Coupe à la garçonne. Une sensibilité féminine au sein du modernisme brésilien
p. 81-106
Texte intégral
1Ample mouvement d’idées, le modernisme brésilien ne se limita pas au champ des lettres et des arts, mais toucha également aux domaines de la pensée, de la culture, des sensibilités et des comportements. La vie en société s’en trouva modifiée, de même que fut réévaluée l’image du pays et de sa position sur la scène internationale. La mutation du regard porté sur le processus de colonisation et sur la formation de la nation constitua, sans doute, l’une des manifestations les plus sensibles des changements imposés par la culture moderniste. Alors que le Brésil entretenait traditionnellement un « âpre dialogue avec le Portugal » [Cândido, 1965] teinté d’amertume et de ressentiment, le ton de la critique bon enfant s’imposa dans les écrits évoquant l’ancienne métropole à partir des années 1920. Le poète Oswald de Andrade, figure de proue du modernisme paulista1, recréa ainsi, avec un sens de l’humour certain, les bases fondatrices de la nationalité :
Quand le Portugais est arrivé
Sous une pluie battante
Il habilla l’Indien
Quel dommage !
S’il avait fait beau
L’Indien aurait congédié
Le Portugais2.
2L’acte de se vêtir et de se dénuder offre des pistes fécondes pour penser les fondements de la culture brésilienne. En faisant du vêtement un masque civilisateur, le poème joue sur différents registres qui imprègnent le quotidien brésilien. Ce sont ces niveaux de sens, révélateurs d’un imaginaire en pleine mutation, que nous souhaitons analyser dans cet article.
3L’émergence d’une sensibilité moderniste au Brésil doit être comprise comme le résultat d’un processus complexe, mettant en jeu des temporalités et des espaces distincts, courant sur plusieurs générations intellectuelles et différentes cultures régionales. En effet, le modernisme brésilien ne fut pas un mouvement monolithique et ne se structura pas exclusivement autour de la Semaine d’Art moderne organisée à São Paulo en 1922. Pour retracer la genèse du mouvement, il convient de prendre en compte non seulement le rôle des intellectuels paulistas, mais aussi de la « génération de 1870 », qui vit le jour dans le sillage de l’école de Recife3 et s’engagea dans le combat abolitionniste et républicain, et du groupe des intellectuels et artistes « bohèmes » de Rio de Janeiro au tournant du xxe siècle4. Ceux-ci investirent, de différentes manières, passions et énergies créatrices pour l’avènement d’un temps nouveau. Certains revendiquèrent les idéaux scientistes et positivistes, d’autres parièrent sur une mutation radicale des valeurs qui soutenaient l’ordre politique et social traditionnel, d’autres encore se consacrèrent à la création de nouvelles formes esthétiques capables d’exprimer les ambiguïtés de la modernité.
4Pourtant, la majorité des études sur le modernisme demeurent empreintes d’une vision très traditionnelle de ce mouvement intellectuel et artistique, bien que leurs auteurs s’en défendent. L’historiographie privilégie encore souvent les grandes dates, les réalisations et les icônes du modernisme au risque de procéder à une lecture univoque et de perdre de vue la multiplicité de ses origines et de ses manifestations. Le modernisme brésilien ne doit pas être pensé comme un événement, mais bien comme un processus ancré dans l’espace, dans le temps et dans une réalité sociale donnée, avec des spécificités et des effets multiples. L’un des principaux défis auxquels est confronté l’historien du culturel est précisément d’évaluer la portée sociale d’une histoire des émotions, des sentiments et des passions. Pour cela, il faut travailler sur la connexion entre l’univers privé du sensible et le système complexe des appartenances sociales ; sur la manière dont les émotions modifient les attitudes et les comportements ou initient des formes inédites de mobilisation sociale. Mais l’historien doit aussi s’ouvrir à d’autres disciplines. Au Brésil, le dialogue interdisciplinaire connut un développement majeur dans les années 1970, grâce à une génération d’hommes de lettres formée autour de Luis Costa Lima, Silviano Santiago, Alfredo Bosi et Antônio Cândido. Ces intellectuels brisèrent les moules historiographiques de l’époque et apportèrent un regard novateur sur la culture brésilienne en rejetant dos-à-dos les défenseurs d’une « critique interne » et les partisans d’une « lecture externe » des œuvres d’art5. Afin de dépasser la dichotomie traditionnelle entre les spécialistes des sciences sociales (approche contextuelle) et les hommes de lettres (analyse formelle), ils avancèrent la notion de « transfiguration », selon laquelle, entre le monde et l’œuvre, l’auteur effectuerait un travail d’interprétation subjective de la réalité historique6.
5Ce dialogue entre l’histoire et la littérature s’est avéré extrêmement fructueux pour l’interprétation du modernisme brésilien, notamment pour l’étude des temporalités. Réévaluer la « tradition de la rupture [Santiago, 1989] » suppose, en effet, de comprendre que ce n’était pas exactement la rupture avec les traditions qui était en jeu dans le mouvement brésilien. Si pour les pays européens la rupture fut un élément essentiel, la modernité a pu se lire autrement au Brésil, comme un mélange ambigu de valeurs, capable d’allier les traditions les plus anciennes aux audaces de l’avant-garde7. Le modernisme brésilien mêla, en effet, un expérimentalisme radical à des visions héritées du romantisme, du spiritualisme et du symbolisme. La foi aveugle dans le progrès social et le développement scientifique et technologique coexista avec une pensée critique de la modernité. Les acteurs sociaux ne vécurent pas le moderne de la même manière et il faut tenir compte de ces différentes modalités d’être au monde [Pesavento, 2007] pour comprendre les singularités du mouvement moderniste brésilien – qui ne saurait se résumer à un petit nombre de figures canoniques.
6Notre travail sur les configurations de la sensibilité moderniste brésilienne s’inscrit dans cet héritage intellectuel, aux confins de l’histoire et de la littérature. Nous avons analysé, au cours de précédents travaux, diverses manifestations de la sensibilité moderniste brésilienne, des correspondances intellectuelles à la pratique de la danse et aux différents modes d’expression corporelle [Velloso, 2008, 2008b]. Aujourd’hui, nous souhaitons analyser les connexions entre le monde de l’intime et l’univers social, établies au moyen des dispositifs matériels de la communication. Comment l’univers secret des émotions, lorsqu’il se traduit en idées et en pratiques, imprime-t-il d’autres visages au quotidien ?
