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Gilberto Freyre et les sciences sociales : les nouveaux habits de la socio-anthropologie

p. 25-41


Texte intégral

1On admet habituellement que l’histoire culturelle au Brésil trouve ses racines dans les années 1920 et 1930. Parmi les différentes figures qui participèrent à cet avènement, les noms de Sérgio Buarque de Holanda et de Gilberto Freyre sont, sans doute, les plus connus. Il s’agissait, comme l’écrit Sandra Jatahy Pesavento, de répondre à des attentes diffuses « qui pourraient se résumer à la recherche d’une communauté de sens, symbolique et imaginaire, qui devait s’exprimer par la reconstruction et l’invention d’une identité nationale nouvelle » [Pesavento, 2004, p. 179].

2Je voudrais mettre en évidence les orientations méthodologiques mises en œuvre dès ces années par Gilberto Freyre, dans la ligne de l’anthropologie culturelle de Franz Boas dont il avait suivi l’enseignement aux États-Unis. Par ailleurs, je poserai en contrepoint la manière dont son œuvre a été commentée dans la communauté intellectuelle française dans la mesure où on y voit l’émergence des thèmes de ce qu’on peut appeler la « nouvelle histoire ». Il est, en effet, remarquable que ses travaux aient anticipé et, pourquoi pas, donné une impulsion nouvelle aux premiers pas de l’histoire culturelle française de l’École des Annales. Freyre a, en tout cas, été l’un des premiers à avoir pris une conscience claire de la nécessité, soulignée par Michel Vovelle dans Idéologie et mentalités, « de rester maîtres des deux bouts de la chaîne, de l’histoire des structures à celle des attitudes les plus élaborées » ou encore de « mener l’inventaire de la cave au grenier » [Vovelle, 1982, p. 15].

3Gilberto Freyre a joui en effet d’un singulier privilège : avoir été reçu par l’intelligentsia française peu de temps après la publication de ses premiers ouvrages. Cela n’est sans doute pas sans rapport avec le fait parfaitement anecdotique que trois universitaires français, et non des moindres, avaient vécu au Brésil dans les années 1930 et participé à la fondation de la faculté de philosophie de São Paulo : Paul Arbousse-Bastide, Roger Bastide et Fernand Braudel, sans parler de Claude Lévi-Strauss et Pierre Monbeig qui ne commentèrent pas l’œuvre de Freyre à ma connaissance. Alors que l’université française n’est pas réputée pour son ouverture sur les mondes extérieurs, cette circonstance explique pour une bonne part que Roger Bastide ait rendu compte de la publication de Casa Grande & Senzala dès 1939 [Bastide, 1939] ; que Paul Arbousse-Bastide ait préfacé Um engenheiro francês no Brasil l’année suivante [Arbousse-Bastide, 1940] ; ou encore que Fernand Braudel ait, pendant la guerre, analysé en détail la méthode de l’historien et sociologue brésilien [Braudel, 1943]. Cela n’explique, en revanche, nullement que ces comptes rendus aient préparé et anticipé de quelques années une réception bien plus large, où se joue une convergence d’intérêts et de principes méthodologiques que j’examinerai dans cet article.

4Trois domaines me paraissent constituer à la fois le cœur de la méthode freyrienne et le substrat du bon accueil qu’il reçut : les questions de l’identité nationale et de sa composition raciale et culturelle, de l’opposition entre tradition et modernité dans la genèse des phénomènes sociaux et finalement celle de l’écriture de l’histoire et plus généralement des rapports entre littérature et sciences humaines.

L’identité nationale et la question des races et du métissage

5En reprenant, à propos de l’ouvrage de Freyre Casa Grande & Senzala paru au Brésil en 1933 [Freyre, 1933], l’histoire des différentes études sur la question des races et de leur influence sur le développement des nations, Roger Bastide s’arrête d’abord sur les travaux de Nina Rodrigues1, sociologue réputé au point de vue fortement raciste. Celui-ci voulait démontrer que si les États-Unis avaient été capables de conduire un vaste développement industriel, contrairement au Brésil, c’est parce qu’ils avaient opté pour le maintien de la barrière raciale, empêchant le mélange des Blancs et des Noirs. Bastide note que cette vision raciste a été mise en question au Brésil dans les années 1930, notamment sous l’influence des travaux de Freyre, et que le Noir n’y est plus perçu comme un élément pathologique. Bien au contraire, l’avenir positif qui attend le pays tiendrait précisément au métissage des races et à la nature des processus de socialisation qui lui sont attachés.

