Chapitre II. Les paysages urbains
p. 33-42
Texte intégral
1L’urbanisation, restée jusqu’ici très modeste, dans le Minas Gerais, vient de démarrer : certaines villes de l’Etat sont de véritables villes-champignons ; d’autres stagnent au contraire ; des centres régionaux s’affirment ; de nouvelles agglomérations industrielles ou pionnières naissent... De quelles villes s’agit-il ? Comment vivent leurs habitants ?
2Dans un pays en voie de développement comme le Brésil, avec peu de traditions historiques et encore une forte prépondérance des activités rurales, il est normal que les villes soient bien différentes des villes euro-européennes ; en fait certains traits les rapprochent davantage des villes africaines et leur “vernis” moderne rappelle certaines villes nord américaines...
3Les descriptions qui suivent et les photos que nous avons pu publier vous aideront à imaginer ces paysages urbains. (Planches de photos No I à XIV).
1 – BELO HORIZONTE : CAPITALE CHAMPIGNON
4Que l’on arrive à Belo Horizonte par la route ou par l’avion, le spectacle est impressionnant. Après avoir traversé ou survolé les montagnes du Quadrilatère ferrifère, désolées et peu peuplées, apparaît brusquement à nos yeux une immence agglomération peu ordonnée, étalant ses milliers de maisons basses au milieu des arbres sur un moutonnement de collines. Bloquée au Sud-Est par l’escarpement de la Serra do Curral, l’agglomération s’étend vers le nord (Pampulha-Venda Nova) mais surtout suivant un axe Nord-Est Sud-Ouest depuis Santa Luzia jusqu’à Betim ; au centre de la ville semble jaillir un bouquet de quelques dizaines de gratte-ciel dépassant vingt étages.
5Comme Brasilia, la ville a été créée de toutes pièces à l’emplacement d’un petit village appelé “Curral d’el Rei”, pour être la capitale de l’Etat en 1897, en remplacement d’Ouro Preto perdue au milieu des montagnes ; c’est pourquoi la partie centrale de la ville présente un plan en damier recoupé par des avenues en diagonale (comme à Washington) à l’intérieur d’une avenue périphérique de 12 km, appelée “Contorno” ; toutes ces artères sont bordées d’arbres. Mais l’accroissement urbain a vite débordé le cadre initial planifié, lançant ses tentacules dans toutes les directions. La ville n’avait que 8 000 habitants en 1900, 44 000 en 1920, 177 000 en 1940 et en 1960 elle est devenue la quatrième ville brésilienne avec 642 000 habitants ; en 1967 sa population a dépassé le million et égalé sans doute celle de Recife. C’est un magnifique exemple de ville “champignon”.
6L’agglomération de Belo Horizonte a été minutieusement décrite par Roger Teulières dans sa thèse (003).
7Mais depuis cette date les transformations ont été rapides :
a/ Le modernisme du centre fait penser à São Paulo : somptueux gratte-ciel, des banques, grands magasins, snack-bars, un immeuble garage, etc... L’avenue principale de la ville, l’Avenida Afonso Pena, débarrassée de sa ligne de tramways, mais aussi de ses rangées d’arbres... est devenue une grande artère digne de la circulation automobile de la ville. La place centrale la “Praça 7” où se croisent l’Avenida Afonso Pena et l’Avenida Amazonas, a perdu son obélisque surnommé “Pirolito”, remplacé par un monument moderne.
Cependant l’ambiance n’est pas aussi fièvreuse qu’à São Paulo. La Praça 7 reste l’endroit de rencontre préféré de la ville, où les conversations peuvent durer des heures devant les bars ou les “maisons de la chance”, où sont vendus les billets de loterie et affichés les résultats...
b/ Limitée il y a dix ans à quelques pâtés de maisons autour de la “Praça 7”, la ville “en hauteur” s’étend d’année en année principalement en direction du Nord-Ouest et du Sud. Les nouveaux gratte-ciel qui sortent de terre sont encore destinés parfois à abriter des bureaux, des salles de consultation médicale, etc. mais le plus grand nombre est destiné à l’habitation ; ce sont des résidences accessibles aux classes moyennes supérieures (les classes les plus aisées restent très attachées à la ville familiale somptueuse), ce qui a entraîné l’implantation d’un équipement commercial très moderne, de nouveaux cinémas, de galeries marchandes, de nombreuses agences bancaires et des hôtels les plus récents de la ville. Ainsi s’est crée à proximité du Centre traditionnel, un centre secondaire à fonctions mixtes (résidence plus commerce et bureaux) en plein développement, axé sur les rues Tupis, Bahia, Espirito Santo et l’Avenida Augusto de Lima. Récemment la ville verticale a progressé le long de l’Avenida Afonso Pena au-delà du Parc Municipal (nouveau gratte-ciel de la “Companhia Siderurgica Belgo-Mineira”). Plan, fig. 12 bis.
c/ Le rapide accroissement de la population a provoqué naturellement une importante extension de l’agglomération et une densification de l’habitat dans les zones déjà urbanisées. Dans de nombreux quartiers, des petits immeubles de trois ou quatre étages groupant de 10 à 20 appartements destinés aux classes moyennes, viennent s’intercaler entre les maisons individuelles.
