Le modernisme brésilien est-il un enfant des tranchées ?
Texte intégral
« Le modernisme fut avant tout une prise de conscience de la réalité nationale au travers d’une impulsion internationale1. »
1Aussi hétérogène et polyphonique ait-il pu être, le mouvement moderniste constitue le grand marqueur de l’histoire culturelle brésilienne au xxe siècle. Projeté sur la scène publique lors de la Semana de Arte moderna de São Paulo, du 13 au 17 février 1922, et porté par une génération d’artistes aussi divers que les écrivains Mário de Andrade (1893-1945) et Oswald de Andrade (1890-1954), les peintres Anita Malfatti (1889-1964) et Emiliano « Di » Cavalcanti (1897-1976), le sculpteur Victor Brecheret (1894-1955) ou le musicien Heitor Villa-Lobos (1887-1959), le modernisme fait figure de rupture majeure en ce qu’il met en avant la double nécessité de définir un nouveau langage esthétique et d’assurer l’indépendance culturelle du Brésil, de rompre à la fois avec les héritages du xixe siècle jugés obsolètes et avec les formes traditionnelles de mimétisme vis-à-vis des productions européennes. Quelles que soient les formes prises par le mouvement dans les décennies qui suivirent et dans ses nombreuses déclinaisons locales, « projet esthétique et projet idéologique sont ici indissolubles et se lient dans une volonté nationale et nationaliste de transformation littéraire et sociale » [Rivas, 1979, p. 3]. Au-delà de la génération fondatrice qui donne à cet « art nouveau » ses lettres de noblesse dans les années 1920 et 1930, le modernisme devient après la Seconde Guerre mondiale un lieu de mémoire à part entière, référence généalogique de la quasi-totalité de la production artistique brésilienne – que l’on s’en revendique ou que l’on s’en démarque. Au début du xxie siècle, il demeure une référence de premier ordre dans les discours sur l’art et la modernité au point d’apparaître, selon la belle expression de Beatriz Resende, comme une véritable « révolution canonisée » [Resende, 2000].
2Le modernisme brésilien a donné lieu à une très abondante bibliographie, émanant principalement d’historiens, d’historiens de l’art et de spécialistes de littérature, au sein de laquelle ressortent deux arguments principaux expliquant l’émergence du mouvement à l’aube des années 1920. D’une part, il serait le produit des relations entretenues par les membres de la génération fondatrice avec les avant-gardes européennes, principalement italiennes (le futurisme) et françaises (le mouvement dada), mais aussi allemandes (l’expressionnisme) et ibériques [Brito, 1964 ; Teles, 1972 et 1979 ; Velloso, 1998 ; Miceli, 2003]. D’autre part, il constituerait l’expression artistique des débats identitaires occasionnés par la célébration du Centenaire de l’indépendance du pays en 1922, à la manière de ce que l’on peut observer en Argentine, au Mexique et dans de nombreux autres pays de l’Amérique hispanique autour de l’année 1910 [Motta, 1992]. Alors que les élites s’interrogent sur ce que les Brésiliens ont bâti un siècle après la rupture du lien colonial avec Lisbonne et constatent pour beaucoup qu’ils n’ont fait que singer les modes et les modèles européens, la Semaine de février 1922 constituerait une réponse salutaire à ces questionnements et signerait l’émergence d’un nationalisme culturel inédit.
3Le propos de ce texte n’est pas de remettre en question ces deux lignes interprétatives, mais de soumettre au débat un facteur explicatif supplémentaire. Dans quelle mesure « la culture du modernisme » [Velloso, 2006] n’est-elle pas aussi le produit de la Première Guerre mondiale ou, plus exactement, des nouvelles réflexions identitaires qu’a générées, au Brésil et dans toute l’Amérique latine, le « suicide de l’Europe » ? Pour dire les choses autrement, le renouveau nationaliste dont le modernisme constitue l’une des expressions culturelles ne procède-t-il pas aussi d’une désillusion de l’Europe, une Europe qui avait servi de patron civilisationnel et de guide artistique jusqu’à la Belle Époque, mais qui se montre soudainement capable de sacrifier dix millions de ses enfants dans la boue des tranchées et se convertit de facto en une province de l’esprit ?
Une génération au spectacle de la crise européenne
4Comme tous les pays latino-américains, le Brésil déclare dès août 1914 sa « plus complète neutralité » dans ce que l’on nomme alors « la guerre européenne ». D’un point de vue diplomatique, cette neutralité va de soi dans la mesure où Rio n’est lié par aucun traité d’alliance avec les belligérants. Elle s’inscrit également dans la tradition, inaugurée par la doctrine Monroe de 1823, de non-intervention dans les affaires européennes en échange d’une non-intervention de l’Europe dans les affaires américaines, ainsi que dans la logique de l’axe Rio-Washington qui a fait du Brésil une courroie de transmission de la politique états-unienne en Amérique du Sud depuis 1902 et l’accession du baron do Rio Branco au palais d’Itaramaty. Seulement contestée par quelques voix marginales souhaitant que le Brésil entre immédiatement dans le conflit, mais rapidement contraintes à rentrer dans le rang – comme celles d’Irineu Machado, député fédéral carioca souhaitant faire voter par ses collègues parlementaires un acte de solidarité avec la France, ou du député maranhense Dunshee de Abranches, président de la commission diplomatique au sein de la Chambre basse, qui prononce devant celle-ci un vibrant éloge de l’Empire allemand le 26 septembre 19142 –, cette neutralité est l’objet d’un large consensus parmi les élites politiques, économiques et intellectuelles durant les premiers mois du conflit.
