América Nuestra. Glauber Rocha et le cinéma cubain
p. 157-180
Note de l’éditeur
Une première version de cet article a été publié sous le titre « América Nuestra – Glauber Rocha e o cinema cubano », Revista Brasileira de História (São Paulo), vol. 22, n° 44, 2002, p. 489-510.
Texte intégral
1Au cours des années 1960, des réalisateurs d’origine argentine, chilienne, cubaine et brésilienne, comme Fernando Solanas, Fernando Birri, Miguel Littín, Julio Garcia Espinosa, Tomás Gutiérrez Alea ou Glauber Rocha, relevèrent un même défi : la création d’un nouveau cinéma latino-américain original sur le plan esthétique et susceptible de traiter les problèmes spécifiques à l’Amérique latine tels que le sous-développement, les abus de pouvoir, les inégalités sociales, l’autoritarisme, la lutte pour la démocratie et, en contrepoint, le rôle des intellectuels et des artistes dans des régimes autoritaires.
2Ces cinéastes rédigèrent des essais, signèrent des manifestes et élaborèrent des théories, en grande partie inspirés par la productivité effervescente de Glauber Rocha. La circulation de ces textes, pour la plupart publiés sous forme d’articles dans des revues de cinéma, ainsi que la diffusion de films dans le circuit commercial et les réseaux alternatifs contribuèrent à l’émergence d’un nouvel espace de discussion et de sociabilité, qui permit des croisements d’idées et d’influences artistiques. À partir de l’analyse de cette production critique, cet article a pour but d’analyser la participation de Glauber Rocha à l’essor du nuevo cine latinoamericano en insistant sur les liens établis entre le réalisateur brésilien et les cinéastes cubains. En dépit de l’intérêt que présenterait une telle étude, notre objectif n’est pas ici de mener une analyse filmique des productions du nuevo cine, mais plutôt d’étudier les relations établies entre les cinéastes participants à ce courant à partir de la reconstitution des trajectoires personnelles et des débats intellectuels, esthétiques et politiques de l’époque2.
3Les origines du nuevo cine remontent aux années 1950, lorsque les jeunes cinéastes Julio Garcia Espinosa, Tomás Gutiérrez Alea et Fernando Birri se retrouvèrent au Centro Esperimentale di Cinematografia de Rome pour suivre une formation commune, dont les fruits se firent sentir au cours des deux décennies suivantes. Parmi leurs principales références, on retrouve le néo-réalisme italien, le cinéma épique d’Eisenstein, le néo-surréalisme de Luis Buñuel, la nouvelle vague française et le free cinema anglais. Ces courants esthétiques européens, alliés à l’affirmation de l’identité politique et culturelle de l’Amérique latine, formèrent la matière première du nuevo cine. Pour ces réalisateurs, l’idée de départ était de mettre en avant le contenu politique et social des films, tout en maintenant la pluralité des références esthétiques et en offrant une représentation originale de l’Amérique latine. L’analyse des différents textes qu’ils publièrent au cours de cette période montre qu’ils partageaient de nombreuses aspirations communes. Créer un langage cinématographique libérateur, qui soit un espace de réflexion critique, et non plus un simple instrument de dénonciation ; montrer le « vrai » visage de l’homme latino-américain ; atteindre le grand public ; défendre l’idée de l’Amérique latine comme Patria Grande3 selon l’expression de Fernando Birr : tels sont les objectifs les plus fréquemment évoqués. À cet égard, les textes les plus influents furent « Théorie et pratique du cinéma latino-américain » publié par Glauber Rocha dans la revue italienne Avanti ! en novembre 1967, l’article de Fernando Solanas intitulé « Pour un tiers-cinéma » dans le numéro de mars 1969 de Cine Cubano, ainsi que « Pour un cinéma imparfait » de Júlio García Espinosa, également rédigé en 1969 et publié dans la revue péruvienne Hablemos del Cine à la fin de l’année suivante [Avellar, 1995].
4Certes, le projet de dimension continentale du nuevo cine alla de pair avec la création de courants nationaux dotés de caractéristiques propres : le cinema novo au Brésil, défini par Glauber Rocha comme « un phénomène de peuples colonisés » [Avellar, 1995, p. 85 ; Ramos, 1987 ; Bernadet, 1978 ; Xavier, 1993] ; le cine liberación en Argentine, mené par Fernando Solanas et Octavio Genio, qui produisirent de nombreux documentaires politiques et contestataires entre 1966 et 1972 ; ou le cine rojo lancé par la revue Cine Cubano en juillet 1969. Cependant, les centres de production des métropoles latino-américaines (notamment Buenos Aires, Mexico et Rio de Janeiro) entretenaient des liens importants grâce aux festivals de cinéma et à la circulation des revues spécialisées, qui contribuèrent à la formulation même de ces nouvelles propositions cinématographiques. Le succès de la maxime de Glauber Rocha « une idée en tête et une caméra à la main », qui fut répétée aux quatre vents après sa première énonciation en 1961 et devint une sorte de Notre Père pour toute une génération de cinéastes latino-américains, offre un bon exemple de ces phénomènes de circulation4.
5De même que le projet de nuevo cine fut décliné dans l’œuvre et le discours critique de chaque réalisateur, les scénarios et les débats théoriques revêtirent un accent particulier dans chacun des pays concernés. On peut ainsi dessiner un réseau d’échos et de correspondances entre les fotodocumentários de Fernando Birri, le cinema urgente de Santiago Alvarez et le cinema popular de Nelson Perreira dos Santos5 ou, dans un autre registre, entre le cinema novo de Glauber Rocha, le tercer cine6 de Fernando Solanas et le cine imperfecto7 de Julio García Espinosa [Avellar, 1995].
6Au début des années 1960, Glauber Rocha et Fernando Birri annonçaient déjà les deux principales tendances du nuevo cine : d’une part, le cinéma devait dresser un portrait à vif, « nu et cru » de l’Amérique latine ; d’autre part, il devait réaliser ce portrait violemment du point de vue esthétique, en se libérant des règles imposées par le réalisme classique. La dualité esthétique entre le néo-réalisme et le nuevo cine apparut clairement lors de la cinquième édition de la Rassegna Internazionale del Cinema Latino-Americano de Gênes en 1965, où deux films brésiliens déchaînèrent les passions du public et de la critique : Vidas secas (Sécheresse) de Nelson Perreira dos Santos et Deus e o diabo na terra do sol (Le Dieu noir et le diable blond) de Glauber Rocha8.
7En dépit des divergences sur la manière d’y parvenir, les tenants du nuevo cine se retrouvaient dans ces deux propositions : le cinéma latino-américain devait acquérir une figure propre. La quête de ce visage aux traits singuliers – qui aujourd’hui n’est plus pensé en termes d’unicité, mais bien comme une « unité dans la diversité » à l’image de l’Amérique latine – constitua le principal point de convergence entre les réalisateurs du sous-continent au cours des années 1970, tissant des liens entre des partis pris esthétiques parfois très différents. Au début de la décennie, Fernando Birri défendait l’idée suivante : « l’américain plutôt que le néo-réalisme9 ». À la même époque, Fernando Solanas présentait le tercer cine comme une modalité de la « décolonisation culturelle10 », tandis que Glauber Rocha rédigeait, dans le style messianique qui lui est propre, le scénario du film América Nuestra, « une histoire pratique, idéologique et révolutionnaire de l’Amérique latine11 ».