Face à l’afflux de la population, la construction de logements est insuffisante et seule la solution “bidonvilles” permet aux classes sociales les plus défavorisées de se loger ; Roger Teulières a décrit dans les “Cahiers d’Outre-mer” Tome VII 1955, les “Favelas” existant à cette date à Belo Horizonte. Depuis, l’étude du Département de l’habitation Populaire sur la population vivant en favelas (Departamento de habitacâo Popular – Levantamento da populaçâo Favelada de Belo Horizonte – Dados Preliminares 1966) a reçensé 79 favelas groupant 119 799 personnes en 25 076 domiciles (soit 14,75 % de la population estimée de Belo Horizonte en 1964) ; le “Cadastro das Favelas” de 1955 indiquait 9 343 domiciles et 36 432 habitants de favelas ; ainsi en 10 ans l’accroissement des domiciles aurait été de 168 % et celui des habitants de 229 %, tandis que la population de la ville ne se serait accrue que de 69 %... Les progrès de la “favelisation” sont aussi rapides que ceux de la “vitrine” moderne de la ville... Depuis quelques années, des organismes officiels comme la “Banco National de habitacâo” ou des Sociétés d’économie mixte, ont réalisé des programmes de construction d’ensemble de maisons populaires, avec des systèmes de location ou d’accession à la propriété, pour le recasement des habitants des favelas démolies ou le logement de personnes des classes populaires.
d/ Il faut signaler également d’importantes réalisations dans les domaines universitaire, sportif et routier : au Nord de la ville, près de l’aéroport et du lac de Pampulha, où se reflète la célèbre chapelle de Saint-François d’Assise, le Rectorat, le Centre de Recherches Nucléaires et quelques bâtiments forment l’ébauche du futur campus Universitaire. Tout près on vient d’achever un stade géant de 130 000 places, sans doute le deuxième du monde après celui de Maracanâ à Rio ; le fanatisme des brésiliens pour le football est bien connu ! Une rocade de 18 km contourne la ville par l’Ouest, unissant les routes de Rio, São Paulo, Brasilia et Victoria, évitant ainsi le passage de tout le trafic en transit par le centre de la ville.
e/ Si les fonctions principales de Belo Horizonte sont restées, comme il y a dix ans, administratives, commerciales et financières, l’expansion industrielle a été remarquable. Les usines les plus récentes se sont implantées dans les deux cités industrielles satellites crées au Sud-Ouest : Contagem et au Nord-Est de l’agglomération : Santa Luzia ; la cité industrielle de Contagem plus ancienne, groupait en 1966 77 entreprises avec 14 000 ouvriers contre 21 entreprises et 2 850 ouvriers en 19(…) les banlieues de la ville travaillent 40 000 ouvriers. Sur la-route de Betim, la récente raffinerie de pétrochimie reçoit le pétrole brut de Rio de Janeiro par pipeline a une capacité de deux millions de tonnes par (….) fig. 12 ter).
2 – LES PETITES VILLES
8Quittons la capitale de l’Etat, affairée et bruyante, pour aller visiter d’autres villes. Sur la route de São Paulo, après trois heures de voyage, arrêtons-nous à Oliveira qui nous permettra de faire le portrait robot d’une petite ville de l’Etat ; (elle avait en 1960 près de 13 000 habitants).
9Quel paysage, quelle vie caractéristique, quels équipements présentent une ville de 8 000 à 15 000 habitants, que l’on rencontre si couramment du Nord au Sud du Brésil ? Il faut accorder une grande place à la petite ville et à ses variantes, parce qu’elle constitue la base de la pyramide urbaine, le point de rencontre privilégiée entre la campagne et l’économie industrielle. Elle a souvent conservé le mieux “la civilisation traditionnelle” héritée du Portugal, mais transformée par le milieu tropical et des apports humains très hétèrogènes, face aux villes plus importantes déjà fortement influencées par les modèles de la civilisation de consommation.
10Vue d’avion ou parcourue à pied, la première impression est la même ; en dehors d’une petite zone centrale, l’aspect de la ville est très peu “urbain” : les maisons peu serrées sont basses, le plus souvent sans étage, blanchies à la chaux ou non, couvertes de tuiles et comportant en arrière un jardin ou une cour (le “quintal”) souvent plantés de bananiers, de papayers ou de manguiers, avec un poulailler et parfois quelques porcs. Les rues non pavées ou non goudronnées, véritables bourbiers pendant les pluies, sont encore la majorité ; certaines sont plantées d’arbres ; au plein milieu d’autres s’alignent les poteaux supportant les lignes électriques, système très courant au Brésil... Des chevaux, des mulets ou des chars à bœufs font encore obstacle à la circulation automobile, où dominent les jeeps et les camions. De nombreux habitants de la ville sont des propriétaires de fermes “fazendeiros” ou des ruraux nouvellement arrivés, installés à la périphérie dans de simples masures, avec des murs en terre séchée, plaquée sur un treillage de lattes (ce type de mur s’appelle “pau a pique” ou “taipa”) et un toit de chaume ou de tuiles. Ce type d’habitation est similaire à celui que l’on rencontre à la campagne ; de même les habits et les habitudes sont encore ceux des ruraux : chapeau, chemisette ouverte et les pieds nus pour les plus pauvres ou bottes pour les autres ; tout le monde se couche et se lève tôt ; on ne se gêne pas pour bavarder au milieu de la rue ou cracher par terre à toute occasion. Les enfants jouent au football dans la rue ou dans un terrain vague. Tout rappelle la campagne : le chant des oiseaux, les odeurs, l’air qu’on y respire, les animaux échappés qui s’y promènent en liberté... Le rythme de la vie y est plus régulier : on ne perçoit pas autant qu’en Europe les périodes de flux, de reflux de la population, ni son travail ; les oisifs semblent nombreux à toutes les heures de la journée.
