Chapitre II. Variations des rapports entre la pluviosité et l’écoulement dans le bassin du Paraïba
p. 159-212
Texte intégral
1Comme nous venons de le constater, il n’y a pas de rapport simple entre l’augmentation de la pluviosité et celle de la quantité d’eau écoulée : le rio Muriaé, par exemple, qui reçoit 1.342 millimètres de pluie par an, a un coefficient d’écoulement de 38 %, égal à celui du Paraïbuna pour lequel la pluviosité atteint 1.829 millimètres. Or, le bassin du rio Muriaé a une altitude moyenne beaucoup plus faible et souffre donc d’une évaporation plus intense. Un facteur plus important vient contrebalancer l’influence de la température sur l’efficacité des pluies : leur répartition plus ou moins étalée dans le cours de l’année. Qu’il tombe 5 ou 50 millimètres de pluie par mois, pendant l’hiver, ne modifie guère la quantité d’eau écoulée par la rivière ; ces pluies d’hiver, trop dispersées et trop faibles, sont presque toujours frappées d’une inefficacité irrémédiable. Une même pluviosité annuelle donne donc aux rivières de la zone à saison sèche accentuée un coefficient d’écoulement plus fort que celui des cours d’eau de la serra do Mar où les hivers sont relativement pluvieux. La place et l’intensité du maximum pendant la saison des pluies ne fait que renforcer cette tendance.
2A l’intérieur de chaque zone pluviométrique, toutes les rivières n’ont pourtant pas exactement le même comportement ; telle a des crues plus violentes, telle des étiages plus abondants ; les conditions variées de relief, d’altitude, de végétation et de sol reprennent leurs droits et viennent compliquer les rapports entre la pluviosité et l’écoulement, pour les rivières situées dans une même zone.
I. Types de rivières dans la zone à maximum pluviométrique de janvier (cours supérieur et première partie du cours moyen du Paraïba)
3Dans cette zone, la pluviosité totale varie beaucoup en fonction du relief : le rio Peixe I, dans la dépression entre la serra do Mar et la serra de Jambeiro, ne reçoit que 1.345 millimètres de pluie par an, tandis que le Paraïbuna I, qui coule parallèlement au rio Peixe, mais sur le revers immédiat de la serra do Mar, en reçoit 1.829 millimètres. Le Buquirá et le rio Peixe II qui descendent de la serra da Mantiqueira totalisent respectivement 1.878 et 1.940 millimètres ; le Paraïtinga, enfin, apparaît comme une rivière de transition, avec 1.540 millimètres. Sur le graphique où les coefficients d’écoulement varient en fonction de la pluviosité, toutes ces rivières sont à peu près alignées ; toutes n’ont pourtant pas le même comportement : le Paraïbuna est plus violent, les rivières de la serra da Mantiqueira plus abondantes, le Paraïtinga plus calme.
A. Violence du Paraïbuna en amont de Bairro alto
4Dans cette partie amont de son cours, le Paraïbuna s’encaisse dans le revers de la crête de la serra do Mar et coule parallèlement à celle-ci. Il prend sa source à 1.600 mètres d’altitude ; il n’est plus qu’à 700 mètres à Bairro Alto ; sa pente moyenne atteint donc 12 mètres par kilomètre. Il draine un bassin de 950 kilomètres carrés. Sur sa gauche il est alimenté par des petits torrents qui descendent de la crête elle-même : l’Ipiranga, par exemple, avec une pente moyenne de 27 mètres par kilomètre draine un bassin de 40 kilomètres carrés entièrement formé de crêtes aux versants raides, parfois rocheux dans leurs parties supérieures. Par ces trouées dans la crête principale, les violentes averses de l’autre versant de la serra pénètrent jusque là ; l’Ipiranga, qui reçoit en moyenne 2.100 millimètres de pluie par an, a connu des chutes de pluies de plus de 200 millimètres par jour en été, de plus de 100 millimètres par jour en hiver. Ces affluents de la rive gauche font du Paraïbuna I une rivière abondante et relativement violente.
1° Une rivière violente
5Les grosses averses, pendant l’été, réussissent à donner aux Paraïbuna des débits journaliers qui atteignent parfois 200-250 l/sec/km2 ; une fois, en vingt-cinq ans, il a même atteint 335 l/sec/km2. Ces maxima ne pèsent pas lourd devant ceux du Jacui ou du Taquari. Les faibles dimensions du bassin, en effet, devraient valoir au Paraïbuna des débits spécifiques bien plus forts que ceux du Jacui et du Taquari, si les crues étaient comparables en puissance relative. Par rapport au débit journalier de 335 l/sec/km2, la pointe a peut-être atteint 450 à 500 l/sec/km2, si les maxima ont été un peu sous-estimés ; pauvres crues, de toutes façons ! Elles sont pourtant exceptionnelles, dans la région du Paraïba : la part de l’écoulement rapide, même pour les averses les plus violentes, reste, en effet, beaucoup plus modeste que dans le plateau méridional.
6En janvier 1935, par exemple, le Paraïbuna, déjà en eaux moyennes, a reçu 145 millimètres de pluies en deux jours : son niveau est monté brusquement jusqu’au débit maximum de 335 l/sec/km2, pour se stabiliser de nouveau cinq jours après : l’écoulement rapide correspondant au clocher de la courbe des débits diminué de l’alimentation normale par la nappe, ne représente que 29 % de la quantité de pluie tombée sur le bassin (fig. 12).
7Lorsque les pluies sont plus étalées, les pourcentages sont encore plus faibles : en décembre 1937, une succession de trois périodes de pluie, avec un total de 260 millimètres, n’a donné qu’un coefficient d’écoulement rapide de 15 % et un débit maximum journalier de 80 l/sec/km2 (fig. 13).
8Les averses, si violentes soient-elles, ont toujours une double conséquence sur la courbe des débits : elles provoquent d’abord un clocher, puis une courbe presque horizontale, pendant plusieurs jours, parfois plusieurs dizaines de jours, à un débit supérieur au débit de départ : malgré la raideur des pentes et la vigueur du relief, l’horizon de roches altérées qui reste très profond, au moins dans la partie inférieure des versants, fonctionne comme une éponge ; il atténue l’écoulement rapide et la pointe de débit maximum.
9Cette action des sols se vérifie même pour les petits torrents de la rive gauche : l’Ipiranga, par exemple, a reçu en juin 1947 une première averse de 30 millimètres : elle n’a donné qu’un clocher très aplati, mais la courbe des débits est redevenue horizontale à la valeur de 1 m3/sec alors qu’elle se trouvait depuis une dizaine de jours à 0,65 m3/sec. Survint alors une chute de pluie de 158 millimètres en un jour : le torrent accuse une crue subite et atteint un débit de 1.450 l/sec/km2, puis la courbe se stabilise autour de 1,3 m3/sec. Le coefficient d’écoulement rapide, malgré la violence de la pluie et la température plus basse de l’hiver, n’a pas dépassé 62 % (fig. 14).
10Le fait est encore plus net en février 1944 : une suite de quatre chutes de pluie de 41, 50, 145 et 173 millimètres a donné quatre clochers et quatre positions de la courbe subhorizontale qui leur succède, à des niveaux de plus en plus élevés. L’écoulement rapide n’a pas excédé 36 et 39 % pour les deux dernières chutes de pluie, malgré leur importance et le débit déjà élevé de la rivière à leur début (fig. 15).
11Par suite de la violence des averses sur ces crêtes de la serra do Mar, les torrents qui en descendent, avec un profil très tendu, peuvent connaître de fortes crues : on a noté, pour l’Ipiranga, un débit maximum de 2.375 l/sec/km2, pour une chute de pluie de 280 millimètres en quelques heures. Ces chiffres, si élevés soient-ils, ne représentent pourtant qu’une fraction relativement faible de l’eau tombée sur le bassin.
12Cette faiblesse de l’écoulement rapide n’est pas à attribuer, comme pour le Taquari, à l’importance du ruissellement subaérien qui favorise l’évaporation : Paraïbuna et Ipiranga ne connaissent pas, en effet, le corollaire des étiages très creusés ; ceux-ci sont, au contraire, très soutenus. Ils achèvent de montrer que c’est à l’épaisseur du manteau d’altération qu’il faut faire appel pour comprendre le comportement de ces rivières : ce n’est pas la perte absolue par évaporation qui abaisse les coefficients d’écoulement rapide, comme dans le plateau méridional, mais l’emmagasinement beaucoup plus considérable dans les sols qui rendent doucement l’eau infiltrée pendant les semaines qui suivent la crue et soutiennent ainsi les débits, même pendant des périodes sèches prolongées.
