Chapitre I. Accroissement urbain et mouvements de population
p. 16-32
Texte intégral
1 – L’EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE BRÉSILIENNE ET L’URBANISATION
1Pour pouvoir mesurer l’explosion démographique brésilienne, il suffit de rappeler quelques chiffres : en 1920, la population brésilienne : 30,6 millions d’habitants est encore inférieure à celle de la France : 1921, 39,2 millions et en 1940 elle est presque égale : 41,2 millions ; France : en 1936 41,9 millions. C’est pendant la décennie 1940-1950 que la population brésilienne va dépasser la population française : en 1950, 51,9 millions d’habitants ; puis l’avance s’accentue : en 1960, 70,8 millions ; on estime qu’en 1970 il y aura 93 millions de Brésiliens contre 51 millions de Français... Avant 1975 sans doute elle sera le double de la population française !
2L’Etat de Minas Gerais était en 1960 au 2e rang pour l’importance de sa population après l’Etat de São Paulo : 9,8 millions de “Mineiros” contre 12,9 millions de “Paulistas”. C’est pendant la période 1920-1940 que l’Etat de Minas a perdu sa suprématie démographique au Brésil au profit de l’Etat de São Paulo : ainsi en 1940 ont été recensés 6,7 millions de “Mineiros” contre 7,1 millions de “Paulistas”. L’écart entre les deux Etats s’accentue, puisque le Minas est un Etat de forte émigration ; sa population est estimée en 1967 à 11,5 millions et doit atteindre en 1970, 12,2 millions contre 18 millions pour le São Paulo.
3Le tableau 1 nous permet de comparer le taux d’accroissement de la population du Minas et du Brésil et de mesurer la diminution relative de la population du Minas dans la population totale brésilienne : on remarquera que c’est en 1890 que le poids démographique du Minas a été maximum, que pour la période 1890-1920 il a dû y avoir une faible émigration hors de l’Etat, mais surtout une immigration plus réduite que dans d’autres Etats brésiliens (particulièrement de 1890 à 1900). De 1920 à 1960 la différence entre les taux d’accroissement du Minas et du Brésil est remarquablement constante, environ 10 %. (la part de l’immigration étrangère est devenue peu importante dans l’accroissement démographique brésilien : encore 8 % de 1920 à 1940, mais au maximum 2 % de 1940 à 1960 !)
4Avant d’en reparler bientôt, on peut tenter d’évaluer approximativement l’exode de la population “mineira” hors de l’Etat depuis 1900, en prenant comme taux naturel d’accroissement théorique du Minas, celui de l’accroissement brésilien. On obtient ainsi les déficits suivants : de 1900 à 1920 : 426 233 personnes ; de 1920 à 1940 : 1 189 066 ; de 1940 à 1950 763 345 et de 1950 à 1960 : 712 345 ; soit au total en 60 ans environ 3 091 396 personnes... (graphique fig. 4)
5De 1950 à 1960 le taux d’accroissement de la population du Minas est supérieur à tous les taux d’accroissement des Etats du Nord-Est brésilien (sauf le Maranhâo), mais inférieur aux taux des Etats du Sud-Est, du Centre-Ouest et du Sud du Brésil.
2 – POPULATION RURALE ET POPULATION URBAINE
6Au Brésil, comme dans tous les pays du tiers monde, la véritable “explosion démographique” des 20 ou 30 dernières années se traduit géographiquement par une spectaculaire poussée urbaine ; en effet les villes sont alimentées à la fois par un exode rural de plus en plus important et aussi par leur propre accroissement naturel qui reste à un niveau élevé.
7Les statistiques brésiliennes considèrent comme population “urbaine”, la population de toutes les agglomérations chefs-lieux (Sedes) de municipes (Municipios) appelées “cidades”, c’est-à-dire villes, ou de districts (distritos) appelées “vilas”, c’est-à-dire villages ou bourgs. En effet, le “municipe” et le “district” sont les circonscriptions administratives de base au Brésil, comme la commune en France : un municipe peut comporter un seul ou plusieurs districts ; c’est dans le cadre du municipe que sont élus le “Prefeito”, c’est-à-dire le maire, qui représente le pouvoir exécutif local et la “camara municipal”, c’est-à-dire le Conseil Municipal qui détient le pouvoir législatif ; l’autonomie locale était beaucoup plus forte qu’en France avant la “Révolution de 1964”. Ces municipes peuvent avoir des superficies et des populations très inégales : ainsi en 1960 pour le Minas leur superficie pouvait varier de quelques dizaines de km2, comme une grosse commune française à plus de 15 000 km2, c’est-à-dire plus qu’un grand département français ; de même pour la population, de 693 000 (Belo Horizonte) à quelques milliers d’habitants...
8Périodiquement, pour des raisons politiques autant que pour permettre une meilleure administration du pays quand la population augmente et dans les zones en voie de colonisation, de nouveaux municipes et de nouveaux districts sont crées, avec des territoires retirés aux anciens ; il est bien évident que ces découpages administratifs continuels (c’est l’une des tâches principales du Département Géographique de l’Etat que de préparer les futures limites et de remanier sans cesse les cartes administratives...) ne facilitent pas les comparaisons statistiques, car d’un recensement à un autre, les unités ne sont plus les mêmes...
9Comme l’inflation monétaire, l’inflation “municipale” est constante ! Il y avait dans le Minas en 1920 178 municipes, en 1940 : 288, en 1950 : 388, en 1960 : 485 et actuellement : 718...
TABLEAU 2. Répartition de la population du Minas Gerais
1920 (estimation) | 1940 (recensement) | 1950 (recensement) | 1960 (recensement) | |
Population rurale dispersée | 5.221.545 | 5.043.369 | 5.397.738 | 5.858.323 |
Population rurale concentrée | 366.929 | 876.809 | 1.039.205 | 1.220.108 |
Population urbaine | 299.700 | 816.211 | 1.280.849 | 2.730.135 |
Population urbaine brésilienne | ? | 8.899.202 | 13.870.517 | 25.425.485 |
10Sans vouloir définir dès maintenant ce que l’on peut considérer comme une ville, il est impossible de suivre la classification officielle brésilienne ; en effet nombre des chefs-lieux de municipes et de districts ne dépassent pas quelques centaines d’habitants et même quand ils atteignent quelques milliers d’habitants, ce ne sont que de simples villages sans aucun caractère “urbain”... C’est pourquoi, comme la plupart des démographes et des géographes brésiliens, nous avons retenu empiriquement et pour des fins statistiques la limite des 5 000 habitants et nous suggérons d’appeler la population des agglomérations inférieures à 5 000 habitants, population semi-urbaine ou mieux population rurale concentrée. Nous appellerons population rurale dispersée, ce qui est considéré comme population rurale dans les statistiques officielles (graphique fig. 4).
