Chapitre ii. Les quartiers centraux, quartiers industriels et d’immigration
p. 85-120
Texte intégral
1Le dernier quart du xixe siècle est une période charnière à São Paulo. En quelques années, la ville perd son statut de petit centre urbain consolidé au fil des siècles et devient une capitale à la fois grande, cosmopolite et industrielle ; trois adjectifs désignant un changement du statut, de la composition et de la fonction de la ville. Après avoir analysé l’émergence de la confection et ses liens avec la croissance urbaine et industrielle à São Paulo, nous entrons maintenant dans l’espace urbain et nous arrêtons dans le centre de la ville, à l’endroit même où le changement intervient, tout près du centre historique, plus précisément au nord et à l’est de celui-ci, dans les quartiers du Bom Retiro, du Brás et du Pari. Cet espace configure le point de bascule de la ville de São Paulo, là où, dès la fin du xixe siècle, se construit et se définit la trajectoire urbaine du siècle à venir.
2À partir des années 1880, cet ensemble territorial se constitue sur la base de deux attributs présents jusqu’à aujourd’hui : l’industrie et l’immigration. Retracer la formation de ces quartiers centraux et leur évolution permettra d’établir comment la confection s’y implante, s’y reproduit, quels liens s’établissent entre ce secteur et l’immigration internationale et comment, enfin, celle-ci s’insère dans l’environnement urbain dont elle modifie la morphologie et la dynamique globale.
3Il est possible de distinguer trois périodes dans l’histoire du Brás, du Bom Retiro et du Pari. Dans un premier temps, dans une ville en phase initiale d’expansion, ces quartiers surgissent et se distinguent par une double concentration de l’industrie et de l’immigration. Dans un deuxième temps, à partir des années 1900, l’installation durable de l’industrie, et en particulier du textile puis de la confection, se fonde sur la constitution d’un tissu industriel où, à côté de grandes usines, les petites unités de production intégrant l’espace résidentiel sont la norme. Enfin, à partir des années 1950, le Brás, puis le Bom Retiro et le Pari initient un lent déclin démographique et industriel tandis que la confection maintient sa présence et entretient une dynamique migratoire.
La formation des quartiers du Brás, du Bom Retiro et du Pari, de la seconde moitié du xixe siècle au début du xxe siècle
4São Paulo connaît tout au long de la période coloniale une très lente croissance. Au milieu du xixe siècle, bien qu’elle soit une capitale de province, sa population atteint à peine 30 000 habitants. L’arrivée massive de migrants internationaux et la formation de quartiers ouvriers et industriels jettent les bases d’une ville industrielle.
Du noyau historique à l’éclosion urbaine des années 1880
5À la fin des années 1870, São Paulo est une petite ville, la capitale de la province qui porte son nom. Sa situation géographique explique pour partie son faible essor. Établie à plus de 700 mètres d’altitude, dans un bassin du haut-plateau, elle est entourée au nord et à l’est des massifs montagneux de l’imposante Serra do Mar, qui longe le littoral et fait obstacle aux liaisons avec la capitale fédérale, Rio de Janeiro, et le port de Santos [Monbeig, 1953a].
6La fondation de la ville par les jésuites remonte à 1554. São Paulo doit ainsi sa naissance à la volonté du père Nóbrega d’instruire les enfants des Portugais, certes peu nombreux, installés sur les hautes terres. Très vite, la couronne attribue quelques prérogatives administratives et juridiques à la ville, lui conférant une autorité sur les hameaux environnants dont les habitants sont par ailleurs catéchisés par les jésuites.
7Le collège jésuite, qui marque la fondation de la ville, est édifié sur une colline au cœur d’une plaine alluviale. Le choix est justifié par des impératifs défensifs, les populations indiennes étant alors nombreuses aux alentours et les relations avec les Portugais non pacifiées, comme le rappelle Pierre Monbeig : « Jusqu’à la fin du xvie siècle, la menace indienne pesa lourdement sur les colons » [Monbeig, 1953a, p. 69]. La plaine entourant le site initial, parcourue de cours d’eau, présente de nombreuses zones marécageuses nommées várzeas. Deux rivières bordent la colline du collège, le Tamanduateí et l’Anhangabaú, affluents du fleuve Tietê qui, à quelque 600 mètres au nord, s’écoule d’est en ouest. Plus à l’ouest enfin, le Pinheiros est un autre affluent du Tietê, et un élément important dans la structuration de la ville. L’isolement du village au milieu de la plaine marécageuse est un gage de sécurité ; mais, ce qui dans le contexte initial constituait un avantage posera ultérieurement de nombreux problèmes pour l’essor et l’aménagement de la ville. Tout au long des xixe et xxe siècles, la croissance des quartiers centraux se fait au prix d’importants travaux d’aménagement : drainage et terrassement des várzeas, recouvrement des cours d’eau, rectification du Tietê et du Pinheiros. São Paulo conserve donc une taille modeste, car elle semble difficile d’accès aux voyageurs, et perdue dans une immensité faiblement occupée par les colons.
8Des constructions sont peu à peu entreprises autour du collège, sur la colline ceinte des cours du Tamanduateí et de l’Anhangabaú. Les bâtisseurs sont les religieux, et notamment le père Affonso Braz, considéré comme le premier urbaniste de São Paulo [Monbeig, 1953a, p. 68], qui dirige l’édification des premières maisons, selon un plan quadrillé. São Paulo est certes une bourgade, mais elle administre plusieurs villages alentour, certains organisés par les jésuites afin de leur faciliter la mission de catéchèse, d’autres apparus à la croisée de routes caravanières. Enfin, çà et là des agriculteurs cultivent pour la population locale le manioc, le riz et les arbres fruitiers américains et européens.
9La ville prend une nouvelle dimension régionale avec le cycle des bandeiras, troupes d’aventuriers organisant des razzias dans l’intérieur du pays, à la recherche d’Indiens à esclavagiser et de ressources minières. Cependant, le développement de l’influence territoriale de la ville, dont l’emprise s’étend vers l’ouest, contribue très peu à sa croissance urbaine. Et quand la fièvre des bandeiras retombe pour toujours, São Paulo est une ville pauvre et provinciale ; elle le restera jusqu’à la fin du xviiie siècle.
10Le changement intervient avec l’introduction de la canne à sucre, cultivée dans l’intérieur de l’État, activité dont la réussite économique rejaillit sur la capitale provinciale [Monbeig, 1953a, p. 79]. À cet essor économique s’ajoute le transfert, en 1763, de la capitale de Salvador à Rio de Janeiro et l’installation de Dom João VI et de sa cour dans cette ville en 1807. Ces événements dynamisent São Paulo, devenue proche du pouvoir et de son faste.
11Au début du xixe siècle, la ville est encore principalement circonscrite par les limites du triangle du Velho Centro (« Vieux Centre »1). Cependant, Pierre Monbeig [1953a, p. 77] relève que, dès cette époque, des habitants s’installent en dehors de ce centre historique, surtout dans le sud et le sud-est, pour y développer des activités non plus seulement agricoles, mais commerciales. Les constructions apparaissent çà et là le long des chemins conduisant à d’autres villes. En 1841, comme l’indique la carte de Bresser (figure 5, p. 89) l’urbanisation a progressé au-delà des limites du centre historique, surtout dans la paroisse de Santa Efigênia, où un plan orthogonal composant une quinzaine de blocs a surgi, résultat du lotissement d’une partie d’une propriété privée située sur la façade nord-ouest du Morro do Chá, aux environs de l’actuelle place de la République. Ce secteur demeure cependant bien peu construit.
12En somme, jusque dans les années 1860, peu de changements interviennent dans la ville, dont la population reste stable. Le Bom Retiro n’existe pas encore ; dans l’espace qui sera le sien, on ne compte alors que le Parque da Luz (ancien jardin botanique inauguré en 1798) et quelques bâtiments publics. La paroisse du Brás, dont l’existence remonte à 1818, s’étend sur un vaste espace ; elle est reliée au centre par un chemin conduisant à l’est de la province. L’urbanisation n’y a pas progressé depuis la construction de l’église de Nossa Senhora do Bráz, en 1811, et le tracé de la place do Commércio do Bráz. Le centre de la paroisse n’est pourtant qu’à 1 000 mètres des limites du Vieux Centre, mais la várzea qui recouvre en bonne partie cet interstice ne facilite pas son désenclavement.
13Faiblement occupés, les espaces périurbains ne sont pas pour autant abandonnés. On y trouve de nombreuses petites propriétés semi-rurales, nommées chácaras, qui sont à la fois des résidences secondaires pour riches planteurs ou notables et des exploitations agricoles où sont aménagés vergers et parcelles maraîchères. Elles forment un espace périphérique nommé cinturão das chácaras [Langenbuch, 1971]. Leur mise en valeur change radicalement dans la seconde moitié du xixe siècle, lorsqu’elles sont transférées par les propriétaires traditionnels à de nouveaux venus, souvent des étrangers, qui les urbanisent à mesure que la pression démographique s’accroît.