7Pour tenter de répondre à cette question, nous avons choisi d’étudier la trajectoire d’un personnage demeuré dans l’ombre de la mémoire : Eugênia Moreira (1898-1948). Femme, journaliste et poète, actrice et militante du Parti communiste brésilien (PCB), cette dernière joua un rôle de premier plan dans les sociabilités modernistes de Rio de Janeiro et de São Paulo. Coiffée à la garçonne, portant des vêtements à la mode et fumant le cigare en public, elle composa une figure résolument moderne de la femme brésilienne, suscitant enthousiasme et critiques.
De nouvelles sociabilités
8Dans le Brésil des années 1920, des artistes comme Tarsila do Amaral8, Anita Malfatti9, Oneyda Alvarenga10, Zita Aita11 et Pagú12 partagèrent une certaine conception de l’acte artistique et participèrent au débat portant sur les valeurs et les idées qu’il pouvait véhiculer. Toutes ou presque furent les correspondantes et les confidentes de Mário de Andrade, auquel elles firent part de leurs émotions, critiques et opinions. Pourtant, cette présence de la subjectivité féminine dans la culture du modernisme brésilien et les pratiques sociales qui en découlent n’ont pas encore été étudiées à leur juste mesure. Le renforcement des liens de sociabilité entre hommes et femmes constitua, en effet, une véritable innovation du modernisme et favorisa l’émergence de formes de mixité inédites dans la société brésilienne du début du xxe siècle.
9Comme le rappelle Alain Corbin, le défi qui se présente à l’historien des sensibilités est d’évaluer le degré d’indépendance de l’individu par rapport au groupe auquel il appartient [Corbin, 2000]. Tenir compte de la subjectivité des êtres doit permettre à l’historien d’éviter l’écueil encore trop fréquent qui consiste à considérer l’individu uniquement comme le porte-parole d’un ensemble et d’offrir une vision plus complexe des phénomènes sociaux. Dans la société patriarcale brésilienne, les mondes des hommes et des femmes étaient nettement séparés, mais certains individus tentèrent de transcender ces frontières, ouvrant la voie à de nouveaux comportements et formes de sociabilité.
10À São Paulo, Mário de Andrade, Oswald de Andrade, Menotti Del Picchia13, Tarsila do Amaral et Anita Malfatti formèrent ainsi le « Groupe des Cinq ». Selon Anita Malfatti, l’émergence de ce collectif ouvrit la période la plus intense de sa vie : « en une semaine naiss[aient] des livres, les portraits se succéd[aient], les réunions et les fêtes s’enchaîn[aient], mêlant joie d’être ensemble et création artistique. […] On n’arrêtait pas de travailler, dans une ambiance qui créait de la joie de vivre14 ». La peintre représenta cet état d’esprit décontracté dans un dessin intitulé Le Groupe des Cinq15. On y voyait Mário de Andrade et l’artiste, assis côte à côte et jouant du piano ; Tarsila de Amaral allongée sur un sofa, la tête sur un oreiller. Sur le tapis, s’étiraient Menotti Del Picchia et Oswald de Andrade. Ces hommes et ces femmes partageaient une même identité artistique, ce qui constitua pour le groupe un puissant facteur de cohésion et de stimulation face à l’expérience de la modernité.
11Au sein du mouvement moderniste de Rio de Janeiro, des femmes participèrent également à la convivialité quotidienne des circuits bohèmes, des cafés littéraires et des fêtes populaires. Demi-mondaines, cocottes, divettes, midinettes16, courtisanes, prostituées ou actrices : elles évoluaient dans l’univers des marges, suscitant fascination et rejet parmi les hommes et les femmes de la bonne société carioca. Fréquemment associées à la prostitution – comme l’indique l’emploi des expressions françaises – elles contribuèrent également à l’émergence d’une nouvelle sensibilité urbaine qui constitua un des terrains de prédilection du modernisme brésilien [Velloso, 1996 ; Moraes, 2009].
12Actrice, militante politique, épouse et mère, Eugênia Moreira joua un rôle de premier plan dans ces mutations. Sa trajectoire illustre de manière emblématique les circulations complexes entre les sphères publique et privée. Avec son mari, le journaliste Àlvaro Moreira, elle participa activement au mouvement moderniste de Rio de Janeiro et tissa des liens avec les intellectuels paulistas17. Toutefois, le couple n’a suscité que depuis peu l’intérêt des historiens brésiliens dont l’attention s’est portée en premier lieu sur l’homme, Àlvaro Moreira. En comparaison, Eugênia Moreira fait figure de personnalité oubliée [Lins, 1992].
13Lors de recherches initiales sur Google, nous avons pu constater qu’elle n’apparaissait sur la toile uniquement comme l’épouse de ce dernier. Pourtant des photographies, des cartes, des articles de journaux, de nombreux témoignages et documents d’archives montrent qu’Eugênia Moreira joua un rôle social qui dépassa son statut d’épouse et que ses écrits, comme son art déclamatoire, ouvrirent la voie à l’expression d’un « modernisme lyrique » au Brésil, qui n’est pas sans rappeler l’action menée par Virginia Woolf en Angleterre. Écrivain et poète. Elle réalisa des traductions et des lectures d’auteurs russes – notamment, Tolstoï, Dostoïevski et Tchekhov – pour la Rádio Club do Brasil.
14Outre ses activités artistiques, Eugênia Moreira s’engagea en politique. Elle participa activement à la campagne en faveur du suffrage féminin dans les années 1920, avant de rejoindre les rangs de l’Alliance nationale de libération18 et de devenir une militante active du PCB. En 1935, elle participa à la fondation de l’Union Féminine du Brésil, qui rassemblait des femmes sympathisantes ou militantes du Parti. En 1945, elle prononça un discours lors du grand rassemblement organisé par le PCB dans le stade Vasco de Gama, suite à la légalisation du Parti et à la libération de son leader historique Luiz Carlos Prestes19. Après la chute de l’Estado novo, elle présenta sa candidature comme députée fédérale à la constituante de 1946.
15Au-delà de sa trajectoire artistique et de son engagement militant, Eugênia Moreira construisit également un personnage spécifique : par sa manière de parler et de se mouvoir, par l’attention portée aux différents accessoires de sa garde-robe, elle contribua à définir la « femme moderne » – selon l’expression utilisée par la presse de l’époque pour stigmatiser la présence féminine dans un espace public traditionnellement réservé aux hommes. Mais quelles représentations Eugênia Moreira donna-t-elle de son personnage ? Quelles en furent les répercussions sociales ? Comment ces images furent-elles réélaborées dans les caricatures et les écrits d’autres auteurs, au regard du débat sur le rôle des femmes qui parcourait alors la société brésilienne ? Telles sont les interrogations qui ont guidé notre travail. Afin d’y répondre, nous sommes parties d’une observation de Michelle Perrot selon laquelle, dans la culture judéo-chrétienne, l’image de la femme se caractériserait en premier lieu par un ensemble d’apparences, un imaginaire spécifique dans lequel se distinguent le visage et le corps, nu ou vêtu [Perrot, 2006].
