Chapitre II. Les méthodes de financement des investissements. La propagation des tensions inflationnistes
p. 301-330
Texte intégral
1L’économie sous-développée, de type sud-américain, présente des caractéristiques structurelles, qui aggravent les risques financiers normaux de l’investissement. Dans toutes les économies capitalistes60, la croissance du produit global suppose un effort massif d’investissement, qui aboutit à l’allongement des décalages entre les flux réels et les flux monétaires. Le financement non inflationniste de la croissance réclame une austérité difficile, car il faut ajuster la demande globale à une production encore faible, et distribuer, sans contrepartie actuelle, des revenus à la main-d’œuvre employée dans les activités d’investissement, payer les fournisseurs de matières premières et d’équipement, souvent en devises étrangères, et enfin payer les intérêts et rembourser les capitaux empruntés. Dans tous les régimes, il existe des rigidités structurelles, qui s’opposent à l’application d’un financement sain et à la réduction du niveau de la consommation. Aussi, les risques monétaires normaux de la croissance sont-ils souvent accrus par des obstacles structurels, reflétant le niveau de développement et les cadres institutionnels de chaque économie.
2Dans les économies évoluées, déjà industrialisées, où le marché est intégré, le principal obstacle à l’ajustement de l’offre et de la demande est la rigidité du marché de la main-d’œuvre. L’analyse globale, en termes keynesiens, de l’écart inflationniste permet alors de localiser les tensions inflationnistes et de déceler les répercussions inflationnistes de l’investissement en fonction de la situation du marché de l’emploi. Le « mur du plein emploi » crée un blocage de la production, qui multiplie les risques inflationnistes normaux de l’investissement61.
3Dans l’économie sous-développée, les risques monétaires spécifiques de l’investissement résultent de la multiplicité des goulots d’étranglement et des risques accrus de blocage de la production. Aussi, l’analyse de l’inflation exige-t-elle des études sectorielles, de façon à déceler les causes de la rigidité de la production. Dans cette analyse, nous avons cherché à localiser les zones les plus actives de l’inflation de croissance, et les raisons pour lesquelles les risques inflationnistes d’un investissement additionnel étaient plus élevés dans certaines activités.
4Des circonstances plus générales expliquent également l’ampleur de l’écart inflationniste, accompagnant une élévation du coefficient global de capital. C’est ainsi que la faiblesse du revenu réel moyen rend inopérante une politique de restriction de la consommation et que l’inélasticité structurelle des revenus à la baisse, en particulier dans la fonction publique, s’oppose à une stabilisation du niveau des salaires. D’autres facteurs d’ordre économique et sociologique empêchent de rassembler toute l’épargne disponible : les lacunes de la distribution et de la répartition du crédit, l’absence Je marché financier et la perversion du mécanisme de formation du taux de l’intérêt62, la difficulté de mobiliser l’épargne domestique thésaurisée et d’accroître les entrées de capitaux.
5L’étude des méthodes de financement de la formation de capital permet de dégager les mécanismes de propagation de l’inflation de croissance. Les méthodes de financement varient beaucoup, selon les secteurs de l’économie et la forme des entreprises, mais elles contribuent, plus ou moins rapidement, à la formation d’un écart inflationniste global.
6On peut distinguer deux formes principales de propagation des tensions inflationnistes.
71. Tout d’abord, les effets inflationnistes directs du financement des investissements. Ceux-ci correspondent à l’écart entre le stock réel de capital et le niveau prévu des investissements tel qu’il résulte des décisions de l’entrepreneur ou de l’État63. Il s’agit essentiellement d’une « inflation de demande », se traduisant par une expansion des moyens de payement.
82. En second lieu, les effets inflationnistes indirects du financement des investissements. Ceux-ci correspondent à la formation de nouvelles tensions inflationnistes et à l’amplification des premières, par suite de la redistribution des revenus. A ce stade, l’inflation se transmet en partie par la demande, sur le marché des produits, et en partie par les coûts, sur le marché des facteurs de production.
Section I. Les effets inflationnistes directs du financement des investissements
9La première forme de propagation des tensions inflationnistes, dans les périodes de forte accumulation de capital, se transmet par l’intermédiaire des mécanismes monétaires et bancaires. Mais, en réalité, la transmission des tensions inflationnistes, du secteur où sont effectués les investissements, à l’ensemble économique, est profondément marquée par la structure du marché. En particulier, le pluralisme des secteurs de financement aggrave l’ampleur des phénomènes inflationnistes. Si l’on reprend la définition, proposée par le professeur Maurice Byé : « lorsque l’épargne d’un secteur finance l’investissement de ce secteur, et de ce secteur seulement, il s’agit d’un secteur de financement autonome et clos »64, on constate que la « spécificité du capital » et la juxtaposition des secteurs de financement accroît la rapidité de propagation des phénomènes inflationnistes. L’absence d’intégration des marchés s’oppose, en effet, à la péréquation des flux financiers, qui se produit normalement dans un marché homogène et aménagé. C’est pourquoi l’épargne excédentaire d’un secteur n’est pas transférée dans les secteurs où la pénurie de capitaux est intense. Aussi, le caractère inflationniste du financement des investissements varie selon la situation relative des secteurs. Nous distinguerons, à cet égard, trois cas :
tout d’abord, la situation des entreprises du secteur public ;
en second lieu, le cas des entreprises du secteur privé ;
en troisième lieu, l’exemple des firmes étrangères.
§ 1. Les méthodes de financement du secteur public
10La contribution du secteur public au développement économique de l’Amérique du Sud a fortement augmenté depuis la seconde guerre mondiale. Les investissements publics sur fonds budgétaires ont facilité la mise en valeur de ressources souvent négligées par les capitaux privés. Cependant, il faut reconnaître que les méthodes de financement du secteur public comportent des risques inflationnistes, particulièrement accusés par l’organisation institutionnelle des économies sud-américaines. Il importe de distinguer deux cas. Tout d’abord celui des investissements neufs, sur fonds budgétaires. En second lieu celui des investissements courants, réalisés par les entreprises publiques.
A. Le financement du budget des investissements
11La formation du capital, en Amérique du Sud, est caractérisée par la prépondérance des investissements du secteur privé et les investissements publics ont rarement dépassé 20 % de l’investissement brut. En 1953, ce pourcentage approchait 25 % au Chili et au Venezuela, 20 % en Argentine et 14 % au Brésil65. Les investissements réels, par tête, d’origine gouvernementale, ont sensiblement augmenté depuis la guerre, de plus de 80 % au Brésil et au Venezuela (1947-1954), alors qu’ils ont diminué de 16 % au Chili. Les investissements publics ont souvent joué un rôle compensateur à l’égard des capitaux privés, cette évolution est très nette au Brésil, par exemple. Dans d’autres pays, comme la Colombie, l’accroissement de la formation de capital, au cours de l’après-guerre, est dû, en très grande partie, à l’augmentation des investissements publics, qui ont augmenté beaucoup plus rapidement que les investissements privés66.
12L’examen des méthodes de financement des dépenses en capital, réalisées sur fonds budgétaires, souligne la faiblesse et l’instabilité des moyens de financement des gouvernements sud-américains.
13Tout d’abord, l’épargne budgétaire est instable et limitée ; elle ne peut couvrir qu’une faible marge des besoins d’investissement. En second lieu, les dépenses d’investissement, excédant les ressources d’épargne, sont financées par le recours à des moyens de trésorerie, qui pèsent immédiatement sur la stabilité de la monnaie.
1° Epargne budgétaire et dépenses en capital du secteur public
14Le caractère inflationniste du financement des investissements budgétaires s’explique à la fois par la structure des investissements et par la mobilisation inefficace de l’épargne.
a. Structure des investissements publics et rigidité de la production
15Les dépenses du secteur public contribuent à la formation du capital à trois stades.
16En premier lieu, les investissements directs constituent la part prépondérante de l’apport de capital du secteur public. Il s’agit d’investissements neufs, destinés à développer des activités souvent négligées par les capitaux privés.
17En second lieu, l’ouverture de crédits d’investissement au secteur privé constitue un apport indirect à la formation de capital.
18Enfin, la demande de biens et services du secteur public contribue à augmenter la demande effective et suscite de nouvelles opportunités d’investissement pour le secteur privé.
19Dans ces deux derniers cas, les risques inflationnistes proviennent du caractère improductif de la dépense publique, car il s’agit souvent de subventions à des activités qui n’augmentent aucunement la capacité productive de l’économie. Aussi, la source principale d’inflation de croissance dans le cas des investissements publics provient-elle du financement des investissements directs. Les risques inflationnistes des autres formes d’encouragement à la formation de capital sont liés, plus étroitement au caractère de la dépense publique et à l’absence de rigueur des règles budgétaires, qu’à l’accumulation de capital. Il s’agit alors d’une inflation institutionnelle, plutôt que d’une inflation de croissance.
20La structure des investissements directs de l’État est caractérisée par une très faible productivité, aussi leur réalisation ne permet pas d’accroître massivement la production. Trois particularités méritent d’être soulignées :
Le choix des investissements est établi sur des bases purement économiques et non financières67. Or, les secteurs prioritaires de l’investissement sont en général des activités à très forte consommation de capital et exigeant la réalisation d’investissements indivisibles, dont les incidences inflationnistes sont très élevées. Mais surtout, la planification des investissements est très rudimentaire et les priorités sont mal établies. Les plans d’investissement prévoient rarement les ressources nécessaires et souvent l’élément essentiel du financement est assuré par des ressources extérieures. Or, l’instabilité des recettes extérieures menace la continuité des plans. On remarque que, dans la plupart des économies sud-américaines, la répartition des investissements entre le secteur privé et le secteur public dépend de la conjoncture extérieure68.
En second lieu, la plus grande partie des investissements directs de l’État porte sur des secteurs où la productivité du capital est très faible. Il s’agit d’abord « d’investissements de lancement » dans les activités d’infrastructure. La plupart des plans de développement des économies sud-américaines ont d’ailleurs affirmé la nécessité d’un développement prioritaire des transports69. Les investissements dans le secteur énergétique ont constitué un second type d’investissement public et la mise en valeur agricole a également absorbé une part importante de ces investissements, depuis quelques années. Mais, outre ces investissements économiques, les gouvernements sud-américains ont consacré une part importante de leurs ressources à des dépenses sociales, d’éducation, de santé et de logement70.
