Chapitre premier. Conditions générales de l’alimentation des cours d’eau dans le bassin du Guaïba et les régions voisines
p. 19-39
Texte intégral
1Selon les parties du bassin, la température, le relief, les sols, et la végétation viennent exagérer ou atténuer les effets, sur les rivières, de la violence et de l’irrégularité pluviales.
I. L’apport pluvial
2Quarante années d’observation procurent une idée générale sur la pluviosité moyenne dans ces régions aussi bien que sur les écarts cachés par ces moyennes.
A. Les moyennes annuelles et mensuelles
31° Les faits. — Les moyennes annuelles nous montrent, dans l’ensemble, un bassin bien arrosé : elles ne varient, en effet, dans l’espace, qu’entre 1.250 millimètres au S.E. et 2.250 millimètres au N.E. (fig. 1). A l’exception de deux petites zones isolées, plus pluvieuses, où elle dépasse 2.000 millimètres, la pluviosité décroît régulièrement du Nord vers le Sud et de l’Ouest vers l’Est, entre les valeurs limites de 1.750 et 1.250 millimètres.
4Les moyennes mensuelles nous donnent la même impression de régularité au cours de l’année : on ne note aucune valeur inférieure à 60 millimètres, même dans la partie la moins arrosée : aucune n’est supérieure à 240 millimètres même dans les deux zones de maximum annuel. En prenant chaque région séparément, l’écart entre la moyenne du mois le plus sec et celle du mois le plus arrosé ne dépasse jamais 120 millimètres. Dans le cours de l’année, les moyennes mensuelles présentent, dans l’ensemble, trois maxima situés respectivement à la fin de l’automne (mai-juin), au début du printemps (septembre-octobre) et au début de l’été (janvier). Ces maxima, sans être jamais très accentués, sont plus marqués dans le N.E. et l’extrême N.O. : le maximum d’été, à peine marqué dans l’Ouest et le N.O., se renforce dans le N.E. et le centre de la dépression transversale (fig. 2).
5Comme le maximum de printemps commence dès le dernier mois d’hiver et que celui d’automne déborde sur le début de cette saison, le calcul de la pluviosité par saison thermique donne pour une grande partie de la zone étudiée un maximum très peu accentué de la saison froide. Ce mode de calcul cache, en fait, les deux véritables maxima et l’existence d’un minimum net en juillet et août, les autres minima se plaçant en novembre et février-mars. En fonction de ces trois minima, nous distinguerons donc trois saisons de pluies.
62° Pluviosité et masses d’air. — Ce régime complexe des pluies semble être le résultat de l’interaction de plusieurs genres de masses d’air1. Le Brésil subtropical apparaît comme un carrefour où s’affrontent quatre masses d’air : la masse tropicale atlantique, la masse équatoriale continentale, la masse polaire atlantique et la masse tropicale continentale.
7En été, c’est l’influence de la masse tropicale atlantique qui domine dans le N.E. et par suite de l’obstacle du relief est responsable des pluies sur la Serra et le Plateau : aussi avons-nous un maximum mieux marqué dans cette partie du bassin. L’absence de relief dans le S.E. provoque, au contraire, une diminution de la pluviosité dans cette région. A l’extrême Ouest, l’influence tropicale atlantique est remplacée par l’apport tropical continental qui déborde du Chaco et supprime presque totalement le maximum d’été, à cause de sa sécheresse originelle. Au centre de la dépression transversale, cette masse d’air rencontre la masse tropicale humide, il en résulte des pluies de front qui expliquent que le maximum d’été soit mieux marqué dans cette région de Santa Maria. Le N.O., enfin, affecté par le bord de la masse équatoriale continentale, ne reçoit qu’une quantité de pluie moyenne.