« Ce qu’il y a derrière une frange agressive »
16Avant la Première Guerre mondiale, de fortes aspirations au changement s’exprimèrent dans des domaines aussi variés que l’art, la mode, la sexualité, la politique ou la condition féminine. Selon la romancière Virginia Woolf, l’année 1910 fut déterminante dans l’évolution des rapports sociaux, que ce fût entre patrons et employés, maris et femmes, parents et enfants [Bradbury, McFarlane, 1989]. Au Brésil, l’ensemble de ces mutations marquèrent fortement la vie d’Eugênia Moreira.
17Née à Juiz de Fora, dans l’État de Minas Gerais, le 6 mars 1898, fille unique d’Armindo Gomes Brandão et de Maria Antonieta Armond Brandão, Eugênia Moreira était la petite-fille du Baron de Pitangui20. À la mort de son mari, pressée par les difficultés financières, sa mère se rendit à Rio de Janeiro pour trouver un emploi. À quinze ans, Eugênia Moreira devint ainsi vendeuse dans le grand magasin de tissus et de confections Parc Royal, situé sur le largo do Machado, dans le centre élégant de la capitale – bénéficiant ainsi des nouvelles opportunités de travail offertes aux femmes des classes moyennes avec l’ouverture des grands magasins. Assez vite, cependant, elle quitta l’univers des modistes pour la librairie Freitas Bastos, dont l’immeuble dominait le largo da Carioca, une des places les plus fréquentées du centre-ville. Grâce à ce nouvel emploi, la jeune femme eut accès aux ouvrages nationaux et étrangers et développa une passion pour la littérature et le théâtre. Dès l’âge de 16 ans, elle eut l’occasion d’exercer sa plume dans les colonnes du quotidien carioca Última Hora. Selon un article publié en 1914 dans ce même journal, l’arrivée de la jeune femme fit une forte impression sur la rédaction [Cotrim, 1979]. L’état de la documentation ne permet pas d’établir avec certitude si elle fut réellement employée comme journaliste par le quotidien, mais sa présence – féminine dans un espace occupé quasi exclusivement par des hommes – suffit à provoquer la surprise des chroniqueurs et des lecteurs.
18À l’époque, la division sexuelle des métiers et des espaces était très marquée au Brésil. Selon la législation de 1916, la responsabilité de la famille revenait aux deux conjoints, mais selon un partage strict : la sphère publique relevait du mari, tandis que la sphère privée incombait exclusivement aux femmes. Pour travailler, la femme avait besoin du consentement de son mari et, le plus souvent, quand elle exerçait un emploi, celui-ci devenait une extension du domicile : les femmes de la classe moyenne étaient infirmières, professeures, secrétaires ou téléphonistes, un ensemble de métiers qui renvoyait aux fonctions de soin, d’éducation ou d’organisation censées caractériser la femme dans la tenue de son intérieur et de sa famille. Cette séparation en fonction du genre, qu’elle se fît au travers de normes juridiques ou des habitudes, influença profondément la formation des identités sociales [Mott et Maluf, 1998]. En entrant sur le marché du travail à Rio en 1913, Eugênia – qui ne s’appelait pas encore Moreira – intégra donc le cercle restreint des « femmes modernes ». Dotée d’un comportement décontracté et joyeux, elle attirait l’attention par sa manière de s’habiller. À seize ans elle avait adopté la mode européenne, portait veste, cravate, pantalons et petit chapeau en feutre ; et appréciait surtout la compagnie des intellectuels et artistes bohèmes [Almeida, 2008]. Au moment de sa mort, c’est cette image que retint d’elle Oswald de Andrade : « Eugênia, déclara-t-il, était l’incarnation d’une époque. Ce qu’elle cachait derrière sa frange agressive de cheveux noirs, sa manière spéciale de s’habiller, son sourire de défi, nous le savons désormais » [Moreira, 1954, p. 257]. Dans ce court extrait, le poète évoque les principaux éléments du personnage de la femme moderne et avant-gardiste qu’incarna Eugênia Moreira : une coupe de cheveux à la garçonne, une garde-robe très spéciale et le défi, constant, porté à l’ordre établi.
19Au sein de la culture moderniste, la coupe de cheveux de la femme était bien plus qu’un attribut physique : perçue comme un véritable révélateur de personnalité, elle devint le symbole d’une sensibilité et de valeurs particulières. Cette lecture, qui faisait de l’aspect physique des personnes une forme de code comportemental, est caractéristique de la culture de la modernité. Au milieu du xixe siècle, les codes d’évaluation et d’interprétation du monde commencèrent à changer. Alors qu’il était auparavant postulé que l’univers était régi par le principe de transcendance présent dans la nature, un déplacement de valeurs s’opéra : l’immanence gouvernait et donnait désormais sens à la vie en société. Objets et personnes furent, en conséquence, observés avec une grande attention. En effet, dans un monde régi par l’immanence, on assiste à la multiplication des signifiants. Pour Richard Sennet, c’est dans ce contexte que l’ordre public en vint à être vécu comme une imposition sociale, mettant à nu l’individu et l’exposant, constamment, au regard de l’autre [Sennet, 1979]. Traits physiques, garde-robe, comportements acquirent une connotation psychologique, que l’on s’évertuait à déchiffrer.
20On comprend mieux dès lors les interrogations suscitées par la coupe de cheveux d’Eugênia Moreira : qui pouvait bien se cacher derrière cette frange agressive de cheveux noirs ? L’interrogation d’Oswald de Andrade ne lui était pas propre. Il n’était pas seul à chercher ce qui se trouvait derrière le « masque » des individus : toute la société s’en préoccupait.
