la voie à de possibles investigations et procès. Dans la période comprise entre 1995 et 2007, le Bureau pour la documentation et l’investigation sur les crimes du communisme (UDV), créé en 1995 par le Parlement dans le prolongement de cette loi, a examiné 3 000 cas, poursuivi 198 personnes dans 98 procès. Trente personnes ont finalement été condamnées à des peines de prison allant de six mois à cinq ans, l’inculpation étant le plus souvent justifiée par des « abus de pouvoir par des agents de l’État ». La plupart des inculpés étaient d’anciens membres de la police secrète, accusés pour des actes commis principalement au cours des trois périodes les plus répressives du régime : 1950 (la période de terreur stalinienne), 1968 (la répression du Printemps de Prague) et 1978 (le début de la « normalisation » et la persécution du mouvement dissident Charte 77)44. Toutefois, plus de 2 000 enquêtes ont été interrompues parce que les victimes n’étaient plus en vie, qu’il n’y avait plus de témoins ou que les preuves avaient été détruites ou falsifiées. Dès lors, si les quelques procès qui ont été menés à leur terme en Europe centrale ont pris valeur de symbole, il est difficile d’affirmer qu’ils ont joué un rôle déterminant en matière de gestion du passé.
Les lois de lustration et la « décommunisation »
22Le processus de justice transitionnelle qui caractérise sans doute le plus l’approche est-européenne de sortie du communisme est le recours à la lustration. Les objectifs affichés des politiques de lustration ont été d’ouvrir les institutions au regard du citoyen, d’assurer la légitimité du nouveau régime dont les membres ne sauraient être l’objet de chantage ou de calomnie et de dépassionner la question des services secrets en la soumettant à un processus judiciaire. Au cours de la décennie quatre-vingt-dix, tous les pays d’Europe de l’Est sauf la Yougoslavie ont adopté une législation concernant le bannissement des responsables communistes et des membres des services de renseignement de la scène politique post-communiste ou bien ont ouvert l’accès aux dossiers des services de sécurité45, selon des modalités variables d’un pays à l’autre, en termes d’objectifs, de calendrier, de largeur du spectre des fonctions concernées, de délimitation dans le temps ou de sévérité dans la mise en œuvre.
23Ainsi, en République tchèque, les hauts responsables communistes et les individus impliqués dans les dossiers secrets ont-ils été bannis non seulement de toute position politique mais aussi de positions d’influence comme des hauts postes universitaires ou des postes de direction dans des entreprises d’État, après le vote de la loi en 1991 (loi 451/1991). Inversement, la loi polonaise de lustration de 1997 stipulait que les responsables officiels devaient simplement déclarer s’ils avaient été employés ou collaborateurs des services de sécurité et ne pouvaient être bannis de leur emploi que si la Cour de lustration démontrait que leur déclaration était fausse. En Hongrie comme en Roumanie, les conditions étaient encore moins sévères, relevant davantage de la menace d’une divulgation publique du passé des individus que d’une exclusion des emplois publics. Quant à la Slovaquie, le gouvernement a laissé expirer la loi de lustration tchécoslovaque en 1996 sans qu’elle n’ait jamais été mise en œuvre sérieusement.
24Le cas de la Pologne est emblématique des limites inhérentes aux processus de lustration. Une première tentative d’adoption d’une loi de lustration en juin 1992 a mené au renversement du gouvernement conservateur par le Parlement dans une atmosphère de scandale, après la publication par plusieurs quotidiens d’une liste de parlementaires soupçonnés d’avoir été des agents des services communistes de sécurité46. Une loi de lustration n’a ensuite été votée qu’au mois d’avril 1997, par un parlement à majorité post-communiste avec les voix de l’opposition et du parti paysan. Elle est entrée en vigueur en 1999, soit dix ans après la fin du régime communiste47. Cette loi créait le principe « d’auto-lustration » des responsables politiques et membres de la magistrature où l’aveu n’entraînait pas d’autres conséquences qu’une publication dans le Journal officiel. C’est encore dix ans plus tard, au printemps 2007, que le conflit a explosé lorsque la majorité parlementaire de droite anti-communiste a voté un changement de la loi et proposé de l’étendre, entre autres, aux enseignants, universitaires, journalistes et élus de tous les niveaux des collectivités locales, faisant monter le nombre des personnes concernées à près d’un demi-million. Si la loi a été largement invalidée par la Cour constitutionnelle, la polémique qu’elle a entraînée illustre la dimension très partisane du processus de lustration, a fortiori lorsqu’il est engagé longtemps après la fin du régime.