6Dans ce changement de perspective, Bastide distingue des travaux relevant de trois méthodes d’analyse : la linguistique, l’ethnologie et la sociologie. La première, bien qu’intéressante, a donné peu de résultats, si on excepte l’étude remarquable du folkloriste Mário de Andrade, A calunga dos maracatus2. La deuxième, représentée par Arthur Ramos3, met l’accent sur les racines culturelles africaines des populations noires du Brésil. La méthode sociologique, enfin, prend en compte les rapports de pouvoir entre maîtres et esclaves et est illustrée par les travaux de Gilberto Freyre.

7La divergence méthodologique entre l’ethnologie et la sociologie tient au fait que la première envisage l’esclavage sous l’angle de la destruction d’une culture africaine d’origine. Ce qui se passe au Brésil est donc systématiquement reporté à un passé culturel dont l’ethnologue fait son objet. Pour la sociologie en revanche, les relations qui se nouent dans l’aire de colonisation lusitanienne – dont Freyre souligne les particularités – sont déterminées dans le cadre circonscrit de la famille patriarcale et de son système. Celui-ci implique que, dans les limites de l’espace naturel, social, politique et économique de l’engenho4, un type singulier de relations sociales s’est développé. Comme l’écrit Freyre :

« En réalité, ni le Blanc ni le Noir n’agissent pour eux-mêmes et moins encore en tant que race ou sous la pression du climat dans les relations sexuelles et de classe qui se développent au Brésil entre maîtres et esclaves. C’est l’esprit du système économique qui, nous ayant divisés en maîtres et esclaves, s’exprime dans ces relations à la manière d’un dieu puissant. C’est de cet esprit que provient la tendance manifeste au sadisme qui caractérise le Brésilien né et élevé dans les casas grandes, et particulièrement dans les engenhos. » [Freyre, 1961]

8Ce microcosme, où se mêlent des apports bantous, arabes, nagos et bien sûr lusitaniens, constitue un modèle de socialisation spécifique à la colonisation portugaise.

9Pour Bastide comme pour tous les commentateurs de Freyre en France, l’innovation méthodologique est déterminante : elle conduit le socio-anthropologue à se pencher sur les détails en apparence les plus infimes de la vie quotidienne, ce qui lui permet d’administrer la preuve du caractère dialectiquement multiracial de la société brésilienne et d’y voir une réussite ayant, par-delà les traumatismes de l’esclavage, promu les bases d’un système dynamique et métissé.

10Bastide oppose donc la méthode de Freyre à celle de l’ethnologie qui, pour analyser la dé-culturation5 du Noir africain au Brésil, doit affirmer connaître la culture d’origine. L’ethnologie se présente donc comme un savoir largement transcendant à la réalité sociale observée, tandis que la perspective de la sociologie de Freyre est toute différente. Cette dernière ne part pas d’un passé réputé connu, mais d’un présent de l’exil esclavagiste dont elle reconstruit la structure. Or, constate Freyre, ce devenir est essentiellement paradoxal et contradictoire. Dans l’opposition entre la casa grande – maison de maître – et la senzala – habitation des esclaves – se lit l’incommensurabilité entre maîtres et esclaves. En revanche, dans les circonstances humaines de cet isolement, apparaît une causalité seconde et contraire, dialectique, qui rapproche ce que l’économie sépare. Le manque de femmes disponibles et, par conséquent, l’exploitation des Noires comme maîtresses ou comme nourrices, crée une proximité inverse, faite de polygamie et de contacts constants entre les enfants blancs et noirs. Des traits fondamentaux de la culture d’origine africaine sont ainsi transmis par cette promiscuité.

11Plus tard, lorsque l’urbanisation aura rendu caduc le monde séparé de la casa grande et de l’engenho et, avec eux, l’exploitation rurale traditionnelle, la ville et la rue constitueront un milieu nouveau où, sous la pression des Métis nés de l’époque antérieure, un mélange inédit apparaîtra qui donnera à la société un dynamisme racial et social caractéristique du nouveau Brésil.

12Freyre explore des réalités sociales et des objets historiques qui n’ont pas encore bénéficié d’élaboration théorique et sont globalement négligés. Il mêle, du point de vue méthodologique, écologie sociale (isolement, habitat, architecture de la casa grande et du sobrado, la maison de ville à étages [Freyre, 1936]) et psychanalyse des rapports familiaux et des contacts physiques. Dépourvu d’une théorie explicative monologique, ce qui explique qu’il se défende d’être marxiste malgré le caractère profondément matérialiste de son étude, l’auteur donne tout son poids à la temporalité du vécu qui transforme les rôles et les conditions.