21Les caricatures publiées dans les hebdomadaires illustrés constituèrent un haut lieu de cet exercice de déchiffrement. Fondée en 1898 à Rio de Janeiro, la revue Mercúrio possédait même une rubrique spéciale, intitulée « Charades physionomiques. Trouver les propriétaires », dans laquelle le lecteur était invité à retrouver le nom de personnalités publiques à partir de la description de certains de leurs traits physiques [Mott et Maluf, 1998]. En général, ces personnalités appartenaient à l’univers masculin. L’entrée de la femme dans le circuit de la caricature fut consécutive à son admission dans l’espace public. Des codes précis régissaient sa présence : ils se référaient à des parties spécifiques de son corps dans la sphère publique. Symbole de féminité et condensé du pouvoir séducteur des femmes, le cheveu devint un des éléments centraux de la discussion comme en témoigne la caricature « Cheveux courts » publiée dans la Revista Feminina21 en décembre 1914. Le dessin représentait une série de coupes de cheveux courtes censées incarner les différents types de femmes modernes. Parmi celles-ci, on distinguait : la coquette22, l’écrivain, la sculptrice, la mélomane, la laide, l’habituée23 des bals, la femme de lettres, la sportswoman, la dactylo, l’étudiante et la poétesse qui portait une coupe à la garçonne, visiblement inspirée d’Eugênia Moreira. La légende, au bas de la caricature, l’identifiait de la sorte : « Elle est en train de terminer un poème colossal qui s’appellera : où est ta pudeur, ô toi l’endiablée ? Elle s’est coupé les cheveux pour être plus inspirée. » Au Brésil, la coupe à la garçonne fut l’objet de critiques acérées. Les femmes qui l’adoptèrent furent taxées de manque de pudeur et souvent qualifiées d’« endiablées » voire de « petites diablesses ». Pourquoi tant de polémiques autour d’une simple coupe de cheveux ?
22L’histoire de la pilosité est longue, mais n’a intégré que très récemment le champ des études universitaires. Parmi les travaux pionniers, on peut citer les recherches de Christian Bromberger et les réflexions menées par Georges Vigarello dans le cadre d’une histoire du corps et de la beauté [Vigarello, 2004 ; Bromberger, 2005]. Ces auteurs analysent le processus de construction et de sédimentation des rôles sociaux attribués au féminin et au masculin. Ils cherchent à comprendre comment ceux-ci furent naturalisés au point que soient gommées leurs origines sociales. L’association du féminin à l’univers de l’intime, identifié à la protection, et du masculin à la sphère publique, associée à l’exposition, est ancienne. Dans l’Épître aux Corinthiens, Saint Paul affirmait déjà que les femmes devaient se couvrir pour prier, tandis que les hommes devaient retirer leur couvre-chef. Il rappelait, en outre, que, si porter les cheveux longs était déshonorant pour les hommes, la chevelure de la femme était une gloire qui lui servait de voile protecteur. La hiérarchie ecclésiastique consolida cette tradition en faisant de la barbe un signe de pouvoir, de courage et de force, et en assimilant les cheveux féminins au registre de la séduction. Attacher ses cheveux en public et les lâcher dans le cadre de l’intimité conjugale fut une coutume observée par les femmes dans la tradition occidentale chrétienne [Bromberger, 2005]. Les cheveux devinrent ainsi l’objet d’une codification sociale mais aussi morale. Rien d’étonnant dès lors à ce que le sujet ait provoqué des polémiques passionnées quand s’affirma une nouvelle féminité au début du xxe siècle. Les revues féminines brésiliennes, qui associèrent fréquemment la question de l’émancipation des femmes et la coupe à la garçonne d’Eugênia Moreira, s’inscrivaient dans cette perspective. Courts, les cheveux devinrent symboles de liberté et de rupture avec l’ordre établi à l’échelle internationale [Bromberger, 2005]. Les étudiantes russes de la Faculté de Médecine furent les premières à adopter les cheveux courts entre 1870 et 1880. Pendant la Commune de Paris, Louise Michel, poète, écrivain et anarchiste se coupa aussi les cheveux pour mener le combat. Cependant, la signification des cheveux courts n’était pas dépourvue d’ambiguïté et varia également d’une situation à l’autre, allant des idéaux de libération politique et morale à l’affirmation d’une androgynie ou d’une extrême féminité.
Garçonne : une nouvelle sensibilité féminine
23En 1922, le roman éponyme de Victor Margueritte mettait en scène le personnage de la garçonne à travers le portrait de Monique Lerbier et l’évocation de ses frasques amoureuses. Androgyne, symbole de la modernité et de la libération des mœurs, dénonçant avec force l’hypocrisie des valeurs bourgeoises, la garçonne exerça une véritable fascination dans la France des Années folles – dont le succès du livre, vendu à près d’un million d’exemplaires entre 1922 et 1929, constitue un témoignage parmi d’autres. Les « garçonnes », à la coupe et la silhouette singulières, vêtues d’un tailleur, portant cravate et fumant le cigare, occupaient alors un espace particulier sur la scène publique, féminisant et glamourisant le masculin. La chanson et la caricature, la photographie et, plus tard, le cinéma, s’emparèrent de cette nouvelle sensibilité féminine, caractérisée par une beauté agile, lucide et surtout joyeuse. Célébrée en Europe et aux États-Unis, la garçonne franchit également l’équateur et gagna les pays d’Amérique latine au cours des années 1920, où elle devint synonyme de modernité. Au Brésil, le mouvement moderniste fit de cette nouvelle sensibilité féminine une des pierres de touche de la modernité artistique et culturelle. La revue Klaxon24, créée dans le sillage de la Semaine d’Art moderne et éditée à São Paulo entre 1922 et 1923, témoigne de la manière dont le groupe intégra la garçonne à la définition même de la modernité. Signé par l’ensemble de la rédaction, l’éditorial du premier numéro énonçait ainsi, sous forme de manifeste :
Klaxon ne se veut pas être neuf, mais être actuel. Telle est la grande loi de l’actualité. […]
Klaxon sait que l’humanité existe. Et pour cette raison, il est internationaliste […]
KLAXON sait que la nature existe. Mais il sait que le mode lyrique, qui produit l’œuvre d’art, est une lente transformation et déformation de la nature […]
KLAXON sait que le progrès existe. Et pour cette raison, sans renier le passé, il marche vers l’avant toujours, toujours […]
KLAXON sait que le laboratoire existe. Et pour cette raison, il veut donner des lois scientifiques à l’art ; des lois fondées avant toute chose sur les progrès de la psychologie expérimentale. À bas les préjugés artistiques ! Liberté ! Mais liberté ancrée dans l’observation.
