Chapitre vii – Entre Cuba et Miami. Mémoires historiques clivées et anticipation de la justice transitionnelle
p. 173-196
Texte intégral
1Cuba constitue un cas spécifique par rapport à d’autres cas latino-américains, et notamment le Brésil, en ce qui concerne les enjeux mémoriels des processus de transition à la démocratie. D’une part, le régime socialiste cubain est toujours en place et il n’y a donc pas de transition en cours. C’est pourquoi les conflits autour des enjeux de mémoire n’impliquent pas, pour l’instant, le système judiciaire cubain et restent déconnectés des institutions de la justice transitionnelle que l’on trouve ailleurs en Amérique latine. D’autre part, nous ne disposons pas d’archives ouvertes sur le processus révolutionnaire cubain, ce qui explique que l’historiographie critique ait peu de matériau pour examiner la période post 19591. Les historiens sont donc relativement peu présents dans les conflits publics qui se jouent autour des enjeux de mémoire dans la période contemporaine2. Dans la configuration cubaine, les enjeux mémoriels font plutôt l’objet d’une lutte pour la reconnaissance entre le gouvernement, qui tente d’imposer une lecture officielle de la période révolutionnaire, et des entrepreneurs de mémoire dans la diaspora cubano-américaine, qui travaillent à la déconstruire.
2Le cas cubain demeure néanmoins pertinent à analyser en perspective comparée pour au moins trois raisons. Tout d’abord, dès le début de la révolution, et surtout depuis les années 1990, il existe un travail de documentation des violations des droits humains à Cuba, effectué par des ONG de plus en plus professionnalisées dans un but de dénonciation mais aussi de conservation d’informations jugées utiles pour renverser le gouvernement cubain. Ensuite, un travail au long cours de construction de la mémoire de la révolution est effectué de manière contradictoire par le gouvernement cubain, d’un côté, et par la communauté exilée politisée à Miami, de l’autre. Pour le premier, la construction d’une mémoire officielle glorifiant la geste révolutionnaire et valorisant l’unité face à l’ennemi américain est essentielle pour maintenir une cohésion populaire autour de la question de la souveraineté nationale et assurer la continuité et la légitimité du pouvoir. Pour la communauté cubano-américaine en Floride au contraire, il s’agit de souligner la violence politique de la « dictature cubaine » afin de délégitimer les élites dirigeantes, et, partant, de justifier l’éventualité de leur participation à une future transition à rebours du modèle de la transition pactée.
3Enfin, on note une demande croissante de justice de la part des citoyens cubains ayant souffert de violations de leurs droits civils et politiques depuis la prise du pouvoir par Fidel Castro. On observe donc bien, dans le cas cubain, la présence des acteurs habituels des processus de justice transitionnelle tels que les associations de victimes, les militants, les avocats des droits humains et les juges, mais ils ont la particularité d’émerger avant tout en Floride, au sein de la communauté cubano-américaine politisée. La déterritorialisation des acteurs de ce processus génère une dynamique particulière : puisque la transition à la démocratie n’a pas eu lieu à Cuba, elle constitue un des effets de l’anticipation de cette transition par des acteurs généralement binationaux et multipositionnés. Elle participe par ailleurs à la construction et au maintien d’un clivage fort entre le gouvernement cubain et la communauté cubano-américaine. En effet, les dirigeants cubains ne semblent pas se préoccuper des questions judiciaires, peut-être parce que Cuba n’appartient pas à l’Organisation des États américains (OEA) et ne reconnaît pas la Cour pénale internationale (CPI). Au contraire, les militants en exil élaborent une connaissance chaque jour plus solide des enjeux théoriques et pratiques des processus de justice transitionnelle.
4Ce chapitre mettra en évidence l’existence, depuis la victoire de Fidel Castro, d’une lutte pour imposer le cadrage cognitif et interprétatif de la révolution cubaine autour de la question des droits humains ; lutte qui a façonné la construction mémorielle de la révolution dans l’espace public, à Cuba comme à Miami où sont installés la plupart des exilés cubains. Chaque partie met en scène ses martyrs, construit ses mausolées et élabore son calendrier mémoriel de la période révolutionnaire, contribuant ainsi à mener une bataille pour la mémoire de la révolution et à anticiper certains enjeux judiciaires, avant même une éventuelle transition politique.
Les droits humains comme champ de bataille
5La victoire de la révolution cubaine a enthousiasmé la plupart des mouvements de gauche dans le monde car elle offrait de nouvelles perspectives dans une période de désenchantement post-stalinien. L’insertion de Cuba dans le Mouvement des non-alignés (MNOAL) et les liens entretenus par le gouvernement socialiste avec les gauches latino-américaines ont facilité la promotion d’un modèle cubain de justice sociale et permis d’asseoir la légitimité de la révolution cubaine à l’international. Néanmoins, sa temporalité et sa localisation ont fait que le processus révolutionnaire a été particulièrement scruté par certains intellectuels et ce qu’on a alors commencé à appeler les organisations de défense des droits humains. Les procès expéditifs des premiers mois et les exécutions sommaires qui les ont suivis ont, pour ces organisations, rapidement catégorisé le régime communiste cubain comme intrinsèquement répressif, sur le modèle soviétique. La révolution cubaine est donc devenue, en pleine guerre froide, un espace de projection des positions des uns et des autres dans lequel la question des droits humains a constitué un champ de bataille divisant le pays, encastrant ses conflits internes dans ceux qui opposaient les deux blocs : le « monde libre » et le bloc soviétique. Ici, sont retracés les positionnements des deux parties sur la question des droits humains, ce qui permet de mettre en lumière les modalités de construction de mémoires concurrentes de la révolution cubaine.
Droits humains vs souveraineté nationale
6La révolution cubaine est intervenue quatre ans à peine après le rapport Khrouchtchev de 1956 sur les crimes commis par et sous Staline. Elle s’est trouvée prise dans le débat de l’époque sur le socialisme et les droits humains : pouvait-il y avoir des voies alternatives au socialisme répressif ou bien le socialisme était-il intrinsèquement liberticide ? La victoire des révolutionnaires a entraîné un réexamen de la question dans les champs intellectuel et politique, et a créé deux camps retranchés entre ceux qui défendaient la souveraineté nationale de Cuba et ceux qui dénonçaient l’aveuglement des militants et intellectuels de gauche3. Cette division a eu des effets politiques majeurs au niveau international : d’une part, les Cubains qui rejetaient et combattaient la révolution ont été accueillis, des années 1960 aux années 1980, comme des héros aux États-Unis, où ils ont obtenu immédiatement l’asile4 ; d’autre part, la révolution cubaine est devenue un symbole de la lutte des peuples du « Tiers-Monde ».
7L’accueil massif des exilés cubains aux États-Unis a entraîné la constitution d’une communauté cubano-américaine qui s’apparente à une enclave ethnique, mais aussi sociale, économique et politique5. Cette enclave se caractérise par un fort investissement du champ politique américain aux côtés des Républicains. Vingt ans après son arrivée aux États-Unis, cette communauté bénéficiait à plein de la mise en œuvre du « paradigme de la démocratie et des droits humains » développé au département d’État sous les mandats de Reagan (1980-1984, 1984-1988) et devenu hégémonique en matière de politique extérieure6, aux États-Unis comme dans la plupart des pays du « monde libre ». Elle a contribué au maintien de cette politique pendant des décennies, au moins dans le cas cubain, et continue aujourd’hui encore à conditionner la fin de l’embargo à l’amélioration de la situation des droits humains à Cuba7. C’est cette communauté qui favorise une focalisation sur les victimes du régime révolutionnaire.