13Les marxistes, brésiliens ou français, lui reprocheront d’ailleurs de négliger la lutte des classes sans toujours s’apercevoir que ce sont bien ces conflits qui, selon Freyre, donnent lieu non à des soulèvements révolutionnaires, mais à des équilibres précaires résultant d’adaptations réciproques douloureusement élaborées et vécues. Cette critique, pour une part dogmatique, s’appliquerait à la vérité mieux aux généralisations dont Freyre n’est pas avare par ailleurs, qui tendent à montrer que le cas particulier du Nordeste brésilien peut valoir pour l’ensemble du pays et pour l’aire lusitanienne en général. Sur la description anthropologique du monde de l’engenho en revanche, le travail de Freyre reste à mon sens un cas exemplaire d’histoire et de sociologie totales.

14Au chapitre des généralisations, Braudel reprocha également à Freyre d’avoir quelque peu oublié que le Brésil n’était pas seulement une société close de casas grandes et de sobrados, mais qu’il fut aussi une terre de migrants et de nomades – sertanejos, bandeirantes, tropeiros6 – vivant dans la dépendance de ses ports et de son commerce international. Ce qui n’empêche pas Braudel de manifester son admiration :

« En tout cas, dans son œuvre passionnée, point de vieilles redites, point de couplets déjà entendus, et c’est beaucoup ; ce qui vaut mieux encore, pas non plus d’enthousiasmes gratuits ou d’admirations sur commande. Bonté, charme, abondance matérielle de la terre brésilienne, que n’a-t-on pas lu sur ce thème ? […] Sur ce point comme sur tant d’autres, l’auteur rend aux faits leur vérité en reposant les problèmes en termes sociaux, en termes d’humanité. Là où l’on disait : les gouvernants, les capitaineries, le sucre, les races, il voit des hommes, des familles, des milieux sociaux, des aristocraties, des peuples d’esclaves… Le progrès est immense. » [Braudel, 1943, p. 7]

15Le thème de la diversité et du métissage conduit un autre historien, Lucien Febvre, sur un terrain nouveau : la question du colonialisme. Prenant prétexte de la tentative avortée des Jésuites d’enseigner aux petits Indiens et aux Noirs à être de bons chrétiens à la mode européenne, Febvre ouvre en 1952 la question de la révolte des peuples colonisés, interrogation d’une actualité brûlante pour la France d’alors, embourbée en Indochine :

« Une civilisation unique, en quoi tous les hommes puissent trouver leur patrie est-elle possible ? Faut-il s’imaginer qu’à très peu de frais, la civilisation européenne dont nous sommes si fiers pourra devenir le bien commun de tous les peuples ? » [Febvre, 2005, p. 19]

16L’échec de l’apprentissage de la propriété, telle que l’entend le droit romain, ou de l’exigence de chasteté, telle que la comprend le christianisme, laisse à penser qu’une telle unification n’est pas possible sans violence. Or Casa Grande & Senzala insiste sur l’adaptabilité plutôt que sur les conflits violents. Cette manière paradoxale de prendre à témoin l’irénisme affiché de Freyre suggère qu’il est possible de déplacer avantageusement les grands enjeux de la politique mondiale pour s’approcher du terrain social concret grâce aux méthodes micro-sociologiques et culturelles. Les questions posées en des termes de conflit de civilisations pourraient alors recevoir des réponses plus nuancées et ouvrir sur des stratégies où le respect des différences conduirait à la transformation non seulement des autres mais de soi-même.

17C’est également la leçon que veut retenir Roland Barthes. Il apprécie la vigueur intellectuelle de Freyre, qui s’entend à manipuler ensemble les grandes théories historiques, sociologiques, psychanalytiques ou diététiques, tout en restant dans l’immédiateté des faits et au plus près du corps [Barthes, 1953]. Cela lui permet de construire une histoire totale immédiatement à partir du corps humain, de la santé, des humeurs, dans un style obsessionnellement attaché à la substance. Par rapport à ses devanciers, Freyre innove encore, aux yeux de Barthes, en accordant une importance notable à la sexualité et en développant une psychanalyse sans milieu bourgeois. En s’attaquant à l’effroyable mystification qu’est la notion de race, Freyre mène un courageux combat qui consiste à introduire l’explication rationnelle dans les vapeurs du mythe, souligne enfin l’auteur des Mythologies.