25Les promoteurs de la lustration ont surtout avancé des arguments d’ordre moral et politique : rechercher la vérité et la justice contre les mensonges et les crimes du communisme constituait un impératif moral qui coïncidait avec le besoin d’une rupture politique claire, le renouvellement des élites au pouvoir étant censé constituer une garantie contre le retour de l’ancien régime. Les libéraux modérés récusaient en revanche la logique de l’épuration comme relevant de l’instrumentalisation politique d’une question morale. Ils contestaient aussi le fait que la lustration pût fournir à la société une sorte de catharsis collective alors que la gestion de l’héritage de décennies de communisme dans les structures sociales comme dans les mentalités était un processus de long terme. À ces considérations s’ajoutaient des arguments plus pragmatiques : dans la mesure où la révolution avait été négociée, notamment en Hongrie et Pologne, il était a priori problématique de se retourner contre les partenaires des tables rondes qui avaient permis la transition pacifique. En outre, l’exigence morale d’évincer les collaborateurs pouvait s’avérer contradictoire avec les objectifs d’efficacité économique et administrative du nouveau régime lorsqu’il s’agissait de remplacer juges, hauts fonctionnaires ou responsables économiques48. Finalement, le cœur des débats à propos des lois de lustration a concerné l’usage des archives des polices politiques49. Celles-ci constituant le socle même de ces politiques, les doutes concernant leur fiabilité et la nature des informations qu’elles renferment ont constitué des limites majeures aux processus de lustration.
Les instituts de la mémoire et l’accès aux archives
26Compte tenu de l’importance du contrôle exercé à la fois par les partis communistes et par les polices secrètes sur la vie des citoyens en Europe de l’Est communiste, il n’est pas surprenant que l’effondrement de ces régimes ait entraîné de très vifs débats, d’une part, sur la manière de traiter les agents, les informateurs des polices et les responsables des partis communistes, d’autre part, sur ce qu’il fallait faire avec les dossiers des polices secrètes, qui représentaient des centaines de milliers de pages d’archives. Lors des négociations de la réunification allemande, il a été brièvement question de détruire l’ensemble des archives de la Stasi. Cette proposition a donné lieu à de vives réactions de la part de l’opinion publique et c’est finalement l’option inverse qui a été retenue50. D’anciens communistes comme d’anciens dissidents ont d’emblée souligné le fait que ces dossiers étaient remplis de mensonges et de fausses accusations et que leur fiabilité pouvait être mise en doute dans la mesure où certains acteurs concernés avaient retiré, supprimé, altéré ou détruit des portions de ces archives pendant les révolutions de 1989. Ils ont aussi très tôt attiré l’attention sur les usages que l’on pouvait faire de ces matériaux, qui risquaient de violer les normes démocratiques, voire d’alimenter des chasses aux sorcières motivées par des ambitions politiques51. Permettre un large accès du public à ces archives faisait aussi courir le risque d’exposer des informations collectées par des informateurs réticents voire contraints ou des intimes, et de rendre publics des détails de la vie privée des individus espionnés, au risque d’empoisonner les relations sociales, et par là même de maintenir une part de l’influence de la police secrète sur la société pendant la période post-communiste52. Toutefois, comme le souligne l’historienne Muriel Blaive, c’est sans doute lorsqu’elles sont fermées que les archives de la police politique sont le plus facilement instrumentalisées53. C’est en tout cas après des années de débats que les États de la région se sont, les uns après les autres, dotés d’une législation et d’institutions permettant d’encadrer l’accessibilité à ces documents.