Klaxon sait que le cinématographe existe. Pérola White25 est préférable à Sarah Bernhardt. Sarah, c’est la tragédie, le romantisme sentimental et technique. Pérola, c’est le raisonnement, l’instruction, le sport, la rapidité, la joie, la vie. Sarah Bernhardt = xixe siècle. Pérola White = xxe siècle26
24Lors de son passage au Brésil27, Sarah Bernhardt, avait été ovationnée par les étudiants et les intellectuels bohèmes qui accompagnèrent sa voiture en cortège dans les rues de Rio de Janeiro. Mais les temps avaient changé, de même que le concept de beauté ; les modèles de féminité renvoyaient désormais à une autre constellation de valeurs. Pérola White, actrice de cinéma qui conduisait des voitures, voyageait en aéroplane et pratiquait plusieurs sports, incarnait ce nouvel idéal de la femme.
25Une ligne allongée, un maquillage excessif, des cheveux courts et une forte présence dessinaient le profil féminin du siècle nouveau. En conséquence, les métaphores désignant les femmes se modifièrent : elles cessèrent d’être comparées à des fleurs pour évoquer des tiges, elles ne ressemblaient plus à la lettre S mais à la voyelle I. Aux côtés d’Álvaro Moreira, Eugênia assumait ainsi une stature de « sylphide moderne », contrastant fortement avec la petite carrure de son mari, comme le montre la caricature suivante [Alvarus, Correio de Povo, sans date, Rio de Janeiro] :
26Les Années folles explorèrent cette verticalité féminine, principalement dans la mode. Les modèles créés par Paul Poiret ou Coco Chanel faisaient la taille fine, affirmant de la sorte leur volonté de travailler pour une clientèle composée de femmes actives qui devaient se sentir à l’aise dans leurs vêtements. Ces idées manifestent un changement radical du modèle esthétique féminin entre les années 1910 et 1920 [Vigarello, 2004].
27Dans les revues de Rio de Janeiro, le caricaturiste J. Carlos fut certainement l’un de ceux qui travailla le plus sur cette mutation de l’esthétique féminine. Les silhouettes féminines étaient alors associées au mouvement frénétique des danses dites « modernes » (habanera, rumba, tango et surtout maxixe), la sensualité et la joie étant considérées comme de véritables expressions de la culture carioca. Dans ce contexte de réinvestissement symbolique de l’univers féminin, la garde-robe devint traductrice et médiatrice de sens.
28Dans ses spectacles de récitation poétique qui attiraient un public nombreux, à Rio de Janeiro comme dans les villes de l’intérieur, Eugênia Moreira exploitait ces outils avec une créativité certaine. Ainsi, le carton d’invitation pour une de ses déclamations la représentait portant une robe dont l’imprimé était un dessin art nouveau de Di Cavalcanti28.
29L’artiste, habillée par les modistes les plus célèbres de la capitale, apportait un grand soin à sa garde-robe, qui devait être en adéquation avec l’expressivité de ses gestes et postures. Dans ses analyses sur l’aspect social de la mode, Gilda de Mello e Souza observe que certaines personnes, dotées d’un véritable sens artistique, surent capitaliser à leur avantage le côté ludique de la mode. Au milieu du xixe siècle, l’élégance prit le pas sur le luxe : savoir mouvoir, avec grâce et élégance, les objets de la toilette féminine comme l’éventail, l’écharpe, les gants, ou le châle, devint un facteur de distinction sociale parmi les femmes appartenant à la culture de la modernité, ainsi que l’observait Balzac dans son Traité de la vie élégante. Les femmes devinrent des expertes de cette « rythmique de gestes », exprimant, à travers un art pratiqué au quotidien, leur « âme muselée » [Souza, 1987]. S’inscrivant dans cette tradition, Eugênia Moreira créa une véritable calligraphie de gestes, enrichie par ses prestations théâtrales, définissant ainsi l’expression d’une nouvelle sensibilité féminine. Grâce à ces réseaux de sociabilité, qui mêlaient sphères publique et privée, elle réussit à imposer cette présence singulière dans la société carioca, introduisant ainsi une féminité garçonne dans le paysage culturel de la capitale brésilienne.
30D’autres photographies, cependant, évoquent un visage différent d’Eugênia Moreira. Ainsi de cette photographie où on la voit distribuant des pamphlets et le journal Tribuna da Imprensa, publication du Parti communiste brésilien. Dans les années 1930, elle avait intégré le groupe des acteurs du Parti, la « Coopérative du théâtre du peuple29 ». Ce groupe faisait des saynètes sur les places, les tramways, dans les files d’attente pour le bus et dans des lieux de grande affluence, critiquant la cherté de la vie, les bas salaires et les difficiles conditions de vie de la classe ouvrière. Sur ces photos, la figure de la garçonne cède la place à une femme sobrement vêtue, aux cheveux attachés, à la cravate sombre et à l’expression austère.
31Au-delà de cette pluralité de visages, c’est sa liberté de femme ne se laissant pas influencer par son mari qui fut mise en avant, notamment par les articles de journal publiés à l’occasion de sa mort. Aux côtés de cet homme timide et doux, Eugênia Moreira s’imposait par sa force de caractère et sa capacité à mobiliser. Or, dans une société encore fortement marquée par la prédominance des valeurs patriarcales, le monde féminin était associé à l’idée de modération, de modestie. Garder le silence en public et faire preuve de retenue étaient considérés comme des valeurs de base de l’éducation et de la socialisation féminine. Dans cette perspective, la séduction constituait un facteur de déstabilisation sociale allant à l’encontre du discours hygiéniste qui cherchait à renforcer la frontière entre les femmes d’honneur et celles qui fréquentaient la sphère publique des rues, du théâtre ou des cafés [Mott et Maluf, 1998]. Eugênia Moreira, avec son franc-parler et ses propos bien sentis, toujours accompagnés d’un grand éclat de rire, se démarquait donc fortement de ces modèles de comportement31.
32Dès son arrivée à Rio de Janeiro, lorsqu’elle commença à travailler pour des journaux, Eugênia Moreira adopta la mode androgyne. Elle portait bottes et cravates mais la cigarette fut, sans aucun doute, ce qui attira le plus l’attention de ses contemporains. Le cigare et la cigarette occupent une place de choix dans les caricatures d’Eugênia Moreira, comme dans les articles qui lui furent consacrés. Ainsi, peu de temps après son engagement au PCB, elle fut convoquée par la police fédérale ce qui suscita de nombreux commentaires dans la presse carioca. La narration de cet épisode tourna autour du cigare, qui offrait l’avantage d’évoquer à la fois la femme fatale et la militante politique. D’ailleurs, d’après l’un des articles que nous avons pu consulter, l’artiste serait sortie de chez elle, munie d’un rouge à lèvres et d’un certain nombre de cigarrillos cubains32.
