Chapitre v – Les archives des droits humains. Documenter la répression et la résistance au Chili et en Argentine
p. 131-149
Texte intégral
1Dans les années 1960 et 1970, des dictatures civilo-militaires prirent le pouvoir, avec l’appui des États-Unis, dans de nombreux pays d’Amérique latine et déclenchèrent, au nom de la lutte contre le communisme, une répression extrêmement violente contre toute forme d’opposition politique ou sociale. La dictature d’Augusto Pinochet au Chili, instaurée par le coup d’État du 11 septembre 1973, et la dernière dictature militaire argentine (1976-1983)1 se distinguèrent particulièrement par des niveaux de violence inédits et des violations systématiques des droits humains. Le cycle des dictatures militaires prit fin, pour l’essentiel, au cours des années 1980, avec la restitution du pouvoir à des gouvernements civils démocratiquement élus. Le présent chapitre analyse la situation des archives relatives à la répression étatique et aux formes de résistance de la société civile au Chili et en Argentine pendant les régimes militaires. Il s’intéresse en particulier à un type d’archives spécifique à l’Amérique latine : celles qui ont été constituées pendant les dictatures par les associations de victimes et par différentes organisations de défense des droits humains2. Ces archives ont joué un rôle important aussi bien à l’époque des dictatures que dans les processus de transition à la démocratie.
Archives et dictatures
2Parmi les documents concernant la répression et les violations des droits humains perpétrées par les deux dictatures, on peut distinguer tout d’abord ceux produits dans le cadre de leur activité par les organismes chargés de la répression tels que l’armée, les différents corps de police et les services de renseignement. Ils constituent les archives de la répression proprement dites. En tant que documents administratifs qui témoignent de l’action de l’État, ils auraient dû figurer dans les archives d’État à la fin des régimes dictatoriaux et pouvoir être consultés, mais c’est rarement le cas. À l’approche de leur fin, les dictatures se sont souvent empressées de faire disparaître les preuves de leurs agissements illégaux et criminels afin d’assurer l’impunité des responsables. La destruction d’archives compromettantes a rencontré une ampleur variable, en large mesure en fonction des modalités de chute des régimes. Les responsables des régimes militaires argentin et chilien ont ainsi procédé à la destruction de documents avant de restituer le pouvoir aux civils3. Les archives représentent donc un enjeu politique important et ont souvent été, à ce titre, au centre de luttes acharnées dans les transitions à la démocratie. Ces luttes expriment un rapport de force entre les secteurs qui veulent interdire l’accès aux archives de la répression (lorsqu’elles n’ont pas été détruites préalablement) et ceux qui, au contraire, en réclament l’ouverture. Le fait que les archives militaires en Argentine et au Chili soient restées inaccessibles même après le retour à la démocratie témoigne de l’influence considérable que les forces armées, principales responsables des crimes de ces dictatures, ont réussi à maintenir. Les victimes de ces régimes demandent l’accès aux archives afin d’apporter la preuve des persécutions et des torts qu’elles ont subis, ce qui rend possibles des mesures de réparation qui les rétablissent dans leurs droits. D’un point de vue plus général, ces documents permettent d’établir la responsabilité de l’État et de ses agents dans les crimes de la dictature, et donc de faire reconnaître l’obligation morale et politique de les réparer. Étant donné la destruction délibérée de documents et de preuves par les dictatures militaires, et l’impossibilité d’accéder aux archives des forces armées, un autre type d’archives s’est avéré indispensable : les fonds constitués pendant les dictatures par les associations de victimes et par les organisations de défense des droits humains qui se sont chargées de leur venir en aide en accumulant des preuves et en dénonçant devant l’opinion publique internationale les crimes et les mensonges des régimes militaires. Ces archives témoignent de la résistance d’une partie de la société à la dictature et représentent une source indispensable pour reconstruire la vérité historique sur les violences de cette période4.
3Le type de répression mise en œuvre par une dictature a des conséquences en matière d’archives. Au Chili et en Argentine, les dictatures ont eu recours, dans des proportions variables, à deux types de répression : d’un côté, une répression officielle dont les principales manifestations ont été l’emprisonnement des opposants, les condamnations par des tribunaux spéciaux, l’exil, la privation de travail et d’autres mesures discriminatoires ; de l’autre, une répression clandestine, non reconnue officiellement, qui prenait la forme d’enlèvements, d’assassinats, d’exécutions sommaires et surtout de disparitions forcées5. La répression officielle a laissé des traces importantes dans les archives d’État, contrairement aux pratiques clandestines conçues précisément pour ne pas en laisser. Les deux dictatures argentine et chilienne se sont toujours efforcées d’occulter la partie clandestine de la répression et d’en nier même l’existence. Un mur de silence et de mensonges entourait ces pratiques illégales, en particulier les disparitions forcées. L’État devenu terroriste, qui organisait la répression en dehors de toute légalité, niait en même temps en être responsable et déclarait ne posséder aucune information sur les disparus. Face aux dénégations officielles, les familles et les proches des détenus-disparus se sont mobilisés pour essayer de savoir où se trouvaient les personnes séquestrées et ce qu’elles étaient devenues. Surgirent ainsi, sur la base de liens de parenté ou d’amitié avec les victimes, plusieurs groupements et associations, comme les Mères et les Grands-Mères de la place de Mai en Argentine, ou le Rassemblement des familles de détenus-disparus (AFDD-Agrupación de Familiares de Detenidos Desaparecidos) au Chili. Pour venir en aide aux victimes de la répression, des organisations de défense des droits humains se sont formées dans les deux pays, comme le Comité de coopération pour la paix, ou Comité Pro Paz (Copachi-Comité de Cooperación para la Paz en Chile) et le Vicariat de la solidarité, au Chili, ou le Centre d’études légales et sociales (Cels-Centro de Estudios Legales y Sociales), en Argentine. L’Assemblée permanente des droits humains (APDH-Asamblea Permanente de Derechos Humanos), également très active, y a été créée juste avant la dictature, en 1975. Malgré les persécutions dont ils ont fait l’objet de la part des régimes militaires, ces organismes ont déployé une intense activité en faveur des victimes, en particulier en réunissant systématiquement toutes les informations disponibles sur les disparitions forcées et en les faisant connaître à l’opinion publique internationale. En coopération avec les familles des victimes et leurs associations, les organisations de défense des droits humains ont livré une importante bataille pour la vérité qui s’est déroulée essentiellement sur le terrain de l’information et de la communication. Cette bataille a eu des répercussions considérables au niveau international, grâce aux contacts établis avec différents réseaux transnationaux de défense des droits humains.