8En automne et au printemps, le Sud du Brésil est le théâtre de contacts fréquents entre la masse d’air polaire atlantique et les masses équatoriale continentale et tropicale atlantique. La masse polaire atlantique, stationnée en été dans les eaux subantarctiques de l’Atlantique, remonte à la fin de cette saison le long du Paraguai, de l’Uruguai et du bord atlantique du plateau. Les deux derniers trajets intéressent le bassin du Guaïba. Cheminant le long de l’Uruguai, la masse polaire rencontre la masse tropicale continentale ou la masse équatoriale continentale et donne des pluies de front : cette situation atmosphérique se réalise le plus fréquemment à la fin de l’automne. Le long du bord du plateau, cette même masse polaire rencontre la masse tropicale atlantique, à la même époque : aussi le maximum de la fin d’automne est-il très général, et particulièrement dans le N.E. et le N.O. Au début du printemps l’avancée des masses tropicales et équatoriales ramène les fronts sur la région et explique ainsi le troisième maximum.
9En hiver, la masse polaire, bien que prépondérante, n’a pas une supériorité absolue : les fronts se localisent encore assez souvent sur le Sud du Brésil pour que le minimum pluviométrique de cette saison ne soit que très relatif.
10Bref, en aucune saison il n’y a prédominance absolue d’une masse d’air : de ce heurt perpétuel entre les masses d’air résultent l’abondance annuelle et la distribution apparemment régulière des pluies, que nous montrent les moyennes. Cette complexité de la circulation atmosphérique nous explique aussi que, derrière cette apparente régularité des pluies moyennes, se cache une grande irrégularité de leur abondance et de leur distribution selon les années : le mécanisme de la pluviosité est trop complexe pour se dérouler de la même façon : il s’ensuit des écarts importants vis-à-vis des moyennes annuelles et mensuelles.
B. Variabilité des moyennes pluviométriques d’une année à l’autre
111° Variabilité des chiffres annuels. — Considérons les pourcentages d’augmentation et de diminution que représentent vis-à-vis de la moyenne le total annuel maximum et le total annuel minimum absolu de chaque station : le maximum représente toujours un écart supérieur à 40 % de la moyenne, l’écart le plus important étant observé à Santa Maria, avec 67 %. Deux zones ont des écarts particulièrement forts, avec des pourcentages qui dépassent 60 % : la zone du plateau et la zone du littoral Sud. Dans la dépression transversale et les serras du bord du plateau, les écarts atteignent rarement 50 %.
12Le chiffre annuel particulier le plus faible varie à peu près dans les mêmes proportions, entre 35 et 64 %. Bien que les variations d’une région à l’autre soient moins nettes, c’est encore le plateau qui présente les plus grands écarts.
13La pluviosité annuelle subit donc des variations considérables puisque finalement la possibilité maximum de variation d’une année à l’autre, pour l’ensemble de la région, s’établit au tour de 100 %. Ces variations de la pluviosité annuelle sont dues à des comportements très différents de chaque mois de l’année, suivant les années.
142° Variabilité des totaux de chaque mois, d’une année à l’autre. — On peut dire qu’entre 1910 et 1950, chaque mois de l’année a été au moins une fois un mois très pluvieux et une fois un mois très sec par rapport à sa moyenne. Alors que pour aucune station, il n’y avait de moyenne mensuelle supérieure à 240 millimètres ou inférieure à 60 millimètres, on trouve 40 exemples de mois où pour une station au moins, le total pluviométrique a dépassé 400 millimètres et 45 exemples de mois où il n’a pas excédé 10 millimètres. Le mois d’avril possède le record d’irrégularité : 13 stations ont connu un mois d’avril avec une pluviosité supérieure à 400 millimètres : 12 de ces stations en ont connu un autre où la pluviosité est restée inférieure à 10 millimètres. Par ordre d’importance de l’irrégularité viennent ensuite les mois de juin, octobre et mai. Pour tous les autres mois, les écarts sont supérieurs à 200 millimètres.
15On voit par là combien d’irrégularités se cachent derrière la courbe des moyennes mensuelles de pluies. Selon les années, mois humides et mois secs sont plus ou moins nombreux, ce qui provoque les variations des totaux annuels. En fait, la pluie tombe essentiellement par grosses averses qui n’ont pas de répartition mensuelle précise : elles sont simplement plus fréquentes en moyenne pour certains mois que pour d’autres, ce qui détermine les trois maxima observés dans la courbe des moyennes mensuelles.
