Chapitre I. L’analyse des espaces régionaux
p. 146-163
Texte intégral
1Pour analyser le support géographique, pour tenter de discerner des espaces “régionaux” dans le Minas Gerais deux méthodes nous semblent fondamentales et complémentaires :
au niveau du “Paysage” directement visible, il s’agit d’opposer des types de paysages “naturels” plus ou moins transformés par l’homme, où se retrouvent une certaine homogénéité des conditions du milieu naturel et la répétition des mêmes activités agricoles (ou industrielles) passées ou présentes.
Moins directement visibles que le “décor”, mais plus directement sensibles pour les populations, les niveaux de développement économique sont les gages du futur régional ; pour atteindre ces niveaux propres à différentes portions d’espace, il faudra s’attacher à l’analyse de différents critères démographiques, socio-économiques.
1 – LES RÉGIONS – PAYSAGES
2L’étude des conditions du milieu naturel (2e Partie – Chapitre I) nous a montré comment les grandes unités géomorphologiques de l’Etat permettaient d’opposer les grands espaces peu accidentés du nord et de l’ouest, appartenant au vaste ensemble du Brésil Central aux cellules de relief plus varié et plus accidenté de la moitié sud-est, caractéristiques du Brésil atlantique. Nous avons aussi signalé l’existence de dépressions périphériques, représentant des zones de contact intéressantes (fig. 2) et nous avons montré comment l’homme a pu utiliser ces différents milieux naturels depuis le XVIIIe siècle en fonction des phases économiques successives (tableau 13).
3Nous avons indiqué également comment l’Etat a été divisé depuis 1922 en un certain nombre de Zones Physiographiques pour des fins uniquement statistiques, suivant des critères assez empiriques, tels que la simple situation, les bassins hydrographiques ou les formations végétales dominantes, la principale production de la région etc., (fig. 8 et 8 bis).
4Plus récemment des géographes de Belo Horizonte (107) et des géographes de Rio (505) ont présenté des projets de découpage plus rationnel de l’Espace :
a) Les géographes de Rio ont pris comme base de leur découpage en fait la région agricole, définie d’après des critères de paysage naturel, utilisation du sol, superficie moyenne des exploitations et densité rurale. Les tableaux 18 et la carte (fig. 38) nous montrent les résultats auxquels ils ont abouti : l’Etat a été découpé en 41 régions agricoles dont 14 sont en fait des sous-régions ; le tableau indique les principales activités agropastorales et la ville principale de la région ; ces régions sont réparties à l’intérieur des quatre grands domaines agricoles brésiliens suivants : I Cultures et Elevage laitier du sud-est brésilien. II Zone “bahiana” et “mineira” d’élevage commercial amélioré, III Elevage pour la viande avec expansion récente de l’élevage laitier et des cultures, IV Chapadas et Serras agricoles du nord-est brésilien.
5Ces 41 régions agricoles peuvent être facilement regroupées en 11 Régions dont les limites coïncident assez souvent avec celles des 14 zones physiographiques qui divisent l’Etat depuis la fin de 1962 (tableau 18 et carte fig. 8bis). Pour sa division préliminaire en zones homogènes, le Conseil national de Géographie a retenu 14 zones également, divisées en 46 sous-zones.
b) Les géographes de Belo Horizonte présentent pour leur part un découpage en 31 régions dont 7 sont des sous-régions ; il tient compte des conditions du milieu naturel, des ressources, de l’influence urbaine etc. Ce découpage est destiné à être utilisé pour toute planification sectorielle ou régionale (tableau 19). On remarquera que les grandes régions de regroupement sont trois régions “géo-morphologiques” : I Régions de massifs anciens, II Plateaux sédimentaires et III Dépressions de contact.
2 – LES DÉSÉQUILIBRES RÉGIONAUX
6Les niveaux de développement économique dans le Minas Gerais
7Comme dans tous les pays en voie de développement, les conditions socio-économiques actuelles sont caractérisées par de graves déséquilibres régionaux et de forts contrastes sociaux ; malgré les difficultés les premiers sont plus faciles à apprécier que les seconds, car les statistiques ou même les simples indications disponibles sur les revenus et les niveaux de consommation par classe sociale sont rares.
8Quels sont les indicateurs permettant de discerner différents niveaux de développement économique (ou mieux de sous-développement) dans le Minas Gerais ? avant tout, ceux du milieu rural, que l’on pourrait appeler ceux du “complexe agraire” à cause des interactions multiples.
A – LES INDICATEURS DU COMPLEXE AGRAIRE
9En 1950 la population agricole représentait encore 65,6 % de la population active de l’Etat ; en 1960 la population dite “urbaine” c’est-à-dire groupée dans les agglomérations de plus de 5 000 habitants ne dépassait que légèrement le quart de la population totale (27,75 %) et la participation de l’agriculture dans le revenu interne de l’Etat était encore de 47 % (contre 50 % en 1950). Il est évident que dans ces conditions, les indicateurs du complexe agraire sont fondamentaux : densité de la population rurale, structures agraires, surplus agricoles commercialisables, revenus agricoles et équipements des campagnes. Il faudrait pouvoir également distinguer pour chaque ensemble régional ce qui est imputable au potentiel naturel, aux héritages successifs des phases économiques antérieures et au dynamisme actuel.
1 – La densité de la population rurale
10Là comme dans tous les pays sous-développés, elle reste un élément primordial.
11Une série de cartes a été établie concernant la densité de la population rurale :
a) Tout d’abord en prenant comme base la plus petite circonscription administrative utilisée dans les statistiques démographiques, c’est-à-dire le “Distrito” (on en comptait 1 202 en 1960) une carte à l’échelle du 1/1 500 000e, montrant la densité de la population rurale dispersée – carte non publiée ; pour ce faire nous avons retranché de la population totale, tous les habitants vivant dans les chef-lieux de Municipes (Cidades) et de Districts (Vilas).