8Si l’« Amérique latine », la « subversion » et la « décolonisation » formèrent la toile de fond de la production artistique et intellectuelle du nuevo cine en ses différentes déclinaisons nationales, l’assemblage esthétique de ces différents éléments connut toutefois d’importantes variations en fonction des conceptions idéologiques personnelles des réalisateurs, des politiques gouvernementales, des expériences et des frustrations vécues au cours de leurs carrières.
9Au risque de réduire et de simplifier la complexité du réseau de relation, liant entre eux les cinéastes en quête du nuevo cine, nous consacrerons la suite de notre analyse au plus polémique d’entre eux, Glauber Rocha, et à son séjour à Cuba entre 1971 et 1972. À la fin des années 1960, Glauber Rocha était l’une des personnalités brésiliennes les plus admirées à Cuba après Carlos Marighella, héros de la lutte armée tombé dans une embuscade policière en 1969. Le cinéaste brésilien entretenait, depuis le début de la décennie, une correspondance fournie avec Alfredo Guevara, le directeur de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographiques (ICAIC), fondé en 1959 au lendemain de la chute de Batista. L’amitié entre les deux hommes était née de la correspondance entre le projet d’un cinéma latino-américain doté d’une identité propre défendu par Rocha et l’objectif de promotion du cinéma cubain et de la Révolution poursuivi par l’ICAIC.
10Dans la loi de création de l’ICAIC, publiée officiellement le 20 mars 1959 dans la Gaceta Oficial de la República, on trouve ainsi le principe de conscientisation politique qui servit plus tard de fondement au cinema novo, formulé de manière très similaire. Selon cette loi :
« le cinéma doit constituer un appel à la conscience et contribuer à liquider l’ignorance, à régler les problèmes, à formuler des solutions et à représenter, de manière dramatique et contemporaine, les grands conflits de l’homme et de l’humanité. »
11Le discours de Glauber Rocha atteste l’impact de la révolution cubaine sur le milieu artistique brésilien au début des années 1960. À propos de son film Barravento, le réalisateur affirma s’être inspiré directement du leader révolutionnaire pour composer une esthétique singulière, qui consistait à exposer exagérément la misère et à « agir comme un chat dans une ruelle sombre » avant de « faire exploser la tumeur », comme l’avait fait Castro avec les paysans de la Sierra Maestra12.
12À cette époque, le réalisateur brésilien initia une longue correspondance avec Alfredo Guevara13. Dans ses lettres, il l’informait des productions cinématographiques en cours au Brésil, commentait la conjoncture politique nationale et envoyait des textes sur ses projets, ses films et les festivals de cinéma étrangers. Il fournissait également à Guevara des explications sur les relations tumultueuses entre le cinema novo et les cinéastes brésiliens affiliés au Parti communiste, en insistant sur les divergences au sein de la gauche et sur le dilemme entre expérimentalisme et engagement, vécu au Brésil aussi intensément qu’à Cuba en dépit des différents contextes politiques (mise en place du régime militaire au Brésil à partir de 1964 ; structuration du régime socialiste à Cuba à partir de 1961). En retour, Guevara envoyait à Rocha des films cubains et des numéros de la Revista del Cine Cubano publiée par l’ICAIC. En outre, il lui passait commande de films brésiliens et lui demandait des informations sur certains cinéastes brésiliens dont les réalisations étaient susceptibles de présenter un intérêt – esthétique et idéologique – pour le public cubain.
13En guise de réponse, Glauber Rocha chercha à convaincre le directeur cubain de ne pas appuyer les réalisateurs brésiliens qui dénonçaient la misère et le sous-développement de manière conventionnelle ou apologétique, en reprenant à leur compte une esthétique « hollywoodienne » et « colonialiste », à l’image d’Anselmo Duarte et de son film O pagador de promessas (La parole donnée), palme d’or du Festival de Cannes 1962. L’intention de Rocha est très claire : faire du cinema novo et de son œuvre personnelle les dépositaires du véritable esprit révolutionnaire, tant sur le plan artistique que politique, en attirant l’attention sur l’esthétique très conformiste de certains cinéastes engagés.
14Aussi l’amitié entre Guevara et Glauber doit-elle être analysée dans le cadre plus ample des relations entre les cinémas brésiliens et cubains. Avant la révolution, Alfredo Guevara avait été membre de la Sociedad Cultural Nuestro Tiempo14, créée en 1951 par des intellectuels et des artistes opposants au régime de Batista, à l’initiative du compositeur Harold Gramatges, dans le but de débattre des nouveautés du cinéma international, de promouvoir des auditions de musique contemporaine et de discuter de questions esthétiques. Avant d’être dissoute en 1960, cette société comptait également parmi ses membres le compositeur Léo Brouwer, qui dirigea par la suite le Groupe d’expérimentation Sonore de l’ICAIC, et les cinéastes Tomás Gutiérrez Alea, Santiago Alvarez et Julio García Espinosa. Tout au long de son existence, elle manifesta un intérêt marqué pour le cinéma latino-américain et notamment brésilien, allant jusqu’à élire O Cangaceiro de Lima Barreto parmi les meilleurs films de l’année 1954. Plusieurs de ses membres firent également partie de la section de cinéma de la Division culturelle de l’armée rebelle, où ils réalisèrent des courts-métrages documentaires sur les premières réalisations du « gouvernement révolutionnaire », tâche poursuivie ensuite par l’ICAIC.
15Dix ans plus tard, un événement international contribua à resserrer les liens entre le Brésil et l’ICAIC : en 1963, des cinéastes cubains se rendirent au Brésil pour participer à une manifestation de solidarité pro-Cuba, organisée par des artistes et intellectuels membres du Parti communiste brésilien (PCB), dont Luiz Carlos Prestes, Ferreira Gullar, Francisco Julião et Oscar Niemeyer. Cet événement, dont le but était précisément de renforcer les relations entre les communistes brésiliens et le milieu artistique cubain, explique sans doute l’énergie mise en œuvre par Rocha pour convertir Alfredo Guevara au cinema novo, alors que les canaux officiels privilégiaient les productions réalisées dans le sillage du Parti communiste. Dès le début des années 1960, l’ICAIC fut donc soumis à une double influence brésilienne : celle du PCB et celle, plus hétérodoxe, du cinema novo.
16Outre Alfredo Guevara, d’autres membres de l’ICAIC entretinrent des rapports significatifs avec l’œuvre et les idées de Rocha, à l’image des cinéastes Tomás Gutiérrez Alea et Julio Garcia Espinosa. L’esthétique de la faim15, manifeste présenté par Rocha au Ve Festival de Cinéma latino-américain de Gênes en 1965, fut amplement débattu dans les congrès sur le cinéma, les revues spécialisées, les festivals et les rencontres de cinéastes latino-américains organisées à Viña del Mar en 1967 et 1968. L’ensemble de ces manifestations permit une ample diffusion des idées de Rocha dans le sous-continent. Nombre de productions cubaines de la fin des années 1960 témoignent de cette influence du cinema novo (caméra libre, cadres non conventionnels, montage fragmentaire, narration allégorique, etc.), dont atteste également la parution de divers articles et témoignages sur « l’esthétique de la faim » comme la « Révision critique du cinéma brésilien » de Rocha publiée par l’ICAIC16.