2° Les étiages
13De 1930 à 1955, en effet, le Paraïbuna, à Bairo Alto, n’a pas connu de débits inférieurs à 6,3 l/sec/km2 ; le minimum annuel moyen atteint 8,1 l/sec/km2. L’Ipiranga, malgré sa pente, n’est pas descendu au-dessous de 5 l/sec/km2 et son minimum annuel moyen dépasse 9,5 l/sec/km2.
14Ces étiages très soutenus ne peuvent être expliqués par la fréquence des chutes de pluie : du 9 mai au 25 août 1940, le Paraïbuna n’a reçu que 20 millimètres de pluies en trois petites averses : la courbe des débits journaliers reste presque horizontale et c’est seulement après ces trois mois et demi de sécheresse que le débit atteint sa valeur minimum de la période 1930-1955, avec 6,3 l/sec/km2 (fig. 16). Durant la même période, l’Ipiranga n’a reçu que 55 millimètres de pluie ; la courbe des débits présente la même allure et n’atteint que très lentement la valeur minimum de 5 l/sec/km2.
15L’importance de l’infiltration et de l’emmagasinement dans les sols tempère donc de façon saisissante l’opposition entre la saison sèche et la saison des pluies. La répartition, au cours de l’année, des étiages et des crues obéit pourtant au rythme des précipitations, avec un certain décalage.
3° Répartition dans l’année des étiages et des crues (fig. 17)
16Les pluies de septembre et octobre s’avèrent incapables de provoquer de véritables crues : maximum moyen et maximum absolu restent inférieurs à 90 l/sec/km2. Dès le mois de novembre, en revanche, il peut y avoir quelques fortes montées de la rivière : le maximum absolu de ce mois atteint 117 l/sec/km2. Les véritables mois de crue restent pourtant ceux de décembre, janvier, février, mars. Le mois de janvier a connu la plus grande crue, mais c’est au mois de mars que celles-ci sont les plus fréquentes, car le maximum moyen y atteint 128 l/sec/km2. Exceptionnelles en avril et mai, les crues sont inconnues en juin-juillet et très rares en août. C’est donc à la fin de l’été que les crues sont les plus fréquentes, au moment où les pluies sont déjà moins abondantes, mais où les sols saturés donnent le maximum de possibilités à l’écoulement rapide, malgré la température encore élevée.
17La répartition des étiages au cours de l’année montre la même prédominance du facteur pluviosité sur le facteur température : la courbe des minima moyens s’élève régulièrement d’octobre à mars, pour décroître ensuite jusqu’en août et rester à sa valeur la plus faible jusqu’en octobre ; les pluies de septembre et octobre, bien que plus abondantes que celles de juillet-août, ne suffisent qu’à maintenir les débits minima ; c’est seulement en novembre que la nappe commence à redonner un débit d’étiage plus élevé. Son rôle ne cesse de croître jusqu’à la fin de la période des pluies, malgré l’élévation de la température : si le minimum moyen commence à baisser en avril, ce mois possède le minimum absolu le plus élevé, la nappe étant toujours capable, à ce moment, de fournir au moins 12,5 l/sec/km2.
18Ce rôle très important de l’alimentation par la nappe donne à la courbe des coefficients mensuels de débits une allure très adoucie par rapport à celle des pluies (fig. 18).
4° Variations saisonnières
19Aux grandes pluies de novembre à mars, avec un maximum en janvier, correspondent des hautes eaux de décembre à avril, avec un maximum étalé sur janvier et février. Les basses eaux d’hiver atteignent un minimum en août, qui correspond au minimum pluviométrique de juillet-août, mais elles se prolongent jusqu’en novembre, où le coefficient de débit ne dépasse pas 0,85, malgré la nette reprise des pluies depuis septembre.
20Ce décalage des débits moyens par rapport aux pluies s’accompagne d’un adoucissement considérable des différences entre hiver et été : alors que le rapport entre le total des pluies du mois le plus arrosé et celui du mois le plus sec atteint 6,5, le rapport entre les débits mensuels extrêmes ne dépasse pas 2,8.
21La rétention dans les sols est donc suffisante, même dans ce petit bassin montagneux, pour garder une partie de l’eau de la saison des pluies, adoucir ainsi le clocher des hautes eaux et maintenir les débits pendant la saison sèche. Il faut d’ailleurs noter que celle-ci n’est que relative : les mois de juin, juillet et août reçoivent encore 69, 47 et 53 millimètres de pluie. On pourrait penser que, par suite de la température plus basse de l’hiver, ces pluies sont particulièrement efficaces, et, à elles seules, capables de maintenir les débits : elles ont, de juin à août, un coefficient d’écoulement apparent de 63 %. En fait, il n’en est rien : nous noterons le même maintien des débits d’hiver dans la zone à saison sèche rigoureuse : ce coefficient apparent du Paraïbuna en hiver nous apparaîtra alors comme la conséquence de l’alimentation par la nappe qui restitue les eaux des pluies d’été et non pas la conséquence des pluies d’hiver, à peu près inefficaces, par suite de leur dispersion et de la valeur encore assez élevée des températures : leur rôle principal est paradoxalement d’abaisser le coefficient annuel d’écoulement !
22Celui-ci, en effet, ne dépasse pas 38 %, pour une pluviosité totale de 1.829 millimètres et une température moyenne annuelle de 17° environ. Le déficit d’écoulement atteint 1.135 millimètres. Ces chiffres sont comparables à ceux du Taquari, mais la rivière, beaucoup plus modeste, coule dans un relief plus contrasté, avec une pente moyenne plus forte et un régime pluviométrique différent, où 75 % des pluies tombent pendant les grandes chaleurs de l’été. Cette correspondance résulte donc de facteurs différents : relief, pente, régime pluviométrique sont, pour le Paraïbuna, des facteurs d’inefficacité relative des pluies, par rapport au Taquari ; ils sont compensés par l’épaisseur beaucoup plus grande du manteau d’altération qui agit à retardement comme facteur d’efficacité des pluies, aidé en cela par l’importance de la circulation diaclasique dans le sommet de la roche1.
23Cette épaisseur des sols atténue les contrastes dans le bassin du Paraïbuna et oppose ainsi le comportement des deux rivières : le rapport entre le maximum et le minimum absolus ne dépasse pas 53 pour le Paraïbuna ; nous sommes loin de 4.196 du Taquari ! Le Paraïbuna fait pourtant figure de rivière violente dans le bassin du Paraïba : les courbes des moyennes, des maxima et minima moyens mensuels sont séparées par d’assez grands intervalles (fig. 19). En été la moyenne mensuelle est le résultat de jours de hautes eaux avec débit de 90 à 125 l/sec/km2, et de jours de basses eaux de débit inférieur à 20 l/sec/km2 ; même en hiver, les courbes restent espacées : il y a encore une différence de 15 litres entre le maximum et le minimum moyens de juillet. Les rivières de la serra da Mantiqueira, malgré la vigueur du relief, sont plutôt moins violentes.
B. Les rivières de la serra da Mantiqueira
24L’escarpement de la serra da Mantiqueira, au niveau de la plaine de Taubaté, culmine à des altitudes variant de 1.600 à 2.000 mètres. Il est entaillé par une série de petites rivières dont les bassins supérieurs prennent souvent l’aspect d’un éventail de torrents, collectés par la rivière qui coule perpendiculairement à l’escarpement. En aval de ce premier parcours, les rivières obliquent souvent vers le S.O., avant de se jeter dans le Paraïba.
25Nous avons, dans cette zone, étudié un de ces torrents élémentaires : le Piagui, en amont de Pilôes, et deux cours d’eau collecteurs de ces torrents : le Buquirá et le rio Peixe II en amont d’Igaratâ. Le Piagui prend sa source à 2.000 mètres d’altid’altitude ; au fond de sa vallée étroite et encaissée, il coule dans un lit coupé de chutes et de rapides séparés par des secteurs plus calmes ; sa pente moyenne, jusqu’à Pileõs, dépasse 50 mètres par kilomètre ; il draine, en amont de ce poste, un bassin de 70 kilomètres carrés qui reçoit environ 2.150 millimètres de pluie par an. Le Buquirá est formé par la réunion de deux torrents du genre Piagui ; il prend sa source à 1.400 mètres d’altitude et descend avec une pente moyenne de 14 mètres par kilomètre jusqu’au poste de Buquirinha, en amont duquel il draine un bassin de 390 kilomètres carrés. La pluviosité annuelle est presque semblable à celle du Paraïbuna et atteint 1.878 millimètres. Le rio Peixe II, à son tour, est formé, en quelque sorte, par deux Buquirá, qui débouchent successivement sur une rivière N.E.-S.O. Sa pente moyenne est à peu près semblable à celle du Buquirá ; il draine, en amont d’Igaratâ, un bassin de 730 kilomètres carrés, qui reçoit en moyenne 1.940 millimètres de pluie par an.