5Cette unanimité presque totale n’empêche pas qu’émergent très rapidement des courants d’opinions favorables à telle ou telle des nations belligérantes, ainsi que des mobilisations dans l’espace public. C’est d’abord le cas au sein communautés immigrées d’origine européenne, mais aussi des intellectuels qui, au sein de la République des lettres transatlantique qui s’était progressivement consolidée entre le dernier tiers du xixe siècle et la Belle Époque, entretiennent des relations particulièrement denses avec l’Europe [Needle, 1987 ; Rozeaux, 2012]. Et si l’on dresse alors un tableau des positions émises sur la guerre à partir de l’étude de la presse, des revues culturelles, des correspondances privées ou de la production littéraire, on constate sans le moindre doute que l’on est majoritairement alliadophile au Brésil, comme d’ailleurs dans le reste de l’Amérique latine, et que la francophilie est la principale matrice de cette alliadophilie en dépit de fortes sympathies pour le martyre subi par la Belgique. À quelques nuances près, le constat dressé par Paul Claudel peu après son installation à Rio en tant qu’ambassadeur de France au début de l’année 1917, selon lequel « l’opinion brésilienne, dans sa presque unanimité, est favorable aux Alliés ou, plus précisément, à la France3 », rend justement compte d’une guerre qui, dans un premier temps du moins, est pensée dans le prolongement du xixe siècle et de la Belle Époque afrancesada [Compagnon, 2017].
6Une rupture intervient toutefois dans ce système de représentations au fur et à mesure que la guerre, que l’on avait initialement imaginée circonscrite à l’Europe et brève, impose son emprise au monde entier et s’enlise chaque mois un peu plus dans les tranchées. Sur l’idée selon laquelle le conflit représenterait l’affrontement entre civilisation française et barbarie allemande se superpose progressivement la certitude que c’est l’avenir même de l’Europe qui se joue quelque part entre les mornes plaines de Picardie et le détroit des Dardanelles, autrement dit que l’Ancien Monde est entré dans une phase d’agonie irréversible. De cette inflexion, on pourrait citer des centaines d’exemples. Archétype de l’intellectuel cosmopolite formé dans un amour aveugle de la France, Alceu Amoroso Lima, qui venait tout juste d’avoir 20 ans lorsque la guerre éclata et qui séjourna longuement à Paris entre 1914 et 1918, dresse dans ses mémoires un constat amer de ce que signifia le conflit pour sa génération :
« Nous avons tous été enclins, à partir de 1918, à revoir nos idées et tout ce qui pour nous représentait ce que nous appelons aujourd’hui la Belle Époque […] La Première Guerre mondiale a inauguré un no man’s land inédit dans lequel les maîtres du passé étaient perçus sous un nouveau jour. Nous étions soudainement en présence d’un monde nouveau dans lequel les valeurs du passé ne semblaient plus rien signifier pour nous. Sous l’effet d’une atmosphère complètement nouvelle, influencés par les transformations qui se produisaient partout, par la percussion des nouvelles idées, nous avons été conduits vers une attitude radicale, agressive et violente contre tout ce qui représentait le passé. […] Lorsque survint la guerre, nous comprîmes que nous étions en train de vivre l’agonie d’une époque, la fin du xixe siècle. La guerre correspondit à l’irruption de la tragédie dans une civilisation […] de fatuité, de divertissement et de superficialité. Nous étions les fils disciplinés de la fin du siècle, en quête d’une vie agréable, cosmopolite et tournée vers l’étranger4. »
7Dans le « Boletim semanal da guerra » qu’il livre dès août 1914 dans les colonnes de O Estado de São Paulo, Júlio Mesquita ne masque pas, dans un premier temps, sa détestation du militarisme allemand et son souhait de voir les Alliés triompher. Mais le ton change au fur et à mesure que la guerre traîne en longueur : indépendamment de toute considération sur les belligérants, celle-ci devient alors « une sauvagerie de gigantesques proportions » en 1915, « un cataclysme universel » ou « un monstre [qui] fête ses trois ans – trois siècles » en 19175. Une même évolution peut être observée chez Rui Barbosa, alliadophile déterminé du début à la fin de la guerre, mais insistant de plus en plus fréquemment, dès lors que la guerre s’enlise, sur la signification globale qu’elle porte au-delà de l’affrontement des deux camps. Dans le fameux discours qu’il prononce à Buenos Aires en juillet 1916, dans lequel il enjoint aux neutres d’appuyer la lutte contre les empires centraux, il note ainsi que « la guerre […] ne se contente pas d’exterminer des vies, elle supprime le sens moral6. » Afrancesado au point de rédiger directement en langue française deux ouvrages consacrés à la guerre, le juriste brésilien Sá Vianna livre une analyse comparable en 1916, qui oppose la sève irriguant les branches du Nouveau Monde au tronc desséché que serait devenue la vieille Europe :