17Dans une lettre à Alfredo Guevara datée de 1967, Rocha évoque le projet d’un film épique sur l’histoire de la lutte armée en Amérique latine, dédié à la mémoire de Che Guevara (mort cette même année) et co-produit par l’ICAIC17. Ce film, appelé América nuestra, imaginé par Glauber Rocha dès 196218, ne fut jamais réalisé, mais servit de trame aux scénarios de Terra em transe (Terre en transe) et de A idade da terra (L’âge de la terre) réalisés respectivement en 1967 et 1979. En effet, plusieurs séquences et personnages prévus pour América nuestra furent repris à l’identique dans Terra em transe, qui présente également des traits communs avec Deus e o diabo na terra do sol réalisé en 1964. Rocha décrivait son projet en citant explicitement Che Guevara :
« América Nuestra ne sera pas un film didactique, mais une manifestation en soi, un film d’agitation, un discours violent et une preuve de ce que l’homme latino-américain, libéré de l’exploitation, est capable de produire sur le terrain de la culture […] je ferai un film radical, violent, revendiquant ouvertement (et justifiant) la création de plusieurs Vietnams19. »
18Le projet de Rocha se traduisait également sur le plan théorique : de cette même année date L’esthétique de la Révolution, second volet de L’esthétique de la faim, écrit en référence aux discours de Fidel Castro et contenant des extraits du livre de Che Guevara, Le socialisme et l’homme à Cuba. Dans ce second manifeste, Rocha critiquait le néo-réalisme italien et défendait l’idée selon laquelle « le cinéma doit pénétrer le territoire du langage, de la même manière que l’Amérique doit pénétrer sur les terres de la Révolution20 ». L’impact de la Révolution et des discours de Fidel Castro se faisait alors sentir dans l’ensemble des milieux cinématographiques d’Amérique latine. Au moment même où Rocha s’appropriait l’épigraphe « Créer deux, trois… plusieurs Vietnam », Fernando Solanas lançait L’heure des brasiers (1968), dont il emprunta le titre à une phrase de José Marti citée par Che Guevara dans le Message à la tricontinentale en 1967 : « C’est l’heure des brasiers et il ne faut voir que la lumière21. » Et Fernando Birri, autre figure de proue du cinéma argentin, réalisait le film Sierra Maestra (1967) en appelant à une « guerre de guérillas » cinématographiques22.
19Notons que la politique culturelle cubaine de l’époque prônait une esthétique très proche du réalisme socialiste : travailleur au service de la Révolution, l’artiste devait aider à la conscientisation des masses, par le biais d’œuvres didactiques compréhensibles par le grand public. L’ICAIC s’était rangé à cette vision en 1961, après l’interdiction du film P.M., un documentaire sur la nuit de La Havane, réalisé par Sabá Cabrera Infante et Orlando Jiménez Leal sur le modèle du free cinema anglais. La censure, imposée par le Conseil national de la culture et endossée ensuite par Alfredo Guevara sous prétexte que le film ne suivait ni les principes ni la forme d’une œuvre révolutionnaire, engendra une intense polémique au cours de laquelle Fidel Castro prononça son « discours aux intellectuels », qui orienta toute la politique culturelle cubaine des années 196023. Dans ce contexte de rigueur esthétique et idéologique, comment expliquer la proximité entre Guevara et Rocha, et l’acceptation de son cinéma allégorique par l’ICAIC, une institution soumise au contrôle du Conseil national de la Culture et, à partir de 1965, à celui du Parti communiste de Cuba, sous influence directe du modèle soviétique ?
20Pour répondre à cette question, rappelons que Fidel Castro n’était pas partisan d’une adoption systématique de la politique culturelle soviétique, dans le cadre de la construction d’un socialisme « à la cubaine ». Le prestige personnel d’Alfredo Guevara auprès de Fidel Castro et la relative autonomie assurée ainsi à l’ICAIC jouèrent également un rôle. De fait, l’autorité acquise par Guevara dans le milieu cinématographique lui garantissait une certaine « flexibilité institutionnelle », qui se manifestait tant dans l’exécution d’un ordre – comme l’interdiction d’un film – que dans le droit à certaines audaces – comme la création d’un groupe musical expérimental pour la composition de bandes sonores en 1969. Ces initiatives étaient permises, car elles s’inscrivaient dans le projet de défense et de légitimation de la révolution cubaine promu par le gouvernement. Ainsi, nous pouvons affirmer que le « discours » anti-impérialiste et révolutionnaire de Rocha prima sur le formalisme esthétique de ses films, lui permettant de traverser la barrière de la censure. En outre, il faut souligner que le cinema novo jouissait alors d’une bonne réception en URSS, ce qui contribua à sa diffusion à Cuba et au prestige international de Rocha, comme en témoignent la réalisation de la première Semaine de cinéma brésilien de Moscou en décembre 1967 et la projection de films brésiliens au Festival de cinéma de Moscou – dont Deus e o diabo na terra do sol de Rocha, Os fuzis (Les fusils) de Ruy Guerra et Menino de engenho (L’enfant de la plantation) de Walter Lima Jr.24.
21On trouve ainsi de nombreux indices de la répercussion de l’œuvre de Rocha dans la production cubaine de l’époque. Memorias del subdesarrollo (Mémoires du sous-développement) réalisé par Tomás Gutiérrez Alea en 1968 présente de nombreuses similitudes avec Terra em transe tourné par Rocha l’année précédente. Les deux films mettent en scène un personnage traversant une « crise identitaire » qui reflète la situation sociale et politique du pays, jouent sur la structure du collage, adoptent une narration non linéaire, utilisent des plans inhabituels et des monologues, mélangent de styles très différents de cinéma et composent une bande sonore également composite. L’influence des idées de Rocha est encore perceptible chez Gutiérrez Alea, notamment dans sa prédisposition à expérimenter de nouveaux langages. Comme il l’explique lui-même dans Cine Cubano en août 196725, un film est « un langage ouvert […] un collage26 ».
22Rocha reçut également l’aval des dirigeants révolutionnaires : Che Guevara déclara que Deus e o diabo na terra do sol était une œuvre aussi importante pour la culture latino-américaine que l’avait été Dom Quichotte pour la culture hispanique [Ridenti, 1993, p. 105-106]27. Ce même film fut la source d’inspiration de La primera carga al machete (La première charge à la machette) de Manuel Octavio Gomez en 1969, une fiction montée à la manière documentaire, dans laquelle le musicien Pablo Milanés interprétait un chanteur aveugle, commentant l’histoire de la même manière que « l’aveugle Júlio » mis en scène par Rocha. De même, le film cubain El hombre de Maisinicú (L’homme de Maisinicu), réalisé par Manuel Octavio Gómez en 1969, présentait de nombreux points de convergence avec l’idée de western tiers-mondiste défendue par le cinéaste brésilien28.