La faible productivité des investissements publics s’explique enfin par l’importance des dépenses improductives ou somptuaires, engagées au chapitre des investissements. Ainsi en est-il, tout d’abord, des dépenses d’équipement militaire qui n’apparaissent pas intégralement au budget et absorbent souvent une part essentielle de l’épargne budgétaire, alors que les nécessités de la défense nationale sont limitées sur le continent. D’autres dépenses, comme les constructions de logement et les travaux d’urbanisme, masquent des dépenses somptuaires des administrations et contribuent fortement à l’ampleur de la spéculation immobilière et foncière. Enfin les dotations en capital des institutions autonomes ou des compagnies d’économie mixte sont souvent accordées sans affectation et ne contribuent pas à l’augmentation de la production71.
21Bien que les investissements publics soient localisés dans des secteurs à forte capacité d’intégration du marché, on constate que leur faible productivité ne permet pas de résorber rapidement les goulots d’étranglement de la production. Mais le déséquilibre entre l’offre et la demande est d’autant plus élevé que les ressources d’épargne, utilisées par le secteur public, sont très faibles.
b. L’insuffisance de l’épargne et le financement inflationniste des investissements publics
22La mobilisation de l’épargne s’avère très inefficace et insuffisante pour couvrir les dépenses de capital du secteur public. Cette carence tient autant à l’insuffisance de l’épargne budgétaire qu’à l’organisation budgétaire et à la dispersion des moyens financiers.
231. L’instabilité des ressources est l’une des causes fondamentales de la faiblesse des moyens financiers disponibles pour financer les investissements publics. Les apports extérieurs sont souvent prépondérants dans les économies où les revenus extérieurs forment l’élément principal des recettes publiques ; tel est le cas du Venezuela, où 75 % des recettes publiques sont d’origine extérieure, ou du Chili (45 %). Cependant, même dans les pays où les droits d’exportation et d’importation ne représentent qu’un élément accessoire des recettes publiques, le financement des plans d’investissement est souvent assuré par des ressources de caractère extérieur72.
24L’instabilité de l’épargne bugdétaire provient également de l’extrême sensibilité des économies sud-américaines aux fluctuations cycliques. Aussi, le renversement de la conjoncture extérieure réduit cumulativement les ressources du secteur public, d’abord en raison du déclin des recettes d’exportation, mais aussi parce que les difficultés économiques internes entraînent une diminution de la matière imposable. Cette instabilité des ressources menace constamment la réalisation des investissements, car de nombreux projets sont abandonnés, faute de ressources financières.
2° L’absence de rigueur de l’organisation budgétaire tend à accroître le déficit chronique du budget des investissements
25Tout d’abord, on constate une insuffisance globale de l’épargne budgétaire. Si l’on analyse la structure des dépenses publiques et que l’on confronte les dépenses de fonctionnement aux recettes ordinaires, il apparaît avec évidence que l’épargne budgétaire est très faible et souvent négative. Les fonds susceptibles de financer les dépenses de capital sont donc peu importants, à l’exception de certains pays comme le Venezuela, où la stabilité financière et l’approvisionnement régulier en devises permet de réaliser une épargne budgétaire atteignant 30 à 40 % des recettes ordinaires. Aussi, peut-on remarquer que l’épargne budgétaire a augmenté généralement moins vite que le produit national et que les dépenses courantes, alors que les dépenses en capital ont augmenté plus rapidement.
26Par exemple, au Brésil, entre 1947 et 1955, l’épargne budgétaire a été très instable et ne dépasse le niveau de 1947 (indice 100) que de moitié (155) en 1955, après avoir atteint son montant maximum en 1954 (388). Or, les dépenses en capital du Gouvernement fédéral ont quintuplé au cours de cette période (indice 521 en 1955), elles ont donc augmenté plus rapidement que les autres dépenses budgétaires et que le produit national. En Colombie, on constate une évolution inverse, l’épargne budgétaire ayant augmenté plus rapidement que le volume des dépenses en capital73.
27La faiblesse de l’épargne budgétaire, en Amérique du Sud, est accusée par l’insuffisance des règles de contrôle budgétaire74 et la dispersion des moyens financiers : la séparation des dépenses de fonctionnement et des dépenses de capital est souvent arbitraire et les budgets extraordinaires englobent de nombreuses dépenses de fonctionnement. Mais surtout, la décentralisation budgétaire ne permet pas de regrouper les dépenses de capital dans un document unique75. Les instituts de développement et entreprises autonomes disposent de budgets qui échappent généralement au contrôle budgétaire. Les Etats et administrations locales participent également à de nombreux investissements, en particulier les dépenses de santé et d’éducation sont en grande partie à leur charge. L’absence de centralisation ne permet pas de compenser les excédents et déficits de recettes. La situation du Brésil est révélatrice à cet égard. Alors que l’épargne budgétaire a augmenté beaucoup moins vite que les dépenses de capital, dans le budget fédéral, l’épargne budgétaire des Etats et municipes a augmenté deux fois plus vite que leurs dépenses en capital. Or, ces deux systèmes fiscaux constituent des systèmes de financement clos, ou plus exactement, les transferts ne se font que du gouvernement fédéral aux États et non dans le sens inverse.
b. Le financement du déficit du budget des investissements
28Les investissements publics sont presque toujours financés par un recours à l’émission de papier-monnaie, parce que l’épargne budgétaire est toujours trop faible par rapport aux dépenses en capital.
29La possibilité d’utiliser des réserves provenant d’excédents budgétaires antérieurs, a été limitée à la période qui a suivi l’accumulation des réserves de devises, après la guerre. Seul le Venezuela dispose encore de cette possibilité. En Amérique centrale et au Mexique, certaines expériences ont abouti à la réalisation d’une épargne budgétaire importante, mais, en Amérique du Sud, les surplus budgétaires n’ont jamais été durables. De plus, lorsque le gouvernement central parvenait à comprimer les dépenses au niveau des recettes, l’anarchie des finances locales laissait subsister un déficit de l’ensemble du secteur public.
30L’utilisation de crédits extérieurs est également limitée, car l’Amérique du Sud n’a pas bénéficié d’une aide économique du gouvernement américain, comme l’Europe. Les prêts intergouvernementaux et ceux des organisations internationales ont parfois permis d’équilibrer les plans d’investissement des gouvernements sud-américains, mais cet apport reste limité.
31C’est pourquoi le déficit du budget des investissements est financé par un recours plus ou moins rapide à l’émission de monnaie. Selon les règles financières classiques, en l’absence de recettes fiscales excédentaires, les dépenses en capital doivent être financées par le recours à l’emprunt. Or, l’inorganisation des marchés financiers en Amérique du Sud s’oppose au placement d’emprunts d’État à long terme. Le marché des obligations est peu développé et n’attire pas les particuliers. Le marché monétaire est un marché où l’argent est trop cher pour que l’État puisse y emprunter massivement. Enfin et surtout, le système bancaire a peu de réserves excédentaires et ses fonds sont immobilisés dans des placements privés à long terme. Aussi, le financement des investissements aboutit-il très rapidement au recours à l’émission monétaire.
32Trois stades conduisent à la politique d’émission fiduciaire :
L’incitation à l’achat de fonds publics reste faible, car les taux d’intérêt accordés par l’État ne peuvent pas dépasser les taux légaux. Au Brésil, par exemple, au-delà de 12 %, le taux d’intérêt est usuraire, or, les taux réels varient entre 20 et 25 % pour les capitaux privés. Pour donner du crédit aux bons du Trésor, l’État doit accepter une charge financière plus lourde, soit en assurant une exonération fiscale, soit en payant l’intérêt d’avance. De même, certaines mesures ont pour but d’accroître la liquidité des bons, par exemple l’admission, en payement des impôts, des « bons rotatifs » émis par l’État de São Paulo. Les risques inflationnistes sont accrus par ce type de mesure, parce que les fonds sont rachetés par la Banque centrale et la durée du prêt des particuliers n’excède guère quelques mois.
A un second stade, l’acquisition de fonds d’État est rendue obligatoire pour certaines entreprises commerciales et sociétés financières. C’est ainsi qu’ont été financés de nombreux projets de développement au Brésil et en Colombie. Au Brésil, la Banque nationale de développement économique (B.N.D.E.) a constitué son capital (6 milliards de cruzeiros) par cette forme d’épargne forcée. Les contribuables des tranches élevées de revenu ont dû acquérir des actions de la banque. Mais surtout les compagnies d’assurance, sociétés d’investissement, caisses d’épargne fédérales et organismes de Sécurité Sociale doivent obligatoirement souscrire à ces actions. Des formules comparables ont été appliquées pour le financement des aciéries de Paz del Rio, en Colombie76.
Enfin, le déficit budgétaire est souvent couvert par le recours direct à l’émission monétaire. Ces procédés sont nombreux. Il s’agit tout d’abord du recours aux avances de la Banque centrale et de leur consolidation. Mais également, de nombreuses opérations de crédit masquent un recours à l’institut d’émission. C’est ainsi que la vente de fonds publics, librement réescomptables, au système bancaire permet d’augmenter la capacité financière des banques et d’alimenter une expansion secondaire du crédit, qui multiplie les incidences inflationnistes du financement du déficit. Le réescompte de ces bons conduit rapidement à l’augmentation de l’émission monétaire.
33L’échec du financement de certains plans de développement est très significatif, tel est le cas des plans brésiliens77. Dans les premiers plans, les effets inflationnistes ont résulté des incertitudes d’un financement axé sur le commerce extérieur. Mais dans la période récente, la faiblesse des réalisations du plan Vargas et de la Banque de développement est imputable à la carence de l’épargne budgétaire. Entre 1952 et 1955, la Banque de développement n’a pu réaliser que le quart des dépenses de capital prévues, car les ressources d’épargne ont été surtout d’ordre budgétaire et bancaire.
B. Le financement des entreprises du secteur public
34La formation du capital dans le secteur public résulte aussi bien des dépenses annuelles d’investissement, réalisées sur fonds budgétaires, que de l’accroissement de capacité productive dans les entreprises publiques, réalisé grâce à leur politique financière propre. Or, cette dernière source de capital est particulièrement peu développée en Amérique du Sud, en raison de la faiblesse des moyens financiers et de l’insuffisance des recettes d’exploitation des entreprises publiques.
351. L’insuffisance des moyens financiers des entreprises publiques porte à la fois sur leur capacité d’autofinancement et sur leurs possibilités d’emprunt. Les ressources d’autofinancement sont très faibles, parce que les profits sont limités. Certes, la situation des entreprises varie selon les secteurs, et dans les régions à très forte croissance, l’exploitation de réseaux de transport ou la production d’énergie, permettent de développer rapidement la capacité productive. Cependant, les règles de gestion du secteur public ne permettent pas de maintenir une politique des prix flexible et adaptée à la conjoncture inflationniste. L’extension de ces entreprises suppose de nouvelles dotations budgétaires.
