Conditions de travail. Méthodes utilisées
p. 23-32
Texte intégral
1Il nous paraît nécessaire, ne serait-ce que pour expliquer certaines de ses lacunes, d’exposer les conditions dans lesquelles nous avons réalisé cette étude.
I. Travail sur le terrain
2Durant les mois d’octobre et novembre 1954 et 1955, deux expéditions ont été organisées par l’Institut national de Recherches de l’Amazonie, qui dépend du Conseil national de recherches brésilien. Elles avaient pour but l’étude géomorphologique d’une partie du territoire du Rio Branco, en vue de sa mise en valeur. M. le Professeur Francis Ruellan les dirigeait, et nous y avons participé en qualité de secrétaire scientifique et de chef de groupe.
3Les expéditions étaient, en effet, divisées en plusieurs groupes qui ont parcouru la région, certains même sur la rive droite du Surumu. Ces groupes avaient pour mission, en particulier, de contrôler et de compléter les cartes que nous avions dressées avec les photographies aériennes sous la direction de M. Ruellan.
4Nous avons donc nous-même suivi les parcours du groupe de direction, en 1954 et 1955, ainsi que du premier groupe en 1955. Mais une partie de l’étude de terrain est due aux autres chefs de groupes et à leurs compagnons et, dans ces cas, nous avons procédé à la synthèse de leurs observations, en les complétant dans la mesure du possible, avec les photographies aériennes et en nous chargeant du travail de laboratoire.
5On voit que cette étude ne pouvait être exhaustive, aussi trouvera-t-on une certaine irrégularité dans la densité des observations que nous pouvons donner.
***
6D’autre part, les difficultés de transport ainsi que la perle de temps qu’elles provoquent, ont bient souvent entravé l’activité des groupes sur le terrain. Il faut réaliser qu’aucun pont, si rudimentaire soit-il, non plus qu’aucun bac n’existaient dans la région en 1954 et 1955. Or, en début de saison sèche, les orages sont encore assez fréquents pour provoquer des crues brutales qui interdisent la traversée des rivières.
7Des petits cours d’eau qui, en basses eaux, ne sont guère que de gros ruisseaux, arrivent ainsi à retarder le parcours d’un itinéraire, quelquefois de plusieurs jours. De plus, dans la zone plane, les grandes rivières, telles que le Cotingo, le Surumu et le Mau, ne sont traversables qu’en canoë ; mais les habitants de la contrée, venant en majeure partie du Nord-Est du Brésil, donc d’une zone sèche, n’ont pas repris la tradition indienne des « ubas »20. De nombreuses fermes situées sur les rives des cours d’eau importants ne possèdent ainsi aucun moyen pour les traverser. H faut alors atteindre une « Maloca » ou hutte indienne pour trouver un vieil « uba » permettant de transporter le matériel, lot par lot. Si l’on ajoute à cela que notre temps était limité puisque nous avions une date fixe de retour, on comprendra sans peine quelques-unes des imperfections du travail sur le terrain.
8Le transport du matériel, en particulier d’une partie du matériel scientifique, posait encore d’autres problèmes. Il se faisait en effet à dos de bœufs, mal habitués à cette tâche, d’où une très grande lenteur dans les cheminements, ainsi que de nombreux incidents dont souffraient parfois les appareils. Les épidémies, notamment celles de fièvre aphteuse, compliquaient encore ces conditions en rendant le recrutement des bœufs difficile et leur santé précaire. Enfin, en dehors de quelques « garimpeiros »21 trop impatients pour modérer longtemps leur allure, il était presque impossible de trouver des guides connaissant la zone septentrionale. Les noms indiens marqués sur les anciennes cartes sommaires, d’après les itinéraires de la Commission des Limites, ont presque tous été remplacés par des appellations importées du Nord-Est par le nouveau peuplement, et la corrélation avec l’ancienne toponymie n’était pas toujours facile.
II. La bibliographie utilisée pour l’orientation « lu travail sur le terrain
9Les expéditions qui ont parcouru la partie septentrionale du territoire et laissé des documents utilisables sont peu nombreuses :
10— l’expédition Hamilton Rice a levé principalement la zone occidentale de l’Uraricuera et du Parima, et ses études concernent une région plus méridionale que celle que nous avons atteinte ;
11— en 1927-1928, M. Glycon de Paiva a effectué une mission géologique en accompagnant une des expéditions de la Commission des Limites jusqu’au Mont Roraimã. Mais son itinéraire est difficile à retracer par suite de l’imprécision des caries dont il disposait ainsi que des changements de nomenclature.
12— en 1933, M. G. H. Tate a publié une étude du Roraimã, accompagnée d’une carte d’ensemble à 1/525.000, également peu précise.
13A la même époque, le gisement de Diatomites du Puraquê était découvert par M. Justino Nogueira Gomes.