27Sans qu’il se soit agi de la transposition d’un modèle en particulier, l’effet d’exemplarité a incontestablement fonctionné dans la politique d’ouverture des archives en Europe de l’Est. Le modèle allemand, et notamment celui du BStU54, associé à « la conviction que les Allemands [ont] très bien réglé la question de lustration et en général celle de l’héritage communiste55 » a été considéré comme une voie efficace et suivie par plusieurs pays de la région. La loi de création de l’Institut de la mémoire nationale polonais (IPN) a été fortement inspirée de la loi allemande, avant de servir de modèle à la loi slovaque, puis tchèque et ukrainienne. Les pays d’Europe de l’Est ont ainsi repris, dans une version en général moins ambitieuse et moins bien dotée financièrement que le BStU allemand56, le modèle d’un institut pour la mémoire, avec des statuts et des mandats variables d’un État à l’autre57.
28Les dossiers de la Stasi ont été rendus accessibles à partir de 1992 et plus de trois millions de personnes ont depuis eu accès à leur dossier. Initialement, le mandat du BStU permettait l’accès aux archives sur une période de quinze ans, de 1989 à 2006, prolongée par deux fois jusqu’en 2019 mais assortie de restrictions quant au profil des personnes dont il était possible d’accéder au dossier. Certains États ont limité l’accès des archives de la police secrète aux victimes du régime, aux chercheurs, aux journalistes ou aux magistrats, comme en Pologne, en Lituanie et en Hongrie. D’autres ont permis un accès libre, comme en Slovaquie, en Estonie, en Lettonie, en République tchèque, ainsi qu’en Roumanie et en Bulgarie. La question de l’accès aux archives a occupé les premières années de la période post-communiste, poursuivant deux objectifs principaux : la possibilité pour les citoyens de consulter leur propre dossier, d’une part, la recherche de la « vérité » sur le passé des nouvelles élites politiques, d’autre part. Par la suite, le rôle des archives du communisme a évolué pour s’inscrire au cours de la décennie suivante dans le contexte d’une (ré-)écriture de l’histoire du communisme en Europe de l’Est. Les instituts de la mémoire se situent au cœur de ce processus historiographique et participent, selon des modalités diverses, à l’élaboration d’un travail de connaissance historique.
29L’ambition des instituts de la mémoire est illustrée par les moyens mis en œuvre, en termes de budget et de ressources humaines. Ainsi le Bureau d’éducation publique (BEP) de l’Institut de la mémoire nationale polonais peut-il être considéré comme le plus grand centre polonais contemporain de recherches en histoire. Il rassemble plus de 200 historiens, soit l’équivalent de l’Institut d’histoire de l’académie polonaise des sciences58. Ces instituts se sont en outre vus attribuer pour mandat l’étude de deux totalitarismes, nazi et communiste, qui renvoient à deux périodes tragiques des histoires nationales, dont les mémoires s’entremêlent de manière complexe. Ainsi, pour la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Lettonie, les archives rassemblées remontent à l’avant Seconde Guerre mondiale. Dans le cas tchèque par exemple, le débat sur la période qui a précédé le communisme est particulièrement difficile : au-delà de la question de la collaboration en Bohême-Moravie sous le Protectorat, il concerne l’expulsion des Allemands des Sudètes à la fin de la guerre ; expulsion qui s’est principalement déroulée pendant la période où le pays avait recouvré sa souveraineté nationale, entre la Libération et le Coup de Prague en 194859. En Pologne, l’Institut de la mémoire nationale a engagé des recherches de grande ampleur sur les pogroms perpétrés par la population polonaise contre ses « voisins juifs » entre 1940 et 1941, après la publication de l’ouvrage de l’historien américain d’origine polonaise Jan Gross sur les massacres de Jedwabne60. Très ambitieux dans leurs objectifs d’éducation, de soutien à la recherche historique, de publications académiques et grand public, d’expositions ou de diffusion via des portails web, les instituts ont rapidement acquis une place centrale dans les politiques de gestion du passé des pays d’Europe centrale.
