L’originalité du Minas Gerais
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Texte intégral
1L’Etat du Minas Gerais, l’un des 22 Etats de la Fédération brésilienne couvre une superficie supérieure à celle de la France : 593 000 km2, soit 7 % du territoire brésilien. Il groupait en 1960 une population de 9,8 millions d’habitants et actuellement plus de 11 millions et demi ; la population prévue pour 1970 est de 12 millions d’habitants sur un total brésilien de 93 millions.
2Pour les Brésiliens c’est avant tout un pays de “montagnes” ou plutôt de hautes terres, puisque 57 % de la superficie sont au-dessus de 600 m ; c’est le “château d’eau” du Brésil du Sud-Est et un Etat “méditerranéen” sans accès direct sur la mer, subissant ainsi le double isolement de l’altitude et de la continentalité...
3Le territoire actuel du Minas Gerais n’a été que tardivement occupé par les Portugais, longtemps rivés à la côte et à la civilisation du sucre. Très faiblement peuplé par des tribus d’indiens semi-nomades, il n’a été exploré qu’au XVIIe siècle par les Bandeirantes Paulistes, après quelques tentatives lancées à partir des ports de l’Atlantique en remontant les fleuves de l’Est de l’Etat. Les “Bandeiras” étaient des caravanes organisées au départ de Sâo Paulo, pour la chasse aux esclaves indiens, la recherche des pierres ou des métaux précieux et l’évangélisation tout à la fois. Ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que la découverte de l’or a provoqué une véritable invasion de population dans la région centrale ; c’est le début de l’histoire des “Minas Gerais” ou “Mines Générales” comme on baptisa la région. Depuis cette date, contrairement à la grande majorité des Etats brésiliens qui se sont peuplés de la côte vers l’intérieur, le Minas Gerais, sans accès sur la mer, s’est peuplé du centre vers la périphérie, lorsque la décadence irrémédiable de l’extraction aurifère va provoquer un mouvement centrifuge de la population au XIXe siècle. Comme, depuis une centaine d’années, l’immigration étrangère n’a pas été aussi importante que dans d’autres Etats brésiliens, comme l’Etat de Sâo Paulo par exemple, le Minas Gerais a gardé une profonde originalité “provinciale” ; l’habitant du Minas, le “Mineiro”, longtemps isolé dans ses montagnes, hanté par les souvenirs du siècle de l’or et les tracasseries de la couronne portugaise, reste fier, individualiste, fataliste et traditionnaliste ; amicalement les autres Brésiliens se moquent de son avarice et de son tempérament méfiant. Comme le Portugais, s’il est forcé d’émigrer, il s’adapte facilement mais reste attaché à sa “terre” d’origine. D’autre part, à cause de l’afflux des esclaves noirs au XVIIIe siècle, le Minas reste un Etat très “coloré”, en 1950, les noirs représentaient les 14,5 % de la population de l’Etat et les métis 26,8 % (ce qui était supérieur à la moyenne brésilienne pour les noirs : 10,95 % et égal pour la population métisse : 26,5 %).
4Comme partout au Brésil des phases économiques successives ont atteint l’Etat et profondément marqué ses paysages et sa société : cycle de l’or et des diamants au XVIIIe siècle ; élevage et agriculture esclavagistes jusqu’en 1880 ; le règne du café et de l’élevage jusqu’à la deuxième guerre mondiale ; l’urbanisation et l’industrialisation modernes. Ces phases se sont développées dans des régions différentes de l’Etat ou se sont superposées sans se détruire entièrement, si bien que le passé, le présent et l’avenir se juxtaposent sans se heurter. De même des classes sociales aux conditions de vie si différentes peuvent coexister sans revendications ni hostilités apparentes, car elles ne semblent pas vivre dans le même monde : il y a ainsi ceux qui voyagent déjà dans le train de l’économie de consommation, ceux qui s’efforcent de le rattraper et enfin ceux qui le regardent passer sans comprendre... Il n’y a pas non plus apparemment de problème racial entre blancs, métis et noirs, mais ces derniers occupent toujours le bas de l’échelle sociale ; la brutalité des contrastes socioéconomiques semble neutralisée par la douceur du langage, l’aménité des rapports humains, la passivité ; le sens du compromis ou de la débrouillardise (le “jeito”) dans tous les domaines... D’où l’impression d’une joie de vivre naïve et fataliste, d’une disponibilité que nous ne connaissons plus, mais aussi l’inefficacité généralisée et l’impossibilité de tout changement profond des structures sociales, malgré la misère sans espoir du quart de la population...
5Marqué par les splendeurs du siècle de l’or, le Minas est la patrie du héros national, Tiradentes, et de nombreux Présidents de la République : le dernier a été le Président Juscelino Kubitschek.
6Longtemps premier Etat de la Fédération grâce à son poids démographique, à son importance économique et à son rôle politique, le Minas Gerais s’est laissé distancer depuis la première guerre mondiale par le prodigieux développement de l’Etat de Sâo Paulo. Grand producteur de produits agricoles, de beurre et de fromages réputés, de minerai de fer et d’acier ; il possède également les sièges de quelques-unes des plus grandes banques brésiliennes ; mais incapable de retenir toute sa population, il est devenu le premier Etat brésilien d’émigration (sans doute 3 millions d’émigrants en une cinquantaine d’années). Faute de sang neuf, d’évolution des mentalités et d’initiatives, l’Etat est resté jusqu’en 1955 en marge du développement industriel moderne du Brésil et malgré un effort de redressement récent, son niveau de développement représente une transition entre celui du Brésil industriel du Sud-Est et celui du Brésil sous-développé du Nord-Est.
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Les villes du Minas Gerais
Ce livre est cité par
- Fonseca, Cláudia Damasceno. (2011) Arraiais e vilas d'el rei: espaço e poder nas Minas setecentistas. DOI: 10.7476/9788542303070
- Bourgeat, Serge. (2008) La thèse d’État, frein ou infusoir de l’innovation disciplinaire ?. Cahiers de géographie du Québec, 52. DOI: 10.7202/018426ar
- Lourenço, Wilson R.. (2015) What do we know about some of the most conspicuous scorpion species of the genus Tityus? A historical approach. Journal of Venomous Animals and Toxins including Tropical Diseases, 21. DOI: 10.1186/s40409-015-0016-9
- Bruno, Louise. (2001) L’atlas électronique du Minas Gerais. Cahiers des Amériques latines. DOI: 10.4000/cal.6652
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