L’inflation de sous-développement
p. 81-82
Texte intégral
1L’inflation de sous-développement existe à l’état latent, dans toutes les économies sud-américaines, car même les pays qui ont bénéficié d’un essor rapide, n’ont pas encore comblé leur retard économique et moins encore leur retard institutionnel et social. Au premier abord, cette forme d’inflation présente des symptômes classiques : expansion monétaire et hausse des prix, mais il s’agit également d’un déséquilibre structurel et séculaire.
2C’est une inflation classique, car elle se traduit surtout par un abus de l’émission de papier-monnaie, dont l’ampleur suffit souvent à déclencher la hausse des prix. De même le déséquilibre des finances internes est étroitement lié à celui de la balance des payements. Cependant nous constaterons que les relations existant entre le niveau des prix intérieurs et le cours des changes, entre la valeur interne et externe de la monnaie sont très différentes de celles d’une économie déjà industrialisée et développée.
3C’est une inflation séculaire, qui existait dès la fin du xixe siècle, et a toujours constitué la toile de fond des inflations sud-américaines. La vulnérabilité de ces pays à l’inflation est d’autant plus accusée que leur héritage structurel a été peu modifié.
4C’est, enfin, une inflation structurelle, car ses causes les plus réelles résultent des conditions mêmes du sous-développement et de l’improductivité des techniques de production et des types d’organisation. La vulnérabilité aux tensions inflationnistes internes ou externes ne résulte pas, tant des fluctuations de la conjoncture, que de l’existence d’institutions inefficaces et de structures archaïques.
Inflation institutionnelle et inflation transmise
5L’inflation de sous-développement revêt deux aspects principaux : elle est institutionnelle, lorsque ses causes sont internes, transmise, lorsque son origine est extérieure. Si l’économie est dépendante du commerce extérieur, l’inflation transmise est prépondérante, tandis que l’inflation institutionnelle est plus fréquente, lorsque les structures de production sont orientées vers le marché interne.
6L’inflation institutionnelle permet d’expliquer à la fois les risques monétaires permanents de l’intervention étatique dans la vie économique et l’inefficacité des contrôles monétaires.
7L’inflation transmise, permet d’expliquer les risques inflationnistes suscités par le développement des échanges extérieurs, en Amérique du Sud.
8On constate que, si la formation et la propagation des tensions inflationnistes emprunte des circuits différents, selon que leur cause initiale est intérieure ou extérieure, les répercussions économiques et sociales d’une inflation institutionnelle ou transmise sont pourtant comparables.
9Les mécanismes de ces deux formes d’inflation diffèrent à plusieurs égards. La localisation initiale des tensions inflationnistes, aussi bien que leur propagation à l’ensemble de l’économie révèlent l’existence de deux circuits inflationnistes distincts. L’inflation institutionnelle, le plus souvent une inflation de demande, naît d’un excès de la dépense de l’administration ou des particuliers ; cet « écart inflationniste » initial est presque toujours amplifié par l’inefficacité des contrôles étatiques. L’inflation transmise, plus complexe, est localisée, tantôt sur le marché des produits, tantôt sur le marché des facteurs, et la propagation des tensions inflationnistes à l’ensemble de l’économie dépend du degré de dépendance des secteurs économiques internes à l’égard des flux monétaires ou réels externes. Selon « l’articulation » du secteur extérieur, l’inflation se propage, dans le secteur public ou privé, par le canal des flux de marchandises ou de capitaux, du fait d’une modification des rapports externes, puis internes de prix.
10Cependant, les répercussions de l’inflation institutionnelle et transmise sont très proches, car, lorsque le processus inflationniste se prolonge, les causes initiales du déséquilibre perdent leur force et le danger le plus important provient des facteurs psychologiques et institutionnels d’accélération de la hausse. De plus, tout déséquilibre important des finances publiques suppose une intervention dans le domaine des changes et la transmission des tensions inflationnistes au secteur extérieur ; de même tout déficit important de la balance des payements pèse sur les finances publiques. C’est pourquoi l’inflation de sous-développement ne constitue pas un stimulant à la croissance, car elle ne permet aucunement de relancer l’économie et n’alimente que des dépenses improductives. L’analyse de quelques situations concrètes, en Amérique du Sud, montre, à l’évidence, que le déroulement d’une inflation de sous-développement conduit à des déséquilibres cumulatifs. L’accélération de l’inflation suscite un déclin de la formation de capital et accentue les goulots d’étranglement de la production.
11Les caractères originaux de l’inflation de sous-développement apparaissent dans cette diversité des mécanismes par opposition aux conséquences toujours destructrices de ce processus.
12Titre I. — Diversité des mécanismes de l’inflation de sous-développement.
13Titre II — Inflation de sous-développement et blocage de croissance.
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