30Pour autant, la dimension très politique de ces instituts est au cœur des critiques les concernant depuis le milieu des années 2000. En 2007 la création de l’Institut tchèque pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR) a d’emblée été accompagnée de débats très virulents. Le statut et les missions de l’ÚSTR ont été définis non pas à l’Académie des sciences mais au Parlement, de telle sorte que les historiens les moins anti-communistes en ont été tenus éloignés61. Les critiques d’ordre académique et méthodologique auxquelles l’Institut a été confronté ont conduit à de multiples ajustements au cours de la décennie passée, à chaque fois au prix de violents débats qui lui ont permis de développer une approche plus scientifique et moins politique. L’Institut de la mémoire polonais a connu une évolution comparable, même si ses moyens et ses ambitions étaient plus importants dès le départ et qu’il était en outre habilité à instruire judiciairement les crimes du passé. Baptisé « ministère de la Mémoire nationale » par ses détracteurs, il est devenu l’instrument d’une « politique historique » lancée à l’initiative des frères Kaczynski à partir de 200562. Pendant longtemps, il n’a pas été en mesure de promouvoir la production d’une histoire critique, autonome dans son questionnement et pluraliste dans ses approches, même si, à l’instar de son homologue tchèque, cet institut a su prendre acte des critiques émanant du monde académique63. Malgré tout, ces instituts sont restés, en raison de leur statut et des nominations par le pouvoir politique, fortement soumis au contexte politique dans lequel ils évoluent, au point de devenir des instruments de compétition politique64. Cette dimension distingue les instituts centre-européens du BStU allemand qui a, au contraire, contribué à promouvoir un modèle plutôt conciliant avec les anciens agents et fonctionnaires du parti communiste. Le cas de l’ancien Président social-démocrate de la région du Brandebourg, Manfred Stolpe, accusé de compromission avec la Stasi, est significatif à ce titre. Stolpe a réagi à ces accusations en rappelant que le régime communiste est-allemand avait imposé à presque tous les citoyens de petites compromissions, créant ainsi autour de son cas un sentiment de compréhension qui lui a permis, par ailleurs, d’être élu malgré son passé. Cet exemple est finalement révélateur d’une forme d’exceptionnalité est-allemande où, précisément, le passé n’a que rarement été mobilisé comme instrument de délégitimation des concurrents sur la scène politique nationale65.
31Quel bilan tirer des politiques de justice transitionnelle menées en Europe centrale depuis 1989 ? Dans tous les pays de la région, la question de la gestion du passé communiste s’est posée et a conduit à la mise en œuvre de processus diversifiés : lois de réhabilitation, d’indemnisation ou de restitution au bénéfice des victimes du régime, procès pénaux contre quelques responsables, lois de lustration et ouverture des archives, création d’instituts de la mémoire à la fois pour gérer l’accès aux archives et pour contribuer à l’écriture de l’histoire de la période communiste.
32Si l’on retient l’objectif de justice, force est de constater que bien peu de procès pénaux ont été conduits en Europe centrale, pour les raisons évoquées plus haut66. En revanche, des lois de lustration ont permis une mise à l’écart d’individus ayant occupé des fonctions importantes dans l’ancien régime, de manière très variable selon les pays, en termes de sévérité et de calendrier. Le processus de décommunisation contraste ainsi avec les expériences de l’Europe d’après-guerre ou avec celles des pays d’Amérique latine au sortir des dictatures. La lustration, processus pourtant emblématique de la justice transitionnelle en Europe de l’Est n’a finalement concerné, sauf en Allemagne, que quelques milliers de personnes, ce qui est peu par comparaison avec les épurations de l’après-guerre en Allemagne ou en France. Comme l’a écrit la journaliste américaine Tina Rosenberg, « les dictatures d’Europe de l’Est étaient des régimes criminels alors que celles d’Amérique latine étaient des régimes de criminels67 ». Punir des bureaucrates qui accomplissent leurs devoirs quotidiens dans le cadre de règles et de procédures légitimées par le régime, plutôt que des assassins, soulève en tout cas des difficultés différentes68.