26Les profils de ces rivières de la Mantiqueira sont relativement plus tendus que celui du Paraïbuna et les vallées plus encaissées ; les sols restent très profonds sur les pentes moyennes et inférieures ; malgré des averses en général moins fortes, le Buquira et le rio Peixe II ne sont que légèrement moins violents que le Paraïbuna ; ils sont un peu plus abondants.
1° Abondance moyenne
27Pour une pluviosité un peu supérieure et une température à peu près semblable, les modules spécifiques du Buquirá et du rio Peixe II atteignent 25,1 et 26,8 l/sec/km2 contre 22,1 pour le Paraïbuna I ; les coefficients d’écoulement 42 et 43 % contre 38. Le déficit annuel n’y excède pas 1.090 et 1.100 millimètres et reste donc inférieur à celui du Paraïbuna, malgré les pluies un peu plus abondantes.
28Le régime pluviométrique peut, en partie, rendre compte de ces différences : les pluies dispersées de l’hiver sont plus faibles : les mois de juin-juillet-août ne totalisent que 120 millimètres contre 170 pour le Paraïbuna ; les pluies d’été tombent, certes, de façon moins violente, mais cette inefficacité très relative ne compense pas la perte plus faible de l’hiver. Les étiages, très soutenus, suggèrent pourtant l’existence d’un autre facteur d’efficacité.
2° Crues et étiages
29a. Les crues : le maximum moyen annuel ne dépasse pas 123 l/sec/km2 pour le Buquirá et 114 pour le rio Peixe. Il arrive donc assez loin derrière les 203 l/sec/km2 du Paraïbuna. A cela, il ne faut, semble-t-il, chercher d’autre explication que la moindre violence des averses : les chutes de pluies supérieures à 150 millimètres en vingt-quatre heures sont tout à fait exceptionnelles sur ces bassins, bien exposés au vent de la mer, mais protégés par la première barrière de la serra do Mar. Les coefficients d’écoulement rapide sont légèrement supérieurs à ceux du Paraïbuna : les débits de pointe des crues restent inférieurs pour la seule raison que la quantité d’eau fournie est moins grande.
30Prenons l’exemple du petit torrent du Piagui en amont de Pilões (fig. 20) : en décembre 1941, une période de pluie de 110 millimètres en deux jours a suffi pour donner un coefficient d’écoulement rapide de 63 % et un débit de pointe de 430 l/sec/km2 : en mars 1942, une averse de 55 millimètres a eu un coefficient de 44 %. A vrai dire, elle est tombée à un moment où la rivière était déjà en hautes eaux ; la saturation préalable, indiquée par le débit-départ reste, même pour ces petits torrents, un facteur prépondérant d’efficacité des pluies : celles d’octobre, qui tombent, en général, avec un débit-départ d’étiage, sont loin d’atteindre les mêmes coefficients ; en octobre 1942, une averse de 60 millimètres n’a donné, dans ces conditions, qu’un coefficient de 8 %. Les bas versants jouent toujours un rôle d’éponge, même dans le cas d’un torrent au profil longitudinal très tendu. Toutes choses égales, le Piagui a pourtant des coefficients d’écoulement rapide plus forts que ceux de l’Ipiranga, à la fois parce que son profil est tendu et parce que l’altitude moyenne de son bassin est plus élevée, et, par conséquent, la température plus basse. Si son débit maximum n’a pas dépassé 1.450l/sec/km2 contre 2.345 pour l’Ipiranga, c’est que les chutes de pluies n’ont pas elles-mêmes dépassé 150-200 millimètres par vingt-quatre heures, contre 250-300 millimètres pour la dernière rivière.
31Ainsi alimentés par les petits torrents de la serra, le Buquirá et le rio Peixe ont des clochers de crues qui ne sont pas négligeables avec des coefficients d’écoulement rapide plus forts que le Paraïbuna, mais des débits de pointe inférieurs. Il a suffi en décembre 1936 d’une période de pluie de 95 millimètres en quatre jours, pour donner au Buquirá un coefficient d’écoulement rapide de 23 % et un débit maximum de 90 l/sec/km2, et d’une période de 115 millimètres en deux jours, pour donner au rio Peixe un coefficient d’écoulement rapide de 39 % et un débit maximum de 155 l/sec/km2. En décembre 1937, ces deux rivières ont reçu une quantité de pluie a peu près semblable à celle qui a affecté le bassin du Paraïbuna : les courbes des débits journaliers ont été qualitativement très semblables avec les clochers et les tronçons subhorizontaux des jours suivants ; les débits maxima et les coefficients d’écoulement ont été supérieurs ; 90-112 l/sec/km2 et 22-20 % contre 80 l/sec/km2 et 15 % (fig. 21 et 22).
32Ces crues du Buquirã et du rio Peixe se répartissent selon les mois à peu près de la même façon que celles du Paraïbuna, avec un écart entre les courbes qui correspond à la moindre violence générale des averses (fig. 23 et 24). Les pluies des mois d’octobre et novembre sont frappées d’inefficacité et ne donnent pas de véritables crues ; les pluies de janvier, février et mars provoquent les montées les plus fréquentes et les plus imposantes, les pluies isolées de l’hiver sont encore responsables de quelques débits relativement élevés ; le maximum absolu de juillet atteint 96 l/sec./km2 pour le Peixe et 76 pour le Buquirá ; ces valeurs restent pourtant inférieures à celles du Paraïbuna.
33b. Les étiages : En revanche les étiages sont encore un peu plus soutenus. Pendant l’hiver 1941, il n’est tombé que 120 millimètres de pluie sur les bassins du Buquirã et du rio Peixe, entre le 18 mai et le 2 septembre. Trois chutes de pluie, d’un total de 95 millimètres sont tombées avant la fin de juin et ont maintenu les débits au-dessus de 11,2 et 10,1 l/sec/km2, valeurs minima atteintes le 7 juillet. Du 7 juillet au 2 septembre, il n’y a eu que trois chutes de pluie, dont le total n’a pas atteint 30 millimètres : à la fin de cette période, les débits étaient encore de 8,7 et 7,5 l/sec/km2 (fig. 25).
34En vingt-cinq ans, les débits du rio Peixe ne sont pas descendus au-dessous de cette valeur ; le rio Buquirã a connu un autre étiage un peu plus creusé, dont le débit minimum a été de 7,9 l/sec/km2. Le minimum moyen annuel atteint 10,5 l/sec/km2 pour les deux rivières et dépasse donc, comme le minimum absolu, celui du Paraïbuna. Or les profils des rivières de la Mantiqueira sont plus tendus, l’hiver plus sec ; une autre influence vient donc renverser les conséquences de ces deux facteurs ; il s’agit, sans doute, des accumulations de débris fins aux pieds des versants et des nombreux cônes quaternaires ; par suite de la meilleure orientation des rivières par rapport à l’escarpement, par suite de la plus grande puissance de celui-ci, les nappes des pieds de versant sont mieux alimentées que celles du Paraïbuna, situées, malgré tout, sur un revers et non sur un front d’escarpement.
35Le comportement du Piagui aux périodes d’étiage montre encore mieux ce rôle des nappes de pied de versant, les seules qui peuvent alimenter ce petit torrent incisé dans la serra ; entre le 16 mai et le 12 septembre 1940, le bassin du Piagui n’a reçu que 15 millimètres de pluies ; elles n’ont donné lieu à aucun clocher dans la courbe des débits journaliers, mais ceux-ci ne sont pas tombés au-dessous de la valeur minimum de 13 l/sec./km2, à laquelle la rivière s’est maintenue pendant les 18 derniers jours (fig. 26).
36Les étiages les plus bas du Buquirá et du rio Peixe se situent pendant les mois d’août, septembre et octobre, comme ceux du Paraïbuna (cf. fig. 23 et 24). C’est au mois d’avril-mai que les minima absolus sont les plus élevés ; le débit du rio Peixe n’est jamais descendu, à cette époque, au-dessous de 15 l/sec./km2, celui du Buquirá au-dessous de 11,5 l/sec./km2. C’est au mois de mars que les jours de basses eaux sont les plus rares ; le minimum moyen de ce mois atteint 26,5 l/sec./km2, pour le Buquirá et 31,5 pour le rio Peixe ; les étiages de ce dernier sont légèrement supérieurs par suite de la pluviosité un peu plus forte sur son bassin.