14La carte de 1881 (figure 6, p. 90) fait apparaître quelques changements importants dans l’urbanisation compte tenu de ce que l’on connaît de la situation quelques décennies auparavant [Passos et Emídio, 2009]. Les rues sillonnent l’espace entre le cours de l’Anhangabaú et l’actuelle place de République, désormais loti, les aménagements y ayant débuté en 1876 [Langenbuch, 1971]. Auparavant, sur cette colline nommée le Morro do Chá, existait une chácara où l’on cultivait entre autres le thé (chá, en portugais). Au nord de ce quartier, la zone d’environ 1 km2 limitée au nord par le jardin de la Luz qui apparaissait sur la carte de 1841 [Passos et Emídio, 2009] s’est peuplée. L’état du lotissement y est déjà avancé, et l’on ne manquera pas d’observer que ce quartier, relativement neuf, est plus étendu que le Vieux Centre. À l’extrême nord-est, soit à environ deux kilomètres du centre, se dessine un nouveau quartier composé de douze blocs rectangulaires d’une taille supérieure aux blocs du quartier voisin. À l’origine de Campos Elíseos, nom donné à ce quartier, deux investisseurs immigrés allemands, Nothmann et Glette [Mangili, 2011, p. 32] qui ont racheté des chácaras dans le secteur. Le tracé des voies fut réalisé l’année précédant le relevé cartographique, si bien qu’en 1881 aucune construction n’apparaît encore. Dans les années qui suivent, le choix est fait de mettre en vente des parcelles de grande dimension dans le but d’attirer une population issue de l’élite. Campos Elíseos devient ainsi un quartier résidentiel où la haute société de São Paulo se fait construire de luxueuses demeures. Au sud, le quartier de Liberdade s’étoffe. Plus à l’ouest, deux axes, la rue da Consolação et la rue Santo Amaro, tracés vers le sud-ouest, commencent à être occupés, ce mouvement préfigurant l’occupation de la colline de Bela Vista jusqu’à sa crête, qui définira le tracé de l’avenue Paulista.
15À cette date, le Bom Retiro n’est toujours pas constitué en quartier urbain, même si, déjà, des constructions probablement commerciales apparaissent, en direction du nord, le long de l’avenue de la Luz, et si un premier lotissement occupe la portion initiale de cette même avenue, entre la rue João Theodoro et la Travessa do Seminário (figure 6, p. 90). Dans le Brás, la dynamique urbaine est semblable à celle du Bom Retiro. Elle est encore largement tributaire de l’activité des quartiers centraux (le Vieux Centre et le nouveau centre, zone située au nord-ouest de celui-ci), dont l’influence se diffuse le long d’axes de communication, comme en témoignent la distribution du bâti le long des voies reliant le quartier du Brás au Vieux Centre et l’absence de voirie en dehors de ces axes. Le Brás et le Bom Retiro n’ont semble-t-il pas d’existence propre en 1881, toute activité n’étant encore qu’un effet de la diffusion spatiale d’une dynamique centrale.
16On ne peut mesurer les progrès de l’urbanisation uniquement à l’aune de l’étalement urbain et de la progression des lotissements. Il faut aussi prendre en compte l’intervention, plus ou moins perceptible sur les cartes et néanmoins décisive, des pouvoirs publics qui, entre les années 1850 et 1881, planifient d’importants aménagements, lesquels, le moment venu, porteront la croissance urbaine. Ces aménagements démontrent le volontarisme de l’oligarchie de São Paulo et son souci de lier étroitement le développement urbain au projet économique provincial de type agro-exportateur.
17Les premiers ouvrages publics d’envergure concernent le milieu naturel, en tout premier lieu les várzeas et les cours d’eau qui font obstacle à la croissance de la ville2. Dès 1848, le Tamanduateí est en partie rectifié ; c’est le début des nombreux et colossaux aménagements du réseau hydrographique local. À la même époque, plusieurs ponts maçonnés sont édifiés sur le Tamanduateí et l’Anhangabaú, remplaçant des ouvrages en bois que les crues ou les violents orages emportaient fréquemment. Les rues du Vieux Centre, souvent boueuses ou inondées, sont peu à peu pavées. En 1892, le viaduc du Chá, le premier de la ville, est inauguré. Il remplace un pont peu élevé et facilite la circulation entre les deux rives. Imaginé et dessiné dès 1877, les propriétaires des chácaras voisines s’étaient alors opposés avec succès, jusqu’en 1888, à sa construction.
18Un pas important est franchi en 1856 dans la modernisation urbaine avec l’apparition de l’éclairage public. La même année, la place da Concôrdia est aménagée, signe de l’essor de l’activité dans ce secteur pourtant périphérique. Quelques années plus tard débutent les travaux de construction de la ligne de chemin de fer reliant Jundiaí à Santos, via São Paulo. Cet événement majeur déterminera non seulement la croissance économique et démographique de la ville, mais aussi son organisation sociospatiale. La São Paulo Railway & Co, compagnie anglaise qui dirige les travaux et exploite la ligne, inaugure l’ouvrage en 1867. Cet aménagement ambitieux compte tenu du dénivelé existant entre São Paulo et le port de Santos, est lié au décollage de l’économie de plantation dans la province. La fièvre du café qui gagne l’intérieur de la province de São Paulo est soutenue par le gouvernement qui, dès les années 1860, encourage la construction d’une voie ferrée entre le port d’exportation, Santos, et le cœur de la région productrice, Jundiaí, via São Paulo. À São Paulo sont organisées les nombreuses activités intermédiaires et complémentaires intervenant dans l’activité caféière, entre la production (dans l’intérieur) et l’exportation (au port de Santos), qu’il s’agisse par exemple de produire les sacs pour conditionner le café ou de recruter et de distribuer la main-d’œuvre nécessaire pour défricher les terres et cultiver le café dans les campagnes. Alors que la production caféière croît à un rythme effréné, l’activité urbaine s’emballe et les gares de la Luz (Bom Retiro) et du Norte (Brás) deviennent des centres émergents. De nombreuses activités qui, de près ou de loin, dépendent du trafic ferroviaire s’implantent dans le secteur des gares : entrepôts, maisons commerciales, industries, habitations ouvrières façonnent ces nouveaux quartiers. En 1877, les travaux de raccordement au réseau carioca sont achevés et São Paulo se rapproche de la capitale, Rio de Janeiro. D’autres compagnies et d’autres lignes voient le jour à la même époque, toutes tournées vers l’exploitation de l’intérieur de la Province. Entre 1870 et 1890, l’étendue du réseau ferré du territoire de São Paulo passe de 139 à 2 425 km. La ville se retrouve au cœur d’un vaste dispositif territorial drainant les ressources agricoles et minières de l’intérieur pour les acheminer, via São Paulo et le port de Santos, vers l’étranger ou d’autres provinces brésiliennes.
19Les secteurs de la Luz et du Brás sont désormais des lieux essentiels à l’animation de São Paulo. Leur intégration se consolide davantage lors de la mise en service d’un transport public, un tramway (bonde) à traction animale. Une première ligne est ouverte en 1872, entre le Vieux Centre et la gare de la Luz ; une seconde en 1872, entre la gare du Norte, c’est-à-dire du Brás, et le Vieux Centre [Andrade, 1991, p. 35]. Ce sont les premières liaisons urbaines du bonde, système de transport de passagers et de marchandises qui connaîtra un développement rapide et durable, puisque, à partir de la fin du xixe siècle, l’énergie animale est peu à peu abandonnée pour la vapeur puis l’électricité.
20Un dernier volet de la politique des autorités provinciales a facilité le décollage urbain des années 1880. Il s’agit de la politique migratoire mise en place d’une part pour substituer à la population esclave une paysannerie européenne et, d’autre part, pour soutenir le développement de la plantation caféière dans l’intérieur de la province [Souchaud, 2009]. Parmi les planteurs du São Paulo, qui contrôlent économiquement et politiquement la Province et sa capitale, nombreux sont ceux attachés à l’idée que la fin proche de l’esclavage doit être anticipée et que le développement de la culture du café doit reposer sur une main-d’œuvre étrangère, surtout européenne. Différents raisonnements, malthusien, eugéniste ou économique, confortent ce point de vue bien ancré. De sorte que les autorités provinciales élaborent, à partir des années 1870, une politique d’immigration (voir chapitre i) qui s’appuie sur différentes institutions et bénéficie de ressources propres. Ainsi, dès 1871, le président de la Province de São Paulo, entouré de planteurs et de financiers, fonde l’Association de soutien à la colonisation et à l’immigration (Associação auxiliadora da colonização e imigração) [Holloway, 1984, p. 62]. Les premières années, les arrivées d’immigrants sont modestes, mais les contours d’une politique migratoire ambitieuse sont esquissés et un formidable sursaut démographique se prépare.
Industrialisation et immigration dans le Brás et le Bom Retiro
21En 1872, la population des paroisses du centre3 de São Paulo atteint à peine 20 000 habitants, dont 10,5 % d’étrangers et 15,6 % d’esclaves (tableau 11, p. 95).
22En 1890, soit dix-huit ans plus tard, trois changements démographiques majeurs sont intervenus (tableau 12, p. 95). La croissance démographique tout d’abord, qui change brutalement de rythme et a fait tripler la population. La composition de la population ensuite, qui a nettement évolué, les étrangers étant presque sept fois plus nombreux et représentant désormais 23,2 % de la population4. Enfin, la ville s’étend au-delà du Vieux Centre (paroisse de Sé) vers de nouveaux quartiers qui comptent autant d’habitants. Le Brás est désormais plus peuplé que le Vieux Centre (Sé) et la composition de sa population est différente de celle du reste de la ville : avec 32,8 % d’habitants étrangers, le quartier concentre 39,2 % de la population étrangère de la ville.