11Centre d’une zone rurale plus ou moins étendue, la petite ville concentre les activités tertiaires nécessaires à cette zone et à sa vie propre ; elle joue un rôle primordial dans la vie sociale, le commerce et les transports ; par contre ses industries sont élémentaires et ses services publics, sanitaires ou culturels déficients.
a/ La vie sociale
12Une grande partie de l’animation de la ville, le “movimento”, comme disent les brésiliens, se concentre sur la place principale et le long d’une rue commerçante. La petite ville comporte souvent quelques places secondaires, mais une seule polarise la vie urbaine. Autour de cette place sont construites les maisons de notables ou quelques édifices à plusieurs étages et surtout des boutiques, la banque, une pension, le cinéma et les bars les plus fréquentés de la ville. L’église principale ou “matriz” est rarement au milieu de la place, mais sur un des côtés, discrète ou majestueuse suivant les cas ; dans un pays à 95 % traditionnellement catholique, on ne saurait assez insister sur la place de l’église dans la société et sur l’animation qu’elle apporte dans la vie urbaine : messes dominicales, grandes fêtes collectives et processions, mais aussi les cérémonies des familles aisées ou de la classe moyenne, somptueuses, relativement au niveau de vie moyen... Les cérémonies, comme les vêtements et maintenant l’automobile sont les preuves de la promotion sociale. La place est rarement étriquée ; c’est souvent un véritable jardin public, planté d’arbres, avec des plates bandes de fleurs, des bancs et au centre un vieux kiosque à musique ou la statue d’un homme politique célèbre né dans la ville ou encore un bassin avec une fontaine. La place est fréquentée dans la journée, si elle est suffisamment ombragée, mais c’est devant un café connu de tous, appelé “o ponte”, le (….) rencontre, que l’on observe le plus grand nombre d’“abraços”. La place devient tous les soirs de six heures à (….) heures le point de rendez-vous de toute la ville endimanchée... Elle voit se dérouler le rite quotidien de la promenade, curieusement appelée au Brésil le “footing”... Dans un sens les groupes de jeunes gens, dans l’autre les groupes de jeunes filles pomponnées... font le tour de la place, en bavardant, en s’observant et en s’interpellant au passage ; tandis que les fiancés et les adultes occupent les bancs et les allées du centre, les enfants eux courent dans tous les sens ; c’est pour tous la meilleure heure de la journée, celle de la détente. Contrairement à l’Espagne ou à l’Amérique espagnole, tout est terminé à neuf heures et chacun est rentré se coucher ; on se couche plus tôt au Brésil, car on se lève tôt, à six ou sept heures en général. Le cinéma, les bars et les marchands de glace, l’agence des loteries, sont les autres centres d’attraction quotidiens ; pour les jeunes, le cinéma représente la principale distraction : il peut y avoir plusieurs séances chaque soir et le programme change plusieurs fois par semaine. Les bars sont en même temps les “sorvetarias” c’est-à-dire des glaciers confiseurs. En plus du sempiternel café, le “cafezinho” pris dans de toutes petites tasses, on y boit des jus de fruits, du coca cola et de plus en plus de la bière ; on peut y déguster des glaces aux parfums très variés et des “vitaminas”, véritables bouillies de fruits (avocats et papayes surtout) passés au “mixer” avec du lait. On peut également jouer au billard ou regarder la télévision ; la clientèle assise à l’intérieur du bar est plutôt masculine. L’agence des loteries attire la foule des grands jours, quand elle affiche les résultats de la loterie fédérale ou de la loterie de l’Etat. C’est sur la place ou autour, que l’on trouve également le marchand de journaux et tous les représentants des petits métiers si répandus au Brésil : cireurs de chaussures, vendeurs de journaux, porteurs, petits “transporteurs” avec leur “carrocinhas” (petites charettes construites avec des caisses), marchands ambulants de glaces, de fruits, de boissons, de confiseries, comme le mais soufflé (“pipocas”), la “barbe à papa“ (“algodão doce”) etc.
13Pour compléter notre panorama des distractions et de la vie sociale, il faut encore parler des “clubs”. Si les grands clubs (Automobile, Lion’s, Rotary) ne fonctionnent que dans les villes les plus importantes, toutes les petites villes brésiliennes ont au moins un ou deux clubs ; ce sont eux qui organisent séparément ou conjointement la vie récréative et la vie sportive : à leur siège ont lieu les réunions, les jeux, les concours et les bals ; les concours de “Miss” sont à la mode et les plus grands bals sont évidemment ceux du Carnaval. Chaque club possède son terrain et son équipe de football, de loin le premier sport national ; souvent aussi d’autres installations sportives, telles que piscine, terrains de volley et de basket, etc. Le prix des parts et des cotisations entraîne une nette ségrégation sociale et en fait les classes populaires ne peuvent fréquenter que le stade de football et le carnaval de la rue...