23Au cours des années qui suivirent, la popularité de Rocha augmenta encore à Cuba, comme dans le reste de l’Amérique latine, après l’attribution de la palme d’Or à O dragão da maldade contra o santo guerreiro (Antonio das Mortes) en 1969. Le réalisateur, qui était alors à l’apogée de sa reconnaissance internationale, inspira de nombreuses réflexions critiques aux autres cinéastes latino-américains.
24Dans « Pour un cinéma imparfait » par exemple29, Julio García Espinosa reprit l’idée avancée par Rocha selon laquelle le cinéma latino-américain ne devait pas être techniquement parfait, étant donné que le concept de perfection était hérité des cultures colonisatrices30. L’année suivante, dans un texte intitulé « À la recherche du cinéma perdu », il soutenait que : « le cinéma populaire est un des possibles du cinéma actuel, comme l’homme nouveau est un des possibles de l’homme d’aujourd’hui31 ». Quelques années plus tard, il développa sa thèse du « cinéma imparfait » dans Instructions pour réaliser un film dans un pays sous-développé (écrit en 1975 et filmé en 1992 avec les élèves de l’École internationale de cinéma et télévision de San Antonio de los Baños, à Cuba), où il présentait des solutions techniques aux problèmes de la production cinématographique à Cuba et défendait une « nouvelle poétique intéressée » à l’image du film Terra em transe de Glauber Rocha.
25Quant à Tomás Gutiérrez Alea, il publia une théorie sur « la dialectique du spectateur » au cours des années 1980, dans laquelle il faisait directement référence aux écrits de Rocha, tout en adoptant une distance critique vis-à-vis du réalisateur brésilien. D’une part, il reprenait à son compte l’idée selon laquelle le cinéma devait extrapoler la réalité dans la lignée des critiques émises par Rocha à l’encontre du néo-réalisme italien. D’autre part, il insistait sur le rôle de « conscientisation » et sur la responsabilité politique du cinéaste dans une perspective très éloignée de celle de Rocha :
« Le cinéma, écrivait-il, doit en première instance remplir sa fonction sociale de spectacle. Mais, au-delà, il peut – et il doit – servir à mobiliser la conscience du spectateur. Et ce dans la mesure où précisément il s’agit d’un spectacle, d’un fait esthétique qui sert à charmer. Le cinéma le plus réussi en tant qu’œuvre d’art est le cinéma le plus efficace en termes de mobilisation politique32. »
26Ainsi, Gutiérrez Alea partait des théories de Glauber Rocha pour défendre une position de moyen terme entre le cinéma politique et le cinéma spectacle, fondée sur la conviction que la fonction première du cinéma était de créer une nouvelle réalité à partir de son « irréalité » caractéristique. À l’inverse, Garía Espinosa, qui devint par la suite le directeur de l’ICAIC (1982-1992), puis le vice-ministre de la Culture fit une lecture plus engagée de l’œuvre de Glauber Rocha, insistant sur sa dimension contestataire et révolutionnaire.
27L’année 1969 marqua un tournant dans la projection internationale du nouveau cinéma cubain, avec les prix attribués à Moscou et à Venise aux films La primera caga al machete, Memorias del subdesarollo et Lucía (Humberto Solás, 1969), ainsi qu’aux documentaires de Santiago Alvarez – dont les différentes bandes sonores avaient été réalisées par le Groupe d’expérimentation sonore de l’ICAIC. Au même moment, le gouvernement cubain établit des relations étroites avec la gauche brésilienne suite à la séquestration de l’ambassadeur nord-américain au Brésil et à sa libération contre l’extradition de 15 prisonniers politiques vers Cuba. Les contacts informels établis entre les cinéastes brésiliens et cubains se doublèrent donc d’une relation de solidarité politique formelle entre le Brésil et Cuba. Dans ce contexte, les contacts établis entre Rocha et Alfredo Guevara permirent la diffusion de nombreux films brésiliens à Cuba, qui influencèrent la production de l’île à la fois sur les plans esthétique et thématique.
28Cette influence se fit également sentir dans les bandes-son des films cubains. En effet, les cinéastes brésiliens de l’époque utilisaient abondamment la musique populaire et il est fort possible que cette pratique soit à l’origine de la création du Groupe d’Expérimentation Sonore de l’ICAIC (1969). Alfredo Guevara affirmait d’ailleurs avoir créé ce groupe suite à son voyage au Brésil en 1968, durant lequel il avait admiré la diversité de la musique populaire brésilienne et découvert le tropicalisme. Cette découverte, expliquait-il, l’avait conduit à stimuler l’émergence d’un mouvement similaire à Cuba, en créant un ensemble de conditions favorables – dont le Groupe d’expérimentation sonore.
29Le montage son des films de Glauber Rocha suscitait une forte admiration dans les rangs de l’ICAIC. En effet, le réalisateur brésilien composait ses bandes sonores à partir d’un collage de multiples extraits musicaux, sans pour autant perdre le caractère épique, nécessaire à la création d’un « climat » et à l’extrapolation du formalisme esthétique. Dans tous les films de Glauber Rocha, la musique joue un rôle fondamental, qui va bien au-delà de l’illustration et de la mise en valeur des images. La musique est composée de signes sonores en interaction avec les autres éléments du langage cinématographique et en tant que telle contribue à l’équilibre général du film. À cet égard, Paulo Perdigão affirme que dans la bande sonore de Deus e o diabo na terra do sol : « toutes les séquences emphatiques présentent une infrastructure portée par la musique, tant dans la juxtaposition du son et de l’image que dans la continuation de l’action dramatique par son écho musical33 ».
30À propos de la scène de la mort du personnage Paulo Martins dans Terra em transe, Glauber Rocha a expliqué que son intention était de mêler musique et bruits variés selon un procédé en rupture avec les courants esthétiques en vogue, notamment dans le sillage du réalisme socialiste. La recette était la suivante : « musique et mitrailleuses, et ensuite des bruits de guerre. Ce n’est pas une chanson dans le style du réalisme socialiste, ce n’est pas le sentiment de la Révolution. C’est quelque chose de plus dur et de plus grave ». Un peu plus loin, le réalisateur brésilien soulignait à quel point la bande-son de Terra em transe faisait écho aux paroles prononcées par Che Guevara dans son Message à la tricontinentale :
« Qu’importe où nous surprendra la mort ; qu’elle soit la bienvenue pourvu que notre cri de guerre soit entendu, qu’une main se tende pour empoigner nos armes et que d’autres hommes se lèvent pour entonner les chants funèbres dans le crépitement des mitrailleuses et des nouveaux cris de guerre et de victoire34. »
31La formule qui séduisit les musiciens et les cinéastes de l’ICAIC apparaît ici clairement : elle réside dans la combinaison, à certains égards paradoxale, de la liberté créatrice et du message politique. La diversité des références musicales utilisées par Glauber Rocha pour les bandes sonores de ses films – des traditionnels joueurs de viola35 du Nordeste dans Deus e o diabo aux pièces savantes de Villa-Lobos, Bach, Carlos Gomes et Verdi dans Terra em transe – servit de modèle au Groupe d’expérimentation sonore, dont les productions suscitèrent en retour les éloges du réalisateur brésilien. À cette occasion, Rocha affirma que la musique possédait une fonction essentielle dans les sociétés socialistes, elle seule permettant que la collectivisation soit perçue « comme un plaisir36 ».