Tableau 11. Population des quatre paroisses du centre de São Paulo selon le statut, en 1872
Paroisses | Brésiliens libres | Étrangers libres | Esclaves | Total |
Sé | 6 242 | 1 102 | 1 909 | 9 253 |
Santa Efigênia | 3 626 | 362 | 471 | 4 459 |
Consolação | 2 775 | 240 | 372 | 3 387 |
Brás | 1 705 | 325 | 278 | 2 308 |
Total | 14 348 | 2 029 | 3 030 | 19 407 |
Source : d’après le recensement de 1890 [Ministério Da Indústria, 1898]5.
Tableau 12. Population des quatre paroisses du centre de São Paulo selon le statut, en 1890
Paroisses | Brésiliens | Étrangers | Total |
Sé | 12 984 | 3 411 | 16 395 |
Santa Efigênia | 10 575 | 3 450 | 14 025 |
Consolação | 11 665 | 1 672 | 13 337 |
Brás | 11 295 | 5 512 | 16 807 |
Total | 46 519 | 14 045 | 60 564 |
Source : d’après le recensement de 1890 [Andrade, 1991, annexes].
23En 1893, Élisée Reclus séjourne à São Paulo. Les observations qu’il livre dans sa Nouvelle Géographie universelle restituent l’ambiance d’une mutation urbaine. Reclus dépeint le Brás comme un quartier populaire et industriel, où l’insuffisante maîtrise du milieu naturel ajoute aux désordres d’une croissance trop rapide, où la population se distingue par ses origines étrangères, où l’industrie marque le paysage : « […] à l’est un autre quartier, peuplé surtout d’Italiens, s’étend au loin dans la plaine basse et contraste, par ses usines, ses rues malpropres, ses égouts vaseux, avec les constructions élégantes et les villas des quartiers occidentaux. Il serait urgent de drainer le sol et d’aménager de vastes espaces en parcs et jardins ; mais les constructions empiètent incessamment sur les terres marécageuses et pourries d’immondices […] » [Reclus, 1894, p. 371].
24Le géographe souligne également que la croissance de la ville introduit une différenciation de l’espace urbain. Il observe à l’est un quartier industriel précaire, voire insalubre, alors qu’il conserve de l’ouest l’image d’un quartier cossu et résidentiel (Reclus pense probablement à Campos Elíseos). Ses observations du Brás pourraient s’appliquer au Bom Retiro et, en réalité, plus qu’entre deux quartiers, la différenciation de l’espace urbain s’opère entre le nord et le sud, suivant une ligne de partage tracée par la voie ferrée (figure 6, p. 90) : au nord la ville industrielle et ouvrière, au sud la ville bourgeoise et diversifiée, dans ses activités comme dans sa composition sociale6. Si bien que le Bom Retiro, et plus tard le Pari, suivent une trajectoire de peuplement assez semblable à celle du Brás, ce qui confère à ces quartiers une unité spatiale.
25Le Bom Retiro prend forme dans les années 1880, en conséquence des transactions foncières intervenues dans le nord de la ceinture des chácaras dès les années 1860 [Amadio, 2004 ; Mangili, 2011, p. 32]. Plusieurs de ces propriétés privées sont à l’origine du quartier. L’une d’elles, dans l’ouest, appartenait au Baron de Iguape quand elle fut rachetée par un immigrant alsacien, Manfred Meyer, qui y construisit une briqueterie en 1860 (Olaria Manfred). Les lotissements ouvriers n’apparaîtront qu’une vingtaine d’années plus tard, car la concentration d’une population ouvrière dans le quartier est postérieure à l’implantation des activités commerciales et industrielles. Lorsque l’entrepreneur urbain Manfred s’installe, l’endroit est apprécié pour ses loisirs champêtres ; situé à proximité du fleuve Tietê, il est facilement accessible depuis le centre de la ville. Aménagements publics (église, jardin) et cadre naturel font de ce lieu une retraire amène (littéralement un bom retiro). Cette représentation persiste malgré l’avancée de l’implantation industrielle et se concrétise dans l’installation de services publics spécifiques. En 1873, une école populaire s’implante dans le quartier, la Sociedade propagadora de instrução popular. D’autres institutions d’enseignement s’installeront près de la Luz : la première école primaire de la ville, l’école Prudente de Morais, en 1884, ou l’école de pharmacie, en 1904 [Mangili, 2011, p. 35]. Cette spécialisation confère au quartier une image prestigieuse qui, dans un premier temps, n’est pas écornée par la présence de la voie ferrée et de la gare. C’est avec le développement des activités afférentes à la circulation ferroviaire que le quartier perd peu à peu son attrait pour les classes supérieures et que l’industrie et les couches populaires, notamment ouvrières et immigrées, s’y concentrent [Mangili, 2011 ; Villaça, 1998, p. 38].
26La carte de 1881 (figure 6, p. 90) fait état du faible développement du peuplement dans le Bom Retiro. Or, près de quinze ans se sont écoulés depuis l’inauguration (1867) de la ligne de chemin de fer et de la gare. Il faut donc un certain temps avant que l’activité ferroviaire ne produise ses effets sur la croissance urbaine. Dans les années 1880, tout change. Manfred Meyer dessine dans sa propriété un plan de rues qu’il lotit. Comme le souligne Mangili [2011, p. 35], les parcelles proposées à la vente sont de petites tailles, allongées, étroites sur rue, et donc destinées à des acquéreurs modestes, pour la plupart des ouvriers. Les lotissements à venir dans le quartier suivront la même orientation commerciale. En somme, des choix urbanistiques viennent renforcer l’identification du quartier naissant à un quartier populaire. Mais les lotisseurs n’ont pas présidé seuls à la définition du secteur, ils ont plus probablement entretenu et soutenu un phénomène trouvant ses origines dans l’économie caféière et son développement localisé.
27En 1882 est édifiée une maison d’accueil des immigrés, située rue dos Imigrantes (l’actuelle rue José Paulino). Une fois les premiers lotissements réalisés, le peuplement du Bom Retiro est rapide. Dès le début du xxe siècle, il est identifié à un quartier industriel et résidentiel. En 1890, selon le plan reproduit dans l’ouvrage Desenhando São Paulo [Passos et Emídio, 2009, p. 33], les plus anciens lotissements du Bom Retiro se trouvent à proximité de la voie ferrée. Les rues elles-mêmes suivent la ligne de chemin de fer, qui trace une courbe, à l’ouest du jardin da Luz. L’urbanisation se déploie alors dans le secteur occidental, de part et d’autre de la rue dos Imigrantes qui part de la gare en direction du nord-ouest. Trois ensembles se dessinent alors dans le Bom Retiro. Le premier, à l’ouest, orienté nord-ouest, s’étire le long de la voie ferrée. Le second et le troisième, plus proches d’une disposition méridienne, se distribuent de part et d’autre de l’avenue Tiradentes ; les lotissements sont plus étendus du côté est, mais, globalement, la progression de l’urbanisation y est plus modeste que du côté de la rue dos Imigrantes.
28Quinze années plus tard, en 1905, la discontinuité du peuplement a presque disparu (figure 6, p. 90) les trois foyers d’urbanisation sont unifiés en un front qui progresse en direction du nord. À l’ouest, il s’approche du fleuve Tietê, à l’est il a rejoint celui-ci en suivant la rive gauche du canal du Tamanduateí (l’actuelle avenue do Estado).
29Dans le Brás, les progrès de l’urbanisation sont plus nets encore. Le quartier est intégralement recouvert d’un plan de rues en damier et seule la pointe sud-est semble moins densément occupée. À la convergence des fronts d’urbanisation venus de l’est du Bom Retiro et du nord du Brás est apparu un nouveau quartier, le Pari, qui par conséquent semble se constituer comme le produit de l’urbanisation du Brás et du Bom Retiro.
30En vingt-cinq années à peine, le Brás, le Bom Retiro et le Pari ont surgi dans une ville très peu développée et géographiquement homogène. Au début du xxe siècle pourtant, ils constituent un ensemble qui se distingue dans l’environnement urbain.
Immigration et industrialisation dans le Brás, le Bom Retiro et le Pari du début du xxe siècle aux années 1950
31La singularité, dans São Paulo, de l’espace urbain composé du Brás, du Bom Retiro et du Pari, ainsi que son homogénéité interne reposent à la fois sur la composition de la population qui y habite et y travaille, et sur la spécialisation des activités économiques qu’il accueille. Ces caractères produisent des effets propres sur la morphologie urbaine.
Quitter la plantation, rejoindre la capitale
32La présence marquée de l’immigration dans la ville de São Paulo résulte d’une politique migratoire volontariste qui a enclenché la formation de flux migratoires historiques. Mais elle est aussi le reflet de son échec partiel à fixer la main-d’œuvre dans les plantations. Elle est enfin la conséquence de la ségrégation de la population noire sur le marché du travail rural et urbain.
33À partir de la seconde moitié du xixe siècle et jusqu’aux années 1920, le front pionnier du café progresse sur les terres forestières de l’intérieur de l’État [Monbeig, 1952]. La politique migratoire mise en œuvre par les autorités provinciales vise exclusivement à approvisionner l’intérieur en travailleurs, la demande internationale de café augmentant et la croissance de l’offre étant ralentie par la pénurie de main-d’œuvre. Le peuplement de la capitale n’est certainement pas une priorité pour les autorités. Or, dès les premières vagues migratoires, une part conséquente de l’immigration s’installe en ville, à São Paulo, contribuant pour une large proportion à sa croissance démographique. Ainsi, entre 1887 et 1893 la population bondit de 47 697 à 130 775 personnes7 [Andrade, 1991, annexes], soit 78 234 habitants supplémentaires et un volume démographique multiplié par 2,6 en seulement six années. La population étrangère, très nombreuse en 1887, l’est davantage en 1893 : de 12 290 elle passe à 71 468 personnes, soit une augmentation représentant les trois quarts de la croissance démographique globale. Entre 1887 et 1893, la proportion d’étrangers dans la population de la ville augmente de 25,8 % à 54,7 %.