12Signalons que les valeurs extrêmes obtenues varient d’un maximum de 113 hab. au km2 à un minimum de 0,8 pour une moyenne de 9,8 hab. au km2 dans l’ensemble de l’Etat (en 1960 la population rurale dispersée totale s’élevait à 5 858 323 personnes).
b) Une deuxième carte, moins compliquée, basée sur la division en “Municipios” (il y en avait 485 en 1960) à l’échelle du 1/2 000 000e, montre la densité de la population rurale, non seulement dispersée, mais aussi celle qui est concentrée dans les “Cidades” et “Vilas” ayant une population inférieure à 5 000 habitants (ce que l’on pourrait appeler population semi-urbaine ou rurale concentré : en 1960 1 214 159 – (cf 1re partie - chap. I-1) : Au total en 1960 7 072 482 personnes ; c’est la carte (fig. 39) réduite à l’échelle du 1/4 000 000e.
13Alors que la moyenne de l’Etat est de 11,94 hab. au km2, les valeurs les plus fortes atteignent 81, 80,5 et 71,8 hab. au km2 (Municipes de Ribeirâo Vermelho, Guidoval, Tocantins et Vespasiano) et les valeurs minima restent en dessous de 2 hab/km2 (Municipes de Pirapora : 1,36, S. Româo : 1,54 et Paracatu : 1,90). D’après cette carte, l’Etat semble coupé en deux parties à peu près égales, de part et d’autre d’une ligne Cassia (CA) Salto da divisa (SD) : Au sud-est, la population rurale est assez dense (à l’échelle brésilienne) presque toujours au-dessus de 10 hab. au km2, avec une large zone, de Juiz de Fora au Rio Doce où les densités dépassent 30 hab. au km2 et parfois 50 ; les deux taches blanches (densités inférieures à 5 hab. au km2) correspondent aux parties méridionales de la Serra de Espinhaço et des Campos da Mantiqueira.
14Au contraire dans la moitié nord-ouest les densités restent souvent en dessous de 5 hab. au km2 et dépassent le niveau des 10 hab. au km2 seulement dans les “Iles” réduites autour de Montes Claros, Patos et sur les bordures nord et sud-est du Triangle.
15Ainsi nous retrouvons pour la densité de la population rurale la même opposition fondamentale, entre deux grands ensembles, déjà observée quant aux conditions du milieu naturel et aux vocations “historiques” de l’occupation du sol : aux fortes densités rurales correspondent les régions de relief morcelé, anciennement forestières du sud-est, occupées par l’agriculture à l’origine, tandis qu’aux faibles densités rurales correspondent les régions de grands plateaux, occupés par le “Cerrado” et voués à l’élevage extensif au nord ouest ; à l’intérieur du domaine faiblement peuplé, les “Iles” de peuplement rural plus dense représentent des formes d’occupation plus intensive du sol : “Invernadas” (pâturages d’embouche) et cultures autour de Montes Claros, culture du mais autour de Patos, cultures du riz et du maïs dans les vallées du Triangle.
c) La 3e carte de la densité de la population rurale, carte (fig. 40 à l’échelle du 1/5 300 000) utilise les 17 zones physiographiques de l’Etat ; malgré sa faible échelle elle est encore très parlante : 7 zones ont des densités supérieures à la moyenne de l’Etat : les zones de la Mata et du Rio Doce atteignent 33,57 et 26,52 hab. au km2 ; 3 autres zones. Métallurgique, Sud et Campos da Mantiqueira dépassent 18 hab. au km2 ; enfin les zones du Mucuri et de l’Ouest ont des densités de 13,9 et 12,3. Au contraire dans les 10 autres zones, les densités s’échelonnent de 11,55 hab. au km2 pour la zone du Moyen Bas Jequitinhonha aux minima de 3,14 et de 2,64 pour les zones du Moyen São Francisco et de Paracatu (tableaux 20-23).
2 – Charge agricole, utilisation du sol et structures agraires
16Sans avoir la prétention d’étudier toute l’économie agraire, nous avons cherché à déterminer les indicateurs agraires les plus intéressants pour différencier les régions :
17Le calcul de la densité de la population rurale par rapport à la superficie totale, aussi intéressant qu’il soit, reste très insuffisant ; il nous donne une “physionomie” générale de la région. Il faut calculer également la charge agricole au km2 utilisé, soit en appliquant la population rurale dispersée sur la superficie agricole utilisée par les exploitants (champs cultivés, pâturages, réserves forestières attendant un nouveau défrichement) ; soit encore, d’après le recensement agricole, prendre le personnel employé directement dans l’agriculture : en 1960 2 076 829 personnes pour une population rurale dispersée de 5 858 323 personnes...
18Le tableau 20 et le graphique-figure 41 présentent par zones la densité du personnel occupé par km2 utilisé et permettent de comparer ces données avec la densité brute de la population rurale ; nous avions trouvé une opposition entre les deux moitiés sud-est et nord-ouest de l’Etat (carte figure 40). Cette fois l’opposition se marque entre l’ouest et l’est de l’Etat : A l’est les densités du personnel agricole sont partout supérieures à la moyenne de l’Etat : 5,30 personnes par km2 utilisé (sauf à l’extrémité nord-est dans les zones du Moyen Bas Jequitinhonha et du Moyen Jequitinhonha) ; les quatre zones des Campos da Mantiqueira, Haut Jequitinhonha, Rio Doce et Mata dépassent 10 personnes. A l’ouest au contraire les densités des 7 zones s’échelonnent de 5,10 (Montes Claros) à 1,15 (Paracatu).