« Par inexpérience ou par vanité, l’Amérique recevait avec intensité l’influence de l’Europe armée jusqu’aux dents et enveloppée dans une atmosphère manifestement contraire à la vie et au développement d’un organisme plein de sève comme le Nouveau Monde. Nous trahissions nos aïeux qui nous donnèrent des patries libres et nous enseignèrent à aimer le Droit, à pratiquer la justice et à faire de la paix un culte spécial. La Grande Guerre, en dissipant l’illusion où nous étions, nous a donné de très utiles enseignements ; ce qu’il reste maintenant à faire à notre continent, c’est de reprendre le chemin qu’il avait quitté, par le sentier qui conduit à la route large, baignée de lumière, qui mène à la prospérité et à la gloire7. »
8Un peu moins d’un siècle après l’émancipation de la Couronne portugaise et à l’heure où l’approche du Centenaire de l’Indépendance suscite de nombreuses inquiétudes identitaires, la Première Guerre mondiale et les révisions qu’elle entraîne apparaissent donc comme un second orphelinage pour les élites brésiliennes [Compagnon, 2013]. La « métropole de substitution » qu’avait représentée la France après 1822 [Guerra, 1989] a perdu tout ou partie de son crédit dans le contexte global du « suicide de l’Europe ». « Avec les hésitations, les interventions, les transformations, les révolutions et les subversions de cette guerre, l’Atlantique a disparu », assène ainsi un juriste et diplomate brésilien en 19198. Et, à bien des égards, les années 1920 et 1930 semblent confirmer cette désillusion de l’Europe dans la mesure où l’abondante circulation de la littérature décadentiste européenne au Brésil – depuis Der Untergang des Abendlandes d’Oswald Spengler (1918 et 1922) jusqu’à La decadenza dell’Europa de Francesco Nitti (1922) en passant par Le Déclin de l’Europe du géographe Albert Demangeon (1920) et Où va la France ? Où va l’Europe ? de Joseph Caillaux (1922) – renforce l’idée d’une Europe devenue obsolète et inapte à guider le monde dans ses efforts de reconstruction au sortir de la Grande Guerre.
Traces de guerre
9C’est donc dans ce contexte intellectuel profondément renouvelé que la génération moderniste, qui a entre 20 et 30 ans lorsque la guerre prend fin, émerge sur la scène artistique brésilienne à l’aube des années 1920. Et ce n’est donc pas un hasard si le conflit est présent au cœur de la production moderniste ou dans la trajectoire de certains de ses représentants les plus éminents. Ainsi Villa-Lobos compose-t-il en 1919 ses symphonies n° 3 et n° 4, respectivement sous-titrées « A guerra » et « A vitoria », et dirige-t-il personnellement l’orchestre du Théâtre municipal de Rio de Janeiro en septembre 1920 lorsqu’elles y sont jouées en l’honneur du roi des Belges qui visite alors la capitale brésilienne. Ce cycle consacré au conflit se clôt en 1920 avec la symphonie n° 5, « A Paz », composée comme les deux précédentes à partir d’un argument de Luís Gastão d’Escragnolle Dória (1869-1948), journaliste, historien, traducteur des frères Goncourt en portugais et membre de l’Instituto Histórico e Geográfico Brasileiro. Si ces trois œuvres témoignent d’une francophilie intacte malgré l’impact intellectuel de la guerre, par exemple au travers de citations de La Marseillaise, elles n’en témoignent pas moins d’une présence de la violence de masse qui s’est exercée en Europe durant plus de quatre années dans les représentations du monde du jeune compositeur.
10Par ailleurs, si l’une des références généalogiques du modernisme brésilien réside dans le futurisme italien qui prônait la guerre comme « seule hygiène du monde9 » et inclina de nombreux contemporains à observer la Grande Guerre avec une acuité particulière, Oswald de Andrade, qui avait séjourné dans le Paris de la première moitié des années 1910, en fut le principal importateur au Brésil. L’appel à rompre de manière radicale avec les pratiques culturelles traditionnelles et à se projeter dans une modernité incarnée par la ville, la civilisation industrielle ou encore la vitesse se traduit par un profond rejet des pratiques cosmopolites de la Belle Époque libérale et par le désir de promouvoir une créativité émancipée des canons traditionnels. Créé en août 1911 par Oswald de Andrade et Dolor de Brito, l’hebdomadaire pauliste O Pirralho – qui fonctionne jusqu’en 1918 – constitue l’un des premiers relais de ce pré-modernisme et, au-delà de sa dimension politique et satirique, affiche clairement sa volonté de rénovation des pratiques artistiques en vigueur au Brésil. En 1915, Oswald de Andrade y publie un texte programmatique intitulé « En faveur d’une peinture nationale » dans lequel il raille les artistes contraints de demeurer au Brésil du fait de l’état de guerre au lieu de s’adonner à « la vie pittoresque des ateliers et des quartiers » et milite pour l’émergence d’une esthétique nouvelle qui serait « une manifestation supérieure de la nationalité »10. La première de couverture de l’hebdomadaire présente ce jour-là une caricature consacrée au conflit et légendée « Une nouvelle ère – La France victorieuse », attestant le lien précoce entre observation de la guerre et questionnement identitaire.