Tradition et modernité : la longue durée de la génétique sociale

18Dans l’énoncé des questions à aborder j’ai utilisé la dyade tradition/modernité. C’était une facilité coupable et Jean Pouillon, dans un article des Temps Modernes, souligne que l’exposé de Freyre présente l’avantage de ne pas se laisser enfermer par de telles dichotomies [Pouillon, 1953]. À l’instar de grands ouvrages sur le Brésil publiés dans la première partie du siècle, Freyre parle de « formation » plutôt que de « composition » de la société brésilienne. Il vise donc la genèse d’une structure sociale plutôt que son état et il évite la notion fermée de « structure sociale » pour lui préférer celle, plus générale et anthropologique, de « peuple ». Son livre Sobrados e mucambos porte ainsi en sous-titre : « la formation du peuple brésilien ». Cependant, son discours est autant sociologique qu’anthropologique ou historique. Pouillon parle à ce sujet d’« histoire totale », concept auquel il donne une signification proche du constat énoncé par les commentateurs français : en multipliant l’enchevêtrement des causes et des circonstances, Freyre ne conclut pas. Il ne privilégie aucune théorie, aucune causalité. C’est, dit Pouillon, qu’il conclut à chaque page, car l’unité des faits n’est ni idéale ni théorique. Bien au contraire, elle existe dans les faits mêmes. Si le réel est compréhensible, cela ne signifie pas qu’il faille donner au lecteur une clé unique. Il y en a 100, raison pour laquelle il n’y en a donc aucune à privilégier. Si le réel est compréhensible, il faut en pousser la description le plus loin possible, c’est-à-dire jusqu’au point où la pluralité fait elle-même apparaître l’unité du sens, dans un espace théorique où la rivalité des méthodes fait place à leur convergence – ou à leur réversibilité. Il en va ainsi des notions de tradition et de modernité, en elles-mêmes profondément paradoxales.

19Cette formation de la structure sociale, Freyre avait cherché à la faire émerger dans l’intimité du milieu familial dans Casa Grande & Senzala. Ce qui change avec Sobrados e mucambos, ce n’est pas la méthode, mais l’époque, donc les contextes. En s’éloignant du xviiie siècle et en se rapprochant de l’Empire, en passant d’un Brésil essentiellement rural, regroupé autour de l’unité d’habitation duelle casa grande/senzala, à une structure urbaine caractérisée par le type architectural du sobrado et par son complément pauvre, les mucambos7, Freyre s’avance à travers le xixe siècle vers le Brésil contemporain.

20Si l’analyse des rapports familiaux anciens mène Freyre à faire usage d’éléments autobiographiques, les sources d’ordre public – journaux, annonces, photographies, gravures de mode, etc. – deviennent ses instruments privilégiés d’investigation dès lors que se met en place l’espace public sur lequel se construisit le régime républicain et démocratique. Au processus d’accommodation complexe des esclaves aux maîtres, des Noirs aux Blancs, des fils aux pères, des épouses aux maris, ainsi qu’au procès d’adaptation écologique de ces groupes sociaux au milieu naturel propre au dispositif sucrier, se substitue le binôme sobrado/mucambos, qui révèle des dysfonctionnements nouveaux et marque la fin de l’équilibre socio-écologique patriarcal désormais décadent. La société qui se met en place se caractérise dès lors par des systèmes de tension plutôt que par des équilibres.

21On voit sur cet exemple comment Freyre dépasse les catégories du « traditionnel » et du « moderne » en montrant que ce sont les processus internes de formation de cette unité qu’il nomme maintenant « peuple » qui changent. L’ancien et « traditionnel » système d’accommodation est remplacé par un système « moderne » de déséquilibres permanents. Un système structurellement conflictuel qui éveille chez Freyre une certaine nostalgie des accommodations du passé. Tout se passe comme si la société patriarcale, par-delà sa dureté, représentait à ses yeux une sorte de paradis inexorablement perdu. C’est dans ce sens qu’on pourrait interpréter la différence qui se manifeste entre les dédicaces données à ses deux premiers ouvrages. En 1933, on peut lire dans Casa Grande & Senzala :

« À la mémoire de mes grands-parents
Francisca da Cunha Teixeira de Mello
Alfredo Alves da Silva Freyre
Maria Raymunda da Rocha Wanderley
Ulysses Pernambucano de Mello. » [Freyre, 1933]

22En 1936, Sobrados e mucambos s’ouvre sur le texte suivant :

« À mon père et à la mémoire de ma mère,
dont la maison, encore à moitié patriarcale et aujourd’hui démolie,
dans la rue des Aflitos, à Recife,
a vu la rédaction d’une grande partie de ce travail. » [Freyre, 1936]

23Le monde de la tradition possédait une stabilité qu’incarnait encore la demeure familiale. Toutefois, la permanence du bâti est toute relative et le sobrado familial a été démoli. Malgré la nostalgie qu’il en éprouve, Freyre estime qu’il est temps désormais de prendre en considération l’écheveau des décalages (desajustamentos) profonds qui donnent forme à la nouvelle réalité sociale. Ce regard, qu’il qualifie lui-même de révolutionnaire, doit élargir le point de vue et dépasser les focalisations habituelles sur le politique et l’économique. Du fait de l’autonomisation croissante des acteurs dans le cadre de leur existence plus libre dans l’espace urbain, l’anthropologue doit se faire attentif aux singularités des comportements d’êtres humains plus encore qu’aux rôles sociaux typiques. Il faut aborder l’histoire sociale par le biais des humains eux-mêmes, dans leur diversité subjective, ce qui implique, du point de vue épistémologique, que le savoir doit accepter de faire parfois le sacrifice d’une certaine objectivité au bénéfice d’une meilleure saisie des méandres de la singularité humaine.