11Il est indéniable que l’urbanisation de l’Etat, comme celui du Brésil s’accélère : en 1920 le taux d’urbanisation, c’est-à-dire le pourcentage de la population des agglomération de plus de 5 000 habitants par rapport à la population totale de l’Etat (tableau 2) était de 5,08 % seulement, en 1940 : 12,11 %, en 1950 : 16,57 %, en 1960 : 27,85 % et actuellement il dépasse certainement le tiers (1968) ; cependant ce taux d’urbanisation apparaît encore faible en face de la population rurale dispersée : 59,79 % en 1960 et il est encore inférieur à celui de la moyenne brésilienne (tableau 2) ; le retard sur le taux brésilien est à peu près constant depuis 1940, comme celui du taux d’accroissement de la population totale.
12Si l’on compare (tableau 3) les taux d’urbanisation des différents Etats brésiliens, on constate que le Minas Gerais n’est qu’au 8e rang loin derrière les Etats de São Paulo et de Rio de Janeiro, mais devant les Etats du Nord-Est, sauf le Pernambouc ; si l’on observe sur le tableau 3 les taux d’accroissement vrai de 1950 à 1960 de la population des agglomérations qui avaient plus de 5 000 habitants aux deux dates, on remarque que l’Etat du Minas tend à combler son retard puisque son taux est supérieur à la moyenne brésilienne et au taux de l’Etat du São Paulo (au contraire de 1940 à 1950 le taux du Minas + 44,60 % n’avait pas atteint la moyenne brésilienne + 45,50 %).
3 – LOCALISATION DES VILLES
13Sur la carte générale du Minas Gerais (fig. 0 extraite de la Revista Geographica No 8. 1966. Y. Leloup. Paysages et contrastes urbains dans les Minas Gerais.) Nous pouvons observer la localisation des villes de l’Etat en 1960 (à partir de 10 000 habitants la population est inscrite en milliers à l’intérieur de chaque cercle).
1. Ce qui frappe tout d’abord c’est la répartition extrêmement inégale de ces villes : elles sont plus nombreuses dans la partie sud de l’état, alors qu’elles sont très rares dans la partie nord, c’est-à-dire au Nord de Belo Horizonte.
2. Ce qui nous intéresse ensuite, c’est la répartition en altitude : alors que 43 % de la superficie de l’Etat sont à une altitude inférieure à 600 m, il n’y a que 33 agglomérations de plus de 5 000 habitants, sur un total de 137, soit 24 % situées en dessous de 600 m. Au contraire entre 600 et 900 m, il y a 80 agglomérations soit 58,40 % pour 40,50 % de la superficie de l’Etat ; c’est bien là l’étage privilégié pour la localisation des villes et la concentration de la population urbaine ; les quatre villes principales de l’Etat sont situées à cette altitude ; Governador Valadares est une exception (graphique fig. 5).
14Par contre au-dessus de 900 m il n’y a que 24 villes soit 17,50 %, dont quatre au-dessus de 1 100 m : Barbacena, Poços de Caldas, Ouro Preto et Diamantina, la plus élevée à 1 275 m.
15Le tableau 4 ci-dessous nous montre les relations existantes entre la répartition de la superficie et la localisation des chefs-lieux de municipes (cidades) en 1950, suivant les altitudes.
TABLEAU 4. 1950
Altitudes | Répartition de la superficie | Localisation des “cidades” |
Jusqu’à 100 m | 0,1 % | 4 |
de 101 à 300 m | 6,2 % | 35 |
de 301 à 600 m | 36,8 % | 68 |
de 601 à 900 m | 40,5 % | 185 |
plus de 900 m | 16,4 % | 81 |
(dont 10 à plus de 1 100 m) |
3 – Troisième observation : contrairement à l’Europe, ici les grandes artères fluviales ne sont pas des “rues” de villes. Ni le Rio São Francisco, ni le Rio Grande, ni le Rio Paranaiba, ni le Rio Jequitinhonha et leurs principaux affluents n ont attiré et permis le développement de villes conséquentes ; le Rio Doce depuis son confluent avec le Rio Piracicaba constitue une exception qui confirme la règle, car il s’agit de villes bien récentes, comme Governador Valadares, Aimores et l’agglomération industrielle de Coronel Fabriciano. Quelles sont les raisons de la répulsion des villes pour les vallées des principaux fleuves ? Sauf le Rio São Francisco, ces fleuves n’ont pas servi de voies de pénétration privilégiées, car ils sont coupés de chutes et de rapides nombreux ; ils étaient souvent bordés de forêts denses infestées d’indiens et les Portugais préféraient suivre les lignes de partage des eaux, avec une végétation de savane ou de “campos”. Ensuite les inondations et la malaria ont souvent découragé le peuplement. Enfin depuis la fin du XIXe siècle, défavorable à la navigation “moderne” à vapeur, sauf le Rio Sao Francisco, de Pirapora vers le nord ou le Rio Sapucai, de Santa Rita do Sapucai jusqu’au confluent avec le Rio Grande, par exemple, les fleuves n’ont même pas réussi à attirer les voies ferrées, ni les routes. Il en résulte que de nos jours dans le Minas, les vallées ne sont pas des axes de communication, sauf le Rio São Francisco en aval de Pirapora : navigation fluviale peu modernisée (photo, planche XIV), ou le Rio Doce (voie ferrée moderne) depuis Coronel Fabriciano, vers l’aval.