4Toutes ces activités ont abouti à l’accumulation d’une abondante documentation et à la formation d’archives, qui sont devenues la principale source d’information sur les violations des droits humains perpétrées par les dictatures et qui, à ce titre, ont joué un rôle clé dans les processus de justice transitionnelle après le retour à la démocratie. La répression clandestine et la politique du silence des dictatures ont donc contribué à la formation de ce type particulier d’archives, appelées généralement archives des droits humains. Elles existent en Argentine et au Chili, mais également dans d’autres pays d’Amérique latine qui ont vécu des dictatures militaires. Un recensement de ces archives a été élaboré à Montevideo sous les auspices du bureau régional de l’Unesco pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Il répertorie les archives disponibles dans cette région concernant les violations des droits humains pendant les dictatures militaires6. À la différence des archives de la répression proprement dites, qui émanent de l’État et sont donc des archives publiques, celles qui ont été constituées par des associations de victimes et par les organisations de défense des droits humains sont des archives privées. Ces associations et organismes ont continué leur travail de documentation même après la fin des dictatures. En effet, de nombreux problèmes laissés en héritage par ces dernières sont restés ouverts, à commencer par celui des disparus, dont on ignore toujours les circonstances de la mort et l’éventuel lieu de sépulture.
5Un autre ensemble documentaire important sur les violations des droits humains par les dictatures est constitué par les archives des commissions de la vérité qui ont été créées dans les deux pays – d’abord en Argentine et plus tard au Chili – immédiatement après la fin des dictatures par les nouveaux gouvernements démocratiques. Il s’agit de la Commission nationale sur la disparition de personnes (Conadep) en Argentine et de la Commission nationale chilienne pour la vérité et la réconciliation, appelée aussi Commission Rettig. Ces deux commissions ont été chargées d’enquêter respectivement sur les disparitions forcées et sur les morts imputables aux régimes militaires7. La plupart des associations de victimes et des organisations de défense des droits humains mirent alors à la disposition de ces commissions leur propre documentation. Ainsi, une grande partie du contenu de ces archives privées a fini par être intégrée dans les archives publiques par le biais des commissions de la vérité. Les archives de ces dernières sont donc à la fois des archives publiques, comme les archives de la répression proprement dites et des archives des droits humains. Ces différents types d’archives se complètent puisqu’elles reflètent, pour les unes le point de vue de l’État terroriste, pour les autres celui des victimes.
6D’autres sources documentaires sur la répression au Chili et en Argentine se trouvent à l’extérieur de ces pays, dans les archives d’organisations transnationales de défense des droits humains qui se sont occupées des victimes des dictatures chilienne et argentine, telles que Amnesty International, Human Rights Watch, la Commission interaméricaine de droits humains (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA), la Commission des droits humains des Nations unies, le Conseil mondial des églises, organisation interconfessionnelle basée à Genève. S’y ajoutent les nombreux documents déclassifiés des Archives nationales des États-Unis sur les deux dictatures8, et ceux des « Archives de la terreur », c’est-à-dire les archives de la police paraguayenne découvertes en 1992 à Asunción, qui éclairent la coordination répressive entre différentes polices politiques latino-américaines dans le cadre de l’Opération Condor9. Dans ce chapitre, toutefois, nous ne traiterons que des archives situées au Chili et en Argentine.
Les archives militaires et de police
7Les procès qui ont eu lieu en Argentine et au Chili contre des militaires accusés d’agissements criminels pendant la dictature ont également apporté des sources documentaires nouvelles sur la répression, comme le détaille Sophie Daviaud dans son chapitre consacré aux cas de l’Argentine et de la Colombie dans cet ouvrage (chapitre III). Dans certains cas, les juges ont même réussi à contourner l’obstacle représenté par la fermeture des archives militaires en obtenant des autorités militaires la transmission de documents non directement liés à la répression, mais qui pouvaient prouver indirectement la responsabilité des accusés10.
8En Argentine, des avancées importantes ont été réalisées dans le domaine des archives de police. Le cas le plus significatif est celui des archives de la police politique de la province de Buenos Aires, la Direction du renseignement de la police de la province de Buenos Aires (Dipba), découvertes en 1998 lors de la dissolution de cet organisme. Elles ont été confiées à une institution publique créée par une loi de la province de Buenos Aires, la Commission provinciale pour la mémoire11, qui a son siège à La Plata, capitale de la province. Une partie des documents de la Dipba est temporairement à la disposition de la justice dans le cadre de différents procès pour violations des droits humains en cours devant les tribunaux et par conséquent n’est pas accessible à la consultation. Des documents des polices politiques d’autres provinces – Santiago del Estero, Santa Fe, Córdoba, Mendoza12 – ont également été découverts au cours des dernières décennies, mais ceux de la Dipba constituent à ce jour le seul ensemble d’une institution policière intégralement conservé.