11Un peu plus d’un an après le moment fondateur de la Semaine d’Art moderne, le 11 mai 1923, Oswald de Andrade prononce en Sorbonne une conférence demeurée fameuse [Virava, 2018] dans laquelle il voue aux gémonies toute forme de classicisme ou d’académisme et décrit les renouvellements récents des champs créatifs11. S’il n’y mentionne pas explicitement la Grande Guerre comme matrice de cette mutation comme il le fera le 11 mai 1945 dans une autre conférence donnée cette fois à São Paulo12, il oppose un temps de l’imitation à une nouvelle ère de la création authentiquement brésilienne, intégrant notamment les composantes culturelles indiennes et africaines au-delà de l’héritage latin, et situe la ligne de partage des eaux au tournant des années 1910 et 192013. Surtout, la guerre est omniprésente dans Memórias sentimentais de João Miramar, roman parodique composé de 163 fragments publié en 1924 et sur lequel Oswald travaillait depuis 1916, où le héros paulista commente les soubresauts de la politique internationale autant que les variations du cours du café : « mutilées comme des soldats en fuite, les nouvelles de la guerre arrivaient, donnant la France invalide et Paris menacé14 ». Enfin, la guerre est aussi une des toiles de fond du Manifeste anthropophage publié en 1928 en dépit de la virulence d’un texte arc-bouté sur l’histoire du Brésil et visant avant tout l’Église catholique et la colonisation portugaise. Deux ans après la rupture fracassante de Rio avec la Société des Nations, la mention des « traités de paix » dès les premières lignes ne saurait être considérée comme un hasard15. Et le rejet de « tous les importateurs de conscience en boîte », écho explicite de la désillusion de l’Europe, ainsi que la citation du comte Hermann von Keyserling, qui avait décrié en 1926 la « barbarie technique » dans Le Monde qui naît et publié en 1928 Analyse spectrale de l’Europe dans la continuité des réflexions initiées en Allemagne dès les dernières années de la guerre par Oswald Spengler, contribuent également à inscrire le Manifeste dans une ère profondément marquée par la première guerre industrielle de l’histoire.
12En outre, de nombreux généalogistes du modernisme ont mis l’accent sur les origines du mouvement bien avant la Semaine d’Art moderne de 1922 et, notamment, sur l’importance de l’exposition qu’Anita Malfatti avait présentée à São Paulo entre le 12 décembre 1917 et le 11 janvier 1918, soit quelques semaines seulement après l’entrée en guerre du Brésil aux côtés des Alliés (le 26 octobre 1917) et tandis que les élites politiques et intellectuelles s’interrogeaient sur les formes les plus adéquates de la mobilisation de la nation dans le conflit. À de nombreuses reprises, Mário de Andrade lui-même rendit hommage au talent précurseur de la peintre formée en Allemagne et aux États-Unis. Au moment précis où était inaugurée la Semaine d’Art moderne le 13 février 1922 dans la presse paulista16, mais aussi dans une conférence donnée à Rio en avril 1942 à l’occasion du vingtième anniversaire de la Semaine dans laquelle il souligna la « révélation » qu’avaient représentée, « en pleine guerre », les tableaux de Malfatti. Et l’auteur de Macunaíma d’ajouter un peu plus loin : « l’état de guerre en Europe avait préparé en nous [la génération fondatrice des modernistes] un esprit de guerre, éminemment destructeur17. » Bien connus, les débats d’ordre esthétique occasionnés par cette « Exposition de peinture moderne » ne manquèrent pas de se référer au conflit européen : n’y avait-il pas de plus noble engagement que celui de fonder une avant-garde artistique, manifestement élitiste et hermétique, alors même que l’Europe éternelle était touchée au cœur par la première guerre totale et que le Brésil, asphyxié économiquement, venait à son tour d’entrer dans le conflit ? S’il ne mentionne pas la guerre dans la critique féroce qu’il fait de l’exposition d’Anita Malfatti18, Monteiro Lobato, parfois considéré faisant partie des pré-modernistes ou comme « un moderniste malgré lui » au sens où son rejet précoce des influences européennes et son exaltation d’un Brésil indigène auraient préfiguré l’esthétique surgie en 192219, n’en est pas moins alors un observateur aussi attentif que désabusé du conflit comme l’attestent ses correspondances des années 1917 et 1918, ainsi que plusieurs textes postérieurs à l’armistice.