16Au contraire les petites artères fluviales ont joué un rôle important dans la localisation des villes, principalement dans les régions de montagnes ou de collines : la présence des alluvions aurifères et diamantifères a fixé dans des sites “impossibles” les agglomérations du cycle de l’or ; les voies de communications secondaires doivent suivre les vallées et de nombreuses petites villes s’allongent sur les terrasses, mal protégées des inondations. On sent que la rivière est considérée comme indésirable, qu’elle n’est pas intégrée dans le paysage urbain, sauf exception ; la ville se cantonne le plus souvent sur une seule rive, il n’y a pas de promenades le long de la rivière, pas de ponts pittoresques comme en Europe ; si elle est trop petite, elle devient vite un égout pour la ville (exemples : Belo Horizonte - Uberaba). Le divorce entre la ville et la rivière est presque total dans les régions de chapadas (plateaux) où les villes ont étendu leurs “damiers” sur de longs versants, les sommets aplanis des “espigoês”, ou dans les dépressions peu marquées (“dales” du triangle minier).
4 – Une dernière remarque suggérée par la carte générale de l’Etat, c’est la liaison existante entre les villes et les voies ferrées ; en 1960 toutes les villes de plus de 10 000 habitants étaient desservies par une voie ferrée sauf Patos et il en était de même pour toutes les villes de plus de 5 000 habitants, sauf deux : Piuni et Patos en 1950.
4 – RÉPARTITION DE LA POPULATION URBAINE ET RYTHME DE L’ACCROISSEMENT DEPUIS 1920
17Le tableau 5 résume la répartition de la population des villes par grandes classes. Pour les trois classes présentes en 1920 et en 1960, par rapport à la population totale de l’Etat, la part des villes de 10 001 à 20 000 habitants et celle des villes de 20 001 à 50 000 se sont beaucoup plus accrues que celle des villes de 5 001 à 10 000 habitants : de 0,70 % à 4,95 % pour les premières, de 1,25 % à 8,17 % pour les secondes et seulement de 3,12 % à 4,68 % pour les troisièmes. De même le poids démographique de la capitale, Belo Horizonte, dans l’Etat a beaucoup augmenté, passant de 0,75 % en 1920 à 2,62 % en 1940, 4,38 % en 1950 et 6,56 % en 1960 ; cependant par rapport à la seule population urbaine, la part de Belo Horizonte a décliné depuis le maximum de 1950 : 23,5 % en 1960 contre 26,4 % en 1950, 21,6 % en 1940 et 14,6 % en 1920.
18On pourrait également montrer les progrès de l’urbanisation de l’Etat, par l’augmentation du nombre des villes dont la population dépasse, à chaque recensement, 1 ‰ de la population totale de l’Etat : elles étaient 26 en 1920, 42 en 1940, 50 en 1950 et 68 en 1960. Au contraire si nous considérons sur le tableau 5 les agglomérations de moins de 5 000 habitants, c’est-à-dire la population rurale concentrée, elle a légèrement diminué depuis le maximum de 1950 : 13,46 % (en 1960 12,45 %).
19Le tableau 6 nous montre que le rythme de l’accroissement urbain a été légèrement inférieur de 1940 à 1950 : + 45 % ; par rapport à la période 1920-1940 : + 50 % par période de 10 ans ; il est très supérieur pour la décennie 1950-1960. Nous avons distingué l’accroissement réel des villes de plus de 5 000 habitants aux deux dates, celui des villes atteignant 5 000 habitants en 1940, en 1950 ou en 1960 et celui de Belo Horizonte.
20Ce dernier largement supérieur aux deux autres pour les périodes 1920-1940 et 1940-1950, a été dépassé par le taux d’accroissement des villes atteignant 5 000 habitants en 1960, lui-même inférieur aux taux correspondant du Brésil et de l’Etat de São Paulo (tableau 7).
TABLEAU 7. Accroissement réel de la population urbaine de 1950 à 1960
Etat du Minas Gérais | Brésil | Etat de São Paulo | |
A – Villes de plus de 5 000 habitants aux deux dates | + 77,30 % | + 66,20 % | + 66,90 % |
B – Belo Horizonte | + 89,80 % | São Paulo + 56,90 % | |
C – 11 capitales d’Etats | + 54,50 % | ||
D – Villes atteignant 5 000 habitants en 1960 | + 102 % | + 129,30 % | + 150 % |
Total de l’accroissement réel (A et D) | + 80 % | + 82 % | + 79 % |
21Pour les villes de plus de 5 000 habitants aux deux dates, c’est le taux du Minas qui est supérieur au contraire.
22Si l’on compare les courbes d’accroissement de la population de 50 villes (ayant déjà une population supérieure à 4 000 habitants en 1920) de 1920 à 1960 (graphique fig. 6), et sans nous inquiéter des trois villes principales de l’Etat, qui sont restées au même rang jusqu’en 1960, il faut noter le groupement des villes en 1920 entre 4 000 et 12 000 habitants, puis les décollages successifs de certaines villes par rapport à l’ensemble, pour aboutir en 1960 à un éventail très ouvert entre 5 000 et 70 000 habitants :
En 1920 d’après les estimations de la publication “O Estado de Minas Geraes” (publ.443) trois villes seulement dépassaient 12 000 habitants : Belo Horizonte avec 43 908, Juiz de Fora avec 29 988 et Uberaba avec 19 338 habitants. Deux villes dépassaient de peu le cap des 10 000 : Passos 11 964 et São Joâo del Rei, 10 320 ; il y avait 27 villes entre 5 000 et 10 000 habitants et 18 entre 4 000 et 5 000.
Nous observons pendant la période 1920-1940, face à la stagnation de Passos par exemple (mais le chiffre de 1920 n’était-il pas surestimé ?), les décollages de trois villes qui atteindront en 1940 une population comprise entre 19 000 et 22 500 : São Joâo del Rei, Uberlandia, Barbacena et de six autres villes : Nova Lima, Araguari, Conselheiro Lafaiete, Itajubé, Poços de Caldas et Montes Claros (de 13 000 à 16 300 habitants) ; la population de toutes les autres villes varie entre 4 000 et 12 000.
Pendant la période 1940-1950, Uberlandia se détache (34 866 habitants en 1950), tandis qu’Araguari vient rejoindre São Joâo del Rei et Barbacena aux alentours de 24 000 habitants en 1950. Au-dessus du peloton, qui reste groupé entre 5 000 et 15 000 habitants, nous trouvons en 1950 entre 17 000 et 21 000, Itajuba, Montes Claros, Conselheiro Lafaiete, Poços de Caldas et Nova Lima, qui ont été rejoints ou même dépassés par quatre villes à accroissement plus rapide : Teofilo Otoni, Divinôpolis, Sete Lagoas et Governador Valadares, véritable ville champignon qui n’avait que 5 700 habitants en 1940.