33Si l’on considère plutôt l’objectif de dévoilement de la vérité sur le fonctionnement du régime autoritaire, les processus législatif et politique liés à l’ouverture des archives, partout engagés, ont permis d’alimenter des débats souvent très vifs sur les responsabilités et les ressorts du système. Du point de vue de la recherche de la vérité, les instituts de la mémoire constituent des outils proches des commissions vérité et réconciliation (CVR), mais, là où le mécanisme des CVR repose sur un débat entre victimes et bourreaux, celui des instituts est muet et « l’archive remplace la confession69 ». En Europe centrale, dans le contexte de la sortie du communisme, la thématique de la réconciliation n’a pas été mobilisée. Les politiques mises en œuvre relèvent toutefois de la justice transitionnelle dans une approche pragmatique, à savoir des arrangements politiques et juridiques qui permettent de tourner la page, dans un contexte de transition politique et économique très fluide et contraignant.
34Les différentes politiques de gestion du passé communiste mises en œuvre en Europe centrale montrent en tout cas combien le sujet reste sensible, un quart de siècle et une génération après la fin de ces régimes. Dans aucune de ces sociétés, il n’existe aujourd’hui de consensus sur la clôture définitive du dossier du passé communiste. Au contraire, le passé reste plus que jamais une ressource politique qui permet de conforter des lignes de clivage partisanes. Comme le note Georges Mink, le discours consistant à affirmer « la volonté d’en finir avec les séquelles immorales du communisme fait partie d’une rhétorique nécessaire pour légitimer l’objectif opposé : faire durer aussi longtemps que possible le gisement mémoriel en état d’exploitation, car la production du dissensus mémoriel garantit à ses acteurs un avantageux positionnement sur la scène partisane70 ».
Notes de bas de page
1 Pour ce chapitre, la comparaison concerne les pays suivants : Tchécoslovaquie devenue République tchèque et Slovaquie après la partition du pays en 1993, Hongrie, Pologne et Allemagne de l’Est, intégrée au sein de la République fédérale allemande en octobre 1990.
2 C. Perron, Les Pionniers de la démocratie, Paris, PUF, 2014 ; V. Bunce, « Quand le lieu compte. Spécificités des passés autoritaires et réformes économiques dans les transitions à la démocratie », Revue française de science politique, vol. 50, no 4-5, 2000, p. 633-656.
3 A. Paczkowski, « Lustration et monuments : passé communiste et enjeux de mémoire en Pologne », Hermès, La Revue, no 52, 2008/3, p. 91-98.
4 F. Mayer, Les Tchèques et leur communisme. Mémoires et identités politiques, Paris, EHESS, 2004, p. 9.
5 La lustration (du latin lustratio, cérémonie de purification de la Rome antique) est un mécanisme d’épuration administrative qui écarte de la haute administration les individus impliqués dans les crimes du régime précédent.
6 C. Offe, U. Poppe, « Rought justice: rectification in post-authoritarian and post-totalitarian regimes », dans J. Elster (dir.), Retribution and Reparation in the Transition to Democracy, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 132 ; V. Pettai, « Post-communist transitional justice: framing the subject », dans E.-C. Pettai & V. Pettai, Transitional and Retrospective Justice in the Baltic States, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, p. 18.
7 J. Rupnik, « Le totalitarisme vu de l’Est », Commentaire, no 27, automne 1984, p. 43-71.
8 J. Rupnik, « Vaclav Havel, portrait intellectuel d’un penseur du post-totalitarisme. Pourquoi le message du philosophe-président reste plus actuel que jamais », Le Monde, 22 décembre 2011.
9 Processus que l’on retrouve aussi dans les longues dictatures de droite comme celle de l’Espagne franquiste. Voir P. Anderson, « Singling out victims: denunciations and collusions in the post-civil war Francoist repression in Spain, 1939-1945 », European History Quarterly, vol. 39, no 1, 2009, p. 7-26.
