Chapitre premier. Conditions de l’alimentation des cours d’eau dans le bassin du Paraïba
p. 139-158
Texte intégral
1La forme même du bassin, étroit et allongé, conditionne les modalités de l’alimentation du fleuve par ses affluents : elle explique aussi que la répartition saisonnière des pluies ne soit pas semblable sur l’ensemble de la région : l’extension du bassin est suffisante pour que les facteurs généraux de la pluviosité ne jouent pas partout de la même façon. Ce sont finalement les conditions de sol qui présentent le plus d’uniformité : malgré la raideur de certaines pentes, les roches profondément décomposées opposent presque toujours un frein à la violence initiale de l’apport pluvial.
I. Le cadre topographique (fig. 1 et 2)
2Le bassin du Paraïba qui s’étend sur une longueur de plus de 600 kilomètres, n’atteint 150 kilomètres de largeur que dans sa partie inférieure. Sur plus de 300 kilomètres, dans la partie amont, la largeur n’excède pas 80 kilomètres. Bien plus, dans cette dépression allongée entre deux montagnes, le bassin se dédouble en quelque sorte, sur près du tiers de sa longueur en deux gouttières séparées, puisque le Paraïba coule d’abord du N.E. vers le S.O., avant de faire un grand coude et de couler dans une direction strictement inverse, du S.O. vers le N.E. Le fleuve lui-même atteint ainsi une longueur totale de 1.050 kilomètres.
3Ce changement brutal de direction ajoute encore aux difficultés que le morphologue rencontre pour expliquer l’existence de cette grande dépression intérieure sur le bord Est du plateau brésilien. Nous essaierons d’évoquer brièvement ces problèmes après avoir décrit les divers aspects que prend le cadre topographique dans lequel coule le Paraïba, selon l’étroitesse de sa vallée, la vigueur des reliefs qui l’entourent et la pente dont il est lui-même affecté.
4Dans son ensemble, le bassin du Paraïba appartient déjà au plateau brésilien ; il n’en est qu’une partie abaissée entre les deux grandes rides parallèles qui, à cette latitude, en constituent la zone Est : la serra do Mar et la serra da Mantiqueira. Pendant plus de 700 kilomètres, le Paraïba coule dans une sorte d’immense gouttière entre ces deux montagnes ; son bassin y prend successivement plusieurs aspects ; il n’y reçoit que des affluents modestes. Après ce long parcours le fleuve échappe un peu à cet entourage montagneux : le bassin s’élargit et si la rive droite reste formée par le versant intérieur de la serra do Mar, la rive gauche draine une zone plus vaste, de [collines et de plateaux, qui n’est limitée que par les escarpements plus modestes des crêtes qui prolongent la serra da Mantiqueira. Le Paraïba qui reçoit alors d’importants affluents venus de ces horizons plus vastes, descend rapidement du plateau et atteint enfin la plaine littorale qu’il traverse jusqu’à l’océan.
A. La partie amont du bassin du paraïba avant la confluence des premiers grands affluents (Piabanha et Paraïbuna 11) (fig. 3)
1° Le cours supérieur
5Il comprend d’abord deux rivières parallèles, le Paraïtinga et le Paraïbuna I, dont la confluence donne naissance au Paraïba proprement dit. Le cours supérieur de celui-ci se termine au moment où, à Guararema, un changement radical de direction le fait entrer dans la première des deux plaines intérieures de son bassin.