De 1950 à 1960, l’éventail s’ouvre toujours davantage : ainsi en 1960, les échappés s’échelonnent de 70 000 à 27 000 habitants : loin en tête, Governador Valadares a rattrapé Uberlandia, très près de la troisième ville de l’Etat : Uberaba ; cinq nouvelles villes ont lâché le peloton et rejoint les échappés : ce sont Patos, Ituiutaba, Passos et les agglomérations industrielles de Coronel Fabriciano, Acesita et Monlevade. Le peloton apparaît tronçonné en différents groupes : le premier de 25 000 à 20 000 habitants et le plus nombreux de 16 000 à 9 000.
23Le tableau 8 nous permet de juger avec plus de précisions l’inégalité de l’accroissement urbain des villes ayant atteint 10 000 habitants en 1960, pour les trois périodes : 1920-1940, 1940-1950 et 1950-1960.
24Nous avons souligné sur ce tableau pour chacune des trois périodes les chiffres supérieurs à la moyenne de l’Etat (tableau 6), en indiquant d’un double trait les chiffres supérieurs au double de cette moyenne. On peut distinguer ainsi :
les villes à fort accroissement constant, c’est-à-dire avec des accroissements toujours supérieurs à la moyenne, soit depuis 1920, soit pour les villes champignons récentes depuis 1940 ou même 1950 seulement : Belo Horizonte, Uberlandia, Governador Valadares, Teofilo Otoni, Divinôpolis, Montes Claros, Sete Lagoas, Patos de Minas, Ituiutaba, Monlevade, Itaúna, Parque Industrial (de Contagem), Venda Nova, Timoteo-Acesita, Nanuque, Coronel Fabriciano, Tupaciguara, Monte Carmelo, Itabira ; on remarquera que ces villes sont situées d’ouest en est, depuis le triangle jusqu’à Governador Valadares en passant par la région centrale (carte fig. 7bis).
les villes à faible accroissement constant, avec des accroissements toujours inférieurs à la moyenne, mais avec une tendance à des taux plus forts de 1950 à 1960 en général : Uberaba, Poços de Caldas, Conselheiro Lafaiete, Ponte Nova, Ubá, Pouso Alegre, Formiga, Alem Paraiba, Tres Coracoês, Alfenas, Para de Minas, Ouro Preto, São Lourenço, São Sebastiâo do Paraiso, Diamantina, Guaxupé, Pirapora, Bom Despacho, Oliveira, V. Rio Branco, Carangola, Manhuaçu, Itabirito.
les villes à faible accroissement de 1920 à 1950, mais avec un renouveau très marqué de 1950 à 1960 : ce sont : Passos, Varginha, Lavras, Muriae, Patrocinio, Corinto, Tres Pontas, Paracatu, Dores do Indaiá.
il existe encore une dernière catégorie, où les accroissements ont été supérieurs à la moyenne, soit de 1920 à 1940, le plus souvent, soit de 1940 à 1950 ; ce sont des villes qui après une forte poussée antérieure, semblent avoir perdu leur dynamisme pour des causes diverses : crise industrielle, concurrence d’autres villes, etc. ; nous pouvons citer : Juiz de Fora, Barbacena, São Joâo del Rei, Araguari, Itajubâ, Araxâ, Caratinga, Curvelo, Cataguazes, Nova Lima, Santos Dumont, Leopoldina, Campo Belo, Aimores, Caeté, Sabaré, Caxambu.
25En conclusion, nous avons construit le graphique (fig. 7) pour montrer les taux d’accroissement des villes ayant atteint 5 000 habitants en 1960, pour les périodes 1940-1950 et 1950-1960. Parmi ces 137 villes, six n’ont pas pu être indiquées ; car elles n’existaient pas “administrativement” (sous la forme de vila ou de cidade) en 1940 ou même en 1950 ; en fait elles ont toutes de forts taux d’accroissement pour la période 1950-60 ; ce sont : Monlevade, Parque Industrial : (de Contagem), Venda Nova, Timoteo (Acesita), Nanuque et Serra dos Aimores. Au-delà des lignes indiquant les taux moyens d’accroissement de l’Etat, nous trouvons les 16 villes dont l’accroissement a été supérieur à la moyenne pendant les deux périodes, avec Governador Valadares et Coronel Fabriciano bien détachés... en haut à gauche les villes qui se sont accrues plus que la moyenne seulement de 1940 à 1950 (11 villes) et en bas à droite les villes dont l’accroissement a été supérieur à la moyenne seulement de 1950 à 1960 ; elles sont plus nombreuses : 24.
26Nous avons tenté très approximativement de tracer ce qui doit être l’accroissement naturel maximum de ces villes, c’est-à-dire d’après le taux moyen d’accroissement de la population brésilienne (tableau 1). Selon cette hypothèse, de 1940 à 1950 de nombreuses villes du Minas ont dû perdre une partie de leur croît naturel ou tout du moins exercer une très faible attraction de population... Au contraire de 1950 à 1960, la situation paraît bien différente, seule une douzaine de villes aurait cédé une partie de leur croît naturel ; c’est là sans doute la meilleure preuve du démarrage de l’urbanisation dans l’Etat et ceci nous entraîne à aborder maintenant dans le détail un problème très complexe : celui de savoir comment les villes s’accroissent, de déterminer dans quelle proportion leur croissance est due au croît naturel et à l’immigration proche ou lointaine.
5 – FACTEURS DE L’ACCROISSEMENT DES POPULATIONS URBAINES : L’ACCROISSEMENT NATUREL
27Nous nous heurtons à de grandes difficultés pour étudier les causes de l’accroissement de la population urbaine, car les migrations sont très difficiles à suivre et les statistiques concernant le croît naturel très peu satisfaisantes, en dehors des grandes villes.