b/ Le commerce
14Le commerce principal, qui attire la clientèle de la zone rurale, comme celle de la ville est concentré autour de la place et le long d’une rue principale spécialisée, appelée parfois “rua do commercio”. Le commerce de détail n’est pas toujours nettement séparé du commerce de gros. En plus du commerce élémentaire de quartier (la “venda” ou petite épicerie qui vend de tout), on y retrouve certes comme dans les plus gros villages les deux types de commerce les plus répandus au Brésil : la grande épicerie qui vend toutes les sortes de produits alimentaires et de boissons, c’est le magasin par excellence “l’armazem” ou la boutique de “secos e molhados” ; la boutique de produits textiles (“fazenda”) et annexes : mercerie, chaussures ; ils sont ici mieux achalandés. Il y a aussi les quincailleries – bazars, qui vendent également le matériel agricole, les engrais ou les matériaux de construction. Enfin apparaissent les commerces plus spécialisés et plus fins : horlogerie - bijouterie, papèterie - librairie (particulièrement pour le matériel scolaire), plus récemment, boutiques de meubles et d’appareils électroménagers, de pièces automobiles. Dans certaines villes une partie du commerce alimentaire (fruits et légumes, céréales, produits laitiers, boucherie) est regroupé dans un marché couvert ou dans des baraques permanentes (Mercado).
15Le commerce de gros est représenté par quelques établissements principalement de “secos e molhados” et de “fazendas” qui ramassent les produits bruts de la zone rurale (céréales par exemple) et redistribuent produits alimentaires et produits manufacturés importés, aux détaillants de la même zone.
16Parmi les services que la petite ville peut offrir, signalons : une ou plusieurs pensions, parfois un hôtel, un petit restaurant (en plus des bars qui servent tous des sandwichs et des repas simples), des salons de coiffure, une teinturerie, un photographe, un bureau de comptabilité, une agence immobilière, un ou plusieurs avocats. Il y a une ou plusieurs agences bancaires.
c/ Les transports
17Si la petite ville est desservie par une voie ferrée, il peut y avoir l’ébauche d’un quartier spécialisé près de la gare avec une pension, quelques commerces de gros et des entrepôts. Mais d’année en année c’est la route qui s’impose ; les transports routiers provoquent la création d’un quartier “routier” ou tout au moins d’un noyau spécialisé généralement sur la route principale entrant dans la ville, où s’agglutinent quelques stations-service, ateliers de réparation, magasins de pièces détachées, à côté de pensions et de bars fréquentés par les chauffeurs.
18Assez souvent des maisons de prostitution sont situées à proximité. Pour le transport des passagers, la petite ville est le point de départ de quelques lignes d’autobus “intermunicipaux” et possède parfois une “gare” routière rudimentaire. Faute de transports individuels pour la grande majorité de la population, le parc de taxis a plus d’importance qu’en France ; le point de stationnement principal est sur la place.
d/ Industries et artisanat
19L’artisanat est encore assez vivant (savetiers, tailleurs, menuisiers), mais les industries restent très élémentaires ; il s’agit de petits établissements employant souvent moins de cinq employés (sauf après les récoltes), liés aux activités de la construction (briqueterie, tuilerie, scierie par exemple) ou encore liés au ramassage et au premier conditionnement des produits agricoles : décorticage du riz, dépulpage du café, fabrication de la farine de maïs ou encore coopérative laitière. Ces établissements sont installés dans la ville ou au contraire en pleine zone rurale, près des exploitations agricoles ou près des forêts et de l’argile par exemple.
e/ Services publics – équipements sanitaires et culturels
20Il est significatif que très souvent l’église, la banque et le cinéma soient les édifices les plus modernes de la ville et non la mairie (“Camara Municipal”) installée tant bien que mal dans un bâtiment désuet et très insuffisant. Si le “Municipio” est plus autonome que la commune française, par contre il n’a que des ressources financières très faibles. De même que la Mairie, le “Foro” ou Palais de justice (car la ville est très souvent siège d’une “Comarca”) et les autres administrations : perceptions, services agricoles, etc. sont très mal logées, sauf cas exceptionnels.
21L’équipement sanitaire et scolaire est limité, car en fait il ne sert que les besoins d’une minorité de la population : classe privilégiée et classe moyenne ; il y a toujours plusieurs dentistes, plusieurs médecins, une petite clinique privée, un ou deux collèges d’enseignement secondaire privés (souvent religieux), mais seulement un simple dispensaire, un hôpital rudimentaire et rarement un collège public. La vie culturelle est des plus somnolentes : parfois parait une publication mensuelle ou bi-mensuelle ; exceptionnellement passent une tournée théâtrale ou un conférencier.
22Sauf dans les régions les plus isolées de l’Etat, chaque petite ville dispose, au moins dans le centre, de l’eau courante, de l’électricité et du téléphone (parfois sans liaisons inter-urbaines possibles) mais il est bien certain que les services d’eau, d’égout et d’électricité sont loin de servir la majorité de la population.
f/ Classes sociales et zoning
23Dans la structure économique qui prévaut encore au Brésil, la ville, comme la zone rurale avoisinante, est entre les mains de quelques grandes familles de notables, appelés les Colonels (“Coroneis”) ; elles possèdent les principales propriétés agricoles, les commerces et les services les plus importants, quelques industries et dirigent l’administration municipale. Ainsi le même latifundiaire est-il très souvent maire (“prefeito”) et commerçant. De même les membres des professions libérales (médecins, avocats, etc.), élite intellectuelle de la ville, sont-ils aussi propriétaires de vastes exploitations agricoles. Pratiquement depuis toujours, le reste de la population urbaine : artisans, employés, ouvriers ou domestiques, était directement ou indirectement leur clientèle. Les résidences des grandes familles, leurs “palacetes” ou petits palais étaient au centre de la ville sur la place ou dans la grande rue commerçante ; les commerçants habitaient souvent au-dessus de leurs boutiques.