10 V. Havel, Essais politiques, Paris, Calmann Lévy, 1989.
11 M. Blaive, « La question épineuse de la collaboration dans l’appréciation du passé communiste tchèque : quelques réflexions », dans G. Mink & P. Bonnard (dir.), Le Passé au présent. Gisements mémoriels et actions historicisantes en Europe centrale et orientale, Paris, Michel Houdiard, 2010, p. 217.
12 V. Havel, « Discours du Nouvel an 1990 », Politique étrangère, vol. 55, no 1, 1990, p. 94.
13 J. Rupnik, « Vaclav Havel… », op. cit.
14 V. Popovski, « The complexity and effectiveness of transitional justice in Latin America and Eastern Europe », dans V. Popovski & M. Serrano (dir.), After Oppression: Transitional Justice in Latin America and Eastern Europe, Tokyo, UN University Press, 2012, p. 485-486.
15 Au début des années 1980, 18 % des Allemands de l’Est de plus de 18 ans appartenaient au PC. Ce taux était de 14 % en Tchécoslovaquie, 12,5 % en Pologne et 10 % en Hongrie. Voir A. Smolar, « Les aventures de la décommunisation », Critique internationale, no 5, 1999, p. 165.
16 L. Stan, « Post-communist transition, justice and transitional justice », dans L. Stan (dir.), Transitional justice in Eastern Europe and the Former Soviet Union. Reckoning with the Communist Past, Londres & New York, Routledge, 2009, p. 6.
17 L. Stan, « Poland », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 76-77.
18 A. Smolar, « Les aventures… », op. cit., p. 165.
19 Par exemple dans le cas des débats en France autour du Livre noir du communisme, publié en 1997. Voir S. Courtois, N. Werth, J.-L. Panné, A. Paczowski, K. Bartosek & J.-L. Margolin, Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, Robert Laffont, 1997.
20 K. Williams, « The StB in Czechoslovakia, 1945-89 », dans K. Williams & D. Deletant (dir.), Security Intelligence Services in New Democracies: the Czech Republic, Slovakia and Romania, New York, Palgrave, 2001, p. 25-26.
21 A. Paczkowski, « L’autre Europe, victime du communisme », dans S. Courtois et al., Le livre noir…, op. cit., p. 536.
22 L. Stan, « Poland », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 78
23 P. Kende, « Budapest, 1956 : la révolution confisquée », L’Histoire, no 314, 2006.
24 La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) s’est réunie à Helsinki de 1973 à 1975. Elle rassemblait les États-Unis, l’URSS, le Canada et les États européens de l’Est et de l’Ouest, à l’exception de l’Albanie. Les champs d’action de la CSCE ont été répartis dans trois « corbeilles » qui préfiguraient les trois volets des accords issus de cette conférence : inviolabilité des frontières européennes, coopération entre les deux blocs, droits humains et libertés fondamentales. La troisième corbeille de l’accord contenait des provisions non contraignantes concernant les droits humains, applicables en Europe de l’Est.
25 V. Popovski & M. Serrano, « Transition justice across continents », dans V. Popovski & M. Serrano (dir.), After oppression…, op. cit., p. 4-5.
26 F. Mayer « Justice rétroactive et identification politique. Les Tchèques et leur passé communiste après 1989 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, dossier : « Les Tchèques au xxe siècle », no 59, 2000, p. 51. Environ 250 000 citoyens tchécoslovaques ont été réhabilités en vertu de la loi de 1990, selon R. David, S.Y.P. Choi, « Forgiveness and Transitional Justice in the Czech Republic », The Journal of Conflict Résolution, vol. 50, no 3, 2006, p. 346.
27 Au cours du xxe siècle les Tchèques ont subi trois régimes autoritaires : la domination autrichienne sous l’empire, l’occupation nazie et le régime communiste. Les mouvements contre l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne nazie ont été appelés « première » et « deuxième » résistances. Les activités contre le communisme relèvent de la « troisième résistance ».