6Dans son cours supérieur, le fleuve coule dans un cadre très caractéristique, entre le versant intérieur de la serra do Mar et les montagnes de Jambeiro et Quebra Cangalha qui le séparent de son propre cours moyen. La paysage, à perte de vue, n’offre à l’œil qu’une « mer de morros », qu’une suite ininterrompue de collines aux pentes raides, dont les altitudes atteignent 800-900 mètres. Les rivières y coulent dans des vallées assez profondes aux méandres encaissés (fig. 4). Le Paraïtinga draine la partie N.O. de cette zone. Il prend sa source à 1.800 mètres d’altitude, dans la serra de Bocaïna qui ferme le bassin à l’amont et le sépare de la deuxième partie du cours moyen du Paraïba. Après une section en forte pente, le profil du Paraïtinga devient moins tendu mais reste accidenté de chutes et de rapides, jusqu’à sa confluence avec le Paraïbuna. Ce dernier prend naissance à une altitude un peu plus faible, au pied même de la muraille de la Serra do Mar ; tout au long de son cours, il reçoit, sur sa rive gauche, une série de petits torrents entaillés dans cette montagne. Le Paraïba, après la confluence de ces deux rivières, traverse un paysage progressivement plus calme : son profil s’adoucit ; à Guararema, c’est déjà une rivière importante, qui coule au milieu d’une vallée élargie, bordée des traditionnels morros, maigre les barres rocheuses qui affectent encore son lit. Après avoir pris une direction inverse, le Paraïba entre dans une large plaine : le bassin de Taubaté.
2° Le bassin de Taubaté (fig. 5)
7Le Paraïba coule toujours entre deux montagnes, presque aussi rapprochées que dans le cours supérieur : à droite les hauteurs de Jambeiro et Quebra Cangalha qui culminent à 1.100 mètres ; à gauche, à près de 2.000 mètres d’altitude, la Serra da Mantiqueira. Le paysage, à l’intérieur de ce couloir, est pourtant bien différent de celui du cours supérieur : le fleuve serpente ici en méandres divaguants, au milieu de vastes horizons plats, dont l’altitude ne dépasse plus 500-600 mètres ; sa pente moyenne dans cette zone, n’excède pas 0,18 mètre par kilomètre. Cette plaine qui correspond au bassin sédimentaire de Taubaté est bordée de collines qui forment un gradin intermédiaire entre la dépression et la montagne. La modestie des hauteurs de la rive droite ne donne naissance qu’à de très petits affluents. La Serra da Mantiqueira, en revanche, nourrit quelques rivières courtes mais abondantes, en particulier les rios Peixe II et Buquirá.
8Après avoir ainsi donné pendant plus de 150 kilomètres l’impression d’un calme fleuve de plaine, le Paraïba redevient brusquement plus violent : le bassin de Taubaté se termine, en effet, à l’aval, par la barrière montagneuse des massifs de l’Itatiaia et de la Bocaïna ; c’est par un cours accidenté de chutes et rapides que le Paraïba franchit cet obstacle.
3° La section des chutes et rapides, de Cachoeira à Resende (fig. 6)
9En quelques kilomètres, le paysage change complètement d’aspect : le Paraïba coule entre de hautes collines aux pentes raides, qui se rattachent directement au cadre montagneux. Le lit du fleuve se ressère, sa pente devient beaucoup plus forte elle atteint 1,39 mètre par kilomètre en moyenne, mais, au niveau de Queluz, pendant 8 kilomètres, elle est de 3,75 mètres par kilomètre. A certains endroits, la largeur du lit ne dépasse pas une quinzaine de mètres. Plusieurs petits torrents qui descendent de l’Itatiaia et de la Bocaïna achèvent de redonner au fleuve les caractères de violence que son passage dans le bassin de Taubaté semblait lui avoir définitivement enlevé (fig. 5). Il entre alors dans une deuxième plaine intérieure.
4° Le bassin de Resende et les collines de la partie aval de la vallée moyenne
10Dans cette dernière partie de son cours moyen, le Paraïba traverse d’abord un paysage assez semblable à celui du bassin de Taubaté, mais beaucoup moins étendu : il correspond au petit bassin sédimentaire de Resende. Le fleuve sort sans accidents de cette modeste plaine intérieure et coule alors entre des collines qui rappellent celles de son cours supérieur, avec des altitudes beaucoup plus faibles, entre 350 et 500 mètres. La pente moyenne du fleuve, moins forte que dans la zone des rapides, reste pourtant supérieure à celle de la zone de Taubaté, avec 0,62 mètre par kilomètre. Dans ce tronçon, le Paraïba ne reçoit pas d’affluents importants, car son bassin, déjà élargi, est drainé par des rivières qui coulent presque parallèlement au fleuve et ne confluent que tardivement avec lui. La confluence de ces deux premières grandes rivières transforme le Paraïba qui désormais reçoit les eaux d’un bassin beaucoup plus vaste. Avec Aziz Nacib Ab’Saber nous en ferons le point de départ du cours inférieur du fleuve.