36Les possibilités d’accès à l’épargne sont également très limitées. Le développement des sociétés d’économie mixte, en Amérique du Sud, a souvent permis d’améliorer les possibilités de financement dans certains secteurs et ouvert un accès à l’épargne à cette forme d’entreprise. Mais pour les entreprises qui ont été constituées exclusivement à l’aide de capitaux publics, la seule source de financement courant est le recours au crédit bancaire. Cette forme de financement conduit inévitablement à l’émission de papier-monnaie et ce risque est d’autant plus grand, qu’il est difficile de dissocier les crédits accordés pour couvrir un déficit d’exploitation de ceux qui seront utilisés à l’acquisition d’un nouveau matériel. L’incidence inflationniste de la politique financière des entreprises publiques est accrue par l’absence de crédit à moyen terme. La carence de capitaux disponibles et d’institutions financières, appropriées à la distribution du crédit à moyen terme, explique que tout crédit accordé aux entreprises soit rapidement porté au réescompte de la Banque centrale et constitue un facteur d’inflation monétaire.
372. La faiblesse des recettes d’exploitation, dans les entreprises du secteur public, est la cause essentielle de l’insuffisance des ressources propres. Cette situation est une conséquence de la politique de blocage des tarifs des entreprises publiques et elle explique l’ampleur du déficit de ces entreprises78. Cependant, les inconvénients normaux de la gestion des entreprises publiques sont aggravés, en Amérique du Sud, par la rapidité des phénomènes inflationnistes et par l’improductivité accrue de ces activités. Dans le domaine de l’énergie, par exemple, les tarifs des entreprises d’électricité brésiliennes ont augmenté proportionnellement aux salaires de ce secteur. (40 % de hausse entre 1945 et 1953, dans le District fédéral), tandis que les prix de gros ont augmenté de 170 % et que le coût de la vie a doublé79. D’autre part, l’improductivité de ces entreprises ralentit également les possibilités de croissance, car l’absence du stimulant du profit est beaucoup plus lourde de conséquence dans les pays sous-développés, que dans les pays industrialisés. L’application de critères rationnels de rentabilité est fortement limitée par l’insuffisante qualification des cadres et du personnel80.
§ 2. Les méthodes de financement du secteur privé
38Pour illustrer les risques inflationnistes du financement des investissements en Amérique du Sud il suffit de comparer l’évolution des moyens de financement au Brésil et en France au cours des dernières années.
39La prépondérance de l’autofinancement des entreprises comme moyen de financement de la formation de capital est plus accusée au Brésil qu’en France et elle s’accentue encore en 1955, en raison de la dépréciation accrue de la monnaie.
40Mais la différence la plus frappante entre le Brésil est la France est la faiblesse de l’épargne collective (Sécurité sociale), des ressources du marché financier et du crédit à moyen terme. Certes, en France, le développement du crédit à moyen terme a été une source importante d’inflation, mais ce mode de financement a retardé les tensions monétaires. Au Brésil les risques inflationnistes du financement des investissements apparaissent plus rapidement.
41Les incidences inflationnistes du financement des investissements dans le secteur privé sont, de façon générale, moins directes que celles du secteur public. En outre, la déficience des statistiques disponibles et des enquêtes industrielles limite la portée des recherches. L’analyse des principales méthodes de financement permet toutefois de dégager les mécanismes essentiels de transmission de l’inflation.
A. Extension de l’autofinancement
421° La source principale du financement des investissements est constituée par l’autofinancement des entreprises, c’est-à-dire les profits non distribués. Cette tendance s’est fortement accusée dans les pays où le rythme de l’inflation est devenu plus rapide. L’évaluation de l’autofinancement des entreprises se heurte à de nombreuses difficultés statistiques. Au Brésil, par exemple, des enquêtes industrielles périodiques permettent d’évaluer approximativement le montant des profits non distribués dans l’industrie et de confronter ces données avec celles de la comptabilité nationale. La portée de ces enquêtes est cependant réduite, parce que tous les secteurs ne sont pas recensés et le nombre des entreprises soumises aux enquêtes varie selon les années81.
43Les augmentations de capital sont un premier indice de l’accroissement de la valeur des immobilisations et donc, des investissements. Mais, si les incorporations de réserves correspondent souvent à la réalisation d’investissements neufs, les réévaluations d’actif, surtout dans les sociétés anciennes, révèlent souvent une simple réévaluation d’éléments d’actifs dépréciés par l’inflation ou la vétusté82.
44Le bilan des entreprises révèle, d’autre part, l’importance des provisions d’amortissement. Ces provisions correspondent souvent à un effort de modernisation des entreprises, mais il est très difficile de déceler l’utilisation de ces ressources.
452° L’extension de l’autofinancement comporte des risques inflationnistes importants, parce que l’épargne effectuée par l’entreprise ne correspond que partiellement à l’augmentation de la capacité productive. Les dépenses réalisées, à l’aide des profits non distribués, peuvent contribuer à la propagation des tensions inflationnistes pour deux raisons. Tout d’abord, les entreprises recourent à l’autofinancement pour pallier l’absence de marché financier et éviter les conditions onéreuses des institutions bancaires, dès lors, les fonds de l’entreprise sont affectés à la constitution de réserves liquides pour faciliter la trésorerie. Dans cette situation, la capacité productive n’est pas accrue et l’épargne est affectée à de faux investissements. Mais surtout les profits non distribués des entreprises sont souvent employés à la réalisation de travaux somptuaires ou de placements spéculatifs.
463° L’extrême inégalité des ressources d’autofinancement des entreprises tend également à accroître les conséquences inflationnistes de ce mode de financement. Cette inégalité résulte à la fois du pluralisme des secteurs de financement et du caractère oilgopolitisique des marchés.
47Les possibilités d’autofinancement des firmes anciennes sont beaucoup plus importantes que celles des nouvelles entreprises, cette inégalité est aussi accentuée que dans les économies évoluées83. Aussi, de nombreux secteurs de la production disposent-ils de ressources très larges, soit parce que leur position de monopole leur permet de réaliser des marges de profit très élevées (les industries alimentaires du Brésil, par exemple), soit parce que le caractère spéculatif de la production permet de profiter de plus-values considérables (Batiment-Plantations).
48Les industries nouvelles, et particulièrement les industries des biens d’équipement ont des possibilités d’autofinancement beaucoup plus limitées, parce que le niveau élevé des prix de revient et l’insuffisante productivité du capital, réduisent les taux de profit. Les transferts de capitaux étant très limités, entre secteurs non intégrés, les activités peu favorisées par leur position commerciale ou leur pouvoir de monopole, adoptent d’autres modes de financement, extérieurs à l’entreprise, qui pèsent fortement sur la monnaie et les prix.
B. Appel au crédit et expansion monétaire
49Le mode normal de financement des investissements, en l’absence de ressources propres ou de possibilités suffisantes d’autofinancement, est le recours au crédit bancaire. Les risques du crédit sont étroitement liés à la structure et au fonctionnement des institutions bancaires, ainsi qu’à leur mode de gestion. Nous avons déjà souligné l’importance des obstacles institutionnels et psychologiques, à un déroulement normal des opérations de crédit, en montrant comment l’expansion ininterrompue du crédit, en toute conjoncture, constitue l’une des formes les plus courantes de l’inflation « institutionnelle ».
50Cependant, il est des risques particuliers au financement des investissements par le crédit bancaire :
511° L’aspect le plus frappant de la distribution du crédit, en Amérique du Sud, est la pénurie de capitaux à long terme. C’est pourquoi le système bancaire est conduit à financer les projets d’extension et de modernisation des entreprises à l’aide de capitaux à court terme. Il en résulte une extrême fragilité du système bancaire et une pression monétaire permanente. En effet, le financement des investissements par le crédit est d’autant plus inflationniste que le risque du crédit est supporté entièrement par la Banque centrale. Les possibilités de réescompte sont suffisamment larges en Amérique du Sud, pour que les banques commerciales soient à même de se libérer d’une partie des effets à échéance longue, en ne conservant dans leur portefeuille que des effets à échéance proche.
52Aucun mécanisme comparable à celui du crédit à moyen terme84 ne permet de diviser les risques, en multipliant les garanties des organismes financiers, de façon à reculer le moment où l’effet est pris en charge par la Banque centrale. On ne peut pas justifier, dans le cadre des économies sud-américaines, ces pratiques bancaires, par des théories économiques comparables à celles qui ont été avancées en Allemagne. Les techniques du « circuit économique » du troisième Reich et celles du « pré-financement » des investissements85 du régime de l’Allemagne de l’Ouest, ont permis de neutraliser les pressions inflationnistes, dans la mesure où des structures économiques évoluées assuraient l’efficacité de l’intervention des autorités monétaires et fiscales. Or, dans un pays sous-développé, il est beaucoup trop dangereux de laisser se développer spontanément des tensions inflationnistes, car il est plus aisé de pratiquer une politique non inflationniste, qu’une politique anti-inflationniste.
53Aussi, les investissements réalisés grâce au crédit bancaire sont-ils presque immédiatement et intégralement financés par une émission de monnaie.
542. La deuxième caractéristique de l’organisation du crédit est le taux très élevé de l’intérêt. Ce phénomène traduit autant la pénurie de capitaux que l’accélération du rythme de l’inflation. S’agissant de l’argent prêté à long terme, il est difficile de préciser le niveau du taux de l’intérêt, par ce que les prêts bancaires à long terme sont presque inexistants ; la formation du taux de l’intérêt à long terme se produit sur un marché non bancaire. Sur le marché monétaire, les taux d’intérêt sont très élevés, mais ils varient beaucoup selon les secteurs. Certaines branches de l’économie ont de plus grandes facilités pour emprunter des capitaux, en particulier les secteurs traditionnels, tels que la construction et les plantations. Sur ces marchés, les taux d’intérêt sont très élevés, mais, l’offre de capitaux étant abondante, il se produit une certaine concurrence. Les banques prêtent facilement aux entreprises immobilières, la valorisation des immeubles leur offrant des garanties. Les firmes anciennes trouvent également des conditions plus favorables auprès des banques. Au contraire, les firmes nouvelles doivent souscrire à des conditions très onéreuses, auprès des établissements bancaires.
