Chapitre II. « Costumbrismo »
p. 79-132
Texte intégral
I. — Sarmiento et Larra
1C’est le 22 juillet 1841, dans un compte rendu d’Un desafío, que Sarmiento mentionne Larra pour la première fois. Un mois plus tard, il lui consacre un jugement très favorable162.
2Au moment où il rédige son article, il a sous les yeux l’édition de Madrid des œuvres de Figaro, ou celle de Montevideo, et non les revues163. En effet, trompé par la présentation de la page du titre, il voit deux revues là où il n’y en a qu’une164.
3L’armée suivante, dans un article du 30 juin publié dans le Mercurio, Sarmiento cite l’édition de Valparaiso des œuvres de Larra165. Cette bonne édition166, une des rares où les articles soient datés, est due à l’imprimeur catalan Manuel Rivadeneyra qui, arrivé au Chili dans les premiers jours du mois de juillet 1838, devint en deux ans le propriétaire de deux imprimeries, l’une à Valparaiso, l’autre à Santiago167.
4Dans ce bref article Sarmiento n’analyse pas en détail l’œuvre de Larra. Il signale néanmoins les traits caractéristiques de Figaro. Si nous les appliquons à Sarmiento, pour une partie de ses articles, nous ne ferons que confirmer, à l’en croire, l’avis d’Andrés Bello qui, paraît-il, compara un jour l’exilé au Madrilène168.
5L’écrivain argentin a encore bien présents à la mémoire ses débuts dans El Zonda, lorsqu’il dit de Larra :
… es uno de estos espadachines de tinta i papel que acometiendo recio contra las costumbres rutinarias de su patria, contra un orgullo nacional mezquino i mal alimentado, contra hábitos de pereza i de abandono, supo abrirse paso entre la enemistad i el odio de sus contemporáneos a quienes hirió de muerte en sus preocupaciones169.
6Il ne manque pas, au passage, de faire l’apologie du journalisme, disant que Larra n’a pas écrit de livre comme Cervantès, mais qu’il savait fort bien que le journalisme est la voix qui retentit pour faire entendre la vérité.
7Sarmiento ne fait pas allusion à Figaro avant 1841. Est-ce à dire qu’il a tout ignoré de Larra auparavant ? Ce n’est guère vraisemblable. Il n’a pas cité une seule fois Larra dans El Zonda, mais on sait que cet hebdomadaire doit en grande partie son existence à La Moda, qui ne cachait pas son admiration pour le Madrilène170.
8Que Sarmiento ait lu les revues espagnoles qui avaient publié les articles de Figaro, ce n’est pas impossible. Il a pu lire aussi les œuvres de Larra dans les volumes édités en Espagne ou à Montevideo.
9En tout cas nous croyons pouvoir signaler deux textes, dans El Zonda, où l’influence de Larra semble directe : le testament et l’article intitulé « Periódicos ». Il n’est pas sûr que le testament ait été rédigé par Sarmiento ; mais l’article en question figure dans les Obras. Dans aucun des deux cas, d’ailleurs, on ne peut parler de pastiche ; toutefois on remarque une ressemblance avec deux idées de Larra qui n’ont pas été retenues par Alberdi.
10Le « Testamento » serait une adaptation de la « Muerte del Pobrecito Hablador », que nous n’en serions pas surpris. L’un et l’autre textes commencent par quelques vers. El Zonda a provoqué le mécontentement « y hablillas » ; et il va mourir, parce qu’il a été mordu par une petite chienne appelée « critiquilla ». Or, don Andrés Niporesas est mort parce qu’il a entendu des « habladurías » sur son compte. Il insiste sur les raisons de sa mort et conseille à ses enfants : « Antes de hablar, mirad lo que vais a decir : ved las consecuencias de las habladurías ». Dans un des « item » de son testament, l’Espagnol affirme plaisamment : « en la corte no hay vicios a pesar de mi segundo número, donde me dió por decir que sí ». El Zonda, dans deux « item », lègue plusieurs de ses numéros aux personnes qu’il a critiquées dans ceux-ci.
11Les rencontres entre l’article « Periódicos » et « Un periódico nuevo » sont plus probantes. Sarmiento se demande au début « Qué es, pues, un periódico » ? pour se donner le prétexte de répondre et de montrer les avantages que procure la lecture d’un journal. Tel est aussi le dessein de Larra, qui écrit : « Inapreciables son las ventajas de los periódicos ». Larra poursuit : « No es necesario estudiar porque, a la larga, qué cosa hay que no enseñe un periódico » ? C’est exactement ce que dit Sarmiento : « Un periódico es, pues, todo ». Figaro énumère ensuite tous les thèmes traités dans un journal ; la liste, bien que différemment ordonnée par les deux écrivains, est sensiblement la même dans les deux articles, avec, toutefois, un plus grand luxe de détails dans El Zonda que dans l’article de Larra. Sarmiento accumule les titres pour bien mettre en évidence futilité d’un journal destiné à améliorer les mœurs, le commerce, l’industrie, l’éducation. Larra n’a pas mentionné l’éducation. Sarmiento, lui, s’il fait bon marché des rubriques concernant la mode ou la musique, que Figaro n’a pas oubliées, ne saurait négliger un sujet qui lui tient à cœur. Il y a aussi une grande différence de ton entre les deux articles. Larra s’amuse du début jusqu’à la fin, en riant jaune parfois, et ponctue chacun des titres énumérés d’une réflexion cinglante et corrosive. Sarmiento fait un plaidoyer en faveur du journal et, sentant la mort d’El Zonda prochaine, ne plaisante pas.
12Ces réserves faites, il reste un air de famille entre les deux articles et ceux de Figaro.
13En fait, par une curieuse coïncidence, c’est la même année, en 1834, que lecteurs argentins, chiliens et uruguayens purent lire, pour la première fois dans la presse locale, semble-t-il, des articles signés Figaro171.
14Sarmiento avait alors 23 ans.
15Ces articles furent publiés dans les journaux les plus importants de l’époque : le Mercurio de Valparaiso, le Monitor, l’Imparcial et le Diario de la tarde, de Buenos Aires, la Revista de 1834 et le Telégrafo de Montevideo172.
16Avant 1834, même, le pseudonyme Figaro avait pénétré dans l’Amérique australe.
17En 1828, Juan — ou Jean — Lasserre, rédacteur principal d’El hijo del Diablo Rosado, cite en exergue, dans le numéro 12 de ce périodique, la phrase suivante qu’il fait précéder, entre parenthèses, du nom de Figaro : « Il n’y a que les petits hommes qui craignent les petits esprits »173. Voilà un Figaro bien français. Est-ce à Jean Lasserre, Français émigré en Argentine, que revient l’honneur d’avoir introduit Beaumarchais dans ce pays ? Nous ne saurions le dire. En tout cas, Figaro devient bientôt célèbre dans le Río de la Plata. Le 26 novembre 1829, on joue Le barbier de Séville au Coliseo Provisional de Buenos Aires. Le même spectacle sera repris, dans le même théâtre, le 16 février 1830 et le 27 avril 1831, puis le 3 août et le 26 octobre 1834174.
18José A. Oría signale en outre l’existence, en 1833, d’une feuille imprimée intitulée El Fígaro, vraiment éphémère puisqu’elle n’eut qu’un seul numéro175. Nous n’avons pas pu la trouver ; et nous le regrettons, car l’éminent professeur ne la décrit pas et ne fait qu’en recopier le titre complet : El Fígaro, biográfico, político, apostólico y enemigo de los traidores. Voilà un programme prometteur. Or, entre 1826 et 1833, le journal « non politique » Le Figaro a fait grand bruit à Paris ; et la rubrique intitulée « Coups de lancette » malmenait avec esprit artistes et politiciens réputés176. Puisque nous ne savons à peu près rien du Fígaro de Buenos Aires, nous nous bornons à constater l’existence, en Argentine, d’un journal né après un journal français portant le même titre que lui et bien connu à Paris.
19Bref, dès 1833, le nom Figaro était devenu populaire dans le Río de la Plata. Nous en avons pour preuve une curieuse annonce du journal politique et littéraire El Amigo del País, publié à Buenos Aires, qui avise ses lecteurs que « Figaro a commencé à vendre son premier assortiment de tresses et de perruques »177.
20Le barbier avait donc attiré l’attention avant qu’on ne publiât dans la presse des articles de Larra. Le succès du Madrilène, en 1834, confirme la vogue du pseudonyme.
21Ce succès est encore attesté par le fait inattendu que le premier article signé Figaro, paru dans la presse chilienne… n’est pas de Larra178.
22Notre perplexité s’accroît lorsque nous constatons que le Mercurio, à qui revient le mérite de piquer notre curiosité, publie, la même année, trois articles signés Figaro, dont deux seulement sont du Figaro espagnol179.
23Ce n’est pas tout. Dans les années suivantes, jusqu’en 1837, le Mercurio publie encore des articles signés Figaro, qui ne figurent pas dans les œuvres du Madrilène180. Deux de ces articles, « Matrimonios » et « El hipocondríaco », sont également reproduits par la Diario de la tarde, de Buenos Aires, avec la même signature et sans autre indication d’origine181. Le deuxième a été également reproduit par El Universal de Montevideo182.
24En Argentine, comme en Uruguay, ces articles figurent parmi d’autres bien connus pour être de Larra183.
25Quoi qu’il en soit, à partir de 1834, jusqu’en 1842, lorsque l’influence de Larra arrive à son apogée au Chili, Figaro est un maître reconnu184.
26Deux volumes d’articles de Larra ont été publiés à Montevideo en 1837 et en 1838. Ils préparent en quelque sorte le succès de Figaro dans les journaux uruguayens et argentins de 1838 à 1839. Or, c’est au cours de ces années que les jeunes libéraux Echeverría, Alberdi, Gutiérrez, Sastre et d’autres, entreprennent une action sociale.
27Ce n’est pas par hasard que le premier article de Larra publié dans le Río de la Plata a été modifié de telle sorte qu’il puisse s’appliquer à la situation locale. En effet, le rédacteur, qui a recopié l’article « En este país », s’est contenté d’écrire americanos chaque fois que Larra avait mis españoles ; et il a omis le nom de l’auteur. Pourtant, à part cette légère modification, les deux textes sont identiques. L’auteur de cette adaptation fidèle est vraisemblablement Pedro de Angelis, rédacteur du journal politique et littéraire El Monitor, où les lecteurs bien informés ont pu apprécier combien les réflexions de Larra pouvaient s’appliquer aux habitants de Buenos Aires. Or Pedro de Angelis est, en 1837, un des jeunes gens qui participent aux séances du Salón literario.
28Des considérations précédentes il découle qu’au moment où Alberdi va collaborer à La Moda, en 1837, Figaro a déjà fait son entrée dans la presse et qu’il a même eu un émule au Chili. On a déjà songé aussi à l’accommoder à l’américaine. Toutefois, personne autant qu’Alberdi n’a choisi délibérément d’écrire à la manière de Larra ; personne avant Alberdi n’a appelé aussi directement Larra au secours des idées nouvelles185.
29Avec Figaro c’est aussi un peu de l’esprit frondeur de Beaumarchais qui pénètre à Buenos Aires, et également le sourire du xviiie siècle français. La prose argentine s’en trouve bousculée dans son allure compassée, mais elle y gagne en souplesse, en légèreté.
30Alberdi a parfaitement compris tout le parti à tirer de la prose de Larra et de ses idées. Un Espagnol contre l’Espagne traditionnelle ? Quelle aubaine !
31Plusieurs raisons, donc, avaient poussé Alberdi à jeter son dévolu sur l’écrivain espagnol pour le proposer comme mentor à la jeunesse argentine.
32Dans le numéro 5 de La Moda, on reproduit une nécrologie publiée par un journal espagnol, El Turia, et un fragment du poème prononcé par José Zorrilla sur la tombe de Larra. Le numéro 9 reprend un fragment de « La polémica literaria ». Le numéro 18 donne la définition du mot album d’après Larra. Le numéro 22 cite une partie de l’article de Larra « Jardines públicos ».
33L’esprit de Larra est dans toute la revue. Dans les articles signés Figarillo, bien entendu186, et aussi dans l’article anonyme intitulé « Gente aparte », contre les fâcheux qui font du bruit au théâtre187, dans l’article sans titre du numéro 4. Il est aussi dans la satire des élégants : « Paquetería »188, dans le « Código de civilidad » publié le 10 février, dans les divers sens que le rédacteur anonyme donne au mot à la mode Flujo189, dans l’Avis du numéro 18, où sont exposées les intentions de la revue190, dans l’« Album alfabético »191, dans le ton attristé avec lequel sont prononcés les mots « Qué me importa ? »192, dans la chronique théâtrale qui, de temps en temps, agrémente La Moda.
34Mais, en dépit des éloges que La Moda avait prodigués à Rosas, elle dut bientôt se taire193.
35Son esprit n’est pas mort pour autant. Le 15 avril 1838, en effet, naît à Montevideo un périodique, El Iniciador, qui est pour ainsi dire une nouvelle version de la revue de Buenos Aires194. C’est ce que constate bientôt Alberdi qui se plaît à reconnaître en ses nouveaux collègues des hommes qui lui ressemblent beaucoup195.
36En fait, El Iniciador, né tout juste une semaine après la mort de La Moda, reproduisit plusieurs articles de cet hebdomadaire et publia même, dans son numéro 3, un article d’Alberdi que la revue de Buenos Aires n’avait pas eu le temps d’imprimer avant d’être interdite196.