24Pour évoquer cette période, Freyre parle d’un « nouveau paysage social » (métaphore plus ouverte que celle qui inclut la casa grande, l’engenho et la senzala dans la clôture du latifundium), marqué par une poussée d’urbanisation où les traits européens prennent de plus en plus d’importance et où un commerce de regards et de signes transite de l’intérieur des mucambos vers la rue. Dans la proximité, voire la promiscuité urbaine, les échanges se développent de telle sorte que le syncrétisme religieux redistribue à son tour les cartes entre le catholicisme et le culte de Xangô8. De la même façon, les clivages sociaux s’aiguisent et prennent de nouvelles formes, faisant par exemple que l’intérieur et l’extérieur deviennent des champs sémantiques et sociaux opposés. L’opposition paradigmatique femme d’intérieur versus femme de la rue en témoigne. On passe à tous égards d’un monde clos à un monde ouvert.

25Freyre pointe alors les nouveaux temps et espaces où se produisent des contacts inédits : la procession, la fête religieuse, le carnaval, mais aussi la place ombragée, le jardin, bientôt dit public, et la rue. C’est autour de ces lieux de rencontre et de la constitution lente d’un espace public avec ses hiérarchies, ses valeurs et ses rituels, que Freyre va construire le deuxième temps de son histoire sociale du Brésil.

26Mais, d’un bout à l’autre de l’œuvre, Freyre ne cesse de donner vie aux actes et aux comportements de chacun des groupes d’acteurs, se tenant volontairement à distance des discours généralisants. Un tel projet appelle, pour l’exposé, la mise en œuvre d’une écriture littéraire. C’est le troisième thème que je voudrais aborder.

L’écriture des sciences sociales et la littérature

27Alors que la « nouvelle histoire » n’est encore que dans les limbes, Braudel pointe, dès 1943, l’importance du style d’écriture de Freyre [Braudel, 1943]. Roger Bastide l’avait précédé sur ce terrain dans la Revue Internationale de sociologie en notant l’affinité de Casa Grande & Senzala avec la structure romanesque proustienne de À la Recherche du temps perdu [Bastide, 1939].

28S’il appartient à la sociologie, cet ouvrage relève donc aussi du roman pour sa capacité, presque empathique, de reconstruire le passé vécu. Dans l’opposition qu’il souligne entre le style argumentatif de l’histoire ou de la sociologie et le temps narratif proustien, Bastide laisse apercevoir le poids épistémologique de l’écriture elle-même. Face à la complexité des enchevêtrements des temporalités réellement constitutives de la vie sociale, le maniement fictionnel du temps se révèle mieux à même de faire voir, à travers l’accumulation des scènes perçues sous des angles toujours variés et les changements de voix narratives, le processus d’accouchement de la réalité sociale. Comme le dit encore Georges Balandier, Freyre apporte une contribution originale à ce qu’il appelle une « sociologie de la vie quotidienne », vision qui surprend l’histoire « en déshabillé » [Balandier, 1954]. De quoi on conclura, en termes de méthodologie, que la production de nouveaux instruments descriptifs, que ce soit au plan de l’écriture ou dans le domaine de l’iconographie, conditionne la production d’un nouveau savoir.

29Si certains sociologues ou historiens ont vu dans cet effort de proximité une manière de rendre leurs disciplines plus flexibles que le discours académique, les critiques ne furent cependant pas épargnées à Freyre. Il s’en défend dans la nouvelle préface qu’il rédige pour la deuxième édition de Casa Grande & Senzala. Au plan méthodologique, il y revendique sa préférence pour le vécu individuel, voire autobiographique, plutôt que pour les statistiques, dans la mesure où ce qui lui importe est de maximiser la fonction « factualisante » du discours. Clifford Geertz a relevé l’importance, dans le récit ethnographique, des traits qui manifestent que le document est le témoignage d’un témoin oculaire : « j’y étais, c’est moi qui ai vu cela, j’ai entendu untel dire cela » [Geertz, 1988]. William Labov a montré, de son côté, comment chaque genre de récit implique ce qu’il appelle également, mais en lui attribuant un autre sens, une « préface ». Ainsi le conte a comme préface « il était une fois », de même que l’histoire drôle commence par « tu connais la dernière » ou que le récit autobiographique suppose un « tu sais ce qui m’est arrivé » [Labov, 1976 et 1978]. Freyre est passé maître dans la construction de telles préfaces. C’est à travers elles qu’il authentifie son récit car, comme chacun sait, rien ne différencie radicalement un récit fictionnel d’un récit historique, sinon précisément le poids spécifique de ces préfaces destinées à convaincre le lecteur que le texte appartient à un genre plutôt qu’à l’autre. La préface de Freyre fonctionne bien comme un discours justificatif apologétique où le « j’y étais » du témoin oculaire est remplacé par « ma grand-mère y était ».