B. Le bassin du Paraïba en aval de la confluence du Paraïbuna II et du Piabanha Cours inférieur (fig. 7)
11Tandis qu’il reçoit les eaux de ses plus grands affluents, Paraïbuna II et Pomba sur la rive gauche, Piabanha et Dois Rios sur sa rive droite, le Paraïba descend rapidement du plateau proprement dit, franchit son rebord très abaissé et débouche dans la plaine où il reçoit encore un grand affluent de sa rive gauche, le Rio Muriaé, avant d’atteindre l’océan.
121° La vallée du Paraïba : le fleuve garde une pente assez forte de 1,74 mètre par kilomètre, dans la première partie de son cours inférieur. Il coule le plus souvent entre des collines (fig. 8) et s’encaisse même plus nettement dans une véritable gorge, en franchissant les crêtes et chaînons isolés qui prolongent vers le N.E. la muraille de la Serra de Mar. Après ce tronçon, le Paraïba s’étale, au contraire, dans une vaste plaine uniforme, formée en grande partie par ses propres alluvions. Sa pente devient modérée et ne dépasse pas 0,38 mètre par kilomètre, en moyenne. L’absence de berges élevées favorise les débordements.
132° Le cadre topographique des affluents de la rive gauche : au niveau de la plaine de Resende, la Serra da Mantiqueira change de direction et s’oriente franchement vers le N.E., tout en s’abaissant progressivement. Ce changement dégage alors le bassin du Paraïba de sa forme d’immense gouttière et l’élargit considérablement vers le Nord. Cette zone de sa rive gauche est drainée par trois grands affluents qui descendent de la serra da Mantiqueira (Paraïbuna II et Pomba) ou des petites crêtes qui la prolongent vers l’Est (rio Muriaé et ses propres affluents : rios Gloria et Carangola). Le cadre topographique, dans la partie amont de ces rivières est constitué, au niveau du Paraïbuna II et de la rive droite du Pomba, par un haut plateau peu disséqué et surmonté de quelques escarpements rectilignes ; au niveau de la rive gauche du Pomba et du rio Muriaé, ce plateau fait place à une série de petites crêtes d’interfluves, perpendiculaires à la serra principale, qui atteignent 900-1.200 mètres. Vers l’aval, haut plateau et crêtes disparaissent progressivement et font place à une vaste zone de collines aux pentes de plus en plus douces et aux altitudes de plus en plus faibles, en allant vers l’Est.
143° Le cadre topographique des affluents de la rive droite : cette partie du bassin du Paraïba n’est, en fait, que le versant intérieur de la serra do Mar. Les pentes y restent fortes et les interfluves principaux prennent souvent une allure de crêtes aux formes lourdes dont les altitudes varient de 1.000 à 1.500 mètres en allant vers le Nord. Au long des cours des rivières se succèdent de petits bassins intérieurs, en pente faible, séparés par des zones de chutes et de rapides qui semblent correspondre à des barres de roches plus dures et moins profondément décomposées (fig. 9).
15Cette disposition en marches d’escaliers, des profils des rivières, est d’ailleurs plus ou moins typiquement le fait de tous les cours d’eau du bassin. Les profils généraux concaves cachent toujours un certain nombre de ces accidents secondaires. De ce fait, aucun cours d’eau, même dans les zones montagneuses, ne possède un véritable bassin de réception.