C. Modalités des chutes de pluies : violence des averses
16Faute de documents assez nombreux, ces modalités sont assez difficiles à préciser : on manque le plus souvent de renseignements sur les durées exactes des averses. Les quantités maxima de pluies tombées en 24 heures nous donnent déjà une idée de la violence des chutes de pluies : dans toutes les stations on observe au moins un exemple d’une chute de pluie de plus de 110 millimètres en 24 heures. On note un cas d’une chute de 310 millimètres et plusieurs cas de chutes de plus de 200 millimètres. Sur les 38 exemples connus de chutes de pluies de plus de 110 millimètres en 24 heures, 8 ont eu lieu en été, 8 en hiver, 9 au printemps et 13 en automne ; elles peuvent donc avoir lieu en toute saison.
17Mais ces chiffres sont loin d’illustrer complètement la violence possible des averses. La station de Porto Alegre qui possède des documents précis sur la durée des averses nous permet de nous faire une idée de la durée réelle de la pluie pendant la journée. En janvier 1925, on a observé une chute de pluie de 49,2 millimètres en 15 minutes. F. P. Machado (op. cit.) a étudié 29 averses qui, à Porto Alegre, ont eu une intensité supérieure à 1 millimètre par minute : 20 ont eu lieu en été, dont 4 en janvier, 12 en février et 4 en décembre ; 2 en automne, 3 en hiver et 4 au printemps. Parmi ces 29 cas, 13 averses ont eu des intensités de plus de 2 millimètres par minute, dont 9 en été, une en automne et 3 au printemps.
18Or Porto Alegre est une station relativement peu arrosée et située dans une région plate ; on peut donc penser que ces intensités représentent un minimum vis-à-vis des averses qui peuvent frapper les autres parties du bassin du Guaïba.
19De toutes façons, cet apport pluvial est d’une efficacité variable, pour les rivières, selon les conditions de l’évaporation, du ruissellement, de l’infiltration et de l’écoulement.
II. Facteurs de variation de l’efficacité de l’apport pluvial
A. Conditions de l’évaporation
201° Évaporation potentielle et température. — Les seules mesures, très partielles, dont nous disposons, ont été effectuées avec l’évaporimètre Piche. Elles ne concernent qu’un petit nombre d’années ; faute de pouvoir étudier les moyennes, nous avons cartographié les données de l’année 1954 (fig. 3).
21Tout ce paragraphe, d’ailleurs, n’a qu’une valeur indicative. L’évaporimètre Piche donne des résultats trop exagérés par rapport à l’évaporation réelle pour qu’il soit possible de s’en servir de façon précise et de les confronter valablement avec les déficits d’écoulement ; ces mesures de l’évaporation jointes aux valeurs moyennes de la température ne font que donner une idée qualitative des différents milieux climatiques de notre bassin, sans qu’il soit possible de pousser l’analyse plus loin, faute de pouvoir calculer des indices plus précis.
22Le total annuel montre un maximum net dans toute la dépression transversale (1.100 — 1.200 mm) ; le minimum du plateau se creuse en allant du S. O. (1.000-1.100mm) vers le N.E. (800-900 mm).
23L’écart maximum atteint 35 % de la moyenne de la région. Tout cela n’est qu’un simple reflet des conditions d’altitude qui commandent la répartition des températures moyennes annuelles : celles-ci, en effet, varient de 19-20° dans la dépression à 17-18° dans le S.O. du plateau et 15-17° dans le N.E. (fig. 4).
24Cette influence de l’altitude se fait sentir essentiellement en été : c’est au cours de cette saison que les contrastes sont les plus marqués : la température moyenne des trois mois est supérieure à 24° dans la dépression ; elle se maintient à 22-23° dans l’Ouest du plateau et ne dépasse pas 19° dans le N.E. (fig. 5). L’évaporation potentielle se calque sur ces variations : elle n’est que de 250 millimètres dans l’Est du plateau et atteint 400-430 millimètres dans l’Ouest de la dépression (fig. 3b).