33L’image renvoie ici aux registres de la séduction et du défi à l’égard du pouvoir. On retrouve ces deux dimensions dans une caricature réalisée par Di Cavalcanti, dans laquelle la tête d’Eugênia Moreira se confond avec celle d’un serpent coiffé, comme il se doit, à la garçonne33.
34Cette caricature témoigne également de l’attention particulière qui fut portée au regard d’Eugênia Moreira. Associés au pouvoir de séduire, d’ensorceler et d’hypnotiser, les yeux étaient censés révéler les mystères de la nature et de la culture. Aux dires de ses contemporains, l’actrice portait sur le monde un regard qui suggérait une « intelligence agile, subtile, ironique et mordante » et évoquait le « secret d’un venin parfumé »34. Ses yeux, comme ses paroles, lui conféraient le pouvoir d’ensorceler sa victime sans que cette dernière ne s’en rendît compte35.
35La référence au pouvoir d’ensorcellement des mots et du regard peut être mise en parallèle avec les évolutions dans la manière d’aborder la poésie introduites par le modernisme brésilien. Le mouvement, en effet, fut à l’origine d’une nouvelle prise en compte du rôle de l’interprétation dans l’expressivité des textes poétiques. Mário de Andrade déclara ainsi que le poème Essa Negra Fulô36 avait été si bien déclamé par Eugênia Moreira qu’il n’appartenait plus à son auteur. L’actrice, selon lui, avait mieux donné vie au texte que lui37. Voix et écriture se rencontraient dans un espace social, culturel où le texte faisait sens tout autant par les mots que par la matérialité de son énonciation. Il s’agit là d’un discours en présence, comme le suggère Paul Zumthor [2001].
36Dans un pays dont la culture était fortement marquée par les traditions orales, la matérialité de la communication fut d’une importance fondamentale pour la circulation de la modernité. Corps, gestes et voix conférèrent de nouvelles significations à la littérature moderniste lorsqu’elle était mise en scène par la voix et la gestualité d’Eugênia Moreira. En ce sens, elle participa à l’émergence de nouvelles formes dans la poésie brésilienne.
Un modernisme lyrique et l’idée de beauté
37L’entrée de la femme sur la scène publique provoqua toutes sortes de polémiques à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Outre le fait que la physionomie, la gestualité, les objets, les vêtements et la manière de les porter étaient désormais considérés comme révélateurs de sens [Sennet, 1979], c’est une certaine conception de la beauté qui changea. Celle-ci n’était plus considérée comme relevant du naturel. Dans une société démocratique où chacun devait, en principe, pouvoir avoir accès à la beauté, celle-ci relevait désormais d’un choix. Autrement dit, femmes et hommes pouvaient choisir d’être beaux. La beauté cessait ainsi d’être un bien naturel pour devenir un bien social, acquérant de la sorte une importance nouvelle. La mode mit particulièrement en avant ces questions dans la mesure où elle convoquait la femme dans l’arène publique. La légitimation de la beauté comme conquête, artifice et coquetterie bouleversa la conception de modèle et valorisa la créativité de chacun : « s’inventer soi-même » devint l’un des thèmes centraux de la modernité [Vigarello, 2004].
38C’est dans ce cadre que nous situons la figure d’Eugênia Moreira : sa garde-robe, sa coupe de cheveux, son maquillage étaient autant de « métaphores de l’être », de choix qui révélaient un désir de s’affirmer avec singularité dans la société. Baudelaire considérait le maquillage, qui mettait l’accent sur le visage des femmes, à la fois comme un art et comme un spectacle. Ce philosophe de la modernité est d’ailleurs l’auteur du terme maquillage qui sous-tend l’idée d’une beauté travaillée. Par sa manière de s’habiller, Eugênia Moreira faisait cohabiter plusieurs éléments : la modernité, symbolisée par la mode garçonne, et la tradition, au travers de son costume de militante, la sphère publique et la sphère privée. Sur la photographie reproduite ci-dessous, la cravate sombre de la militante représente une petite maison accueillante, renvoyant ainsi, paradoxalement, à l’univers domestique, traditionnellement réservé aux femmes.
39À cette époque, la division genrée de la société était encore une évidence dans le discours médical et juridico-politique sur l’identité brésilienne. Eugênia Moreira bouscula les frontières en endossant différents rôles sociaux et en faisant du vêtement un outil stratégique qu’elle utilisa avec grâce et savoir-faire.
40Ce constat se vérifie notamment à l’occasion de sa mort, qui vit s’affronter les différentes images qu’elle avait pu renvoyer. Le journal Folha do Povo, dans un article daté du 16 juin 1948, publia le portrait d’une femme austère, portant costume et cravate noire. Sur la légende, on pouvait lire « l’un de nos plus actifs combattants ». L’emploi du masculin, quand bien même il résulterait d’une faute de frappe, nous semble extrêmement révélateur de l’inconscient collectif : dans le Brésil des années 1940, le militantisme n’était pas considéré comme une activité féminine. À l’opposé du spectre, la revue Momento Feminino, évoquait, dans son édition du 19 juin 1948, une femme aimant passionnément son mari et ses enfants, dont la « douceur » avait été la principale caractéristique. Entre ces deux extrêmes, le romancier José Lins do Rego fut sans doute celui qui réussit le mieux à exprimer l’ambiguïté du personnage en évoquant le défi qu’elle avait relevé : faire coexister la condition de femme libre et avant-gardiste avec celle de mère, d’épouse et de grand-mère.
41Au sein d’un modernisme brésilien travaillé par les influences les plus diverses, mêlant expérimentations radicales et valeurs romantiques, modernité et tradition, Eugênia Moreira eut sa place : n’avait-elle pas symbolisé à la fois l’engagement militant et le lyrisme poétique ? Elle y parvint sans doute grâce à une esthétique inspirée du quotidien associée à une sensibilité extrême.
42Or, la rupture opérée entre la réalité et l’univers des sens constitua une des caractéristiques fondatrices du mouvement moderniste – et ce malgré l’influence de la psychanalyse, du romantisme et de la phénoménologie. En interrogeant cette rupture, le groupe diversifia les sources d’inspiration possibles, notamment par l’intégration du domaine de la fantaisie, de l’onirique, du spiritualisme, du mystique, mais aussi en valorisant la simplicité des expériences quotidiennes. Le poète Manuel Bandeira38 nota ainsi à propos de Sérgio Buarque de Holanda39 que l’excessive érudition du jeune homme le préoccupait mais que ce dernier échappait heureusement à trop de « cérébralité » grâce à la bohème40. À Rio de Janeiro, plus encore qu’à São Paulo, le milieu artistique et intellectuel privilégia la dimension expérimentale de l’art, l’esprit d’aventure et l’anti-académisme. Des poètes comme Álvaro Moreira, Manuel Bandeira, Ribeiro Couto41, Ronald de Carvalho42 mêlèrent dans leurs œuvres symbolisme et modernisme43. Mário de Andrade adhéra à cette conception et chercha à intégrer la dimension des sens et des émotions à l’écriture moderne. Son vers « il y a une goutte de sang dans chaque poème44 » s’inspirait directement de Olegário Mariano45, poète symboliste brésilien.