16A grande échelle pour le fleuve lui-même, à échelle plus modeste pour ses affluents, le cadre topographique de cette zone du Paraïba offre donc une succession de bassins dénivelés et séparés par des gorges, des rapides et des chutes. Si les modalités spéciales de l’érosion fluviale en climat tropical peuvent expliquer cette disposition au long des petites rivières affluentes qui paraissent incapables de réduire les barres de roches dures qui coupent leurs lits, il n’est pas possible d’attribuer à ce seul processus l’agencement général du bassin et sa division en plaines intérieures séparées par des gorges.
17Le bassin du Paraïba appartient dans sa presque totalité au bord oriental du noyau le plus élevé des boucliers archéoprotérozoïques du Brésil ; il porte la trace des mouvements tectoniques complexes qui ont affecté celui-ci. F. Ruellan a montré qu’on ne saurait comprendre le « val Paraïba » sans faire une grande part aux plissements de fond et aux failles consécutives qui ont bombé, cassé et fragmenté le bord oriental des vieilles masses cristallines du Brésil du S.E.
18Il semble, en fait, que l’ensemble de la région, après une longue phase d’aplanissement partiel sans cesse remis en question par des mouvements épeirogéniques lents, ait connu une première phase de différenciation dans le courant du Jurassique par suite de la mise en place de massifs intrusifs de roches cristallines, tel le massif de l’Itatiaia qui devient un centre de dispersion des eaux.
19L’architecture générale du relief actuel, pourtant, doit la plupart de ses traits à plusieurs phases postérieures de bombements et de fractures qui s’échelonnent tout au long de l’ère tertiaire. Les grandes failles de direction N.E.-S.O. donnèrent naissance aux grands escarpements de la serra do Mar et de la Mantiqueira tandis que les mouvements de blocs faillés, relevant d’une tectonique plus complexe, morcelèrent la zone déprimée entre ces deux montagnes et créèrent une série de bassins fluviaux ou fluviaux-lacustres, séparés par des blocs exhaussés.
20C’est dans ce cadre général que le Paraïba façonna progressivement son bassin, en réunissant les différents fossés tectoniques, en capturant l’ancien cours supérieur du Tieté au coude de Guararema et en modelant un certain nombre de terrasses suivant les phases de son enfoncement ou des derniers mouvements de bombement de la région.
21Cette architecture générale du relief dans le bassin du Paraïba, cette disposition en alvéoles distinctes, pèsent sur le comportement du fleuve lui-même en provoquant une combinaison particulière des flux venus des différentes parties du bassin ; l’alignement parallèle des deux grands escarpements influe, d’autre part, sur la répartition des pluies qui alimentent ces cours d’eau.
II. L’apport pluvial
22La prédominance des pluies d’été donne au régime pluviométrique un caractère nettement tropical, malgré l’absence d’une saison totalement sèche : la proximité de l’Océan provoque en effet des pluies d’hiver par suite de la remontée, le long de la côte, des perturbations nées du front polaire. Si la distribution des pluies est ainsi régie qualitativement par la position générale de la région, elle est quantitativement déterminée par la disposition du relief. La proximité plus ou moins grande de l’océan, l’échelonnement du bassin en latitude, apportent enfin quelques variétés au sein même du régime pluviométrique.
23Tous les chiffres donnés correspondent à la moyenne de 26 années d’observation, de 1930 à 1955 ; les séries de débit sont, en effet, la plupart du temps, limitées par ces deux dates ; nous avons calculé la pluviosité strictement correspondante pour pouvoir la comparer sans erreur avec l’écoulement.
A. Pluviosité annuelle
241° Moyenne de la période 1930-1955 (fig. 10). — La pluviosité annuelle dans le bassin du Paraïba se calque en quelque sorte sur le relief. Dans la partie amont du bassin, elle dépasse 2.000 mm sur les premières pentes du versant intérieur de la serra do Mar, mais décroît très vite jusqu’à moins de 1.250 mm au niveau du Paraïtinga. Elle augmente jusqu’à 1.600-1.700 mm sur les serras de Quebra Cangalha et Jambeiro, retombe à moins de 1.200 millimètres dans le bassin de Taubaté et dépasse de nouveau 2.000 millimètres sur le haut de l’escarpement de la Mantiqueira. La zone de relief plus contrasté qui ferme le bassin de Taubaté, en aval, correspond aussi à une dorsale où la pluviosité annuelle ne descend pas au-dessous de 1.500 millimètres.