37Les étiages des deux rivières obéissent, comme ceux du Paraïbuna, au jeu combiné de la répartition des pluies et de l’alimentation par la nappe, dont l’importance est encore plus nette ici et se traduit par un régime très adouci par rapport aux variations saisonnières des précipitations.
3° Variations saisonnières
38Alors que le rapport entre les pluies du mois le plus arrosé et celles du mois le plus sec atteint 12, au lieu des 6,5 du Paraïbuna, le rapport entre les moyennes mensuelles extrêmes des débits ne dépasse pas 3,2 et 3,6 contre 2,8 pour cette dernière rivière. La sécheresse plus grande de l’hiver ne pèse donc pas beaucoup dans le régime des rivières de la Mantiqueira ; l’alimentation par la nappe est suffisante pour donner à la période de juin à août, un coefficient d’écoulement apparent de 100 et 120 %.
39Les mécanismes de cette rétention dans les sols expliquent également que les hautes eaux ne commencent qu’en janvier (fig. 27 et 28) et se prolongent jusqu’en avril, malgré la brusque diminution des pluies pendant ce mois. Joints à la moindre violence des averses, ils rendent compte aussi de la faiblesse du rapport entre maximum et minimum absolu qui ne dépasse pas 30 et 34, contre 63 pour le Paraïbuna. Joints à la plus grande sécheresse de l’hiver, ils expliquent enfin que l’abondance des rivières de la Mantiqueira soit légèrement supérieure à celle des cours d’eau du revers de la serra de Mar.
40Il ne faudrait pourtant pas prendre le Buquirá et le rio Peixe pour de calmes rivières de plaine : leurs moyennes mensuelles résultent de jours de hautes et de basses eaux séparés par une différence nette (fig. 29 et 30) ; au mois de février la différence entre le maximum et le minimum moyen atteint 73 litres pour le rio Peixe et 75 pour le Buquirá. Même au mois d’août, malgré la faiblesse des précipitations, cette différence est encore de 9 pour les deux rivières. Ces valeurs, qui montrent une violence pourtant toute relative, sont bien supérieures à celles qui caractérisent les rivières de la dépression du Paraïba supérieur.
C. Les rivières de la dépression entre serra do mar et serras de quebra cangalha et jambeiro
41C’est le domaine de la « mer de morros », de ces collines aux pentes raides et aux sommets arrondis où la roche est altérée sur une grande épaisseur ; quelques lambeaux de forêt subsistent ici et là. Le rio Peixe I, petit affluent du Paraïbuna inférieur, est la seule rivière, entièrement située dans ce cadre, que les mesures hydrométriques nous permettent d’étudier. Il prend sa source à 1.000 mètres d’altitude et coule pendant 25 kilomètres dans une vallée étroite, serrée entre les collines, avec une pente moyenne de 13 mètres par kilomètre, ; il draine un bassin de 230 kilomètres carrés.
42Nous compléterons son étude par l’analyse du comportement du Paraïtinga en amont de São Luis : celui-ci naît à une altitude beaucoup plus forte, dans la serra de Bocaïna, aux alentours de 1.800 mètres d’altitude, mais, après une brève descente de 30 kilomètres, avec une pente moyenne très forte, il atteint la zone des collines, où il coule jusqu’à Sâo Luis, pendant près de 90 kilomètres, avec une pente moyenne de 3 mètres par kilomètre. Il draine, en amont de ce poste, un bassin d’une superficie totale de 1.870 kilomètres carrés.
43Cette zone des collines entre serra do Mar et serras de Quebra Cangalha et Jambeiro est, avant tout, caractérisée par la faiblesse relative des précipitations. Le bassin du rio Peixe I ne reçoit en moyenne que 1.345 millimètres de pluie par an, celui du Paraïtinga 1.520 millimètres malgré les reliefs élevés du cours supérieur. Ces pluies tombent en général de façon peu violente : nous n’y avons repéré qu’une chute de pluie de plus de 100 millimètres en vingt-quatre heures, entre 1930 et 1955 : les fortes averses du revers immédiat de la serra do Mar n’arrivent que très atténuées dans la région des collines : la trombe d’eau de 280 millimètres, qui avait donné à l’Ipiranga son débit maximum de plus de 2.400 l/sec./km2, n’a déversé que 60 millimètres sur le bassin du rio Peixe I. Ces conditions pluviométriques font que les rivières de cette zone sont calmes et peu abondantes.
1° Crues et étiages
44On peu à peine parler de crue, tant les débits relatifs de pointe restent modestes. Ces rivières connaissent bien de brusques montées, mais par suite de la faiblesse quantitative des averses, les débits ne dépassent que très exceptionnellement 100 l/sec/km2. Entre 1935 et 1955, le rio Peixe I n’a connu qu’un débit journalier supérieur à cette valeur : il correspond à une chute de pluie de 120 millimètres en vingt-quatre heures, valeur également unique pour cette période : le débit maximum a atteint 197 l/sec/km2 ; ce débit exceptionnel mis à part, le maximum absolu de la période ne dépasse pas 83 l/sec/km2. De novembre à mars, les débits maxima mensuels ont dépassé, au moins une fois, 60 l/sec/km2 : d’avril à octobre ils n’ont jamais atteint 40 l/sec/km2 ; ils sont même restés en dessous de 20 l/sec/km2 dans les mois de mai, juillet, août et septembre. Ces valeurs sont très faibles pour une petite rivière dont le bassin n’excède pas 230 kilomètres carrés (fig. 31).
45Entre 1930 et 1955, le Paraïtinga, de même, n’a pas connu de débits très imposants : le maximum absolu ne dépasse pas 116 l/sec/km2. Seuls les mois de décembre à avril ont enregistré des débits supérieurs à 60 l/sec/km2. Les maxima absolus des mois de mai à novembre sont tous compris entre 20 et 30 l/sec/km2 (fig. 32).
46C’est avant tout à la modération des averses qu’il faut imputer ce calme relatif des rivières de la zone des collines : les coefficients d’écoulement rapide, en effet, ne sont pas plus modestes que pour le Paraïbuna ou le Buquirá ; ils sont même relativement plus forts ; en janvier 1939, par exemple, il a suffi d’une averse de 70 millimètres pour donner à la courbe des débits du Paraïtinga un clocher représentant 24 % de cette eau ; en mars 1940, le rio Peixe a écoulé, en quatre jours, 16 % de l’eau d’une averse de 50 millimètres. La rétention dans les sols, loin d’être plus grande que sur le bord des serras, semble au contraire plus faible, à en juger par les étiages.
47Le minimum absolu du rio Peixe, avec 2,7 l/sec/km2 reste très inférieur à celui du Buquirá, dont le bassin n’est pas beaucoup plus grand et la pente bien plus forte. Il faut y voir, avant tout, l’influence de la faiblesse générale des précipitations ; cette explication n’en est pas moins insuffisante.
48Le Paraïtinga, avec une pluviosité légèrement supérieure, conserve des étiages bien plus soutenus : le minimum absolu atteint 5,3 l/sec/km2. En amont de Sâo Luis, au poste de Cunha, il est même de 6,5 l/sec/km2, à un moment où la partie montagneuse du bassin à une importance relative plus grande par rapport à la partie des collines. Cette dernière zone semble donc moins apte à soutenir les étiages que les bords des serras. Deux raisons peuvent en être données : l’altitude moyenne d’une part est plus faible, donc les températures plus élevées ; le morcellement du relief supprime, d’autre part, ces accumulations de bas versants qui sur le bord des serras favorise la constitution de grandes réserves souterraines. Il faut sans doute y ajouter aussi une certaine influence des ravinements anthropiques, qui ont diminué l’épaisseur du manteau d’altération.
49Tous ces facteurs font que les minimas mensuels absolus et moyens du rio Peixe varient peu au cours de l’année ; la saison des pluies ne provoque qu’une modeste augmentation de l’alimentation par la nappe (fig. 31) : les pluies d’été sont trop peu abondantes pour franchir le cap à partir duquel l’évaporation n’augmente plus que faiblement en fonction de la pluviosité ; peu efficaces, elles possèdent d’autre part un coefficient d’écoulement rapide relativement fort ; il en résulte une augmentation assez faible du débit de la nappe. Les pluies d’hiver, qui s’ajoutent à celui-ci, sont suffisantes pour maintenir les étiages à des valeurs sensiblement égales, vu la faible quantité d’eau que cela représente. L’alimentation par la nappe est donc moins abondante, mais plus régulièrement continue que dans les rivières des montagnes bordières. Le Paraïtinga dont le bassin est à cheval sur ces deux zones a des minima mensuels en général plus abondants mais plus différents les uns des autres, selon les saisons ; son régime est également un peu plus contrasté (fig. 32).