37Le périodique de Montevideo, comme celui de Buenos Aires, se place délibérément sous le signe de Larra. Mais la présence de Larra n’est pas seulement sensible à partir du moment où Alberdi envoie des articles à El Iniciador ; elle s’impose dès le premier numéro, où les deux plus longs articles sont, par ordre d’importance — et cette rencontre prend toute la valeur d’un symbole — une traduction d’un texte de P. Leroux portant sur la littérature espagnole, et une « Carta de Fígaro »197.
38Au cours de sa brève existence, El Iniciador imprime quatre articles de Larra. Les deux premiers roulent sur la politique libérale ; le troisième, sur la décadence du théâtre espagnol ; le dernier, sur la décision prise par le journaliste de s’opposer de toutes ses forces au gouvernement. Les intentions qui ont guidé ce choix sont claires si l’on se rappelle que les collaborateurs du périodique étaient presque tous des émigrés argentins pour lesquels Buenos Aires était l’Espagne, et Rosas, le gouvernement à renverser. L’étude que les rédacteurs consacrent à Figaro dans le numéro du1er novembre est significative à cet égard. Ils y insistent sur le rôle social de Larra, dont ils font le champion du progrès et de la jeune Espagne, qu’ils considèrent comme « la sœur de la jeune Amérique »198.
39Dans l’histoire de l’article de mœurs dans le Río de la Plata, l’apport d’Andrés Lamas et de Miguel Cané, les fondateurs d’El Iniciador, de J. M. Gutierrez, un de leurs collaborateurs, n’est pas négligeable199. Mais c’est Alberdi qui demeure le disciple le plus fidèle de Larra.
40Les articles publiés dans El Iniciador n’ajoutent rien d’essentiel à ce que Sarmiento pouvait connaître de Figarillo par La Moda ; ils confirment néanmoins l’influence persistante de Larra au moment où, dans sa lettre du 1er janvier 1838, le jeune provincial de San Juan manifeste son admiration à Alberdi.
41Or, à part les articles parus dans El Zonda, où, précisément, l’influence de Larra est évidente, Sarmiento n’a rien publié entre 1838 et 1841. Et, quand il fait ses débuts, au cours de cette dernière année, dans la presse chilienne, il se souvient du Madrilène. On peut donc dire que Larra est un de ses premiers maîtres.
42 1. Larra champion d’une société nouvelle. — Dès le deuxième numéro de La Moda, Figarillo conseille de lire Larra à ceux qui désirent voir un échantillon parfait d’une littérature « socialiste et progressive »200. Une littérature « socialiste et progressive », c’était aussi ce que réclamait P. Leroux dans la Revue Encyclopédique. Larra est l’homme qui, en espagnol, exprime un idéal semblable à celui que d’autres ont défini en langue étrangère, un idéal semblable à celui des intellectuels de Buenos Aires.
43Dès ce deuxième numéro, Alberdi interprète la mort de Larra dans le sens le plus favorable à son désir de secouer le joug du passé colonial, comme le suicide d’un homme qui ne pouvait plus vivre avec cette « femme insupportable » qu’est l’Espagne201.
44Les rédacteurs de La Moda font fréquemment appel à Larra pour défendre leurs idées. Ainsi, dans le numéro 4, pour prouver l’utilité de la critique, un rédacteur anonyme cite le cas de Larra qui, en se moquant de l’Espagne, est « l’expression de la jeune Espagne qui s’élève sur les ruines de l’Espagne féodale ».
45L’engouement de Figarillo et de ses amis pour Larra n’est pas dû seulement au fait que, dans ses écrits, ils trouvaient des armes qu’ils pouvaient retourner contre l’Espagne, avec d’autant plus d’efficacité qu’elles avaient été forgées par un de ses enfants. Ils ont vu en lui l’homme jeune, « libéral », luttant contre la routine pour une cause identique à celle qu’ils soutenaient. C’est au nom d’une idéologie commune qu’ils s’adressèrent à lui, et parce qu’ils trouvaient dans son œuvre le style qu’ils cherchaient confusément. Quand Alberdi et Gutiérrez, lors de l’inauguration du Salón literario, préconisèrent l’abandon de la langue espagnole, aucune expérience ne leur permettait de concilier leur désir d’émancipation et la réalité d’une langue qui, en dépit de leur haine de la tradition, faisait partie d’eux-mêmes aussi bien que leur sang. Mais la langue de Larra, tout en restant espagnole, s’était accommodée au goût du jour. Elle était révolutionnaire. Aussi les rédacteurs de La Moda ne se sont-ils pas fait faute de reproduire un long passage de l’article de Figaro intitulé « El Album », où le Madrilène revendique la liberté d’introduire des mots nouveaux dans la langue202.
46Larra était le modèle rêvé, le guide reconnu par les jeunes dans leur quête de la réalité argentine et américaine. Grâce à lui, ils apprenaient à se connaître, à exercer leur esprit critique, à chercher les caractères de leur nationalité naissante.
47Il est significatif que deux des hommes qui ont le mieux contribué à cette quête, Alberdi et Sarmiento, aient délibérément mis à profit les idées de Larra à leurs fins.
48Les jeunes qui, en dépit des leçons qu’ils demandent à la France, pensent en créoles, en s’exprimant parfois avec des mots étrangers, ont conscience du service que Larra peut leur rendre. Mais ils n’oublient jamais que leur but principal, leur raison d’être est l’affirmation de l’individualité américaine.
49Cette volonté est la preuve de l’existence d’une pensée originale.
50En tout cas, en imitant Larra, Alberdi, Sarmiento et les autres ajoutent une nuance à l’expression de la pensée des libéraux. A la poésie de La Cautiva, d’Echeverría, au ton philosophique du Dogma socialista, au sérieux du Fragmente preliminar al estudio del derecho, d’Alberdi, à l’emphase des discours prononcés lors de l’inauguration du Salón literario, ils joignent l’ironie.
51Autant Sarmiento accable de sarcasmes l’Espagne du passé, autant il admire en Larra le héraut d’une Espagne nouvelle. Ce « Cervantès de l’Espagne régénérée », comme il l’appelle, jouit d’un tel prestige en Amérique que peu d’écrivains échappent à son influence, dit-il, après avoir assisté à une représentation de Macías203.
52Dans sa première polémique littéraire, Sarmiento définit avec une intelligence clairvoyante le rôle que Larra a joué en Espagne et le sens que son œuvre, suivant le critique argentin, doit avoir en Amérique. Dans une page vibrante d’émotion, il met en lumière la lutte pathétique de Larra, engagé à fond dans la voie du progrès et de la démocratie.
53A ses yeux, Larra est le symbole du combat qu’il a entrepris dans son pays et qu’il poursuit en exil.
54C’est cela que Sarmiento met en évidence dans son article du 5 juin 1842, où l’on trouve la plus lumineuse interprétation du message de Larra en Amérique.
55Rivadeneyra vient de publier sa Collection des articles de Larra. Le livre contient des leçons utiles pour ceux qui savent les comprendre. C’est à partir de ce postulat que Sarmiento construit sa réponse à ceux qui voudraient enrayer la marche du temps. Il fait de cet ouvrage une arme de combat, considérant qu’on y voit tracé le chemin que doivent suivre les hommes qui travaillent pour le progrès des « pays espagnols » et qui veulent établir la liberté204.
56Puis il s’indigne contre les sots qui croient que Larra a eu pour seul but de faire rire en se moquant des coutumes, de la pauvreté, de la misère, du retard de sa patrie. Non, Larra, assure-t-il, ne prend pas un malin plaisir à dénigrer, à traîner dans la boue son pays. Larra secoue et pique l’Espagne pour qu’elle s’éveille, pour qu’elle s’irrite, se relève et marche dans la voie que la civilisation et la liberté des autres nations ont ouverte. Il est l’âme de la jeune démocratie qui élève la voix contre une société caduque et rétrograde, et il se moque du passé avec un sourire désespéré sur les lèvres. Larra est donc le champion de la jeunesse patriote, qu’elle soit américaine ou espagnole.
57Sarmiento renouvelle ensuite l’assurance de ses sentiments internationalistes, car son adversaire, à bout d’arguments, lui a reproché d’être étranger. Il y a lieu de préciser que si ces sentiments ont pu être renforcés par l’exil, Sarmiento et les jeunes Argentins libéraux ont toujours eu conscience d’une certaine unité américaine.
58Par cet article, Sarmiento est un des écrivains qui ont dégagé avec le plus de perspicacité, le plus tôt aussi, l’originalité du costumbrismo de Larra, sa valeur sociale, politique. La plupart des continuateurs de Larra retiendront surtout le caractère anecdotique de ces articles, leur humour.
59De ce fait, Sarmiento et Alberdi sont peut-être, dans l’Amérique de langue espagnole, les seuls fils spirituels de Figaro.
60Dans la même polémique, Sarmiento use d’un stratagème qui a déconcerté ses adversaires. Pour mieux triompher d’eux, il imagine de fabriquer un article en faufilant des phrases glanées dans l’œuvre de Larra. Il cite en exergue une définition signée « Lord Agirof », anagramme fantaisiste de Figaro205. Personne n’ayant flairé la ruse, Sarmiento exulte dans son article du 30 juin et dévoile la supercherie. Il invite ses contradicteurs à bien lire l’œuvre de Larra et à y découvrir que, de même que le rédacteur du Mercurio, Figaro a prononcé le divorce avec le passé, déclaré l’impuissance d’une langue trop vieille pour exprimer les idées nouvelles, recommandé la liberté pour la langue et la littérature, comme pour la politique.
61Rapprochons ces déclarations d’un passage du discours prononcé par Sastre lors de l’inauguration du Salón literario : l’esprit et la lettre, à peu de choses près, en sont identiques206. Cette ressemblance dénote une communauté de vues parfaite entre l’exilé et ses compatriotes qui, cinq ans auparavant, créaient le sentiment de ce qu’on appellera l’argentinité au sein de l’américanité. Elle montre une fois de plus quel incomparable ami les jeunes Américains avaient en Larra. Il faut bien dire « les Américains », et non pas seulement les Argentins ou les Chiliens, puisque, dans d’autres pays que l’Argentine ou le Chili, des écrivains ont dit à juste titre que l’enseignement de Larra devait être écouté dans toute l’Amérique de langue espagnole207.
62 2. Conception de la littérature et ironie. — Le subterfuge de Sarmiento est éloquent. On peut sans doute tailler dans l’œuvre d’un écrivain et lui faire dire le contraire de ce qu’il a voulu dire, par un choix pervers de phrases tronquées ou habilement encadrées. Mais là n’est pas le cas. Presque tout au long de son article, Sarmiento cite des passages importants de plusieurs articles de l’Espagnol sans fausser ou forcer aucunement le sens ; pour exprimer sa propre pensée. Il y a coïncidence, car les deux hommes ont bu aux mêmes sources et parlé le langage de leur temps, appris dans les œuvres des écrivains à tendances sociales. Larra, désespéré d’écrire pour les murs, s’écrie avec envie :
Escribir y crear en el centro de la civilización y de la publicidad, como Hugo y Lherminier, es escribir… Escribir como Chateaubriand y Lamartine en la capital del mundo moderno es escribir para la humanidad208.
63Autrement dit : il importe d’écrire avant tout pour la civilisation et l’humanité. Cette maxime pourrait être tirée des œuvres de Sarmiento, d’Alberdi ou d’Echeverría. Ces écrivains ont en outre en commun avec Larra le culte du professeur Lerminier.
64Sarmiento et Larra ont eu la même conception de la littérature qui, a dit Figaro dans son article intitulé « Literatura », est l’expression, « le vrai thermomètre » de l’état de civilisation d’un peuple. Figaro veut qu’elle ait un caractère « utile et progressif » et reproche à l’Espagne d’avoir eu un nombre infime de penseurs. Cette pénurie, Larra l’attribue à l’intolérance, au fanatisme, à l’absence de liberté, qui enrayent le développement d’une littérature nouvelle, qui soit l’expression d’une société nouvelle209. Pour apprécier la valeur d’un livre, nous devons lui demander : « Nous enseignes-tu quelque chose ? Nous es-tu utile ? Alors, tu es bon »210.
65Qui parle ? Sarmiento ? Larra ?
66Les Leroux, les Didier sont tous d’accord sur la nécessité d’une littérature sociale, utilitaire, sur la libre expression d’une pensée dégagée de tout fanatisme. Leur enseignement est doctrinaire. Leur méthode a été retenue et appliquée par Echeverría dans son Dogma socialista. Larra, écrivant sous le même signe, a choisi la peinture des mœurs, qui lui permettait de jongler avec les idées, en montrant, par des exemples, le contraste entre la notion de progrès et la réalité des faits. Il s’est amusé aussi, par nature : il s’est moqué des autres et a ri à ses propres dépens.
67L’ironie est une recette contre le sentiment tragique de la vie, mais ne l’exclut pas. L’ironie pique la curiosité ; elle peut irriter, elle ne saurait laisser indifférent. Quand on l’escrime avec habileté, elle est une arme sûre dans la polémique. C’était vraiment l’arme qu’il fallait à Sarmiento. Elle avait fait ses preuves ; et de cette épée castillane il fit un facón créole. Le facón n’a pas la souplesse d'une lame de Tolède, mais il peut en avoir l’efficacité. Et quelque peu formé à l’européenne, frappant d’estoc et de taille, à grands coups désordonnés parfois, Sarmiento a manié cette arme avec adresse, souvent avec élégance.
68 3. Procédés. — Il ne saurait être question d’entreprendre une comparaison systématique entre les articles de Sarmiento et ceux de Larra. Sauf dans le cas exceptionnel cité précédemment, où Sarmiento s’est diverti, la parenté avec Larra est plutôt dans l’esprit que dans le détail.