24Depuis une vingtaine d’années, avec les transformations sociales modernes et la croissance démographique des petites villes, on a assisté progressivement à la consolidation d’une classe moyenne, assurée de revenus réguliers, surtout les employés et les cadres des banques et du commerce, ainsi que les fonctionnaires publics et les petits commerçants. La classe dirigeante doit désormais composer avec eux pour garder leurs fiefs électoraux et la direction municipale. D’autre part l’afflux de ruraux misérables en ville a créé une population marginale, sans emplois fixes, vivant d’expédients ou de petits métiers, qui échappe à la dépendance “paternaliste” de la classe privilégiée.
25Faute de terrains à bon marché, la plupart des habitations modernes de la classe dirigeante ne sont plus construites dans le centre même, mais en dehors, dans la situation la plus favorable, soit isolées, soit groupées en une ébauche de quartiers résidentiels. Dans ces petites villes la ségrégation résidentielle est encore peu marquée et le désordre de l’habitat est parfois étonnant : la plus belle villa de la ville peut avoisiner les maisons les plus délabrées.
26Plus la petite ville est dynamique, moins elle a d’unité architecturale ; les chantiers de construction sont nombreux ; les maisons de tous âges, de types très divers se suivent le long des rues, d’où une impression de désordre, de “jamais terminé” qui n’arrive pas cependant à briser la monotonie des plans, adaptés le plus souvent aux conditions topographiques du site ; ces plans dérivent de deux schémas principaux : le damier ou plutôt des assemblages de damiers successifs et le plan à tendance linéaire, avec de nombreuses variantes. En définitive toutes ces petites villes se ressemblent ; qui en a vu 10 peut en imaginer 100... car il n’y a pas comme en Europe un centre d’intérêt esthétique remarquable, qui pourrait les différencier : pas un château, pas une église ou un monument digne de retenir l’attention... ! C’est un trait commun à tous les pays “neufs”.
27La petite ville brésilienne correspond aux nécessités sociales et économiques d’une zone rurale. Avant tout elle “brise” l’isolement et le calme de la campagne ; c’est un spectacle “son et lumière” gratuit : en ville, il est possible de se mêler à l’animation des gens et des choses, d’admirer les prémices de la civilisation industrielle, de bavarder avec des amis, c’est-à-dire de participer à la “civilisation”. De même la ville représente un impératif économique ! c’est là que l’on fait ses achats importants, que l’on vient obtenir des crédits, demander des conseils, se faire soigner, et seule la classe marginale des campagnes ne peut recourir qu’exceptionnellement à ses services. Au sein de la ville, existe une opposition fondamentale entre le centre et les rues limitrophes, pavées, éclairées, où se concentrent l’activité de la ville, les meilleures résidences et le reste de la ville, peu équipé, resté très proche de l’ambiance rurale et du “Far West”...
3 – LES STATIONS THERMALES
28Depuis la fin du XIXe siècle il existe dans le Sud-Ouest de l’Etat quelques stations thermales comme Poços de Caldas, São Lourenço, Caxambu, Cambuquira, Lambari ; la plupart sont restées de petites villes, mais elles possèdent un équipement particulier, si on les compare à d’autres villes comptant la même population. Dans ces villes, une grande partie de l’activité est saisonnière, principalement de décembre à mai. Ces petites villes paraissent plus ordonnées et plus coquettes ; les sources thermales sont situées dans un grand parc. Très souvent il y a un beau lac artificiel, des promenades bien aménagées, un établissement de bains moderne, des piscines et un équipement sportif complet. Pour l’hébergement et les distractions des “curistes”, il y a de nombreux hôtels, des cinémas, un casino. Traditionnellement la plupart des curistes viennent de Rio de Janeiro ou de São Paulo. Les petites villes très animées pendant quelques mois, semblent vides le reste de l’année. Ces stations subissent également des cycles de prospérité ou de décadence, dûs à l’autorisation, à la tolérance ou au contraire à l’interdiction très stricte des jeux de hasard... L’ouverture ou la fermeture du Casino semble l’indicateur le plus fidèle de l’activité des villes, car la mode des stations thermales est bien passée ; les jeunes générations préfèrent les attraits du bord de mer à la fraîcheur des montagnes en été...
4 – LA PETITE VILLE PIONNIÈRE
29Au contraire, dans les régions plus isolées de l’Etat ou dans les régions où la conquête agricole est très récente (régions du Nord-Ouest et du Nord-Est, zone du Mucuri, territoire contesté avec l’Etat d’Espirito Santo), les petites villes ont un caractère “pionnier” très marqué : absence d’équipement urbain, de rues pavées, d’électricité même, présence de nombreux commerces installés dans des baraques en bois ; insécurité plus grande ; on sent que le “noyau civilisé” du centre de la ville ne s’est pas encore formé... le “Far-West” est ici partout : seuls les camions et les jeeps ont remplacé les diligences... ! Almenara ou Mantena seraient des exemples de ce type.