32À Cuba, les audaces esthétiques pouvaient être pardonnées dans la mesure où elles visaient explicitement à défendre la Révolution et ses mythes. Dans ce contexte, l’ambiguïté et le style apothéotique de Glauber Rocha furent tolérés au nom de « l’art révolutionnaire » dont il se fit le porte-drapeau auprès des réalisateurs cubains. Selon lui, ces derniers ne devaient pas hésiter à s’ouvrir au « mysticisme latino-américain [car] l’irrationalisme libérateur est l’arme la plus forte du révolutionnaire37 ».
33En novembre 1971, Glauber Rocha s’installa à La Havane à l’invitation d’Alfredo Guevara, qui lui apporta l’appui institutionnel nécessaire à sa venue et parraina son mariage avec la journaliste cubaine Maria Teresa Sopeña – avec laquelle il vécut jusqu’en 1973, à Cuba, puis à Paris à partir de décembre 1972. Le cinéaste avait décidé de quitter le Brésil, où le durcissement de la répression politique mené par le gouvernement Médici réduisait fortement ses marges de manœuvre38. Souhaitant s’exiler dans un pays qui lui offrit des conditions de travail minimales, il avait établi plusieurs contacts au Chili et en Europe. Cependant, Cuba apparut très vite comme une destination plus attirante à ses yeux, en raison non seulement d’une affinité politique ancienne, mais aussi des possibilités de tournage concrètes offertes par l’ICAIC.
34L’arrivée de Glauber Rocha sur l’île fut saluée par une série de manifestations officielles : outre une rétrospective de ses œuvres, sa venue coïncida avec la sortie du film Der leone has sept cabezas (1970) qui dénonçait le colonialisme sur un mode tragicomique à travers « l’histoire de Che Guevara et de Zumbi dos Palmarès en Afrique […] où le Che est ressuscité par la magie des Noirs39 ». Curieusement, aucune mention n’est faite de Cabezas Cortadas (Têtes coupées), réalisé pourtant la même année que Der leone has sept cabezas et proposant une même critique de l’autoritarisme bien que sur un mode plus « apocalyptique ».
35Quelques années plus tard, Alfredo Guevara revint sur cet épisode :
« Glauber avait La Havane à ses pieds. Cuba choyait les intellectuels étrangers qui appuyaient le régime. Ils servaient d’ambassadeurs à la cause libertaire et Glauber était l’intellectuel du Tiers Monde qui possédait le plus grand prestige international40. »
36Le cinéaste lui-même prit la mesure de cet accueil. Dans une lettre adressée à Carlos Diegues, il décrivit avec enthousiasme le succès de Ganga Zumba, réalisé par ce dernier en 1963, ainsi que de Barravento et Deus e o diabo na terra do sol auprès du public cubain : « nos films sont sur les écrans à longueur de semaine, nos musiques passent toute la journée à la radio41. »
37De fait, Glauber Rocha jouissait d’un très grand prestige international en ce début des années 1970. Nombre de réalisateurs latino-américains voyaient en lui le principal idéologue du nuevo cine latinoamericano. Le cinéaste chilien Michel Littín, par exemple, avait repris le slogan « une idée dans la tête et une caméra à la main » dans un entretien réalisé à Cuba en juillet 1971, appelant les autres réalisateurs à suivre la proposition de Rocha, quelques mois avant son arrivée à Cuba42. En 1972, le Brésilien bénéficia directement de l’appui de l’ICAIC pour produire Histoire du Brésil, un documentaire en noir et blanc d’une durée totale de sept heures, monté à partir d’un collage de 47 extraits de films brésiliens conservés dans les archives de l’Institut, dans le but de synthétiser le « chaos brésilien ». Cependant, la structure difforme de l’œuvre, qui alternait des passages épiques, didactiques et allégoriques, déplut à Alfredo Guevara, qui fit retirer le nom de l’ICAIC du générique du film en décembre 1972, marquant ainsi la fin de la lune de miel entre le cinéaste brésilien et le gouvernement castriste [Paiva, 1996, p. 7 ; Pierre, 1996, p. 68].
38Outre la déception de Guevara, un autre facteur contribua à la montée des tensions entre Rocha et l’ICAIC en 1972 : le passage de L’esthétique de la faim (1965) à L’esthétique du rêve (1971) opéré par le réalisateur brésilien43. Dans ces deux manifestes, Rocha interroge le lien entre « l’art et la Révolution » et avance deux visions différentes du cinéma et de l’engagement politique dans le contexte latino-américain [Xavier, 1983]. Dans le premier, il affirme « notre originalité c’est notre faim et notre plus grande misère c’est que cette faim, tout en étant ressentie, n’est pas comprise » et poursuit en défendant une esthétique fondée sur l’idée que « la plus noble manifestation culturelle de la faim est la violence ». Dans L’esthétique du rêve en revanche, il abandonne la thématique de la violence au nom de l’irrationalisme perçu comme seule issue libératoire : « quand le rêve fait irruption dans la réalité, il devient une machine étrangère à cette réalité, une machine furieusement libératrice44. »
39Entre les lignes, Glauber revendiquait l’autonomie de l’art et affirmait son rôle d’avant-garde. Selon lui, l’artiste devait constater que « l’art marche devant la politique, [que] son pouvoir est plus fort et plus libre45 » et, en conséquence, créer un langage qui anticipât la réalité. On peut aisément imaginer l’impact de ces idées à Cuba, dans un contexte marqué par la montée des tensions entre les intellectuels et le gouvernement, par l’alignement sur le modèle soviétique en matière culturelle lors du premier Congrès pour l’éducation et la culture (23-30 avril 1971)46 et par la recrudescence de la censure dans le pays [Serrano, 1999].
40Les tensions observées entre L’esthétique du rêve et le contexte cubain traversaient également l’univers personnel du cinéaste, partagé entre, d’un côté, l’artiste, « libre créateur », et, de l’autre, l’intellectuel engagé, socialement exposé. Ismail Xavier a brillamment analysé toute l’ambiguïté du personnage de Paulo Martins, errant, à l’image de Rocha en quête d’un cinéma militant, sur « un chemin fait d’oscillations, d’accidents, de contradictions dans la conduite du peuple » [Xavier, 1993, p. 63]. La contradiction entre le rejet de l’art pédagogique et la volonté d’atteindre le grand public, soutenue par l’héroïsme tragique de celui qui, admirateur du Che, croyait à la transformation, mais assistait déjà aux dérives de la « révolution instituée », compose un tableau comparable à « l’expression de la désillusion » identifiée par Xavier dans Terra em transe.
41Désillusion et désenchantement sont peut-être les meilleurs termes pour définir l’état d’esprit de Rocha vis-à-vis du gouvernement cubain après une année de vie sur l’île. Au niveau des réalisations, ce séjour se solda également par un phénomène de déphasage, cette fois-ci entre les idées et la toile, le film inachevé História do Brasil étant l’œuvre la plus narrative de Rocha, la plus explicitement emprunte de la dialectique marxiste et la plus éloignée de L’esthétique du rêve. Cependant, le cinéaste brésilien n’ayant jamais cessé d’être un personnage pluriel, son séjour à l’ICAIC lui permit également de monter le film Câncer, tourné au Brésil en 1968, dont les objectifs affichés étaient l’expérimentation formelle, l’improvisation et « la mise à l’épreuve technique de la résistance du plan cinématographique pour le réalisateur ». L’analyse des films tournés après Câncer montre une certaine continuité de ce parti pris esthétique expérimental, qui se somma aux déclarations de Rocha, alors même qu’il développait des projets plus didactiques et moins osés sur le plan formel comme História do Brasil ou América Nuestra.