8Dès la fin des années 1960, des associations se sont occupées de quantifier le nombre de Cubains victimes d’exécutions sommaires lors de la prise du pouvoir par Fidel Castro et ses troupes ainsi que de recenser le nombre des prisonniers politiques des années 1960 aux années 1980, nombre perçu comme particulièrement élevé8. Au départ, c’est la revue Of Human Rights qui a pris en charge ce travail. Elle a été fondée au mi-temps des années 1970 par Elena Mederos, militante féministe et ministre éphémère aux affaires sociales entre mars et juin 1959, débarquée de son poste par Fidel Castro alors premier ministre, et assignée à résidence jusqu’à son exil. À partir de la fin des années 1980, la relève a été assurée par Ariel Hidalgo, historien marxiste, incarcéré à Cuba de 1981 à 1988 puis exilé à Miami. Il a créé à son arrivée en Floride InfoBuro, une instance de veille qui inventorie les abus et répertorie l’émergence de mouvements pro-droits humains. Enfin, des militants anti-castristes proches de la CANF, la Cuban American National Foundation, organisation hégémonique de l’exil cubain, ont monté la Fondation cubaine pour les droits humains dans les années 1990 pour continuer à documenter les violations des droits humains et apporter un soutien aux militants restés à Cuba. Dans la perspective de ces associations, et particulièrement de la CANF, les violations commises par le gouvernement cubain justifiaient que les États-Unis tentent de le renverser par tous les moyens9. Or, les attaques faites à la souveraineté nationale de Cuba au nom de ces droits ont été perçues comme des agressions impérialistes par les soutiens de la révolution cubaine – gouvernements et mouvements issus pour la plupart des luttes de décolonisation. La révolution a donc acquis d’autant plus de prestige qu’elle a fait l’objet de critiques et de tentatives de déstabilisation par des combattants cubano-américains appuyés par la CIA : attentats, sabotages, débarquement de la baie des Cochons en avril 1961. Ces attaques ont permis à Fidel Castro de situer Cuba au centre des rapports de pouvoir à l’échelle mondiale et de faire de La Havane un espace de convergence tiers-mondiste tant intellectuel que politique. En témoignent le succès de la conférence tricontinentale et la création de l’Ospaal (Organisation de solidarité avec les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine) en 1966 ainsi que l’élection de Fidel Castro à la présidence du MNOAL en 1979. Ce soutien gagné par Cuba dans les pays du Sud au cours des années 1960 a permis de contrebalancer l’isolement diplomatique de l’île dans les Amériques en l’insérant dans la communauté des pays post-coloniaux, et ce, jusqu’à l’époque contemporaine comme l’a montré l’élection de Fidel Castro à un second mandat de président du MNOAL en 2006.
9De même, l’aide apportée par le gouvernement cubain aux militants qui luttaient pour la révolution et contre les dictatures du Cône Sud assure encore aujourd’hui un soutien moral, politique, et même économique à Cuba. Certains de ces militants, devenus présidents de leurs pays respectifs, ont entretenu des liens de solidarité avec le gouvernement cubain, soit en subventionnant directement son économie à l’instar de Hugo Chávez puis de Nicolas Maduro au Venezuela, soit en investissant dans l’île comme l’ont fait Lula da Silva puis Dilma Rousseff au Brésil10, soit encore en manifestant une solidarité politique à l’égard de la révolution cubaine comme l’ont fait José Mujica en Uruguay, Daniel Ortega au Nicaragua ou Salvador Sanchez Cerén au Salvador11. Ce soutien s’actualise périodiquement dans des alliances et des réseaux que les autorités cubaines contribuent à construire et à animer. Il tend également à protéger partiellement le gouvernement socialiste des critiques des démocraties libérales dans des arènes comme le Comité des droits humains de l’ONU.
Droits civils et politiques vs justice sociale
10Le soutien des pays du Sud à la révolution cubaine a tenu aussi à sa défense des droits sociaux et économiques. Dans cet extrait d’un célèbre discours à l’ONU, Fidel Castro déclarait, le 12 octobre 1979 :
« On parle souvent des droits humains mais il faut aussi parler des droits de l’humanité. Pourquoi certains peuples marchent-ils pieds nus, tandis que d’autres se promènent dans des voitures de luxe ? Pourquoi certains vivent-ils trente-cinq ans tandis que d’autres soixante-dix ans ? Pourquoi certains sont-ils misérablement pauvres tandis que d’autres sont exagérément riches ? […] On ne peut parler de paix face aux dizaines de millions d’êtres humains qui meurent de faim ou de maladies guérissables chaque année dans le monde entier. On ne peut parler de paix au nom des 900 millions d’analphabètes. L’exploitation des pays pauvres par les pays riches doit cesser12. »
11Cette perspective a été inlassablement promue sur le plan discursif, mais également sur le plan pratique. L’internationalisme médical cubain, connu pour l’envoi de médecins et de médicaments au Pakistan après le séisme de 2005, en Afrique en 2015 pour lutter contre le virus Ebola ainsi que pour le développement d’une présence médicale continue en Haïti depuis 1998 et, ailleurs, dans les quartiers populaires de villes latino-américaines, a été au fondement de la légitimité renouvelée du gouvernement socialiste à partir des années 2000 auprès des pays du Sud13. Cuba a certes fait l’objet de condamnations récurrentes ; en témoignent la position de l’Union européenne entre 1996 et 2016, les trois prix Sakharov décernés par le Parlement européen à des opposants cubains en l’espace de dix ans (2002, 2005 et 2010) ou encore les condamnations de Cuba au Comité des droits humains de l’ONU. Malgré cela, cette aide apportée par un gouvernement cubain, désargenté depuis la chute de l’URSS, est perçue comme le symbole de la force morale de la révolution cubaine, non seulement au Sud mais aussi auprès de certains publics militants et partis de gauche dans les pays du Nord14.
12Ce soutien a permis au gouvernement socialiste de repousser les attaques dont il a fait l’objet dans les arènes internationales. Faisant front commun avec les pays du Sud qui y sont représentés, le gouvernement cubain a notamment réussi à empêcher le vote, au Comité des droits humains de l’ONU, de résolutions condamnant ses pratiques de répression politique, à partir de 2002, après une décennie de lutte dans cette enceinte. De plus, il a obtenu la condamnation récurrente des États-Unis depuis 1992, pour leur imposition d’un embargo unilatéral envers l’île.