25En hiver les contrastes sont atténués : la dépression et la partie Ouest du plateau ont une température moyenne de 13°, le N.E. une température de 10-12° (fig. 6). L’évaporation de l’hiver 1954 a été à peu près partout semblable sauf dans la région proche du littoral où elle a été légèrement plus forte (fig. 3f).
26Pendant les saisons intermédiaires on retrouve les mêmes différences qu’en été, mais avec une amplitude moins grande (fig. 3c et 3d).
272° Facteurs secondaires de variations de l'évapotranspiration réelle.
28a. Vent et insolation : les durées d’insolation sont assez semblables partout en été ; en hiver elles sont plus grandes sur le plateau (530 heures en moyenne) que dans la dépression (440 heures). Ce facteur contribue sans doute à expliquer l’égalité de l’évaporation pendant cette saison.
29Pendant toute l’année, les vents sont nettement plus violents sur le plateau (valeur moyenne de 3,3 m/sec à Soledade) que dans la dépression transversale (1,6 m/sec à Rio Pardo) et semblent donc être un autre facteur d’atténuation des différences.
30b. Gelées et neige : ces deux facteurs en revanche devraient renforcer les contrastes entre les deux zones de relief, car les gelées d’hiver sont plus fréquentes sur le plateau : 25 jours par an en moyenne dans le N.E. contre 15 à 20 ailleurs, et 10 à 15 dans la dépression.
31La neige, de même, ne tombe pour ainsi dire jamais dans la dépression alors qu’elle peut apparaître dès le mois de mai sur le plateau. Il s’agit, le plus souvent, de courtes chutes de neige qui ne restent pas au sol et ne jouent dans les régimes fluviaux qu’un rôle tout à fait négligeable.
32c. La végétation : il semblerait, à première vue, qu’elle soit un facteur d’atténuation des différences entre le plateau et la dépression : les parties élevées, dans le Sud du Brésil, sont, en effet, le domaine de la forêt mixte d’araucarias et d’arbustes à feuilles persistantes, tandis que la dépression appartient déjà au domaine des campos limpos très peu boisés qui annoncent la Pampa argentine. En fait, le contraste n’est pas net : si les serras du N.E. et du Sud appartiennent bien au domaine de la forêt, de larges espaces du plateau non disséqué sont occupés par des campos : campos de Vacaria, de Lagoa Vermelha, de Passo Fundo. Les zones de forêt, d’autre part, au sol plus riche, ont été largement défrichées et par suite du système de rotation des terres, partiellement remplacées par une végétation secondaire arbustive. Dans la dépression, enfin, l’homme a également modifié la végétation sur d’assez grandes superficies non seulement par ses cultures mais par de grandes plantations d’eucalyptus. Il a aussi transformé les sols et, par suite, les conditions du ruissellement et de l’infiltration.
B. Conditions du ruissellement, de l’infiltration et de l’écoulement total
33Ces conditions doivent être étudiées dans le cadre des grands ensembles de relief sur lesquels nous allons d’abord revenir brièvement.
341° Les grands cadres du relief (hors-texte I). Les immenses nappes basaltiques qui, au Jurassique, ont recouvert les grès triasiques de la région, semblent avoir été affectées, à l'ère tertiaire, de divers accidents tectoniques. Dans l’ensemble, elles s’inclinent d’Est en Ouest. Dans leur partie sud, qui nous intéresse, elles sont limitées à l’Est par une grande faille, responsable de l’escarpement très vigoureux de la Serra Géral. La cuesta qui limite le plateau au Sud et dont le front s’abaisse progressivement vers l’Ouest représenterait, au contraire, la limite originelle d’extension pour les coulées de laves.