19C’est pour les deux zones du Haut Jequitinhonha et de l’Itacambira que le classement est le plus discordant : elles présentent à la fois une faible densité rurale et une forte charge démographique agricole (ce sont en effet les zones qui ont les plus faibles pourcentages de superficie utilisée par rapport à la superficie totale).
20Pour pouvoir expliquer cette opposition fondamentale entre l’ouest et l’est de l’Etat, il faut rapprocher ces densités agricoles des trois autres rapports indiquant l’utilisation du sol et la structure agraire : la superficie utilisée par rapport à la superficie totale, l’importance des cultures par rapport à la superficie utilisée, la superficie moyenne des exploitations agricoles (tableau 20 - cartes fig. 42 et 43).
21Ainsi la région orientale de forte charge démographique agricole par rapport à l’espace utilisé correspond le plus souvent à l’importance des cultures et parallèlement aux faibles dimensions moyennes des exploitations agricoles.
22Les sept zones de l’est : Sud - Mata - Campos da Mantiqueira, Métallurgique, Rio Doce, Mucuri et Haut Jequitinhonha présentent à la fois les plus forts pourcentages de mise en culture (de 21,6 % pour la Mata à 9,7 % pour la zone métallurgique), supérieurs à la moyenne de l’Etat 9,3 % et aussi des superficies moyennes par établissement inférieures à la moyenne de l’Etat (106 ha en 1960) variant de 93 ha pour la zone du Mucuri à 45,5 ha pour les zones du Haut Jequitinhonha et des Campos da Mantiqueira.
23La forte charge démographique peut correspondre encore à une faible utilisation de l’espace, due avant tout aux conditions défavorables du milieu naturel : ainsi les trois zones montagneuses des Campos da Mantiqueira, Métallurgique et Haut Jequitinhonha n’utilisent que 51,2 %, 49,5 % et 33,5 % de leur superficie totale alors que la moyenne générale de l’Etat est de 66 %.
24Par opposition la zone ouest de faible charge démographique agricole par km2 utilisé correspond au domaine de l’élevage le plus souvent de type extensif, avec un faible pourcentage de cultures et des exploitations beaucoup plus étendues ; il faudrait d’ailleurs ajouter aux six zones de l’ouest : Triangle, Haut Paranaiba, Haut São Francisco, Paracatu, Moyen São Francisco et Montes Claros, les deux zones de l’extrémité nord-est de l’Etat, vouées elles aussi à l’élevage extensif à cause de l’isolement et des grandes surfaces de pédiplanation. Partout les superficies mises en culture sont faibles, avec les taux minima de 1,54 %, 2,35 % et 2,45 % dans les zones de Paracatu, Haut São Francisco et Moyen São Francisco ; seule la zone du Triangle, qui comporte des vallées bien cultivées, se rapproche de la moyenne de l’Etat (9,3 %). Parallèlement les superficies moyennes des exploitations s’échelonnent de 135 ha dans la zone de Montes Claros à 420 et 480 ha dans les zones du Haut São Francisco et de Paracatu ; dans ces deux dernières zones il existe plus de 60 exploitations dépassant 20 000 ha chacune... On remarque enfin que les deux zones de l’Itacambira au nord et de l’Ouest forment transition entre ces deux blocs bien tranchés.
3 – Évolution de l’économie rurale
25Si la densité de la population rurale comme la densité agricole au km2 utilisé sont de bons “révélateurs” pour chaque région du potentiel naturel, des vocations “historiques” et de la structure agraire en général, elles montrent plus les résultats du passé rural que les promesses d’avenir. Pour tenter d’évaluer l’évolution de l’économie rurale dans les différentes zones de l’Etat, il faut comparer de nombreuses données :
L’accroissement de l’emploi agricole de 1940 à 1960.
L’extension de la superficie utilisée aux mêmes dates (carte fig. 42).
L’indice de “début de mécanisation” : en 1960 la moyenne était de 13,7 tracteurs pour 100 km2 cultivés... (tableau 20).
L’évolution des productions de l’agriculture et de l’élevage.
Les mouvements estimés de la population rurale par la méthode des surplus (voir première partie chapitre I-7).
26L’Analyse de tous ces éléments permet de distinguer :
1 – des Régions agricoles dynamiques
ce sont celles qui ont le plus accru leur densité rurale, leur personnel employé dans l’agriculture comme la superficie utilisée ; leur taux de croissance naturelle ne leur permettant pas un tel accroissement de population, elles ont dû théoriquement recevoir des migrants d’autres zones (de quelques dizaines de milliers à quelques milliers suivant les zones en 20 ans) ; partout la mécanisation agricole est presqu’inexistante.
27Parmi ces régions nous trouvons trois zones où prédomine encore l’élevage extensif : Montes Claros, Moyen São Francisco et Paracatu. Mais la zone de Montes Claros a des “invernadas” importantes, qui s’étendent ; le dynamisme de l’économie agraire est due à l’extension des cultures, soit sèches, soit irriguées : coton et ricin dans le bassin du São Francisco, riz dans la zone de Paracatu. Il s’agit d’une occupation agricole plus complète et plus dense de régions faiblement peuplées, mais il est difficile de parler de véritables fronts pionniers.
28L’autre exemple est assez différent : il s’agit de la zone du Mucuri, où continuent les défrichements forestiers pour cultiver les céréales ou le café (principalement dans l’ancienne zone contestée entre l’Etat de Minas et l’Etat d’Espirito Santo) ou passer directement à l’élevage ; ici on peut raisonnablement parler d’une région “pionnière”, où la densité rurale est déjà assez forte (en 1960 13,94 hab. au km2).