Associations et organisations de défense des droits humains
9À l’origine de la constitution des archives des droits humains au Chili et en Argentine se trouvent de nombreuses associations et organisations qui se sont formées pendant les dictatures pour venir en aide aux victimes et qui ont développé un travail incessant de recherche d’information et de documentation, à partir duquel étaient présentées les dénonciations publiques, les demandes d’habeas corpus et autres initiatives humanitaires. Dans le cas du Chili, les fonds les plus importants ont été réunis par le Vicariat de la solidarité créé en 1976 à l’initiative du cardinal Raul Silva Enriquez, archevêque de Santiago, par la Fondation pour l’aide sociale des Églises chrétiennes (Fasic-Fundación de Ayuda Social de las Iglesias Cristianas), organisation interconfessionnelle créée en avril 197513, par le Rassemblement des familles de détenus-disparus (AFDD-Agrupación de Familiares de Detenidos Desaparecidos) créé en 1975, par la Corporation de promotion et de défense des droits du peuple (Copedu-Corporación de Promoción y Defensa de los Derechos del Pueblo)14 créée en 1980 et, enfin, par la Commission chilienne des droits humains15, créée en 197816. En Argentine, ce travail a surtout été mené par l’Association des Mères de la place de Mai, créée en 1977, par celle des Grands-Mères de la place de Mai, née elle aussi en 1977, par le Centre d’études légales et sociales (Cels-Centro de Estudios Legales y Sociales) créé en 1979, et par l’association des Familles de disparus et détenus pour motifs politiques, formée en 1977. Certaines associations, également actives dans la défense des droits humains, existaient déjà avant l’instauration des dictatures, comme le Service paix et justice (Serpaj-Servicio Paz y Justicia), organisation sociale d’inspiration chrétienne œcuménique créée en 1974 à Medellin en Colombie et présente dans plusieurs pays d’Amérique latine ; l’Assemblée permanente pour les droits humains (APDH-Asamblea Permanente de Derechos Humanos), créée en décembre 1975 ; la Ligue argentine des droits humains, la plus ancienne de ces organisations humanitaires, puisque sa création date de 1937.
10Par-delà leurs différences, ces associations poursuivaient un même objectif : défendre les droits humains violés par les dictatures et venir en aide aux victimes. Certaines étaient l’expression de catégories particulières directement touchées par la répression, comme les familles de disparus et de détenus pour des raisons politiques, les ex-détenus politiques, les mères de disparus et les grands-mères d’enfants volés par les militaires. D’autres, par contre, avaient une base et des objectifs plus larges et réunissaient des personnes d’orientations politiques ou religieuses différentes dont le dénominateur commun était la volonté de lutter de manière non violente et par des moyens légaux pour défendre les victimes des dictatures. Au cours de la période des dictatures, la problématique des droits humains a pris une importance sans cesse croissante en Amérique latine et ailleurs, d’où l’attention accrue à la question des victimes17. La documentation rassemblée dans les archives des droits humains était destinée à venir en aide aux victimes. Elle répondait donc à des nécessités pratiques immédiates et n’était pas, en règle générale, organisée par des archivistes professionnels. Sa spécificité consiste précisément dans le fait qu’elle éclaire les périodes dictatoriales depuis la perspective des victimes, alors que les archives d’État nous informent surtout sur la vision et les objectifs des acteurs de la répression.
Les archives des droits humains au Chili
11Au Chili, les archives du Vicariat de la solidarité18, à Santiago, représentent le principal ensemble documentaire sur les violations des droits humains et le sort des victimes pendant la dictature de Pinochet19. À l’origine du Vicariat se trouve une forte personnalité de l’Église catholique, le cardinal archevêque de Santiago, Raul Silva Henriquez. L’attitude de l’Église chilienne face à la dictature de Pinochet a été très différente de celle de l’Église argentine durant le « Proceso ». En Argentine, la hiérarchie catholique a appuyé jusqu’au bout la dictature militaire et ne s’est pas mobilisée, sauf cas exceptionnels, pour défendre les victimes, même si parmi elles figuraient aussi des curés, des moines et des religieuses. Au Chili en revanche, sous l’impulsion de Silva Henriquez, l’Église s’est engagée fortement en faveur des persécutés. La constitution des archives du Vicariat avait été précédée par une autre initiative humanitaire, celle du Comité de coopération pour la paix au Chili (Copachi-Comité de Cooperación para la Paz en Chile), créé le 6 octobre 1973, soit quelques semaines à peine après le coup d’État, par Silva Henriquez et des représentants d’autres Églises chrétiennes ainsi que de la communauté juive. L’objectif était d’offrir une assistance juridique aux prisonniers politiques et aux travailleurs licenciés pour raisons politiques, et d’aider des personnes recherchées par les autorités militaires à sortir clandestinement du pays20. Dans le cadre de son action, qui incluait aussi des programmes d’aide sociale, le Copachi commença à recueillir systématiquement toutes les informations disponibles sur les cas de répression politique dont il prenait connaissance. Soumis à une pression croissante de la part des autorités militaires décidées à mettre fin à cette initiative, il dut se dissoudre en décembre 1975. Silva Enriquez le remplaça alors par une nouvelle structure, le Vicariat de la solidarité, qui continua et élargit les activités du comité dissous, mais cette fois-ci dans le cadre de l’Église catholique. Les archives du Vicariat, qui prirent rapidement des dimensions considérables, étaient hébergées à Santiago dans les locaux de l’archevêché, ce qui leur assurait une certaine protection face à la police de Pinochet. Après avoir fonctionné pendant toute la durée de la dictature, le Vicariat a été dissous en 1992, une fois entamée la transition démocratique21. Ses activités ont été transférées à d’autres institutions, notamment à deux nouveaux organismes créés par l’Église : la Pastorale sociale et la Fondation documentation et archives du Vicariat de la solidarité, désormais responsable des archives.