5 – LES VILLES COLONIALES
30Contrastant avec la monotonie et le désordre de la majorité des petites villes brésiliennes, certaines petites villes du Minas sont de véritables villes-musées, reflets endormis de la splendeur fugitive du XVIIIe siècle, le siècle de l’or et des diamants dans le Minas Gerais. Pourquoi Ouro Preto, Diamantina, Sabará, Congonhas, Serro, Mariana apparaissent-elles si différentes des autres villes ? Quels sont les principaux éléments de leur pittoresque ?
Leur site : nées près des exploitations aurifères ou diamantifères, ces villes ont grandi dans des sites accidentés très peu favorables au développement urbain : sur le versant d’une colline ou d’un escarpement, rarement sur des terrasses, dans un cadre austère de montagnes déboisées ou écorchées par l’extraction ; parfois comme à Ouro Preto le site est réellement “impossible”, car l’axe urbain doit escalader et descendre trois collines sur une dénivellation de 300 mètres...
Leur plan : il apparaît très irrégulier mais avec de nettes tendances linéaires, dues à la génèse originale de ces villes, coalescence d’anciens campements de mineurs, appelés “Arraial” ; pour s’adapter à la topographie tourmentée les rues doivent serpenter en suivant les courbes de niveau ou, rectilignes, escalader la plus forte pente ; ce sont les “ladeiras”. (Plan fig. 13).
L’élément primordial de leur pittoresque est évidemment l’originalité et l’homogénéité architecturales : les maisons basses à toits de tuiles rondes, blanchies à la chaux, aux encadrements peints en bleu, rouge ou brun se pressent le long des ruelles et autour des places, dominées par de nombreuses églises au style caractéristique. On retrouve ainsi sous le ciel tropical, au milieu des bananiers, des manguiers et des papayers, l’atmosphère des villes portugaises au Nord de Coimbra, comme Viseu, Lamego, ou Vila Real ; et pourtant en admirant à l’intérieur des églises la décoration somptueuse, surchargée même : les autels et boiseries sculptés et peints, recouverts de filigranes d’or, les plafonds peints en trompe l’œil, les ornements d’argent ; on pourrait se croire tout aussi bien transporté au Mexique, au Pérou, en Bavière ou en Autriche, telle est l’unité du style baroque, de Prague à l’Amérique du Sud. Ces églises ne sont pas la seule parure de ces villes-musées, on peut admirer également les “Passos”, petites chapelles qui marquent les chemins de croix, les fontaines ou “chafariz”, les anciens hôtels particuliers des notables appelés ici “Sobrados”, avec un ou deux étages, leurs balcons de fer forgé ; il y a encore les édifices administratifs, comme à Ouro Preto, la Maison des Contrats et le Palais des Gouverneurs, les palais municipaux associant autrefois le Conseil Municipal au premier étage et la prison au rez-de-chaussée (Ouro Preto, Mariana).
En parcourant ces villes, quand on souffle dans leurs montées, il est difficile d’imaginer le luxe de la vie urbaine du XVIIIe siècle, le faste des réceptions ou des processions religieuses, le travail et les souffrances de milliers d’esclaves africains, les soulèvements contre la couronne portugaise... Elles paraissent tombées en léthargie et vivre dans un autre monde, en dehors de la vie économique moderne : le commerce est peu animé, la banque et le cinéma semblent se cacher, les soirées sont calmes ; il y a peu d’édifices modernes, puisque le Service des Monuments historiques veut conserver les maisons anciennes et les monuments. Certaines de ces villes, restées en dehors des grands axes de la circulation moderne, ne sont plus que des bourgs (par exemple Conceicâo do Mato Dentro, Santa Barbara) ; d’autres au contraire ont été “rajeunies” par le tourisme, une fonction universitaire (Ouro Preto) ou encore par la juxtaposition d’activités industrielles ou extractives, comme Sabaré, Congonhas do Campo, etc. Toutes ces villes attirent avec raison de nombreux touristes de tout le Brésil, car dans un pays “neuf” elles représentent un remarquable ensemble, assez exceptionnel, de villes “historiques” ; elles sont restées les plus “portugaises” des villes brésiliennes.