« Pendant la guerre, il y eut de par le monde – ainsi qu’ici en un réflexe inévitable – une compétition littéraire entre la Culture et la Civilisation. […] La Culture tuait des femmes et des enfants en bombardant des villes ouvertes. La Culture ne respectait pas les traités. La Culture pillait. Il était donc obligatoire que la formidable représentante de la Culture, l’Allemagne, soit écrasée une fois pour toutes pour que le monde puisse jouir ab aeterno des inénarrables délices de la Civilisation. Pourtant, une fois la guerre achevée, les idéologues ébahis se rendirent compte que […] la Culture bombardait avec des avions des villes ouvertes, tuant indistinctement des femmes, des vieillards et des enfants, pendant que la Civilisation, sans être en guerre déclarée contre la Russie, bombarde avec des avions – par l’intermédiaire des Anglais – les villes russes et met à mort indistinctement des vieillards, des femmes et des enfants ; elle passe par le fond des navires marchands, organise un bloc et condamne à mort, par la faim, des milliers de créatures humaines20. »
13Enfin, la guerre empreint l’existence même de certaines figures centrales du modernisme brésilien à l’instar du peintre d’origine lituanienne Lasar Segall (1889/1891-1957). Né à Vilnius et formé dans l’Allemagne wilhelmienne, celui-ci avait voyagé au Brésil dès avant la guerre et même brièvement exposé à São Paulo et Campinas, mais s’y installe définitivement en 1923 et acquiert la nationalité quatre ans plus tard après avoir vécu toute la guerre en Europe et avoir été interné par le Reich en raison de sa nationalité russe. Publié en 1922 à Dresde, où Segall fréquentait alors quelques-unes des figures de proue de l’expressionnisme allemand et prit part à l’éphémère mouvement connu sous le nom de Groupe 1919 ou Sécession dresdoise, son ouvrage Souvenir de Vilnius – 1917 témoigne – au même titre que le triptyque La guerre (1929-1932) d’Otto Dix par exemple – des blessures profondes laissées par les horreurs du conflit au travers de cinq lithographies (dont Une veuve et son fils et Deux femmes et trois enfants) mettant en scène le veuvage, l’orphelinage, le dénuement, la faim et la misère. La socialisation rapide de Segall au sein de la première génération moderniste – grâce à l’appui d’importants mécènes comme le sénateur José Freitas Valle ou Olivia Guedes Penteado qui lui ouvrent les portes des salons les plus en vue et lui passent des commandes, mais aussi à son mariage avec une riche héritière, Jenny Kablin – lui permet de réaliser deux expositions en 1924, comprenant notamment la série consacrée à Vilnius, et d’être immédiatement adoubé par Mário de Andrade dont il peint un portrait en 1927 [Beccari, 1984 ; Miceli, 2012 ; Pinheiro Filho, 2012]. Outre le fait que la figure de Segall permet aux premiers modernistes de prendre leurs distances avec un futurisme, devenu nauséabond du fait de son soutien au fascisme italien, et d’affirmer leur capacité à rallier des artistes issus d’avant-gardes formalistes souvent critiquées, elle constitue également une médiation durable d’expériences vécues et de représentations traumatiques de la guerre vers le Brésil – au même titre que Blaise Cendrars lors de son voyage de 1924, promenant son bras amputé neuf ans plus tôt lors de l’offensive de Champagne dans les bas-fonds de Rio ou les cidades históricas du Minas Gerais [Amaral, 1970].
Deux trajectoires au prisme de la Grande Guerre
14Ce que l’on peut observer à l’échelle d’une génération apparaît encore plus manifeste lorsqu’on se penche sur la trajectoire individuelle d’un certain nombre d’artistes ou d’intellectuels ayant pris part à l’émergence du mouvement moderniste au tournant des années 1910 et 1920. Figure tutélaire de la Semana de Arte moderna s’il en est, Mário de Andrade constitue un exemple de choix en la matière même si les innombrables travaux qui lui ont été consacrés omettent trop souvent de rappeler que sa première œuvre publiée fut un recueil de poèmes intitulé « Il y a une goutte de sang dans chaque poème », paru en 1917 sous le pseudonyme de Mário Sobral. Comme l’explique dans une note liminaire celui qui n’est encore qu’un jeune intellectuel pauliste amateur de Rimbaud et du symbolisme français21, tous les poèmes ont été composés en avril de cette année-là – au moment précis où le conflit devient réellement mondial, avec l’entrée en guerre des États-Unis et de nombreux États centraméricains et caribéens, et où le général Nivelle lance l’offensive du Chemin des Dames qui se transforme en une gigantesque boucherie en l’espace de quelques jours – et tous ont pour thème la guerre européenne. Le recueil consiste d’une part en une description somme toute assez classique, bien que non dénuée de cynisme, des horreurs de la guerre qui témoigne de la présence du conflit au sein de la société brésilienne, alors même que l’auteur n’a jamais traversé l’océan Atlantique et n’a de connaissance de la réalité des combats et de la violence de masse que par l’intermédiaire de la presse ou des témoignages de combattants qui, déjà, circulent dans les Amériques. Ainsi le poème « Refrain d’obus » débute-t-il par des vers bucoliques pour s’achever brutalement dans l’abomination de la mort :
« Partir dans l’air, traverser en se retournant
L’ambiance parfumée de l’été
Sentir le vent nouveau et doux
Dans l’élan de l’assaut
Se parfumer et se détendre dans la brise ! […]
Ô ! Comme il est bon de partir, en montant !
Dans la palpitation de l’aube froide
L’ovation triomphale du jour naissant et beau
Ô ! Comme il est bon de partir en montant ! […]
Mais dans la suprême gloire de monter
Sentir
Que les forces vont manquer
Et retourner de nouveau vers la terre
Et servir d’instrument dans une guerre
Et exploser
Et assassiner !…22 »
15Au sentiment de désolation se joint, d’autre part, le constat de l’agonie du modèle civilisateur de l’Europe que l’Argentin Domingo Faustino Sarmiento avait célébré en 1845 dans son fameux Facundo. Civilisation et barbarie et auquel l’immense majorité des élites latino-américaines avaient adhéré. « Là fut la civilisation » : c’est par ces mots désabusés que Mário de Andrade conclut le poème « Dévastation » et consacre la fin d’un âge historique au cours duquel l’Europe s’était imposée comme le centre du monde23. L’heure semble arrivée de l’émancipation vis-à-vis de ses patrons culturels : « Chopin était un joueur de berimbau », lancent les modernistes sur l’une des affiches les plus célèbres annonçant la Semaine de 1922, et « nous avons du talent ». Alors que la décennie s’achève, Mário de Andrade publie une Petite histoire de la musique dans laquelle il analyse les transformations récentes du champ musical brésilien et, plus généralement, la décolonisation culturelle que semble être en train de vivre la nation un peu plus que centenaire. La Grande Guerre apparaît alors comme une ligne de partage des eaux définitive :
« Lorsque la guerre de 1914 s’acheva, tous les arts connurent une nouvelle impulsion. Est-ce que la guerre eut une influence là-dessus ? Bien sûr qu’elle en eut une. Les quatre années de carnage eurent le don de précipiter les choses. Surgirent des gouvernements nouveaux, de nouveaux schémas scientifiques et des arts nouveaux. […] L’après-guerre généralisa un esprit nouveau, qui vient justifier et donner de l’ampleur aux processus apparus dans les deux décennies antérieures24.