2° Variations saisonnières
50La faiblesse des crues d’été et la régularité de l’alimentation par la nappe font que la courbe des débits mensuels du rio Peixe I est très adoucie et que le rapport entre les moyennes mensuelles extrêmes n’excède pas 2,5 pour un rapport de 9 entre le mois le plus pluvieux et le mois le plus sec (fig. 33). Aux hautes eaux de janvier à avril, avec un maximum en février, succèdent des basses eaux de mai à décembre, sans que le débit mensuel s’abaisse au-dessous de 66 % du débit moyen annuel. Malgré les faibles dimensions du bassin, les courbes des maxima et minima moyens mensuels sont peu écartées : l’écart le plus grand, au mois de mars, ne dépasse pas 30 litres ; l’écart le plus faible, en août, n’atteint pas 3 litres (fig. 34).
51Le Paraïtinga ne diffère guère de ce schéma : l’écart maximum est de 33 litres en février, l’écart minimum de 3,5 litres en août. Ces chiffres, pourtant, concernent un bassin huit fois plus grand et sont donc relativement plus forts (fig. 35). Comme ceux du rio Peixe, les débits mensuels moyens du Paraïtinga marquent un maximum, ici plus accentué, en février (fig. 36) : la partie supérieure du bassin, déjà située dans la zone à maximum pluviométrique de décembre, aboutit, pour l’ensemble du bassin, à un apport pluvial d’été assez abondant et étalé sur trois mois ; les débits mensuels s’élèvent régulièrement d’un mois à l’autre pour atteindre un maximum net en février, où les pluies de la fin de l’été rencontrent le plus souvent de bonnes conditions d’efficacité, par suite de la saturation des sols. Cette efficacité de la fin de l’été ne pèse pourtant pas beaucoup dans le bilan annuel ; le Paraïtinga et le rio Peixe I sont des rivières peu abondantes.
3° Abondance annuelle
52Avec un module relatif de 8,9 l/sec/km2, le rio Peixe I n’écoule pendant l’année que 21 % des 1.345 millimètres qui tombent sur son bassin : le déficit atteint donc 1.065 millimètres et se trouve être presque égal à celui du bassin du Buquirá qui reçoit pourtant près de 1.900 millimètres de pluies par an. Il est égal à celui du Paraïtinga, qui ne dépasse pas 1.070 millimètres, malgré la pluviosité de 1.520 millimètres. Le Paraïtinga occupe, ici encore, une place intermédiaire entre les cours d’eau des serras et ceux des collines.
53Malgré ces différences, toutes ces rivières ont un trait commun : leur régime est caractérisé par un maximum de février et un minimum d’août. Toutes, d’autre part, ont des déficits d’écoulement qui se situent aux alentours de 1.100 millimètres, quel que soit l’apport pluvial. Dans cette zone, en effet, la pluviosité augmente en fonction du relief ; par la violence accrue des averses, par le changement des conditions d’altitude et de constitution des réserves souterraines, celui-ci rend les pluies des escarpements relativement plus efficaces que les pluies de la dépression intermédiaire : les coefficients d’écoulement grandissent donc rapidement lorsque la pluviosité augmente : il en résulte que les déficits restent presque constants.
54Nous arrivons ainsi à une conclusion apparemment inverse de celle qui découlait de l’étude du Jacui-Taquari. En fait, les conditions topographiques ne sont pas exactement comparables : les morros du rio Peixe I sont des reliefs beaucoup plus vigoureux que les douces collines de l’Ibirapuitã ; les serras, au moins dans leurs parties moyennes et inférieures conservent des accumulations de roches décomposées infiniment plus épaisses que la zone disséquée du plateau méridional. L’influence directe des variations du cadre topographique est atténuée dans le haut Paraïba, par ce rôle du manteau d’altération, tandis que les mécanismes de la pluviosité donnent une grande importance à son influence indirecte ; celle-ci, en augmentant la violence des averses et en diminuant le pouvoir de l’évaporation, aboutit à un résultat inverse : dans les limites d’une même répartition saisonnière des pluies, les bassins reçoivent des pluies d’autant plus efficaces que leurs reliefs sont plus vigoureux.
55Pourtant, dans cette région tropicale atlantique aux sols très profonds, ce sont les changements de répartition saisonnière des pluies qui apparaissent comme le facteur primordial de variation de l’efficacité des pluies. A conditions égales de relief, les rivières de la rive gauche du Paraïba inférieur sont nettement plus abondantes, pour une même pluviosité annuelle, que les rivières de la partie supérieure et moyenne du bassin : elles sont soumises à une autre répartition saisonnière des pluies.
II. Types do rivières dans la zone à maximum pluviométrique « le décembre et à saison sèche accentuée
56Ces rivières coulent dans un cadre topographique qui, à l’inverse de ce qui est. devrait leur donner, à pluviosité égale, des coefficients d’écoulement plus faibles que dans le haut Paraïba : l’altitude moyenne tombe à 450-500 mètres au lieu de 700-800, les températures moyennes annuelles atteignent 21-22° au lieu de 18-19°. Malgré cela, le rio Pomba, à Padua, a un coefficient d’écoulement de 41 %, pour un total pluviométrique annuel de 1.375 millimètres ; le rio Muriaé, un coefficient de 38 %, pour 1.340 millimètres. Ces valeurs sont très supérieures à celles des rivières du haut Paraïba : quatre facteurs semblent pouvoir expliquer cet apparent paradoxe.
A. Facteurs généraux de l’efficacité des pluies
57Malgré la température plus basse de l’hiver, les pluies dispersées et peu violentes de cette « saison sèche », sont presque toujours frappées d’une grande inefficacité : dans le coefficient annuel de l’écoulement, elles jouent donc un rôle inverse de leur importance ; or elles sont nettement plus faibles ici que dans le haut Paraïba : les pluies de la période mai-août ne représentent que 6 à 7 % du total annuel dans les bassins du rio Pomba et du rio Muriac, alors qu’elles atteignent 10 à 13 % dans le haut Paraïba.
58La saison des pluies, d’autre part, n’a pas exactement la même structure : les pluies du mois de décembre sont proportionnellement plus abondantes ici, puisque c’est le mois du maximum : elles représentent 40 à 45 % du total de la période décembre-février, contre 30 à 35 % dans le haut Paraïba. Or, la température du mois de décembre est toujours plus faible que celle des mois de janvier-février : les pluies de la période décembre-février sont donc d’autant plus efficaces que la part du mois de décembre est plus grande, deuxième facteur qui favorise les rivières de la deuxième zone par rapport à celles du haut Paraïba.
59Ce maximum de décembre, d’un autre côté, est plus net que le maximum de janvier de la première zone ; il atteint 20 à 23 % du total annuel alors que le maximum de janvier n’en représente que 16 à 17 % : ces pluies plus groupées, dans un mois moins chaud, prennent une efficacité plus grande.
60Un dernier facteur peut expliquer que les coefficients d’écoulement soient relativement plus forts dans la deuxième zone : à pluviosité annuelle égale, les chutes de pluies sont plus violentes, pendant l’été, que dans le haut-Paraïba : nous avons pu noter un assez grand nombre de chutes de pluies de plus de 100 millimètres en 24 heures ; certaines atteignent même 150 et 175 millimètres.
61Bref, l’apport pluvial de la zone à maximum pluviométrique de décembre et à saison sèche accentuée, possède une efficacité d’un autre ordre que celle du haut-Paraïba : sur les graphiques où les coefficients d’écoulement varient en fonction de la pluviosité, les rivières de cette zone s’alignent le long d’une droite grossièrement parallèle à celle des rivières du haut-Paraïba, mais avec un décalage très net (cf. fig. 53). Les déficits d’écoulement, comme dans le haut-Paraïba, ne varient guère lorsque la pluviosité augmente, mais ils se situent autour de 800-850 millimètres au lieu de 1.050-1.100.
62Ce n’est pas, comme dans le Brésil subtropical, un comportement moins contrasté des rivières qui peut expliquer cette plus grande efficacité : les rapports entre maxima et minima absolus atteignent au contraire, des valeurs supérieures : ces rivières restent relativement violentes, avec des crues fortes et subites et des étiages un peu plus creusés que dans le haut-Paraïba.
63Des différences internes apparaissent pourtant dans ces rivières que le régime pluviométrique groupe dans une même catégorie générale. Selon les conditions de relief, leurs étiages sont plus ou moins soutenus et des différences secondaires apparaissent dans leur abondance moyenne.