34À la fin des années 1880, l’immigration internationale au Brésil décolle littéralement et particulièrement dans l’État de São Paulo, qui enregistre des volumes d’entrées croissants. En 1887, un peu plus de 32 000 immigrés arrivent à Santos (graphique 1, p. 100) et près de 82 000 en 1893. Au total, durant ces sept années, 420 000 entrées à Santos sont consignées. Tous les immigrés ne restent cependant pas dans l’État, certains rejoignent une autre destination brésilienne, d’autres, probablement en assez grand nombre, repartent à l’étranger. D’autres encore s’installent dans la capitale, car, c’est un fait à souligner, la capitale est une destination pour les migrants dès le début de l’immigration de masse.
35Nombreuses sont les raisons qui poussent les étrangers à s’installer à São Paulo. Fait paradoxal, l’orientation même de la politique migratoire, engendre une migration vers la capitale. Cette politique destinait pourtant les immigrés aux plantations et tout était organisé pour que les nouveaux venus ne se perdent pas entre le port de Santos et les régions de plantations, situées à plusieurs centaines de kilomètres du littoral ; sitôt débarqués, les migrants étaient pris en charge pour être acheminés à São Paulo. À leur arrivée en gare do Norte, dans le Brás, ils étaient hébergés à l’Hôtel des immigrants8. Passés quelques jours, pendant lesquels ils étaient dissuadés de quitter l’enceinte de l’hôtel pour s’aventurer en ville, on leur remettait un contrat de travail, puis on les expédiait, aux frais de l’État, vers une plantation. Les étrangers qui s’installent à São Paulo le font donc soit dès leur arrivée au Brésil, soit après une expérience dans les plantations. Dans le premier cas, il s’agit généralement de migrants spontanés, c’est-à-dire n’étant ni soutenus économiquement ni encadrés dans leur parcours migratoire par les autorités provinciales9. Dans le second, la mobilité des campagnes vers la capitale découle des conditions d’existence dans les plantations.
36Les recherches sur la période de transition marquant la fin de l’esclavage et la généralisation du travail salarié ont montré que les étrangers, pauvres pour la plupart, étaient souvent exploités par des planteurs perpétuant l’autoritarisme et la brutalité hérités de la période esclavagiste. Les conditions d’existence peu enviables de cette main-d’œuvre immigrée impliquaient une importante mobilité de sa part dans les plantations. Ces situations d’instabilité étaient ressenties de part et d’autre, chez les ouvriers comme chez les planteurs qui envenimaient les relations sociales et nourrissaient les conflits [Buarque De Holanda, 2004 ; Dean, 1977 ; Holloway, 1984]10. Il est couramment fait état de la responsabilité individuelle et localisée des planteurs dans le climat conflictuel qui s’installe [Dean, 1977 ; Holloway, 1984]. Andrews insiste sur le fait que le système tout entier est conçu et organisé pour entretenir la vulnérabilité des migrants et l’exploitation de ceux-ci par les planteurs. En effet écrit-il, dès les premières discussions autour d’une politique provinciale d’immigration, « l’objectif était clair : inonder le marché de travailleurs afin de maintenir un faible coût du travail11 » [Andrews, 1988, p. 494]. Position qui s’affirme sans faiblir, même une fois l’économie caféière consolidée. Bien qu’ayant accompagné l’abolition de l’esclavage, l’oligarchie du café, qui contrôle la vie économique et la sphère politique, ne conçoit pas les relations sociales dans la plantation et le rapport entre le planteur et la main-d’œuvre autrement que dans le cadre d’une sujétion des immigrés vis-à-vis des planteurs.
37Ainsi, l’examen du profil économique et social des migrants européens en Amérique suggère que les migrants riches et instruits choisissent en priorité les États-Unis puis l’Argentine, le Brésil héritant de l’accueil des migrants les plus démunis. Mais, selon Andrews encore [1998, p. 516], cette sélectivité est entretenue par les autorités brésiliennes elles-mêmes, qui refusent délibérément de subventionner les migrants s’ils ne sont pas pauvres afin de garantir de bas coûts salariaux dans les campagnes, d’une part, et de se prémunir contre la formation d’une classe de propriétaires et d’investisseurs étrangers qui fasse concurrence aux planteurs brésiliens, d’autre part.
Des ouvriers étrangers
38En réaction aux conditions d’existence dans les plantations, une migration vers la ville apparaît très tôt parmi les immigrés européens. L’arrivée dans la capitale peut certes résulter d’un processus d’accumulation et signaler une ascension sociale ; mais, bien souvent, les immigrés échouent à São Paulo tout aussi démunis qu’à leur arrivée dans les campagnes du plateau intérieur. La mobilité de la main-d’œuvre et son intégration sur le marché urbain découlent cependant aussi des conséquences de l’idéologie eugéniste de la société pauliste et de sa politique migratoire, qui limitent l’accès des noirs au salariat et prétendent à leur remplacement par des Européens [Beiguelman, 2004 ; Dean, 1977, p. 166 ; Holloway, 1984 ; Vainer, 1990]. Cette idéologie se diffuse dans la société sur la base de positions arguant de l’inadaptation sociale des noirs au monde du travail contractuel.
39Une main-d’œuvre pauvre, européenne, s’installe donc à São Paulo. Très tôt, elle se concentre dans l’industrie. Mais pas seulement ; car elle occupe à elle seule tous les secteurs de l’activité économique que l’on qualifierait aujourd’hui de formelle. Selon le recensement de la ville de São Paulo de 1893 cité par Andrews [1988, p. 503], les immigrés représentent 79 % de la main-d’œuvre dans les usines, 72 % dans le commerce, 81 % dans les transports et 86 % dans l’artisanat. Toujours selon Andrews, en 1902, il est estimé que 90 % des ouvriers de l’industrie sont immigrés et, en 1912, une enquête dans trente-trois usines textiles de l’État montre que 80 % de la main-d’œuvre sont nées à l’étranger, la plupart en Italie.
40La prédominance de la main-d’œuvre immigrée à São Paulo est habituellement expliquée par les arguments développés initialement par Florestan Fernandes [Fernandes, 2000 [1964]] pour qui les noirs, au sortir de l’esclavage, étaient dépourvus de formation, de culture entrepreneuriale ou d’esprit de solidarité, raisons de leur non-insertion sur le marché du travail urbain. En outre, ils avaient face à eux des immigrants entrepreneurs, souvent dotés d’un capital ou d’une expérience professionnelle, notamment dans l’industrie, situation de concurrence qui aggravait leur marginalisation. Or Andrews adopte un point de vue divergent. Il rappelle au préalable [1988, p. 507] qu’en 1872, à São Paulo, une grande partie des noirs étaient libres (libertos), qu’ils étaient actifs et exerçaient tous types d’activité, notamment artisanales ; et que, par ailleurs, s’était développée à Rio de Janeiro une industrie employant une population noire. Il est par conséquent difficile de concevoir, comme le dit Fernandes, que les Afro-brésiliens étaient socialement inaptes aux activités de l’économie urbaine parce que « pré-capitalistes », voire « anti-capitalistes ». Andrews rappelle que les immigrés originaires d’Europe du Sud étaient pour la plupart des ruraux pauvres, sans instruction, et que les rares migrants pouvant se prévaloir d’une expérience dans l’industrie rejoignaient de préférence l’Europe du Nord où ils pouvaient avantageusement monnayer leurs compétences. Un dernier argument est avancé au chapitre des qualifications supposées des immigrants : la présence, en 1912, de près d’un tiers de travailleurs mineurs dans un échantillon de 10 204 ouvriers du textile à São Paulo (capitale), indication supplémentaire que les qualifications au travail industriel s’acquièrent alors sur le tas et ne sont pas antérieures à l’émigration12.
41Une autre hypothèse peut être formulée pour tenter de comprendre pourquoi la population brésilienne est si peu présente dans l’industrie urbaine. Elle consiste à envisager que la population noire, qui constitue une part essentielle de la main-d’œuvre autochtone, aurait, après l’avoir fait dans la plantation, rejeté dans l’industrie le modèle d’organisation du travail, basé sur le travail familial, lequel constituait une forme d’exploitation qu’elle refusait au sortir de l’esclavage : « À la suite de l’abolition, la demande la plus ferme et la plus significative des esclaves libérés, partagée par les planteurs eux-mêmes, étaient que les femmes et les enfants ne travaillent plus dans les champs13 » [Andrews, 1988, p. 517]. Cette hypothèse est difficilement vérifiable, car la situation de la population noire sur le marché du secteur manufacturier au tournant du xxe siècle à São Paulo est méconnue.
42Quoi qu’il en soit, le travail familial s’impose très tôt dans l’industrie urbaine de São Paulo. Il est à la fois une norme et une contrainte pour les ouvriers immigrés, car, face aux maigres salaires en vigueur dans le secteur manufacturier de São Paulo14, femmes et enfants doivent « compléter »15 le salaire des hommes pour garantir un niveau de revenu à peine suffisant à l’entretien du ménage.