55Le renchérissement du crédit contribue à l’accélération du processus inflationniste, car les firmes doivent accroître leurs prix pour rémunérer le capital emprunté. Lorsque le rythme de l’inflation est rapide, le loyer de l’argent, s’élève rapidement, de façon à ce que les prêteurs de capitaux puissent compenser la dépréciation monétaire et conserver un certain rendement. Mais, les expériences sud-américaines montrent que lorsque la hausse des prix dépasse 20 % par an, les taux d’intérêt ne sont jamais aussi élevés et le loyer de l’argent devient négatif86. C’est pourquoi le financement des investissements, par le crédit bancaire, tend à généraliser les tensions inflationnistes, surtout dans un climat d’instabilité chronique des prix. L’organisation institutionnelle aggrave ces risques, car les taux d’intérêt légaux des institutions bancaires peuvent difficilement dépasser 15 % ; or, depuis la guerre, la hausse des prix a souvent été supérieure et les taux d’intérêt, perçus par le système bancaire, ont été presque toujours négatifs.
563. Enfin, le recours au crédit bancaire, pour financer les investissements du secteur privé, est un mécanisme inflationniste, parce que les crédits accordés ne sont destinés que partiellement à la réalisation d’investissements productifs. Les établissements bancaires sont rarement soumis à un contrôle sélectif du crédit et surtout accordent leurs prêts, sans que la solvabilité de l’entreprise et la destination du crédit soient sérieusement contrôlés. 11 s’agit là, encore, de caractéristiques structurelles et fonctionnelles du système bancaire, qui contribuent à la propagation des tensions inflationnistes, quelle que soit la conjoncture économique. Il est évident que, lorsque le crédit bancaire est utilisé pour accroître des stocks, ou réaliser des constructions somptuaires, l’inflation provient d’une augmentation des dépenses de consommation et non de l’effort d’équipement.
C. Le recours à l’épargne privée et les crédits extérieurs
L’accès des entreprises à l’épargne privée a toujours été limité, en Amérique du Sud, et l’inflation récente a accusé ces difficultés.
L’émission d’actions ne représente qu’un volume peu important, car de nombreuses sociétés sont constituées sous la forme de sociétés de personnes ou de sociétés à responsabilité limitée, dont les actions ne sont pas cotées en Bourse. En outre, les transactions boursières sont peu développées. Le faible succès rencontré par les émissions d’actions s’explique à la fois par l’attrait insuffisant des taux d’intérêt proposés et par le taux élevé de l’imposition fiscale des dividendes. Dans certains secteurs toutefois, cette forme de financement s’est développée, en particulier dans les industries alimentaires et les firmes étrangères, ainsi que dans les sociétés immobilières et le secteur bancaire87. Les souscriptions en espèces aux augmentations de capital ont fortement diminué depuis la guerre, ce qui correspond à l’extension de l’autofinancement, sous forme d’incorporations de réserves. L’évolution récente du Brésil est significative à cet égard88.
L’émission d’obligations est peu développée dans le secteur privé, car ce marché est dominé par les fonds publics et les emprunts des collectivités locales, des entreprises nationalisées et sociétés d’économie mixte.
Les apports de capitaux personnels représentent un élément important du financement des investissements privés, mais il est difficile de les recenser et d’en préciser les conditions. Les prêts à l’industrie ou au commerce, effectués par des capitalistes, sont presque toujours occultes et les taux d’intérêt pratiqués sont très supérieurs aux taux légaux.
Les difficultés de financement de nombreuses entreprises conduisent certaines exploitations à recourir à des crédits extérieurs, comportant une perte d’autonomie.
57Cette situation tend à renforcer le caractère oligopolistique de la production, car la pénurie de capital est un facteur de concentration des firmes. Cependant, il s’agit, le plus souvent, d’une concentration financière, qui ne comporte nullement une intégration technique des unités de production89.
58Les prises de participation du secteur bancaire et des institutions d’assurances permettent également de faciliter le financement des investissements. Mais ces apports externes profitent également aux firmes étrangères, qui peuvent ainsi intégrer de nouvelles exploitations.
59Une autre source de « renflouement » des exploitations est constituée par l’appel aux capitaux publics. Le développement des sociétés d’économie mixte permet l’accès à de nouvelles sources de financement, parfois moins inflationnistes (apports de capitaux frais, conditions bancaires plus favorables, approvisionnement en équipement étranger plus régulier). Cependant le rééquilibre financier et la politique d’investissement des entreprises industrielles sont souvent assurés par le recours à des subventions étatiques. Cette forme de financement a une incidence fortement inflationniste, parce qu’une subvention est une incitation insuffisante à la modernisation et ces interventions augmentent le déficit budgétaire.
60Les difficultés de financement du secteur privé et le caractère inflationniste de ces méthodes expliquent l’extrême variation du volume des investissements privés. Les causes de cette instabilité sont autant d’ordre interne (caractère cyclique des productions) que d’ordre externe (fluctuations des marchés extérieurs). Cette instabilité augmente l’ampleur des tensions inflationnistes.
61L’action compensatrice de la politique des investissements publics reste limitée, bien que, dans les périodes de boom de l’investissement privé, l’État réduise son effort d’investissement et augmente massivement ses dépenses courantes. A l’inverse, dans les périodes de chute des investissements privés, l’État accroît ses dépenses d’investissement, mais les dépenses de consommation des particuliers sont alors très élevées90. Cependant, les effets déstabilateurs de l’investissement sont particulièrement intenses en Amérique du Sud, parce que les mouvements cycliques de l’investissement privé et public sont souvent cumulatifs et ne se compensent pas.
§ 3. Les méthodes « le financement des firmes étrangères
62L’implantation de firmes sous contrôle étranger, en Amérique du Sud, accentue la dépendance économique de ces pays. Mais, apparemment, surtout dans les activités d’exportation, la croissance de ces entreprises et en particulier leurs plans d’investissement ne semblent pas devoir créer des effets inflationnistes. Ces firmes utilisent en effet des épargnes accumulées dans leur pays d’origine et déchargent les régions bénéficiaires du poids de financement. Et pourtant les investissements des firmes étrangères ont des incidences inflationnistes.
A. Les facilités de financement des firmes étrangères
63En première analyse, les filiales (subsidiaries) et succursales (branches) des firmes étrangères peuvent financer leurs investissements, sans répercussions inflationnistes notables, dans les économies sud-américaines. En effet, les firmes sous contrôle étranger disposent de facilités particulières de financement et échappent aux difficultés financières des autres entreprises, à un double titre :
64a. La durée des plans d’investissements est établie par les maisons mères91. Cette possibilité permet de mieux équilibrer les projets d’investissement et les ressources financières. Dans l’industrie, les firmes étrangères peuvent établir des plans longs, alors que les firmes autochtones sont contraintes, par la pénurie de capitaux à long terme, à projeter leurs investissements sur des délais très courts. Aussi, du point de vue concurrentiel, les firmes étrangères peuvent choisir des plans d’investissement, maximisant leurs profits de longue période et prévoir une extension de leurs activités répondant aux développements futurs du marché.
65b. L’indépendance des firmes étrangères, à l’égard des taux d’intérêt du marché interne, leur confère également un avantage déterminant, dans le choix de leurs investissements et dans leurs méthodes de financement. La possibilité de se réapprovisionner en capitaux frais, à l’extérieur, permet à ces entreprises de supporter des charges d’intérêt relativement très faibles. En outre, elles ont souvent la possibilité d’importer des matières premières, des carburants et surtout des équipements sur leurs propres ressources de change, ce qui leur permet d’acquérir des biens capitaux à un coût négligeable, par rapport aux entreprises nationales. C’est pourquoi les firmes étrangères disposent d’une capacité d’autofinancement suffisante, pour échapper aux règles du marché. Les facilités d’approvisionnement des firmes étrangères en capital et en facteurs de production importés, leur permettent de réaliser des taux de profit net (après rapatriement des dividendes) très élevés, dont une grande partie est réinvestie, de façon à éviter les règles fiscales.
B. Les incidences inflationnistes de la croissance des firmes étrangères
66En réalité, les méthodes de financement du secteur étranger ne sont pas dépourvues d’incidences inflationnistes. Mais la croissance des firmes étrangères donne naissance à des tensions inflationnistes sectorielles, peu sensibles au niveau des quantités globales92.
671. Tout d’abord l’autonomie de financement est moins absolue dans les entreprises industrielles ou commerciales, que dans les Grandes Unités Interterritoriales des économies minières. Le développement des firmes de l’industrie chimique et de la sidérurgie, des fabriques de pneumatiques ou des réseaux de distribution d’électricité du Brésil — secteurs où les firmes étrangères assurent une part importante de la production — exerce un effet inflationniste certain. Les répercussions de la croissance de ces firmes sur les relations interindustrielles, suscitent un accroissement rapide de la demande terminale et la formation d’investissements induits. La position de monopole de ces entreprises leur permet en outre de maintenir des prix élevés, dans les périodes d’extension, de façon à conserver leur taux de profit. Ces hausses de prix sont répercutées dans les industries utilisatrices.
682. En second lieu, les firmes étrangères ne sont pas totalement isolées des sources internes de financement. Au contraire, on constate que leur position sur le marché est très favorable. Aussi font-elles souvent appel à l’épargne nationale sur le marché boursier, et leurs actions offrent des taux d’intérêt souvent supérieurs à ceux des actions nationales. Ces firmes sont également clientes des banques étrangères et nationales et les conditions de crédit, qui leur sont faites, sont aussi inflationnistes que lorsqu’il s’agit d’autres entreprises. D’autre part, la politique d’investissement est parfois aussi peu progressive que celle des firmes nationales. Les compagnies étrangères peuvent emprunter des fonds aux banques pour la réalisation de dépenses somptuaires ou l’achat de terrains et immeubles. La rétention des stocks dans un but spéculatif, en particulier lorsqu’il s’agit de biens importés, acquis à prix réduit et susceptibles d’être écoulés avec profit sur le marché, contribue également à la transmission de tensions inflationnistes.
693. Enfin et surtout, l’expansion des firmes étrangères constitue une source d’inflation de croissance et de mutation, dans la mesure où la disparité de productivité, à l’égard des autres secteurs, s’aggrave et l’état de désarticulation du marché persiste. La juxtaposition de ce secteur évolué et d’une industrie naissante ne peut exercer qu’un effet d’intégration limité, parce que le « raccourci technique »93 imposé aux firmes nationales, les contraint à un effort d’investissement, nécessairement inflationniste. Même du point de vue exclusif de la croissance économique, la capacité d’intégration des firmes étrangères est limitée par leur autonomie de financement. La faiblesse des transferts, dans l’ensemble de l’économie, réduit les effets de multiplication et de polarisation des investissements. Certes, cette capacité d’intégration est beaucoup plus élevée dans le commerce et l’industrie que dans le cas extrême des compagnies minières ou pétrolières.