B. Types de rivières
64Le rio Pomba, dont le bassin supérieur draine une partie du haut plateau peu disséqué qui borde la partie orientale de la serra da Mantiqueira est plus abondant et moins contrasté que le rio Muriaé dont le bassin est presque entièrement situé dans la région des collines.
1° Abondance du rio Pomba en amont de Padua
65Le rio Pomba, à Padua, draine un bassin de 8.320 kilomètres carrés ; il prend sa source dans les hauteurs de la serra da Mantiqueira, à environ 1.100 mètres d’altitude. Dans son cours supérieur, en pente raide, il draine une région de crêtes aux formes lourdes, parfois couvertes de quelques forêts. Une zone de collines leur succède, en aval, avec des altitudes qui passent de 700 à 300 mètres en allant vers l’aval. Le profil de la rivière y est beaucoup moins tendu que vers les sources, mais la pente générale reste supérieure à 4 mètres par kilomètre. Sur sa rive droite, le rio Pomba reçoit des affluents importants comme le rio Formoso et le rio Novo, qui drainent une région de topographie beaucoup plus douce : un véritable plateau, faiblement ondulé, d’une altitude moyenne de 800-900 mètres, dominé, parfois, par quelques longues crêtes rectilignes (fig. 41). Ce paysage appartient à la zone qui couvre l’ensemble du bassin supérieur du Paraïbuna II, premier grand affluent du Paraïba inférieur.
66Sur le bassin du rio Pomba, il tombe en moyenne 1.370 millimètres de pluie par an ; la région des collines ne compte guère que 1.150 millimètres, tandis que la zone de plateau sur la rive droite reçoit plus de 1.500 millimètres.
67Ces pluies sont dotées d’une grande efficacité, puisque, à Padua, le coefficient d’écoulement du Pomba atteint 41 % malgré la faible pluviosité et que le déficit annuel ne dépasse pas 805 millimètres. Cette abondance correspond non seulement aux facteurs généraux d’efficacité des pluies que nous venons d’analyser, mais à des causes particulières qui font du rio Pomba l’un des cours d’eau les plus abondants de cette zone, avec un module relatif de 18,1 l/sec/km2. Seul le Paraïbuna II semble le dépasser.
68Le rio Pomba doit son abondance à des étiages très soutenus, malgré la rigueur de la saison sèche : le minimum annuel moyen atteint 6,8 l/sec/km2 ; le coefficient d’écoulement apparent de la période juin-août 162 % ! Ces deux indices sont beaucoup plus faibles dans le bassin du rio Muriaé, entièrement situé dans la zone des collines et ne dépassent pas 3,6 l/sec/km2 et 103 %. Au contraire, le minimum moyen du rio Paraïbuna II, qui ne draine que la zone de plateau, atteint 9,3 l/sec/km2. C’est donc aux différences de relief qu’il faut attribuer ces variations internes de l’efficacité des pluies dans la région à maximum pluviométrique de décembre et à saison sèche accentuée. Les pluies du haut plateau sont plus efficaces non seulement parce que l’altitude diminue le pouvoir de l’évaporation, mais parce que le relief, moins disséqué, favorise la constitution de plus grandes réserves souterraines, soit dans les sols des plateaux, soit dans les accumulations de pied de versant des crêtes rectilignes qui le surmontent. Ce grand rôle des sols se marque aussi bien dans la répartition saisonnière des étiages et des crues que dans le régime même de la rivière.
69a. Répartition des étiages et des crues (fig. 38) : alors que la pluviosité qui atteint 290 millimètres en décembre, ne dépasse pas 160 millimètres en mars et 74 en avril, c’est au mois de février-mars que le minimum moyen est le plus élevé, avec 16 l/sec/km2 et au mois d’avril que le minimum absolu culmine ; la rivière n’est pas descendue, pendant ce mois, au-dessous de 7,5 l/sec/km2, entre 1930 et 1955.
70Les crues, de la même façon, conservent leur violence pendant les mois de février et mars, malgré la diminution des pluies : le maximum absolu reste aux alentours de 140 l/sec/km2, de décembre à mars. La rétention dans le sol diminue, en effet, l’efficacité directe des pluies de décembre, plus abondantes, tandis que la saturation l’augmente en février-mars.
71Les débits relatifs de ces crues sont, pour cette région, assez élevés : le rio Pomba est sujet à des montées rapides, malgré le grand pouvoir de rétention des sols : en décembre 1937, une période de trois jours de pluie, qui a déversé un total de 100 millimètres sur le bassin a suffi pour faire passer en deux jours le débit du Pomba de 26 à 70 l/sec/km2 et pour le maintenir à cette valeur pendant cinq jours. Le coefficient d’écoulement rapide a atteint 27 % malgré la faible intensité de la pluie, par suite du débit-départ élevé de la rivière. Ce rôle de la saturation préalable des sols sur l’efficacité directe des pluies se traduit par un décalage sensible entre la courbe de la pluviosité mensuelle et la courbe des coefficients mensuels de débit (fig. 39).
72b. Variations saisonnières : au maximum pluviométrique très marqué du mois de décembre, correspond un maximum hydrologique étalé sur le mois de janvier et février. Les hautes eaux ne commencent qu’en décembre, malgré les pluies déjà abondantes d’octobre et de novembre (123 et 172 mm) et se prolongent jusqu’en avril. Le minimum ne se place plus en août, comme dans le haut-Paraïba, mais en septembre : la saison sèche plus rigoureuse épuise les réserves souterraines au point que les premières pluies d’août et de septembre ne suffisent pas à relever le débit moyen de ce dernier mois.
73A ce décalage entre la pluviosité et l’écoulement correspond un adoucissement considérable des contrastes, en passant de l’un à l’autre : alors que le rapport entre les pluies du mois le plus arrosé et les pluies du mois le plus sec atteint 24, le rapport entre les moyennes mensuelles extrêmes de la rivière ne dépasse pas 3,9 : il est à peine supérieur à celui des rivières du haut-Paraïba, où les contrastes de la pluviosité sont beaucoup plus faibles : c’est une preuve supplémentaire de la faible efficacité des pluies d’hiver. Il faut pourtant y ajouter ici l’influence exceptionnelle de l’alimentation par la nappe, comme le montre la comparaison avec le rio Muriaé.
74Le rio Pomba n’est pas, pour cela, une rivière calme : maxima et minima moyens mensuels s’écartent de façon considérable pendant les mois d’été (fig. 40). C’est en décembre que l’écart est le plus grand et qu’il atteint 60 litres : les minima sont encore bas, faute de saturation des sols, tandis que les maxima culminent par suite de l’intensité des pluies pendant ce mois. Progressivement les minima prennent le pas sur les maxima dans la constitution de la moyenne mensuelle : en février, l’écart tombe à 42 litres. Par suite de la rigueur de la saison sèche, les écarts pendant l’hiver restent très faibles et la courbe des moyennes mensuelles suit fidèlement celle des minima moyens : ici, plus encore que dans le haut-Paraïba, l’hiver ne peut compter que sur l’alimentation par la nappe. Lorsque celle-ci est moins abondante, la courbe des débits mensuels se creuse davantage : c’est ce qui se passe pour le rio Muriaé.
2° Le rio Muriaé en amont d’Itaperuna
75Le rio Muriaé, dernier affluent de la rive gauche du Paraïba, prend sa source au pied d’une petite crête N.S., qui culmine à 900 mètres. Dès le début de son cours il draine un bassin formé de « morros » aux pentes raides, le long desquels apparaissent parfois quelques versants rocheux. En aval, le relief s’adoucit et la rivière coule au milieu de collines dont l’altitude dépasse rarement 400 mètres. La pente moyenne de la rivière, en amont d’Itaperuna, n’excède pas 2,4 mètres par kilomètre ; mais le rio Muriaé reçoit sur sa rive gauche deux affluents importants, les rios Gloria et Carangola, dont les profils sont bien plus tendus et qui drainent une région de relief beaucoup plus contrasté, fait de pitons rocheux, de petites serras disséquées, de morros aux pentes raides dont les altitudes atteignent 1.000 mètres. Quelques taches de forêt apparaissent au pied des versants. A aucun moment on ne retrouve le paysage de haut plateau qui dominait sur la rive droite du cours supérieur du rio Pomba (fig. 41).
76Ce bassin du rio Muriaé, en amont d’Itaperuna, s’étend sur 5.690 kilomètres carrés et reçoit en moyenne 1.340 millimètres de pluie par an, sans qu’il y ait de contrastes spatiaux notables : les 755 kilomètres carrés du bassin de Carangola en amont de la ville du même nom, ne reçoivent que 1.363 millimètres de pluies par an, malgré la vigueur plus grande du relief.