6 – LES AGGLOMÉRATIONS INDUSTRIELLES (COMPANY-TOWNS)
31En parcourant l’Etat, on distingue aisément un troisième type de petites villes ; il s’agit d’agglomérations industrielles qui se sont développées surtout depuis 1920, grâce à l’implantation d’usines métallurgiques ou encore de centres d’extraction minérale concentrée. Ces “Company Towns” sont venues se juxtaposer à une ville ou à un simple village préexistant (Sabarà, Itabira, Itabirito, Caété, etc.) ou se sont développées en “pleine nature” (Monlevade, Casa da Pedra près de Congonhas par exemple). Dans ces agglomérations pratiquement tout dépend de la Compagnie (parfois une filiale de société étrangère), en particulier les logements, le commerce, les services sociaux et culturels. Elles apportent dans le paysage tropical la présence inhabituelle d’installations industrielles ; hauts fourneaux, laminoirs, ateliers, carrières d’extraction du minerai (fer ou manganèse surtout) et installations de chargement/trains et caravanes de camions lourdement chargés ; elles se signalent de loin par des fumées et des bruits tout aussi insolites. Ces agglomérations sont marquées par la juxtaposition de types d’habitat ordonné et désordonné : jusqu’en 1955 ou 1960 l’habitat de la compagnie était à la fois ordonné et stratifié ; la ségrégation résidentielle est établie encore suivant les fonctions : ingénieurs et cadres, contremaîtres, ouvriers habitent dans des cités différentes. Cette ségrégation se retrouve d’ailleurs dans les activités sociales, sportives ou culturelles : il y a des hôtels, des clubs, des stades réservés aux différentes catégories professionnelles, mais depuis une dizaine d’années à cause de l’afflux d’immigrants et l’énorme accroissement démographique, les compagnies n’ont pu construire des logements en nombre suffisant et ont été amenées à changer leur politique : elles ont favorisé des systèmes de location-vente de logements, laissé se constituer des bidonvilles sur des terrains leur appartenant et n’ont pas réagi à l’implantation d’agglomérations “libres”, souvent anarchiques et lépreuses en dehors de leur “domaine”... la période du paternalisme exclusif est révolue. Les Compagnies continuent à assurer, tant bien que mal, l’équipement social et culturel nécessaire à leurs ouvriers : hôpital, dispensaire, “play grounds”, écoles primaires et souvent centres d’apprentissage, biberonnerie, etc. ; mais dans le secteur commercial, les coopératives des compagnies n’assurent plus tous les besoins, le commerce “libre” s’installe de plus en plus. Cependant il n’y a pratiquement pas encore de “centre-ville” dans ces agglomérations, car elles ne sont pas des centres de relations pour une zone agricole ; il n’y a pas l’équivalent de la rue commerçante, ni la place centrale, mais seulement une nébuleuse de cités d’habitations toutes semblables suivant les catégories professionnelles et alignées le long d’un réseau de rues bien dessinées. Le centre de la vie ici c’est l’usine et accessoirement la rue qui sert de promenade ou la place de l’église... Autour de ce noyau ordonné se dispersent des noyaux spontanés d’habitations souvent misérables.
32Ces agglomérations industrielles sont très nombreuses dans la zone “sidérurgique” au centre de l’Etat, car la sidérurgie s’est installée près du minerai de fer extrait dans le quadrilatère ferrifère. La plupart avait en 1960 une population comprise entre 5 000 et 15 000 habitants : ainsi Itabira, Caété, Itabirito, Sabará, Baráo de Cocais ; mais il existe aussi dispersées dans l’Etat des agglomérations industrielles plus petites, liées à l’installation en milieu rural de petites usines textiles (par exemple Alvinópolis, Caétanópolis, Gouvéia), d’unités sidérurgiques plus anciennes (Burnier, Gagé, Esperança) ou de fabrique de ciment (Barroso, Itaú près de Prétapolis) : une centaine ou plus de maisons ouvrières, la chapelle, le cinéma, l’école, le dispensaire, quelques magasins, dont la Coopérative de la Compagnie et les inévitables bars avoisinent une usine qui emploie de 100 à 500 ouvriers ; c’est le type le plus élémentaire de la cité ouvrière (Vila Operaria) que l’on rencontre aussi près des ateliers de réparations de locomotives (de plus en plus Diesel et électriques) comme à Santos Dumont, Conselheiro Lafaiete, Sete Lagoas, Divinopôlis, Corinto ou Riberão Vermelho.
33Au contraire, d’autres agglomérations industrielles ont une autre échelle : très près de Belo Horizonte, Nova Lima avait plus de 21 000 habitants en 1960 ; sa mine d’or en exploitation depuis 1831 est l’une des plus profonde du monde, avec une dénivellation de 2 528 mètres et 40 km de galeries... elle emploie environ 8 000 employés et fournit 3 ou 4 tonnes d’or par an. A 100 km à l’Estde Belo Horizonte, Monlevade est l’exemple le plus classique de la “Company-Town” ; domaine de la Compagnie Sidérurgique “Belgo-Mineira” (filiale de la Société luxembourgeoise A.R.B.E.D.), elle avait en 1960 une population de 27 000 habitants et une production de 350 000 tonnes d’acier.
34Plus loin vers l’Est au confluent des Rios Doce et Piracicaba, autour de Coronel Fabriciano se développe un imposant complexe industriel, que l’on pourrait appeler un “agglomérat” ou un “conglomérat” industriel : il s’agit de la juxtaposition d’un “bourg” et de deux Company-Towns avec leurs cités ouvrières et les services correspondants : l’usine d’aciers spéciaux ACESITA s’est installée juste avant 1950 et l’unité sidérurgique intégrée d’USIMINAS à Ipatinga depuis 1960 ; le bourg est devenu une petite ville et des noyaux résidentiels “libres” sont nés dans le plus grand désordre ; il n’y a pas de civilisation urbaine et les conditions d’habitat sont souvent rudimentaires ; c’est le meilleur exemple de pionniérisme industriel : de 4 000 habitants en 1950, le cap de 100 000 est dépassé actuellement (38 000 habitants en 1960).