13À partir de l’effondrement de l’Union soviétique, ce travail de promotion du modèle cubain est devenu un outil dans la bataille pour le cadrage cognitif et interprétatif de la révolution cubaine, présentée comme une entreprise de mise en œuvre d’un modèle alternatif de société fondé sur la justice sociale, constamment déstabilisé par les États-Unis par des moyens violents ou illégaux. Si la circulation de cette perspective a permis au gouvernement cubain d’asseoir sa légitimité dans certaines enceintes internationales, celui-ci a cependant été régulièrement critiqué par des institutions centrales pour l’établissement de la légitimité politique des États en matière de droits humains comme Freedom House, Amnesty International ou Reporters sans frontières. Ces critiques se traduisent désormais par des procédures pénales. En témoigne la plainte pour « esclavagisme » de médecins cubains déposée devant la Cour pénale internationale (CPI) par l’ONG espagnole Prisoners Defenders, de façon coordonnée avec l’Union patriotique de Cuba (Unpacu), l’une des plus grosses organisations dissidentes cubaines15. L’ONG accuse l’État cubain de « crimes contre l’humanité » en se fondant sur l’article 7 du Statut de Rome qui institue la CPI et stipule que la « réduction en esclavage » constitue un tel crime16. Elle travaille à démontrer que les modalités de la politique d’exportation de médecins transforment une action apparemment noble en travail forcé. En effet, les médecins cubains sont étroitement encadrés et contrôlés lors de ces missions. Ils ne sont pas libres de leurs mouvements et ne peuvent quitter leur lieu de résidence sans autorisation. Ils ne peuvent pas rentrer à Cuba avant la fin de leur mission sauf dérogation. Enfin, ils ne reçoivent qu’une infime partie du salaire versé directement par le gouvernement du pays d’intervention au gouvernement cubain. S’il n’est pas certain que la CPI ouvre une enquête, l’existence de cette plainte atteste d’un renversement de perspective sur les missions internationalistes cubaines, auparavant unanimement saluées, y compris par l’Organisation mondiale de la santé.
14Il existe donc une asymétrie croissante entre la capacité du gouvernement cubain à promouvoir son modèle de développement et celle de certains gouvernements du Nord et d’organisations de défense des droits humains à le délégitimer. Si cette asymétrie n’a pas empêché les dirigeants révolutionnaires de disposer, jusqu’à présent, de soutiens qui ont assuré pour partie les conditions de leur maintien au pouvoir, elle a des effets particulièrement forts sur le processus de construction de la mémoire de la révolution.
Droits humains et enjeux mémoriels
15La question des droits humains est centrale en termes d’enjeux mémoriels dans la perspective d’une éventuelle transition à la démocratie. En effet, c’est autour de cette question que s’est articulée la lutte pour l’hégémonie post-1991, date de l’effondrement de l’URSS, sur la mémoire du communisme. Cette mémoire est clivée entre ceux qui dénoncent les crimes staliniens d’un côté, et ceux qui revendiquent les avancées sociales gagnées par le mouvement ouvrier, de l’autre. Elle oscille également entre mémoire historique et mémoires singulières des individus17. La mémoire historique est entendue ici au sens de Marie-Claire Lavabre d’une mémoire construite par des institutions d’État ou des partis politiques pour promouvoir une perspective officielle sur le passé et ainsi légitimer leur exercice du pouvoir dans le temps présent18.
16Dans le cas cubain, non seulement l’État ne dispose pas du monopole de la construction de l’histoire de la révolution, mais il fait face à des protagonistes mieux dotés en ressources matérielles et relationnelles. En effet, l’existence de la communauté cubano-américaine organisée en Floride a permis la construction d’une mémoire diasporique de la révolution, à travers la constitution d’archives orales, la tenue d’expositions et l’érection de monuments de commémoration des violences commises sous le régime socialiste cubain, en territoire américain, avec le soutien du gouvernement américain. En ce sens, elle prétend constituer la véritable mémoire historique de la révolution cubaine.
Histoire officielle de la révolution à Cuba
17Les historiens cubains ont largement délaissé l’histoire révolutionnaire pour se pencher, pour la plupart, sur l’histoire coloniale, les guerres d’indépendance ou l’histoire de la République (1902-1959)19. Quant aux rares ouvrages d’histoire du temps présent, ils travaillent à démontrer la perspective officielle selon laquelle la révolution constituerait l’aboutissement des luttes pour l’indépendance et leur corollaire, la défense de la souveraineté nationale contre la domination politique et économique américaine20. Ils mettent l’accent sur « l’extraordinaire personnalité de Fidel Castro »21 sans jamais questionner la verticalité et la concentration du pouvoir. Excepté quelques éléments sur les pratiques de la « contre-révolution »22, ces ouvrages ne nous renseignent ni sur les débats publics ni sur les demandes populaires dans la société cubaine des soixante dernières années.
18Le désintérêt de l’État cubain pour la mémoire collective et populaire de la révolution est également visible dans la muséographie dédiée à la prise de pouvoir par les révolutionnaires en 195923. Au Musée de la Révolution à La Havane, comme au Presidio Modelo sur l’Île de la Jeunesse, prison où furent détenus Fidel et Raul Castro de 1953 à 1955, ou encore au Mausolée du Che à Santa Clara, les apports de la nouvelle muséologie sont ignorés : point de témoignages de citoyens ordinaires, pas de trace des objets d’usage de la population à l’époque, pas de lettre, pas de récit individuel, aucune place laissée à l’interprétation. La figure du héros24 est centrale et le passé intrinsèquement « glorieux »25. La guérilla est racontée sous la forme d’une épopée menant inéluctablement à la victoire grâce au ralliement des populations conquises par les politiques sociales mises en œuvre par les barbudos et par leur vision d’un pays plus juste et souverain, héritée des luttes pour l’indépendance du xixe siècle26. Si cette histoire mentionne le soutien populaire, c’est avant tout pour glorifier la geste révolutionnaire de quelques héros et martyrs tels que Fidel Castro, Che Guevara, Camilo Cienfuegos, commandant de la révolution décédé en 1959 dont l’image est répliquée à l’envi dans l’île.
19L’histoire officielle consiste donc en une narration événementielle pensée comme un enchaînement de faits glorieux, commémorés par une quinzaine de dates principales qu’on peut typifier en trois catégories : d’une part, les batailles révolutionnaires, d’autre part, les jours anniversaires de naissance ou de mort de héros révolutionnaires, certains héros de l’indépendance étant considérés comme des héros révolutionnaires avant la lettre, ce qui permet de construire une continuité entre la lutte pour l’indépendance et la lutte révolutionnaire, et finalement, les jours anniversaires de la création d’organisations révolutionnaires ou de la mise en œuvre de politiques révolutionnaires. Quoi qu’il en soit, si le récit historique national travaille principalement à glorifier le combat anti-impérialiste, il souligne aussi la position victimaire de la nation cubaine qui a souffert d’actes terroristes et de sabotages perpétrés par des membres de l’exil cubano-américain ; actes qui auraient coûté la vie à plusieurs milliers de citoyens de l’île27.