30Si la famille est au centre du dispositif de connaissance, celle de Freyre a pleinement le droit d’y figurer. Ses oncles et ses tantes sont des indicateurs aussi bons que les statistiques de production du sucre. L’autobiographie entre par conséquent légitimement dans le cadre de l’étude, elle en est même, pourrait-on dire, la matrice. Lorsque le sociologue travaille sur sa propre société, il est en effet toujours lui-même présent dans le savoir qu’il construit. Dès lors, autant affirmer cette présence en toute clarté, plutôt que de la dissimuler sous les signes de l’objectivité, au risque de la voir reparaître hors de notre conscience claire.

31Mais la famille dont parle Freyre dans ses dédicaces, cette famille patriarcale dont il est l’hériter, est entrée depuis longtemps en décadence. Son pouvoir économique et politique a déjà été remplacé sur la scène brésilienne. Les planteurs de canne des casas grandes du Nordeste ont depuis longtemps vendu leurs esclaves aux nouveaux puissants des régions caféières. C’est là aussi une des raisons pour lesquelles l’économique et le politique ne sont plus, aux yeux de Freyre, les meilleurs plans de discours pour décrire la réalité nordestine. Dans la mesure où cette classe de fazendeiros, sans avoir du tout disparu de l’horizon du pouvoir, survit dans ses traditions plutôt qu’elle n’invente l’avenir, elle relève effectivement d’une logique descriptive qui accorde toute son importance aux traits culturels construits durant son ascension et maintenant en décadence. C’est ce qui donne la tonalité proustienne de Casa Grande & Senzala. Toute autre doit être la description de la classe qui monte. Celle-ci est moins reconnaissable aux traditions qu’elle a établies et qui se sont complexifiées avec le temps avant de s’assoupir dans leur propre ritualisation, que par ses désirs simples de pouvoir et de richesse. Ce sont ces rêves qui, dans le présent de l’histoire, animent la dynamique sociale et constituent donc les objets importants à analyser. L’économique et le politique y dominent dès lors légitimement.

32Toute sociologie génétique est donc nécessairement écartelée. Elle l’est parce que ses objets, suivant le moment où on les saisit dans le cycle de leur existence, accordent plus ou moins d’importance aux enjeux simplistes du pouvoir ou aux enjeux complexes des traditions culturelles. Elle est écartelée aussi entre la reconstruction d’une tension passée ayant abouti à un équilibre déjà obsolète et un nouvel effort, tendu vers un avenir encore difficile à thématiser mais fort de la violence dynamique de ceux qui n’ont rien à perdre.

33On peut sans doute affirmer que, méthodologiquement, Freyre accompagne une classe en déclin. Il a, cependant, l’intelligence de montrer que ceux qui n’ont pas partagé ce passé, ces nouvelles classes métissées et leurs théoriciens, ne sauraient dans leur action négliger les traditions dont ils ont entrepris de se libérer. La méthodologie anthropologique prend ici une dimension véritablement politique, dans la mesure où elle se donne les moyens de relever les aveuglements propres à tout fantasme de la tabula rasa, ainsi que les conséquences désastreuses que l’oubli peut engendrer. Ici, on n’est plus dans la nostalgie ou le progressisme mais dans le principe de réalité de toute analyse de l’action.

34La sociologie génétique se trouve donc bien dans une situation proustienne. Le passé qui nourrit le présent s’est donné des formes d’un extrême raffinement tandis que l’avenir qui s’ouvre devant les acteurs présente encore le caractère fruste de ce qui n’est pas accompli, qui n’est qu’ébauché par des gestes sommaires et des instincts grossiers.

35Parmi ces héritages menacés, l’anthropologue a toujours accordé une certaine importance à la tradition orale qui ne bénéficie pas de la permanence de l’écrit et de l’imprimé. Tous ses ouvrages font une place, plus ou moins grande selon les cas, à des témoignages directs, à des souvenirs transmis de bouche-à-oreille et, comme on l’a vu, aux traditions familiales. C’est un aspect qui frappe immédiatement à la lecture de Assombrações do Recife velho [Freyre, 1970]. Gilberto Freyre y rapporte des récits de maisons hantées. C’est tout un théâtre du passé qui se rejoue à travers les histoires que le sociologue se flatte d’avoir collectées. Comme d’habitude, la présentation comprend une série de paratextes : une note de l’éditeur, deux préfaces de l’auteur – à la première et à la deuxième édition – et une introduction. Il y développe l’idée qu’il existe une « forme de socialité », peu connue et peu étudiée, qui réunit les vivants et les morts. De nombreux rituels en portent témoignage et Freyre ne manque pas de rappeler, pour prévenir les ricanements des sociologues professionnels, combien les grands ancêtres étaient importants pour le positivisme comtien. Les morts faisant partie du quotidien des vivants, une sociologie de leurs rapports a toute raison d’être tentée et la compilation des récits de maisons hantées peut en constituer une étape, comme celle des bandes dessinées pour l’époque contemporaine que revendique pour sa part Michel Vovelle [Vovelle, 1982, p. 93].