43Ainsi, le système des plantations caféières, qui se présente comme un modèle à la fois économique et politique, imprime sa marque sur le peuplement de la capitale. Pendant plusieurs décennies, les plantations transfèrent à celle-ci une partie de la main-d’œuvre et certains principes de son organisation du travail, lesquels produisent des effets sur l’organisation sociale et spatiale de la ville. La distribution de la population de la capitale entre autochtones et immigrés n’est sans doute pas étrangère à l’organisation du travail dans la plantation, à ses principes comme à ses excès ou à ses échecs. Une chose est sûre, le recours délibéré à l’immigration de familles rurales pauvres, peu instruites, a facilité la formation d’une réserve de main-d’œuvre et tiré les salaires vers le bas.
44Ce modèle de développement de la société urbaine, influencé par l’organisation sociale et politique de la plantation, s’impose durant les premières décennies de la croissance urbaine. Puis, les activités non salariées se multiplient parmi les immigrés, en réaction aux conditions d’existence dans l’industrie, et parce qu’avec la croissance de la ville, la demande et l’offre d’activités se diversifient. Le profil sociologique de la population d’une capitale en effervescence économique s’enrichit aussi de l’augmentation des migrations spontanées, qui draine une population aux trajectoires migratoires et professionnelles variées : les immigrés n’étant plus triés sur le volet, des effectifs croissants d’actifs autonomes, entrepreneurs, artisans ou de professions libérales, s’installent São Paulo.
45Quoi qu’il en soit, la dynamique globale de São Paulo est celle d’une ville industrielle et migratoire. Un tel principe a des conséquences immédiates sur la production de l’espace urbain, qui n’est certes pas homogène, mais dont le principe d’organisation n’est plus strictement celui de la hiérarchie, mais celui de quartiers marqués fonctionnellement, ethniquement et socialement, comme en témoigne la formation du Brás, du Bom Retiro et du Pari, qui sont tout à la fois des quartiers d’immigration, des quartiers industriels et des quartiers pauvres. Ces caractères sont étroitement liés et se matérialisent en un même lieu dans le paysage urbain ; car à l’époque, compte tenu de la faible étendue de l’agglomération et du modeste développement des transports publics, les usines sont construites en ville et l’on fixe les ouvriers près des usines.
La formation de quartiers industriels : de l’industrie textile aux ateliers de confection
46L’essor industriel oriente la dynamique urbaine et façonne l’environnement urbain. Ces interactions sont à l’origine des attributs des ateliers de confection actuels, en tant qu’unité de production, organisation sociale et objet urbanistique. C’est au tout début du xxe siècle qu’ils apparaissent dans le secteur textile.
47L’industrie de São Paulo se développe initialement dans le centre. Les unités de production sont à cette époque de petite et moyenne tailles, pouvant employer jusqu’à une centaine d’ouvriers. Selon les données du recensement de 1872 reproduites par Andrade [1991, annexe], les quatre paroisses centrales comptent alors près de 2 000 ouvriers, les trois quarts dans la paroisse de Sé, et entre 5 % et 10 % seulement dans les paroisses du Brás et de Santa Efigênia. L’industrie textile, principale employeuse, regroupe plus de la moitié des ouvriers ; viennent ensuite la métallurgie, la construction et l’ameublement, l’habillement (chaussures, chapeaux, cuirs) et l’alimentation.
48Puis, à la fin du xixe siècle, débute la phase de structuration du Brás et du Bom Retiro, qui correspond à une évolution importante de l’activité industrielle dans la capitale. Les volumes de production augmentent notablement, le tissu industriel s’étend hors du centre. Les entrepreneurs et les ouvriers sont très majoritairement étrangers, Italiens notamment. Le Brás et le Bom Retiro se forment en fonction de cette concentration industrielle, dont le textile est le fer de lance. En 1901, les deux quartiers sont devenus les principaux espaces industriels de la ville. Selon une étude citée par Andrade [1991, p. 123], portant sur 8 000 ouvriers, 30 % de la population ouvrière travaillaient alors dans le textile. De la fin du xixe à 1929, l’industrie textile à São Paulo connaît une phase de croissance exceptionnelle et continue qui lui assure, dès 1915, la primauté de la production nationale de tissus de coton [Andrade, 1991, p. 150]. Le développement du secteur est bien entendu soutenu par la croissance de la demande intérieure, mais il n’aurait sans doute pas atteint ce niveau sans l’appui de l’État qui, dès 1900, prend des mesures protectionnistes et soutient le développement de la production de l’énergie électrique en s’appuyant sur la compagnie canadienne Light [Rolnik, 2003 [1997]]. Aux côtés du textile, d’autres activités industrielles se développent, dans l’alimentation (distillerie, brasserie), la métallurgie ou l’équipement.
49Dans le Brás et le Bom Retiro, le tissu industriel est composé d’imposantes unités de production, qui comptent jusqu’à plus de 500 ouvriers. De tels objets urbains ont concentré l’attention en raison de leur nouveauté admirable, de leurs impacts urbanistiques, sociaux et économiques, et de leur longévité. Certaines de ces usines, parce qu’elles ont appartenu à de riches entrepreneurs étrangers aux carrières exceptionnelles, ont nourri l’historiographie de São Paulo et son imaginaire glorieux. Pourtant, en marge des grandes unités, une part importante de la production industrielle a lieu dans des structures de petites tailles [Andrade, 1991 ; Dean, 1971], nommées casas de negócio ([Siqueira, 2002], cité par Mangili, 2011, p. 48), en fait, des ateliers de production. Très nombreux, ces derniers emploient relativement peu (en comparaison des grandes usines) ; ils méritent cependant qu’on s’y attarde, car ils représentent une modalité spécifique du rapport entre industrie et urbanisme, et des relations sociales et économiques qui l’entourent.
50Les petites unités de production textile essaiment donc principalement dans les quartiers ouvriers. Le plus souvent, l’espace domestique est mis à profit et les ateliers se nichent dans les interstices du bâti [Mangili, 2011]. Or, dès les années 1890, l’habitat populaire est très précaire compte tenu de la crise du logement qui sévit et s’aggrave en conséquence d’une croissance urbaine rapide et imprévue. Les quartiers naissent et s’étendent sans les aménagements élémentaires et l’habitat, en raison notamment du coût du foncier, se réduit à son expression la plus fruste. Les règles de construction édictées dans la loi municipale (Padrão municipal) de 1886 ne sont pas respectées, tant s’en faut, et face à une demande de logements croissante, la tendance est à la sur-occupation des parcelles habitables [Rolnik, 2003 [1997]]. Se diffuse alors un habitat spécifique dans les quartiers du Brás et du Bom Retiro. Outre les cités ouvrières à bas coûts, composées d’unités de petite taille et souvent liées aux grandes usines, un marché locatif dans un habitat collectif plus ou moins clandestin se développe : les cortiços16, littéralement « ruches », deviennent la marque des quartiers ouvriers et d’une urbanisation mal maîtrisée. C’est dans ce tissu urbain si particulier où cortiços et habitat précaire et exigu sont la norme que les ateliers trouvent leur place. Ils s’installent dans une pièce habitée, sous un appentis d’arrière-cour, dans un grenier ou un sous-sol, s’immisçant dans un espace habité déjà très disputé.
51Les ateliers se fondent dans l’environnement ; en retour, les caractéristiques du bâti dessinent l’atelier, définissent certains de ses traits (comme son format et son organisation interne) : ceux-ci, occupant un bâti dense, exigu et inadapté à la production industrielle, sont inévitablement petits, sous-équipés et mal aménagés.
52Le modèle social d’organisation du travail dans les ateliers porte également la marque de leur insertion dans l’espace résidentiel. La proximité de l’atelier et du ménage, voire l’installation de l’atelier dans le domicile même, facilite l’accès au lieu de production. Cette facilité donne de la souplesse à l’organisation du travail : elle autorise le morcellement du temps de travail en plages de temps modulables et sa distribution sur des journées allongées, d’une part ; elle permet la mobilisation des autres membres de la famille pour une activité ponctuelle, prévue ou imprévue, et plus ou moins longue, d’autre part. Modulation des journées de travail, fonctionnement des ateliers tendant à être continu, travail familial : autant d’éléments qui en somme introduisent la flexibilité et l’informalité dans le secteur et, peu à peu, s’imposent comme la norme d’un modèle d’organisation du travail.
53Très vite, les petits ateliers, textiles ou autres, organisés sur la base du travail familial se multiplient, au point de constituer « la caractéristique industrielle prédominante dans la ville pendant la première moitié du xxe siècle » [Mangili, 2011, p. 49].
54L’industrie du textile évolue en fonction des caractères du quartier. Inversement, la diffusion des petits ateliers transforme le paysage urbain. L’industrie est désormais plus discrète, elle s’intègre dans le paysage en laissant moins de signes visibles, en ce qui concerne tout au moins les éléments architecturaux, puisque les ateliers continuent à animer les quartiers où ils sont implantés, par le va-et-vient des marchandises autour des fournisseurs et des clients, ou l’implantation d’activités complémentaires.