42La confrontation des films et des essais permet de constater les discontinuités entre les actions de faire et de penser le cinéma, dont les rythmes et les codes conservent une certaine indépendance. Dans son analyse des polémiques et des postures critiques défendues par le réalisateur au cours de sa vie, João Carlos Teixeira Gomes qualifie d’« opérationnelle » l’idéologie de Glauber Rocha, dont il montre que le rationalisme critique était traversé de « pulsions romantiques incontrôlables, nées de son idéalisme » [Gomes, 1997, p. 360] – une remarque que nous pouvons étendre à plusieurs cinéastes latino-américains47.
43Cependant, au-delà des idées, des projets et des angoisses partagés, cette génération de cinéastes latino-américains fut également parcourue de tensions et de pôles de divergence. Le dilemme entre l’expérimentation esthétique et l’engagement politique, sur les plans artistique et personnel, fut à l’origine de ruptures idéologiques, comme nous l’avons vu dans le cas de Guevara et Rocha. À cet égard, il convient de mentionner la communication intitulée Hora y momento del cine cubano (« Le jour et l’heure du cinéma cubain ») présentée par Gutiérrez Alea dans un séminaire de l’ICAIC en mai 1972, dans laquelle le réalisateur dénonçait les méfaits du « vedettariat » dans le milieu cinématographique. Au vu du contexte de l’époque et des antipathies suscitées par Rocha, nous pouvons supposer que le cinéaste brésilien était le premier visé par cette critique. Quelques années plus tard, alors qu’il avait opté pour un expérimentalisme bien plus radical et que ses films allégoriques suscitaient une réserve généralisée – non seulement en Amérique latine, mais aussi en Europe où la critique était pourtant plus généreuse avec le cinéma d’auteur –, Glauber Rocha, toujours prompt à déclencher la polémique, déclara s’être mis en quête d’un « cinéma magique » après avoir regardé des films cubains en 1971, notamment Los días dela agua (Les jours de l’eau) réalisé par Manuel Octavio Gomez sur un scénario de Julio García Espinosa et Una pela cubana dontra los demonios (Un combat cubain contre les démons) de Gutiérrez Alea.
44Au cours de cette période, Cuba fut la scène/le théâtre de ruptures d’ordres divers. Les désaccords entre Alfredo Guevara et Glauber Rocha coïncidèrent avec un mouvement de distanciation entre le gouvernement de Fidel Castro et la gauche brésilienne. En 1972, plusieurs événements contribuèrent au refroidissement des relations entre l’ALN et le gouvernement cubain. Outre les tensions qui étaient déjà apparues entre les différents groupes brésiliens qui suivaient un entraînement guerrier sur l’île, le resserrement des relations avec l’URSS conduisit les autorités cubaines à supprimer l’Organisation latino-américaine pour la solidarité48 et à renouer avec les partis communistes du sous-continent – donc à s’éloigner des autres organisations de gauche. Or, si Rocha n’entretenait de liens formels avec aucune structure partisane et clamait son indépendance tant politique qu’idéologique, son antipathie vis-à-vis du Parti communiste brésilien était notoire. Lors de son séjour sur l’île, un de ses compagnons favoris était d’ailleurs Itoby Alves Correa, un membre de l’ALN que l’ICAIC avait choisi pour devenir son assistant. Selon plusieurs témoignages, Rocha aurait alors défendu l’union des gauches contre la dictature [Gomes, 1997, p. 262 ; Ridenti, 2000]. Certes, son rapprochement avec l’ALN ne fut sans doute pas un facteur décisif dans sa rupture avec l’ICAIC. Cependant, il est probable que les tensions entre le gouvernement cubain et cette organisation contribuèrent au désenchantement du cinéaste et, au final, à sa décision de partir pour l’Europe.
45Par la suite, le réalisateur critiqua de manière de plus en plus directe le gouvernement de Fidel Castro et son positionnement idéologique. À la fin de la décennie, il était passé de l’appui inconditionnel de la révolution cubaine à l’admiration pour les généraux de « l’ouverture », Ernesto Geisel (1974-1979) et João Baptista Figueiredo (1979-1985), sans jamais oublier de clamer son indépendance politique, comme nous pouvons le voir dans l’extrait suivant :
« L’inquiétude des intellectuels cubains vient du fait qu’ils savent que je ne suis pas téléguidé […]. Mes leaders sont les généraux Geisel et Figueireido, point final. […] S’ils veulent aimer mes films, qu’ils les aiment. S’ils veulent les diffuser, qu’ils les diffusent. Mais je ne serai pas un pion de la politique étrangère cubaine. J’ai de sérieuses critiques à faire à la révolution cubaine ; Je respecte Fidel Castro, mais j’ai des critiques. Et les Cubains le savent […]. Je ne suis en aucune manière compromis avec La Havane. J’ai séjourné à Cuba à l’invitation de l’ICAIC, car le public aimait mes films, j’y suis allé en cinéaste49. »
46La décision de s’installer à Paris à la fin de 1972 mit un terme à l’alliance entre Glauber Rocha et Cuba, même si cet épisode continua à donner des fruits tout au long des années 1970 et 1980, à travers la cinématographie cubaine et les divers hommages rendus à la mort du réalisateur brésilien en 1981, dans le cadre du Festival del nuevo cine latinoamericano de La Havane et de la revue Cine Cubano50. Louée pour ses expérimentations esthétiques et ses aspirations libertaires, l’œuvre de Rocha servit alors de support à la protestation contre le dogmatisme imposé par les autorités cubaines en matière artistique. C’est du moins le sens de l’hommage rendu par Humberto Solás lors du Festival de La Havane de 1982 :
« Je ne peux pas comprendre qu’on utilise les formules d’un cinéma dont les résultats linguistiques ont surgi des conceptions les plus réactionnaires […] sous prétexte d’une opération politique de divulgation. […] Deus e o diabo na terra do sol ne fut pas un film grand public et, pourtant, c’est une des œuvres majeures de notre cinématographie51. »
47De même que Rocha oscilla entre des positions tour à tour officielles et marginales lors de son séjour sur l’île, son œuvre constitue aujourd’hui un motif de fierté pour la cinémathèque de l’ICAIC et une référence symbolique pour les jeunes cinéastes engagés dans la bataille pour l’ouverture démocratique et la liberté artistique.