77Tout en restant dans les « normes » de la zone pluviométrique à laquelle elles appartiennent, ces pluies sont moins efficaces que celles du bassin du rio Pomba : pour une pluviosité annuelle à peu près égale, les coefficients d’écoulement des rio Muriaé et Carangola ne dépassent pas 38 et 38,5 % ; les déficits atteignent 835 et 840 millimètres : ces rivières sont donc moins abondantes que le Pomba et leur module spécifique n’excède pas 16,5 l/sec/km2. Cette faiblesse relative de l’abondance moyenne correspond à des crues un peu plus violentes et surtout à des étiages plus creusés que ceux du rio Pomba : morcellement plus grand du relief, altitude moyenne plus faible et distribution spatiale plus régulière des pluies se combinent pour aboutir à ce résultat.
78a. Crues et étiages (fig. 42) : le maximum absolu du rio Muriaé atteint 170 l/sec/km2 et se situe en décembre ; dès le mois de janvier les maxima diminuent ; ils obéissent donc plus directement à la répartition générale des pluies, ce qui incite à conclure que les sols ont une influence moindre que dans le bassin du rio Pomba. Cette différence n’est pourtant que très relative et le déroulement des crues reste conforme au schéma général de la région. Suivons deux crues successives du rio Carangola : en janvier 1939, une chute de pluie de 142 millimètres en 4 jours a donné un débit de pointe de 107 l/sec/km2, suivi d’une lente décrue. Survient alors une deuxième chute de pluie de 101 millimètres en un jour : le débit de pointe ne dépasse pas 1111 l/sec/kmz ; il est suivi d’une longue période de diminution presque insensible des débits ; les coefficients d’écoulement rapide n’ont pas dépassé 32 et 35 % (fig. 43). Comme dans le haut-Paraïba, les chutes de pluies, si violentes soient-elles, sont en partie absorbées par les sols qui brisent la courbe des débits en deux parties séparées et réduisent d’autant la part du « clocher ». Lorsque l’intensité de la pluie est faible et qu’elle tombe sur une rivière en débit d’étiage, le clocher disparaît presque entièrement : en mars 1939, 84 millimètres de pluie, tombés en 4 jours, n’ont donné qu’un coefficient d’écoulement rapide de 4 %.
79Les étiages, pourtant, se creusent davantage que ceux du rio Pomba. Le minimum annuel moyen ne dépasse pas 3,6 l/sec/km2 pour le rio Muriaé et 3,8 pour le rio CaranCaran-gola ; pour des pluies égales, le coefficient d’écoulement apparent de la période juin-août ne dépasse plus 103 et 135 %. La place intermédiaire du rio Carangola suggère qu’il y a une influence de la température, car l’altitude moyenne du bassin de cette rivière est également intermédiaire entre celle du Pomba et celle du rio Muriaé. Cette influence se combine avec une moindre capacité de rétention des sols : les minima mensuels moyens du rio Muriaé culminent en janvier et s’abaissent régulièrement jusqu’en octobre : le minimum de ce mois ne représente que 28 % de celui de janvier, alors que les minima du Pomba culminaient en février-mars et que le minimum d’octobre représentait encore 45 % de celui de mars. Les courbes de tarissement du Carangola nous montrent que pendant des périodes de 40 à 60 jours rigoureusement privées de pluies, la nappe est capable de maintenir la courbe des débits à une position subhorizontale, mais à des valeurs qui varient assez considérablement selon la place de cette période sèche par rapport à la saison des pluies (fig. 44).
80Cette capacité plus faible de la nappe se traduit par un régime qui se rapproche davantage de la répartition saisonnière des pluies.
81b. Régime du rio Muriaé (fig. 45) : au maximum pluviométrique de décembre correspond un maximum hydrologique de janvier ; dès le mois de février le débit moyen est nettement plus faible. Le rapport entre les moyennes mensuelles extrêmes atteint 5,1, alors que les contrastes pluviométriques sont un peu plus faibles que dans le bassin du rio Pomba et que le rapport entre les pluies du mois le plus arrosé et celles du mois le plus sec n’excède pas 17,5.
82Les écarts entre maxima et minima mensuels moyens, dans le cours de la saison des pluies, restent pourtant assez semblables à ceux du rio Pomba (fig. 46) : 63 litres en décembre, 46 en février. Malgré les différences secondaires que nous avons pu noter, ces rivières n’en appartiennent pas moins au même type général, commandé par le régime pluviométrique. Bien que les pluies d’hiver soient un peu moins rares, ce régime reste assez semblable lorsque nous franchissons le bas-Paraïba et étudions les affluents de sa rive droite.
III. Comportement des rivières dans la zone à maximum pluviométrique de décembre avec pluies d’hiver moins déficientes
83Cette zone correspond à peu près au bassin de la rive droite du Paraïba en aval de Resende ; elle est formée par le revers disséqué de la serra do Mar. La plupart des eaux s’écoulent dans deux rivières principales : les rios Piabanha et Dois Rios. Dans le bassin du Piabanha le relief est particulièrement vigoureux ; la serra do Mar qui culmine vers 1.100-1.200 mètres est surmontée de quelques pics rocheux beaucoup plus élevés. A moins de 70 kilomètres en aval, le Piabanha se jette dans le Paraïba à 270 mètres d’altitude. Sa pente moyenne très forte (15 mètres par kilomètre) se décompose, en fait, en zones de chutes et rapides séparés par des paliers en pente plus douce. Il reçoit sur sa droite un affluent presque aussi abondant que lui-même, le rio Preto dont le profil, encore plus tendu, est affecté des mêmes ressauts. Les bassins sont formés, à l’amont, de crêtes aux sommets parfois rocheux, au pied desquelles les deux rivières coulent en véritables torrents ; vers l’aval, les crêtes cèdent la place à des collines aux pentes raides.
84La rivière Dois Rios, a une pente générale plus faible, de 5-6 mètres par kilomètre, car elle coule obliquement par rapport à la crête de la serra do Mar. Dans sa partie supérieure, elle est formée de plusieurs petits cours d’eau, en pente assez forte ; le rio Grande, par exemple, prend sa source à 1.100 mètres d’altitude et descend jusqu’à Bom Jardim, avec une pente moyenne de 9,5 mètres par kilomètre, qui cache des zones de chutes séparées par de véritables petites plaines intérieures. En aval de cette partie supérieure le bassin du Dois Rios devient très dissymétrique ; sur sa rive droite, la rivière draine les pentes très raides du revers de la serra do Mar tandis que sur sa rive gauche elle reçoit des affluents qui viennent d’une région de collines aux pentes douces et aux altitudes médiocres.
85La pluviosité dans cette zone de la rive droite du bas Paraïba est caractérisée par une diminution rapide du total annuel en allant du sommet de la serra do Mar vers le fleuve lui-même. C’est au niveau du Piabanha que cette distribution spatiale offre le contraste le plus grand ; à sa source il reçoit plus de 2.100 millimètres de pluies par an ; dans son cours inférieur, moins de 1.100 millimètres. En revanche, c’est au niveau du bassin du Dois Rios que la saison sèche est la mieux marquée : les pluies de mai à août forment 10 % du total annuel dans le bassin du Piabanha et moins de 8,5 % dans celui du Dois Rios. Le maximum pluviométrique mensuel, toujours situé en décembre est plus net dans ce dernier bassin que dans celui du Piabanha. Ces différences se compensent à peu près et donnent des abondances de même valeur relative.
A. Abondance moyenne
86Sur les 3.260 kilomètres carrés de son bassin, le rio Dois Rios reçoit en moyenne 1.265 millimètres de pluie par an, dont 34,5 % s’écoulent ; le déficit est donc de 825 millimètres. Le Piabanha, pour sa part, écoule 41 % des 1.490 millimètres qui tombent sur son bassin de 2.215 kilomètres carrés. Le déficit y est donc de 875 millimètres. Ces valeurs restent très proches de celles qui caractérisaient les rivières (le la rive gauche ; certains facteurs d’efficacité s’y retrouvent, en effet : place et intensité du maximum pluviométrique, violence des chutes de pluie. En revanche, l’hiver est moins sec ; mais ce facteur d’inefficacité est compensé par la distribution spatiale des pluies qui donne une grande prédominance aux parties élevées des bassins, où l’évaporation est moindre. Les coefficients et déficits des petits cours d’eau de cette zone élevée le montrent : le rio Grande, à Bom Jardim écoule 45 % des 1.560 millimètres qui tombent sur son bassin de 680 kilomètres carrés, le coefficient d’écoulement du rio Preto à Sobradinho atteint 45,5 % pour un bassin de 740 kilomètres carrés et une pluviosité de 1.635 millimètres. Malgré l’augmentation du total pluviométrique, les valeurs des déficits restent de même ordre que pour le Dois Rios et le Piabanha, avec 840 et 885 millimètres. Pentes raides et fortes crues n’empêchent pas ces rivières d’être abondantes et de conserver, en particulier, des étiages très soutenus : ici encore les sols atténuent les contrastes pluviométriques, en particulier dans ces petites plaines intérieures qui correspondent aux paliers du profil, entre les zones de chutes et de rapides.