69Toutefois il est clair que Sarmiento a emprunté à Figaro plus d’un procédé, plus d’une manie, certains tics auxquels on reconnaît l’originalité littéraire de Larra. L’Argentin en outre, a écrit parfois volontairement à la manière de l’Espagnol.
70Un lecteur de Larra et de Sarmiento remarquera d’abord peut-être le goût des pseudonymes chez les deux écrivains. C’est une habitude que Larra tient de ses pères ès articles de coutumes : Addison, l’Hermite de la Chaussée d’Antin et d’autres. Sarmiento semble avoir ignoré totalement ces deux ancêtres de Figaro. Du moins, il ne les mentionne nulle part, lui qui aime tant citer des noms.
71Comme Larra, donc, il use de pseudonymes, non seulement pour signer des articles, mais aussi dans le corps d’un texte pour rapporter, par exemple, une conversation qu’il a eue avec quelqu’un. Ainsi, quand il écrit : « No se acuerda, señor Pinganilla, me decía Santiago, mi sirviente… »211 Mais, là comme ailleurs, le disciple n’a pas été l’esclave du maître ; et les surnoms qu’il s’est donnés n’ont rien de commun avec ceux dont il a plu à Larra de s’affubler212.
72On notera également, chez Sarmiento, l’habitude de demander poliment au directeur d’un journal l’insertion d’un article, ou de le prendre à témoin d’une catastrophe213. Cette humble requête, dans le premier cas, attire l’attention du lecteur, alléché par une affaire qui, du fait qu’elle semble mettre en cause la direction du journal, revêt à ses yeux une intrigante gravité. Quand elle s’adresse au Mercurio, pour ceux qui savaient que Sarmiento était un des rédacteurs attitrés de ce journal, et qu’il devait, pour une rétribution de trente pesos par mois, fournir à la rédaction trois ou quatre articles par semaine214, cette supplique distillait l’ironie, une ironie du même ordre que celle du Duende satírico s’écrivant à lui-même pour s’interroger sur ses intentions215. On avait usé et abusé de ce procédé en Europe ; il était nouveau en Amérique.
73Considérons l’abondante correspondance dont Figaro publie ce que bon lui semble, et à laquelle il répond au gré de l’inspiration. Voilà un procédé commode qui, depuis les Lettres persanes, fut mis à l’honneur par les peintres de mœurs. Avec de l’esprit et de l’imagination on peut combiner lettres et réponses qui varient le ton et ont l’avantage, pour l’auteur unique, de diriger comme il veut sa critique en feignant de rapporter les réflexions d’autrui. Les marionnettes lui obéissent ; on oublie les ficelles, surtout si le meneur de jeu a l’adresse de prendre des styles d’emprunt. El Pobrecito Hablador, copiste attentif des lettres échangées entre Andrés Niporesas et le Bachelier Juan Pérez de Munguia, est coutumier du fait.
74Sarmiento, lui, n’a recours qu’une seule fois à une correspondance entre deux personnes qui lui sont, en principe, étrangères. Mais alors, il pousse la plaisanterie jusqu’au bout et, pour se rendre méconnaissable, change de sexe, se dédoublant en deux jeunes filles de la société chilienne : Rosa et Emilia, qui habitent l’une, la capitale, l’autre la province216. Le mimétisme est si bien réussi que les deux premières lettres sont aussi mièvres qu’elles auraient pu l’être, écrites par deux jeunes filles qui se racontent de menus faits incolores à souhait. Ne connaissant pas de lettre de jeune fille chilienne écrite en 1842, nous ne saurions décider de la qualité du pastiche. Sarmiento profite de ce travesti pour se moquer des hommes de Santiago, assez incultes pour ne pas savoir apprécier un concert ; mais il glisse sous la plume de Rosa une réflexion qui donne une idée peu flatteuse de l’éducation et du sens moral du beau sexe. Venant d’assister à une représentation théâtrale, Rosa avoue qu’elle regardait dans la salle au lieu de s’intéresser à l’intrigue nouée à propos de l’amour conjugal « chose bien fade et bien ennuyeuse ».
75C’est ce même désir de simuler un dialogue qui pousse Sarmiento, comme Larra, à se créer des interlocuteurs. On se rappelle les propos échangés entre El Duende et le libraire, ou bien entre un littérateur et Figaro, dans « La polémica literaria ». Il est difficile de savoir si l’éditeur des œuvres de Sarmiento a songé au premier des deux articles que nous venons de nommer quand il a intitulé « Diálogo entre el editor i el redactor » l’article que le journaliste argentin publia le 27 juillet dans le Mercurio, sous le simple titre de « Diálogo ». L’éditeur a pu être frappé par la ressemblance entre les deux entretiens. Dans les deux cas, on assiste à la discussion entre l’éditeur, qui demande un article, et le rédacteur, qui n’a rien écrit. Dans les deux articles, les écrivains s’effrayent à l’idée de produire quelque papier qui puisse provoquer des réactions désagréables. Là s’arrêtent les ressemblances. El Duende a le trac des débutants ; il en a aussi l’aplomb et la hardiesse. Sarmiento vient de soutenir une rude polémique, il est encore pantelant. S’il avait écrit un journal intime, il ne lui aurait pas confié des réflexions plus amères que celles qu’il livre au public. Oubliant toute fiction, il montre son désespoir, son cœur blessé d’homme qui se sent seul et angoissé dans une société qui le repousse217. Rarement Sarmiento donnera en public de tels signes de découragement. Pour les contemporains, il était encore plus aisé que pour nous de reconnaître dans ces interlocuteurs : l’exilé Sarmiento et l’émigré Rivadeneyra, unis dans l’adversité. L’allusion est transparente, quand il prête à l’éditeur les propos suivants :
Yo también he vivido en un tiempo de esos ensueños, de rejeneración i libertad. He combatido, me he sacrificado, me he arruinado, i al fin me ve ud. aquí arrojado de mi patria a dos mil leguas de distancia, desengañado i aprendiendo en la ruda escuela de la esperiencia a tomar la sociedad como es i los sucesos como vienen.
76Ce ne sera guère la philosophie de Sarmiento, qui ne se résignera jamais à prendre le monde tel qu’il est. Dans ces lignes, il soulage son cœur ; lui-même le reconnaît. Mais, puisant de nouvelles forces dans un moment de faiblesse, il ne retournera que plus vigoureux au combat.
77Dans le dramatique article « La Nochebuena de 1836 », Larra met en scène son domestique. Une fois aussi Sarmiento cite le témoignage de son serviteur, qu’il nomme Santiago. Comme, bien entendu, l’exilé n’a pas de domestique, cet interlocuteur appartient au domaine de la fiction littéraire218.
78Dans le même article, Pinganilla-Sarmiento se dit originaire de Monomopata, avec la même maligne intention qui poussa Larra à considérer tous les Espagnols comme issus de las Batuecas.
79Raillant joyeusement une manie, bien tenace, du Duende satírico, Larra écrit « Mania de citas y de epígrafes ». Il s’en prend aux écrivains qui ne peuvent pas écrire sans truffer leur texte de vers latins, de maximes françaises ou de pensées empruntées à hue et à dia. Bien entendu, dans cet article, Larra se garde bien de prendre des citations à son compte et n’en donne quelques-unes qu’à litre d’exemples. Mais, s’il est un écrivain satirique amateur d’expressions étrangères, c’est bien lui.
80A cette mode, Sarmiento a généreusement sacrifié, avec un dosage et une éblouissante variété, dont il a su tirer les effets les plus divers. Une fois, il venait peut-être de lire « El Album », Sarmiento emprunte une citation à Larra. C’est dans son article du 19 mai 1842, où il donne en exergue tout un passage d’une poésie d’Iriarte, dont El Pobrecito Hablador n’avait repris que deux vers219. Il renchérit d’ailleurs en copiant deux vers du Père Isla220.
81Il émaille ses polémiques de pensées tirées des bons auteurs, connus ou inconnus de son public ; et si les autorités qu’il cite sont ignorées de ses lecteurs, il ne s’en soucie guère. Il aime aussi farcir sa prose de gallicismes ou d’expressions latines pour s’amuser et divertir les lecteurs avertis. Tant pis pour les autres : qu’ils aillent à l’école, semble leur conseiller le pédagoque convaincu.
82Sarmiento évite l’écueil de la pédanterie, car on devine qu’il rit parfois sous cape, quand il ne rit pas à visage découvert, de cet étalage de connaissances puisées souvent dans les encyclopédies. Sa propre autorité n’étant pas reconnue, il lui faut des tuteurs célèbres pour qu’il puisse se faire craindre dans la jungle des journalistes irrités par la désinvolture avec laquelle il traite les Chiliens.
83 4. Sujets communs à Larra et à Sarmiento. — Nous avons remarqué la ressemblance entre « El Duende y el librero », de Larra, et « Diálogo entre el editor y el redactor », de Sarmiento. Ce n’est pas la seule rencontre de sujets.
84Nous aurions pu aussi bien nous étonner de voir Sarmiento, aux prises avec ses détracteurs dans une des phases les plus douloureuses de la polémique, prendre un plaisir manifeste à traiter un sujet aussi frivole que la mode, dans la lettre de Rosa à Emilia du 1er janvier 1843221. On aurait tort de croire qu’il s’agit d’un sujet de commande. Non. De même que Figarillo, dans La Moda, mais avec plus de verve que lui, Sarmiento écrit de gaîté de cœur et caresse les chiffons d’un regard complaisant et connaisseur. Dans son article « Modas », Larra décrit l’habillement des dames de Madrid. Son disciple dépeint celui des dames de Santiago du Chili quelques années plus tard. Cette fois, Sarmiento l’emporte sur son maître par l’ironie et la grâce.
85Sarmiento, qui admire sincèrement Larra, se montre une fois, par jeu, il est vrai, en désaccord avec lui. C’est à propos de l’album. Larra n’a que mépris pour ce « libro en bianco », où voisinent les sots et les hommes d’esprit. Sarmiento prend le contre-pied de cette opinion. Mais cette contradiction n’est qu’apparente. Sarmiento joue de l’ambiguïté avec art :
Yo quiero, pues, decir ahora más que rabie Larra que el álbum es la ultima invención literaria i artística, el progreso final de las invenciones humanas i la octava maravilla de la moda222.
86En contredisant deux fois Larra dans cet article, Sarmiento se crée l’adversaire dont il a besoin pour mettre en valeur sa propre pensée223.
87Le Carnaval est un thème rituel pour les écrivains qui se sont intéressés aux coutumes. Sarmiento, comme Figaro, paye son écot au rite. Mais il n’en tire pas la conclusion amère de Larra : « El mundo todo es mascaras ». Il se contente de tableaux à peu près uniquement descriptifs224.
88Les peintres de coutumes ont exercé leur esprit à propos des voyages en diligence. Larra a intitulé un de ses articles « La diligencia ». Sarmiento a seulement consacré à celle-ci quelques lignes rancunières dans son récit « Un viaje a Peñaflor ». Une phrase donne le ton. Le voyageur écrit :
«… Tuve que dirijirme a contractar la Diligencia, o mejor la Neglijencia»225.
89Finalement, peu convaincu du confort de ce véhicule, Sarmiento fait le voyage à cheval.
90Dans une autre circonstance, il énumère les avantages et les inconvénients de se déplacer en « birlocho » (sorte de cabriolet)226. Sa description n’est guère plus engageante que celle que du même moyen de transport brosse Larra, dans son article : « Entre qué gente estamos » ?
91Si Sarmiento n’était pas allé en Espagne, il n’aurait probablement jamais décrit les courses de taureaux, puisqu’il n’y en avait pas dans son pays227. Ce spectacle l’a frappé ; et il en a fait une description haute en couleurs dans la lettre que, de Madrid, il adresse à son ami Victorino Lastarria, le 15 novembre 1846, lettre qui fut reproduite dans l’édition de ses Voyages228. Comme Larra, dans « Corridas de toros », mais moins longuement que lui, Sarmiento trace l’histoire de ce jeu de cirque. Il pense, comme El Pobrecito Hablador, que ce spectacle est barbare ; mais, et cet aveu montre la sincérité de son auteur, il ne peut réprimer un certain mouvement de plaisir et se déclare impuissant à résister à la fascination qu’un tel combat exerce sur lui229.
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92Tels sont les principaux rapprochements qui s’imposent entre les articles de Sarmiento et ceux de Larra. Des rencontres existent également dans le détail ; ce sont des ressemblances normales entre deux écrivains qui ont traité le « costumbrismo » avec les mêmes idées politiques et sociales. Nous les signalerons au cours de notre étude.
93Sarmiento, en outre, comme Larra, a été critique dramatique et littéraire. Il a cherché également à définir le rôle du journalisme, s’est occupé de politique et de religion.
94Nous ne confondrons pas toutefois les influences d’une manière et les exigences semblables d’une même profession230.
II. — Sarmiento et les « Costumbristas » du Río de la Plata et du Chili
95Sarmiento et certains « costumbristas » américains de langue espagnole doivent donc beaucoup à Larra. Mais ce n’est pas uniquement Figaro qui les a initiés à l’observation des mœurs.
96Avant l’apparition des articles de Larra dans la presse de l’Amérique australe, en 1834, les journaux locaux avaient commencé, timidement, à reproduire quelques articles de mœurs. Ainsi pouvons-nous lire, dans le Diario de la tarde du 16 octobre 1832, une description des « Costumbres y usos de los habitantes de Orán », tirée sans doute d’une revue européenne. Au Chili, dans le Río de la Plata, la presse publie un grand nombre d’extraits de revues étrangères, où sont décrites les coutumes les plus diverses : algériennes231, européennes232, turques233, parisiennes234, mexicaines235, etc.