16La rupture des années 1914-1918 ne recouvre cependant pas qu’un clivage entre une génération née à la fin du xixe siècle et les monstres sacrés de la littérature brésilienne qui l’ont précédée. En témoigne le cas de José Pereira da Graça Aranha (1868-1931) qui joue un rôle crucial dans la légitimation de la Semaine d’Art moderne alors qu’il incarnait quelques années auparavant tout ce que les modernistes ont pu répudier. Juriste de formation natif du Maranhão, écrivain devenu célèbre grâce à la publication en 1902 d’un roman nourri de germanophobie intitulé Canaã, membre de l’Académie brésilienne des Lettres, intimement connecté à la vie intellectuelle française au point de traduire en portugais Les diverses familles spirituelles de la France (1917) de Maurice Barrès un an après la publication originale, il incarne tout de l’académisme de la Belle Époque. En mars 1915, il est l’un des membres fondateurs de la Ligue brésilienne pour les Alliés et ne masque pas, dans son discours d’inauguration de ce groupe de pression destiné à relayer la propagande de l’Entente et à peser sur l’opinion brésilienne face à la guerre, sa francophilie militante : « dès le déchaînement du conflit, nous sommes venus à la France, mus par l’instinct même qui nous a montré en cette guerre le renouvellement du combat de la barbarie contre la civilisation25 ». Une lente inflexion se produit toutefois dans ses représentations de la guerre à partir de 1916-1917. Adhérent de la Ligue de Défense nationale qui déduit du déchaînement de la violence en Europe la nécessité de renforcer les fondations de la nation brésilienne, il note, dans la préface qu’il donne en 1917 à la traduction en portugais d’un livre de propagande français sur le pangermanisme, que le déclenchement du conflit européen a correspondu à « la résurrection de la nation brésilienne ». Outre les raisons morales ou économiques qui y inclinent, déclarer la guerre à l’Allemagne semble désormais indispensable « pour l’affirmation victorieuse de l’esprit national » et le Brésil ne peut y trouver que des avantages :
« Le Brésil se signalera sur la scène internationale. Nous sommes une nation de près de 27 millions d’habitants et nous disposons d’un vaste territoire disputé par l’expansion commerciale d’autres nations. […] Conscients de notre valeur économique et de notre capacité, nous ne devons pas rester à part de ce remodelage du monde. Cela serait une erreur majeure de la politique brésilienne. […] En sortant de l’isolement et en prenant part à la prodigieuse activité de laquelle sortira le monde nouveau, les Brésiliens se feront plus grands. Le Brésil sera la terre de l’enthousiasme créateur26. »
17En 1921, Graça Aranha publie A estética da vida, ouvrage considéré comme un tournant dans son œuvre littéraire [Azevedo, 2002], dans lequel on prend toute la mesure des dimensions littéraires de l’obsession nationale et nationaliste surgie pendant la guerre :
« Le “je” individuel se complète dans le “je” national. […] La nation est mon propre “je” dans ce qu’elle traduit d’éternel, de profond, de distant et de fort, parce qu’elle résume et exprime les sentiments d’âmes comme la mienne, lesquelles forment un tout immortel27. »
18Surtout, la Semaine d’Art moderne voit le jour grâce au soutien inconditionnel qu’il apporte au projet, aux côtés du mécène Paulo Prado [Waldman, 2010]. Sa conférence inaugurale, consacrée à « L’émotion esthétique dans l’Art moderne » et dans laquelle il annonce « la naissance émouvante de l’art au Brésil », met l’accent sur la place centrale du « moi brésilien » et sur l’urgence d’« un remodelage esthétique du Brésil » dans le projet porté par le modernisme :
« Il est prodigieux de voir comment les qualités fondamentales de la race persistent chez les poètes et les autres artistes. Au Brésil, au fond de chaque poésie, même quand elle veut s’en libérer, émancipée, gît cette portion de tristesse, cette nostalgie irrémédiable qui est le substrat de notre lyrisme. Certes, on constate un effort pour se libérer de cette mélancolie raciale, et la poésie donne alors naissance à un humour acerbe, qui est une expression du désenchantement, un sarcasme permanent contre ce qui est et ne devrait pas être, un art des vaincus. Nous sommes contre l’art imitatif et volontariste qui donne à notre “modernisme” une allure artificielle. Nous louons les poètes qui cherchent à se libérer par leurs propres moyens et dont la force d’élévation est intrinsèque. Nombre d’entre eux se sont laissés vaincre par le mal de la nostalgie ou par l’amertume de la farce, mais à certains instants un éclair de révélation leur parvient et les rend libres, joyeux, maîtres de la matière universelle qu’ils transforment en matière poétique. […] Or, tout ce en quoi l’Univers se fragmente est nôtre, ce sont les mille aspects du Tout, que l’art doit recomposer pour leur donner une unité absolue. Une vibration intime et intense anime l’artiste dans ce monde paradoxal qu’est l’Univers brésilien, mais elle ne peut se développer dans les formes rigides de l’arcade, qui est le sarcophage du passé. De même, l’académisme est une mort par glaciation de l’art et la littérature28. »