43Séduction, grâce, amour, intériorité et émotion furent autant de valeurs traditionnellement attribuées à l’univers féminin et intégrées par la sensibilité moderniste. Eugênia Moreira, ainsi que d’autres femmes (dont beaucoup demeurent dans l’anonymat), en étant à la fois écrivains, journalistes et artistes, contribuèrent à les divulguer et les rendre familières. Par leur participation à l’univers intellectuel et artistique, leur engagement dans le débat d’idées, ces femmes instituèrent des pratiques de sociabilité donnant naissance à de nouvelles perceptions et sensibilités. Deux exemples peuvent être ici donnés pour appuyer ce constat. À São Paulo, le Groupe des Cinq prit part non seulement au processus de « redécouverte du Brésil » mais aussi de la ville et de l’État de São Paulo, organisant des promenades dans les espaces publics et dans les fazendas de l’intérieur. Mário de Andrade réalisa son voyage dans le Nordeste avec Olivia Penteado, sa nièce et la fille de Tarsila de Amaral. En « apprenti touriste46 », il consigna ses impressions sur cette cohabitation, en la transformant en élément de la brasilianité à travers la figure ambiguë de l’amazone [Velloso, 2010]. À Rio de Janeiro, ainsi que le montrent les photographies conservées dans ses archives, Eugênia Moreira, au-delà de la mise en scène des nouveaux langages de la poétique moderniste au théâtre, devint une figure marquante dans les cercles bohèmes et les réunions littéraires ainsi qu’une hôtesse reconnue dans sa maison de Copacabana.
44La portée symbolique de la présence féminine dans le modernisme se matérialise sur une photographie d’un déjeuner en l’honneur du critique littéraire João Ribeiro. La cérémonie, organisée par les jeunes Prudente de Moraes Netto et Sérgio Buarque de Holanda, visait à la reconnaissance du leadership « décontracté et joyeux » de cet intellectuel en opposition au formalisme de Graça Aranha, tenu jusqu’alors pour le chef de file officiel du mouvement.
45Tarsila do Amaral et Eugênia Moreira se distinguent aux côtés de João Ribeiro. La présence de ces femmes dans cette scène d’exposition et de relecture du modernisme est significative. Les personnalités choisies ne sont pas seulement des « femmes de », comme l’était la majorité des femmes présentes aux côtés de leurs maris dans les cérémonies et réunions publiques : elles jouaient leurs propres rôles sur la scène brésilienne moderne.
46Au travers de ses multiples activités, Eugênia Moreira participa donc à l’émergence de sociabilités inédites où se mêlaient nouvelles conceptions esthétiques et sensibilités diverses. Militante, artiste, compagne, mère, amie, elle sut faire la synthèse d’identités multiples, travailler la trame du quotidien et des relations sociales, pour lier entre elles des valeurs – force et beauté, raison et émotion – auparavant polarisées selon le genre. Si, en 1888, le peintre Eugen Wolff annonçait la modernité à travers l’image d’une femme aux jupes flottantes et aux cheveux ondulés qui avançait vigoureusement dans le temps, au milieu des années 1920, ce furent les garçonnes qui occupèrent la scène et contribuèrent à explorer les voies de la modernité brésilienne.
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Notes de bas de page
1 Originaire de l’État de São Paulo (NDLT).
2 Oswald de Andrade, « Erro de português », Poesias reunidas, Rio de Janeiro, Civilização brasileira, 1976. Traduit par nos soins (NDLT).
3 Dans les années 1970, la Faculté de Droit de Recife vit l’émergence d’un groupe de lettrés qui défendait un projet de modernisation fondé sur les idéaux positivistes et revendiquait la possibilité de participer aux débats autour de la nationalité. Mettant l’accent sur le rôle stratégique de la littérature, cette « génération de 1870 » lança une intense polémique intellectuelle autour des bases philosophiques d’une littérature nationale. Parmi eux, Sílvio Romero (1851-1914), Tobias Barreto (1839-1889), Graça Aranha (1868-1931).
4 Ce groupe était formé notamment par les chroniqueurs Lima Barreto (1881-1922), Bastos Tigre (1882-1957), Emílio de Menezes (1866-1918), José do Patrocínio Filho (1885-1929) et par les caricaturistes Raul Pederneiras (1874-1953), Kalixto (1877-1957) et J. Carlos (1884-1950) [Velloso, 2010].
5 Cette question a été l’objet d’une communication intitulée « Littérature et histoire de sensibilité brésilienne », présentée dans le cadre du séminaire Lire le Brésil organisé par l’Association pour la recherche sur le Brésil, Paris, Ehess, 16/04/2010.
6 L’ouvrage d’Antonio Cândido, Literatura e sociedade; estudos de teoria e história literária (São Paulo, Nacional, 1965), dont une première version fut publiée en allemand en 1945, fut pionnier dans le sens où il proposait une ligne interprétative qui mêlait littérature et sociologie par l’étude de la relation dynamique entre l’auteur, l’œuvre et le public. Pour cet auteur, la forme de l’essai était la mieux à même de traduire cette réflexion qui mêlait imagination et observation, art et science.
7 Cette thématique a fait l’objet d’un séminaire intitulé « Tradition et Contradiction », organisé par la Funarte à Rio de Janeiro, en 1985.
8 Tarsila do Amaral (1886-1973) était une artiste peintre qui mêla techniques européennes et sujets brésiliens. Elle fut notamment l’épouse d’Oswald de Andrade. Voir notamment le catalogue de l’exposition qui lui a été consacrée à Paris dernièrement (« Tarsila do Amaral, Paris 1923-1929 », Maison de l’Amérique latine, Paris 15 décembre 2005 – 20 février 2006).
9 Anita Malfatti (1889-1964), artiste peintre originaire de São Paulo, est considérée comme une pionnière du modernisme brésilien.
10 Oneyda Alvarenga (1911-1984) fut à la fois journaliste, poète et spécialiste de folklore. Elle fut membre du Conseil national du Folklore, qui dépendait du ministère de l’Éducation, dès sa fondation.