25Dans la partie aval du bassin, après son élargissement, on retrouve, atténués, les mêmes phénomènes ; les serras qui limitent le bassin au Nord et au Sud sont moins hautes : elles restent des zones de maximum pluviométrique, mais le total annuel ne dépasse que rarement 1.600 millimètres. Sur le large plateau qui sépare ces deux lignes de hauteurs la pluviosité passe de 1.200 à 900 millimètres, en allant du N.O. vers le S.E., c’est-à-dire en suivant la pente générale du plateau. Sur les petites serras d’interfluves qui prennent la place des collines, à l’amont des rivières affluentes, on remarque, d’autre part, une augmentation de la pluviosité, qui y atteint 1.300-1.400 millimètres.
26Cette distribution contrastée a donné, pour l’ensemble du bassin du Paraïba, une moyenne de 1.420 millimètres de pluie par an, entre 1930 et 1955.
272° Écarts vis-à-vis de la moyenne. — En considérant séparément quelques stations caractéristiques dans chacune des parties du bassin, on peut noter des écarts relativement importants d’une année à l’autre, mais les années de maximum et de minimum pluviométriques sont la plupart du temps différentes suivant les stations : aussi les écarts pour l’ensemble du bassin et même pour chaque partie de celui-ci sont-ils réellement faibles.
28Dans la partie amont, l’écart entre l’année de maximum pluviométrique et le total annuel moyen est d’autant plus grand que ce total est plus élevé : sur les hauteurs de la serra do Mar, il atteint 30 % ; il s’abaisse à 25 % dans la vallée du Paraïtinga, à 20 % à Guararema et remonte à 35 et 40 % sur le versant da la Mantiqueira et les hauteurs de la serra de Bocaïna. L’écart entre l’année de minimum et le total annuel moyen reste plus stable et se situe presque toujours entre 20 et 25 %.
29Dans la partie aval du bassin, les écarts varient de façon inverse et sont d’autant plus forts que le total pluviométrique moyen est plus faible ; l’écart entre ce total et celui de l’année du maximum atteint 45 à 50 % le long de la vallée du Paraïba ; il n’est que de 30 % en haut de la serra do Mar et de 20 % sur la ligne des crêtes qui prolongent la serra da Mantiqueira. L’écart entre le minimum et le total moyen varie à peu près de la même façon ; il se situe autour de 40 % dans la vallée, 35 % sur la serra do Mar et 25 % à la ligne de partage des eaux de la rive gauche.
30Malgré ces pourcentages assez élevés, les écarts vis-à-vis du total annuel moyen sont faibles pour l’ensemble du bassin : les pluies tombent surtout en grosses averses ; selon les années celles-ci sont plus ou moins nombreuses sur chaque station et provoquent ainsi des écarts relativement importants pour chacune d’elles mais à l’échelle du bassin ou même d’une partie du bassin, ces différences se compensent. L’année la plus pluvieuse n’a pas donné, pour l’ensemble du Paraïba, un total de plus de 20 % supérieur à celui de l’année la plus sèche. Dans ces conditions, il n’est plus aussi intéressant d’étudier les variations des rapports entre pluviosité et écoulement selon les années ; les différences sont trop peu sensibles et les moyennes ont une réalité concrète. Ici, ce ne sont plus les variations dans le temps que nous suivrons, comme c’était le cas dans le Brésil subtropical, mais les variations dans l’espace, en considérant séparément chaque région du bassin, d’autant plus que la distribution saisonnière des pluies est encore beaucoup plus régulière, au cours des années, que le total pluviométrique annuel.