97Cet apport considérable réclamerait une étude qui permettrait de faire connaître les revues étrangères les plus lues, les articles les plus recherchés, et de déterminer le goût littéraire et la genèse de la littérature dans les pays considérés.
98La plupart de ces articles sont anonymes. Pourtant certains sont signés. Ainsi, en 1833, le Mercurio reproduit une anecdote au sujet d’Addison, tirée du Noticioso de la Habana236, et un article intitulé « Espectador », accompagné entre parenthèses de l’indication : « œuvre du célèbre Addison »237. On ne saurait en conclure à la notoriété de cet humoriste que l’on ne revoit plus dans la presse chilienne. En Argentine, nous n’avons trouvé que deux textes de lui, publiés, en 1842, par le Diario de la tarde238. Sarmiento ne le cite pas une fois, ni Jouy, connu pourtant à Valparaiso et à Buenos Aires, puisque le Mercurio publie, en 1833, un texte de lui239, et que plusieurs journaux argentins reproduisent des phrases empruntées à son œuvre240.
99Toutefois, la plupart des articles signés ont pour auteurs des Espagnols. La contribution de Larra est grande, mais la part de Mesonero Romanos, de Fray Gerundio, d’Estébanez Calderon et d’autres n’est pas négligeable241. A partir de 1840, les articles de Fray Gerundio sont même bien plus nombreux, dans les journaux argentins, que ceux de Larra. Toutefois l’influence de Fray Gerundio est minime, semble-t-il. Bien moins spirituel que Figaro, il venait après celui-ci. Son attitude franchement irrévérencieuse à l’égard de l’Eglise pouvait amuser les anticléricaux de l’Amérique du Sud, mais difficilement susciter des émules. En outre Fray Gerundio manquait de grâce. Son succès est surtout dû à ses satires de la politique et de la vie espagnoles et à ses récits de voyages en France.
100Quant à Mesonero Romanos, un critique anonyme du journal chilien El Siglo242 le qualifie de « continuateur de Larra ». En Argentine, au Chili et en Uruguay, on a reproduit surtout son article « El románticismo y los románticos », qui venait à point dans la querelle du romantisme. Mesonero Romanos entre dans la presse sud-américaine à peu près en même temps que Larra ; mais il y est surtout présent à partir de 1840. Son influence se combine à celle de Figaro. Nous croyons même que, sauf Alberdi et Sarmiento, les premiers auteurs d’articles de mœurs américains de langue espagnole sont plus proches de Mesonero Romanos que de Larra : ils sont curieux, mais non point amers.
101On constate que peu d’auteurs, au début, se sont intéressés aux coutumes sud-américaines. Encore celles-ci sont-elles dépeintes par des étrangers243. Ce n’est guère avant 1835, semble-t-il, que des écrivains nés dans les Amériques trouvent dans les coutumes de leurs compatriotes des sujets d’inspiration. Néanmoins il faut bien chercher pour découvrir tel poème satirique où l’on se moque des peignes monumentaux portés par les dames du Río de la Plata en 1833244, ou tel autre dont l’auteur se plaint que les gens ne considèrent pas d’un bon œil les journaux locaux245.
102Un fait doit être noté. Les principaux écrivains de nom connu qui ont décrit les mœurs de leurs compatriotes argentins, chiliens, uruguayens, publient leurs articles au cours des années où Sarmiento déploie ses premières activités littéraires, à San Juan d’abord, puis au Chili. Certains, comme Echeverría et Alberdi sont bien connus de lui par leurs écrits ; d’autres, comme Gutiérrez, Minvielle, Lastarria deviennent ses amis ; d’autres encore, comme Jotabeche, ses adversaires.
103La peinture des mœurs est à peu près inexistante dans le Río de la Plata avant le moment où Echeverría écrit son article « Apología del matambre », publié au début du mois de mai 1836 dans El Recopilador de Buenos-Aires246 et reproduit par El Republicano de Montevideo, dans le numéro 24 du 30 mai de la même année. Beaucoup plus tard, en 1874, lorsqu’il publie les œuvres d’Echeverría, J. M. Gutiérrez y ajoute le sous-titre suivant : « Cuadro de costumbres argentinas ». Cet article illustre une des intentions essentielles d’Echeverría, qui réclame une littérature originale et invite les écrivains à s’inspirer de sujets locaux. « Le Désert… est notre patrimoine le plus riche, et nous devons nous efforcer de tirer de son sein, non seulement des richesses pour accroître notre bien-être, mais aussi de la poésie pour notre délectation morale et le développement de notre littérature nationale », écrit-il dans l’avertissement dont il fait précéder ses Rimes247. Ce recueil, publié en 1837 — donc peu de temps après « Apologia del matambre » — contient le long poème La Cautiva, qui fait d’Echeverria le premier peintre argentin de la pampa et des mœurs indiennes248.
104Sarmiento se souviendra de cette leçon dans les scènes paysannes de son Facundo.
105J. M. Gutiérrez, quand il collabore à La Moda, entraîné dans le sillage d’Echeverría et d’Alberdi, peint, dans « El hombre hormiga », les travers de l’homme moyen de Buenos Aires, en 1838249. Le 15 août de la même année, il fait un portrait pittoresque de l’allumeur de réverbères250.
106L’Uruguayen Andrés Lamas et l’Argentin Miguel Cané, les deux fondateurs d’El Iniciador, enrichissent le genre de scènes amusantes. Le premier remarque que des gens qui s’émeuvent à un spectacle dramatique présenté sur la scène d’un théâtre, renvoient sans pitié un mendiant qui leur demande l’aumône, ou assistent, l’œil sec, à une exécution capitale251 ; ou bien, conformément à une méthode de critique indirecte qui a fait ses preuves, il raconte la visite d’un étranger bizarrement accoutré qui lui présente une lunette à travers laquelle il aperçoit des pays où règnent la justice, le bon goût, les bonnes mœurs252 ; ailleurs il divertit ses lecteurs d’une galerie de cousins fâcheux dans la meilleure tradition des tableaux de caractères253. Cané peint aussi des types de la société : l’avocat, la jeune fille moderne, les jeunes gens254.
107En Uruguay encore, un certain D…, dans le Constitucional, brosse des études intitulées : les médisants255, les pédants, les modistes, les amis de l’humanité, les hommes de conscience256, le beau sexe257, ou bien encore fait sourire ses lecteurs aux dépens des avocats et des procureurs258. Juan Copete exerce sa verve à propos des boutiques259 ou des modes260. Un anonyme propose de remplacer les farces grossières que les gens se permettent à la mi-carême par des bals travestis261. El Duende fait presque quotidiennement la satire des politiciens, des ministres et des agents de police, ou bien des jeunes gens et des jeunes filles qui assistent à des réunions262. Ce dernier sujet est repris par un anonyme, en 1842, année marquée par la publication de toute une série d’articles intitulés « El bello sexo », où l’on attire l’attention des lecteurs sur les progrès des dames en peinture, en broderie, en tricot, en musique, en danse263. Le Paquete de Buenos-Aires, de Montevideo, prenant pour devise la phrase fameuse de l’Optimiste : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », se sert de cette réflexion pour railler les femmes savantes264. Dans El Talismán, « Periódico de Modas, Literatura, Teatro y Costumbres », Antolín se plaint des visites fâcheuses265, ou donne une définition de ce qu’on appelle un « communiqué », en adaptant à l’américaine le style de Larra, qu’il cite266.
108Tous ces tableautins ne sont pas sans parenté avec les physiologies ou physionomies267. Or, ce genre a proliféré en France précisément pendant la gestation et les premières manifestations du « costumbrismo » dans l’Amérique australe, où il a laissé des traces visibles, soit sous forme de pochades comme celles que nous venons de signaler, soit sous forme de scènes intitulées fisonomías ou fisiologías268.
109Que Sarmiento ait connu les physiologies dans les revues françaises, cela n’aurait rien d’étonnant. En tout cas il les retrouvait dans les revues locales. Lui-même a composé une « Fisiología del paquete »269 taillée sur le patron des physiologies françaises.
110En Argentine, après les tentatives indiquées, l’article de mœurs ne prospère pas. Cette anomalie est due sans doute à l’émigration des intellectuels libéraux et aussi à la prudence des écrivains restés à Buenos Aires. Nous voulons pour preuve de cette autocensure avant la lettre un article publié en 1851 dans le Diario de la tarde. Son auteur prétend avoir reçu plusieurs articles de mœurs. Pourtant, il n’en a inséré aucun, dit-il en substance, car on n’est jamais assez respectueux des convenances sociales270. Finalement, et cet opportuniste aurait dû commencer par là, il avoue le vrai motif de son refus : « … dans une société comme la nôtre, où sous l’influence d’une haute Autorité universellement vénérée, les garanties individuelles sont si fermement assurées, il est bien difficile d’exercer une critique spirituelle, car il est indispensable de ne pas blesser la susceptibilité la plus chatouilleuse ». Cet acte de foi rosiste se passe de commentaire.
111Même les articles qui, sans intention satirique, décrivent les mœurs locales, ne sont guère nombreux en Argentine. On remarque tout au plus, dans le Diario de la tarde de 1849, la description d’un rodeo chilien271, ou le portrait flatteur des dames argentines272.
112En revanche, au Chili, où Sarmiento s’est rendu plusieurs fois dans sa prime jeunesse et où il est à demeure depuis la fin de l’année 1840, le « costumbrismo » est bien acclimaté.
113Dès 1834, outre ce Figaro mystérieux, apparaît un certain D. Crítico, écrivant à la manière de Larra, qui tourne en ridicule les hommes affairés273. Mais, au début, les essais dans ce genre sont rares. Il est en tout cas difficile d’en connaître les auteurs. De qui sont les satires des amateurs de musique et des alarmistes, parues dans le Mercurio, en 1838274 ? Qui est ce Licenciado Palomeque qui voit dans l’article de mœurs une monnaie peu courante et qui estime difficile d’intéresser tout le monde275 ? Bientôt le « costumbrismo » est si envahissant qu’il s’insinue là où l’on ne serait pas allé le chercher. Sous la plume bien taillée de quelqu’un qui signe « Un antiguo enfermo de los baños de Colina », la Revista católica offre à ses lecteurs, probablement surpris, des scènes peu édifiantes de la vie que, pendant la Semaine sainte, les malades mènent dans une ville d’eaux. Il y a là des détails scandaleux qu’aucun peintre de mœurs n’avait encore donnés dans ce pays. On y voit hommes et femmes prenant d'assaut des lieux d’aisance, braillant et s’enivrant, se livrant à une parodie honteuse des processions et des prières et, finalement, crucifiant un porc. Pour terminer, l’auteur souhaite que « cette rapide ébauche force les autorités compétentes à prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à un si grand mal »276. Certes, l’intention est louable. Mais voilà un aspect des mœurs chiliennes sur lequel on avait observé jusqu’alors un silence religieux.
114A partir de 1841, le genre s’étoffe grâce à un écrivain dont le pseudonyme ne cache pas un inconnu. « El Duende » est l’Espagnol Minvielle, qui vécut cinquante ans au Chili277. En dehors de son drame romantique Ernesto, ses œuvres n’ont pas été recueillies en volume278. C’est pourquoi, sans doute, il est habituellement oublié dans les études concernant le « costumbrismo ». Il est pourtant, au Chili, le premier auteur de nom connu qui puisse être considéré comme un successeur de Larra. Son apport est modeste, mais ne doit pas être passé sous silence. Dans ses Visites279, il se suppose fils d’un magicien et d’une sorcière. Invisible, il pénètre dans plusieurs réunions et fait le portrait des personnes qu’il y voit.
115Minvielle a été tantôt l’ami, tantôt l’adversaire de Sarmiento. Il est un écrivain représentatif du milieu intellectuel dans lequel l’exilé a vécu.
116La satire des mœurs est si dénigrante à l’égard des Chiliens dans l’œuvre de José Victorino Lastarria, autre écrivain qui échangea avec Sarmiento poignées de mains et propos aigres-doux, qu’il reconnaît avoir échauffé la bile de ses lecteurs quand il leur jeta au visage son Manuscrit du diable280. « Pourtant, écrira-t-il de Lima, en 1851, à Mitre, ce n’est là que la peinture fidèle des coutumes de là-bas. J’ai encore dans ma serviette un grand nombre de tableaux où ce même peuple est dépeint »281. Lastarria dit de ses compatriotes tout le mal qu’il peut dire. On pourrait lui retourner une de ses phrases : « Le Chilien n’a pas d’ennemi plus implacable que le Chilien »282. Il voit partout la calomnie, la médisance, la moquerie à l’égard des poètes de talent ou des hommes de savoir, la guerre des clans, l’esprit retardataire de l’aristocratie qui se déclare l’amie de l’ordre pour continuer à jouir de ses privilèges, le cléricalisme d’une société « éminemment monacale ». Il prophétise même la ruine du Chili si la classe dirigeante continue à s’opposer au progrès.
117L’engagement politique et le pessimisme de Lastarria en font un disciple de Larra. On voit aisément ce qui le rapproche de Sarmiento. Nous aurons à revenir sur leurs idées communes283. Il a eu la dent dure pour ses compatriotes. Mais il n’était pas le seul. La satire politique a été fort virulente au Chili, et elle battait son plein au moment où Lastarria participait à la vie littéraire284. Sarmiento n’a pas été plus médisant que lui, mais Lastarria avait sur l’exilé argentin l’avantage d’être un Chilien parmi les Chiliens.