12La documentation réunie par le Vicariat concerne les cas d’environ 45 000 personnes prises en charge par cet organisme qui, conformément à un accord passé avec les partis de gauche, défendait les persécutés de la dictature sans faire de distinction politique, à la seule condition qu’ils ne fussent pas impliqués dans des crimes de sang. Cette documentation joua un rôle important à plusieurs titres. Pendant la dictature, elle permit souvent de démasquer, grâce à des preuves irréfutables, les mensonges du gouvernement à propos de la répression et de dénoncer, documents à l’appui, de très nombreux cas de disparitions forcées et d’assassinats22. Après le retour à la démocratie, elle permit de faire reconnaître les droits des victimes de la dictature, dans le cadre de la politique de réparation mise en œuvre par le président de la République Patricio Aylwin. Cette documentation servit de base pour le travail de la Commission nationale vérité et réconciliation, dite Commission Rettig, du nom de son président23, créée en avril 1990 par Aylwin pour enquêter sur le sort des personnes assassinées ou disparues pendant la dictature. Le rapport final24 de la Commission s’appuie largement sur la documentation du Vicariat, mais apporte aussi de nombreux éléments nouveaux même si les forces armées ont refusé catégoriquement de collaborer avec la Commission et d’ouvrir leurs archives. L’armée de terre se limita à transmettre à la Commission un volumineux rapport sur la situation du pays au moment du coup d’État et sur les attentats subis par les militaires ; les Carabiniers, qui font partie des forces armées, envoyèrent eux aussi un rapport de ce type25. Malgré des demandes officielles réitérées, la Commission ne parvint pas à récupérer les archives du Centre national d’informations (CNI), organisme qui avait succédé en 1977 à la tristement célèbre Direction du renseignement national (Dina), la police politique de Pinochet. Il fut également impossible de savoir si ces archives étaient toujours détenues par le service de renseignement militaire qui avait succédé à la CNI26. Une copie numérisée des archives de la Commission Rettig fut déposée en juin 2003 par le président Aylwin aux Archives nationales chiliennes, tandis que les documents originaux sont conservés au ministère de l’Intérieur. En vertu de la loi sur la protection des données, l’accès aux archives de la Commission est soumis à d’importantes restrictions. Une autre copie numérisée est conservée par la Corporation justice et démocratie, organisation privée liée à la Démocratie chrétienne : elle peut y être consultée, mais également avec de sévères restrictions27.
13Deux autres rapports officiels concernant la répression pendant la dictature ont donné lieu à la formation de nouveaux fonds documentaires sur la répression. Le premier est issu de la Table de dialogue (Mesa de Dialogo) sur les droits humains, qui a réuni entre 1999 et 2000, à l’initiative du gouvernement, des avocats, des représentants d’associations de défense des droits humains, des ecclésiastiques et des militaires28. On y trouve des informations relatives à de nombreux cas de disparition et surtout la reconnaissance officielle, par les autorités militaires, de crimes commis pendant la dictature. En janvier 2001, en effet, les forces armées et la police publièrent une liste de deux cents disparus, dont cent quatre-vingts identifiés et vingt non identifiés, avec des informations sur leur sort final29. Toutefois, certaines de ces informations se révélèrent fausses. Le second ensemble documentaire est le rapport, déjà cité, de la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture, dite aussi Commission Valech, dont la première partie fut rendue publique en novembre 2004 et la seconde en juin 200530. Il contient, entre autres, une liste nominative de près de vingt-neuf mille personnes torturées pendant la dictature, mais les témoignages recueillis par la Commission resteront secrets pour une durée de cinquante ans et ne peuvent pas être utilisés dans le cadre de poursuites judiciaires.
14La Fondation pour l’aide sociale des Églises chrétiennes (Fasic-Fundación de Ayuda Social de las Iglesias Cristianas), organisation interconfessionnelle créée en 1975, fut particulièrement active dans l’aide aux prisonniers politiques condamnés à l’exil31 et à ceux autorisés à rentrer au Chili dans les années 1980. Elle apporta également une assistance médicale, psychiatrique et psychologique aux victimes de la dictature et à leurs familles. Ses archives, en cours de classement avec l’aide technique des Archives nationales chiliennes, incluent différents fonds, qui correspondent aux différentes activités développées par la Fondation : près de 40 000 dossiers individuels contenant les témoignages de victimes de la répression, ainsi que les fiches remplies par le personnel de la Fasic, des documents relatifs au programme d’aide aux réfugiés du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que des documents de caractère juridique concernant les procès, individuels ou collectifs, en matière de droits humains. En 2003, les archives du Vicariat de la solidarité et celles d’autres organisations chiliennes de défense des droits humains ont été reconnues par l’Unesco comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité, dans le cadre du programme « Mémoire du monde » créé en 1992 par cette institution32.