B. Répartition saisonnière des pluies (fig. 11)
31Entre 1930 et 1955, sans aucune exception, les pluies se sont réparties, dans l’ensemble du bassin, en deux saisons : une saison des pluies de décembre à mars, avec une augmentation sensible dès le mois de septembre ; une saison sèche, de juin à août, avec une diminution nette à partir d’avril. L’intensité des maxima et des minima mensuels n’est pourtant pas la même dans tout le bassin.
32On note d’abord une différence dans le degré de sécheresse de l’hiver ; rapportons le total pluviométrique de la période mai-août au total annuel : il dépasse 12,5 % sur le bord de la serra do Mar et n’atteint pas 5 % dans l’extrême Nord du bassin : l’abondance des pluies d’hiver décroît régulièrement en allant de la côte vers l’intérieur.
33Les caractères de la saison des pluies se modifient aussi au long du bassin, non pas du Nord au Sud, mais du N.E. vers le S.O. Les pluies d’été sont plus ou moins étalées ; le mois du maximum ne représente que 20 à 25 % du total de la période novembre-mars dans le S.O. ; il atteint 25 à 30 % dans le centre du bassin ; il dépasse 30 % dans le N.E. Ce maximum plus ou moins vigoureux change également de date ; dans le S.O., il se place en janvier-février ; dans le centre et le N.E. il est nettement en décembre.
34Ces différences dans la distribution des pluies, quel qu’en soit le total annuel, permettent de distinguer trois zones : dans le cours supérieur et la première partie du cours moyen du Paraïba, le maximum pluviométrique, très étalé, se situe en janvier-février ; l’hiver n’est jamais très sec, malgré une diminution des pluies, pendant cette saison, au niveau de la serra da Mantiqueira. Dans le bassin de la rive gauche du Paraïba, en aval de cette première zone, le maximum pluviométrique, situé en décembre, est plus vigoureux ; la saison sèche mieux marquée. Dans le bassin de la rive droite du Paraïba, le maximum toujours situé en décembre, est d’abord assez peu saillant et l’hiver assez pluvieux ; puis, au niveau de la rivière Dois Rios, le maximum devient progressivement plus net et l’hiver plus sec, comme sur la rive gauche du fleuve.
35Ces différences qui apparaissent très régulièrement, chaque année, dans la distribution des pluies, correspondent à un déplacement régulier, suivant les saisons, des masses d’air qui affectent la région.
C. Pluies et masses d’air1
1° Saison des pluies
36Dans les mois d’octobre et novembre, l’anticyclone tropical se contracte sur le centre Est de l’Océan atlantique et la région du Paraïba commence à être balayée par les alizés : ces vents humides se heurtent aux escarpements de la serra do Mar et de la serra da Mantiqueira ; ils sont eux-mêmes à l’origine d’une partie des pluies de la région. Ils rencontrent d’autre part la masse équatoriale continentale qui, venant du N.E., envahit progressivement la région et donne ainsi des pluies de front, de plus en plus abondantes. Ajoutons enfin que la masse équatoriale continentale, par son instabilité propre, peut provoquer des chutes de pluies en dehors de la zone du Front intertropical (F.I.T.).
37Comme l’influence du relief sur les précipitations se fait sentir jusque dans le N.E. de la région, on peut penser que les diverses causes de pluies affectent l’ensemble du bassin du Paraïba. Elles sont pourtant plus ou moins fréquentes selon les endroits : dans le N.E., prédominent les pluies de front qui ont lieu dès le début de l’été, par suite de l’avance précoce, sur cette région, de la masse équatoriale continentale : le maximum pluviométrique se place en décembre. Il est d’autant plus marqué, vers l’Est, que le relief devient plus faible et que disparaît ainsi partiellement l’autre facteur, plus constant, de la pluviosité. Pour la même raison, le centre et l’Est de cette partie aval du bassin du Paraïba reçoivent moins de pluies que la zone Nord, au relief plus élevé et plus accidenté.