118S’il est juste de rendre leur dû à Minvielle et à Lastarria, il faut reconnaître, avec Sarmiento, qu’en tant que peintre de mœurs « Jotabeche… est sans rival dans le pays »285. En dépit de la polémique violente qui les opposa, Sarmiento sut voir en Jotabeche l’homme de talent que, beaucoup plus tard, les historiens de la littérature chilienne ont considéré comme le premier des écrivains qui ont brillé dans la description des us et coutumes locaux286.
119Dans une lettre du 10 mars 1843, Vallejo écrit : « Adoro a Larra, y rara vez me duermo sin leer alguna de sus preciosas producciones »287. Toutefois Jotabeche n’affirme nullement sa volonté d’imiter Larra, comme Alberdi et Sarmiento l’ont fait. Certes, il vole au secours de Figaro quand il le croit attaqué par Sarmiento, dont il n’a pas compris le jeu ironique288. Mais Larra lui a plutôt appris à observer les mœurs qu’à les critiquer. Il lui a surtout donné le goût de les décrire. Avec humour, sans doute, mais non point avec le désir de les corriger au nom du progrès de l’humanité, et encore moins au nom de principes admis à l’étranger. Larra compare fréquemment ce qui se passe en Espagne à ce qui se passe en France ; sa comparaison est toujours défavorable à son pays. Sarmiento adopte la même façon de faire ; Vallejo, lui, n’est nullement scandalisé par les mœurs chiliennes. Au contraire, c’est d’un œil amusé qu’il regarde les ébats des jeunes gens et des jeunes filles un jour de Carnaval289, ou des mineurs qui, après l’expulsion des femmes, décrétée par le gouvernement, balayent, lavent, font leur lit, dansent entre eux290.
120Par sa façon ironique et bienveillante de dépeindre les mœurs locales, Jotabeche ressemble plus à Mesonero Romanos qu’à Larra291.
121Sarmiento semble revendiquer la priorité sur Vallejo, quand il affirme que Pinganilla a précédé Jotabeche dans la peinture des mœurs292.
122Si l’on s’en tient aux dates, Pinganilla a déjà une longue histoire avant la naissance de Jotabeche. Son nom est célèbre depuis 1840. Car Pinganilla est d’abord un singe débarqué à Valparaiso avec toute une ménagerie qui s’installe dans le jardin du Recreo. Le 22 octobre 1840, les propriétaires de la ménagerie invitent les habitants de la ville à assister à un spectacle inaccoutumé. Parmi les numéros prévus293, le singe Pinganilla s’exhibe dans des tours si réussis que Sarmiento imagine de lui emprunter son nom. En fait, c’est le 23 février 1841 — le singe a donc eu tout le temps d’acquérir sa célébrité — que Sarmiento publie le premier article signé Pinganilla. Cet article, le deuxième de la série qui commence le 11 février, marque presque ses débuts dans la presse chilienne. C’est un article de mœurs. Sarmiento le termine de la façon suivante : « Je prends congé avec une grimace ». Pour les lecteurs du temps, l’allusion était transparente.
123Au cours de la même année, Pinganilla-Sarmiento publie encore cinq articles de mœurs294. Jotabeche ne se fera connaître dans ce genre que le 1er février 1842, avec son article intitulé « Copiapó »295 qu’il signe J. B. M., nous ignorons pourquoi296.
124D’après Miguel Luis Amunátegui, l’émigré argentin aurait affirmé que Jotabeche l’avait imité. Et le critique ridiculise au passage la manie prétentieuse de Sarmiento qui veut se faire passer « pour l’inventeur et le directeur de tout »297. Cette réflexion se fonde, croyons-nous, sur une mauvaise interprétation de la phrase dans laquelle Sarmicnto dit que Pinganilla a précédé Jotabeche dans la peinture des mœurs. Or Sarmiento dit seulement qu’il a « précédé » Vallejo dans le genre. Nous venons de voir que c’est un fait. Amunátegui lui-même le reconnaît298. Non, Vallejo n’a pas imité Sarmiento, lequel n’a rien prétendu de tel. Et l’illustre critique a raison de faire remarquer que l’un et l’autre sont « totalement différents et par la matière et par le style »299. Néanmoins, le succès du genre, succès auquel Sarmiento a largement contribué en 1841, a pu parfaitement donner à Vallejo l’idée de le cultiver. C’est l’avis d’Amunátegui, d’ailleurs, qui estime que les avantages de la profession de peintre de mœurs étaient plus nombreux que ses inconvénients ; et que, pour cette raison, « stimulé par son ami Talavera, Vallejo décida de chercher dans cette voie quelque renommée littéraire »300.
125En tout cas, Jotabeche n’a pas cherché querelle à Sarmiento pour cette question de priorité. Celle-ci nous intéresse seulement aujourd’hui, en dehors de toute considération patriotique, car elle nous permet de rétablir la chronologie des faits. D’ailleurs un romancier chilien de talent, Manuel Rojas, n’a-t-il pas eu la délicatesse et le bon goût de faire figurer Sarmiento parmi les peintres de mœurs de son pays ? Il lui a même accordé, dans son anthologie, plus de place qu’à Vallejo301.
126Cette discussion met aussi en valeur l’importance que l’on est en droit d’accorder au « costumbrismo » de Sarmiento, aussi intéressant que celui des meilleurs représentants du genre dans l’Amérique australe.
III. — Motifs, thèmes et sujets
127Dans El Zonda, Sarmiento a dit l’importance qu’il attribue à la réforme des mœurs. Il revient souvent sur ce thème, car, pour lui « la critique des mœurs a une noble mission : épurer le langage, corriger les abus, poursuivre les vices, répandre les bonnes idées, attaquer les préjugés… »302. C’est pourquoi il s’élève ailleurs contre l’habitude « qui familiarise l’homme avec ses maux et le fait dormir tranquillement au bord du précipice »303.
128Mais cette critique des mœurs se fait principalement par la presse. Aussi considère-t-il éminent le rôle de celle-ci dans ce domaine304.
129Dans son œuvre volumineuse, l’étude des mœurs et des coutumes n’occupe pas la première place. Pourtant c’est à partir de cette étude que Sarmiento échafaude ses théories sociologiques.
130 1. « Criollismo » et progrès. — Dès son deuxième article paru dans le Mercurio, avec une ironie digne de Larra, l’émigré montre la société hispano-américaine telle qu’il la décrira plus tard dans Civilisation et barbarie. L’article, créole à souhait, s’intitule « Avíos y monturas ». Ces deux termes désignent l’ensemble du harnachement compliqué dont le paysan chilien ou argentin affuble sa monture et lui-même pour parcourir la campagne. L’homme cultivé, en revanche, se contente d’une selle anglaise et porte le frac. Mais les Américains authentiques se moquent de lui, car il ne sait pas dresser un poulain sauvage ou attraper un veau au lasso. A chaque peuple selon son génie. Sarmiento accommode sa description du harnachement de telle sorte qu’il la charge d’un sens qui apparaît seulement à la fin du paragraphe, quand il fait allusion à Rosas, le meilleur cavalier du monde. Or, Rosas se prétend le champion de l’américanisme. On comprend alors l’intention de certaines phrases que nous devons transcrire intégralement, car elles sont trop typiques pour ne pas perdre tout leur sel dans une traduction :
El argentino que sigue a grandes pasos, gracias a su gobierno, la cultura de sus vecinos los pehuenches, usa cueros, caronas de vaca, bolas. En sus espuelas nazarenas, como si dijéramos crucificadoras, con enormes ralas i agudas púas, se descubre de leguas, su gusto favorito de derramar sangre; en sus miniaturas de estribos que no le aprisionam sino un dedo, su amor a la libertad; en todo su sencillo aparato, su sencillez republicana; i sus hábitos democráticos, su odio a la dominación francesa, su nacionalidad pampera, su gobierno federal; en fin, su admiración por el ilustre Restaurador de las Leyes, que es el mejor jinete del mundo, en lo que debe hacérsele justicia305.
131 2. Types et caractères. — Les chapitres de Facundo, où Sarmiento décrit avec minutie et émerveillement, une fierté argentine aussi, l’instinct prodigieux du rastreador, la science infuse du baqueano, les vicissitudes du gaucho malo, ou l’art du cantor sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’en rappeler les détails. Oubliant que les hommes qu’il dépeint sont les représentants d’une barbarie qu’il déteste, Sarmiento les observe avec autant de bonne foi que les voyageurs étrangers qui les ont décrits. Au début du chapitre consacré à la société et à la pulpería, il vante, sans un mot de blâme, le courage du gaucho qui manie le couteau, et l’adresse du cavalier qui saute dans le fleuve, avec sa monture, pour échapper à la police. Quand il se ressaisit, pour dire que les grandes qualités humaines, dans une société tyrannisée, deviennent criminelles, il a déjà brossé des tableaux pleins de vie qui suscitent la sympathie plutôt que la réprobation. Ces scènes, sur lesquelles plane la vague nostalgie de la vie naturelle et libre, préludent aux grands romans argentins, en prose ou en vers, de la fin du xixe siècle, où le gaucho est un hors-la-loi qui inspire la compassion et devient symbole de valeur humaine en face de la civilisation mécanique envahissante.
132Dans un article de Sud-América, du 17 avril 1851, Sarmiento met en scène le guaso chilien, et décrit brièvement, mais avec exactitude, une course de chevaux306. En une cinquantaine de lignes, il évoque l’amour du paysan pour son cheval, l’entraînement de celui-ci, le dopage qu’on lui fait subir un peu avant la course en lui donnant à boire un peu d’eau-de-vie ou de chicha, les paris, les ruses. Aucune réflexion morale n’accompagne cette pochade, faite sans aucune intention satirique, comme une note de voyageur curieux.
133Dans ses Recuerdos de provincia, Sarmiento nous fait assister à une chasse au guanaco307. Il semble bien qu’il ait emprunté tout le récit de cette chasse au Père Ovalle, dont il cite l’ouvrage Histórica relación del Reino de Chile, recopiant d’ailleurs quelques paragraphes de ce livre, qu’il met entre guillemets.
134Mais Sarmiento se contente exceptionnellement de décrire des scènes de la vie barbare, sans les commenter. Depuis le xviie siècle, pense-t-il, rien n’est changé : « les Blancs deviennent des Huarpes (tribu indienne) ; et, de nos jours, c’est encore un titre de gloire que de savoir lancer les boules à lanières, de porter le chiripá, ou de suivre une mule à la trace »308.
135Pour terminer, il cite une phrase du Père Ovalle, qui faisait confiance aux étrangers (gente de afuera) pour tirer parti de la fertilité du sol. Mais, ajoute tristement Sarmiento, l’Argentine fait la guerre pour repousser les étrangers et pour rejeter ses enfants de bon conseil309.
136 Les mineurs. — Sarmiento a été mineur en 1833310. Il est probablement le premier écrivain hispano-américain qui ait connu cette expérience. Pourquoi s’en souvient-il en 1841 ? C’est ce que nous ne saurions pas dire. Mais le fait est que l’ex-mineur consacre à ses anciens compagnons quelques pages dans lesquelles leur vie est retracée avec objectivité. Sarmiento dépeint crûment la situation qui fait du mineur « un être indomptable, corrompu, par principe et par habitude, qui ne connaît de la vie que ce qu’elle a de plus dégradant et de plus ignoble »311. Tant qu’on n’adoucira pas la vie qu’il mène, le mineur sera un homme dangereux, car « les crimes perdent leur laideur aux yeux des criminels quand ceux-ci sont nombreux ». Le remède, Sarmiento le voit dans la charité et dans le secours de la religion. Il se demande si la race des prêtres dévoués s’est éteinte : aucun représentant de l’Eglise ne va jamais consoler ces gens-là.
137 Le prospecteur. — Le prospecteur est un type que Sarmiento considère aussi original que « le mineur, ou le contrebandier de la Cordillère »312. L’écrivain insiste sur les qualités et les connaissances de cet homme et rappelle la merveilleuse résistance physique d’un prospecteur fameux qui, malgré son grand âge, cherchait encore des mines dans la montagne.
138 Les clients du magasin de chaussures. — Ailleurs, Sarmiento nous invite à découvrir une manifestation de l’esprit démocratique dans un magasin de chaussures, où se coudoient des clients de toute origine, où, dit-il, « les différences sociales n’humilient pas le peuple »313.
139 L’élégant. — L’article intitulé « Fisiolojía del paquete »314 pétille de malice. Il faut dire que le mot paquete prête à rire, puisqu’il signifie à la fois ; paquet, paquebot, élégant. Il a d’ailleurs conservé aujourd’hui le premier et le troisième de ces sens. Pour ajouter à la cocasserie du portrait, Sarmiento truffe son texte de mots français, certains comiquement hispanisés, comme dandynarse, côtoyant des expressions du terroir. Ce bouquet d’artifice rappelle le brio de Larra dans ses meilleurs moments. Sarmiento s’amuse de bon cœur en rapportant ces mille et une minauderies de la vie d’un snob.
140 Les sauvages. — Des Patagons assistent à un opéra de « Rossini ». Il y a de quoi exciter la bonne humeur de Sarmiento315.
141Pendant les guerres civiles, l’égorgeur a constitué un type que poètes et romanciers ont décrit. Sarmiento peint une de ces scènes horribles au cours desquelles on égorgeait les prisonniers, tandis que la musique militaire jouait un air approprié, la resbalosa316.