Les archives des droits humains en Argentine
15En Argentine, une documentation importante a été réunie, d’une part par les associations de victimes, d’autre part par les organisations de défense des droits humains créées pendant la dictature ou préexistantes. Parmi les associations de victimes, certaines, comme l’Association ex-détenus-disparus (AEDD-Asociación Ex-Detenidos Desaparecidos), sont l’équivalent argentin d’associations chiliennes, alors que d’autres sont spécifiques à l’Argentine et n’ont pas d’équivalent ailleurs. C’est le cas de l’association des Mères de la place de Mai et de celle des Grands-Mères de la place de Mai33, dont la création a répondu aux disparitions forcées, beaucoup plus importantes en Argentine qu’au Chili, et aux pratiques d’appropriation d’enfants par les militaires34. Les archives les plus importantes par le volume de documents sont celles de l’Assemblée permanente des droits humains (APDH-Asamblea Permanente de Derechos Humanos)35 et du Centre d’études légales et sociales (Cels-Centro de Estudios Legales y Sociales)36. Créé en 1979 par un groupe de juristes dont certains, comme son premier président Emilio Mignone, étaient pères ou mères de disparus, le Cels se spécialisa dans les recherches sur les mécanismes de fonctionnement de la répression, en particulier les disparitions forcées, ainsi que dans les dénonciations auprès de l’opinion publique internationale des crimes de la dictature. Il tissa des liens très étroits avec les réseaux transnationaux de défense des droits humains et obtint, grâce à cela, des résultats importants. À l’occasion d’une rencontre internationale tenue en 1981 à Paris, Emilio Mignone présenta au nom du Cels un rapport sur les disparitions forcées dans lequel, pour la première fois, était analysé systématiquement le fonctionnement de ce mécanisme central du système répressif argentin37. Le document eut un retentissement considérable dans la presse internationale, qui en reprit largement les conclusions, en particulier à propos du caractère systématique de la politique des disparitions forcées. Après la fin de la dictature, tant le Cels que l’APDH mirent leur documentation à la disposition de la Conadep.
16Une spécificité intéressante de la situation argentine est représentée par Memoria Abierta38, ONG créée en 1999 pour coordonner les activités, y compris dans le champ de la documentation et des archives, de plusieurs organisations de défense des droits humains : l’APDH, le Cels, la Fondation mémoire historique et sociale argentine (Fundación Memoria Histórica y Social Argentina), les Mères de la place de Mai – ligne fondatrice39, le Service Paix et Justice. L’une des initiatives les plus importantes développées par Memoria Abierta a été la création d’archives orales qui rassemblent plus de sept cents témoignages audiovisuels recueillis par une équipe d’historiens spécialisés, concernant la période de la dernière dictature (1976-1983) et plus largement la vie sociale et politique des années 1960 et 197040. Cette source documentaire, particulièrement intéressante pour l’étude de l’histoire récente argentine, est ouverte à la consultation publique. Memoria Abierta possède également des archives photographiques41 concernant les violations des droits humains perpétrées pendant la dernière dictature et les initiatives visant à obtenir vérité et justice. L’une des principales missions de Memoria Abierta est la sauvegarde des fonds documentaires des organisations participantes et le développement d’un catalogue commun pour faciliter les recherches42.
17À cette initiative s’ajoute la constitution d’archives biographiques et familiales (Archivo Biográfico Familiar)43, mise en chantier par le groupe les Grands-Mères de la place de Mai en 1998 pour reconstruire et documenter les histoires de vie des disparus dont les enfants, nés en captivité ou séquestrés avec leurs parents, ont été appropriés par des militaires. Le but est de mettre à la disposition des enfants retrouvés – devenus adultes – un ensemble de documents leur permettant de connaître l’histoire de leur famille biologique et de récupérer ainsi leur identité. Réalisé en collaboration avec l’université de Buenos Aires, ce travail a réuni, dans les dix premières années de son existence, 1 830 entretiens de parents, amis, camarades de militantisme ou de détention des disparus.
18Enfin, cet ensemble est complété par les archives de la Commission nationale sur la disparition des personnes (Conadep) et l’institution qui en a actuellement la charge, les Archives nationales de la mémoire (ANM)44. Créée par le président Raúl Alfonsín en décembre 1983 pour enquêter sur la question des disparus pendant la dictature, la Conadep45 remit en septembre 1984 son rapport46, qui servit de base au procès contre les commandants des juntes militaires en 1985. L’expérience de la Conadep a été importante non seulement pour son impact en Argentine, mais aussi parce qu’elle a servi de modèle et de référence aux commissions de la vérité créées plus tard dans d’autres pays d’Amérique latine47. Le travail de la Commission s’est appuyé, d’une part, sur la documentation mise à sa disposition par différents organismes et associations de droits humains, d’autre part, sur un nombre important de témoignages recueillis essentiellement auprès de victimes ou de leurs familles : elle n’a reçu, en revanche, aucune aide de la part des autorités militaires et de police48.