2 – des Régions agricoles moins dynamiques
qui accroissent encore leur densité rurale, la superficie utilisée, le personnel employé dans l’agriculture, mais sans faire appel à la population d’autres zones. Nous rencontrons ici cinq zones à population rurale faible, où domine l’élevage extensif : Moyen Bas Jequitinhonha – Moyen Jequitinhonha – Itacambira – Haut São Francisco et le Triangle. Si dans la région de l’Itacambira la culture du coton se développe, les cultures du riz et du mais sont florissantes dans les vallées du Triangle. Ce sont les deux zones du Triangle et du Haut São Francisco qui possédaient en 1960 les plus “forts” pourcentages de tracteurs : 45 et 25 tracteurs pour 100 km2 cultivés...
29Il faut classer dans cette catégorie, la zone du Rio Doce également. C’est une zone de forte densité rurale (en 1960 26,52 hab. au km2) qui a subi la même évolution que la zone du Mucuri, 10 ou 15 ans avant celle-ci ; dans ce front pionnier “essoufflé” l’agriculture prédomine toujours, malgré les progrès récents de l’élevage laitier, venu épauler, grâce à l’ouverture des routes, l’élevage orienté vers la boucherie.
3 – des Régions agricoles traditionnelles qui se transforment plus ou moins rapidement
ce sont des régions de forte ou de moyenne densités rurales, où la conquête agricole est plus ancienne. La densité rurale s’accroît ici moins vite que la moyenne de l’Etat ou même commence à diminuer (c’est le cas des zones du Sud, de l’Ouest et du Haut Paranaiba) – (carte fig. 40 et graphique fig. 48).
a) Le plus souvent la charge agricole diminue. La perte de population (qui se dirige vers les villes de l’Etat ou vers d’autres Etats de la Fédération) est à la fois la cause et la conséquence de l’orientation vers l’élevage laitier (carte, fig.44). Cet élevage est favorisé par l’amélioration des réseaux routiers et le développement des consommations urbaines (Rio de Janeiro – São Paulo – Belo Horizonte). Parfois l’agriculture devient un peu plus intensive et les tracteurs commencent à apparaître.
30Dans la zone de la Mata la densité rurale est encore forte (en 1960 33,57 hab. au km2) et la mécanisation très faible : 8 tracteurs pour 100 km2 cultivés !
31Le modernisation de l’agriculture est plus sensible... dans la zone Métallurgique, le Sud, l’Ouest et le Haut Paranaiba (22, 18, 14 et 13 tracteurs pour 100 km2 cultivés).
b) Au contraire la charge agricole, malgré les départs de population, continue à augmenter dans deux zones où elle est déjà forte : Haut Jequitinhonha et Campos da Mantiqueira (cf tableau 20bis).
4 – Les surplus agricoles commercialisés et les revenus agricoles
32Après avoir mis en évidence les oppositions du milieu naturel, les conditions démographiques, les structures agraires des différentes zones de l’Etat, il reste à comparer leur capacité exportatrice et leur revenu agricole, c’est-à-dire leur poids économique dans l’Etat et dans la Fédération brésilienne ; ce qui expliquera en grande partie leur pouvoir d’absorption, leur réceptivité au progrès moderne.
a) En ce qui concerne les surplus agricoles commercialisés il n’existe aucune statistique précise, il faut recourir aux diverses études réalisées par la C.A.S.E.M.G. (Companhia de Armazens e Silos do Estado de Minas Gerais) la “Banco de Desenvolvimento de Minas Gerais”, la F.R.I.M.I.S.A. (Frigorificos Minas Gerais S.A.), un géographe américain Kempton E.Webb (507-508).
33On peut encore pour chaque zone et pour chaque production agricole importante (riz, café, maïs, haricots, coton, viande, produits laitiers) comparer la production réelle et la consommation théorique (suivant les quotients moyens brésiliens) pour en déduire les surplus théoriquement exportables.
34L’ensemble de ces données se recoupe et correspond aux flux de produits agricoles transportés sur des distances supérieures à 100 ou 200 km, en fonction des trois grands marchés de consommation des produits du Minas : Belo Horizonte et sa région industrielle (zone métallurgique), l’Etat de São Paulo et la ville de Rio de Janeiro (cartes, fig. 44 et 45).
35Le tableau 21 résume pour chaque zone de l’Etat les principaux surplus agricoles expédiés, en indiquant des ordres de grandeur.
b) Pour apprécier les revenus agricoles, en l’absence de statistiques une première approche consiste à calculer pour chaque zone la valeur des productions agricole et pastorale en rapport avec la population rurale.
36Pour l’élevage on ne dispose que de la valeur des troupeaux et non pas de la valeur des productions animales, mais on peut raisonnablement estimer cette dernière au quart de la valeur des troupeaux (ainsi en 1958 la valeur des productions animales et dérivées a été de 16,279 millions de Contos – Prix courants – pour une valeur des troupeaux estimée à 62,833 millions de Contos).
37Sur le tableau 21 la 1re colonne indique le quotient de la valeur de la production agricole par tête de ruraux ; la 2e colonne, le quotient de la valeur des troupeaux (divisée par 4) par tête de ruraux ; la 3e colonne est le total des 2 premières. Ce tableau montre bien l’opposition existante entre la moitié sud et ouest de l’Etat et les régions du Nord et de l’Est : six zones : Triangle, Haut Paranaiba, Sud, Ouest, Haut São Francisco et Mata présentent des quotients supérieurs à la moyenne de l’Etat (5,75 contos par tête en 1958) ; les 11 autres zones sont en dessous de la moyenne au contraire, s’échelonnant de 5,65 à 2,22 ; on remarquera que ces quotients sont en rapport direct avec l’importance des surplus agricoles expédiés par chaque zone. (En 1958 1 Conto, soit 1 000 Cruzeiros valait 2 700 Francs (anciens). Ainsi la valeur moyenne de la production agropastorale par tête de ruraux variait de 5 940 anciens Francs à 49 140 anciens Francs par an... !)