35Le réseau hydrographique de la région semble avoir été adapté, avant les dernières déformations tectoniques, à une pente générale Est-Ouest. Selon Leinz, toutes les rivières même le Jacui se jetaient primitivement dans l’Uruguai. La subsidence de la côte du Rio Grande do Sul, contemporaine des dernières déformations tertiaires, a provoqué une inversion du drainage dans la partie S.E., au Sud de l’épanchement basaltique. La faible résistance des grès de cette zone, la proximité du niveau de base ont permis la capture par une rivière Est-Ouest, se jetant dans le Guaïba, du Jacui et de ses affluents, en aval de la percée obséquente par laquelle ils quittent la zone du trapp. Il s’ensuivit une ou plusieurs grandes vagues d’érosion régressive dans le cours moyen du Taquari et dans l’ensemble des cours supérieurs et moyens du Jacui. Il en résulta aussi un dégagement plus accentué du front de la cuesta basaltique au Sud, tandis que la grande faille de l’Est achevait d’individualiser le plateau.
36Le relief actuel permet de distinguer nettement quatre régions dans le bassin du Guaïba, chacune possédant des conditions particulières de sol et de pentes.
372° Régions naturelles du bassin du Guaïba :
38a. Région Est et N.E. du plateau basaltique, encore non affectée par les reprises d’érosion parties du Jacui et du Taquari. C’est une véritable région de haut-plateau qui, d’Est en Ouest, s’incline de 1.300 à 700 mètres. Le relief, relativement doux, comprend de petites élévations tabulaires, séparant de larges dépressions aux sols profonds, sous végétation naturelle de forêt ou de campos. Le profil des rivières reste pourtant tendu et affecté de rapides groupés et dus à la nature particulière du trapp : les parties inférieures des coulées, très résistantes, présentent souvent un clivage horizontal ; là où l’érosion fluviale atteint ces niveaux, les rivières coulent sur des lits rocheux unis, sur des dalles (lageados) qui donnent de petits rapides à leur extrémité aval.
39Le cours supérieur du Taquari appartient à cette zone sous le nom de rio das Antas. Il prend sa source à 1.400 mètres sur le versant ouest d’un des plus hauts sommets de la Serra Geral et commence par descendre très rapidement pendant 15 kilomètres (26 m/km). Son profil s’adoucit ensuite tout en restant vigoureux (2,6 m/km). Ses affluents ont des profils assez analogues : le rio Tainhas, par exemple, après les cinq premiers kilomètres où sa pente atteint 20 mètres par kilomètre, descend, en moyenne, de 2,3 mètres par kilomètre.
40Le Haut-Taquari garde une pente assez semblable pendant environ 105 kilomètres, puis, brusquement, il reprend des allures de torrent avec une pente moyenne de 12,5 mètres par kilomètre pendant 40 kilomètres. Sa vallée s’encaisse profondément ; on passe dans la deuxième zone topographique du bassin (fig. 7).
41b. Région très disséquée du Taquari moyen. Encaissé de plusieurs centaines de mètres dans le plateau, le Taquari a, par ses affluents, profondément disséqué celui-ci (fig. 12 a) qui pendant près de 150 kilomètres, ne s’incline plus que très faiblement d’Est en Ouest et conserve une altitude de 700 ou 800 mètres. Selon les modalités de la dissection, dont l’explication morphologique reste encore à trouver, on peut distinguer trois zones : tant que le Taquari coule parallèlement au front de la cuesta Sud, sa vallée est une gorge très profonde ; le relief de cette zone est nettement dissymétrique et oppose la partie nord à la partie sud du bassin. Une troisième zone commence lorsque le cours du Taquari s’infléchit vers le Sud : c’est la vaste percée obséquente par laquelle le Taquari quitte le plateau et pénètre dans la dépression transversale.
42La partie sud de la première zone est la plus disséquée ; le Taquari encaissé de près de 500 mètres dans le revers de la cuesta, à moins de 20 kilomètres de la ligne de partage des eaux entre ses affluents et les petites rivières obséquentes qui entaillent le front, fournit un niveau de base si déprimé que tous ses affluents sont de véritables torrents, au profil extrêmement tendu, avec une pente moyenne de 15-20 mètres par kilomètre. Le plateau se réduit à une série de crêtes d’interfluves ; les versants des vallées encaissées sont très raides, souvent rocheux et interrompus de divers replats, par suite de la structure du trapp. Les défrichements ont fait disparaître la forêt originelle au profit d’une végétation secondaire arbustive ; l’érosion des sols, souvent active, a réduit considérablement leur épaisseur.