19La trajectoire est donc significative de cet homme qui, depuis un cosmopolitisme typique de la Belle Époque tropicale, en vient à parrainer l’événement fondateur du nationalisme culturel brésilien. La Grande Guerre, à défaut d’être une matrice en tout, fut incontestablement un catalyseur de ces pratiques artistiques que l’on commença à dire, dans l’euphorie créatrice paulista des années 1920 [Sevcenko, 2009], authentiquement brésiliennes. Dès lors que la fumée des obus ne permet plus d’apercevoir le phare de la modernité européenne qui avait guidé le destin de la jeune nation brésilienne depuis 1822, l’idée de brasilidade se substitue à celle d’une déclinaison brésilienne de la modernité européenne et, ainsi, crée les conditions d’une relation à parts égales entre les deux rives de l’Atlantique et ouvre la voie à une exportation des cultures brésiliennes vers l’Europe, voire plus amplement encore. Certes, la déconstruction du mythe de la centralité civilisatrice de l’Europe ne signifie toutefois pas une rupture soudaine et complète des liens que les modernistes brésiliens entretenaient avec le Vieux Continent, mais plutôt une resémantisation de cette relation. Dans les mois qui suivent la Semaine d’Art moderne, nombre de ses vedettes quittent le Brésil à destination de Paris qui demeure le principal espace de la légitimation artistique internationale. C’est le cas de Tarsila do Amaral et d’Oswald de Andrade, mais aussi de Villa-Lobos qui obtient en 1923 une bourse lui permettant de passer sept années dans la capitale française où il donne à connaître son œuvre et triomphe devant le public ébahi de la salle Gaveau [Fléchet, 2004].
20Il reste à noter, à l’encontre d’une certaine idée de l’exceptionnalité brésilienne, que la mutation que l’on observe au travers du prisme de la Semana de Arte moderna entre en résonance avec les transformations que connaissent, simultanément ou presque, les champs culturels d’autres pays latino-américains. À la définition d’une peinture nationale que propose Tarsila do Amaral – « je veux être la peintre de mon pays », écrit-elle à ses parents en août 1923 [Zilio, 1982, p. 48] – font pièce celles de Diego Rivera et des muralistes au Brésil, celles d’Alejandro Xul Solar, Emilio Pettoruti ou Antonio Berni en Argentine, celles de Pedro Figari, Rafael Barradas ou Joaquín Torres García en Uruguay [Lorenzo Alcala, 1994 ; Schwartz, 1995]. À l’invention d’une littérature restituant l’âme nationale chez Mário de Andrade répondent le créationnisme poétique de Vicente Huidobro au Chili ou la Ferveur de Buenos Aires de Jorge Luis Borges en Argentine. Autant de destins contemporains de la Grande Guerre qui mériteraient une étude comparée à l’échelle de l’Amérique latine, voire du continent américain tout entier, afin de mesurer ce que la provincialisation intellectuelle de l’Europe au tournant des années 1910 et 1920 fit à la construction des nationalismes culturels de l’autre côté de l’Atlantique.
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10.1590/S0103-21862010000100004 :Waldman Thaís, « À “Frente” da Semana de Arte Moderna: a presença de Graça Aranha e Paulo Prado », Estudos Históricos, Rio de Janeiro, vol. 23, n° 45, janeiro-junho de 2010, p. 71-94.
Zilio Carlos, A querela do Brasil, Rio de Janeiro, Funarte, 1982.
Notes de bas de page
1 Alceu Amoroso Lima, Memórias improvisadas. Diálogos com Medeiros Lima, Rio de Janeiro, Vozes, 2e éd., 2000 [1973], p. 123-124.
2 Dunshee de Abranches, A conflagração europeía e suas causas. Discurso proferido na Câmara dos Deputados ao Congresso Nacional do Brasil em 26 de setembro de 1914, Rio de Janeiro, Almeida Marques & C., 1915.
3 Dépêche de Paul Claudel à Aristide Briand, 12 février 1917 (ministère des Affaires étrangères – Archives diplomatiques de Nantes, Rio de Janeiro, ambassade, série A, carton 226).
4 Alceu Amoroso Lima, op. cit., p. 86 et 95.
5 Júlio Mesquita, A Guerra por Júlio Mesquita, São Paulo, O Estado de São Paulo/Editora Terceiro Nome, 4 vol., 2002., p. 132, 203 et 688.
6 Rui Barbosa, Le devoir des neutres, Paris, Librairie Félix Alcan, 1917, p. 52.
7 Manoel Alvarado de Souza Sa Vianna, L’Amérique en face de la conflagration européenne, Rio de Janeiro, M. A. Vasconcelos Éditeur, 1916. p. 3-4.