70L’accumulation de capital, dans les firmes étrangères, est en grande partie dépourvue d’incidence sur les mouvements de la monnaie et des prix. Cependant, il subsiste plusieurs mécanismes de formation et de propagation des tensions inflationnistes, variant selon le degré d’intégration des firmes au marché interne.
71Lorsque les exploitations étrangères constituent un véritable « secteur de financement autonome et clos », l’augmentation du coefficient de capital exerce peu d’effets sur l’équilibre entre la production et la consommation de ces secteurs, car l’investissement est financé à l’aide d’une épargne propre. Cependant, l’insuffisance de la capacité d’intégration de ces firmes facilite la naissance de tensions inflationnistes sectorielles.
72Lorsque les firmes étrangères sont intégrées au marché, la nature des risques inflationnistes se modifie. Les distorsions structurelles, provoquées par l’implantation de ces firmes, sont moindres, aussi les tensions inflationnistes de mutation se résorbent, au fur et à mesure de l’extension du marché. Mais le recours aux méthodes de financement locales contribue à la propagation de l’instabilité monétaire. Cependant, les risques de cette forme d’inflation sont moindres, parce que les firmes étrangères conservent des sources alternatives de financement et la réalisation des projets d’investissement n’est pas menacée. La continuité des investissements et la croissance régulière de la production dans les exploitations étrangères, permet de former des zones de résistance à l’inflation, qui assurent le jeu de mécanismes autocorrecteurs.
Section II. LES EFFETS INFLATIONNISTES INDIRECTS DU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS
73L’augmentation du taux de formation de capital contribue à la formation d’un écart inflationniste important, car le financement des investissements comporte des effets inflationnistes indirects, qui ne se manifestent qu’après certains décalages. La mesure de l’écart inflationniste global permet rarement de préciser les répercussions inflationnistes totales de l’augmentation du taux d’investissement et ne traduisent que les conséquences directes du financement inflationniste, c’est-à-dire l’augmentation probable des flux monétaires et des prix.
74Deux mécanismes tendent à aggraver l’intensité des phénomènes inflationnistes et assurent la généralisation des tensions inflationnistes :
En premier lieu, l’accroissement des flux monétaires et la hausse des prix conduisent à une redistribution des revenus qui augmente le déséquilibre entre l’offre et la demande. Cet effet de redistribution est caractérisé par l’augmentation simultanée des profits et des salaires.
En second lieu, les transformations du marché, résultant de l’inégale diffusion du progrès technique, favorisent la création de disparités de prix et la formation d’une inflation de coût.
§ 1. Inflation de profit et inflation salariale
75L’inflation de croissance, en Amérique du Sud, correspond souvent, à la fois à une inflation de profit et à une inflation salariale. Cette évolution est surprenante, parce que les débuts de l’industrialisation ont été généralement caractérisés par une inflation de profit94 et une redistribution des revenus, aux dépens des classes salariées. Cette situation s’explique par le fait que le marché du travail est mieux organisé et que la classe ouvrière dispose d’une puissance contractuelle, que la classe ouvrière européenne ne possédait pas au xixe siècle. Mais, dans une telle situation, les risques inflationnistes sont beaucoup plus importants, car le réajustement des salaires suscite des mécanismes accélérateurs de la hausse des prix. Lorsque le rythme de l’inflation est suffisamment rapide, la répartition des revenus tend à favoriser les profits, aux dépens des salaires ; cependant, de façon générale, la répartition des revenus ne se modifie que lentement95, il en résulte un écart croissant entre les revenus nominaux et les revenus réels.
A. Inflation de profit et distorsion des investissements
76Les périodes de croissance accélérée de la production ont toujours été, en Amérique du Sud, des phases d’euphorie inflationniste, où les taux de profit augmentaient rapidement. Tandis que les premières phases de l’implantation industrielle sont normalement considérées comme des périodes de difficultés financières constantes pour les industriels, il est évident que, dans l’industrie sud-américaine, la croissance ne suppose aucunement que tous les profits soient investis. Dans la mesure où le poids du financement des investissements peut, en majeure partie, être éludé par le recours à des méthodes inflationnistes, on comprend que les profits s’accroissent considérablement. Or, les types d’entrepreneurs de l’Amérique du Sud ne correspondent aucunement aux caractéristiques du « capitaine d’industrie » du xixe siècle ou à celui de « l’entrepreneur innovateur » de Schumpeter. Les types d’entrepreneurs dominants96 se sont éloignés de la voie de l’austérité, grâce à une double tradition : l’héritage d’une organisation économique commerciale et spéculative et l’apport plus récent du genre de vie de l’entrepreneur nord-américain.
77Aussi, la croissance de l’industrie s’est-elle effectuée dans un climat d’expansion monétaire constante, étant donné que les entreprises ne sont pas incitées à réinvestir l’intégralité de leurs bénéfices. Devant l’insuffisance des contraintes étatiques, les entreprises procèdent à des dépenses somptuaires, qui augmentent fortement la pression de la demande et accroissent l’inefficacité de la répartition du capital.
78Bien plus, du fait de l’inflation, celles-ci trouvent, dans la rétention de stocks, un moyen plus rapide de valorisation du capital qu’en se livrant aux incertitudes de l’investissement productif.
79Quelques exemples permettent de souligner l’importance de ce phénomène et de montrer comment il contribue à l’accélération des mécanismes inflationnistes.
1° Croissance des profits et ampleur des taux de profit
80On remarque que la part des profits a souvent augmenté dans la répartition du revenu national, dans la phase de développement industriel accéléré, qui a suivi la guerre. L’étude de la répartition du revenu national, entre les classes sociales, ne permet pas une évaluation précise, parce que les comptes nationaux ont été élaborés récemment et la répartition du revenu agricole en particulier est mal connue97. Au Brésil par exemple, l’étude des comptes nationaux permet de distinguer, dans le secteur non agricole, les revenus du travail du montant des profits, loyers et intérêts. On constate alors que la part des profits dans le revenu national a augmenté de 18,7 % à 22,3 % entre 1948 et 195598 ; mais, en réalité, il faudrait également inclure en partie les rémunérations versées aux entrepreneurs, à titre de salaires. Si on additionne ces deux éléments l’importance relative des profits est alors supérieur99.
81La plupart des observateurs de l’Amérique du Sud ont remarqué que les taux de profit pratiqués dans l’industrie et le commerce étaient très élevés100. Au Brésil, par exemple, en 1951, le bilan des firmes faisait ressortir un bénéfice global de 22,4 % du capital, et les dividendes distribués atteignaient 7,7 % du capital101. Ces taux sont très variables selon les secteurs, mais ils sont particulièrement élevés dans le commerce, les entreprises immobilières et les activités d’exportation. L’ampleur de ces taux dépasse souvent 100 %, c’est pourquoi, même lorsque l’entrepreneur a payé un taux d’intérêt de 25 % et réinvesti une part importante de ses profits, ces revenus sont en grande partie affectés à des dépenses de consommation et alimentent le processus inflationniste.
2° Distorsion des investissements et gonflement de la demande
82L’insuffisance des incitations au réinvestissement des profits conduit à une forte augmentation des placements improductifs et de la consommation des classes de revenus élevées.
83L’incitation au réinvestissement des profits, en Amérique du Sud, est très faible, ce qui peut s’expliquer par diverses circonstances. D’abord, le taux de l’impôt sur les revenus du capital reste faible et les possibilités d’évasion fiscale sont importantes. Les impôts sur le revenu sont d’ailleurs, de façon générale, relativement faibles, aussi les profits déguisés, touchés sous forme de salaires, sont peu imposés. D’autre part, les aménagements de la législation fiscale des sociétés ne comportent pas de taxation des frais somptuaires des entreprises et des avantages en nature concédés aux entrepreneurs et cadres. Mais, également les règles de la concurrence industrielle sont faussées par les interventions des monopoles et, en l’absence de législation appropriée, il n’existe pas de limites aux taux de profits, déterminés par les usages professionnels. De nombreuses firmes peuvent bénéficier de « rentes de position » et pratiquer une politique de prix très élevée, sans risquer de voir diminuer leur clientèle.
84C’est pourquoi une marge importante des profits est consacrée à la réalisation de placements improductifs : spéculation immobilière, acquisition de valeurs réelles, fuites de capitaux, et à la constitution de stocks, valorisés par la dépréciation monétaire. Mais surtout, on constate que la concentration des revenus est suffisante pour que la consommation des classes sociales, disposant de revenus du capital, exerce une influence déterminante sur l’accroissement de la demande globale. On constate par exemple, au Brésil, que le secteur des capitalistes et entrepreneurs épargne plus en 1953 qu’en 1947 (46,5 % de son revenu et 44,5 %). Mais, parmi les revenus non consommés, le volume de l’épargne créatrice est encore plus limité en 1953 qu’en 1947. De plus, la consommation des classes élevées de revenu porte sur des biens de luxe, importés le plus souvent, ce qui contribue à la transmission de tensions inflationnistes de l’extérieur102.
B. Inflation salariale et hausse des prix
85L’organisation syndicale sud-américaine s’est fortement développée en Amérique du Sud, depuis la guerre, et a permis aux salariés d’obtenir des réajustements de salaires importants et rapides. Cette situation présente l’avantage de réduire les coûts sociaux de l’inflation, mais elle en a aggravé considérablement les coûts économiques. De plus, l’ampleur des réajustements de salaires a souvent été une cause d’accélération du rythme de l’inflation, si bien que les salariés ont perdu en quelques années les avantages conquis. L’expérience chilienne est un exemple des risques que comporte cette situation, lorsque le climat d’expansion économique disparaît.
86Dans les pays où le rythme de croissance de la production industrielle a été rapide, comme le Brésil, la Colombie ou le Venezuela, les salaires nominaux ont augmenté plus rapidement que le coût de la vie et les salaires réels se sont élevés. Cependant, lorsque le rythme de croissance a été plus faible, les réajustements de salaires ont été souvent purement nominaux. Dans des pays, comme l’Argentine ou le Chili, où le niveau des salaires est beaucoup plus élevé, que dans le reste de l’Amérique du Sud103, les salaires réels ont peu augmenté ou même diminué. Au contraire, au Brésil et en Colombie, les salaires ont bénéficié de l’augmentation du revenu réel, malgré un déclin récent de la part qu’ils représentent dans le revenu national. Or, il est évident qu’une croissance inflationniste permettant aux salaires de s’accroître, mais moins rapidement que les profits, est préférable à une conjoncture d’inflation et de stagnation où les salaires réels diminuent, ainsi que les profits, mais en augmentant leur part de revenu national.