142 3. Coutumes étrangères. —· De bonne heure, Sarmiento s’est tourné vers les Etats-Unis comme vers un pays qui pouvait donner à l’Amérique du Sud des leçons de civilisation. Dans son article intitulé « Costumbres yankees », il oppose les coutumes civilisées de cette nation aux mœurs barbares de son pays. Il veut pour preuve d’une courtoisie raffinée, aux Etats-Unis, le fait que, dans un journal de ce pays, on ait reproché au président d’avoir voyagé un dimanche, jour de repos. Les pays hispano-américains ont beau être catholiques, dit Sarmiento, ils ne comprendront pas certainement ce reproche317.
143Mais c’est là un exemple livresque.
144Quelques années après avoir écrit cet article, Sarmiento a l’occasion de voyager, et d’observer des coutumes qu’il s’est fait un plaisir de raconter à ses correspondants.
145 Le flirt. — La jeune fille, aux Etats-Unis, a une liberté d’action si surprenante aux yeux d’un Américain du Sud, que le voyageur, pour définir cet oiseau rare, l’appelle « homme de sexe féminin ». Sarmiento n’ose pas prendre ouvertement parti pour le « flirt », si étranger aux habitudes hispaniques. Toutefois, il constate qu’après deux ou trois ans de « flirt », la jeune fille présente son fiancé à ses parents et que bientôt le nouveau couple fait un voyage de noces. Le résultat est que l’Américain du Nord, d’après Sarmiento, n’arrive jamais à l’âge de vingt-cinq ans sans avoir une famille nombreuse. Par suite, les Etats-Unis se peuplent rapidement, ce qui est un bien pour le développement du pays318.
146 La flânerie. — Le 3 août 1845, El Siglo publie un article de mœurs anonyme au sujet des prospectus que l’on distribue dans les rues de Paris, qui commence ainsi :
Flaneaba yo (Flanear en francés es pasar curioseando los objetos sin más objeto que el de la curiosidad)…
147Cet article est public comme venant de Paris. Il s’agit donc d’une traduction. Le fait est que la flânerie défrayait déjà la chronique chilienne, bien avant le voyage de Sarmiento à Paris. Que celui-ci ait lu l’article en question, c’est fort probable. El Siglo est un des journaux avec lesquels il eut maille à partir à l’époque. S’il s’est souvenu de ce début, il a eu, à Paris, la possibilité de s’apercevoir que la flânerie était une coutume qui n’avait rien perdu de son actualité en 1846. Elle lui a donné l’occasion d’écrire un de ses articles les plus enjoués319, où l’on sent qu’il s’est abandonné le cœur léger aux joies de la promenade dans les rues de Paris, par une de ces belles journées d’un été finissant.
148 L’esprit religieux des Arabes. — Sarmiento a été fortement impressionné par la guerre d’Algérie320 ; et il consacre une huitaine de pages à l’esprit religieux des musulmans, rapportant quelques prophéties arabes que nous voyons accomplies en cette année 1962321.
149 La « diffa ». — Grâce à la protection du maréchal Bugeaud322, Sarmiento eut la chance de pouvoir pénétrer dans un douar ; et, après une chevauchée de quelques heures, de s’asseoir sous une tente pour prendre avec les Arabes et les officiers français un repas offert par le chef. Il ne manque pas de comparer les cavaliers arabes aux gauchos et remarque que les tentes arabes ressemblent aux tentes des indiens de la pampa. Quant aux razzias, elles lui rappellent les malones. Il se trouve donc en pays de connaissance. Malheureusement, le couscous qu’on lui sert n’a rien de commun avec la nourriture qu’il a l’habitude de consommer. Mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il dépeint comiquement, avec force détails, le repas auquel il a dû prendre part sans enthousiasme.
150 Les femmes voilées de Lima. — Dans le mémoire qu’il présente pour être admis membre correspondant de l’Institut Historique de France, Sarmiento a l’air de regretter que « la civilisation et le progrès ouvrent de jour en jour une brèche de plus en plus profonde dans l’ancienne originalité ». Les coutumes pittoresques se perdent. Pour illustrer cette constatation, il fait le portrait de la femme voilée de Lima, type qui se fait de plus en plus rare et qui appartient au passé colonial, comme Ricardo Palma nous le rappelle dans ses Traditions péruviennes323.
151 4. Fêtes et divertissements populaires. — Noël. — Deux articles de Sarmiento ont Noël pour sujet324. Le premier a la structure de ces articles de mœurs dans lesquels les auteurs nous confient que, ne pouvant pas dormir, ils descendent dans la rue pour observer ce qui s’y passe.
152De mauvaise humeur, car il n’a pas pu s’abandonner à un sommeil réparateur, Sarmiento ne voit que les scènes scandaleuses et la bousculade, il n’entend que le charivari provoqué par les gens en liesse soufflant dans des trompettes ou agitant des crécelles. Il s’aperçoit avec horreur qu’il y a, à la porte de l’église, des centaines de personnes, catholiques comme celles qui sont à l’intérieur, que l’on n’a pas laissé entrer, parce qu’elles ne portent pas un costume de soirée. Finalement, il demande qu’on abolisse une « coutume paysanne », prétexte au désordre le plus insensé, tant que la police n’imposera pas le calme.
153Mais il a prêché dans le désert. Un an plus tard, dans un autre article de Noël, il se plaint que les sonnailles tourmentent ses oreilles325. Cette fois, il retrace une histoire abrégée de la fête qui, selon lui, a perdu tout son sens. Sa conclusion est de même nature que celle qui terminait l’article précédent : Les peuples ne sauraient revenir en arrière, car la « loi du progrès » et la « loi de la perfection successive » régissent l’humanité.
154 Carnaval. — Sarmiento déplore cependant que les bonnes habitudes se perdent et que le Carnaval ne soit plus fêté comme au bon vieux temps, quand, pendant trois jours, on pouvait se permettre quelques privautés avec les jeunes filles, auxquelles, pendant le reste de l’année, il n’était pas séant d’adresser la parole326. Heureusement, Buenos Aires conserve la vraie tradition ; et le « peuple souverain », le « peuple égorgeur » peut encore connaître les délices de jeux permis par l’illustre Restaurateur des lois. Et les habitants de la ville sont autorisés à se bombarder d’œufs pourris, à se battre à coups de lance d’arrosage, à se déverser les uns sur les autres des seaux pleins d’eau ou de bouc, sans que personne ait le droit de protester. Qu’avons-nous de comparable à ces charmantes distractions, à ces aimables libertés ? se demande ironiquement Sarmiento.
155Quelle différence entre cette fête grossière et le Carnaval de Rome, où Sarmiento s’émerveille au spectacle des batailles de fleurs et de confetti, où tout reste dans l’ordre et la décence, où l’on assiste à un magnifique défilé de cavaliers, de chars et, la nuit tombée, à la retraite aux flambeaux327 !
156 Le dimanche de Quasimodo. — Il est rare que Sarmiento ne cherche pas l’occasion de critiquer les mœurs locales et les traditions qui lui paraissent indignes d’un peuple civilisé. Dans un article sans titre du Progreso328, une curieuse coutume est rapportée, dont la tradition a été signalée à l’auteur par un curé de campagne. Le dimanche de Quasimodo, le prêtre du lieu porte le Saint Sacrement à cheval au milieu d’un groupe de cavaliers galopants, qui s’amusent à se bousculer le plus rudement possible. Quand la chevauchée à travers le village a pris fin, les cavaliers vont apaiser leur soif dans les buvettes de l’endroit et rentrent ivres chez eux. C’est ce qu’on appelle « courir le Saint Sacrement » (correr al Santísimo). Le journaliste est d’accord avec le curé pour trouver cette pratique peu édifiante et pour demander qu’elle soit interdite, conformément à une disposition synodale tenue pour lettre morte.
157 Les bals et les danses. — Sarmiento n’est pas, pourtant, un moraliste austère, ennemi des réjouissances publiques. C’est avec bienveillance qu’il considère le bal masqué donné à Valparaiso, e 12 février 1842, pour fêter l’anniversaire de la victoire de Chacabuco329. Il rappelle que le bal travesti constitue un divertissement fort ancien des nations cultivées. Λ Paris, comme pour confirmer ce qu’il avait dit, il constate que des dames « tout à fait comme il faut » vont au bal, où l’on peut voir des écrivains ou des artistes, comme Dumas et Rachel330. Le bal a en outre un grand avantage : la société s’y nivèle. L’esprit démocratique y trouve son compte.
158C’est peut-être pourquoi il est pris d’un enthousiasme délirant au spectacle de la zamacueca, cette danse populaire pleine de grâce et d’entrain, qu’il décrit avec une satisfaction avouée331. C’est l’allégresse de jouir avec les autres de quelque chose « qui fait vibrer toutes les fibres, qui fait sentir la nationalité, la patrie, le peuple ». De même que les Argentins en exil réclament la media caria ou le cielito pour se sentir chez eux, les Chiliens se trouvent unis dans leur danse nationale. Peu importent les différences de classes, « le pauvre danse comme le riche… chacun à sa façon ». C’est ce nivellement, cette communion qui fait exulter et frémir d’aise le penseur qui veille toujours en Sarmiento. Mais ce penseur est aussi un homme de chair. De même qu’il s’avoue ailleurs enivré par la corrida, il reconnaît que la zamacueca n’éveille pas seulement en lui des méditations patriotiques. Il les oublie même complètement pour analyser en détail les effets purement physiques que le spectacle a sur lui, attentif au « fourmillement qui lui monte des pieds à la tête », aux battements précipités de son cœur qui le font suffoquer, bref aux manifestations du trouble que lui procure cette danse vive, dont il est bien obligé, ne serait-ce qu’instinctivement, de comprendre le langage amoureux.
159Ce compte rendu réfléchi et frémissant à la fois est à rapprocher de la description de la même danse que fera Max Radiguet, en 1847, dans la Revue des Deux Mondes. Selon lui, cette danse « gracieuse et coquette » s’est vue reléguée dans les basses classes de la société. Néanmoins quelques femmes du monde l’exécutent ; et, en été, dans les salons de Valparaiso, « la zambacueca bannie reparaît timide d’abord, enfin triomphante ». Ce fait prouve que Chiliens et Chiliennes avaient cette danse dans le sang. Ainsi le laisse entendre Radiguet en termes recherchés. Sarmiento l’affirme avec l’ardeur d’un fils de la région andine, où la zambacueca, ou cueca, est encore dansée de nos jours.
160 Une représentation théâtrale. — Une fois, Sarmiento s’aventure dans un bas quartier de Santiago pour assister à la représentation d’un mistère332. Il en rapporte un vrai tableau de genre. Avec la verve des jours où il est de bonne humeur, il dépeint la salle de spectacle à ciel ouvert, avec son rideau étoilé, sa corde destinée à séparer les gens mis correctement de la plèbe, avec le marchand de glaces et d’orgeat, dont il imite l’accent, les acteurs qui parlent en estropiant les mots. Il recopie l’affiche qui annonce le titre et le lieu du spectacle et résume les scènes où se succèdent un Hérode en turban, un Joseph grotesque s’efforçant de faire rire la galerie, un ivrogne mulâtre qui, le couteau à la main, se jette sur un juge et lui vole sa cape et son chapeau. Bien entendu, Sarmiento ne se contente pas d’une pochade amusante. Il tire une leçon de cette visite et demande à l’intendant de la ville de faire le nécessaire pour que le peuple ait un théâtre où il puisse s’instruire en s’amusant.
161 Les courses de chevaux. — Après les bienfaits du bal, dans sa lettre à Aberastain, Sarmiento vante les avantages de l’hippodrome, où se déroule un spectacle qu’il estime civilisateur, parce que l’on y traite les chevaux mieux que dans la pampa333. Quand il écrit, l’hippodrome est encore inconnu au Chili et en Argentine. Selon lui, on devrait introduire en Amérique les courses de chevaux telles qu’elles se pratiquent à Paris. Il est sûr qu’elles s’acclimateraient « comme tout ce qui est éminemment populaire ». Sarmiento ne s’est pas trompé, puisque, du moins en Argentine, l’hippodrome est, de nos jours, aussi fréquenté que le stade un jour de match de foot-ball, ce qui n’est pas peu dire, et par le même public. L’équitation à l’européenne, pour Sarmiento, est une leçon de culture.
162 La fête nationale. — C’est encore dans le dessein de cultiver le peuple que Sarmiento, après avoir décrit la fête nationale du 18 septembre, fait le vœu que, sans rien perdre de son caractère patriotique, elle serve aussi « à stimuler le talent et l’amour de la gloire dans les basses classes de la société »334. Pour ce faire, il suffirait de créer des prix du 18 septembre pour ceux qui auraient excellé dans les arts, les lettres, ou certains travaux manuels. Cette coutume joindrait l’utile à l’agréable.
163 La lutte. — Ce n’est pas le cas pour la lutte. Et pourtant, Sarmiento semble participer avec passion à un débat dans lequel il s’agit de savoir si Soto, lutteur amateur, a vaincu dans les règles M. Charles, lutteur professionnel335. Le compte rendu qu’il fait du match est peut-être le premier qu’un écrivain de talent ait consacré, en Amérique, à ce sport. Visiblement, le narrateur y prend goût et regrette avec un chauvinisme indubitable que le Chilien Soto « beau comme un Hercule Farnèse » ne parvienne pas à mettre sur les deux épaules le champion français, massif, « à la démarche d’hippopotame ». Sarmiento s’enthousiasme au point de donner des conseils à Soto, qui recommence chaque soir la lutte pour gagner les cinq cents pesos que M. Charles a promis à celui qui réussirait à le terrasser.
164Mais l’homme civilisé se reprend. Sarmiento finit par trouver absurde que l’on fasse de la force une déesse, « dans un siècle où l’intelligence… peut enfermer dans une chaudière la puissance de sept cents chevaux, c’est-à-dire de cinq mille hommes comme Charles ou comme José Soto ».