14— entre cette date et 1954, on ne peut guère citer que les travaux de M. Avelino Inácio de Oliveira concernant les ressources minérales, ceux de M. Djalma Guimarães sur les échantillons recueillis et celui de M. le Commandant liras Dias de Aguiar qui avait participé aux travaux de la Commission des Limites.
15— les déterminations du tracé des frontières par la Commission des Limites nous ont été très précieuses. Elles constituent le cadre dans lequel s’inscrivent nos observations et notre carte.
16— une étude d’ensemble de M. A. Guerra, ainsi que des articles de MM. Octavio Barbosa et J. R. de Andrade Ramos, ont paru depuis nos deux expéditions.
17Nous reviendrons dans les pages suivantes sur les indications que donnent ces travaux. Mais, dès 1954, il était apparu que l’absence d’une carte d’ensemble quelque peu détaillée, gênait la coordination des différentes observations. Aussi notre premier travail a-t-il été de dresser cette carte.
III. La carte à 1/250.000
18Nous l’avons faite à l’aide des photographies aériennes trimetrogon [irises par les Américains du Nord pendant la dernière guerre et remises au Conseil national de Géographie du Brésil. Les coordonnées du vol le plus septentrional se sont avérées inexactes. En outre, la restitution des photographies obliques entraîne de nombreuses imprécisions. Mais il n’existait aucun autre document.
19Du Nord au Sud, les photographies dont nous nous sommes servie sont les suivantes (les numéros comprennent une photographie verticale et les deux obliques correspondantes) :
20Vol. 4.019-13, photographies 1 à 24 ;
21Vol. 4.019-14, photographies 1 à 36 ;
22Vol. 4.019-12, photographies 1 à 55 ;
23Vol. 4.019-24, photographies 1 à 55 ;
24Toutes ces photographies ont été amarrées par bande, selon le procédé classique de triangulation radiale et les obliques, redressées par craticulage22.
25Les analyses de chaque vol ont donc été dessinées à la même échelle que la prise de vue, ce qui a permis d’obtenir plusieurs feuilles à 1/40.000 environ. Ce sont ces cartes géomorphologiques qui ont été utilisées pour le travail sur le terrain, vérifiées et complétées pendant les expéditions.
26Elles ont été ensuite réduites au pantographe de précision, feuille par feuille et amarrées à un canevas de points astronomiques de la zone. Une partie de ceux-ci avait été déterminée par la Commission des Limites23, d’autres par l'expédition H. Rice, et quelques-uns par un géodésien ayant participé à notre deuxième expédition24.
27Nous avons consulté également la feuille Roraimã à 1/1.000.000 publiée en 1952 par l’American Geographical Society of New York.
28A l’aide de ces documents, nous avons ainsi dressé une carte géomorphologique générale de la région à 1/250.000, sur laquelle nous avons pu reporter les cheminements effectués (carte hors texte no 5). Nous avons en outre établi quelques cartes locales à de plus grandes échelles (cartes hors texte).
IV. Les cheminements
29Sur le terrain, tous les déplacements des groupes ont été enregistrés par des cheminements à la boussole et une vitesse moyenne a été calculée approximativement, ce qui a permis d’accrocher les observations, les coupes de détails, les prises d’échantillons, les photographies terrestres et les relevés d’altitude. Il est certain que la précision de cette méthode laisse à désirer, mais aucune autre n’était praticable pour localiser ensuite ces renseignements sur la carte.
30Les cheminements ont été dessinés à 1/40.000, puis réduits à l’échelle de la carte générale sur laquelle ils ont été reportés. Les itinéraires forment, dans la mesure du possible, un réseau avec des recoupements, ceci afin de permettre des vérifications, notamment en ce qui concerne les altitudes25.
V. Coupes de détails
31Les groupes possédaient des appareils divers pour procéder à des levés détaillés : alidades à lunette, graphotachéomètres, règles à éclimètre, niveaux d’Abney, boussoles Chaix, boussoles de géologue avec clinomètre.
32Les levés à la planchette ont surtout été employés pour des profils précis, mais courts, tels que des coupes transversales de vallées. Il était plus difficile d’en effectuer en montagne, en raison de la vigueur du relief. Mais surtout, une partie du matériel avait subi des dommages, pendant le transport, qui le rendaient parfois inutilisable.
VI. Analyses des échantillons
33Les analyses pétrographiques ont été effectuées par M. le Professeur E. Scorza, de la Division de Géologie et Minéralogie du Département national de la Production minérale du Brésil.
34Nous donnons en annexes certaines d’entre elles, ainsi que les conclusions que M. Scorza a tirées de ces études.
35Les photographies des lames minces ont été tirées au Muséum national d’Histoire naturelle, à Paris.