87Les répercussions inflationnistes des hausses de salaires sont accusées par l’organisation sociale et institutionnelle des économies sud-américaines.
Tout d’abord, l’ampleur des réajustements de salaires est telle qu’elle est toujours répercutée sur les prix. Lorsque le coût de la vie a augmenté de 20 % dans l’année, les salaires sont souvent accrus de 50 %.
En second lieu, la hausse des salaires ne crée pas une diminution corrélative du taux de profit dans l’industrie, parce que ces augmentations sont financées à l’aide du concours des banques.
Lorsque les salaires réajustés sont ceux de la fonction publique, cette hausse n’est pas compensée par la diminution d’autres postes de dépense.
Enfin, lorsqu’il s’agit des salaires de l’industrie privée, les augmentations sont généralisées dans l’ensemble de l’économie et ne correspondent pas à une augmentation de la productivité de l’ensemble de la main-d’œuvre. Dans les secteurs où la croissance de la production est la plus rapide, l’accroissement de la productivité provient généralement des autres facteurs de production.
88La combinaison de l’inflation de profit et de croissance peut sembler paradoxale, étant donné que l’inflation tend à réduire la rémunération des uns au profit de celle des autres. Aussi, ce mécanisme suppose-t-il un rythme de croissance très élevé de la production et du revenu réel. Cependant, le mécanisme de redistribution des revenus comporte des risques considérables, lorsque le rythme d’expansion s’atténue et, de plus, il laisse subsister des rigidités structurelles et des distorsions sectorielles qui facilitent la propagation d’une inflation de coût et la formation de tensions inflationnistes de mutation.
§ 2. Disparités de prix et inflation de coût
89Les effets secondaires du financement inflationniste des investissements sont également liés aux possibilités inégales de répercussion de la hausse des prix, selon les secteurs. La hausse simultanée des profits et des salaires contribue à l’augmentation des moyens de payement et à la hausse du niveau général des prix, ce qui constitue une amplification des tensions inflationnistes initiales. Mais surtout, la situation des groupements sociaux et des secteurs est très différente, au cours de ce processus général de hausse, et les disparités de prix sont une source de nouvelles tensions inflationnistes. Sous l’impulsion de ces facteurs psychologiques104, la hausse des prix se transmet progressivement du marché des produits au marché des facteurs de production105.
90Au cours du processus général de la hausse des prix, on constate une extrême dispersion des prix de gros et de détail, correspondant à la hausse inégale des prix de revient.
A. La dispersion des prix de gros et de détail
91L’insuffisance des statistiques disponibles et des enquêtes sur les mouvements de prix, en Amérique du Sud, ne permet pas de mesurer avec exactitude l’ampleur de la dispersion des prix, c’est-à-dire « la grandeur des écarts entre les pourcentages de hausse ou de baisse, d’une époque à une autre, de tous les prix considérés106 ». Des études comparables à celles qui ont été élaborées en France par M. Jeanneney, permettraient une analyse plus rigoureuse des facteurs de localisation des tensions inflationnistes. C’est pourquoi nous soulignerons seulement quelques indices de la dispersion des prix, de façon à dégager l’influence du financement inflationniste des investissements sur ce phénomène.
On remarque, tout d’abord, que le blocage des prix dans les services de base, transport et énergie, et les exploitations para-publiques, contribue à la formation d’une zone où les prix sont peu élevés. La faiblesse des prix a été, dans ce secteur, une cause essentielle de la persistance d’un goulot d’étranglement et l’accroissement des prix de revient a suscité des difficultés d’exploitation, qui ont accru l’incidence inflationniste du financement des investissements de ces exploitations.
A l’inverse, on constate que les prix agricoles ont très fortement et irrégulièrement augmenté, dans l’ensemble de l’Amérique du Sud, bien que l’accumulation du capital fût souvent très faible. La hausse des prix a été plus rapide au stade du producteur qu’au stade des prix de détail, ce qui correspond à une augmentation du revenu réel des agriculteurs, plus qu’à une inflation de profits, au stade du détaillant107.
Dans l’industrie, où l’effort d’investissement a été le plus important depuis dix ans, on constate que l’évolution générale des prix de gros révèle une hausse beaucoup moins sensible que dans les autres secteurs. L’exemple du Brésil est très significatif, si l’on rapproche l’évolution des prix, par secteur, entre 1944 et 1956.
92Au Venezuela, bien que la hausse générale des prix soit faible, on constate également une forte dispersion des prix.
93Bien que les « termes de l’échange interne »108 se soient améliorés au profit des secteurs industriels, où l’effort d’investissement a été le plus intense, cette évolution globale n’est pas entièrement significative. Tout d’abord, la généralisation des tensions inflationnistes a eu pour résultat de répartir le financement des investissements sur l’ensemble de l’économie. Aussi, les secteurs ayant effectué les investissements les plus importants ne sont-ils pas ceux où les prix ont augmenté le plus rapidement. Les dispersions de prix entre les groupes industriels et les secteurs en expansion sont très fortes. Il convient de remarquer, d’ailleurs, que cette dispersion est liée autant aux mécanismes de l’inflation qu’à ceux de la croissance, puisque le phénomène apparaît également au Venezuela, où la monnaie et les prix ont été stables.
94Si l’on reprend le cas du Brésil, on constate que la hausse des prix de gros, dans le secteur sidérurgique, a été beaucoup plus rapide que dans l’ensemble de l’industrie, au contraire des secteurs traditionnels, tels que l’industrie des cuirs et peaux ou le textile ont augmenté moins rapidement leurs prix, malgré l’accroissement de leurs investissements. De même, le prix de gros du matériel de construction a augmenté plus rapidement que celui des combustibles et lubrifiants, ce qui explique la hausse du coût de la construction.
95On remarque également une divergence importante entre le prix des produits nationaux et des produits importés, aussi bien au Venezuela qu’au Brésil. Par exemple, entre 1947 et 1953, les prix domestiques, au Brésil, ont augmenté de 78 % et ceux des produits importés de 7 %. Cependant, le coût des produits importés a fortement varié selon les années ; les dispersions annuelles de prix sont plus marquées que pour les produits nationaux. En outre, certains articles d’équipement ont constamment augmenté et les importateurs ont dû verser des agios variables qui, souvent, ne sont pas comptabilisés.
964° Enfin, on remarque que l’écart entre les prix de gros et les prix de détail est très variable, selon les secteurs et le rythme de l’inflation. Lorsque l’inflation augmente d’intensité, la hausse des prix de gros devient plus rapide que celle des prix de détail, ce qui correspond à la généralisation des comportements spéculatifs et à l’alourdissement des prix de revient. Mais, même au cours de périodes d’inflation légère, on constate que « les taux de marque » augmentent très rapidement dans certains secteurs, ce qui correspond aux profits d’inflation prélevés par les intermédiaires, au stade de la commercialisation. Il en résulte une extrême dispersion des prix de détail ; on remarque surtout une hausse accusée des prix dans le secteur de la construction et dans les commerces alimentaires. L’évolution des prix de détail, au Venezuela, peut illustrer cette situation.
B. La hausse inégale des prix de revient
97La situation inégale des secteurs, quant à l’approvisionnement en facteurs de production, est fortement accusée par la redistribution des revenus et la hausse conjuguée des profits et des salaires. Il en résulte une hausse du coût des facteurs, qui ralentit l’expansion industrielle et aggrave les pénuries existantes.
La hausse du coût de la main-d’œuvre, résultant des réajustements de salaires, tend à accroître les disparités de croissance. Les industries, qui utilisent peu de main-d’œuvre (chimie) ne sont pas affectées par le renchérissement du coût du travail, alors que les industries traditionnelles, comme le textile, sont défavorisées, parce qu’elles utilisent beaucoup de main-d’œuvre. Toutefois, de nombreuses entreprises peuvent utiliser la main-d’œuvre des régions peu évoluées, où la législation sociale n’est pas appliquée ; cependant le niveau élevé des salaires tend à décourager de nombreuses firmes, étant donné la faible productivité de la main-d’œuvre. Celles-ci renoncent alors aux formes d’extension, qui supposent une plus forte utilisation de main-d’œuvre. Le coût élevé de la main-d’œuvre est un stimulant à l’adoption de méthodes de production plus modernes, intégrant davantage de capital. Cependant, cette situation, souhaitable du point de vue strictement économique, comporte des coûts sociaux élevés. Ces coûts sociaux proviennent, autant du risque de chômage, que de l’accentuation de la désarticulation économique. En effet, l’attraction des hauts salaires accentue la concentration régionale et l’écart de développement entre ces régions et les zones arriérées. Nous constaterons que ces modifications structurelles trop rapides contribuent à la formation de tensions inflationnistes durables.
La hausse du coût des matières premières est également ressentie très inégalement par les firmes. Les secteurs de l’industrie fortement concentrés et les firmes étrangères peuvent éviter cette hausse, dans la mesure où elles intègrent souvent leurs sources de matières premières. Mais les firmes nouvelles subissent une élévation de prix de revient qui est répercutée au stade de la consommation.
La hausse du loyer de l’argent est importante, surtout dans les secteurs dépendant des sources internes de financement, et dans les firmes qui ont une faible capacité d’autofinancement. C’est pourquoi la tendance au monopole et à la concentration financière est fortement accentuée par le climat inflationniste. Les firmes, qui disposent d’une marge suffisante d’autofinancement, peuvent établir leur politique de prix, en fonction d’une hausse des coûts, qu’elles ne subissent que partiellement, et percevoir ainsi une rente différentielle.
Enfin, dans les domaines où la hausse des prix résulte à la fois de difficultés de financement et de la rigidité de la production, en particulier dans les cas de l’énergie ou des transports, on constate que la hausse des coûts est inégalement répercutée dans les industries utilisatrices. Les firmes, dont les conditions de localisation sont mauvaises, au regard de l’approvisionnement en énergie ou des réseaux de transport, sont soumises à un alourdissement considérable des prix de revient, car elles ne fonctionnent qu’à capacité de production réduite. Lorsque la production de ces firmes rencontre un marché en expansion et une demande rigide, la hausse des coûts peut être répercutée et assurer des taux de profits croissants. Cependant, l’improductivité de ces firmes s’accroît, mais elle est masquée par une prospérité reposant sur les possibilités offertes par l’inflation. La hausse disproportionnée des prix résulte alors de la combinaison d’une inflation de pénurie et d’une inflation de croissance109.