20Malgré sa faible épaisseur historique, cette histoire officielle incarnée par quelques individus et quelques dates n’est pas véritablement remise en question à Cuba, du fait de l’emprise discursive de l’État sur l’expérience sociale de la population28, ainsi que du monopole étatique sur les moyens de communication. Ce monopole a contribué à marginaliser la pluralité des mémoires de la révolution ainsi que les rares courants d’histoire critique et à imposer le récit de la grande geste révolutionnaire29. Par ailleurs, rares sont les entrepreneurs de mémoire qui portent la cause de groupes sociaux oubliés ou marginalisés. Les historiens qui ont tenté de promouvoir d’autres historiographies ont en effet subi la censure, la répression ou l’exil. Il en a été de même pour de nombreux artistes et intellectuels critiques, favorables à une diversité d’approches et de perspectives, y compris à partir d’un ancrage politique révolutionnaire30. Un « consensus du silence »31 s’est donc construit jusqu’à la fin des années 1990, quand plusieurs œuvres mettant au centre la question de la mémoire du passé révolutionnaire ont été publiées ou produites32. Si elles reviennent sur les violences et les pratiques discriminatoires qui ont caractérisé les premières décennies révolutionnaires, elles demeurent néanmoins peu critiques des dirigeants communistes. Par ailleurs, elles sont le fait d’un milieu restreint d’interconnaissance et atteignent une audience limitée, d’autant que le gouvernement censure presque systématiquement celles dont le public pourrait s’avérer plus large, notamment les œuvres cinématographiques. C’est donc principalement la diaspora cubano-américaine qui a pris en charge ces enjeux de mémoire.
La construction d’une mémoire diasporique de la « dictature » en Floride
21En Floride, le processus de construction d’une mémoire de la révolution prend le contre-pied de sa narration officielle par l’État cubain. Tout d’abord, on ne désigne pas, à Miami, le régime politique cubain par son nom officiel : « la révolution ». On l’appelle « la dictature ». Ne pas souscrire à cette appellation entraîne rapidement une délégitimation publique et facilite la comparaison du régime politique cubain avec celui de l’URSS ou de l’Allemagne nazie. Les entrepreneurs de mémoire de la diaspora s’inspirent du travail de reconnaissance des victimes des crimes de masse sous ces régimes pour fonder la mémoire historique sur les récits des exilés, notamment des combattants anti-communistes. Leur objectif est de démontrer le caractère dystopique du socialisme cubain, en opposant à la narration glorieuse de « la révolution » par ses leaders, celle, collective, des violences commises par la « dictature » contre les résistants, et, dans une moindre mesure, les citoyens ordinaires. La production de calendriers de la « lutte contre le totalitarisme cubain » et l’érection de monuments de commémoration par la communauté cubano-américaine datent et chiffrent ces violences.
22Au calendrier des fêtes cubaines officielles, les organisations de l’exil cubain opposent leur propre calendrier de commémoration de dates « noires », qui rappelle les dates de batailles de la contre-guérilla et leur lot de morts au combat, celle des exécutions judiciaires et extra-judiciaires, ou encore celle des procès inéquitables et leur conséquence, les longues peines d’emprisonnement33. Outre le travail de collecte et de commémoration des dates clés du combat anti-castriste, un travail de chiffrage est également mené sur les morts liés aux luttes politiques de la révolution cubaine, avant tout par l’organisation Cuba Archive. Ce travail a été sanctionné par l’érection d’un Mémorial cubain inauguré en 2014, en l’honneur des 9 700 victimes recensées jusqu’alors. Ces différentes initiatives présentent comme objectif la « récupération » de la mémoire « passée sous silence » des émigrés cubains34. Il s’agit d’opposer la mémoire « par le bas » des victimes à l’histoire « par le haut » des vainqueurs.
23Cette mise en scène dichotomique reprend les codes et les normes de « la représentation de l’horreur »35 pour dramatiser l’expérience cubaine de la répression sociale et politique et pour construire des analogies avec le goulag ou les massacres perpétrés sous Staline en URSS, afin de délégitimer de bout en bout le gouvernement socialiste cubain post 1959. En même temps, la glorification de la lutte armée anti-communiste, les commémorations annuelles en l’honneur de la brigade 2 506 qui débarqua à la Baie des Cochons et les documentaires hagiographiques diffusés sur AméricaTéVé sur la vie de militants ayant organisé ou pris part à des actes de terrorisme et de sabotage contre le gouvernement cubain montrent que la revendication d’un statut de victime coexiste avec celle de la légitimité de la violence politique pour faire tomber le communisme à Cuba. En ce sens, les deux piliers de la construction de la mémoire diasporique sont relativement proches de ceux de l’histoire officielle : la glorification de la violence politique et de ses combattants ; la mise en scène des victimes des exactions perpétrées par l’autre camp, quoique l’accent soit désormais mis avant tout sur la dimension victimaire plus que sur la lutte.
24Deux processus de construction mémorielle entrent donc en concurrence. L’un, à Cuba, est fondé sur un récit officiel de l’histoire resté relativement inchangé dans ses grandes lignes depuis les années 1960, au sens où la révolution cubaine demeure aujourd’hui présentée comme l’aboutissement inéluctable des luttes pour l’indépendance entamées au xixe siècle et pour la souveraineté nationale face aux États-Unis. L’autre, à Miami, cherche à donner une voix et une visibilité aux militants et aux anonymes tombés sous les coups de la répression du gouvernement cubain. Si ces deux processus se construisent de façon parallèle, ils présentent cependant des disparités fortes car l’État cubain est relativement démuni en termes de ressources politiques et médiatiques face à la puissante diaspora cubano-américaine. Certes, il dispose d’une hégémonie presque totale sur la narration historique de la révolution sur l’île, mais celle-ci reste locale tandis que la perspective des exilés s’impose dans l’espace public transnational car elle dispose de relais institutionnels nationaux et internationaux, notamment dans les médias, les ONG des droits humains et les chancelleries européennes et nord-américaines. Certes, le gouvernement cubain bénéficie toujours de la gratitude des anciens combattants de la lutte armée sous les dictatures du Cône Sud, mais les tournants à droite en Amérique latine depuis 2015 et la crise économique et politique au Venezuela le privent de soutiens autrefois solides, qui ne sont compensés, en termes de légitimité politique, ni par les investissements chinois ni par l’appui calculé de la Russie de Poutine. Enfin, avec l’hégémonie croissante des normes libérales en matière de droits civils et politiques, la perspective cubaine officielle est désormais de plus en plus auto-référentielle.
Les anticipations de la judiciarisation de la transition
25C’est aussi sur des enjeux de droits humains que s’élaborent les processus de justice transitionnelle concernant Cuba. À défaut de dire le droit et de rendre justice, ou de créer des dispositifs de réparation, ces processus consistent à affronter le passé violent et à en construire la mémoire historique36. Selon les lieux et les cas, la « gestion législative » du passé communiste est variable. Certains gouvernements post-communistes mettent en place des dispositifs juridiques qui visent à la fois à réparer, à restituer, à réhabiliter et à épurer, tandis que d’autres se contentent d’une simple distanciation discursive par rapport à l’époque politique antérieure. C’est ce que détaille Anne Bazin dans le chapitre consacré à l’Europe centrale et orientale, dans cet ouvrage (chapitre IX)37. Dans le cas cubain, les membres organisés et politisés de la communauté diasporique en Floride travaillent à mettre en place des dispositifs juridiques et para-juridiques dans l’objectif de réparer, mais surtout de lancer un processus d’épuration avec des conséquences dans le temps présent. Ces anticipations d’un éventuel processus de justice transitionnelle sont dissymétriques car les militants de la communauté cubano-américaine disposent de ressources propres en termes tant financiers que d’expertise, tandis que le gouvernement cubain ne reconnaît aucune institution statuant sur les droits humains, qu’elle soit régionale, telle que la Cour interaméricaine des droits humains, ou internationale, comme la Cour pénale internationale. Il ne joue pas le jeu de la justice internationale38, contrairement par exemple au gouvernement sandiniste au Nicaragua dans les années 198039.