7 – LES VILLES MOYENNES
35Quand une ville dépasse 15 000 ou 20 000 habitants, la vie urbaine ne change pas radicalement mais les éléments de prestige et son rôle de centre de relations pour une zone plus étendue, s’affirment simultanément :
Les éléments de prestige ville, du moins sa volonté de modernisme... Ce sont quelques immeubles dépassant 8 ou 10 étages, baptisés “gratte-ciel” et abritant bureaux et professions libérales, un club ou un cinéma ultra-moderne, une fontaine lumineuse sur la place principale ; la circulation automobile est plus intense, le commerce de luxe apparaît (matériel photo, mode, librairie...).
D’autre part le commerce est plus fourni : il peut y avoir une dizaine de grossistes, des concessionnaires pour la vente des automobiles. L’équipement bancaire comprend quatre ou cinq agences, dont une de la Banque du Brésil. Pour l’administration ces villes sont le siège des circonscriptions agricoles (41 dans l’Etat) ou du département “estadual” des routes (30 dans l’Etat). L’équipement culturel et sanitaire est supérieur à celui des petites villes. Il y a des médecins spécialistes, un bon hôpital, un collège complet pour l’enseignement secondaire (et parfois une école d’enseignement supérieur) ; un journal paraît toutes les semaines. La vie sociale est plus développée grâce à l’action de syndicats, d’associations rurales et commerciales, d’installations sportives plus complètes. Pour vaincre l’isolement et affirmer son rayonnement, un petit aéroport, une gare routière et une station émettrice de radio sont les meilleurs moyens. Quant à l’équipement industriel de ces villes moyennes, il reste souvent très peu conséquent, comme celui des petites villes, lié à la zone rurale : usines textiles principalement ou encore construction mécanique, chimie, etc. Nous retrouverons ce dernier type de ville moyenne dans la moitié Sud de l’Etat, la plus densément peuplée.
36Dans la ville moyenne le “vernis américain” du centre de la ville, la ségrégation plus marquée des quartiers résidentiels, accroissent les contrastes à l’intérieur de la ville.
8 – LE CENTRE RÉGIONAL
37Les villes plus peuplées de l’Etat : celle de 40 000 à 72 000 habitants et même Juiz de Fora, qui avait en 1960 125 000 habitants, conservent de nombreux caractères que nous avons observés dans les petites villes : ambiance “rurale” en dehors du centre (ce sont toujours des villes-jardin), importance de la vie sociale “locale” ou “provinciale”, manque de pittoresque, enfin déficience des services publics urbains, de l’équipement sanitaire et scolaire. Cependant plus la ville grandit, plus s’affirment les éléments, dont nous avons remarqué les germes dans la petite ville :
Les éléments de prestige et de confort sont nombreux, car la classe priviligiée cherche à suivre les modèles de la consommation américaine : gratte-ciel toujours plus nombreux dans le centre, grands hôtels, bowling, saunas, sections de clubs internationaux (Rotary-Lion’s), bon aéroport, parc et place bien aménagés avec une fontaine lumineuse et sonorisée... Supermarchés et commerces de luxe... grand stade, etc.
Parallèlement, plus son pouvoir de rayonnement s’accroît : la ville n’est plus aussi passive, simple réflexe de la vie rurale, car très souvent elle devient la tête de réseaux commerciaux, siège de banques régionales, de société industrielles. Son commerce de gros est très important et elle commence à redistribuer du matériel spécialisé. Elle possède en général de meilleurs hôpitaux, un enseignement supérieur complet, de bons collèges secondaires, etc. Enfin certaines villes publient un ou plusieurs journaux quotidiens et possèdent même un poste émetteur de télévision (Juiz de Fora, Uberlandia).
Le développement des équipements nécessaires au confort de la classe privilégiée, au prestige de la ville et à son influence sur une région étendue, rend les contrastes plus choquants entre les classes sociales et dans l’organisation interne de la ville : par suite de la dispersion de l’habitat “urbain”, ces villes s’étendent très rapidement et les municipalités ou des compagnies privées doivent exploiter un réseau d’autobus urbain accessible à tous (assez bon marché et desservant la plus grande surface possible de l’agglomération). Il y a une tendance à la création de véritables “quartiers” autonomes en dehors du centre, qui autrefois était l’unique point d’attraction. La ségrégation résidentielle se marque davantage : si la classe privilégiée continue à se faire construire de belles villas dans les quartiers périphériques les plus agréables, la classe moyenne supérieure commence à acheter des appartements dans des gratte-ciel (plus de 10 étages) à la périphérie du centre ou dans le centre de la ville même ; c’est une tendance récente mais générale : le gratte-ciel n’est plus seulement réservé aux banques, aux bureaux et aux professions libérales. Les maisons les plus misérables, éparpillées autour des petites villes, apparaissent souvent ici beaucoup plus nombreuses et agglomérées en quartiers “marginaux” ou en véritables bidonvilles (appelés Favelas au Brésil).
38Nous venons de brosser le portrait robot d’un centre régional “idéal”. En fait il faut bien comprendre que ces éléments de confort, de rayonnement, de ségrégation résidentielle ne sont pas tous présents dans tous les centres régionaux de l’Etat, car ils correspondent à des niveaux de développement économique fort différents.
39Ils ne sont au complet et totalement développés que dans la capitale de l’Etat, véritable Métropole régionale. Juiz de Fora, Uberlandia et Uberaba sont les centres régionaux les mieux équipés ; au contraire Governador Valadares et à fortiori Montes Claros, Barbacena ou Teofilo Otoni apparaissent sous-équipés, par rapport à notre description idéale.
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