38Un deuxième tableau (tableau No 22) permet de mieux saisir les disparités régionales des revenus agricoles et de montrer les disparités sociales : on a tout d’abord calculé le quotient moyen par exploitation pour l’ensemble des exploitations et ensuite ce même quotient pour chaque classe de superficie des exploitations (moins de 10 ha – de 10 à 100 ha – de 100 à 1 000 ha – de 1 000 à 10 000 ha et plus de 10 000 ha), en attribuant empiriquement à chaque classe le pourcentage de la production agricole et pastorale, correspondant au pourcentage de la superficie agricole occupé par cette classe (sur le tableau nous n’avons pas indiqué les quotients correspondant aux 106 exploitations de plus de 10 000 ha qui couvraient en 1960 8,3 % de la superficie agricole de l’Etat). Nous retrouvons évidemment l’opposition entre les régions Nord, Est et Nord-Ouest de l’Etat où dominent l’élevage extensif des grandes exploitations et l’agriculture de subsistance des petites exploitations d’une part et les régions Sud et Ouest, où coexistent un élevage plus perfectionné (bétail sélectionné dans le Triangle, élevage laitier ailleurs), l’agriculture commerciale et l’agriculture de subsistance d’autre part. La moyenne du revenu agricole par exploitation varie de 343,60 Contos dans le Triangle à 32,73 Contos dans le Haut Jequitinhonha, soit 10 fois plus. Pour les exploitations d’une superficie inférieure à 10 hectares, c’est la Mata qui a le quotient maximum : 12,28 Contos et Paracatu, le quotient minimum 0,85. Pour les exploitations d’une superficie de 10 à 100 ha nous retrouvons la Mata et Paracatu aux deux extrêmes : 83,23 et 7,68. Quant aux exploitations de 100 à 1 000 ha le Sud dépasse la Mata (518,05 Contos contre 511,89) ; Paracatu restant en dernière position : 54,79. Enfin pour les exploitations de 1 000 à 10 000 ha, le Sud est en tête avec les Campos da Mantiqueira, Paracatu toujours en dernière position. Si l’on considère les quatre classes d’exploitations, seules cinq zones (Mata, Sud, Triangle, Campos da Mantiqueira et Metallurgique) ont partout des quotients supérieurs à la moyenne de l’Etat, tandis que neuf zones ont toujours des quotients inférieurs à cette moyenne ; l’ouest présente des quotients supérieurs pour trois classes d’exploitations ; le Rio Doce et le Mucuri n’ont des quotients très légèrement supérieurs à la moyenne que pour les exploitations inférieures à 10 hectares.
39Si l’on cherche à convertir ces chiffres en francs français, on obtient les résultats minima et maxima suivants ; pour chaque exploitation de moins de 10 ha : de 2 295 anciens francs à 33.156 par an... à l’autre extrémité de l’échelle sociale pour chaque exploitation de 1 000 à 10 000 ha : de 1 196 000 à 9 757 800 anciens francs par an.
B – INDUSTRIALISATION – URBANISATION ET NIVEAUX DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
40Les différents indicateurs du “Complexe agraire” que nous venons de passer en revue : densité de la population rurale, structures agraires, importance des surplus agricoles commercialisés permettent d’expliquer pour la grande majorité des zones, les contrastes existant dans le niveau de développement régional.
41Cependant pour quelques zones il faut tenir compte des activités industrielles, même si l’industrie ne représentait encore en 1960 que 17,46 % du revenu interne de l’Etat (contre 14,97 % en 1950) en employant 1,42 % de la population totale (139 835 personnes en 1960).
1 – Industrialisation
42La carte des régions industrielles (fig. 46) et le tableau 23 nous montrent les types d’activités industrielles (cf publication 505) et pour chaque zone en 1960 les effectifs employés ainsi que le nombre d’employés industriels pour 100 habitants (le tableau 24 donne le classement – colonne 3). Seules trois zones à vocation industrielle plus marquée (représentant à elles seules en 1958 60,28 % de la valeur de la production industrielle de l’Etat) dépassent le taux moyen de l’Etat 1,42 % ; il s’agit de la zone métallurgique, des Campos da Mantiqueira et de la Mata : la zone Métallurgique possède à la fois les industries de base les plus importantes (Sidérurgie – Ciment – Extraction minérale) et les industries de consommation les plus diverses ou les plus modernes (comme au Parc industriel de Contagem près de Belo Horizonte). Dans les Campos da Mantiqueira (grâce aux effectifs industriels des deux villes de São Joâo del Rei et Barbacena) et dans la Mata coexistent les deux types d’industries traditionnelles de l’Etat : textiles et alimentaires. Deux autres zones sont proches de la moyenne : l’Ouest (où la métallurgie a fait de grands progrès également à Divinópolis et Itaúna) et le Haut São Francisco (grâce à Curvelo et quelques petits centres textiles). Malgré leur richesse agricole, le Triangle et le Sud ont un faible taux d’industrialisation, et pratiquement elles ne possèdent que des industries de conditionnement des produits agricoles (décorticage du riz – abattoirs – produits laitiers etc.), et très peu d’industries spécifiques.
43Huit zones de l’Etat n’atteignent pas le taux de 0,50 % et nous retrouvons là les zones à faibles revenus agricoles du nord-est et du nord-ouest de l’Etat ; dans ce groupe trois zones font meilleure figure : le Rio Doce (grâce à Governador Valadares), le Mucuri (grâce à Teôfilo Otoni et Nanuque) et Montes Claros (grâce à la ville du même nom).