98L’accélération du rythme de la formation de capital en Amérique du Sud a suscité de fortes tensions inflationnistes, étant donné que les procédés de financement des entreprises publiques et des entreprises privées, même sous contrôle étranger, sont beaucoup moins orthodoxes que dans les pays capitalistes évolués. Les mécanismes d’amplification de l’inflation de croissance sont aussi importants que dans une autre forme d’inflation. L’augmentation de la demande terminale est très supérieure à celle que l’effort d’investissement initial laisse prévoir. L’hétérogénéité des circuits de financement permet d’expliquer non seulement l’ampleur de l’écart inflationniste global mais encore l’existence de tensions sectorielles et régionales, qui contribuent à la formation d’une « inflation de coût ».
99Et cependant la propagation des tensions inflationnistes de croissance et de certaines tensions de mutation est atténuée par l’existence de mécanismes auto-correcteurs, si bien que le rythme de l’inflation est relativement modéré.
Notes de bas de page
60 Certes, les risques d’inflation sont atténués dans les régimes collectivistes, mais il existe une inflation latente dans les périodes de croissance. Cf. Wronsky, Marcewsky, Calvez.
61 J.R. Boudeville, Le suremploi ou les conséquences d’une pénurie de main-d’œuvre, R.E., 1952, p. 690.
H. Burton, Le plein emploi, l’inflation et la politique économique, Public Finance, 1957, no 1, p. 67.
62 D. Grove, The role of the banking System in the chilean inflation, F.M.I., Staff Papers, septembre 1951.
63 Bernstein and Patel, The relation between inflation and economic development, F.M.I., Staff Papers, novembre 1952, no 3, p. 363.
64 M. Byé, Rapport au Congrès de Rio : Le rôle du capital dans le développement économique, août 1957, op. cit. ; Localisation de l’investissement et Communauté Économique Européenne, R.E,. mars 1958, p. 192.
65 C.E.P.A.L., Estudio Economico de America Latina 1955, p. 130.
Dans aucun pays d’Amérique du Sud, les investissements publics n’atteignent un pourcentage de l’investissement brut, supérieur à 25 ou 30 %. Au Mexique, par contre, le rôle des investissements publics est parfois prépondérant, 48 % du total des investissements en 1954.
C.E.P.A.L., Estudio Economico de America Latina 1953, p. 15.
Les investissements publics ne dépassent pas 5 % du Revenu national ; entre 1945 et 1953, ce pourcentage a diminué en Argentine de 7,1 à 5,3 %, au Brésil, il est resté constant (4 %) et en Colombie on remarque une augmentation de 4,2 à 4,7 %. Au Mexique, malgré l’importance des investissements publics, ceux-ci ne dépassent pas 5 % du Revenu national.
Ci-dessous, tableau no 46, Financement des investissements au Brésil et en France.
66 C.E.P.A.L., Estudio Economico de America Latina 1955, op. cit., p. 130.
En 1945, les investissements directs du Gouvernement colombien ne représentaient que 2,2 % de l’investissement brut, en 1951, ils ont atteint 16 % et, en 1954, 23,7 %.
De façon générale, l’apport total du secteur public à la formation de capital est beaucoup plus important que celui qui ressort de la mesure des investissements budgétaires. En effet, la décentralisation des économies sud-américaines est telle que souvent près de la moitié des investissements du secteur public sont réalisés par les États, les municipes, ou des institutions autonomes.
67 Certes, le choix des investissements répond, en grande partie, à des objectifs politiques ou sociaux, autant qu’à des objectifs économiques, mais les décisions d’investissement sont rarement prises en considération des charges financières qu’elles imposent.
68 C.E.P.A.L., Estudio economico… 1955, op. cit., p. 130 et 135.
Entre 1945 et 1953, la part des investissements bruts assurée par le secteur public a diminué de moitié au Chili (de 40,1 % à 24,6 %), où les ressources fiscales ont représenté, en moyenne, la moitié du produit fiscal. Au Venezuela, où les ressources extérieures ont constitué les trois quarts du produit fiscal, la part des investissements publics dans la formation de capital a varié entre 62 % (1948) et 19,6 % (1949).
On remarque l’ampleur de ces fluctuations et leur caractère rapproché.
69 C.E.P.A.L., Estudio economico… 1955, op. cit., p. 126.
Dans la plupart des économies latino-américaines, la part des investissements publics affectés à des activités directes de production a rarement dépassé 60 %, sauf au Brésil, mais les données brésiliennes ne concernent que les investissements gouvernementaux, et la plus grande partie des investissements sociaux est assurée par les collectivités locales. La presque totalité des investissements productifs est effectuée dans des secteurs où la productivité du capital est faible. Les investissements dans les transports ont constitué 80 % des investissements directs du Gouvernement au Brésil et 60 % en Colombie. Les investissements agricoles ont immobilisé 8 à 10 % des investissements publics en Colombie, au Venezuela et en Argentine en 1953.
70 C.E.P.A.L., Estudio economico… 1955, op. cit., p. 126.
Il est difficile de comparer, en Amérique du Sud, les investissements réalisés dans le domaine de la santé, du logement et de l’éducation, parce que la répartition des dépenses entre les autorités centrales et locales varie selon les pays.
71 C.E.P.A.L., Estudio economico… 1955, op. cit., p. 126.
Les investissements réalisés par des institutions autonomes varient beaucoup selon les années et la répartition des dépenses dans le secteur étatique. Au Chili, où ces organismes jouent un rôle essentiel dans la formation de capital, près de 35 % des investissements ont été réalisés par eux. Au Brésil, leur rôle semble avoir diminué ; en 1954, les « Autarquias » n’ont réalisé que 4 % de l’investissement direct du secteur public, au lieu de 24 % en 1947. En réalité, cette répartition de l’investissement entre les organismes responsables est très variable et n’est pas représentative, parce qu’une partie importante des dépenses et des recettes sont débudgétisées.
72 J. Wolff, Les plans de développement brésiliens, Cahiers de l’I.S.E.A., série F, no 7, janvier 1958, p. 22, tableau XI.
Le plan S.A.L.T.E. au Brésil devait être théoriquement financé à la fois par le budget (55,7 %) et par l’emprunt (44,3 %). Or, la plupart des ressources prévues, au titre de l’emprunt et du budget, étaient d’ordre extérieur, soit environ 60 % du financement. Les ressources extérieures s’étant révélées déficientes, le plan a été financé surtout par le recours à des méthodes inflationnistes, en l’absence de surplus budgétaire et de possibilités d’emprunt de longue durée.
73 C.E.P.A.L., Estudio economico… 1955, op. cit., p. 156.
Pour le Brésil, on remarque que les dépenses de capital du Gouvernement fédéral ont augmenté plus rapidement que l’épargne budgétaire et que les dépenses de fonctionnement. Dans les États et municipes, l’évolution a été différente car l’épargne budgétaire a décuplé, au cours de cette période, alors que les dépenses en capital ont à peine quintuplé.
74 Cf. première partie, nos développements à propos de l’inflation institutionnelle.
75 O.N.U., Report of the United Nations Economic Mission to Chile 1949-1950, C. Iversen, S.E. Leland, E. Lindhal, ST/TAA/K/Chile, I, 2 octobre 1951.
La mission des Nations Unies, envoyée au Chili pour enquêter sur les causes et les remèdes à l’inflation, attachait une importance essentielle à la réalisation de réformes budgétaires, permettant de séparer les opérations en capital et les opérations courantes du secteur public.
76 C.E.P.A.L., Estudio economico de America Latina 1955, op. cit., p. 163.
Lors de la mise en application du plan d’équipement des aciéries de Paz del Rio, le Gouvernement colombien a institué un impôt spécial sur les tranches élevées de revenu, dont les contribuables peuvent s’acquitter par l’achat d’actions de la compagnie.
Le financement du Banco Nacional de Desenvolvimento (B.N.D.E.) au Brésil est plus complexe. Les ressources financières les plus importantes de cet organisme proviennent d’un prélèvement de 4 % sur les dépôts des caisses fédérales de dépôt, de 3 % sur les fonds des instituts de prévoyance sociale et de 25 % sur les réserves des compagnies privées d’assurances.
77 J. Wolff, Les plans de développement brésiliens, op. cit., p. 18-33.
Les réalisations des plans d’investissements publics au Brésil ont toujours été très inférieures aux prévisions, en raison de l’aléa des ressources de financement. Le plan S.A.L.T.E., par exemple, prévoyait 26 milliards de cruzeiros de dépenses, pour la période 1948-1953. En 1950, les objectifs furent réduits à 20 milliards de cruzeiros, puis le plan a été remplacé en 1951 par l’application du programme préparé par une mission américaine. En 1952, la création de la B.N.D.E. modifie également les objectifs et le mode de financement des investissements. Le montant des investissements réalisés au titre du plan S.A.L.T.E. ou du plan Vargas n’a pas dépassé la moitié des objectifs fixés, les réalisations de la B.N.D.E. sont encore plus faibles que celles des plans : 1,6 milliard de cruzeiros par an.
Cf. ci-dessous, tableau 46 : Financement des investissements au Brésil et en France.
78 Dartigolles, Tarification des chemins de fer et théorie économique, Paris, 1953.
Destanne de Bernis, La tarification dans les entreprises publiques de l’État du secteur monopolisé, thèse, Paris, 1953, troisième partie : « Règle du coût marginal et politique d’investissement ».
79 G.F. Loeb, Industrialisation and balanced growth, 1957, op. cit., p. 108.
E. Gudin, Inflação, credito e desenvolvimento, Rio, A. Noite, 1956.
L’auteur signale l’importance croissante du déficit des transports ferroviaires, on remarque par exemple l’ampleur du déficit du réseau ferroviaire du Nord-Est, depuis que son exploitation est assurée par le secteur public. Cette évolution est également soulignée par Loeb, p. 130. Jusqu’à 1945, la situation des chemins de fer a été excédentaire, depuis le déficit augmente régulièrement chaque année et représente 6 millions de cruzeiros en 1955.
80 Nous pensons aux possibilités d’application d’un contrôle de gestion et à la recherche d’une concurrence entre services, comparable aux techniques de contrôle du monopole des tabacs et allumettes en France.