48Ainsi, l’analyse de la relation entre l’ICAIC et Glauber Rocha permet d’identifier les points forts du débat sur le lien entre l’esthétique et le politique, qui engagea des cinéastes de toute l’Amérique latine dans les années 1960 et 1970. En effet, la relation se caractérisa par une forte ambiguïté dès les premiers contacts établis entre Guevara et Rocha. Soulignons tout d’abord que l’ICAIC était l’instrument d’une politique culturelle cubaine en théorie peu ouverte au formalisme esthétique, ce qui ne l’empêcha pas d’accueillir à bras ouverts un réalisateur « d’avant-garde » connu pour ses audaces esthétiques. L’alliance entre l’engagement et l’expérimentation doit être replacée dans le contexte du nuevo cine, auquel prirent part de nombreux réalisateurs latino-américains dont les films et les essais circulaient abondamment entre les différents États du sous-continent.
49De même que la relation entre l’ICAIC et Rocha achoppa et conduisit à une radicalisation politique et esthétique des deux parties en 1972, le nuevo cine éclata en de multiples projets spécifiques dans la seconde moitié des années 1970, après une courte période d’effervescence. Les mutations du contexte politique et le choix de nouvelles perspectives fondées sur la valorisation d’un cinéma « imaginatif », plus proche des drames individuels, du mysticisme et faisant une grande part à la subjectivité de l’auteur, contribuèrent à la reformulation des problématiques et des questionnements dans les milieux cinématographiques latino-américains. Les évolutions explicites de la pensée de Glauber trouvèrent alors des échos implicites dans la production de Gutiérrez Alea, comme l’indique la comparaison entre Las doce sillas et Una pela cubana contra los demonios de 1962 et 1971.
50Selon le spécialiste de cinéma Carlos Avellar, le cinéma contestataire céda la place à un cinéma « anthropophagique » en Amérique latine pendant les années 1970, caractérisé par l’exploration de l’absurde sur un mode allégorique. Au Brésil, des films comme Macunaíma de Joaquim Pedro de Andrade (1969) ou Como era gostoso meu francês (Qu’il était bon mon petit français) de Nelson Perreira dos Santos (1971) constituent de parfaits exemples de cette tendance, dont on trouve également des échos en Argentine avec Org de Fernando Birri (tourné entre 1967 et 1978) et à Cuba avec Los sobrevivientes (Les survivants) de Gutiérrez Alea (1978).
51Au-delà des nuances que le cinéma latino-américain acquit au cours de cette période, il nous semble indispensable de penser les connexions établies entre les personnes et les idées, les alliances et les ruptures qui tissent la toile d’une génération de réalisateurs, pour écrire son histoire. Accompagner chaque fil de cette toile, chaque cinéaste dans ses quêtes individuelles et collectives, est un travail dont les résultats nous en apprendront beaucoup sur les vicissitudes d’une Amérique latine construite de confrontations, d’utopies et de rendez-vous manqués.
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Notes de bas de page
2 Pour une approche générale du projet porté par le nuevo cine latinoamericano, voir Ignacio del Valle Dávila [2014].
3 Littéralement la « Grande Patrie ».
4 Le réalisateur brésilien s’était exclamé : « Nous ferons nos films quoi qu’il en soit […] avec une idée en tête et une caméra à la main pour capter le vrai mouvement du peuple ». Cf. Jornal do Brasil, supl. dominical, Rio de Janeiro, 12/08/1961.
5 Littéralement, les « photos documentaires », le « cinéma urgent » et le « cinéma populaire ».
6 L’expression tercer cine (littéralement, « tiers cinéma » au sens de cinéma du tiers-monde) est employée pour la première fois par Solanas en 1969 dans un article paru à l’occasion de la sortie du film La hora de los hornos (L’Heure des brasiers). Il y défendait un cinéma « à la mesure de l’homme nouveau », « un cinéma-action » ayant pour objectif la « décolonisation de la culture ». Cf. Fernando Solanas, « Hacia un tercer cine », Cine Cubano, La Havane, n° 56/57, mars 1969.
7 Le concept de « cinéma imparfait » est explicité par le réalisateur dans un article de 1970 : Julio Garcia Espinosa, « Por une cine imperfecto », Hablemos del Cine, Lima, n° 55-56, sept.-déc. 1970.
8 Cf. Fernando Birri, « Apuntes sobre la “Guerra de guerillas” del nuevo cine latino-americano », Ulisses, Roma, 1968 [cité dans Avellar, 1995, p. 101].
9 Fernando Birri, La escuela documental de Santa Fé, Santa Fé, Universidad Nacional del Litoral, s.d. p. 19.
10 Fernando Solanas, « Hacia… », op. cit., p. 118.
11 Lettre de Glauber Rocha à Alfredo Guevarra, 03/11/1967 [reproduite dans Bentes, 1997, p. 303-306].
12 Glauber Rocha, « Experiência Barravento : confissão sem moldura », Diário de Notícias de Salvador, Salvador de Bahia, 25-6/12/1960 [cité par Avellar, p. 79]. Le réalisateur vouait également une profonde passion à Che Guevara, qu’il considérait comme « un vrai personnage moderne […] un vrai héros épique » [Gomes, 1997, p. 245].
13 La correspondance entre Glauber Rocha et Alfredo Guevara débuta en 1960 et dura jusqu’à 1979. La majeure partie de ces lettres a été publiée dans Luis Ernesto Flores (dir.), Un sueño compartido. Alfredo Guevara – Glauber Rocha, La Havane/Madrid, Fundación del Nuevo Cine Latinoamericano/Iberautor, 2002.
14 Littéralement, « Société culturelle notre temps » (NDLT).
15 En France, ce texte parut initialement sous le titre « Esthétique de la violence » dans Positif, Paris, n° 73, février 1966 (NDLT).
16 Glauber Rocha, Révision critique du cinéma brésilien, La Havane, Ediciones ICAIC, 1965.
17 Glauber Rocha proposa de prendre en charge personnellement la quasi-totalité des coûts de production, au moyen de l’argent gagné avec la vente de Deus e o diabo na terra do sol et Terra em transe (« Terre en transe ») aux États-Unis – soit 30 000,00 dollars. L’ICAIC se chargerait du montage et de la bande sonore du film qui serait ensuite lancé en Uruguay, où la censure était alors moins rigide [Paiva, 1996, p. 6]. Cf. Lettre de Glauber Rocha à Alfredo Guevarra, Rome, 01/08/1967 [reproduite dans Bentes, 1997, p. 291].
18 Dans une lettre adressée à Alfredo Guevara le 21 novembre 1962, Rocha affirmait : « Je pense réaliser un grand film sur l’Amérique latine dont le plan initial serait América Nuestra. […] Un film de trois ou quatre heures qui se terminerait par l’évocation de la Cuba socialiste, en guise d’épilogue, un exemple vivant pour les opprimés et les exploités » [Flores, 2002, p. 49-50].
19 Lettre de Glauber Rocha à Alfredo Guevara, Paris, 03/11/1967 [citée dans Avellar, 1995, p. 9].
20 [cité dans Bentes, 1997, p. 38]. À cette époque, les discours de dirigeants révolutionnaires et les articles sur l’importance de l’art engagé et sur la nécessité de créer un nouveau style de réalisme socialiste proliféraient à Cuba [Aguirre, 1987 ; Furhammar et Isaksson, 1976].