55L’interpénétration du résidentiel et de l’industriel est aujourd’hui encore une des particularités du Brás et du Bom Retiro. Mais la production industrielle, réalisée par de petites structures se fondant dans le tissu résidentiel, est désormais réservée à la confection, et non plus au textile ou à toute autre activité manufacturière. Le textile a suivi une trajectoire urbaine différente, qui l’a conduit du centre vers la grande banlieue ou l’intérieur du pays. Ces quartiers du centre ont donc conservé une activité manufacturière, en la rendant en partie invisible ; il se peut même que la part dissimulée soit aujourd’hui plus importante en proportion17 qu’elle ne l’était au début du siècle dernier. La confection actuellement, tout comme le textile hier, génère une agitation dans la rue, autour de la circulation des marchandises produites ou intégrées au produit final (voir chapitre vi). Mais même ce mouvement est aujourd’hui plus difficile à identifier qu’auparavant, car il est occulté par le commerce du vêtement, dense et varié, qui s’est développé au point de submerger les rues du quartier.
56Si l’on reprend les éléments exposés, il nous faut retenir du développement industriel dans le Bras, le Bom Retiro et le Pari qu’il n’a pas initialement reposé sur de grandes unités mais que très vite, au tout début du xxe siècle, la production manufacturière en ateliers familiaux fait son apparition pour devenir la modalité prédominante de l’essor industriel. Les ateliers sont alors spécialisés dans le textile qui devient le principal secteur d’activité de l’industrie locale.
57Il a été question jusqu’ici de la production de tissus, et très peu, voire pas, de la production de vêtements, la confection. Pour la simple raison que la confection est, au début du xxe siècle, très peu importante : le vêtement est alors taillé sur mesure et n’est donc pas encore une production industrielle. Les seuls articles de confection sont alors les chapeaux et les chaussures. Dans les années 1920, ce sont d’abord les habits de travail, puis les vêtements personnels qui font l’objet d’une production manufacturière. Les quantités restent certes peu importantes, mais le mouvement est lancé.
58L’essor du textile puis de la confection repose, à ses débuts, sur l’arrivée en nombre, entre 1916 et 1920, de juifs d’Europe de l’Est [Feldman, 2008, p. 8]. Souvent installés comme tailleurs, ils développent une activité dans la confection en l’associant au commerce de détail ou de gros, perpétuant ainsi les deux facettes de l’artisan, à la fois commerçant et producteur. Il semble par ailleurs fréquent que l’entrée dans la confection se produise après le développement d’une activité initiale dans le commerce ou la production textile ; la confection apparaît alors comme le prolongement, par diversification ou repositionnement de l’activité, d’une trajectoire entrepreneuriale. À partir des années 1960, de telles trajectoires professionnelles parmi les patrons du secteur seront fréquentes ; elles signalent que la confection est très souvent une vocation plus économique que créative, un projet avant tout entrepreneurial. Parfois encore, des enseignes de ventes de vêtements se lancent dans la confection, pour mieux répondre aux exigences de la clientèle et limiter les coûts d’approvisionnement. Maleronka [2007, p. 44] illustre ce cas de figure avec les Indústrias de Roupas Regência S. À., créées en 1940 pour fournir le réseau des boutiques Lojas Garbo.
59Dans les années 1920, la confection s’organise selon des modalités semblables à celle du textile, reproduisant le modèle d’organisation spatiale et sociale basé sur l’interpénétration du foyer et de l’atelier. Ce dernier est petit, installé à l’arrière de la boutique, dans une arrière-cour, dans une pièce, vacante ou non, du domicile. La main-d’œuvre intègre le travail familial.
60L’atelier textile précède l’atelier de confection, car, jusqu’à la production en série des vêtements, qui commence dans les années 1920, les habits sont faits sur mesure, le plus souvent par la maîtresse de maison et occasionnellement par un tailleur [Maleronka, 2007], de sorte que le commerce au détail du tissu est une activité courante et ancienne et le tissu, par conséquent et de longue date, un produit de première nécessité qui, dans la phase préindustrielle, est importé. Compte tenu de son importance dans l’économie domestique, il n’est pas surprenant que le tissu soit l’une des bases de l’industrialisation de la fin du xixe siècle, d’autant que la demande structurelle de textile est stimulée par la croissance de la population nationale.
61Il est difficile de déterminer les liens qui, à São Paulo, se nouent entre les ateliers de confection et les ateliers textiles et en particulier s’ils sont entrés en concurrence dans un espace urbain disputé. Toujours est-il que, dans la période des années 1920 à 1940, la confection connaît un rapide essor, surtout dans le Bom Retiro, où elle est associée aux populations juives qui affluent d’Europe à cette période, chassées par la crise économique ou fuyant les persécutions nazies. Entre 1928 et 1945 [Feldman, 2009, p. 13], des 310 industries de confection qui s’implantent dans le quartier, 95 % appartiennent à des immigrés juifs.
Industrialisation et métropolisation dans le Brás et le Bom Retiro
62À partir des années 1930, le Bom Retiro, le Brás et le Pari restent des quartiers industriels, mais l’évolution de la géographie urbaine rebat quelques cartes : la place du commerce est renforcée et, surtout, l’industrie – la confection ne fait pas exception – puise sa main-d’œuvre dans la migration interne.
63Pendant la période comprise entre 1930 et 1950, São Paulo entre dans la phase de métropolisation. Une partie des activités et des fonctions centrales ainsi que les populations aisées se déplacent du centre historique vers la région de l’avenue Paulista, qui forme un second centre urbain. Le centre historique (Sé et Répública) marque le pas, mais ne disparaît pas ; il devient plus populaire et conserve certaines activités spécifiques, notamment dans l’approvisionnement alimentaire. Dans le même temps, à mesure que la croissance urbaine s’accélère, l’économie urbaine croît, étendant sans cesse son emprise spatiale, de sorte qu’une partie des activités du centre ancien s’implante dans le Brás, le Bom Retiro et le Pari ; ces derniers deviennent alors des quartiers de transition, entre le centre populaire et les nouveaux quartiers d’une métropole millionnaire qui s’étale particulièrement au nord et à l’est. La zone du Brás-Bom Retiro conserve une production industrielle et commerciale importante, mais le commerce populaire s’y développe, stimulé par la proximité du centre et la fréquentation d’une clientèle à la fois urbaine et régionale. Le Bom Retiro, dont nous connaissons mieux l’évolution à cette époque grâce au travail fouillé de Mangili [2009], se transforme sous l’effet d’un resserrement du bâti. Certains secteurs proches de la Luz se verticalisent, d’autres renouvellent leurs constructions, les espaces proches du Tietê s’édifient grâce à la rectification du cours d’eau et l’assainissement de la várzea. C’est ainsi que la « chaîne de production et de commercialisation de l’industrie du vêtement se structure dans le quartier, sur la base matérielle présente, adaptée principalement grâce à la transformation des constructions existantes 18».
64Les grandes usines et les petits ateliers familiaux se côtoient et deux modèles commerciaux se distinguent [Maleronka, 2007, p. 45]. L’un s’établit sur une production à grande échelle, dans de vastes usines ou de petites unités situées dans le Bom Retiro, la Luz, le Brás et la Mooca, destinée à la clientèle populaire de la capitale et de l’intérieur ; l’autre, plus récent, privilégie la production d’articles de moyenne et haute gammes pour une population aisée.
65Le profil de la main-d’œuvre est sans doute différent dans l’industrie de la confection des années 1930 et 1940 de ce qu’il fut dans le textile et la confection au début du siècle, lorsque les immigrés internationaux occupaient presque seuls les emplois industriels. La situation économique et sociale a changé sur bien des points. La ressource migratoire n’est plus la même, l’immigration internationale s’étant tarie dès le début des années 1930 (graphique 1, p. 100) ; l’image des étrangers s’est aussi dégradée à mesure qu’ils faisaient politiquement progresser leurs droits : ce ne sont plus les ouvriers « modèles » idéals. Enfin, l’augmentation de la demande et la croissance accélérée du parc industriel nécessitent le recours à une main-d’œuvre exceptionnellement nombreuse. L’emploi industriel s’ouvre alors, par nécessité économique, aux Brésiliens – et plus seulement aux enfants d’immigrés ; la migration interne se développe, les travailleurs du Minas Gerais, du Paraná ou du Nord-Est arrivent en masse. Cette phase de la migration interne est très peu documentée, elle est pourtant décisive. Alors que l’immigration internationale ne fournit plus de nouveaux travailleurs, São Paulo gagne près de 800 000 habitants entre 1920 et 1940. Et encore pas loin de 900 000 la décennie suivante. Il apparaît donc évident que l’industrie de la confection, en plein essor, se nourrit des courants migratoires internes, et qu’il est nécessaire d’inclure dans l’histoire du secteur, aux côtés des immigrés juifs ou italiens, les ouvriers et entrepreneurs mineiros et nordestins19.
66En un demi-siècle, des années 1900 au début des années 1950, l’industrie textile se développe et se consolide dans le Brás, le Bom Retiro, puis le Pari. L’essor de l’industrie de la confection est un peu plus tardif, il intervient à partir des années 1930. Dans les deux cas, l’activité se propage et s’installe dans le tissu urbain spécifique des quartiers où grandes usines et petits ateliers se côtoient. Lorsque, dans les années 1930, la ville entre dans la phase de métropolisation, la population urbaine évolue, l’immigration internationale n’est plus le moteur de la croissance démographique, la migration interne stimule désormais à elle seule une croissance urbaine exceptionnelle. Dans ce nouveau contexte métropolitain, la confection s’apprête à entrer dans une nouvelle phase.