8 Antônio Moreira de Abreu, A Liga das Nações, Rio de Janeiro, Papeleria Brasil, 1919, p. IX.
9 Selon la formule du poète Filippo Tommaso Marinetti dans le célèbre « Manifeste du Futurisme », Le Figaro (Paris), 20 février 1909, p. 1.
10 Oswald de Andrade, « Em prol de uma pintura nacional », O Pirralho (São Paulo), n° 168, 2 janvier 1915, p. 7-9.
11 Intitulée « L’effort intellectuel du Brésil contemporain », cette conférence est publiée en français dans la Revue de l’Amérique latine, Paris, 2e année, n° 5, juillet 1923, p. 197-207 ; puis au Brésil, sous le titre « O esforço intelectual do Brasil contemporâneo », dans la Revista do Brasil, São Paulo, n° 96, décembre 1923, p. 383-389.
12 Oswald de Andrade, « Informe sobre o modernismo », Obras Completas. Estética e política, São Paulo, Editora Globo, 1991, p. 97-104. La première explication donnée à l’éclosion du modernisme est très claire : « entre 1914 et 1918, le monde avait changé. »
13 Sur la remise en cause des théories du blanchiment de la race et la genèse de l’idée de démocratie raciale dans les années 1910, voir Skidmore [1976, p. 164-191].
14 Oswald de Andrade, Obras Completas II – Memórias sentimentais de João Miramar, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1971 [1924], 3e éd., fragment 80, p. 60.
15 « Seule l’anthropophagie nous unit. Socialement. Économiquement. Philosophiquement. Unique loi du monde. Expression masquée de tous les individualismes, de tous les collectivismes. De toutes les religions. De tous les traités de paix. » Oswald de Andrade, « Manifesto antropófago », Revista de Antropofagia (São Paulo), 1re année, n° 1, mai 1928, p. 3.
16 « Qui a manifesté pour la première fois le désir de construire la peinture sur de nouvelles bases ? São Paulo avec Anita Malfatti. » Mário de Andrade, « A Semana futurista », A Gazeta (São Paulo), p. 1.
17 « O movimento modernista » (1942), in Mário de Andrade, Aspectos da literatura brasileira, São Paulo, Martins, 6e éd., 1978, p. 232 et 235.
18 José Bento Monteiro Lobato, « A Propósito da Exposição Malfatti », O Estado de São Paulo, São Paulo, 20 décembre 1917, p. 4.
19 Il regrette ainsi, dans un article paru en avril 1916 dans O Povo (Caçapava), que le Brésil se réduise à une « colonie mentale de la France », « espèce de Sénégal antarctique » (recueilli dans José Bento Monteiro Lobato, Obras Completas, vol. XV, São Paulo, Brasiliense, 1964, p. 101).
20 José Bento Monteiro Lobato, « Cultura e Civilização », Revista do Brasil (São Paulo), n° 48, décembre 1919 (recueilli dans Críticas e outras notas, São Paulo, Editora Brasiliense, 1965, p. 227-229).
21 Mário de Andrade, « Explicação », in Há uma gota de sangue em cada poema (1917), recueilli dans Obra imatura, Belo Horizonte, Editora Itatiaia Limitada, 3e éd., 1980, p. 13.
22 Mário de Andrade, « Refrão de obús », ibid., p. 23-24. L’auteur remercie Anaïs Fléchet pour la traduction de ce poème.
23 Mário de Andrade, « Devastação », ibid., p. 31.
24 Mário de Andrade, Pequena história da música, São Paulo, Livraria Martins, 8e éd., 1977 [1929], p. 194.
25 Cité par Gaston Gaillard, Amérique latine et Europe occidentale : l’Amérique latine et la guerre, Paris, Berger-Levrault, 1918, p. 41.
26 José Pereira da Graça Aranha, « Brasil e pangermanismo », in André Chéradame, O plano pangermanista desmarcado. A temível cílada berlineza da « partida nulla », Paris/Rio de Janeiro, Garnier, 1917. p. XXIII, XXV, XXVII et XXIX.
27 Cité par Vieira [1998, p. 153].
28 José Pereira da Graça Aranha, « A emoção estética na arte moderna », O Estado de São Paulo (São Paulo), 14 février 1922.
Auteur
Olivier Compagnon est professeur d’histoire contemporaine à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 (Institut des hautes études de l’Amérique latine) et dirige le Centre de recherche et de documentation des Amériques (Creda – UMR 7227). Il a notamment publié L’Adieu à l’Europe. L’Amérique latine et la Grande Guerre (Paris, Fayard, 2013), traduit en espagnol puis en portugais et primé par l’Académie française en 2014, et a contribué à la Cambridge History of First World War dirigé par Jay Winter. Il a dirigé, avec Diogo Cunha, Les Intellectuels et le politique au Brésil, xixe-xxe siècles (Limoges, Lambert-Lucas, 2016) et, avec Silvia Capanema P. de Almeida et Anaïs Fléchet, Como era fabuloso o meu francês! Imagens e imaginário da França no Brasil, séc. XIX-XXI (Rio de Janeiro, Fundação Casa de Rui Barbosa / Editora 7Letras, 2017). Depuis 2016, il est l’un des trois responsables scientifiques du programme de recherche Transatlantic Cultures. Cultural Histories of the Atlantic World, 18th-21st Centuries soutenu par l’ANR et l’agence brésilienne Fapesp.
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