21 Ernesto Che Guevara, Message à la tricontinentale, La Havane, avril 1967. La hora de los hornos est une séquence de 26 courts-métrages réalisés avec du matériel amateur d’une durée totale de quatre heures. En Argentine, les projections clandestines du film étaient suivies de débats avec la salle, dans la lignée du cine-acción. Selon Fernando Birri, ce film fut réalisé sous le régime militaire « avec une caméra dans une main et une pierre dans l’autre » [Avellar, 1995, p. 159, 170].
22 Selon une formule empruntée à Régis Debray dans ¿Revolución en la revolución?, La Havane, Casa de las Américas, 1966.
23 Fidel Castro, Palabras a los intelectuales, La Havane, Conseil national de la culture, 1961.
24 Cf. N. Masson, « Cinema brasileiro tem I Semana em Moscou », Jornal do Brasil, Rio de Janeiro, 27/11/1967.
25 Tomás Gutiérrez Alea, « Memorias del Subdesarrollo. Notas de trabajo », Cine Cubano, La Havane, n° 45/46, août 1967, p. 19-26.
26 En français dans le texte (NDLT).
27 Inversement, Che Guevara était une des personnalités les plus admirées par Glauber Rocha et une figure récurrente du cinéma latino-américain de cette période [Rosário, 1997, p. 23-36].
28 Rocha fit d’ailleurs l’éloge de ce film. Cf. Lettre de Glauber Rocha à Alfredo Guevara, Rome, septembre 1973 [reproduite dans Bentes, 1997, p. 465].
29 Julio García Espinosa, « Por un cine imperfecto », Hablemos del cine, Lima, n° 55-56, sept.-dec. 1970 [cité dans Avellar, 1995, p. 209].
30 Lettre de Glauber Rocha à Alfredo Guevara, Paris, 03/11/1967. Cette lettre fut publiée dans Cine Cubano, La Havane, n° 101, 1982, p. 13-35 [Avellar, 1995, p. 179].
31 Julio García Espinosa, « En busca del cine perdido », Cine Cubano, La Havane, n° 69-70, mai-juillet 1971, p. 27 [Avellar, 1995, p. 186].
32 Ce texte d’Alea fut diffusé par l’ICAIC dans une édition miméografiée en 1980, puis publié par la Unión de Escritores y Artistas de Cuba en 1982, dans la collection Cuadernos de la revista Unión, avant d’être édité par la Federación Editorial Mexicana en 1983 [Avellar, p. 312 ; Oroz, 1985].
33 Paulo Perdigão, « Ficha Filmográfica », in Glauber Rocha, Deus e o diabo na terra do sol, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1956, p. 67 [cité par Gomes, 1997, p. 433].
34 Entretien avec Glauber Rocha, cité par Júlio García Espinosa dans « Instruciones para hacer un film en un país subdesarrollado », Hojas de cine, testimonios y documentos del nuevo cine latinoamericano, Mexico, Ed. da Secretaria de Educación Publica/Universiad Autonoma Metropolitana y Fundación Mexicana de Cineastas, 1988, vol. 3.
35 Petite guitare d’origine portugaise dont le nombre de cordes varie de cinq à quatorze selon les régions (NDLT).
36 Lettre de Glauber à l’ICAIC, 12/03/1972. Dans cette lettre composée de 12 feuillets, Glauber expose ses vues sur le cinéma latino-américain et présente un projet de film [Gomes, 1997, p. 433 ; Sarno, 1995, p. 95].
37 Interview de Glauber Rocha par Miguel Torres, publiée dans : Cine Cubano, La Havane, n° 60-61-62, 1970 [cité dans Avellar, 1995, p. 88-90].
38 Le général Emílio Garrastazu Médici (1905-1974) assuma la présidence du Brésil en octobre 1969 et gouverna jusqu’à sa mort en mars 1974. Cette période, connue au Brésil comme « les années de plomb », fut la plus répressive du régime militaire [Napolitano, 2009, p. 33-51].
39 Entretien avec Glauber Rocha [cité dans Gerber, 1977, p. 35].
40 « A carta bomba de Glauber », Folha de São Paulo, Caderno Mais, São Paulo, 05/05/1996, p. 7.
41 Lettre de Glauber Rocha à Carlos Diegues, La Havane, 1971 [reproduite dans Bentes, 1997, p. 49].
42 Cuba Internacional, La Havane, juillet 1971 [cité par Avellar, 1995, p. 165].
43 Le texte Esthétique du rêve fut présenté par Glauber Rocha aux étudiants de l’université de Columbia en janvier 1971 et reproduit dans : Glauber Rocha, Revolução do cinema novo, Rio de Janeiro, Alhambra/Embrafilme, 1981.
44 Texte de présentation de Cabezas Cortadas écrit en juillet 1970, diffusé lors du XVIIIe Festival international de cinéma de San Sebastián, et, publié sous forme de feuilleton au Brésil en 1978, après la levée de la censure qui pesait sur le film [cité par Avellar, 1995, p. 81].
45 Entretien de Glauber Rocha avec Jaime Saruski, La Havane, 1972, publié en 1985 : « A última entrevista de Glauber em Cuba », Folha de São Paulo, São Paulo, 12/02/1985 [cité dans Avellar, 1995, p. 114].
46 Réalisé à La Havane, le Congrès fut suivi par l’adoption de mesures de représailles contre les artistes et les intellectuels comme l’auto-confession, dont le procès Padilla constitua un cas exemplaire, et la cassation généralisée connue sous le nom de « paramétrage ».
47 Dont les principaux représentants du nuevo cine comme Fernando Birri, Fernando Solanas, Tomás Gutiérrez Alea, Julio García Espinosa, Miguel Littín et Jorge Sanjinés.
48 Réunie pour la première fois à La Havane entre le 31 juillet et le 10 août 1967, la OLAS rassemblait des organisations politiques latino-américaines de gauche affiliées au gouvernement cubain. Cette initiative, qui eut peu de résultats concrets, répondait à la politique internationale de soutien aux mouvements de guérillas dans le Tiers-Monde définie l’année antérieure lors de la Conférence Tricontinentale, également réalisée à La Havane [Moniz Bandeira, 2009, p. 587-604].
49 Interview de Glauber Rocha par Maria do Rosário Caetano et Eclison Tito, Jornal do Brasil, 21/01/1979 [cité dans Caetano, 1997, p. 88].
50 Alfredo Guevara organisa un numéro spécial de la revue en hommage à Rocha. Cine Cubano, La Havane, n° 101, 1982.
51 Humberto Solas, « Alrededor de una dramaturgia cinematográfica latinoamericana », Cine Cubano, La Havane, n° 105, 1983, p. 46-49.
Auteurs
ORCID : 0000-0002-1454-5461
Mariana Villaça est professeure d’histoire à l’université fédérale de São Paulo (campus de Guarulhos). Elle coordonne le Laboratorio de Pesquisas de Historia das Américas (LAPHA) et participe aux groupes « Histoire et audiovisuel » et « Cinéma latino-américain » du Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico (CNPq). Ses travaux portent sur les rapports entre art et politique, le tropicalisme et le cinéma engagé en Amérique latine dans le second xxe siècle (Brésil, Cuba, Uruguay). Elle a notamment publié Polifonia Tropical (São Paulo, Humanitas, 2004) et Cinema Cubano: Revolução e Política Cultural (São Paulo, Alameda, 2010).
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