G. Ardant, Technique de l’État, Dalloz.
Berend, Le prix de revient et le contrôle de gestion dans les tabacs, R.E., juillet 1953.
M. Boiteux, Le choix entre les différentes possibilités d’investissement, Hommes et Techniques, juillet 1956 ; Le problème des investissements dans les entreprises nationalisées, Le Fonctionnement des entreprises nationalisées, Dalloz, 1956.
81 J.R. Boudeville, Inflation et comptabilité nationale, op. cit., et Contribution à l’étude des pôles de croissance brésilienne, op. cit.
J. Wolff, Quelques aspects de la désarticulation de l’économie brésilienne et leur influence sur les possibilités de financement interne, Cahiers de l’I.S.E.A., série F, no 7, janvier 1958.
82 J. Wolff, Quelques aspects de la désarticulation, op. cit., p. 74-75.
Sur l’extension de l’autofinancement, voir également notre tableau 46, ci-dessus : Financement des investissements au Brésil et en France.
83 O.N.U., La situation économique de l’Europe en 1956, Commission économique pour l’Europe, Genève, 1957 ; L’autofinancement des entreprises, p. 102.
« Les investissements autofinancés sont commandés par la rentabilité passée et présente des affaires existantes. Le marché peut financer n’importe quelle espérance, alors que l’autofinancement n’est que le privilège des prospérités déjà acquises. »
84 Simon et Paves, Le crédit à moyen terme, 1955.
85 A. Piettre, L’économie allemande contemporaine, 1945-1952, Génin, 1952, p. 236.
86 D. Grove, The role of the banking System in the chilean inflation, F.M.I., S.P., sept. 1951. op. cit., p. 54.
87 The basis of a development plan for Colombia, Rapport de mission de la B.I.R.D., 1950.
On remarque que les rendements les plus élevés des titres mobiliers à la Bourse de Bogota étaient, en 1941, ceux du secteur bancaire (10 % pour les actions de la Banque de Colombie). En 1949, alors que les rendements moyens étaient de 8 à 10 %, ceux de Bavaria (bières) et de la compagnie La Urbana (propriétés foncières) atteignaient presque 16 %.
Conjunctura economica, janvier 1956, p. 87.
En 1955, on a calculé que la dépréciation, par rapport au nominal, des titres publics a été en moyenne de 18,5 %. Pour les titres privés, on remarque une valorisation moyenne de 52 %, très supérieure à l’accroissement du coût de la vie.
88 J. Wolff, Quelques aspects de la désarticulation…, op. cit., p. 77, tableau XXIV.
89 Structure de l’économie brésilienne. II. Notes et Études documentaires, no 2068, série « Ententes et monopoles dans le monde ».
« On notera que l’intégration progresse au fur et à mesure que le pays développe ses industries de base, les premières en général à pratiquer cette formule. Ainsi le Brésil se rapproche de plus en plus du stade atteint par les pays évolués, mais la puissance de nombreux groupes, à caractère spéculatif, intéressés à des branches très disparates, est encore un signe de la jeunesse de son économie. Cette ère est, sans doute, sur le point d’être révolue. Pour survivre et se développer, ces complexes de caractère financier devront très vraisemblablement renforcer leurs bases industrielles, dans des secteurs bien choisis » (p. 12).
90 C.E.P.A.L., The economico development of Brazil…, op. cit., p. 24.
J. Wolff, Les plans de développement brésiliens, op. cit.
Notes et Études documentaires : Aspects récents de l’économie brésilienne, no 2004.
Le volume des investissements privés est fortement influencé par la conjoncture extérieure : les investissements privés au Brésil ont augmenté avec la guerre de Corée de 4,5 milliards de cruzeiros en 1950 11,5 milliards de cruzeiros en 1951.
91 M. Byé, Plan de la Grande Unité et analyse économique, Mélanges Gudin, Rio, 1957, p. 142.
« La Grande Unité est l’unité capable de plans partiellement hors marché et, par là même, capable d’options sur les durées de plans. »
92 Les fluctuations de production et de revenu, dans les firmes étrangères, comportent toujours des risques inflationnistes externes importants, dans la mesure où les déséquilibres de la balance des payements déclenchent des mécanismes d’inflation transmise. Mais nous recherchons ici à préciser les riques inflationnistes internes, dus à la croissance des entreprises, sous contrôle étranger.
93 A. Sauvy, Théorie générale de la population, vol. II, p. 219.
« Nous appelons raccourci technique, le fait, pour un pays sous-développé, de pouvoir passer immédiatement au moteur électrique ou Diesel de 1953, sans passer par la machine de Papin ou de Gramme, ni les nombreuses positions intermédiaires, avantage considérable, en certains cas. »
94 E.J. Hamilton, Prices and progress, Journal of economic history, 1952, III, p. 325-349.
La naissance du capitalisme industriel, au xviiie siècle, révèle une forte inflation de profits et un climat de hausse des prix, qui assurait la stagnation des salaires réels et la croissance rapide des profits. D. Felix, Profit inflation and industrial growth : the historic record and contemporary analogies, Q.J.E., août 1956, p. 441, op.cit.
L’auteur insiste sur la difficulté de transposer par analogie les leçons historiques du capitalisme européen, dans les pays sous-développés. En effet, les causes de l’inflation sont plus complexes et l’augmentation des profits n’est pas la cause prépondérante de la croissance, son effet bénéfique est d’ailleurs incertain.
95 C.E.P.A.L., The economic development of Brazil…, op. cit., p. 21.
« Il n’y a pas eu de redistribution sensible du revenu à l’intérieur du secteur urbain au cours de la période analysée (1939-1953), bien que les salariés, et en particulier ceux du secteur privé, aient perdu du terrain en 1950-1951. Pendant cette période, l’accroissement important de la consommation des groupes les plus élevés de revenu s’est effectué essentiellement aux dépens de l’épargne du secteur privé, étant, en apparence, plus étroitement liée à la libération des importations qu’à une redistribution des revenus. Enfin, l’augmentation inhabituelle du revenu réel pendant cette période, qui a résulté, dans une grande mesure, de l’amélioration des termes de l’échange, n’a pas eu, apparemment, d’effet positif sur le taux d’épargne du secteur privé. »
96 J.F. Normano, Brazil a study of economic types, North Carolina, 1935.
G. Wythe, Brazil : trends in industrial development, in Economic growth : Brazil, India, Japan, Durham (U.S.A.), 1955, p. 29-77.
97 M.M. Leite, Distribuição da Renda nacional: a satisfação dos aspectos sociais e as limitaçãos economicas, Porto Alegre, 1955.
98 Sistema de contas nacionais para o Brasil, R.B.E., décembre 1956, p. 14.
99 D’après l’Annuaire statistique du Brésil de 1957, p. 287.
On remarque que les revenus versés, en 1956, à titre de rémunération à l’administration des entreprises (65 milliards de cruzeiros dans les sociétés collectives et 8,5 milliards de cruzeiros dans les entreprises individuelles) ont été aussi élevés que les sommes versées comme profit (71,1 milliards de cruzeiros).
100 T. Mende, L’Amérique latine entre en scène, Seuil, 1952.
Le groupe Mattarazzo à São Paulo distribue depuis quinze ans des dividendes de 17 %. Le revenu personnel de Mattarazzo était estimé, en 1951, à 50.000 dollars par jour. Dans le commerce, on cite des cas où les marges de profit ont dépassé 500 %.
101 Aspects récents de l’Économie brésilienne, N.E.D., op. cit., no 2004.
102 C.E.P.A.L., The economic development of Brazil, op. cit., p. 20.
La consommation des classes capitalistes a augmenté de 73 % entre 1950 et 1953, celle des salariés du secteur privé de 77 % et celle des salariés du secteur public de 90 %. Mais, en réalité, la consommation des classes aisées exerce un effet inflationniste plus élevé, parce qu’elle porte, en partie, sur des biens de luxe importés.
103 C.E.P.A.L., Estudio Economico de America Latina 1953, op. cit., p. 26.
En 1952, les salaires et traitements, par personne salariée, se montaient, en dollars U.S.A. de 1950, à 853 dollars en Argentine, 614 dollars au Chili, mais seulement 410 dollars au Brésil et 368 dollars en Colombie.
104 Les cadres d’analyse du processus inflationniste, proposés par l’école suédoise, sont nécessaires à la compréhension des effets inflationnistes secondaires de l’accumulation de capital. La propagation des tensions inflationnistes, à ce stade, ne peut être mise en lumière que par une étude des comportements des groupes de producteurs et de consommateurs. L’inflation se propage rapidement, lorsque les réactions de défense des consommateurs, puis des producteurs, contre la hausse des prix, s’organisent. Sur tous ces points, nous rappelons l’importance des analyses de :
B. Hansen, A study in the theory of inflation, London, 1951.
F.V. Meyer, Inflation and Capital, Cambridge, 1954, p. 11.
Lerner and Harris. Some theoretical aspects of the inflationary process, R.E.S., Aug. 1949, p. 193-216.
Aujac, L’influence du comportement des groupes sociaux sur le développement de l’inflation, E.A. juillet-décembre 1950.
105 B. Hansen, A study in the theory of inflation, op. cit.
Pitchford, Cost and demand elements in the inflationnary process, Review of Economic Studies, Feb. 1957, p. 139, op. cit.
F. Perroux, Stabilité financière et équilibre de la balance des payements, Rapport au Congrès de l’Institut international de finances publiques, Curitiba, 1954, op. cit.
106 J. M. Jeanneney, Forces et faiblesses de l’économie française, Colin, 1956, p. 108, planche 43 et tableau correspondant de « Tableaux statistiques », Colin, 1957, p. 60.
107 O. Onody, La inflación en Brasil, Moneda y Credito (Esp.), Juno y septembre 1952.
D’après l’auteur, les prix de gros à la production ont augmenté plus rapidement dans l’industrie que dans l’agriculture, pendant la guerre. Mais il semble évident que, depuis la guerre, les prix agricoles à la production ont augmenté très rapidement. Les indices de prix de São Paulo (Conjunctura economica, Julho 1957) révèlent que les prix agricoles ont quadruplé (indice 407) au stade du producteur, entre 1948 et 1956, et augmenté moins rapidement au stade des grossistes (374) et détaillants (392).
108 N. Rasmussen, Studies in intersectoral relations, Amsterdam, 1956.
109 J.R. Boudeville, Économie et croissance brésiliennes, Conférence prononcée à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, février 1956.
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