Des années 1950 aux années 2010 : déclin et repeuplement du centre, maintien de la confection
67La période qui s’ouvre à partir des années 1950 peut être appréciée de différentes façons, entre déclin et croissance, selon que l’on distingue la dynamique démographique ou industrielle, et suivant l’échelle spatiale d’observation, la métropole ou le centre. La confection, quant à elle, conforte sa présence dans les quartiers centraux, parfois à contre-courant des tendances globales.
68Les années 1950 sont marquées par un nouveau record de croissance démographique ; la population de São Paulo passe de 2 200 000 à 3 800 000 habitants, soit 1 600 000 habitants supplémentaires. Jamais la ville n’a connu un taux de croissance annuel moyen aussi élevé (5,6 %). C’est aussi au cours de cette période que l’agglomération déborde les limites de la commune, surtout en direction du sud-est [Meyer, Grostein, Biderman, 2004, p. 43].
69Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, des années 1950 au tout début des années 1970, la ville de São Paulo confirme et renforce son statut de capitale industrielle, puisqu’elle agglomère jusqu’à 38,5 % de la production industrielle nationale [Negri, 1994, p. 48]. Néanmoins, la géographie intra-urbaine de la production industrielle se recompose au gré de l’étalement urbain. On observe ainsi un recul de la participation de la commune de São Paulo, au profit notamment d’un décollage industriel dans la région de l’ABC20, tiré par le secteur automobile, là où, précisément, l’étalement urbain est le plus remarquable. Nous avons également observé que le textile et la confection se dissocient à cette période. Si l’un et l’autre marquent un net recul de leur participation relative à la production industrielle de la région métropolitaine, s’agissant de la seule commune de São Paulo, la confection voit au contraire sa participation augmenter, quand l’industrie textile recule très fortement.
70La confection est alors en plein essor et son ancrage dans l’espace urbain se confirme. L’accroissement de la demande de vêtements de confection s’explique par la diffusion du goût pour le vêtement standardisé et bon marché au sein de la population urbaine, plus nombreuse et moins pauvre. Dans les années 1970 et 1980, alors que le mouvement de désindustrialisation se poursuit dans les quartiers du centre, la confection conforte sa position dans l’économie du Bom Retiro, du Brás et du Pari. Les données d’une enquête du Senai (Serviço Nacional de Aprendizagem Industrial – Service national de l’apprentissage industriel) de 1975, reproduites par Andrade [1991, annexes], montrent d’une part le net mouvement de désindustrialisation du Brás entre 1975 et 1985, période pendant laquelle le nombre d’emplois industriels passe de 39 367 à 28 547 (soit une perte de 27 %), d’autre part, dans le même temps et toujours dans le Brás, une augmentation du nombre d’emplois dans la confection, qui passe de 13 954 à 14 341 personnes. Il ne s’agit certes que d’une légère augmentation, mais, dans le contexte de repli industriel, la part du secteur de la confection dans l’emploi industriel du quartier fait un saut remarquable, de 35,4 % à 50,2 %.
71La concentration de la production de vêtements dans le Brás, le Bom Retiro et le Pari résulte bien d’un effet d’agglomération. Nous verrons cette question dans le détail dans le chapitre vi, mais mentionnons d’ores et déjà quelques-uns des paramètres qui déterminent cette localisation : la proximité des fournisseurs, la dynamique commerciale environnante, qui garantit la présence d’une population de consommateurs (particuliers, mais surtout revendeurs), la présence de populations immigrées traditionnellement surreprésentées dans le secteur de la confection, et ce à quelque échelon que ce soit (de l’entrepreneur au couturier), l’existence d’un bâti mixte, à la fois résidentiel et industriel, qui, comme nous l’avons souligné, permet l’installation de différents types d’unités de production assurant une souplesse productive et une flexibilité au secteur.
72La donne démographique évolue elle aussi à contre-courant de la tendance métropolitaine. À partir des années 1950, la population de la commune de São Paulo et de la région métropolitaine de São Paulo (RMSP) croît à un rythme soutenu, recensement après recensement, sans exception (tableau 13). La région centrale et les trois districts de notre étude suivent cependant une trajectoire différente.
Tableau 13. Évolution de la population des districts centraux, entre 1950 et 2010
1950 | 1960 | 1970 | 1980 | 1990 | 2000 | 2010 | |
Bela Vista | 46 340 | 57 364 | 64 704 | 85 416 | 71 825 | 63 190 | 69 460 |
Bom Retiro | 45 880 | 53 893 | 45 662 | 47 588 | 36 136 | 26 598 | 33 892 |
Brás | 55 097 | 48 875 | 41 006 | 38 630 | 33 536 | 25 158 | 29 265 |
Cambuci | 35 499 | 39 789 | 39 727 | 44 851 | 37 069 | 28 717 | 36 948 |
Consolação | 38 228 | 52 182 | 60 600 | 77 338 | 66 590 | 54 522 | 57 365 |
Liberdade | 55 523 | 68 210 | 71 503 | 82 472 | 76 245 | 61 875 | 69 092 |
Pari | 31 312 | 33 706 | 29 914 | 26 968 | 21 299 | 14 824 | 17 299 |
República | 35 994 | 48 346 | 50 348 | 60 999 | 57 797 | 47 718 | 56 981 |
Santa Cecília | 63 460 | 80 581 | 83 075 | 94 542 | 85 829 | 71 179 | 83 717 |
Sé | 30 022 | 32 343 | 29 555 | 32 965 | 27 186 | 20 115 | 23 651 |
Centre | 439 306 | 517 248 | 518 064 | 593 748 | 515 502 | 415 896 | 479 680 |
MSP | 2 151 313 | 3 667 899 | 5 924 615 | 8 493 226 | 9 646 185 | 10 434 252 | 11 253 503 |
RMSP | 2 696 031 | 4 905 421 | 8 172 542 | 12 575 655 | 5 452 537 | 17 878 703 | 19 683 975 |
Source : préfecture de São Paulo et Ibge, 2013.
73Dans les années 1980, la population du centre amorce une baisse historique, perdant en une dizaine d’années 13,2 % de ses habitants. Le détail, district par district, de l’évolution démographique de la région centrale laisse apparaître des nuances importantes. Plusieurs districts entrent en décroissance seulement dans les années 1980, ils sont situés au cœur (Sé et República), dans le sud (Liberdade) et à l’ouest (Santa Cecília et Consolação) de la région centrale. Bela Vista, au sud, perd plus tardivement des habitants, à partir des années 1990. Dans les districts de l’est (Cambuci, Brás et Pari) et du nord (Bom Retiro), le recul démographique intervient plus tôt, dès les années 1950 dans le Brás, et au cours des années 1960 dans le Bom Retiro, le Cambuci et le Pari. Le Brás est d’ailleurs le district où la baisse de la population est observée pour la première fois à São Paulo. Le mouvement de décroissance se distingue donc chronologiquement entre l’est et l’ouest, signalant l’homogénéité des quartiers orientaux et nord de la zone centrale, et notamment de l’ensemble constitué du Brás, du Bom Retiro et du Pari, quartiers à la fois populaires, résidentiels, industriels et commerçants. Notons enfin que, entre 1950 et 2010, seuls quatre districts enregistrent une diminution globale de la population résidente : le Bom Retiro, le Brás, le Pari et Sé, qui perdent respectivement 26,1 %, 46,9 %, 44,8 % et 21,2 % de leurs habitants21. Mais, dans la seconde moitié du xxe siècle, le repli industriel s’accompagne donc d’un profond retournement démographique dans le Brás, le Bom Retiro et le Pari. Nous pouvons donc constater à nouveau la concordance des évolutions démographique, signe d’une unité sociospatiale qui, tout au long du xxe siècle, se constitue autour des trois quartiers, aussi bien lors de la phase de la formation urbaine qu’au moment de la métropolisation puis lors du lent déclin de la dernière partie du siècle.
74Les interactions spatiales entre l’industrie, en particulier celle de la confection, et l’habitat feront l’objet d’un développement ultérieur ; mais interrogeons-nous cependant sur la relation entre désindustrialisation et dépeuplement. Dans le Brás, le Bom Retiro et le Pari, désindustrialisation et dépeuplement sont concomitants ; il serait cependant excessif de les croire étroitement liés, car la désindustrialisation n’a pas été la cause unique ni même principale du déclin démographique du centre. D’abord parce que, dans ces trois districts, le départ des habitants précède légèrement celui des industries. Ensuite parce que la diminution de la population dans le centre n’a pas fondamentalement des ressorts économiques, mais relève d’une évolution générale de la société urbaine combinant désaffection pour les quartiers du centre et promotion de la résidence en périphérie.