36Si on admet ce point de départ, on se demandera alors pourquoi la ville de Recife a vu germer une moisson particulière de récits mettant en scène des interventions du surnaturel dans le quotidien. Freyre l’explique de la manière suivante : Recife a vu le diable se promener dans ses rues ! Cette présence du démon métaphorise le fait que cette ville de bons catholiques portugais s’est vue envahie par des personnages blonds et calvinistes ou par d’autres pâles figures d’origine juives. Une telle promiscuité raciale et théologique, spécifique à l’histoire de Recife, ne pouvait manquer de créer des circulations fantasmatiques et sulfureuses plus riches qu’ailleurs.

37Freyre cherche, dans les histoires de maisons hantées, l’écho de ce surnaturel, produit d’une situation urbaine où des communautés religieusement closes sur elles-mêmes cohabitent sans parvenir à s’unifier. Il s’emploie, par ailleurs, à donner tous les éléments pouvant attester l’authenticité des témoignages qui fondent ces récits afin que le lecteur puisse considérer que si ce matériau narratif ne reflète peut-être pas une vérité de faits, il atteste pour le moins d’un état de la conscience collective. L’historien pointe un besoin de récits fantastiques, une compulsion à narrer des anecdotes surnaturelles, la volonté suivie de donner un statut à des expériences et des sensations qui débordent le cadre habituel de la rationalité. Sans ces récits, dit Gilberto Freyre, l’histoire de Recife ne serait qu’une histoire naturelle. Grâce aux maisons hantées, le corps minéral de la ville se met à vivre, les habitants d’aujourd’hui se trouvent enfin reliés à ceux de jadis. Le phénomène des maisons hantées et les récits qui animent une population d’esprits dans les carcasses esseulées des sobrados abandonnés, créent de la profondeur historique et sociale dans la spatialité urbaine.

38C’est au moment où la ville de Recife subit des transformations violentes qui font basculer dans le passé tout ce qui avait fait son existence antérieure, quand de larges pans de l’histoire vivante trébuchent dans la mort sociale, quand la ville des nobles sobrados est déjà abandonnée par une aristocratie qui a disparu ou s’est repliée sur d’autres terres ; c’est à ce moment que les demeures urbaines de l’aristocratie terrienne, déjà ouvertes à des trafics qui ne correspondent plus à l’histoire du patriarcat rural, deviennent poétiques, libèrent les esprits des ancêtres et des morts, font parler la généalogie et donnent de la voix dans le silence des nuits. Car, pour être vacantes, ces maisons n’en sont pas pour autant abandonnées par l’esprit ancien qui y réside encore et revient hanter les nuits de ceux qui ont cru pouvoir se les approprier, oublieux des maîtres du passé.

39Armés des savoirs nouveaux liés à la révolution industrielle, ces nouveaux occupants viennent de France et d’Angleterre et même déjà des écoles brésiliennes, nouveaux riches et nouveaux bacheliers marqués par une culture différente de celle du pater familias brésilien traditionnel. Ces nouveaux barbares se sont substitués aux anciens maîtres légitimes des sobrados réciféens. Leur savoir et leur mode de vie les ont coupés des racines traditionnelles locales. C’est pourquoi, la nuit, les « visages » font leur apparition, les spectres reviennent hanter ces maisons récemment abandonnées, portant témoignage d’une vie antérieure.

40Dans ces récits le sociologue voit poindre les angoisses provoquées par le remplacement d’une population par une autre, dans un contexte de grande perméabilité culturelle. Ces histoires de maisons hantées témoignent, sur le mode imaginaire, de la présence d’un Autre étranger, ressenti comme une présence inquiétante. Ces « visages » et ces voix résonnent comme autant de menaces que l’on espère conjurer en élaborant des récits. Recife a été traumatisée par des bouleversements qu’on ne sait nommer et qu’on ressent sur le mode de ce que Freud nommait Unheimlich9. Des populations, des idées et des comportements n’appartenant pas aux traditions locales, manquant de l’enracinement autochtone indispensable, deviennent « étranges » et « menaçants ». Ces sentiments qui se développent dans certaines couches de la population, emportées par le flux des transformations historiques qu’elles ne parviennent pas à rationaliser, favorisent l’apparition de ces récits fantastiques. Il s’agit donc bien d’un phénomène concret, malgré son caractère éminemment imaginaire lié à l’évolution urbaine. On pourrait parler d’un cas particulier d’occupation des lieux par une population qui s’est absentée de l’espace réel, mais qui n’a pas, pour autant, abandonné le terrain.