38Dans la partie amont du bassin, la masse équatoriale continentale n’arrive que plus tardivement pour ajouter des pluies de front aux pluies orographiques de cette région montagneuse : le maximum plus étalé, se situe en janvier-février ; le relief prend une importance croissante et accentue les contrastes entre les versants montagneux face au vent, de la serra da Mantiqueira, très arrosés, et le revers de la serra do Mar, où les pluies diminuent très vite.
39Sur les hauteurs de la serra do Mar, enfin, tout au long de la limite Sud du bassin, relief et front intertropical s’allient pour donner un été très pluvieux, avec un maximum d’autant plus étalé que le relief est plus vigoureux. Les hivers, d’autre part, n’y sont pas secs, par suite d’un facteur spécial de la pluviosité, en ces mois de l’année.
2° Saison sèche
40Dès les mois d’avril-mai, la masse équatoriale continentale se rétracte vers l’intérieur du plateau brésilien et la région du Paraïba est progressivement envahie par l’anticyclone tropical. L’hiver n’est pourtant pas totalement sec : la région ressent encore l’influence de ces perturbations nées au niveau du front polaire, qui étaient responsables des pluies d’hiver dans le Brésil subtropical. L’un des trajets de ces perturbations longe, en effet, la côte atlantique : de là viennent la plupart des pluies d’hiver, d’autant plus abondantes que ces invasions polaires rencontrent des reliefs plus vigoureux. La serra do Mar, au bord de la mer, reçoit une quantité appréciable de pluies, en hiver. Celles-ci décroissent d’autant plus qu’on s’éloigne de la côte et que le relief devient moins contrasté : c’est seulement dans le N.E. du bassin que l’hiver commence à prendre une allure de véritable saison sèche.
41A l’inverse du jeu très variable des masses d’air dans le Brésil subtropical, les causes des pluies se répètent assez régulièrement chaque année dans le bassin du Paraïba. Comme dans le Brésil subtropical, en revanche, elles tombent essentiellement en grosses averses, du moins en été.
D. Violence des averses
42Les mesures horaires d’intensité réelle des averses sont trop peu nombreuses et trop peu sûres pour qu’on en tire des conclusions ; il faut donc se contenter d’analyser les variations, dans le bassin, des maxima pluviométriques journaliers.
43Le revers de la serra do Mar, sur les hauteurs proches des crêtes semble connaître les averses les plus violentes : les chutes de pluies de plus de 100 millimètres en vingt-quatre heures, sont fréquentes. Dans le Haut-Paraïba, nous avons pu noter plusieurs chutes dépassant 150 millimètres ; l’une d’elles a atteint 240 millimètres en vingt-quatre heures. La serra da Mantiqueira, malgré la vigueur de l’escarpement, reçoit des pluies un peu moins violentes : les chutes supérieures à 150 millimètres sont très rares, bien que nous ayons pu en noter une de 210 millimètres. Dans le plateau et les collines de la rive gauche du Bas-Paraïba, les chutes de pluies, bien que plus faibles, restent encore capables de dépasser 100 millimètres en vingt-quatre heures. C’est dans la dépression entre la serra do Mar et les serras de Quebra Cangalha et Jambeiro, dans le Haut-Paraïba, que les averses sont les moins violentes : nous n’avons pu noter qu’une chute de pluie de plus de 100 millimètres. Elle semble exceptionnelle, bien qu’elle n’ait pas dépassé 120 millimètres en vingt-quatre heures. Dans l’ensemble, ces valeurs, tout en restant inférieures, appartiennent au même ordre de grandeur que celles du Brésil subtropical.
III. Température, végétation et sols
44Si la violence des averses ressemble à celle du Brésil subtropical la température moyenne est ici nettement plus élevée, les forêts encore plus rares et les sols beaucoup plus uniformément profonds.