75En effet, à partir des années 1940, compte tenu de la croissance démographique, l’étalement urbain progresse, inévitablement ; mais les quartiers populaires du centre sont aussi boudés par les nouveaux habitants de la ville, migrants internes venus du Minas Gerais et du Nord-Est qui désormais privilégient l’habitat auto construit en périphérie. Ce mouvement, associant l’autoconstruction, la propriété et la périphérisation, intervient en réponse à la profonde crise du logement qui sévit depuis quelque temps. Cette crise est aggravée par la récente loi de 1942 sur la location résidentielle (Lei do inquilinato) établissant l’encadrement des loyers qui, contre toute attente, contribue à limiter l’offre locative et à développer le marché immobilier de la propriété résidentielle [Bonduki, 1999]. Pour les catégories populaires, qui n’ont pas accès au marché immobilier de la propriété, la solution résidentielle consiste bien souvent à s’éloigner en périphérie, où les terrains sont bon marché ou inoccupés, et à recourir à l’autoconstruction. À cette époque, la propriété résidentielle se développe alors même que le modèle de la résidence locative domine, près de 70 % des ménages étant locataires en 1940 [Bonduki, 1999, p. 218]. C’est aussi dans les années 1940 que les favelas apparaissent à São Paulo, tandis qu’elles existent depuis le début du siècle à Rio de Janeiro [Bonduki, 1999, p. 261]. Enfin, il est important de le souligner, la résidence et le lieu de travail se dissocient spatialement : la zone centrale et le quartier de l’avenue Paulista concentrent une part importante des emplois métropolitains, tandis que les zones résidentielles s’étendent toujours plus loin du centre de la ville. L’étalement urbain de l’espace résidentiel peut être observé sur les cartes présentant le taux de croissance annuel moyen de la population des districts de la commune de São Paulo (figure 7, p. 118). Entre 1980 et 1991, puis entre 1991 et 2000, les quartiers périphériques les plus lointains concentrent la croissance démographique, notamment dans l’est et le sud, quand, à l’inverse, les quartiers centraux et péricentraux sont en décroissance.
76Dans les années 2000, la démographie du centre prend un nouveau tour puisque les districts centraux renouent avec la croissance. La population augmente même sensiblement, jusqu’à 2,5 % par an en moyenne dans le Bom Retiro (figure 7, p. 118 et tableau 13, p. 114) Concernant l’industrie, les données sur l’emploi formel livré par la Seade font état d’une légère reprise relative de l’industrie dans le centre à la fin des années 1990 ; car si, de 1989 et à la fin des années 1990, la part de l’emploi industriel dans le centre passe de 20,5 % à 11,0 %, en 2003, elle remonte à 12,1 %.
77Ces dernières données répercutent, partiellement, l’évolution majeure que connaissent les quartiers du Brás, du Bom Retiro et du Pari, évolution qui, engagée à la fin des années 1990 et se poursuivant aujourd’hui, inaugure le repeuplement et l’augmentation de l’activité industrielle centrée sur la confection dans cette partie du centre-ville. L’analyse de cette dynamique fait l’objet du chapitre suivant. Celle-ci est indissociable de l’installation des migrants boliviens et paraguayens et de l’augmentation du nombre d’ateliers de confection.
***
78À la fin du xixe siècle, le Brás, le Bom Retiro et le Pari surgissent dans une ville en récente expansion. Dès leur formation, ils concentrent une importante population immigrée et une part conséquente des établissements industriels de São Paulo. Du début du xxe siècle à la fin des années 1940, la ville industrielle se consolide, et le Brás, le Bom Retiro et le Pari, qui connaissent alors une sorte d’apogée démographique et industriel, deviennent des espaces de transition dans une ville en constante expansion.
79L’industrie textile qui, durant cette période, est le principal secteur d’activité de la ville s’implante dans le Brás et le Bom Retiro et, dès les années 1900, deux structures se développent : les usines, pouvant compter plusieurs centaines d’employés, et les ateliers de petites tailles, fonctionnant sur la base du travail familial. Les unes et les autres s’intègrent dans l’environnement urbain mais, alors que les usines forment un bâti autonome, les ateliers se mêlent à l’espace résidentiel, de sorte que, dès le début du xxe siècle, l’activité industrielle et l’espace résidentiel s’entremêlent dans ces quartiers dont la morphologie évolue suivant ce trait. La confection est presque absente en ville lors de la structuration de l’industrie textile, mais, à partir des années 1920, elle se développe suivant un modèle d’organisation économique et d’insertion spatiale semblable à celui du textile. Dans un troisième temps, à partir de l’après-guerre, le Brás puis le Bom Retiro et le Pari connaissent un lent mais inexorable déclin, à la fois industriel et démographique. Cependant, quelques indices suggèrent que la confection maintient et même conforte son emprise dans ces quartiers. Au point que, dans la seconde moitié des années 1990, le retour de la croissance démographique, soutenue par l’immigration, sera directement lié à l’essor de la confection. C’est l’hypothèse que nous explorerons dans le chapitre iv.
80Textile et confection sont associés dans la formation et la structuration du Brás, du Bom Retiro et du Pari. Tout comme le textile et peut-être davantage, la confection se développe grâce à une insertion dans le tissu urbain et à l’économie qui la distingue des autres secteurs industriels. Les ateliers de confection sont le plus souvent de petites unités de production dans lesquelles la présence immigrée (encadrement et main-d’œuvre) est remarquable ; fréquemment adossés à l’activité commerciale du vêtement, ils emploient une main-d’œuvre peu nombreuse et en partie familiale, et colonisent l’espace résidentiel des quartiers populaires. Autant de traits qui témoignent de l’attribut essentiel des ateliers de confection : la plasticité, en réponse aux contraintes et aux opportunités de l’environnement urbain, économique et social. Nous observerons et détaillerons maintenant cette forme d’organisation ancienne dans le contexte actuel.
Notes de bas de page
1 Le Vieux Centre correspond approximativement au district Sé actuel.
2 Les cours d’eau et les zones marécageuses sont bien davantage qu’une discontinuité dans l’espace urbain. La violence des précipitations combinée aux caractéristiques naturelles du site, où fortes pentes et zones insuffisamment drainées alternent, constitue une menace récurrente pour les habitants des bas quartiers. Les inondations et les crues y sont d’une telle violence qu’elles provoquent nombre de noyades et destructions de bâti [Bernuzzi De Sant’anna, 2007, p. 148 à 156].
3 À cette date, la commune de São Paulo regroupe neuf paroisses sur un espace bien plus vaste que l’agglomération. Pour approcher la valeur réelle de la population urbaine, nous limitons le décompte aux quatre paroisses centrales : Sé, Santa Efigênia, Consolação et Brás.
4 Le droit du sol est inscrit dans la Constitution brésilienne en 1891 (2e Constitution). Par conséquent, parmi les étrangers recensés en 1890 se trouvent les enfants nés au Brésil de parents étrangers.
5 Les données du recensement de la population de 1872 sont consultables en ligne sur le site du Núcleo de Pesquisa em História Econômica e Demografia (NPHED) de l’université fédérale du Minas Gerais, http://www.nphed.cedeplar.ufmg.br/pop-72-brasil/
6 Pour une analyse des effets de la voie ferrée sur l’organisation sociospatiale de la ville, on se reportera à l’ouvrage de Langenbuch [1971].
7 Les quatre paroisses du centre concentrent l’essentiel de la population, 97,3 % du total précisément.
8 L’Hospedaria do migrante, lieu d’accueil et d’hébergement des migrants en transit vers la zone caféière, est une institution provinciale fondée en 1885. Le bâtiment, construit à côté de la gare, remplace le lieu d’accueil, trop exigu, situé dans le Bom Retiro. À l’origine, l’Hôtel du Brás pouvait accueillir jusqu’à trois ou quatre mille personnes, mais, certaines années, les migrants s’y entassent bien au-delà de cette limite [Souchaud, 2009, p. 30].
9 Jusqu’en 1900, l’immigration encadrée prévaut sur l’immigration spontanée. Puis le rapport s’inverse [Klein, 1994, p. 108].
10 En 1902, le gouvernement italien interdit l’émigration au Brésil sous contrat afin de protéger les populations pauvres du risque d’exploitation dans les plantations. La migration spontanée, elle, continue.
11 «The goal had been clear: to flood the labour market with workers, thus keeping the cost of labor low. »
12 Le recensement de 1920, et les données compilées dans le(s) Boletim do Departamento Estadual do Trabalho, (DET) publiées dans les années 1920 confirment le recours massif au travail des étrangers, au travail familial et au travail des enfants dans l’industrie.
13 « Following emancipation, the most intractable of the liberto’s labor demands, and the most significant, as viewed both by the planters and by the former slaves themselves, was that women and children would no longer be used in field labor ».
14 D’autant qu’à São Paulo les salaires sont plus bas encore que dans le reste du pays. C’est ce que W. Cano établit pour l’année 1919 [Cano, [1977] 1983, p. 128].
15 Selon des données de 1919 présentées par W. Cano [[1977] 1983, p. 128], les salaires des femmes dans l’industrie sont systématiquement inférieurs à ceux des hommes, d’environ 25 à 30 %. Celui des enfants correspond à peu près à la moitié du salaire féminin. Les journées de travail n’étaient alors pas inférieures à douze, treize et même quatorze heures.
16 Le cortiço est un habitat collectif dense et précaire. Il se définit plus précisément par le détournement de l’usage initial d’un espace construit en vue d’améliorer son rendement habitable par subdivision de l’espace. Le terme s’applique généralement dans un contexte précis, populaire et défavorisé du point de vue social, citadin et vétuste du point de vue urbanistique. Par conséquent, un cortiço peut aussi bien se trouver dans une vieille demeure bourgeoise à un ou plusieurs étages (sobrado) que dans l’arrière-cour d’un îlot.
17 Elle l’est certainement en volume.
18 « Um cadeia de produção e comercialização da indústria de roupas feitas se estrutura nesse momento no bairro, a partir da base material aí existente, adequada principalmente através da reforma das edificações existentes » [Mangili, 2011, p. 60].
19 Mineiro, originaire du Minas Gerais, Nordestin, originaire de l’un des États de la région Nord-Est.
20 Comprenant les communes de Santo André, São Bernardo et São Caetano (ABC).
21 Sé, en raison de sa situation et de son statut (comme hypercentre et centre historique), se distingue nettement des trois autres districts, qui perdent de la population.
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