Construire une mémoire victimaire de la « dictature » par les chiffres
26Des universitaires ont travaillé, au début des années 2000, à penser les questions de « Mémoire, Vérité, Justice » dans l’optique d’engager une réflexion plurielle sur les modalités d’un processus futur de justice transitionnelle. Une équipe réunie autour de Marifeli Pérez-Stable à l’université internationale de Floride a produit un rapport à ce sujet40, et le Centre d’études cubaines et cubano-américaines (Iccas) de l’université de Miami a publié de nombreux documents de travail grâce au « Cuba transition project », financé par l’Agence américaine pour le développement international, Usaid41. Le travail effectué par ces deux équipes concurrentes et occupant des positions politiques opposées n’a obtenu qu’une visibilité relative. Le rapport coordonné par Pérez-Stable semble n’avoir fait l’objet d’aucune promotion autre que sa mise en ligne. Quant à l’Iccas, il a été supprimé par le président de l’université de Miami en 2017, car estimé trop proche des milieux radicaux de l’exil cubain. Ce sont donc les entrepreneurs militants de la mémoire et de la justice qui ont monopolisé les espaces tant médiatiques qu’académiques autour de ces questions. La création de l’ONG Cuba Archive a été centrale dans cette dynamique. Son projet phare, baptisé Truth and Memory, consiste en effet à identifier les victimes du régime socialiste, en fonction d’une ambition plus large de participation à un projet de commission justice et vérité42.
Cuba Archive
Le projet Cuba Archive (http://cubaarchive.org/) a été créé en 2001 par Armando Lago, économiste exilé aujourd’hui décédé, et Maria Werlau, née à Cuba et exilée aux États-Unis où elle a suivi des études à la Georgetown University avant de travailler à haut niveau dans le secteur bancaire. Elle a fondé Cuba Archive dans une optique de justice transitionnelle en s’entourant de personnalités reconnues du monde de la diaspora cubano-américaine telles que d’anciens prisonniers politiques parmi lesquels Ricardo Bofill, Pedro Corzo ou encore Carlos Alberto Montaner, journaliste cubain célèbre pour ses prises de position tranchées depuis son exil en Espagne. L’objectif central du projet est de construire une base de données des « disparitions et des morts de nature politique liées à la révolution cubaine » afin d’anticiper la judiciarisation du passé que les initiateurs du projet appellent de leurs vœux lors d’une future transition politique. Cuba Archive reçoit des financements de la National Endowment for Democracy (NED) et des dons de particuliers ou d’entreprises. À titre d’exemple, le projet a reçu 80 000 dollars de subvention de la NED en 2015 et 85 000 en 2016. Ces financements restent modestes au regard des subventions attribuées par la NED à différents projets visant à favoriser la démocratisation de Cuba (un total de 5,5 millions de dollars en 2016), sans compter les 28 millions budgétés par le gouvernement fédéral pour Radio et TV Marti – Office of Cuba Broadcasting43. Par ailleurs, les promoteurs de cette initiative travaillent bénévolement44.
27À l’instar du travail de comptage effectué dans le Livre noir du communisme45, cette organisation a élaboré une base de données à partir de cas documentés par des témoins visuels de décès qu’elle estime liés à la révolution cubaine : il y aurait au moins 10 000 victimes, chiffre particulièrement élevé, si on le compare aux 3 065 morts et disparus dans le Chili de Pinochet46. C’est que la notion de victime telle que définie par Cuba Archive inclut à la fois les assassinats, les exécutions sommaires et les disparitions, comme dans le cas chilien, mais aussi les morts au combat, les disparitions en mer de balseros (boat people) cherchant à gagner la Floride et les décès de citoyens non Cubains. De plus, le dénombrement des victimes commence à partir du 10 mars 1952 et la suspension de l’ordre constitutionnel proclamée par Fulgencio Batista, alors président de la République cubaine, soit sept ans avant la victoire révolutionnaire. Les exécutions et assassinats commis par les forces policières de Batista ne sont cependant pas attribués au régime communiste.
28Ces choix méthodologiques sont à relier à l’ambition maximaliste de Maria Werlau : elle cherche à dénombrer l’ensemble des décès attribuables à la lutte politique liée à l’établissement d’un gouvernement socialiste à Cuba ainsi qu’aux politiques menées sous ce gouvernement comme la fermeture des frontières ou la solidarité internationaliste en Amérique latine et en Afrique47. Ces choix ont été entérinés par les organisations de la communauté cubano-américaine en Floride, avec l’érection du Mémorial cubain, monument aux 10 000 victimes du castrisme, mentionné plus haut. Ce monument est déjà devenu un lieu de commémoration pour la diaspora cubaine de Floride et d’ailleurs. Mais cela n’exclut pas des batailles autour de cette mémoire comme en témoigne l’effacement de certains des noms de victimes lors d’un acte de vandalisme nocturne en 201548. Cependant, ce Mémorial disposant aujourd’hui du monopole de la représentation des victimes du gouvernement révolutionnaire, et c’est autour de cette représentation que devront se construire les représentations concurrentes. Si, en 2010, l’État cubain a fait du 6 octobre la journée d’hommage aux victimes du terrorisme d’État, il n’existe pas de monument spécifique sur l’île dédié aux morts provoquées par les attentats et sabotages perpétrés par l’exil cubano-américain. Le mémorial érigé à Miami occupe donc une place centrale et unique dans le processus mémoriel de la révolution cubaine tant son ancrage local, sur les plans politique, social et spatial, est solidifié.
Dissuader les forces répressives, anticiper le travail d’épuration
29Outre l’identification des victimes, un travail plus récent d’identification des bourreaux a été organisé par d’autres associations de la diaspora. Une première initiative Cuba, represión ID, lancée en 2010 par quatre avocats49 pour inciter leurs concitoyens à dénoncer les cadres dirigeants des forces répressives et leurs collaborateurs civils dans le cadre d’un programme de télévision, A Mano Limpia d’Oscar Haza sur le canal 41 de AméricaTévé, avait entraîné des répliques sur des blogs et mené à des dénonciations publiques en ligne incontrôlées50. Pour éviter ces dérives, cette initiative a été reprise en 2016 par trois organisations de l’exil cubain : la Fondation cubaine pour les droits humains, Cuba Archive et l’Institut de la mémoire historique cubaine contre le totalitarisme. Leur action est axée autour d’une nouvelle plateforme, represorescubanos.com51. Les témoignages sont désormais envoyés par le biais d’un formulaire qui permet la standardisation des informations et ils sont désormais vérifiés par un « groupe d’experts », dont on ne connaît cependant ni le statut ni les compétences.
30Ce travail poursuit plusieurs objectifs. Tout d’abord, il existe un objectif immédiat de protection des opposants sur place. Les fondateurs du projet pensent que la médiatisation de la répression sera dissuasive pour les forces de l’ordre, qui pourraient craindre des poursuites judiciaires à Cuba si une transition politique venait à se produire, mais aussi aux États-Unis. Il existe de nombreux témoignages de Cubains victimes de leurs concitoyens membres du Parti ou des services de renseignements et qui, un jour, ont émigré aux États-Unis ou ailleurs. Le fait que cette possibilité puisse disparaître est pensé comme particulièrement dissuasif. Le dispositif prévoit donc une collaboration avec le consulat américain ainsi que la police américaine aux frontières afin d’empêcher que des agents répressifs de l’État ayant exercé des fonctions officielles puissent émigrer à Miami dans l’impunité.