B. Crues et étiages (fig. 47)
87Les cours supérieurs des rivières de cette région connaissent des crues subites et violentes, par suite de la vigueur du relief environnant et de la force des averses. Le maximum absolu du rio Preto à Sobradinho atteint 340 l/sec/km2, celui du rio Grande à Bom Jardim est de 265 l/sec/km2 ; ces crues s’atténuent dans la partie aval, où les averses perdent de leur violence et le relief de sa vigueur : le maximum absolu du Dois Rios à son embouchure n’est plus que de 198 l/sec/km2 ; le Piabanha n’atteint même pas cette valeur à Moura Brasil : son maximum absolu ne dépasse pas 174 l/sec/km2, bien que les pluies soient plus abondantes et plus violentes sur son bassin. Cette faiblesse relative des crues du Piabanha s’explique par la configuration de son réseau hydrographique : l’onde de crue du rio Preto qui draine presque la moitié du bassin arrive toujours à la confluence après l’onde de la partie amont du Piabanha, par suite du coude qu’il fait avant de se jeter dans celui-ci. Pendant la crue de décembre 1937, par exemple, le maximum, au niveau de la confluence a eu lieu le 17 décembre, avec un débit de 240 l/sec/km2, pour la partie amont du Piabanha et le 18 décembre pour le rio Preto, avec un débit de 305 l/sec/km2. En aval de la confluence, à Moura Brasil, la crue s’est caractérisée par un maximum étalé sur le 17 et le 18 décembre avec des débits de 161 et 173 l/sec/km2.
88Ces crues violentes n’empêchent pas les sols de se gorger d’eau pendant la saison des pluies et de permettre ainsi aux étiages de rester soutenus pendant la saison sèche : le minimum annuel moyen reste de 5,2 l/sec/km2 pour le Dois Rios et de 5,5 l/sec/km2 pour le Piabanha. Les petits cours d’eau du cours supérieur, malgré leur forte pente, ont des minima plus élevés : 6,8 pour le rio Grande et 8,2 pour le rio Preto. Ce n’est pas l’abondance plus grande des pluies d’hiver qui explique que ces étiages soient plus soutenus, mais l’importance plus grande de l’alimentation par la nappe : le coefficient d’écoulement apparent de la période juin-août, qui ne dépasse pas 90 et 97 % pour le Dois Rios et le Piabanha, atteint, en effet, 105 et 109 % pour le rio Grande et le rio Preto : la température moyenne plus faible s’ajoute à l’influence de ces petites plaines intérieures, qui constituent autant de réservoirs souterrains pour la rivière.
89Cette influence est plus sensible pour le Dois Rios que pour le Piabanha : malgré des pluies plus abondantes, une saison sèche moins accentuée, les étiages du Piabanha ne sont pas plus soutenus que ceux du Dois Rios : les minima mensuels moyens qui atteignent 18 l/sec/km2 en février-mars, diminuent très vite et ne dépassent pas 6 l/sec/km2 en septembre. Les minima du Dois Rios, sont, au contraire, beaucoup plus stables : ils ne dépassent pas 12,5 l/sec/km2 en février-mars, mais ne descendent pas au-dessous de 5,5 l/sec/km2 en septembre.
90Ce rôle plus important de la nappe, dans le bassin du Dois Rios, compense la rigueur plus grande de la saison sèche : Dois Rios et Piabanha ont des régimes très semblables.
C. Variations saisonnières (fig. 49 et 50)
91Hautes eaux de décembre à avril, maximum peu marqué de janvier, rapport de 3,8 entre les moyennes mensuelles extrêmes caractérisent les régimes des deux rivières, mais cela correspond à un rapport de 14,5 entre le total du mois le plus arrosé et le total du mois le plus sec pour le Dois Rios et de 11,5 seulement pour le Piabanha.
92De ce fait, le Piabanha est un peu plus violent que le Dois Rios : la différence entre le maximum et le minimum moyen atteint 75 litres pour le mois de décembre et 6 pour le mois d’août, contre 66 et 3 pour le Dois Rios (fig. 51 et 52).
93Toutes ces valeurs restent très voisines de celles qui caractérisent les rivières de la rive gauche et l’opposition majeure reste celle qui sépare les rivières du haut-Paraïba, à maximum pluviométrique de janvier de celles du bas Paraïba, à maximum pluviométrique de décembre. Sur les graphiques généraux de variation des coefficients et déficits en fonction de la pluviosité, ce sont deux droites de tendance qui s’observent et qui correspondent à cette opposition majeure. A peine peut-on remarquer que les points du Piabanha et du rio Preto sont légèrement décalés vis-à-vis des autres rivières de ce type (fig. 53).
94A travers tout le bassin du Paraïba, les minima moyens annuels augmentent également en fonction de la pluviosité, mais cette tendance générale se marque sur le graphique par un faisceau très large (fig. 54). Les conditions de relief et de terrain expliquent la plupart des variations secondaires : en bas du faisceau, nous trouvons trois points groupés : ils correspondent aux trois rivières qui coulent dans un cadre topographique de collines : rio Peixe I, rio Carangola, rio Muriaé. En haut du faisceau, un seul point reste isolé : c’est celui du rio Pomba dont une partie du bassin appartient à la zone de plateau non disséqué. Au milieu du faisceau, enfin, les points s’alignent grossièrement, montrant une relation plus nette entre l’augmentation du minimum et l’augmentation de la pluviosité ; ils correspondent aux rivières dont les bassins supérieurs s’inscrivent dans une zone de montagne ; deux points s’écartent pourtant un peu plus nettement de cette droite : nous avons déjà expliqué la faiblesse des minima dans le Paraïbuna I ; dans le bassin du Piabanha, celle-ci résiste à l’explication, dans l’état actuel de notre documentation.
95Il faut remarquer qu’il n’y a pratiquement pas d’influence de la grandeur des bassins sur les variations des coefficients, déficits et minima annuels moyens : les bassins des rivières dont nous venons de comparer les indices ont des superficies qui varient entre 230 et 8.320 kilomètres carrés sans qu’il y ait de relation entre cette variation et celle des indices étudiés.
96Les maxima annuels moyens, eux-mêmes, ne dépendent que faiblement de la grandeur du bassin, exception faite des bassins élémentaires de moins de 100 kilomètres carrés où les maxima sont beaucoup plus élevés. Pour les autres rivières, les maxima annuels moyens dépendent essentiellement de la violence des averses : ils se situent entre 115 et 200 l/sec/km2 pour les rivières du revers de la serra do Mar où les averses peuvent être très fortes, entre 105 et 125 l/sec/km2 pour les rivières de la serra da Mantiqueira, entre 95 et 106 pour les rivières de la rive gauche du bas-Paraïba et ne dépassent pas 60 l/sec/km2 pour les rivières de la dépression entre serra do Mar et serras de Quebra Cangaiha et Jambeiro, où les averses sont les plus faibles. Si pourtant nous disposions des débits de pointe, et non des débits journaliers moyens auxquels se rapportent tous les chiffres cités, rappelons-le, les plus petits bassins posséderaient sans doute des débits spécifiques plus élevés que les autres, car la différence entre le débit journalier moyen et le débit de pointe, lors d’une crue, est d’autant plus forte, en général, que le bassin est plus petit. Faute de cette donnée, fondamentale pour l’étude des crues dans des surfaces réceptrices de dimensions réduites, le calcul du coefficient A n’est pratiquement pas possible. Effectué avec le débit journalier moyen, ce calcul donne un coefficient A d’autant plus fort que le bassin est plus grand, par suite de la cause d’erreur que nous venons de signaler.
97C’est donc dans le haut-Paraïba que les rivières offrent les plus grands contrastes, selon le cadre topographique dans lequel elles coulent ; les affluents du bas-Paraïba ont plus de traits communs. Il nous reste maintenant à étudier quel est le résultat de la combinaison de toutes ces sources d’alimentation sur le comportement du fleuve lui-même.
Notes de bas de page
1 Leinz, Bacia de São Paulo.
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