43La partie nord de cette même zone est moins vigoureusement disséquée : les longs affluents de la rive droite du Taquari ne semblent pas encore complètement adaptés à la reprise d’érosion ; ils entaillent le plateau plus faiblement que ne le fait le Taquari et se raccordent à celui-ci par de véritables chutes : le rio Guaporé, par exemple, n’a qu’une pente moyenne de 1,3 mètre par kilomètre entre le 10e et le 155e kilomètre de son cours, puis une pente de 5 mètres par kilomètre entre les kilomètres 155 et 165, et enfin une pente de 20 mètres par kilomètre dans les cinq derniers kilomètres avant sa confluence avec le Taquari (fig. 8). Les vallées de ces affluents sont pourtant encaissées, même dans les cours supérieurs à pente modérée, avec des versants raides, aux sols ravinés et pierreux ; les dallages sont fréquents dans les lits.
44A partir du moment où le Taquari prend une direction générale Nord-Sud, le relief devient symétrique des deux côtés de la rivière ; la vallée du Taquari est plus large et son profil longitudinal, beaucoup plus doux, ne dépasse plus 0,55 mètre par kilomètre. Les affluents ont des profils tendus mais concaves dans l’ensemble ; ils sont déjà adaptés à la reprise d’érosion et ont, de part et d’autre du Taquari, disséqué le plateau en lanières à partir des serras qui forment les interfluves majeurs. Celles-ci culminent à environ 700 mètres d’altitude ; celle de la rive droite constitue la ligne de partage des eaux entre le Taquari et le cours moyen du Jacui (fig. 9).
45c. Cours supérieur et moyen du Jacui. Le Jacui naît à 730 mètres d’altitude, dans la partie nord du plateau ; il se dirige d’abord vers le S.O. pendant les 150 premiers kilomètres ; il oblique ensuite vers le Sud, un peu avant la chute de Salto Grande qui peut servir de limite entre les cours supérieur et moyen. Il semble que dans son ensemble, ou du moins dans sa partie moyenne, la vallée du Jacui soit adaptée à une grande flexure dans le pendage Est-Ouest du trapp. Comme le montre la coupe schématique transversale, la zone du Jacui est nettement dissymétrique (fig. 9) : alors que la partie Est culmine à 700 mètres, les altitudes ne dépassent pas 450 mètres à l’Ouest.
46Ces altitudes plus faibles que dans la région du Taquari ont permis à la première vague de reprise érosive de remonter jusqu’aux sources du Jacui dont le profil général est dans l’ensemble régulièrement concave (fig. 10). De ce fait, le bassin est constitué par les lanières du plateau qu’ont disséqué les affluents du Jacui, également adaptés aux niveaux de base que celui-ci représente pour eux : ils ont des profils tendus mais concaves (fig. 11). Dans le secteur du Haut-Jacui, les tributaires de la rive gauche ont des pentes plus raides que ceux de la rive droite, car les uns et les autres descendent directement des interfluves et l’un de ceux-ci est nettement plus haut que l’autre. Dans son cours moyen, au contraire, le Jacui reçoit sur sa rive droite des affluents qui continuent à descendre directement de l’interfluve, avec des profils raides et sur sa rive gauche des affluents qui descendent très obliquement par rapport à la serra et ont des inclinaisons plus douces.
47Dans l’ensemble, le relief est moins contrasté que celui du bassin moyen du Taquari. Le Jacui coule dans une vallée relativement large. A partir du 15e kilomètre, son cours supérieur a une pente moyenne de 2,1 mètres par kilomètre ; le cours moyen descend de 0,80 mètre par kilomètre. Aux abords de la vallée principale, surtout à l’Ouest, le relief prend un aspect de collines. La forêt cède la place aux herbages naturels ou créés par l’homme. Les sols restent dans l’ensemble plus profonds que dans la zone moyenne du Taquari. Ces deux fleuves ne se ressemblent donc pas dans leurs cours supérieurs et moyens.