31Ensuite, il existe un objectif de justice avec la construction de la base de données qui sera mise à disposition des individus et institutions qui souhaiteraient engager des poursuites dans des cours nationales ou internationales. Cet objectif de justice est pensé à la fois à court terme et à long terme. À court terme, la documentation des violations des droits humains permet d’ores et déjà de juger les personnes mises en cause sur le territoire américain quand elles ont émigré aux États-Unis52. À long terme, dans l’éventualité d’un changement de régime, il s’agit d’identifier non seulement les agents de la police et des forces de renseignement, mais également les avocats et les juges qui se plient aux demandes politiques de répression contre les opposants, afin de préparer des procès dans le cadre d’une justice pénale53. Par exemple, sous l’impulsion d’un réseau d’avocats et de militants des droits humains en Amérique latine, une commission internationale d’enquête appelée « Justicia Cuba » sur les « crimes contre l’humanité » commis sous les gouvernements de Fidel et Raul Castro a été récemment mise en place afin d’instruire un certain nombre de dossiers dans le cadre de procédures pénales internationales54. Cette commission demeure aujourd’hui une initiative non institutionnelle et ne peut être accueillie au sein de l’OEA, comme c’est le cas d’une initiative similaire sur le Venezuela, puisque Cuba n’a pas réintégré l’organisation. Quoi qu’il en soit, elle est soutenue par son secrétaire général Luis Almagro55.
32Enfin, dans la même logique que ce qu’on a pu observer en ex-RDA ou en République tchèque, il existe un objectif politique à ces initiatives. Il s’agit d’envisager une « décommunisation » à Cuba. En cas de transition à la démocratie, la base de données construite par les organisations de la diaspora cubaine pourra servir d’arme dans la compétition électorale. Comme le souligne Françoise Meyer dans le cas tchèque, ce type de base de données crée une ère du « soupçon », qui devient « l’arme privilégiée dans la compétition sociale et politique » post-communiste56.
33Ce travail engagé depuis les États-Unis et l’Amérique latine peut s’avérer d’autant plus efficace que la plupart des Cubains connaissent peu ou mal le travail de l’opposition et de la diaspora en matière de droits humains. Ils sont donc incapables de se protéger face aux tactiques de documentation mises en place depuis la Floride, contrairement aux dirigeants. Ceux-ci disposent d’un immense avantage par rapport aux cadres communistes de l’ancien bloc de l’Est : ils savent, d’une part, que le socialisme peut s’effondrer et ils ont eu le temps, d’autre part, d’analyser les stratégies d’évasion ou de reconversion des anciennes élites européennes et soviétiques. Les asymétries sont donc multiples dans l’anticipation de la transition politique et de son éventuelle judiciarisation. Tout d’abord, la diaspora cubano-américaine en Floride dispose des ressources matérielles et relationnelles, mais aussi légales nécessaires pour se constituer en force de proposition en cas de situation d’effondrement du régime socialiste. Face à leur action, les agents de l’État cubain ne pourront disposer que de faibles ressources, notamment parce que ce dernier ne reconnaît pas les Cours internationales de droits humains, ce qui le prive de la possibilité de contre-attaquer pour demander l’instruction de dossiers sur les actes de sabotage et de terrorisme perpétrés ou soutenus par des agents américains sur le territoire cubain57. Enfin, il existe des asymétries entre les hauts dirigeants cubains, qui disposent de ressources et de savoirs sur les transitions centre-européennes, et les cadres intermédiaires et inférieurs de la répression qui ne disposent ni des mêmes ressources ni des mêmes protections.
Conclusion
34Le cas cubain est distinct des autres cas abordés dans cet ouvrage puisqu’il n’y a pas eu de transition politique et qu’il n’y a donc pas de processus de justice transitionnelle en cours. L’analyser en regard des autres met en valeur les spécificités de ce processus. Il existe à Cuba comme dans la diaspora une lutte anticipée pour la mémoire de la période politique révolutionnaire ainsi qu’un travail de documentation des violations des droits humains explicitement pensé comme une façon d’anticiper les enjeux judiciaires d’un futur changement de régime. Ces luttes sont cependant asymétriques. S’il existe un travail de construction de la mémoire historique de la révolution des deux côtés du détroit de Floride, seule la diaspora cubaine anticipe publiquement la transition politique, ce qui lui permet de se constituer en faiseuse d’agenda (agenda setter) en amont d’une éventuelle transition. Or, les dispositifs mis en place dans ce travail d’anticipation mettent moins l’accent sur la réparation et la réconciliation que sur la justice pénale, notamment avec la création d’une base de données des victimes ou celle d’une commission internationale d’enquête sur les crimes contre l’humanité. Contrairement à ce qu’on observe souvent dans les processus de justice transitionnelle, la dimension symbolique et réparatrice du processus est ici écartée au profit d’une demande de droit. Quoi qu’il en soit, on ne peut que conclure sur l’indétermination du processus actuel d’anticipation de la transition politique cubaine, tant les débats restent clivés en Floride et éloignés des préoccupations des Cubains de l’île, et tant l’État cubain demeure une boîte noire pour les chercheurs étrangers.
Notes de bas de page
1 R. Rojas, La maquina del olvido. Mito, historia y poder en Cuba, Mexico, Prisa ediciones, 2011.
2 La Critical oral history américaine constitue une exception. Elle a permis de réunir de 1987 à 1992 des acteurs politiques centraux des relations cubano-américaines de la période 1959-1963 (dont Arthur Schlesinger jr, ancien conseiller de John F. Kennedy, et Fidel Castro) autour de la discussion de documents déclassifiés et de mieux comprendre l’échec de l’invasion de la baie des Cochons en avril 1961, ainsi que la résolution de la crise des missiles en octobre 1962.
3 J. Verdès-Leroux, La Lune et le caudillo, Paris, Gallimard, 1989 ; I. de la Nuez, Fantasia roja, Barcelone, Debate, 2006.
4 À partir des années 1980 la composition sociale des migrants s’est transformée : il s’agit désormais avant tout de migrants économiques qui cherchent à rejoindre les États-Unis. Face à l’afflux de migrants cubains depuis la fin des années 2000, l’une des dernières mesures de Barack Obama, avant de quitter la présidence des États-Unis en décembre 2017, a été d’abolir la politique migratoire appelée « wet foot, dry foot » (pieds secs, pieds mouillés). Elle permettait aux Cubains qui réussissaient à entrer aux États-Unis, que ce soit légalement ou illégalement (contrairement à ceux interceptés sur des bateaux ou des îlets dans le détroit de Floride, renvoyés à Cuba) d’obtenir rapidement le statut de résident après un an et un jour dans le pays. Désormais, comme tous les demandeurs d’asile, les Cubains se retrouvent en centre de rétention pendant l’examen de leur demande et, quand celle-ci est rejetée, ils sont de plus en plus nombreux à être déportés à Cuba.