A. Température
45Comme dans le bassin du Guaïba, l’altitude reste ici le facteur primordial de variation des températures moyennes annuelles, mais celles-ci sont, généralement, supérieures de 3° environ à celles du Rio Grande do Sul ; dans la partie aval du bassin, la température moyenne annuelle atteint 22,5°-23° en plaine et 21° dans la zone des collines ; sur les serras des bords nord et sud, elle ne dépasse pas 18°. Dans la partie amont du bassin, elle se situe autour de 20,5° dans les plaines intérieures, de 18° dans le revers de la serra do Mar et les pentes moyennes de la serra da Mantiqueira. Elle ne dépasse pas 12,5° sur les sommets de cette dernière montagne, par suite de l’altitude beaucoup plus forte.
46Les variations saisonnières de la température restent faibles : l’écart entre la température moyenne des mois de février et juillet oscille entre 6° et 8° en plaine, suivant l’éloignement plus ou moins grand de la mer ; il ne dépasse pas 7 à 8° sur les hauteurs des bords du bassin.
B. Végétation
47Chaleur et humidité se combinaient, avant l’intervention de l’homme pour couvrir le bassin d’une forêt dense dans les plaines et d’une forêt plus claire sur les hauteurs ; il ne reste de l’une et de l’autre que de rares témoins aujourd’hui. Le bassin du Paraïba a été défriché dans sa presque totalité ; en dehors des zones actuelles de culture, la végétation naturelle secondaire n’est souvent formée que de buissons clairsemés au milieu de grandes herbes. Les hauteurs sont encore parfois couvertes d’une forêt, la plupart du temps secondaire.
C. Les sols
48Si la végétation naturelle a presque entièrement disparu, les sols sont restés généralement très profonds. Le sol végétal est, à vrai dire, fort mince et victime d’une érosion accélérée sur les pentes, mais l’horizon C de décomposition de la roche mère atteint toujours plusieurs mètres et souvent quelques dizaines de mètres d’épaisseur. Seules les pentes très raides, dévastées par les violentes averses ont parfois perdu une partie de ce manteau de débris. Elles correspondent en général aux tronçons où les rivières en pente raide coulent en chutes et rapides ; les lits sont alors rocheux, avec dallages, blocs et cailloux anguleux, car les cours d’eau peuvent entraîner vers l’aval tous les éléments fins ; leur vallée est étroite et encaissée. Dans les biefs de faible pente, que séparent ces zones de chutes, les rivières coulent, au contraire, sur un lit de sable et de vase, bordé de végétation. La roche saine n’apparaît presque jamais : les versants des larges vallées à fond plat sont toujours raides mais entièrement recouverts d’un épais manteau d’altération. Les petits affluents qui naissent dans ces zones de petites plaines intérieures prennent leur source dans des alvéoles, des bas-fonds couverts de végétation marécageuse, sans avoir, au départ, un lit net avec écoulement subaérien perenne. Même dans les zones de relief très contrasté, les tronçons « torrentiels », incisés dans la roche saine, alternent avec ces biefs entièrement façonnés dans la roche pourrie2.
49Cet épais manteau d’altération, partout présent, atténue l’influence des différences de relief sur les rivières. Observons les coefficients d’écoulement d’un certain nombre d’affluents du Paraïba (fig. 53 p. 209) ; ils augmentent en fonction de la quantité annuelle de pluie qui tombe sur leur bassin ; sur le graphique de variation, deux groupements se distinguent nettement : les points se situent aux alentours de deux droites, grossièrement parallèles ; ce classement des affluents en deux catégories ne répond pas à des conditions de relief, de pente ou d’étendue du bassin ; en revanche, il correspond strictement à la position des cours d’eau vis-à-vis des zones de régime pluviométrique. Dans chaque zone, les pluies possèdent donc une efficacité particulière, quelle que soit leur quantité globale. C’est, par conséquent, à l’intérieur de chaque zone pluviométrique qu’il nous faut maintenant étudier le comportement des affluents du Paraïba, avant d’en voir le résultat sur le comportement du fleuve lui-même.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992