165 La corrida. — En Espagne, Sarmiento assiste à une course de taureaux, qu’il décrit avec un grand luxe de détails, en une douzaine de pages336. Le voyageur s’est laissé aller à l’ivresse que procure un tel spectacle337. Il réagit néanmoins et rejette ce jeu qui réveille les instincts les plus cruels de l’homme. Il voit un rapport entre la barbarie de ce divertissement et la sauvagerie des Espagnols dans leurs guerres civiles, de même qu’il dénonce le lien entre la barbarie des hommes de la campagne, en Argentine, et la férocité des égorgeurs de Buenos Aires et d’ailleurs.
166 5. Divers. — La jeunesse dépravée. — Il y a toujours un moment, dans la vie d’un moraliste, où celui-ci dit du mal de la jeunesse. Et on est un peu étonné que Sarmiento se mette à prôner les mœurs du temps passé, dans un article où il se montre scandalisé par le manque de tenue des jeunes gens qui fument et se réunissent dans les cafés pour jouer au billard, boire et prendre des attitudes grossières338.
167Ce mouvement d’humeur paraît moins intempestif si l’on tient compte des circonstances. Par décret du 18 janvier 1842, Sarmiento a été nommé Directeur de l’Ecole Normale, récemment fondée à Santiago, et il se fait un devoir de surveiller la conduite de ses élèves. Mais cette surveillance ne s’exerce pas seulement à l’intérieur de l’établissement. En effet, dans un rapport que, le 3 août 1843, Sarmiento adresse au ministre, il écrit qu’il vient de ramener d’un café un de ses élèves, et réclame un châtiment exemplaire339. Or, dans son article, Sarmiento se dit choqué du fait que les gamins de dix à douze ans qu’il a surpris dans un café ne se soient pas levés quand il est entré. Sarmiento a rencontré ses propres élèves buvant, fumant et jouant ; et, indirectement, par la voie de la presse, il tient à avertir les parents et à les mettre en garde.
168 Les préjugés sociaux. — Dans une autre occasion, Sarmiento surprend un dialogue entre une jeune fille et un jeune homme, au cours d’une réunion mondaine340. La jeune fille assure qu’elle n’accepterait pas de danser avec un des musiciens de l’orchestre, car le monde des artistes est un monde à part que ne saurait fréquenter une demoiselle de bonne famille. Le jeune homme réplique qu’en Europe, au contraire, les personnes de la bonne société se trouvent très honorées de recevoir des artistes. La jeune Chilienne est scandalisée et trouve cet usage fort choquant. Son compagnon rétorque que cet usage est choquant pour ceux qui ont des préjugés enracinés et des idées préconçues, pour ceux qui sont incapables d’apprécier le vrai mérite et ne jugent les gens que d’après leur naissance.
169L’auteur de conclure qu’il est dommage que des conversations de ce genre ne soient pas plus fréquentes dans des lieux où l’on échange habituellement des propos à bâtons rompus sur des questions banales.
170 La vie mondaine. — Tirant parti d’un procédé connu, Sarmiento imagine un échange de lettres entre deux jeunes filles de la bonne société qui, avec vivacité, font des réflexions piquantes sur le monde dans lequel elles s’agitent341. Ces lettres fourmillent de mille détails, parfois volontairement décousus, sur la vie de ces jeunes filles qui, en dépit de leur frivolité, savent observer. Dans ce verbiage spirituellement mené, on retient au passage telle réflexion sur la liberté des cultes342, ou telle exclamation attristée à propos de l’éducation des femmes, qui les oblige à « s’alimenter de chimères343 ».
171Evidemment, ces jeunes filles sont lucides. Et pour cause.
172 La mode. — En bon observateur à l’affût de toutes les manifestations de la vie en société, Sarmiento ne saurait se montrer indifférent à la mode.
173Que Rosa eût son mot à dire sur ce chapitre, il fallait s’y attendre. Quand, au théâtre, elle jette un coup d’œil sur les spectateurs, elle ne manque pas de remarquer que « tous les modèles de l’année sont représentés… en vêtements, en plumes, en fracs, en coiffures, en parures, etc »344. Dans une autre lettre, Rosa envoie à son amie la page du Progreso consacrée à la mode, mais elle ne résiste pas à la tentation de la recopier. Tout y est décrit si minutieusement que l’on est renseigné sur l’habillement complet de la dame mariée à la promenade, des femmes chez elles, des demoiselles à marier. Une page sur les agréments du châle est un échantillon du meilleur style frivole. Nous y apprenons que le chignon devait être placé « en un juste milieu », que les Chiliennes portaient sur le front un ruban orné d’une étoile de métal « telle une étoile de Vénus éclatante dans un ciel serein et pur ». Il paraît que les bouclettes étaient encore en vogue à Paris et à Santiago, « malgré les insultes grossières de la Gazette des femmes et du Progreso qui les ont trouvées provinciales345 ».
174Sarmiento n’épuise pas là tout l’intérêt qu’il porte à la mode féminine. Il se hasarde ailleurs346 à donner des conseils pour la coiffure, en tenant compte de la forme du visage (« les visages ovales sont à la dernière mode à Paris », dit-il), du teint de celui-ci, de la couleur des cheveux, etc… Il n’hésite pas non plus à donner son opinion sur le costume des ballerines, prenant pour modèle celui des danseuses en Europe347. Ce qui est décent en Angleterre, en Italie ou en France, ne peut pas être indécent en Amérique. N’essayons pas, conseille-t-il aux censeurs, de vouloir, pour la définition de la décence, en remontrer à des peuples plus cultivés que nous. Bien entendu, il faut distinguer entre « nos danses espagnoles, la cachucha, le bolero… nos danses populaires, la resbalosa, la zamacueca, caractérisées par leur sensualité » et « le ballet français… qui appartient à l’école classique ».
175Une fois de plus le censeur des mœurs locales oppose à leur caractère barbare le raffinement des mœurs européennes. Par suite, conclut-il, il n’y a pas lieu de modifier la tenue des ballerines, qui avait alarmé la pudeur de l’Intendant municipal. « Le nu apparent des ballerines… appartient au domaine des beaux arts », écrit Sarmiento. La morale est-elle satisfaite lorsque l’esthétique est respectée ? Voilà une question à laquelle Sarmiento répond affirmativement. Le nu ne saurait faire rougir une jeune fille qui regarde la Vénus de Médicis, par exemple, sans sourciller ; en rougissant, elle laisserait supposer que sa pensée est impure.
176 Les coutumes provinciales. — Sarmiento ne parle qu’incidemment des coutumes provinciales, qu’il a pu observer à Copiapó. Après avoir remarqué que, dans cette ville, les gens se rendent à leur travail « en costume de gala » et attribué cette habitude à la présence d’Argentins unitaires, particulièrement à cheval sur la tenue, il passe la main à son collègue Jotabeche « écrivain de mœurs, et, dans ce domaine, sans rival dans son pays »348.
177 Les moyens de transport. — Tous les écrivains voyageurs ont rapporté avec plus ou moins d’esprit leurs aventures sur les grands chemins et rivalisé d’entrain pour détailler les inconvénients des véhicules sans confort.
178Sarmiento raconte trois voyages. Dans le premier récit, il se rend de Santiago à Valparaiso en birlocho, sorte de cabriolet à deux places349. Chemin faisant, il voit des charrettes embourbées depuis plusieurs jours ; puis il passe la nuit dans une auberge infâme et arrive au terme du parcours après des péripéties aussi multiples que désagréables. Pour se rendre à Peñaflor, il veut prendre la diligence, qu’il appelle la négligence ; mais, effrayé par son aspect, il se ravise et fait le chemin à cheval350.
179Dans un autre article351, il décrit une voiture à quatre roues, tirée par trois chevaux, qui fait le voyage entre Santiago et Valparaiso. Ce véhicule constitue un progrès appréciable par rapport au birlocho. Ce progrès est dû à un émigrant français, M. Vigoreaux, qui conduit lui-même. On n’aura plus à craindre de rouler dans les bourbiers avec les cabriolets que les postillons entraînent dans des courses folles pour se distraire.
180Les articles de Sarmiento et les plaintes des victimes de la route n’auront pas été vaines. La Gaceta del comercio apprend en effet, à ses lecteurs, le 1er juillet 1844, la création d’une société qui émet des actions pour assurer l’exploitation d’une entreprise de diligences entre Santiago et Valparaiso. Sarmiento reconnaît la même année que le Ministère a fait le nécessaire pour remettre en état une route dont il a maintes fois signalé les embûches352.
181 La poste. — Ailleurs, Sarmiento s’en prend à la poste. Le courrier est transporté par les conducteurs de cabriolets, qui s’en chargent au hasard de leurs voyages353.
182 L’architecture. — Dans un autre article, il s’indigne, parce que l’on construit des maisons en pisé au lieu de prendre un matériau solide qui résisterait davantage aux secousses sismiques354. Et il disserte longuement contre la coutume qui veut que l’on édifie des maisons de telle sorte qu’elles s’écroulent quand la terre tremble.
183 Les abattoirs. — A propos des abattoirs de Santiago, Sarmiento a une fois de plus l’occasion de déplorer le « triste exemple de la force irrésistible des habitudes »355. Cette peinture peu alléchante montre que ces lieux de massacre ne sont pas plus ragoûtants à Santiago qu’à Buenos Aires, où nous les connaissons, à peu près à la même époque, par la description qu’en a faite Echeverría, dans El Matadero. L’abattage est fait par des particuliers, sans que les précautions les plus élémentaires soient prises pour assurer l’hygiène. Sarmiento réclame des abattoirs municipaux.
184 Le cimetière. — La vie humaine semble peu respectée par les infirmiers des hôpitaux qui, souvent, expédient au cimetière, à la fosse commune, des malades qui ne sont pas encore tout à fait morts. Sarmiento conte plusieurs cas d’enterrés vivants et demande qu’on remédie à cet état de choses356.
185 Fantaisie française. — Une fois seulement dans sa vie littéraire, Sarmiento veut faire croire au lecteur qu’il raconte un rêve. Le sujet en est : une journée en France357. En 1845, Sarmiento n’est pas encore allé en Europe. On peut donc supposer qu’il connaît les coutumes françaises qu’il raconte par ses lectures, ou bien par ses amis.
186Le sujet tient en quelques mots. Des Français fêtent l’anniversaire de la Révolution de 1830. Sarmiento participe à leur liesse, à leurs libations de champagne et de vins de Bordeaux, à leurs jeux, et écoute, béat d’admiration, les chansons patriotiques, qu’il transcrit scrupuleusement en français. Il danse avec des jeunes filles du peuple et fait un portrait attendrissant, idéalisé, d’une « charmante brunette », plus cultivée, selon lui, que bien des dames sud-américaines. Il dépeint le maître de céans comme le Français typique qui a guerroyé pour la liberté, dans plusieurs pays, et, finalement, est venu échouer à Santiago. Il donne à cet homme héroïque le nom de M. Combes.
187Ce nom nous a donné la clé de l’énigme. Ce rêve est, en fait, une scène vécue. M. Combes était un relieur bordelais. Dans les archives du Musée Sarmiento, nous avons découvert, dans un dossier sans numéro, une lettre de ce relieur à l’auteur de l’article. Datée du 5 août 1845, elle a donc été écrite quelques jours après que l’article ait paru. Isidore Combes écrit à son « cher ami », avec force fautes d’orthographe, que plusieurs personnes ont cru tout d’abord qu’il l’avait offensé dans son article ; mais qu’elles s’étaient rendu compte par la suite que leur méconnaissance de la langue espagnole les avait induites en erreur. Il fait allusion à une lettre de Sarmiento, dans laquelle celui-ci lui aurait donné des explications.
188Quoi qu’il en soit, cet article est un des plus vivants tableaux de mœurs que Sarmiento ait écrits.
IV. — Importance du « Costumbrismo » dans l’œuvre de Sarmiento. Influence de l’écrivain dans ce domaine
189Depuis le moment où il rédigeait El Zonda, Sarmiento a donc consacré une grande partie de son activité journalistique à la peinture des mœurs. Des articles entiers ne sont que des scènes où sont dépeints les comportements des Sud-américains. En tenant compte de Facundo, des Souvenirs de province, des Voyages, pour n’embrasser que l’époque qui s’étend entre 1839 et 1852, il y aurait de quoi constituer un volume d’au moins trois cents pages, rien qu’avec les textes où Sarmiento décrit telle coutume ou telle autre. Cette description n’est presque jamais gratuite. Certes, Sarmiento s’amuse parfois à lâcher la bride à sa plume emballée. Il lui arrive même d’en perdre le contrôle, au point que le lecteur a du mal à suivre l’enchaînement des membres de phrase. Mais, sauf quand il décrit des coutumes étrangères — et alors il s’abandonne sans arrière-pensée à sa verve — il a toujours une réflexion, si brève soit-elle, qui ramène au sujet essentiel : l’amélioration des mœurs.
190Sarmiento a confiance : il croit que l’humanité est perfectible. Il a également un souci obsédant : expliquer le phénomène américain. Cette préoccupation est déclarée ouvertement dans Facundo ; elle est sous-jacente dans la plupart des articles. Combien de fois avons-nous remarqué que, d’après Sarmiento, à des mœurs barbares correspond un gouvernement barbare. Il y a là une relation de cause à effet qu’il exposera systématiquement dans Facundo. Il la sent déjà quand il dresse en quelque sorte un inventaire des coutumes. De là l’importance qu’il leur accorde.
191Jamais Sarmiento ne cessera de s’intéresser à elles. Le fait est significatif.