5 Cette communauté est caractérisée par sa capacité à produire l’ensemble des biens et services nécessaires à son fonctionnement, notamment ses propres médias, influents non seulement en Floride mais aussi dans le reste des États-Unis où les élites cubano-américaines disposent d’un ancrage politique fort : contrôle de la mairie de Miami, parlementaires cubano-américains, deux candidats cubano-américains à la présidentielle de 2016 (Marco Rubio et Ted Cruz). Ils disposent aussi d’une influence majeure sur la politique étrangère des États-Unis envers Cuba. Voir A. Portes & R. Bach, Latin Journey: Cuban and Mexican Immigrants in the United States, Berkeley (Calif.), University of California Press, 1985 ; G. Soruco, Cubans and the Mass Media in South Florida, Gainesville (Flo.), University Press of Florida, 1996.
6 N. Guilhot, The Democracy Makers. Human Rights and International Order, New York (N.Y.), Columbia University Press, 2005.
7 W. Leo Grande & P. Kornbluh, Back Channel to Cuba, Chapel Hill (N.C.), University of North Carolina Press, 2014.
8 Jorge Dominguez, professeur de science politique à Harvard et spécialiste de la révolution cubaine, estime dans le premier numéro de la revue Of Human Rights que, en ce qui concerne le nombre de prisonniers rapporté à la population ainsi que la durée des peines effectuées, Cuba est le pire régime socialiste du bloc soviétique, à peine devancé par l’Albanie.
9 Ces informations sont tirées du dépouillement d’archives effectué dans le fonds « Human Rights » de la Cuban Heritage Collection de l’université de Miami pendant le mois de janvier 2016.
10 L’entreprise brésilienne Odebrecht a investi massivement à Cuba, avec le soutien du gouvernement brésilien à travers la Banque nationale de développement économique et social (BNDES), notamment pour développer Mariel, plus grand port en eaux profondes des Caraïbes, et pour agrandir l’aéroport de La Havane. Voir le rapport fait par Jorge Hernandez Fonseca pour l’Asce (Association for the Study of the Cuban Economy), « Cuba, Brasil y el puerto de Mariel », 30 novembre 2016, http://www.ascecuba.org/asce_proceedings/cuba-brasil-y-el-puerto-de-mariel
11 Regarder par exemple le discours très applaudi du président Mujica lors du soixantième anniversaire de la première tentative de révolution à Cuba, le 26 juillet 2013. Il y salue la lutte du peuple cubain pour sa « dignité », pour la justice sociale et pour son « droit à l’auto-détermination » : https://www.youtube.com/watch?v=gTw622fAN94
12 Le discours complet en espagnol est disponible en ligne : http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1979/esp/f121079e.html (traduction de l’auteur).
13 J. Kirk & M. Erisman, Cuban Medical Internationalism. Origins, evolution and goals, New York (N.Y.), Palgrave Macmillan, 2009.
14 Il existe de nombreuses associations de soutien à la révolution cubaine en Europe comme Cuba si en France et en Suisse, ainsi que des partis comme Die Linke en Allemagne et la France Insoumise en France qui refusent de condamner les violations des droits civils et politiques commises à Cuba et préfèrent souligner la lutte pour la souveraineté du pays et l’œuvre socialiste en faveur de la justice sociale.
15 A. Montoya, « Plainte devant la Cour pénale internationale pour “esclavagisme” contre Cuba », Le Monde, 14 mai 2019, https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/14/plainte-devant-la-cour-penale-internationale-pour-esclavagisme-contre-cuba_5461997_3210.html
16 Voir le texte du Statut de Rome : https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-internationaux/onu traites/autres/cpi/
17 M.-C. Lavabre, Le Fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses de la FNSP, 1994 et M.-C. Lavabre, A. Mares & F. Mayer, dossier « Mémoires du communisme en Europe Centrale », Cahiers du Cefres, no 26, 2001.
18 M.-C. Lavabre, Le Fil rouge…, op. cit., p. 11.
19 R. Rojas, Tumbas sin sosiego, Madrid, Anagrama, 2006. C’est ce qu’indique aussi la liste des lauréats du prix national d’histoire décerné chaque année par le Syndicat national des historiens qui affiche une préférence nette pour l’histoire des périodes qui précèdent 1959 (et dans laquelle figure Fidel Castro) : https://www.ecured.cu/Premio_Nacional_de_Historia#Intelectuales_distinguidos_con_el_Premio_Nacional_de_Historia.
20 Voir F. Lopez Segrera, Raíces históricas de la revolución cubana (1868-1959), La Havane, Union, 1980 ; J. Arboleya, La revolución del otro mundo. Un análisis histórico de la revolución cubana, La Havane, Editorial de ciencias sociales, 2007 ; J. C. Cantón Navarro, Historia de Cuba 1959-1999, La Havane, Pueblo y Educación, 2011. Pour une vision critique, voir R. Sánchez, « Lectures et relectures de la non indépendance cubaine. L’île révolutionnaire et son passé de Très Fidèle (1790-1830) », Nuevo Mundo Nuevos Mundos, no 8, 2008.
21 J. M. Arrugaeta, postface à l’ouvrage de S. Guerra et A. Maldonado Gallardo, História de la revolución cubana, Taffala, Txalaparta, 2009, p. 287.
22 Éléments inclus dans l’ouvrage de S. Guerra et A. Maldonado Gallardo (ibid.) qui n’a pas été publié à Cuba mais en Espagne.
23 Ce chapitre ne s’appuie pas ici sur une analyse des manuels scolaires d’histoire à Cuba, ce matériau étant inaccessible à l’auteure.
24 L. Karnooh, « Cuba : la pédagogie des héros », Outre-Terre, vol. 3, no 12, 2005, p. 301-311.
25 M.F. Puebla & J.R. García Perdigán, « El pasado glorioso en los museos de La Habana. Propuesta metodológica para su análisis », Antropología experimental, no 17, 2017, p. 39-59.
26 L.A. Pérez jr, Essays on Cuba History: historiography and research, Gainesville (Flo.), University of Florida Press, 1995 ; N. Miller, « The absolution of history: uses of the Past in Castro’s Cuba », Journal of Contemporary History, vol. 38, no 1, 2003, p. 147-162 ; A. Kapcia, Cuba: Island of Dreams, New York, Berg Publishers, 2000.
27 Voir la page d’Ecured, encyclopédie officielle en ligne, consacrée aux actes terroristes commis contre Cuba : https://www.ecured.cu/Terrorismo_contra_Cuba.
28 M. Rosendhal, Inside the Revolution, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1997.
29 R. Rojas, La maquina del olvido…, op. cit.
30 K. Quinn, « Cuban historiography in the 1960s. Revisionists, Revolutionaries and the National Past », Bulletin of Latin American Research, vol. 26, no 3, p. 378-398.