28Quant aux migrations, il n’y a aucun contrôle de la population aux frontières des différents Etats et encore moins à l’intérieur des Etats ou à l’entrée des villes (comme c’est le cas en Union Sud Africaine, en Angola et en Mozambique actuellement) ; on ne peut pas utiliser comme en France les listes électorales. Il faut donc procéder par sondages pour obtenir les lieux de naissance et de provenance des habitants et pour les migrations entre les Etats, utiliser les renseignements donnés par les recensements décennaux.
29Au Brésil, c’est dans le cadre du district que doivent être déclarés les morts et les naissances (registro civil) ; mais les déclarations effectuées sont très variables, suivant les classes sociales et le niveau de développement régional. Nous avons pu relever ainsi dans le Minas des disparités très importantes, entre l’exactitude (relative) des taux démographiques dans les grandes villes et dans les régions plus “civilisées” du sud et leur invraisemblance choquante dans la moitié nord de l’Etat... En effet dans ces dernières régions, où la population rurale est très peu dense et dispersée sur de grandes étendues, l’administration très éloignée des administrés, le défaut de déclarations peut être impressionnant, beaucoup plus pour les naissances que pour les décès.
30Pour tenter d’apprécier la croissance naturelle de la population urbaine, nous avons choisi 104 districts de l’Etat, qui comprenaient en 1950 toutes les villes de plus de 5 000 habitants et en 1960 celles de plus de 10 000 ; ce qui représentait une population totale de 2 010 485 habitants en 1950 et de 3 098 245 en 1960. Il faut comprendre que la totalité de cette population n’est pas “urbaine” car chaque district possède une zone rurale en plus de son chef-lieu (cidade ou vila), mais nous avons choisi les districts les plus urbains de l’Etat ; on peut donc considérer qu’en 1950 il s’agit d’une population aux 2/3 urbaine et en 1960 aux 3/4 (206).
31Analysons les résultats que nous avons obtenus pour les 104 districts et les taux généraux indiqués sur les tableaux 9 et 10.
1.– Taux de natalité
a/ Pour l’année 1950 les taux obtenus s’échelonnent entre 60,20 ‰ et 1,15 ‰... ! En fait 10 districts apparaissent au-dessus de 40 ‰ : ce sont des agglomérations industrielles à fort pourcentage d’adultes et 22 districts ont des taux inférieurs à 20 ‰ : ce sont tous les districts à très faible densité de population au nord-est ou à l’ouest de l’Etat, où la proportion des naissances déclarées chaque année est très faible par rapport à la réalité. D’ailleurs les statistiques brésiliennes comptent à part les déclarations des naissances survenues dans l’année et les déclarations (ou plutôt les régularisations) des naissances des années antérieures... !
Dans ces districts les déclarations des naissances des années antérieures sont très supérieures aux naissances de l’année en cours et pour l’ensemble de l’Etat elles s’équilibraient : 156 206 contre 156 604 ; ce qui explique le taux de natalité médiocre de l’Etat : 20,23 ‰. En 1950, d’après le recensement, il y avait encore 43 % de la population totale qui ne connaissaient pas la date exacte de leur naissance, c’est-à-dire qui n’avaient pas été déclarés dans l’année de leur naissance et pour les vieux évidemment la proportion était encore plus élevée : parmi ceux qui s’estimaient âgés de 60 à 70 ans, 65 % n’avaient jamais été déclarés à l’état civil, pour ceux de plus de 70 ans, 81 %... et même pour ceux qui étaient nés pendant les quatre années antérieures la proportion des non déclarés était encore du tiers... C’est pourquoi on peut penser que le taux moyen de natalité de l’Etat était en fait supérieur à 30 ‰ ou 35 ‰. Les deux villes principales de l’Etat avaient des taux de 34 et 35 ‰, mais à Belo Horizonte les naissances déclarées des années antérieures représentaient encore 30,8 % des naissances de l’année.
b/ Pour l’année 1960 les taux calculés sont compris entre 72,5 ‰ et 2 ‰ ! nous retrouvons la même opposition entre certains districts industriels et les districts “champions de la non-déclaration”... Cependant la moyenne générale de l’Etat et des 104 districts s’est élevée ; pour l’ensemble de l’Etat les naissances de l’année : 233 869 sont très supérieures aux naissances déclarées des années antérieures : 128 036. Le taux de Belo Horizonte a augmenté et les naissances des années antérieures ne représentent plus que 20,5 % des naissances de l’année. L’amélioration de l’enregistrement des naissances est indéniable, sauf dans les régions périphériques de l’Etat et pourtant les taux réels sont très supérieurs aux taux fournis par les statistiques ; il est facile de s’en rendre compte, si délaissant les registres de l’état civil, nous consultons ceux des baptèmes ; ainsi 317 956 enfants nés en 1960 ont été baptisés la même année et 66 744, baptisés l’année suivante : au total 384 700 naissances soit un taux de natalité de 39,26 ‰, très proche du taux obtenu à Belo Horizonte : 38,10 ‰ ; c’est pourquoi on peut estimer que le taux de natalité moyen de l’Etat doit être au minimum de 40 ‰, très supérieur au taux moyen calculé 23,86 ‰ ! En 1957 d’ailleurs le taux de natalité estimé dans la publication citée (publication 203) était de 46,5 ‰.
2.– Taux de mortalité
a/ Pour l’année 1950 les taux obtenus s’échelonnent entre 35,2 ‰ et 1,69 ‰ ; les même districts, qui avaient de faibles taux de déclaration de naissances, apparaissent également avec des taux de mortalité anormalement bas... Barbacena avec un taux de 35,2 ‰ est une exception, car la ville rassemble un hôpital psychiatrique et des sanatoria. La grande majorité des taux est comprise entre 10 et 17 ‰. Autant le taux général de l’Etat 9,81 ‰ est manifestement trop faible par défaut de déclarations, le taux moyen des 104 districts et de Belo Horizonte doit être près de la moyenne réelle.
Pour le taux de mortalité infantile, il peut paraître vain de le calculer quand on sait la sous-évaluation du nombre des naissances dans de nombreux districts ; c’est pourquoi nous l’avons calculé également par rapport à la population totale
b/ Pour l’année 1960 les taux de mortalité générale ont nettement diminué (par exemple le taux des 104 districts, celui de Belo Horizonte, de Juiz de Fora, etc.) sauf le taux général de l’Etat ; si l’on estime que les conditions sanitaires sont meilleures qu’en 1950, on pourrait en déduire que les conditions de déclarations des décès se sont améliorées ! Nous retrouvons des taux compris entre 28,5 ‰ (toujours Barbacena) et 2,35 ‰ ; la majorité des districts reste entre 10 et 15 ‰ J’estime que la moyenne des 104 districts : 12,23 ‰ doit représenter la moyenne de l’Etat.