48Ils présentent pourtant la même particularité en abordant la dépression transversale : leur profil longitudinal est plus tendu qu’en amont, les rapides et chutes deviennent plus fréquents. Signalons d’ailleurs que, dans le détail, toutes les rivières principales et secondaires sont affectées de rapides et même de chutes, tout au long de leur cours. La concavité générale des profils longitudinaux du Jacui et de ses affluents cache toujours un certain nombre de ces accidents secondaires. A chaque zone de chute ou de rapide correspond un lit mineur encaissé entre les berges élevées, même lorsque, dans l’ensemble, la rivière coule presque à la surface de la plaine, comme c’est le cas dans la dépression transversale.
49d. Dépression transversale. Au pied du bord sud du plateau s’étend une longue bande de relief très doux, limitée au Sud par une nouvelle ligne de hauteurs qui culminent à 450 mètres d’altitude. Ce dernier relief correspond à la réapparition du socle cristallin et forme le bas plateau disséqué du Sud. La dépression transversale creusée dans les grès décomposés sur de grandes profondeurs est une région de collines (fig. 12 b). On y trouve même de petites dépressions fermées qui se remplissent d’eau au moment des pluies et ne la rendent que lentement à la rivière par le jeu de la nappe phréatique.
50Le Jacui, après un court tronçon N.O.-S.E., prend, au milieu de cette dépression, une direction nettement Ouest-Est qu’il conserve jusqu’à son arrivée dans le Guaïba. Dans le tronçon N.O.-S.E., la pente est plus forte qu’en amont (1 m par km) et le lit est accidenté de plusieurs rapides et chutes. Au contraire, après son coude vers l’Est, le Jacui n’a plus qu’une pente moyenne très faible de 0,07 mètre par kilomètre, avec des tronçons sans inclinaison, séparés par de petites chutes ou rapides (fig, 12c).
51Le Taquari rejoint directement le Jacui par un simple tronçon N.O.-S.E. ; on y observe, en plus accentué, la même augmentation de pente que pour le Jacui. Le fleuve suit alors un lit encaissé de plus de 20 mètres dans ses propres alluvions (fig. 12c).
52Les collines de roches décomposées de la dépression transversale étaient naturellement couvertes de ces campos qui font déjà penser à la Pampa argentine. L’homme y a ajouté, surtout dans la partie Est, de grandes plantations d’eucalyptus.
53Dans son cours inférieur, le Jacui reçoit un affluent qui vient de l’Ouest de la dépression transversale et divers petits affluents qui descendent des hauteurs du Sud, avec un profil concave peu incliné : 1,9 mètre par kilomètre pour l’A. São Sepe (fig. 11). Sur sa rive gauche, il est rejoint par un tributaire plus abondant qui descend en pente raide depuis le bord Sud du plateau : le rio Pardo. En amont de Porto-Alegre, le Jacui grossi du Taquari, forme avec le Caï, le Rio dos Sinos et le Gravatai, qui descendent du bord du plateau, l’estuaire du Guaïba.
54Pour bien comprendre le comportement du Guaïba, il faudrait pouvoir étudier en détail les problèmes hydrologiques qui intéressent chaque partie du bassin ; chacune offre en effet des conditions particulières pour l’alimentation des cours d’eau. Une telle étude n’est pas actuellement possible, faute de mesures de débits. Nous nous contenterons d’analyser, à Mussum et à Cachoeira, les résultats sur le Taquari et le Jacui, des conditions qui caractérisent les parties supérieures et moyennes de leur bassin, après avoir analysé, avec plus de patience, les rapports entre la pluviosité et l’écoulement dans le petit bassin de l’Ibirapuitã et par là les problèmes hydrologiques de la dépression transversale.
Notes de bas de page
1 D’après A. Serra et O. Valverde, op. cit.
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