19Les Archives nationales de la mémoire (ANM)49 ont été créées en décembre 2003 par le président Nestor Kirchner pour rassembler et conserver sous forme numérisée les documents concernant les violations des droits humains et des libertés fondamentales par l’État argentin. Les documents de la Conadep y sont conservés aussi bien sous forme papier que sous forme digitale, et continuent d’être enrichis par des nouveaux témoignages et plaintes concernant les disparitions forcées et les séquestrations illégales50. La création de l’ANM témoigne du changement de climat politique en Argentine à la suite de l’élection de Nestor Kirchner à la présidence de la République, changement marqué entre autres par l’abrogation des lois d’amnistie et par la réouverture des procès contre de nombreux responsables de crimes commis pendant la dictature. Cette initiative a suscité des perplexités et des débats dans le milieu des archivistes et celui des historiens. L’une des notions controversées était celle d’« intérêt légitime », requis pour obtenir une autorisation de consultation des documents de l’ANM51. Qui peut prétendre à un « intérêt légitime » à la consultation ? Cela n’est pas clair, et dans la pratique la consultation se limite pour le moment à ceux qui y ont un intérêt judiciaire52. Des archivistes ont par ailleurs souligné les risques de superposition entre l’ANM et les Archives nationales ainsi que le danger lié au fait de soustraire éventuellement des documents des Archives nationales pour les incorporer à l’ANM53.
Conclusion
20Les dictatures militaires en Argentine et au Chili ont fait disparaître non seulement des personnes, mais aussi des archives. La plus grande partie de la documentation étatique relative à la répression a été délibérément détruite par les militaires pour garantir l’impunité des responsables, ou est restée inaccessible même après la fin des dictatures. Les gouvernements démocratiques de la transition n’ont eu ni la volonté ni l’autorité suffisantes pour obliger les militaires à ouvrir leurs archives. Les sources disponibles sont donc lacunaires ou fragmentaires, même si certaines archives, essentiellement de police, ont été découvertes. Compte tenu de ces lacunes, les principales sources d’information sur les violations des droits humains se trouvent dans les fonds des associations de victimes et des organisations de défense des droits humains. Constituées pendant les dictatures « comme preuves légales destinées à protéger les droits des individus54 », ces archives ont continué par la suite à s’enrichir de nouveaux documents, nécessaires pour faire la lumière sur les crimes des dictatures et juger les responsables. En effet, comme le souligne Gloria Alberti, « les organisations de la société civile ont été les principaux vecteurs de l’engagement à rétablir la mémoire historique et la vérité55 », mais cet objectif n’a été atteint que partiellement56.
21La lutte de ces organisations s’est déroulée essentiellement sur le terrain de l’information : son instrument principal a été la recherche et l’analyse de toutes les informations disponibles, ainsi que la collecte de témoignages, ce qui a abouti à la formation d’importants fonds documentaires. Elle s’est avérée une forme efficace de résistance aux dictatures qui a été favorisée par la montée en puissance au niveau international, dans les années 1970 et 1980, de la thématique des droits humains et par la multiplication des organisations et des réseaux transnationaux de défense de ces droits. La valeur et l’importance de ces archives ont été reconnues par leur insertion dans la liste de l’Unesco « Mémoire du monde », en 2003 pour les archives chiliennes et en 2007 pour les archives argentines.
Notes de bas de page
1 L’Argentine a connu depuis 1930 une série de dictatures militaires, les deux dernières étant celle de 1966-1973, alors désignée officiellement sous les termes de « Révolution nationale », et celle de 1976-1983, autoproclamée « Processus de réorganisation nationale ».
2 A. Pérotin-Dumon, « Los archivos de defensa de los derechos humanos en America latina: Chile, Argentina y Perù », La Gazette des Archives, no 206, 2008, p. 45-94.
3 En Argentine, l’une des dernières décisions de la junte militaire, avant de remettre le pouvoir aux civils, a été d’ordonner la destruction de toute la documentation relative à la répression mise en œuvre de 1976 à 1983. Voir : M. Novaro, Historia de la Argentina contemporanea. De Perón a Kirchner, Buenos Aires, Edhasa, 2006, p. 145. Au Chili, la loi no 18771, publiée le 17 janvier 1989, prévoyait que la documentation du ministère de la Défense, des Forces armées et de la Sécurité publique pouvait être éliminée conformément aux dispositions du règlement de ce ministère, sans que les Archives nationales ne puissent intervenir. Le fait que les premiers gouvernements démocratiquement élus de la transition, tant en Argentine qu’au Chili, aient créé des commissions de la vérité pour enquêter sur les morts et les disparus des deux dictatures témoigne des difficultés qui existaient pour accéder à ce genre d’information dans les archives publiques.
4 Sur la problématique des archives de la répression voir E. Jelin, « Introducción » et L. Catela da Silva, « El mundo de los archivos », dans L. Catela da Silva & E. Jelin, Los archivos de la represion: documentos, memoria y verdad, Madrid, Siglo XXI, 2002, p. 1-12 et p. 197-219.
5 En Argentine les disparitions forcées datent d’avant 1976 mais elles ne devinrent une pratique systématique que sous la dernière dictature.
6 Recensement des archives des droits humains (Censo de Archivos de Derechos Humanos), disponible sur www.memoriaabierta.org.ar/censo/front/index.html. Ces archives sont également recensées par le Guide des archives d’Espagne et d’Ibéro-Amérique (Censo-Guia de Archivos de España e Iberoamérica), élaboré par la Sous-direction des Archives du ministère espagnol de l’Éducation. Disponible sur : www.censoarchivos.mcu.es/CensoGuia/
7 Au Chili, une seconde commission d’enquête, appelée Commission Valech, a publié en 2004 et 2005 des rapports sur la question des personnes détenues et torturées par des agents de l’État entre 1973 et 1990.