La mortalité infantile a nettement reculé, même en dehors des grandes villes ; le taux de Governador Valadares reste très proche des taux du nord-est brésilien, même si l’on tient compte du faible taux des naissances déclarées.
3.– Zones physiographiques et taux d’accroissement naturel
32Pour des fins uniquement statistiques, les municipes de l’Etat ont été regroupés depuis 1922 en zones “physiographiques” dont le nombre, les limites et le nom ont changé comme pour la division municipale : il y en avait 9 en 1922, 10 en 1941, 13 en 1945, 16 en 1952, 17 en 1955 et enfin 15 depuis 1962 (207).
33Depuis 1922 la délimitation et l’appellation de ces zones physiographiques ont répondu à des critères variés : à l’origine en fonction simplement de leur situation, de leur forme et du réseau hydrographique : ainsi Sud, Ouest ou Triangle (la région en bec de canard entre les Rios Grande et Paranaiba) ou São Francisco, Rio Doce, etc. ; puis il a été tenu compte de la végétation : par exemple Mata, Campos da Mantiqueira et plus récemment des activités économiques (zone métallurgique) ou de l’influence urbaine (Montes Claros, Paracatu). La division de 1955 en 17 zones apparaît sur la carte (figure 8), mais nous avons réuni les deux petites zones du Nord-Est de l’Etat (moyen bas Jequitinhonha et moyen Jequitinhonha) ; c’est cette division que nous avons utilisée d’une manière générale (sauf cas exceptionnels) au cours de notre étude. La nouvelle division instituée en 1962 a introduit les changements suivants ; la zone métallurgique a été agrandie vers l’Est et vers l’Ouest, afin d’y inclure les nouveaux grands centres métallurgiques ; la région Ouest a été supprimée et ses municipes ont été rattachés en majorité à la zone du haut São Francisco ; ses autres municipes ont été annexés par la zone métallurgique et les “campos” des versants, nouvelle appelation des “campos” da Mantiqueira ; enfin les deux petites zones du Nord-Est ont été réunies officiellement sous le nom de “moyen Jequitinhonha” (carte-fig. 8bis).
34En utilisant les chiffres récapitulatifs par zones (division de 1955) du D.E.E. (Départemento Estadual de Estatistica) nous avons indiqué les taux de natalité, de mortailté et d’accroissement naturel sur la carte (fig. 9). Une ligne sépare les zones dont le taux d’accroissement naturel est supérieur à la moyenne de l’Etat et celles dont le taux est inférieur. Elle montre en fait l’opposition entre les zones “civilisées” plus urbanisées et à population rurale plus dense, où les taux indiqués sont moins éloignés des taux réels et au contraire les zones périphériques de l’Etat, moins urbanisées et à population rurale très peu dense, où les taux sont invraisemblables, car le pourcentage de déclarations de naissance et de décès est très faible. Pour montrer ainsi la relation existante, nous avons indiqué par zones le taux d’urbanisation (% de la population des villes de plus de 5 000 habitants par rapport à la population totale) en face du taux d’accroissement naturel ; le Triangle semble une exception, car c’est une zone avec quelques villes importantes mais aussi une population rurale très dispersée.
35Malheureusement cette carte ne peut nous montrer les taux d’accroissement naturel réels de l’Etat par zones. Une étude détaillée de la répartition de la population par classes d’âge serait sans doute plus utile, mais nous ne disposons pas des statistiques pour 1960.
36Il est impossible également de chercher à opposer des taux naturels différentiels entre les villes et la campagne : avec les calculs que nous avons présentés, mais faussés au départ, il s’avère que le taux d’accroissement naturel des villes est supérieur à celui du reste de l’Etat, contrairement aux théories classiques. En fait très certainement, les plus forts taux d’accroissement naturel doivent coïncider avec de forts taux d’immigration, c’est-à-dire dans les régions pionnières agricoles et surtout dans les villes champignons, après une période initiale où les taux de mortalité sont encore élevés. En effet l’afflux d’adultes et le maintien chez ces néo-urbains d’un comportement nataliste “rural” provoquent des taux de natalité fort élevés ; il se passe le contraire dans les campagnes qui se dépeuplent ou les villes stagnantes.
37Dans le cadre brésilien, Belo Horizonte en apporte la preuve, puisque pendant la décennie 1940-1950, parmi les 11 plus grandes villes brésiliennes, elle a présenté à la fois la plus forte croissance totale + 91,29 % et la plus forte croissance naturelle (+ 19,81 %) ; ainsi Belo Horizonte avait conservé un accroissement démographique peu inférieur à l’accroissement moyen brésilien et très supérieur à l’accroissement naturel des deux métropoles brésiliennes : Rio de Janeiro + 10,3 % et São Paulo + 15,8 %. (203 et 204)
38Dans le cadre de l’Etat pour 1960, nous avons cherché à comparer quelques taux d’accroissement naturel les plus “vraisemblables” et les taux d’accroissement total pendant la décennie 1950-1960 ; nous n’avons retenu que les exemples les plus significatifs dans le tableau ci-dessous :
TABLEAU 11
Villes | Taux d’accroissement naturel 1960 | Taux d’accroissement total 1950-1960 |
A – | Supérieurs à 23 % | Supérieur à la moyenne de l’Etat |
Parque Industrial (Contagemï | 64,1 | énorme |
Timoteo (Acesita) | 41,3 | 2.077 |
Itabira | 30,0 | 111 |
Coronel Fabriciano | 27,0 | 340 |
Belo Horizonte | 26,5 | 89,8 |
Divinópolis | 25 | 110 |
Sete Lagoas | 24 | 96 |
Itaúna | 23,6 | 141 |
B – | Inférieurs à 20 % | Inférieur à la moyenne de l’Etat |
Pouso Alegre | 20 | 50 |
Juiz de Fora | 19,7 | 47 |
Cataguazes | 19 | 67 |
Lambari | 18 | 41 |
Ouro Fino | 16,7 | 5 |
Leopoldina | 16 | 63 |
39L’opposition est nette entre la région centrale de l’Etat appelée zone métallurgique, beaucoup plus dynamique et les régions traditionnelles du Sud et de la Mata (A et B sur le tableau ci-dessus).