41Dans ces récits toutefois, ce qui reste de la grande époque du patriarcalisme rural, ce sont non pas les maîtres ni même les esclaves, mais des esprits. Comme si le monde désormais aboli avait survécu sous la forme d’esprits vagabonds ; de zombis. Ces revenants, si fortement liés aux croyances des cultes afro-américains, sont les « derniers survivants », la dernière forme vivante d’un monde disparu.

42Les esprits qui hantent la ville dominée par le rationalisme mercantile renvoient en fait moins aux pratiques anciennes du pouvoir patriarcal qu’à cette manière qu’a le passé de hanter le présent. Mais qui sait que le passé hante le présent : le moderne ? le progressiste ? Non pas. Seul connaît cette rémanence du passé, celui qui n’a jamais pu se projeter dans l’avenir, celui qui est toujours resté attaché à sa terre ancestrale : l’habitant des mucambos. C’est lui, l’Africain, le Noir encore enfermé dans des traditions religieuses qui lui sont bien plus que des murs de paille et de terre, une maison, une demeure, un lieu où se retrouver et survivre à son exploitation. Le Noir est le maître des esprits, macumba, candomblé, quelles qu’en soient les formes. Il parle encore, durant les longues nuits du Recife contemporain, avec les maîtres du monde passé. Car pour eux, tout pouvoir est dans le passé. Les esprits qui hantent le vieux Recife portent la parole de ceux qui ne se sont jamais détachés de leurs attachements ancestraux et, dans cette mesure, les vieux esclaves noirs et les vieux patriarches ruraux se retrouvent du même côté d’une frontière symbolique qui sépare le passé du présent, la tradition de la modernité.

43Avec cette analyse, à bien des égards pionnière, Gilberto Freyre confère un statut sociologique à des phénomènes qui ne trouvaient pas, à l’époque, leur place dans le discours scientifique. Ce que notre culture rationaliste moderne a dévalué en le tenant pour secondaire ou pittoresque, tout ce qui se développe aux marges des processus économiques et politiques dominants, Freyre invente des instruments pour en faire un véritable objet de savoir et tient à le faire pleinement figurer dans le tableau. Comme disent les typographes, c’est la marge qui fait la page.

Bibliographie

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Vovelle Michel, Idéologie et mentalités, Paris, Maspero, 1982.

Notes de bas de page

1 Légaliste et anthropologue brésilien, adepte des théories de Cesare Lombroso, Raimundo Nina Rodrigues est l’auteur, entre autres, de : « Métissage, dégénérescence et crime », Archives d’Anthropologie Criminelle (14/83), 1899.

2 Mário de Andrade, « A Calunga dos Maracatus », texte de 1929 repris dans [Carneiro, 2005].

3 Arthur Ramos (1903-1949), anthropologue brésilien, féru de psychanalyse, est l’auteur, entre autres, de Os horizontes místicos do negro da Bahia, Salvador, Arquivos do Instituto Nina Rodrigues, 1932.

4 Moulin à sucre.

5 Déculturation. Perte de sa culture d’origine. Notion à comparer avec son antonyme : acculturation.

6 Les sertanejos sont les habitants du sertão, nom générique donné aux régions faiblement peuplées de l’intérieur du Brésil. Les bandeirantes désignent les membres des bandeiras, expéditions armées de l’époque coloniale, menées à partir de la région de São Paulo pour capturer des Indiens, chercher de l’or et des métaux précieux. Quant aux tropeiros, il s’agit des hommes qui conduisaient les caravanes d’animaux de charge d’une région à l’autre du Brésil à l’époque coloniale et sous l’Empire.

7 Utilisé pour désigner la hutte des Nègres puis les communautés d’esclaves marrons à l’époque coloniale, le terme mucambo (ou mocambo) désigne par la suite les habitations précaires des Noirs et Métis brésiliens en milieu rural et urbain.

8 Xangô (chango ou shango) est la divinité (orisha) du tonnerre du culte Yoruba importé par les esclaves africains et occupant une place importante dans le panthéon des cultes afro-brésiliens, tel le candomblé, ainsi que dans l’aire caraïbe.

9 Terme utilisé par Freud pour désigner ce qui nous est étranger et fonctionne comme une inquiétante étrangeté (Unheimlichkeit).

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