28 Cette loi considère la période comprise entre 1948 et 1989 comme une période de guerre, ce qui garantit aux opposants le statut d’anciens combattants.
29 M. Nalepa, « Lustration as a trust-building mechanism? Transitional justice in Poland », dans V. Popovski & M. Serrano (dir.), After oppression…, op. cit., p. 354-355.
30 A. Kozminski, « Restitution of Private Property. Reprivatization in Central and Eastern Europe », Communist and Post-Communist Studies, vol. 30, no 1, 1997, p. 100.
31 A. Bazin, « Les décrets Beneš. De l’usage du passé dans le débat européen », Critique Internationale, no 21, 2003, p. 42-51.
32 La République tchèque, la RDA, la Bulgarie, la Roumanie et les États baltes ont procédé à des restitutions, ce qui n’est pas le cas de la Pologne et de la Hongrie. Voir H. Appel, « Anti-Communist justice and founding the post-communist order : Lustration and restitution in Central Europe », East European Politics and Societies, vol. 19, no 3, 2005, p. 390-391.
33 M. Blacksell, K. Born & M. Bohlander, « Settlement of Property Claims in the Former East Germany », The Geographical Review, vol. 86, no 2, 1996, p. 200-202.
34 H. Appel, « Anti-Communist Justice… », op. cit., p. 392.
35 « Varsovie veut régler la restitution des biens confisqués », Le Figaro, 11 octobre 2017.
36 C. Gousseff, Échanger les peuples. Le déplacement des minorités aux confins polono-soviétiques (1944-1947), Paris, Fayard, 2015 ; R. M. Douglas, Les Expulsés, Paris, Flammarion, 2012.
37 S. Courtois et al., Le Livre noir…, op. cit.
38 L. Stan, « Poland », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 90.
39 G. Bruce, « East Germany », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 27.
40 L. Stan, « Poland », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 90.
41 Le général Jaruzelski a été le chef de l’État polonais entre 1981 et 1989, dates auxquelles il a mené la répression des manifestations de Solidarité puis négocié la fin du régime.
42 A. Paczkowski, « Twenty-Five years “after”. The ambivalence of settling accounts with communism: the polish case », dans V. Tismaneanu & B. C. Iacob (dir.), Remembrance, History, and Justice. Coming to Terms with Traumatic Pasts in Democratic Societies, Budapest & New York, Central University Press, 2016, p. 239-240.
43 F. Mayer, Les Tchèques…, op. cit., p. 64.
44 N. Nedelsky, « Czechoslovakia and the Czech and Slovak Republics », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 58.
45 L. Stan, « Post-communist transition, justice and transitional justice », dans L. Stan (dir.), Transitional justice…, op. cit., p. 8.
46 A. Bensussan, D. Dakowska & N. Beaupré, « Les enjeux des archives des polices politiques communistes en Allemagne et en Pologne : essai de comparaison », Genèses, vol. 52, no 3, 2003, p. 14.
47 A. Paczkowski, « Lustration et monuments… », op. cit.
48 J. Rupnik, « Le système politique à l’épreuve de la transition », L’Autre Europe, n° 28-29, 1994, p. 38-39.
49 A. Bensussan et al., « Les enjeux… », op. cit., p. 23-24.
50 G. Mink, « Les usages des instituts de la mémoire nationale (IMN) dans les recompositions partisanes (1989-2008) », dans G. Mink & P. Bonnard (dir.), Le passé au présent…, op. cit., p. 174.
51 Dans certains cas, des listes de collaborateurs de la police secrète ont été publiées sur internet, comme en République tchèque et en Slovaquie, et des fuites – plus ou moins organisées – ont été dénoncées en Pologne et en Hongrie. Plusieurs plaintes ont été déposées auprès de la Cour européenne des droits humains, parfois avec succès. Cf. G. Mink, ibid., p. 176-177.