***
36Les sédiments ont été étudiés au Laboratoire de l’École d’Agriculture de Rennes, ainsi qu’au Laboratoire de Géomorphologie de l’École pratique des Hautes Études. Nous avons utilisé différentes techniques :
A. Granulométrie
37Nous avons suivi les méthodes recommandées par M. Berthois26, notamment en ce qui concerne la répartition d’un échantillon moyen. Nous avons donc utilisé soit le séparateur mécanique, soit la méthode des carrés.
38Les fractions graveleuses et sableuses ont été tamisées, suivant les possibilités qui nous étaient offertes, avec la série Tripette et Renault, dont les dimensions des mailles suivent une progression géométrique √2 ou avec la série AFNOR :
39.
40La séparation des fractions sableuses et fines a été faite par tamisage sous l’eau. Le diamètre des mailles du tamis utilisé était de 0,059 millimètre. La fraction fine comporte donc un certain pourcentage de particules plus grossières que la classe des poudres, d’après la classification de M. Bourcart27, mais il est difficile pratiquement d’opérer des tamisages jusqu’à 0,020 millimètre.
41Nous avons procédé pour quelques échantillons à la granulométrie de la fraction fine. Nous avons alors employé la méthode de la densimétrie, telle qu’elle est exposée dans de nombreux travaux28.
42Les représentations graphiques des granulométries que l’on trouvera dans cette étude sont, soit des courbes cumulatives de probabilité, soit des courbes cumulatives semi-logarithmiques inscrites dans un carré. Dans les premières, les abscisses sont logarithmiques (diamètres des mailles des tamis), et les ordonnées (pourcentages cumulés des résidus) suivent une échelle de probabilité. Les secondes ont également des abscisses logarithmiques, mais leurs ordonnées son arithmétiques. Les coordonnées ont été ensuite recalculées afin de pouvoir comparer les graphiques aux courbes canoniques utilisées au Laboratoire de M. Rivière29.
B. Morphoscopie
43Nous l'avons effectuée sur les résidus de tamisage, en utilisant les catégories indiquées par M. Cailleux, mais complétées par les observations de M. Rougerie30.
C. Minéraux lourds
44Nous avons utilisé les résidus groupés des tamisages de 0,36 à 0,118 millimètre pour la séparation au bromoforme. Tous les pourcentages ont été effectués sur au moins cent grains.
D. Analyses chimiques
45Les méthodes d’analyses que nous avons utilisées sont assez grossières. Elles permettent cependant d’obtenir une première approximation de la composition des sédiments et des formations ferralitiques de la région. Nous avons ainsi déterminé les proportions de fer total, de silice colloïdale, et globalement, d’alumine, de bioxydes de manganèse et de titane. Le rapport S/AF que nous avons calculé correspond donc en réalité à celui de silice colloïdale/fer total + AL2 O3 + Mn O2 + Ti O2. Mais les proportions d’alumine et de fer étant de beaucoup les plus importantes, les erreurs commises sont faibles, surtout si la précision recherchée n’excède pas la première décimale.
461. Nous avons effectué les dosages de fer total par la méthode au permanganate de potasse, telle qu’elle est exposée par Claude Francis-Bœuf31.
472. Les analyses de silice et d’alumine ont été faites suivant la méthode aux trois acides, indiquée par M. Duchaufour32.
483. Pour les dosages d’humus, nous avons utilisé la méthode donnée par Claude Francis-Boeuf33.
494. Nous nous sommes servi du vase de Schroedter pour la recherche du carbonate de calcium, et la réaction à l’acétone nous a permis de vérifier qualitativement l’absence de sulfate de calcium dans certains sédiments.
50Quelques analyses chimiques complètes ont été effectuées par le Laboratoire d’analyse chimique de minéraux et de roches du Muséum national d’Histoire naturelle. Nous les donnons en annexe.
51D’autre part, la colorimétrie a été faite au Laboratoire, sur les sédiments passés au mortier, à l’aide du Code expolaire de André Cailleux et G. Taylor.
52Enfin, le laboratoire de Minéralogie du Muséum national d’Histoire naturelle a bien voulu effectuer quelques analyses thermiques différentielles de nos sédiments.
Notes de bas de page
20 Canots creusés dans un tronc d’arbre.
21 Chercheurs de diamant.
22 Bibliographie no 32.
23 Points et cartes fournis par la « Comissão Mixta Brasileiro-Venesuelana Demarcadora De Limites » ainsi que par la « Comissão Mixta Brasileira-Britanica Demarcadora De Limites ».
24 M. Durvai, Muniz, géodésien du Conseil national de Géographie du Brésil.
25 Nous avons utilisé des baromètres anéroïdes de précision Wild.
26 Bibliographie no 11.
27 Bibliographie no 12.
28 Bibliographie no 13.
29 Bibliographie nos 51 et 52.
30 Bibliographie no 53.
31 Bibliographie no 13, p. 44 à 47 et 41.
32 Bibliographie no 25, p. 290.
33 Bibliographie no 13, p. 44 à 47 et 41.
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