2 – Causes et types de l’urbanisation
44La carte d’indice d’urbanisation (fig. 47) et les tableaux 23 et 24 (colonne 4) nous permettent de distinguer les zones “civilisées” de l’Etat et les zones “pionnières” ou “périphériques” peu urbanisées au nord-ouest et au nord-est.
45Dans un premier temps il apparaît logique de comparer ces taux d’urbanisation avec les densités de population rurale : cf carte (fig. 40) – graphique (fig. 48) – tableaux 23 et 24 (colonne 1).
46Le graphique (fig. 48) nous montre, de 1940 à 1950 en pointillé et de 1950 à 1960 en trait continu, l’évolution de la densité rurale et de l’urbanisation. Remarquons que l’évolution dominante est beaucoup plus vers l’urbanisation que vers le renforcement de la densité rurale ; cependant quatre zones importantes : Mata, Rio Doce, Mucuri et Montes Claros accroissent leurs densités rurales ; trois autres zones au contraire voient de 1950 à 1960 diminuer leurs densités rurales : Sud, Ouest, Haut Paranaiba.
47Si l’on s’arrête à la situation en 1960, ce graphique démontre bien une variété de corrélations entre le taux d’urbanisation et la densité de la population rurale (tableau 25).
48Les discordances les plus importantes apparaissent dans deux cas :
les deux zones de la Mata et du Rio Doce les plus densément peuplées ont un taux d’urbanisation inférieur à la moyenne de l’Etat ;
au contraire les trois zones du Triangle, du Haut Paranaiba et du Haut São Francisco présentent des. densités rurales faibles, mais des taux d’urbanisation compris entre 26 et 43 %.
49Il est ainsi évident que la densité de la population rurale explique rarement l’importance de l’urbanisation. Deux autres facteurs sont primordiaux : souvent le volume et la valeur des surplus agricoles commercialisables et parfois l’industrialisation (cf tableau 24).
50Ainsi les forts taux d’urbanisation des trois zones à faible densité rurale (Triangle, Haut Paranaiba et Haut São Francisco) s’expliquent par leurs forts quotients de production agricole (Exportation de riz, maïs, haricots, élevage de reproducteurs, embouche et élevage laitier plus récemment) malgré leur faible industrialisation (Curvelo est une exception) ; au contraire deux zones à forte densité rurale (Campos da Mantiqueira et zone Métallurgique sans Belo Horizonte) doivent leur urbanisation beaucoup plus à l’industrialisation (extraction minérale – sidérurgie – textile – industries diverses) qu’à l’importance de leurs surplus agricoles (lait principalement). Pour neuf zones de l’Etat au nord-ouest et au nord-est, la concordance est remarquable entre la faible ou très faible urbanisation et partout les faibles indices de la production agricole (sauf l’exception de la zone d’embouche du Moyen Bas Jequitinhonha) et de l’industrialisation ; ce sont en général des zones faiblement peuplées également, sauf en ce qui concerne le nord-est de l’Etat : Moyen Bas Jequitinhonha, Mucuri et surtout la zone du Rio Doce densément peuplée.
51Précisons que ce taux d’urbanisation est un taux brut qui recouvre des paysages urbains, des types d’urbanisation différents. Sur le graphique (fig. 49) le trait noir renforcé indique la population des villes de plus de 20 000 habitants.
52Ainsi dans le Triangle, les quatre villes de plus de 20 000 habitants (Uberaba, Uberlandia, Araguari et Ituiutaba) groupent à elles seules 39,55 % de la population totale de la zone, tandis que les agglomérations de 5 000 à 20 000 habitants ne groupent que 3,5 % et celles inférieures à 5 000 habitants 8,7 % de la population ; comme dans la “campanha” du Rio Grande do Sul, il y a une forte opposition entre quelques villes importantes et la population rurale dispersée, sans l’existence d’un réseau de petites villes ou de bourgs.
53Au contraire dans la zone de la Mata, face aux six villes de plus de 20 000 habitants représentant seulement les 14,28 % de la population de la zone (malgré l’apport de Juiz de Fora, deuxième ville de l’Etat), les agglomérations de moins de 20 000 habitants groupent 21,6 % de la population ; il existe ainsi toute une gamme de petites villes et de villages entre les villes importantes et la population rurale dispersée ; le même semis se retrouve dans les zones de l’Ouest et du Sud ; dans cette dernière zone les cinq villes de plus de 20 000 habitants ne représentent que 9,31 %, alors que les autres agglomérations groupent 31,2 % de la population totale.
3 – Encadrement tertiaire et équipements
54Les oppositions régionales démontrées par les taux d’urbanisation sont confirmées par l’analyse de nombreux indices pouvant servir à montrer le niveau de vie moyen de chaque zone (tableaux 23-26 et 24, colonne 5 et 6, carte : fig.50) : l’encadrement tertiaire (commerce – banque – services de réparation – logement – récréation) ; l’encadrement sanitaire (nombre d’habitants par lit d’hôpital, par médecin et par dentiste) ; le niveau de scolarisation primaire ; les indices bancaires (valeur des dépôts et des prêts par habitant).
55Les disparités de niveau de vie et d’équipement apparaissent ainsi choquantes entre les régions “civilisées” et les régions “oubliées” par le développement : le plus souvent six ou sept zones apparaissent avec des indices supérieurs à la moyenne de l’Etat ; ce sont la zone Métallurgique, le Triangle, la Mata, le Sud, les Campos da Mantiqueira et parfois l’Ouest, le Haut Paranaiba ou le Haut São Francisco. Au contraire cinq zones se partagent toujours les indices les plus faibles : Moyen Jequitinhonha, Haut Jequitinhonha, Paracatu, Moyen São Francisco et Itacambira.