11 Zita Aita (1900-1967) était peintre et dessinatrice et participa à la Semaine d’Art moderne de 1922.
12 Patrícia Rehder Galvão (1910-1962), connue sous le pseudonyme de Pagú, fréquenta jeune le milieu moderniste de São Paulo. Elle devint écrivain et journaliste. Militante communiste, elle fut la première femme à être incarcérée pour des raisons politiques.
13 Mário de Andrade (1893-1945), Oswald de Andrade (1890-1954), Menotti Del Picchia (1892-1988) furent parmi les initiateurs de la Semaine d’Art moderne de 1922 et du mouvement moderniste.
14 Anita Malfatti, Notas biográficas, Arquivo Anita Malfatti. Série Manuscritos. IEB/USP [cité par Lonta, 2007].
15 O Grupo dos Cinco, 1922, Coleção de Artes visuais do Instituto de Estudos Brasileiros – USP, São Paulo.
16 Les mots en italiques sont en français dans le texte original (NDLT).
17 Comme en témoignent les archives « Álvaro e Eugênia Moreira » déposés à la Fundação Casa Rui Barbosa (Rio de Janeiro). Ces archives sont en cours de dépouillement par une équipe de chercheurs de la Fondation (Joelle Rouchou, Antonio Herculano Lopes, Vera Lins et Mônica Velloso), qui travaille sur la trajectoire intellectuelle du couple.
18 L’Aliança Nacional Libertadora est une organisation créée par le Parti communiste brésilien en 1935 pour lutter contre l’influence du fascisme.
19 Le 23 mai 1945, le PCB rassembla 50 000 personnes dans le stade Vasco da Gama à l’initiative de Luis Carlos Prestes qui, avait été emprisonné pendant neuf ans [Pandolfi, 1995 ; Ferreira et Reis, 2007].
20 Notable de la région, anobli sous l’Empire (NDLT).
21 Cette revue fut, au Brésil, l’une des plus importantes publications dédiées aux femmes du début du xxe siècle. Elle fut commercialisée de 1914 à 1936.
22 En français dans le texte (NDLT).
23 Idem.
24 Revue mensuelle consacrée à l’art, Klaxon fut une des principales réalisations du mouvement moderniste dans le domaine de la presse. En dépit de sa courte existence (mai 1922-janvier 1923), la revue compta parmi ses rédacteurs tous les grands noms du mouvement, dont : Mário de Andrade, Manuel Bandeira, Oswald de Andrade, Menotti del Picchia, Anita Malfatti et Tarsila do Amaral. Elle est intégralement disponible sur le site Brasiliana USP – la bibliothèque numérique de l’université de São Paulo : http://www.brasiliana.usp.br/
25 Actrice américaine du cinéma muet, Pérola White (1889-1938) joua dans de nombreux films dont The Perils of Pauline (1914). L’actrice se produisit également comme chanteuse sur la scène des théâtres populaires à Paris, Cuba et en Amérique du Sud.
26 « Klaxon », Klaxon, São Paulo, 15 mai 1922, p. 3-4 (article collectif signé : « la rédaction »).
27 Sarah Bernhardt effectua trois tournées au Brésil, en 1886, 1893 et 1905.
28 Emiliano Augusto Cavalcanti de Albuquerque e Melo (1897-1976), plus connu comme Di Cavalcanti, fut un peintre, un illustrateur et un caricaturiste. Il fut à l’origine de la Semaine d’Art moderne.
29 La Coopérative du théâtre du peuple était notamment menée par Mário Lago (1911-2002), acteur et compositeur avec lequel j’ai pu m’entretenir lorsque je travaillais à écrire sa biographie [Velloso, 1997].
30 La photographie n’est pas datée.
31 Voir José Lins do Rego, Instantâneos de literatura – Eugênia, a serva (article faisant partie des Archives Eugênia/Álvaro Moreira/FCRB).
32 Coupure du journal A Nota, sans date (Arquivo Eugênia/Álvaro Moreira/FCRB).
33 La caricature illustrait une invitation pour une des déclamations publiques de l’actrice.
34 A noite mundana – Veneno perfumado (Arquivo Eugênia/Álvaro Moreira/FCRB).
35 Idem.
36 Le poème Essa Negra Fulô, de l’écrivain Jorge de Lima (1893-1953), est paru dans le recueil Novos Poemas (1929).
37 Mário de Andrade (Arquivo Eugênia/Álvaro Moreira, FCRB).
38 Écrivain brésilien (1886-1968) qui fut l’un des inspirateurs du mouvement moderniste.
39 À Rio de Janeiro, Sérgio Buarque de Holanda (1902-1982), avec Prudente de Moraes Netto (1895-1961), fut directeur de la revue moderniste Estética (1924-1925) alors qu’ils avaient un peu plus de 20 ans. L’étude du modernisme à travers les revues de Rio de Janeiro a été l’objet d’un de mes ouvrages [Velloso, 2010].
40 Manuel Bandeira, « Sérgio anticafageste », Diário Carioca, Rio de Janeiro, 13/07/1952, p. 2.
41 Journaliste, poète et diplomate (1898-1963), il participa à la Semaine d’Art moderne.
42 1893-1935.
43 Une analyse détaillée de l’influence des intellectuels symbolistes sur le mouvement moderniste brésilien se trouve dans [Lins, 2009].
44 C’est aussi le titre de son premier recueil de poèmes, paru en 1917 (NDLT).
45 Poète et diplomate (1889-1958), il participa à la Semaine d’Art moderne. Il occupa des postes diplomatiques d’importance, notamment à Paris.
46 D’après le titre d’un ouvrage de Mário de Andrade, O turista aprendiz, São Paulo, Duas Cidades, 1976.
Auteurs
Mônica Pimenta Velloso est historienne, chercheuse à la fondation Casa de Riu Barbosa, chercheuse associée à l’Efisal (« Fonctions imaginaires et sociales des arts et des littératures », EHESS/Paris) et au Crepal (Centre de recherche sur les pays lusophones, université Sorbonne Nouvelle – Paris 3). Elle est également membre des groupes de recherche Transfopress Brasil – Grupo de Estudos da Imprensa em Língua Estrangeira no Brasil et Imprensa e circulação de ideias : o papel dos periódicos nos séculos xix/xx (FCRB/Unesp). Elle a notamment publié Modernismo no Rio de Janeiro (2de éd., KBR, 2015) et História e Modernismo (Autêntica, 2010).
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