8 La plupart de ces documents peut être consultée sur le site du National Security Archive, ONG nord-américaine basée à l’université George Washington. Elle publie sur internet des documents officiels déclassifiés obtenus grâce à la loi fédérale sur la liberté de l’information (Freedom of Information Act, FOIA) Disponible sur : http://nsarchive.gwu.edu/
9 J. Dinges, Les Années Condor, Paris, La Découverte, 2008 ; M.-M. Robin, Escadrons de la mort, l’école française, Paris, La Découverte, 2008.
10 A. Pérotin-Dumon, « La justicia transicional y los archivos recalcitrantes. Solicitar, hallar, buscar: el balance de un cuarto de siglo en América del Sur », Seminario Internacional Archivos, Memoria y Derecho a la Verdad, Bogotá, Alcaldía Mayor de Bogotá, 2008, p. 140-154.
11 www.comisionporlamemoria.org/archivo
12 C. L. Garcia Gutierrez, « Fuentes para el estudio de la represión en Iberoamérica: entre archivos y centros documentales », dans T. E. Rey & P. Calvo Gonzalez (dir), 200 años de Iberoamérica (1810-2010). Actas del XIV Encuentro de Latinoamericanistas Españoles, Saint-Jacques-de-Compostelle, Universidad de Santiago de Compostela, 2010, p. 1720, note 14.
13 Sur l’histoire de la Fasic voir M. Garces & N. Nicholls, Para una historia de los derechos humanos en Chile, Santiago, LOM/Fasic, 2005.
16 Sur ces organisations et leurs archives voir J. Herbst & P. Huenuqueo, « Archivos para el estudio del pasado reciente en Chile », dans A. Pérotin-Dumon (dir.), Historizar el pasado vivo en América Latina, 2007. En ligne : http://etica.uahurtado.cl/historizarelpasadovivo/es_contenido.php
17 Sur le développement de ce mouvement en Amérique latine, voir A. Santamaria & V. Vecchioli (dir.), Derechos humanos en América Latina: mundialización y circulación internacional del conocimiento experto jurídico, Buenos Aires, Cepi-Universidad del Rosario, 2008 ; S. V. Quadrat, « A emergência do tema dos direitos humanos na América Latina », dans M. P. Nascimento Araujo, M. de Moraes Ferreira, Carlos Fico & S. V. Quadrat (dir.), Ditadura e democracia na América Latina: balanço historico e perspectivas, Rio de Janeiro, FGV, 2008, p. 361-386 ; M. Loveman, « High-Risk collective action: Defending Human Rights in Chile, Uruguay, and Argentina », The American Journal of Sociology, vol. 104, no 2, 1998, p. 477-525 ; K. Sikkink, « The emergence, evolution, and effectiveness of the Latin American human rights network », dans E. Jelin & E. Hershberg (dir.), Constructing Democracy: Human Rights, Citizenship, and Society in Latin America, Boulder, Westview Press, 1996 ; M. Saavedra, « The unintended legacy of september 11, 1973: Transnational activism and the Human Rights movement in Latin America », Iberoamericana, no 51), 2013, p. 87-103.
18 www.vicariadelasolidaridad.cl/
19 Sur ces archives voir M. A. Cruz, « Silencios, contingencias y desafios: el Archivo de la Vicaria de la solidaridad en Chile », dans L. Da Silva Catela & E. Jelin (dir.), op. cit., p. 137-178. En 2011, la télévision chilienne a consacré à l’histoire du Vicariat et de ses archives une série intitulée Los archivos del cardenal et dirigée par Nicolàs Acuña.
20 Sur l’impulsion donnée par les envoyés du Conseil mondial des églises à la création du Copachi, voir M. Saavedra, « The Unintended legacy… », op. cit., p. 97-98. Plusieurs milliers d’exilés de différentes dictatures latino-américaines qui s’étaient réfugiés dans le Chili de l’Unité populaire se trouvèrent en grave danger à la suite du coup d’État.
21 Sur le Vicariat et ses archives voir M. A. Cruz, « Silencios… », op. cit.
22 M. A. Cruz, ibid., p. 157.
23 Sur la Commission Rettig voir D. Cuadros, « La Commission Rettig. Silences, controverses et contestations d’une mise en récit “consensuelle” des violations des droits de l’homme au Chili », dans S. Lefranc (dir.), Après le conflit, la réconciliation ?, Paris, Michel Houdiard, 2006, p. 208-228 ; D. Cuadros, « La Comisión Rettig o la fábrica de un relato “consensuado” sobre crímenes de Estado en Chile. Actores y controversias », dans A. Santamaría & V. Vecchioli (dir.), Derechos humanos en América Latina. Mundialización y circulación internacional del conocimiento experto jurídico, Buenos Aires, Cepi-Universidad del Rosario, 2008.
24 Informe de la Comisión Nacional Verdad y Reconciliación (appelé aussi Informe Rettig), Santiago, 1991, 3 vol. Il en existe aussi une version numérisée en anglais, à l’initiative du United States Institute of Peace (Report of the Chilean National Commission on Truth and Reconciliation), disponible sur : http://www.usip.org/library/tc/doc/reports/chile/chile_1993_toc.html.
25 M. C. Garcia Gutierrez, « Fuentes para… », op. cit., p. 1723.
26 A. Pérotin-Dumon, « La Justicia Transicional… », op. cit., p. 142.
27 M. C. Garcia Gutierrez, « Fuentes para… », op. cit., p. 1727 ; J. Herbst & P. Huenuqueo, « Archivos para el estudio… », op. cit.