56En règle générale, il apparaît nettement que le plus grand sous-équipement est lié aux faibles densités rurales (donc à la dispersion extrême de la population) coïncidant avec les plus faibles valeurs de la production agricole et les plus grandes inégalités des structures foncières (tableau 22).
57Parallèlement l’équipement supérieur à la moyenne semble lié à de fortes densités rurales (où la population est plus accessible), à des valeurs moyennes de la production agricole et à des structures foncières plus “équilibrées” ; cependant les deux zones du Rio Doce (récemment encore pionnière) et du Mucuri (encore pionnière) avec des densités rurales forte ou moyenne, mais une production agricole médiocre, sont encore sous-équipées.
4 – Types de régions
58En conclusion nous avons tenté de présenter un tableau de classement des zones suivant divers critères démographiques et socio-économique (tableau 24) pour opposer les types de développement économique :
Pour mémoire nous avons indiqué dans la 1re colonne la densité de la population rurale (cf fig. 40) pour rappeler l’opposition entre les zones où dominent encore l’élevage extensif et les zones d’agriculture ancienne ou plus récente (Rio Doce, Mucuri).
De la colonne 2 à la colonne 6, le classement est très homogène : dans huit zones dominent les notes supérieures à la moyenne de l’Etat (+, ++, +++) ou près de la moyenne (o) ; il s’agit des zones les plus “développées” de l’Etat et la zone métallurgique incluant la capitale est toujours en tête du classement. Au contraire dans la moitié inférieure du tableau se trouvent neuf zones, où il n’y a que des notes inférieures à la moyenne de l’Etat, sauf une seule exception ; ce sont évidemment les zones les plus “sous-développées” du nord et nord-Est. La zone de l’Itacambira est toujours au dernier rang.
Les 7e et 8e colonnes, montrant l’accroissement de la population totale de 1950 à 1960 et la croissance de la population de toutes les “cidades” et “vilas”, présentent un classement très différent : la stagnation démographique et urbaine de six zones assez développées : Mata, Campos da Mantiqueira, Sud, Ouest, Haut Paranaiba et Haut São Francisco s’oppose au dynamisme démographique de quatre ou cinq zones sous-développées : Montes Claros, Rio Doce, Mucuri, Paracatu et Moyen São Francisco (ces deux dernières zones encore très faiblement peuplées).
59Résumons enfin d’après ce tableau les principales caractéristiques des zones de l’Etat (carte-figure 51).
Les zones présentant les meilleurs indices de développement et un dynamisme démographique important :
La zone métallurgique avec la capitale.
Le Triangle, malgré une faible densité rurale et l’absence d’industries spécifiques, grâce à la forte valeur de la production agro-pastorale.
Les zones assez développées, mais dont le dynamisme démographique est ralenti : six zones, parmi lesquelles deux se singularisent par la faiblesse de la densité rurale (Haut Paranaiba et Haut São Francisco) et deux également par la faiblesse de l’emploi industriel (Sud et Haut Paranaiba) : il faudrait opposer également à l’intérieur de ce groupe, les zones traditionnelles “décadentes” (relativement au progrès général de l’Etat) comme la Mata et les Campos da Mantiqueira (les plus industrialisées encore) et les zones marquées par un certain dynamisme urbain : Ouest et Haut Paranaiba (grâce à Divinôpolis et Patos entre autres).
Cinq zones présentent un niveau de développement médiocre, qu’il s’agisse de zones à bonne densité rurale (Rio Doce) ou faiblement peuplées. Seule la zone du Moyen Bas Jequitinhonha présente un bon quotient en ce qui concerne la valeur de la production agro-pastorale. Partout l’urbanisation est encore faible mais il faut remarquer le dynamisme démographique et urbain des trois zones de Montes Claros, Rio Doce et Mucuri, dû en grande partie au développement des centres régionaux de Montes Claros et Governador Valadares, comme au “pionnièrisme” agricole.
Quatre zones enfin montrent les indices les plus faibles dans tous les domaines : les deux zones les plus faiblement peuplées (Paracatu et Moyen São Francisco) attirent une colonisation agricole qui pourrait se développer avec des travaux d’aménagements et d’irrigation. Les zones du Haut Jequitinhonha et de Ntacambira sont aussi pauvres, mais répulsives.
60Ainsi l’influence des villes va s’exercer sur un milieu géographique très hétérogène à l’intérieur de l’Etat, plus ou moins réceptif aux incitations des villes, plus ou moins résistant à leur domination.
61Les déséquilibres régionaux sont si marqués qu’il semble parfois difficile d’employer le même vocabulaire : suivant les régions de l’Etat le mot “ville” recouvre des réalités bien différentes.
C – Niveaux de consommation et contrastes sociaux
62S’ajoutant aux fortes disparités régionales, il existe des contrastes sociaux plus marqués qu’en France. Malheureusement aucune statistique d’ensemble ne permet de préciser pour l’Etat l’éventail des niveaux de vie suivant les différents groupes sociaux, mais la simple observation attentive de la vie quotidienne permet de s’en faire une idée.
63Les revenus très inégaux et l’éloignement des équipements (évalué en distance-argent comme en distance-temps) sont responsables des niveaux de consommation très contrastés, alors que la société industrielle diffuse partout les mêmes modèles de consommation.