40Si l’on peut considérer le taux d’accroissement naturel de 1960 comme représentatif de la décennie 1950-1960, on s’aperçoit alors pour ces quelques exemples de l’importance de l’immigration dans l’accroissement urbain total, partout supérieure (si les taux d’accroissement naturel ne sont pas trop sous-estimés) à l’accroissement naturel ; Ouro Fino représente un exemple contraire puisqu’il y a eu nécessairement émigration, comme c’est le cas pour 10 villes entre 1950 et 1960 : Sabará, Nova Lima, Carangola, Campanha, Paraisôpolis, Muzambinho, Passa Quatro, Raul Soares et Aimores... (graphique - fig. 7).
6 – MIGRATIONS DE POPULATION INTER-ETATS
41Avant d’aborder le problème des migrations de population entre les différentes zones à l’intérieur de l’Etat, essayons de déterminer les mouvements de population par rapport aux autres Etats brésiliens.
42Chaque recensement décennal nous fournit le nombre des personnes nées dans un Etat et vivant dans un autre et réciproquement, pour chaque Etat, le nombre des habitants nés dans un autre Etat. Le tableau 12 nous permet de comparer les résultats de 1940 et de 1950 (en attendant la publication de ceux de 1960) : pour l’Etat de Minas le solde migratoire est très défavorable, car l’immigration est très réduite par rapport à l’émigration, le pourcentage (2,74 %) d’habitants du Minas nés ailleurs est le plus faible des taux brésiliens, alors que sont en tête les états “importateurs” : Guanabara 42,92 %, Parana 32,44 % et Goias 23,23 % par exemple – au contraire le Minas est le premier Etat “exportateur” de population en valeur absolue et en valeur relative, le pourcentage de la population née dans le Minas et habitant dans un autre Etat (15,47 %) n’est dépassé que par les taux de l’Etat de Rio (21,06 %) de l’Espirito Santo (16,25 %) et d’un autre Etat du Nord-Est, l’Alagoas (16,81 %) ; il est suivi de près par le Sergipe (15,03 %). En soustrayant les chiffres de 1940 et ceux de 1950, nous avons indiqué une évaluation de l’immigration et de l’émigration, mais il s’agit là d’une situation constatée en 1950, du chiffre minimum des migrants entre ces deux dates et non du nombre total des migrants ayant quitté leur Etat d’origine ; en effet il faut tenir compte des migrants qui sont décédés pendant la même période ou ceux qui sont retournés dans leur Etat d’origine.
43Ainsi, en suivant les calculs présentés par la publication citée (publication 204) il y aurait eu de 1940 à 1950, 130 000 décès environ de personnes nées dans le Minas et émigrées dans un autre Etat et si l’on évalue le reflux migratoire au dixième du flux, le nombre total des émigrants du Minas aurait été de : 537 718 + 130 000 + 74 000 – environ 741 000. Il est intéressant de remarquer dès maintenant que ce dernier chiffre est très proche du déficit constaté de la population du Minas pendant la même période, obtenu en comparant la population réelle de l’Etat et celle qu’elle aurait dû atteindre avec le même taux d’accroissement que le Brésil dans son ensemble : 763 345 habitants. De même si l’on peut constater qu’il est resté en 1950 15 076 immigrants de plus qu’en 1940, on peut évaluer le nombre total de ces nouveaux immigrants, de 1940 à 1950, à une vingtaine de mille, c’est-à-dire un mouvement insignifiant par rapport au volume de l’émigration.
44Quels sont les Etats qui ont attiré le plus les émigrants “mineiros” de 1940 à 1950 : quatre principalement, São Paulo au moins 164 060 émigrants, Parana au moins 116 369, Goias au moins 80 431 et Guanabara au moins 77 703 ; l’attrait des Etats du Parana et du Goias s’est certainement renforcé de 1950 à 1960 (et évidemment l’attrait de la nouvelle capitale fédérale Brasilia depuis 1959).
45Nous avons tenté de démontrer que le déficit de la population du Minas par rapport à l’accroissement moyen brésilien correspondait pour la période 1940-1950 à une forte émigration et non pas à un taux d’accroissement naturel très inférieur. Faute de données semblables, nous ne pouvons malheureusement en arriver à la même conclusion pour la période 1950-1960. Cependant il est vraisemblable de penser que le déficit de la population du Minas, qui a été du même ordre de grandeur : 712 345 habitants, résulte bien plus de l’émigration hors de l’Etat et aussi d’une immigration étrangère plus réduite, que de la faiblesse du taux d’accroissement naturel ; on estimera en conséquence que ce taux est plus proche de 36,2 % que de 26,9 % (tableau 1) ; en fait la publication citée (505, p. 39) évalue ce taux à 30 % de 1950 à 1960.
7 – MIGRATIONS DE POPULATION A L’INTÉRIEUR DE L’ÉTAT
46Malgré l’absence de statistiques exactes sur les taux d’accroissement naturel et les migrations réelles, nous avons essayé de cerner tout du moins les grands mouvements de population à l’intérieur de l’Etat, en utilisant les zones physiographiques, affectées arbitrairement d’un taux d’accroissement naturel uniforme. Il s’agit pour chaque zone, pendant les deux périodes 1940-1950 et 1950-1960, aussi bien pour la population rurale que pour la population urbaine (villes de plus de 5 000 habitants seulement) de calculer d’après un taux d’accroissement naturel hypothétique, une population “théorique” pour 1950 et 1960, que l’on peut comparer ensuite à la population effective à ces deux dates ; on obtient alors suivant les cas des surplus ou des déficits. Trois cas sont possibles :
La population théorique calculée est inférieure à la population effective, c’est-à-dire l’accroissement naturel hypothétique est insuffisant pour expliquer la croissance réelle de la population de la zone, même celle de la population rurale. Si l’on élimine à priori la possibilité d’un taux naturel d’accroissement très supérieur à la moyenne de l’Etat, on peut considérer cette zone comme une zone d’appel de population, dont une partie va se fixer dans la zone rurale et une autre partie dans les villes.