52 L. Stan, « Post-communist transition… », op. cit., p. 8.
53 M. Blaive, « L’ouverture des archives d’une police politique communiste : le cas tchèque, de Zdena Salivarova à Milan Kundera », dans S. Combe (dir.), Archives et écriture de l’histoire dans les sociétés post-communistes, Paris, La Découverte, 2009, p. 203-226.
54 Les archives de la Stasi (police secrète de la RDA) ont été confiées à un organisme spécifique, le Bundesbeauftragte für die Unterlagen des Staatssicherheitsdienstes der ehemaligen Deutschen Demokratischen Republik (littéralement « Mandataire fédéral pour la documentation du service de sécurité de l’État de l’ex-République démocratique allemande ») ou BStU.
55 Pawel Machcewicz, historien, ancien directeur scientifique de l’Institut de la mémoire nationale (2000-2006) en Pologne, cité par G. Mink, « Les usages… », op. cit., p. 174.
56 Le BStU a compté jusqu’à 3 300 employés dans les années 1990. Ils étaient 2 200 à y travailler en 2012. Le budget annuel de l’institut est de 100 millions d’euros par an environ. Source : http://www.bstu.bund.de
57 Institut de la mémoire nationale (IPN) en Pologne, créé en 1998 ; Institut pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR) en République tchèque, créé en 2007 ; Archives historiques de la sécurité d’État, en Hongrie (ABTL), en 2003 ; Institut pour la mémoire nationale (UPN) en Slovaquie, 2002.
58 V. Behr, « Le ministère de la Mémoire », La Vie des idées, 11 avril 2014.
59 A. Bazin, « Bon voisinage sur fonds de réconciliation difficile : Tchèques et Allemands aujourd’hui », Revue d’études comparatives Est-Ouest, no 1, 2009, p. 99-120.
60 J. T. Gross, Les Voisins. 10 juillet 1941. Un massacre de Juifs en Pologne, Fayard, 2002 ; P. Machcewicz & K. Persak (dir.), Wokół Jedwabnego [Autour de Jedwabne], 2 tomes, IPN, 2002.
61 M. Blaive, « La question épineuse… », op. cit., p. 224.
62 G. Mink, La Pologne au cœur de l’Europe. De 1914 à nos jours, Paris, Buchet-Chastel, 2015, p. 574.
63 V. Behr, « Le ministère… », op. cit., p. 9.
64 G. Mink, « Les usages… », op. cit., p. 179.
65 Ibid., p. 175.
66 E.H. Honecker, à la tête du régime est-allemand pendant près de vingt ans, a terminé sa vie parmi les siens au Chili. Après la fin des régimes, parmi les dictateurs de l’Europe de l’Est, seuls ont été punis Nicolae et Elena Ceausescu, fusillés après un procès bâclé, ainsi que le Bulgare Todor Jivkov. Condamné à six ans de prison pour abus de biens sociaux, il n’a jamais purgé sa peine.
67 T. Rosenberg, The Haunted Land. Facing Europe’s Ghosts after Communism, New York, Random House, 1995, p. 401.
68 A. Smolar, « Les aventures… », op. cit., p. 163.
69 G. Mink, « Les usages… », op. cit., p. 180.
70 Ibid., p. 172.
Auteur
Anne Bazin est maîtresse de conférences en science politique à Sciences Po-Lille, chercheure au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps, CNRS – UMR 8026). Ses recherches portent sur les politiques de sorties de conflits et de justice transitionnelle, ainsi que sur l’action extérieure de l’Union européenne. Parmi ses récentes publications : « Les prémisses d’une justice transitionnelle transnationale ? La politique de rapprochement et de réconciliation de l’Allemagne avec ses voisins à l’Est après 1989 », dans K. Andrieu & G. Lauvau (dir.), Quelle justice pour les peuples en transition ? Études de justice transitionnelle, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2014 ; How to address the loss? Forced migrations, lost territories and politics of history in Germany and Europe in the XXth century, Brussels, Peter Lang, 2018 (co-dir. C. Perron).
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