64C’est pourquoi nous avons tenté de mettre en rapport les types de besoins suivant les différents groupes sociaux et les activités économiques, puis à montrer où ces besoins peuvent être satisfaits. Pour les types de besoins nous avons distingué les besoins quotidiens indispensables, les besoins normaux réguliers et irréguliers et enfin les besoins exceptionnels :
a) Pour les classes les plus déshéritées (Prolétariat des campagnes et population marginale des villes), c’est au niveau du “hameau” ou du coin de la rue (na esquina) que peuvent être satisfaits leurs besoins quotidiens de “survie” : en effet c’est la venda ou bar-épicerie élémentaire qui leur vend à crédit : riz, haricots, pâtes, viande séchée, conserves, eau de vie de canne (appelée cachaça ou pinga) etc., ainsi que le kérosène pour l’éclairage.
65Pour leurs besoins normaux irréguliers, ils doivent s’adresser aux services fournis par un village (Vila ou Cidade) ou l’ébauche d’un quartier en ville : chapelle, bazar qui vend les produits textiles, la mercerie, les outils agricoles etc. ; école primaire (en nombre insuffisant ou sans aucun matériel !) ; pharmacie où l’on vient demander conseil avant d’aller chez le médecin en dernier ressort ; poste sanitaire public parfois.
66Enfin ce n’est que pour satisfaire des besoins exceptionnels que ces miséreux vont à la ville et souvent directement à la grande ville, où ils trouvent dispensaires et hôpitaux, secours charitables mieux organisés...
b) Pour la classe populaire brésilienne, c’est-à-dire les ouvriers de l’industrie ayant un emploi fixe, les employées du commerce et des services, les petits agriculteurs, le niveau de vie est “meilleur”.
67Si les besoins alimentaires quotidiens sont peu différents de ceux des classes déshéritées (la régularité des repas est mieux assurée, la consommation de viande, laitage et œufs apparaît), l’école primaire devient un besoin quotidien ; la pharmacie et le dispensaire, le bazar, le bar plus moderne avec la vente de glaces (Sorvetaria) les différents artisans (menuisiers, cordonniers, barbiers etc.), satisfont les besoins normaux réguliers.
68Parmi les besoins normaux irréguliers de ce groupe social apparaît un commerce plus spécialisé, où l’on peut acheter à crédit des meubles, la radio et les appareils electro ménagers (machine à coudre, fourneau à butagaz et de plus en plus le frigidaire et la télévision) ; apparaissent également le médecin et le dentiste (si possible ceux des instituts de Sécurité sociale ou de l’entreprise),l’assistance aux séances de cinéma et aux matchs de football, les contacts avec l’administration municipale. Ce qui reste encore assez exceptionnel, c’est le recours à la banque, à l’enseignement secondaire et la lecture (en dehors d’un journal ou des bandes dessinées).
69Ainsi l’ensemble des besoins de la classe populaire brésilienne peut être satisfait dans une petite ville ou dans le centre d’un quartier populaire bien structuré d’une grande ville.
c) La classe moyenne, dont l’importance quantitative n’est pas négligeable et qui s’affirme d’année en année, comprend sans doute la moitié des fonctionnaires publics (administration, enseignement, armée), les employés de niveau supérieur des banques, du commerce et des services, les commerçants et les cadres techniques de l’industrie (ingénieurs, techniciens) ; le cumul de plusieurs emplois à mi-temps est fréquent.
70Pour eux un commerce alimentaire mieux achalandé (grâce à la “Mercearia” de quartier), toute la gamme des artisans, le collège secondaire, l’aide d’une employée domestique, les journaux, le téléphone, le frigidaire, la télévision et de plus en plus l’automobile, font partie des nécessités quotidiennes ;
71Les besoins normaux réguliers comprennent les achats hebdomadaires au marché (viande – fruits et légumes) ou dans un supermarché, le recours aux services d’une banque, d’un club sportif ou récréatif et les besoins normaux irréguliers comportent le recours au commerce spécialisé ou de “luxe” : mode, livres, photos, appareils électro ménagers ; également le recours à l’Université, aux médecins spécialistes, à un avocat, à l’administration en général.
72Pratiquement l’ensemble de ces besoins ne peut être satisfait que dans une ville mieux équipée comme un centre régional ou dans le centre principal d’une grande ville.
73Si les voyages à l’étranger restent un luxe, le tourisme régulier à l’intérieur du pays devient plus courant.
d) Pour les classes privilégiées et dirigeantes, le cumul des fonctions est la règle : ce sont les mêmes familles qui groupent les grands propriétaires terriens, les professions libérales, les industriels et les grands commerçants, les cadres administratifs et politiques du pays ; pour eux, seule la métropole régionale est à même de répondre à leurs besoins (Belo Horizonte) et parfois ils préfèrent s’adresser directement aux métropoles nationales (Rio de Janeiro et São Paulo). Les voyages en avion, le tourisme à l’étranger sont pour eux des besoins normaux irréguliers. Le recours au commerce de luxe, à l’Université (principalement pour des études de droit ou de médecine), aux professions de conseil, aux directions bancaires, aux grands clubs internationaux (Lion’s, Rotary) sont des besoins normaux réguliers, ils ont toujours à leur service plusieurs employés domestiques et souvent plusieurs automobiles.
74Il faudrait de nombreuses enquêtes pour préciser notre esquisse des niveaux de consommation. Ils montrent notamment comment l’espace “perçu” peut être différent suivant les groupes sociaux : les classes déshéritées vivent dans de véritables “ghettos” ruraux ou suburbains ; leur “espace” est très limité c’est le “Municipio” ou la grande ville. Seuls le transistor, l’autobus parfois et l’émigration lointaine évidemment leur permettent de s’évader... Les classes privilégiées au contraire “survolent” de plus en plus des espaces différents, depuis leurs “fazendas”, leur fief électoral jusqu’à la métropole régionale et au-delà jusqu’aux métropoles nationales et internationales.
75Il nous semble que seules, les classes populaires et moyennes, peuvent ressentir une “conscience régionale” véritable.
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