Si l’accroissement naturel hypothétique est insuffisant pour assurer seulement la croissance de la population urbaine de la zone, c’est encore une zone d’immigration de population, mais qui alimente uniquement les villes de la zone.
Dans le troisième cas au contraire, la population théorique calculée est supérieure à la population réelle. Si nous éliminons la possibilité d’un taux naturel d’accroissement très inférieur à la moyenne, c’est que l’accroissement naturel hypothétique est supérieur ici à la croissance réelle des populations rurales et urbaines de la zone ; c’est une zone d’émigration possible vers d’autres zones ou vers d’autres états.
47Nous avons choisi pour chacune des deux périodes les taux naturels d’accroissement théorique suivant trois hypothèses :
1 – Hypothèse d’accroissement minimum
48On estime que les taux d’accroissement naturel des populations rurale et urbaine sont égaux aux taux d’accroissement réel moyen de l’Etat : + 14,50 % de 1940 à 1950, + 26,9 % de 1950 à 1960 ; nous savons qu’il est faux d’appliquer ce taux à toutes les zones de l’Etat, car cela revient à supprimer toute possibilité d’émigration hors de l’état quand nous savons qu’il existe une émigration importante. Mais les calculs d’après ce taux minimum d’accroissement, vont permettre de fixer le plafond minimum pour les départs des zones d’émigration et au contraire le plafond maximum des arrivées dans les zones d’immigration.
2 – Hypothèse d’accroissement fort
49Si on pense au contraire que le taux d’accroissement naturel du Minas a été égal à celui du Brésil, sans l’immigration étrangère, + 23,8 % de 1940 à 1950 et + 32,2 % de 1950 à 1960, aussi bien pour la population rurale que pour la population urbaine, le déficit total entre la population “théorique” et la population effective du Minas représenterait l’émigration en dehors de l’Etat, soit 621 866 personnes de 1940 à 1950 et 481 252 de 1950 à 1960.
50Dans l’hypothèse d’un accroissement naturel fort, les calculs font apparaître des valeurs très élevées pour les départ des zones d’émigration et des valeurs très faibles pour les arrivées dans les zones d’immigration.
51Ainsi, grâce aux calculs basés sur les deux hypothèses précédentes, nous avons pu déterminer des fourchettes pour chaque zone, à l’intérieur desquelles se trouvent sans doute les valeurs réelles recherchées, si les taux réels d’accroissement naturel de chaque zone ne s’écartent pas sensiblement du taux moyen de l’Etat... !
52Les cartes (fig. 10 et 11) résument les résultats que nous avons ainsi obtenus. Pour chaque zone, nous avons indiqué le chiffre total des arrivées (+) ou des départs (–), en haut suivant l’hypothèse de l’accroissement minimum, en bas suivant l’hypothèse de l’accroissement fort ; de plus entre parenthèses apparaissent les arrivées dans la zone rurale.
3 – La troisième hypothèse considère (à tort ou à raison) que le taux d’accroissement naturel de la population rurale est supérieur à celui de la population urbaine. Si l’on prend ainsi le taux d’accroissement du Brésil pour la population rurale et le taux d’accroissement du Minas pour la population urbaine, on obtient des valeurs moyennes à la fois pour les départs et pour les arrivées. C’est ce que montre la carte (fig. 12) ; en haut sont indiquées les valeurs pour la période 1940-1950 et en bas pour la période 1950-1960.
53Il est intéressant de comparer l’évolution montrée par les deux cartes (fig. 10 et 11).
De 1940 à 1950, suivant l’hypothèse d’accroissement minimum, 9 zones sont des zones d’immigration, y compris dans la zone rurale et particulièrement les zones du Rio Doce, du Moyen Jequitinhonha, du Mucuri et du Haut São Francisco ; suivant l’hypothèse, plus plausible, d’accroissement fort, quatre zones seulement auraient reçu une immigration en zone rurale, particulièrement la zone du Moyen Jequitinhonha, deux seraient des zones d’immigration urbaine (Triangle et Rio Doce) et trois des zones d’émigration. Dans les deux hypothèses, seule la zone métallurgique était une zone d’immigration urbaine et six zones des zones d’émigration (dans le sud de l’Etat, plus le Haut Paranaiba et le Haut Jequitinhonha).
De 1950 à 1960, le nombre des zones d’émigration a augmenté : elles sont 9 (dans les deux hypothèses) ; il faut ajouter les zones du Haut São Francisco et du Moyen Jequitinhonha à la liste de la période 1940-50. Il y a trois zones à immigration urbaine ; la zone métallurgique, Triangle et Rio Doce et quatre zones auraient reçu une immigration en zone rurale : au Nord-Est de l’Etat le “pionnièrisme” agricole n’affecte plus que la zone du Mucuri, mais dans le Nord-Ouest de l’Etat il se marque dans trois zones.
54Même si les deux cartes font bien apparaître les zones “théoriques” d’attraction et de départ de la population dans l’Etat, elles ne permettent pas de reconstituer les mouvements réels de la population. Il est certain cependant que les migrations à courte distance (200 ou 300 km par exemple) sont plus importantes que les migrations plus lointaines (plus de 500 km) à l’intérieur de l’Etat évidemment ; ainsi la plus grande partie des besoins des zones d’immigration peut être satisfaite par les départs des zones d’émigration limitrophes et ceci est vrai également pour la zone métallurgique avec Belo Horizonte, dont les appels de population ont au moins triplé d’une période à l’autre ; c’est ce que confirment les quelques sondages effectués sur les lieux de naissance des ouvriers de certaines usines de Belo Horizonte (Brasilit, Magnesit, Suissa), de l’usine métallurgique d’Ipatinga et des habitants des favelas de Belo Horizonte (510).
55On peut penser d’autre part que la moitié au moins des départs des zones du Sud, Mata, Campos de Mantiqueira, Ouest et Haut Paranaiba, concerne l’émigration hors de l’Etat vers les Etats de Guanabara, São Paulo, Parana et Goias ; l’émigration vers la nouvelle capital fédérale, Brasilia, proviendrait au contraire de toutes les zones de l’Etat et principalement de Belo Horizonte.
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