31 A.J. Ponte, Villa Marista en plata, Artes, política y nueva tecnologías, Madrid, Ediciones Colibri, 2010.
32 C’est le cas de romans et de nouvelles (L. Padura, Electre à La Havane, Paris, Métaillié, 1997 ; Aquello estaba deseando ocurrir, Barcelone, Tusquets, 2015), d’essais (G. Pogolotti, Las polémicas culturales de los sesenta, La Havane, Letras Cubanas, 2006 ; D. Navarro, La causa de las cosas, La Havane, Centro Criterios, 2007), de mémoires (L. Otero, Llover sobre mojado. Memorias de un intelectual cubano 1957-1997, La Havane, Letras Cubanas, 1997 ; R. Suarez, Cuando pasares por las aguas, Editorial Caminos, 2007 ; A. Fornet, A título personal. Entrevistas, La Havane, Letras Cubanas, 2011) et surtout de films (T. Gutiérrez Alea & J.-C. Tabio, Fresa y Chocolate, 1993 ; Zayas & Seres extravagantes, 2004 ; L. Cantet (en collaboration avec L. Padura), Regreso a Ítaca, 2014 ; C. Lechuga, Santa y Andrés, 2016).
33 L’Institut pour la mémoire historique cubaine et contre le totalitarisme propose une présentation du calendrier, ici : https://www.youtube.com/watch?v=HriPpMfJd-E
34 « Museo de la diaspora alberga la historia, la cultura y el dolor del exilio », EFE, 17 novembre 2016, https://www.efe.com/efe/usa/cultura/museo-de-la-diaspora-cubana-alberga-historia-cultura-y-dolor-del-exilio/50000109-3100079.
35 A. Grynberg, « Du mémorial au musée. Comment tenter de représenter la Shoah », Les Cahiers de la Shoah, vol. 1, no 7, 2003, p. 111-167.
36 S. Lefranc, « Le mouvement pour la justice restauratrice. An idea whose time has come », Droit et Société, vol. 2, no 63-64), 2006, p. 393-409.
37 F. Mayer, Les Tchèques et leur communisme, Paris, Éditions de l’EHESS, 2004, p. 9.
38 Cette situation a amené le gouvernement cubain à déposer plainte contre le gouvernement américain dans des cours de justice cubaines locales. Voir par exemple cette plainte déposée en 1999 : « The people of Cuba vs. The government of the United States of America for human damages », http://cuba.cu/gobierno/documentos/1999/ing/d310599i
39 Voir le jugement rendu par la Cour pénale internationale qui condamne les États-Unis pour leurs activités militaires et paramilitaires contre le gouvernement du Nicaragua le 26 novembre 1984 : http://www.icj-cij.org/en/case/70/judgments. Pour une évaluation des conséquences de ce jugement, voir P. S. Reicher & D. Wippman, « United States armed intervention in Nicaragua: a rejoinder », Yale Journal of International Law, vol. 11, no 2, 1986, p. 462-473.
40 M. Pérez-Stable (dir.), Mémoire, Vérité, Justice, Coral Gables, université internationale de Floride, 2003, http://memoria.fiu.edu/memoria/whymtj_es.htm
41 Sur Cuba transition project voir : https://rmportal.net/projects/content/cuba-transition-project. Le site d’Iccas n’est plus en ligne. Il abritait de nombreux documents de travail sur de possibles réformes sectorielles à Cuba après une transition à la démocratie (constitution, parti et élections, éducation, santé, corruption, justice, médias, etc.).
42 M. Werlau, « Dealing with the past. Truth and Justice Commissions », Conférence donnée à St Thomas University, Miami, 11-12 mai 2001. Dans ce texte, l’auteure évoque le nombre de 100 000 victimes possibles.
43 Broadcasting Board of Governors, « Financial year 2018 : Congressional budget justification », disponible sur leur site : https://bbg.gov/wp-content/media/2017/05/FY2018Budget_CBJ_05-23-17.pdf
44 L. M. Garcia Mendez, entretien avec A. Romay, « Precaverse del olvido », Belascoain y Neptuno, 14 novembre 2011, https://belascoainyneptuno.com/2011/11/14/precaverse-del-olvido/
45 S. Courtois, N. Werth, J.-L. Panné, A. Paczowski, K. Bartosek & J.-L. Margolin, Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, Robert Laffont, 1997.
46 M. Delano, « Chile reconoce a mas de 40 000 victimas de la dictadura de Pinochet », El País, 20 août 2011, https://elpais.com/diario/2011/08/20/internacional/1313791208_850215.html
47 M. Werlau, op. cit.
48 E. Flor, « Policia investiga acto de vandalismo en Memorial cubano », El Nuevo Herald, 31 mars 2015 ; http://www.elnuevoherald.com/noticias/sur-de-la-florida/article17046713.html
49 Wilfredo Allen, avocat à Miami, spécialisé en droit de l’immigration et droits humains ; Luis Fernández Arena, fils d’un avocat célèbre pour son combat anti-castriste, directeur depuis 1997 du cabinet d’avocats fondé par son père à Miami ; Santiago Alpízar, émigré à Miami en 2004 après dix-neuf ans d’expérience professionnelle en tant qu’avocat à Cuba et spécialiste du droit de l’immigration ; Ricardo Martínez-Cid, né en 1976, diplômé de l’école de droit de Yale, spécialisé en droit commercial et ex-président de l’association des avocats cubano-américains.
50 Par exemple sur le blog de Maury Emilio Dupuy Arredondo, www.cubarepresorid.com
51 N. Games Torres, « Crean sitio digital para identificar a represores en Cuba », El Nuevo Herald, 14 juillet 2016, https://www.elnuevoherald.com/noticias/mundo/america-latina/cuba-es/article89632742.html
52 I. Lavastida & J. Hernández, « Abogados de Miami se unen para dar respaldo legal a denuncias contra represores cubanos », Diario de las Américas, 11 juin 2017, http://www.diariolasamericas.com/florida/abogados-miami-se-unen-dar-respaldo-legal-denuncias-contra-represores-cubanos-n4124126 ; https://cubadata.blogspot.fr/2010/04/el-proyecto-cuba-represion-id-busca.html
53 « Identificaran a represores y juristas que sancionen a opositores cubanos », Martí Noticias, 14 juillet 2016, https://www.martinoticias.com/a/cuba-fundacion-derechos-humanos-proyecto-recrudecimiento-represion/125984.html
54 « Prohibido olvidar: consigna de primera audiencia sobre delitos del castrismo », EFE, 15 juillet 2017, https://www.efe.com/efe/america/ame-hispanos/prohibido-olvidar-consigna-de-primera-audiencia -sobre-delitos-del-castrismo/20000034-3327025
55 C. García Casado, « Comisión intenta crear tribunal especial para crímenes del Castrismo », EFE, 17 novembre 2017.
56 F. Meyer, op. cit., p. 43-73.
57 Cependant, dans le rapport Mémoire, Vérité, Justice publié par M. Pérez-Stable en 2003, op. cit., les crimes commis par l’opposition armée cubaine et par les États-Unis contre le gouvernement cubain sont dûment mentionnés et présentés comme des éléments essentiels à discuter si une commission de vérité venait à être un jour mise en place à Cuba.
Auteur
Marie Laure Geoffray est maîtresse de conférence en science politique à l’IHEAL-Sorbonne nouvelle et chercheure au Centre de recherche et de documentation sur les Amériques (Creda, CNRS - UMR 7227), et a travaillé sur la contestation en contexte autoritaire. Elle s’intéresse actuellement à la gestion des passés autoritaires et aux circulations est-ouest en matière de mémorialisation et de criminalisation du communisme, entre l’Europe centrale et l’Amérique latine. Elle a notamment publié Contester à Cuba (Paris, Dalloz, 2012).
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