28 Sur cette expérience voir J. Zalaquett, « La mesa de dialogo sobre derechos humanos y el proceso de transición política en Chile », Estudios Públicos, no 79, 2000. Disponible sur : http://www.cdh.uchile.cl/articulos/Zalaquett/Mesa_de-Dialogo_CEP2000.pdf.
29 http://www.ddhh.gov.cl/mesa_dialogo.html
30 Informe de la Comisión Nacional sobre Prisión Política y Tortura, Santiago de Chile, 2004 et 2005. La torture n’avait pas été prise en compte par la Commission Rettig, dont le mandat ne concernait que les morts et disparus de la dictature.
31 La Fasic agit également en tant que représentante du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
32 En juin 2007, l’Unesco a accordé ce même statut aux archives de vingt-neuf organisations argentines de défense des droits de l’homme.
33 https://www.abuelas.org.ar/
34 Si le phénomène des disparitions forcées a été largement présent aussi dans le cas chilien, celui de l’appropriation systématique d’enfants de disparus, en revanche, est spécifique de l’Argentine et n’a été présent que sporadiquement sous d’autres dictatures militaires de l’époque.
37 E. Mignone, « El caso argentino: desapariciones forzadas como instrumento básico y generalizado de una política. Doctrina del paralelismo global », Colloque La política de desapariciones forzadas de personas, Paris, Cels, janvier 1981, 35 p. Disponible sur : https://www.cels.org.ar/web/publicaciones/la-politica-de-desapariciones-forzadas-de-personas/
39 Créée en 1977, l’association des Mères de la place de Mai s’est scindée en 1986, avec la formation de l’Association des Mères de la place de Mai / Ligne fondatrice.
40 Memoria Abierta possède aussi une copie de l’enregistrement audiovisuel (530 heures) du procès des juntes militaires (Registro fílmico del Juicio a las Juntas Militares). Disponible sur : http://www.memoriaabierta.org.ar/juicioalasjuntas/).
41 http://www.memoriaabierta.org.ar/bases/opac/Registros/fotografico/
42 Sur le travail de Memoria Abierta, voir C. L. Garcia Gutierrez, « Fuentes para el estudio… », op. cit., p. 1729-1730.
43 https://www.abuelas.org.ar/abuelas/casa-la-identidad/archivo-biogrlfico-familiar-60
44 Déposées auprès du Secrétariat national aux droits humains du ministère de la Justice, les archives de la Conadep ont été ensuite transférées aux Archives nationales de la mémoire (ANM).
45 E. Crenzel, La historia política del Nunca Más. La memoria de las desapariciones en Argentina, Buenos Aires, Siglo XXI, 2008.
46 Une synthèse du rapport a été publiée sous la forme d’un livre, intitulé Nunca más (Buenos Aires, Eudeba, 1984), qui eut un énorme succès auprès du public et qui fut réédité à plusieurs reprises. Le rapport a été publié aussi à l’étranger, en anglais, allemand et italien.
47 E. Crenzel, La historia política…, op. cit.
48 Une note adressée par la Conadep au président de la République précise : « Au silence obstiné de ceux qui, se sachant responsables, laissent leurs actions dans l’anonymat en s’appuyant sur le secret militaire, s’ajoutent les réponses incomplètes, tardives ou nulles à nos requêtes ». Note de la Conadep au président de la République, 3 mai 1984, dans Nunca Más, Buenos Aires, Eudeba, 2003 [6e édition], p. 274.
49 L’ANM dépend du Secrétariat aux droits humains du ministère de la Justice et des Droits humains.
50 Par peur, beaucoup de personnes évitèrent, même après le retour à la démocratie, de dénoncer les disparitions forcées dont avaient été victimes des membres de leur famille. On ne connaît donc pas le nombre exact des disparitions forcées qui ont eu lieu en Argentine, mais seulement un nombre approximatif.
51 Voir le Décret no 1259/2003 de création des Archives nationales de la mémoire, Buenos Aires, 16 décembre 2003. Disponible sur : http://www.derhuman.jus.gov.ar/normativa/pdf/.
52 F. G. Lorenz, « Archivos de la represión y memoria en la República Argentina », dans A. Pérotin-Dumon (dir.), Historizar el pasado vivo en América Latina, 2007, en ligne : http://www.historizarelpasadovivo.cl/downloads/archivoargentina.pdf.
53 Voir par exemple M. Nazar, « Sobre las políticas de la memoria », communication présentées lors de la dixième édition des Jornadas Interescuelas/Departamentos de Historia, Rosario, 2005, p. 6. Mariana Nazar est l’une des principales spécialistes argentines en matière d’archivistique et travaille aux Archives nationales.
54 G. Alberti, « Les archives de la douleur en Amérique latine », communication présentée à la 37e conférence internationale de la Table ronde des archives (Citra), Archives et droits de l’homme, Le Cap, 20-25 octobre 2003.
55 Ibid.
56 Par exemple, seule une partie des enfants appropriés par les militaires argentins a été retrouvée. Voir : Abuelas de la Plaza de Mayo, Niños desaparecidos. Jóvenes localizados 1975-2015, Buenos Aires, 2015.
Auteur
Bruno Groppo est docteur d’État en science politique et directeur de recherche CNRS, actuellement chercheur associé au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS, CNRS - UMR 8058). Spécialiste de l’histoire des mouvements politiques, des exils politiques européens du xxe siècle et des politiques de la mémoire en Europe et en Amérique latine, il a été invité dans plusieurs universités européennes et latino-américaines.
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