192Il suffit pour le constater, de se reporter aux textes qui, écrits après 1852, pourraient grossir le tome d’articles de mœurs, auquel nous faisions allusion tout à l’heure.
193Aux pages que Sarmiento a composées sur la vie dans la campagne argentine, dans Facundo ou Souvenirs de province, ajoutons un grand nombre d’autres pages, moins connues mais non moins valables.
194Grâce à Sarmiento, le colporteur qui transporte sa pacotille de ranch en ranch, « pionnier du commerce de détail », suivant l’heureuse formule de l’écrivain, entre dans la série des types dépeints par les créoles358. Avec non moins de bonheur il décrit, dans un autre article, la ceinture portée par les hommes de la campagne359. Quand on sait que ladite ceinture est en même temps le porte-monnaie, la tabatière, bref, le fourre-tout, on saisit l’importance de cet objet dans la vie du paysan. Ailleurs Sarmiento explique comment on chasse le nandou avec des boules à lanières360. A différentes reprises, il commente les mœurs des indiens361, ou bien rapporte les habitudes militaires de l’époque, lorsque des femmes accompagnaient les soldats362, lorsque les hommes capturaient les ennemis, comme des animaux, à l’aide des fameuses boules à lanières, utilisées également pour entraver les chevaux de l’adversaire, en plein galop363. Il observe les détails d’une fête nationale364, ou bien l’intérieur d’une église où le bedeau réprimande une femme qui s’est assise du côté des hommes365. Les réjouissances populaires retiennent souvent son attention, soit qu’il s’agisse de représentations théâtrales à l’occasion de la Semaine sainte366 ou d’une procession en l’honneur d’une Vierge mulâtresse367, ou d’une séance de lutte368, ou bien encore de la façon dont les indiens honorent saint Joseph, à Lima369, ou même de tel spectacle donné par les Minstrels, ces nègres qui parcourent les Etats-Unis avec un répertoire de plaisanteries satiriques qu’ils décochent contre les militaires ou les politiciens du jour370. Ou bien il fait un croquis du gamin qui parcourt les rues des grandes villes en criant les journaux, et profite de l’occasion pour souhaiter que les capitalistes crééent des écoles pour ces déshérités qui, un jour, peuvent devenir un danger public371. En veine de paradoxe, il essaie un jour de prouver que le puritanisme anglais fait de l’ivresse une caractéristique nationale372. Les Anglais qui résident à Buenos Aires y ont acclimaté leurs habitudes nautiques, et transformé une partie du Parana en club de régates. Sarmiento applaudit à cette innovation et invite ses compatriotes à ramer sur les eaux tranquilles du delta373. Réciproquement, dans un autre article, il jette un coup d’œil sur les Argentins qui résident à Paris, si riches et si nombreux qu’il les imagine plaisamment disposés à coloniser la France.374
195Parmi ces textes, plusieurs appartiennent aux dernières années de la vie de l’auteur.
196Il est dommage que Juan Uribe-Echevarría n’ait pas développé un sujet qu’il se contente de suggérer, à savoir la « mutuelle influence » que Vallejo et Sarmiento exercèrent l’un sur l’autre.375 S’il s’agit d’autre chose que d’émulation réciproque, cette influence nous échappe. En dehors de rencontres normales entre collègues qui ont pratiqué le même genre littéraire et qui ont eu les mêmes maîtres, nous ne trouvons ni le même style, ni les mêmes sujets chez l’un et chez l’autre. Sans doute, dans la polémique où ils se mesurèrent, un article de l’un appelait une réplique de l’adversaire. Toutefois cette joute s’exerça dans le domaine de la politique et des idées littéraires, et non dans celui des articles de mœurs.
197Au Chili, les influences de Sarmiento et de Jotabeche se mêlent. Un exemple frappant de cette conjonction est présenté par l’œuvre du romancier Alberto Blest Gana, qui écrivit des articles de mœurs dans El Museo, en 1853, La Semana, en 1859, La Voz. de Chile, en 1862, El Independiente, en 1864.376 Ils ont souvent un entrain, une vivacité qui font penser à Sarmiento plutôt qu’à Vallejo. Dans « Un baile en Santiago », Blest Gana fait l’éloge du bal de la même façon que Sarmiento dans « Un baile de mascaras ». De même que Sarmiento avait remarqué, dans les bals, le nivellement de la société377, Blest Gana observe que ces réunions rassemblent les divers éléments de la société.378 Ailleurs Sarmiento remarquait les différentes physionomies de ceux qui participaient au bal.379 Blest Gana, dans le même article, note, de la même façon que Sarmiento, les différentes réactions des jeunes filles et des jeunes gens, suivant leur malchance ou leur bonheur. Des observations de ce genre sont plus le fait de Sarmiento que de Vallejo.
198Le « Viaje a los baños de Chilian » fait songer au « Viaje a Valparaiso », non seulement parce qu’il s’agit d’un voyage dans les deux cas, mais aussi parce que Blest Gana et Sarmiento s’y livrent à des réflexions du même ordre. A propos de la liberté des jeunes filles aux Etats-Unis, dans son récit « De Nueva York al Niagara », Blest Gana fait des observations de même nature que celles de Sarmiento au cours de son voyage dans le même pays380.
199Juan Uribe-Echevarría signale à juste titre que « La venta de zapatos » annonce un chapitre de Martin Rivas381.
200Mais ce sont sans doute les peintures des types de la campagne argentine présentés dans Facundo, qui eurent le plus d’influence sur les écrivains du Río de la Plata.
201Toutefois c’est seulement après la mort de Sarmiento, semble-t-il, que certaines scènes de Facundo inspirent des écrivains. Ou plutôt, l’année même de la mort de l’auteur de Civilisation et barbarie, Manuel Florencio Mantilla publie, dans ses Narraciones, un conte intitulé « El Tigrero », dans lequel Antonio Pagés Larraya voit le souvenir de Facundo382. La description du rastreador a inspiré le conte Al rastro que Leopoldo Lugunes introduit dans Guerra gaucha. On ne peut pas lire la vie de Benito Lucero, dans Alma nativa (1906), de Martiniano Leguizamón, sans songer au portrait que, du même type populaire, a fait Sarmiento. Le rastreador du livre Baguales (1930), de Justo P. Saenz fils, appelle un rapprochement inévitable avec son célèbre devancier383.
202Evidemment, cette influence fragmentaire peut seulement être séparée d’influences d’une autre sorte, pour les besoins de l’analyse. Il est regrettable que, dans les anthologies, on ne reproduise la plupart du temps que les tableaux typiques tirés de Facundo. Certes, ils sont un modèle du genre et l’on ne saurait les omettre dans des livres destinés à montrer les caractères essentiels de la vie rurale argentine. Néanmoins, présenter ainsi les scènes de mœurs décrites par Sarmiento, détachées du contexte, c’est les amputer du sens que l’auteur a voulu leur donner.
203La description des us et coutumes n’est, en effet, pour Sarmiento que le moyen de détailler la réalité argentine. Il ne s’en tient pas là. A partir de ces données, il cherche à expliquer la psychologie de son pays, voire du peuple américain, en général. Et, comme jusque dans une de ses dernières œuvres, Conflicto y armonías de las razas en América, il est hanté par ce problème, il aura continuellement recours à la description des mœurs pour commenter les théories qui s’imposent à son intelligence après la constatation des faits.
204Cette tentative d’explication a exercé une influence considérable sur la façon de penser de ses contemporains, même sur les sociologues d’aujourd’hui. Mais, bien sûr, cette influence, dans laquelle il faut inclure celle que Sarmiento a exercée par sa façon de peindre les mœurs, ne peut être appréciée justement que lorsque l’on considère l’œuvre dans son ensemble.
Notes de bas de page
162 Mercurio, 31 août 1841.
163 Le titre est le même dans l’édition de Madrid et dans celle de Montevideo : Figaro/Colección de articulos dramáticos, Lite/rarios, politicos y de costumbres/publicados/en los años 1832, 1833 y 1834 en/el Pobrecito Hablador, la Re/vista Española y el Observador/por/D./Mariano José de Larra/Tomo Primero. Ensuite viennent les deux indications suivantes respectivement : Montevideo/Imprenta Oriental, San Fernando no 11/1837 ; et : Madrid, Imprenta de Repullés/año de 1835.
Ces articles sont rassemblés en quatre tonies réunis en deux volumes, d’après l’édition de Madrid de 1835 en trois volumes. Pour les tomes I et II, les articles sont datés. Le deuxième volume porte la date 1838 et ne semble pas fait d’après les deux volumes de Madrid de 1837, qui ont été ajoutés aux trois volumes de 1835. Dans le volume uruguayen, tous les textes, sauf cinq, sont les mêmes que ceux de l’édition espagnole, mais figurent dans un ordre différent et sans date. En outre le volume de Montevideo donne les articles suivants qui ne se trouvent pas dans l’édition de Madrid : « Sátira contra los vicios de la corte » (Pobrecito Hablador, no 2, août 1832. Exclu par Larra dans l’édition de 1835, cet article a été publié dans le tome 13 de l’édition de Madrid de 1837) ; « Conventos españoles » (Revista Mensajero, 3 août 1835. Cet article a été repris seulement en 1918, dans Postiigaro, II, 243) ; « Don Ramón Narvaez » (ne se trouve nulle part et n’est peut-être pas de Larra) ; « No lo creo » (Revista Espanola, 2 juill. 1833 ; cet article n’a pas été repris en collection avant l’éd. Aguilar, 565) ; « Articulos necrológicos de Larra », tirés l’un d’El Español du 15 février 1837, l’autre de la Revista nacional du 16 février 1837. Finalement, le deuxième volume de l’édition de Montevideo ne contient pas l’article : « De 1830 a 1836 o la España desde Fernando VII hasta Mendizábal ». Il s’agit d’une adaptation d’une étude de Ch. Didier, parue dans la Revue des Deux-Mondes de 1835, 699-734. Μ. A. Rumeau, de qui nous tenons ces renseignements, suppose que ce volume a été fait directement d’après les journaux de Madrid ; mais, constatant l’absence de dates, se demande si l’éditeur uruguayen n’a pas seulement disposé des coupures de journaux. La typographie du deuxième volume diffère de celle du premier. Il existe au moins deux exemplaires de cette édition : un à la Bibliothèque Nationale de Madrid, l’autre à la Bibliothèque Nationale de Buenos Aires.
164 En effet, il écrit :
« La colección de los articulos de Larra que bajo el seudónimo de Figaro, aparecieron en el, Pobrecito Hablador, la Revista Española, el Observador, la Revista, el Mensajero i el Español, forma hoi día el libro más popular que pueda ofrecerse a los lectores que hablan la lengua castellana » (Mercurio, 31 août 1841, I, 118).
Or, le 1er mars 1835, la Revista Española s’était unie au Mensajero de Cortes et le journal résultant de cette fusion avait pris pour titre Revista-Mensajero. Il figure bien ainsi sur la couverture de l’édition de Madrid (t. III), comme de celle de Montevideo, (vol. II). Ce renseignement nous a été fourni également par M. A. Rumeau.
L’association des deux mots parut étrange à Sarmiento, qui en fit les titres de deux revues différentes, ce qui, évidemment, ne se serait pas produit s’il avait disposé des revues elles-mêmes. A moins qu’il ne faille voir là une coquille de la part de l’imprimeur du Mercurio… En tout cas, dans les deux éditions, la page du titre est complétée ainsi… publicados en/los anos 1832, 1833, 1834, 1835/y 1836 en el Pobrecito Hablador/la Revista Espanola, el Obser/vador, la Revista-Mensajero/y el Español/por/…
165 I, 252.
166 Le titre de cette édition est rédigé ainsi : Fígaro/Colección de articulos dramáticos/Literarios i de costumbres/publicados en varios periódicos de España, por don Mariano José de Larra/ Valparaiso, Imprenta M. Rivadeneyra. 1842.
Dans le prospectus, reproduit aux pages 5 et 6, l’éditeur souligne l’utilité de publier des livres d’un mérite reconnu, susceptibles d’éveiller le goût de la lecture dans le peuple et de corriger les mœurs. Après cet exorde, il annonce son intention de publier plusieurs livres en souscription et de commencer par l’œuvre de Larra, qui poursuivit inlassablement les vices de son époque « que por nuestra mala ventura son los mismos de que nosotros adolecemos… ». Il rappelle que ce livre a déjà eu les honneurs de nombreuses éditions en Espagne et qu’il a été réimprimé dans plusieurs états américains, particulièrement en Uruguay, où il a éveillé l’intérêt d’un grand nombre de souscripteurs. Il ajoute que son imprimerie est suffisamment pourvue de moyens modernes pour rivaliser avec celles d’Europe ; et il se propose de donner cet échantillon du progrès de l’art typographique du Chili « si los hombres que se sienten interesados en el progreso de Chile contribuyen por su parte a realizar una de las primeras publicaciones que de alguna extension se han dado a luz ».
Cet appel au patriotisme a été entendu. Rivadeneyra a eu la satisfaction de pouvoir, dans le premier tome, dresser une liste de 240 souscripteurs ; et, dans le deuxième, une autre de 73 ; soit, au total, 313. Ce nombre n’est qu’approximatif, car plusieurs noms sont répétés d’un volume à l’autre, parfois à l’intérieur d’une même liste. Parmi les souscripteurs, on remarque : Andrés Bello, ses deux fils Francisco et Carlos, Domingo Amunátegui, professeur de philosophie, José Miguel Solar, sénateur, Domingo Santiago Godoy, avec qui Sarmiento eut maille à partir, le général Lastra, Pedro Fernandez Garfias, professeur, José Zapiola, le futur auteur des Recuerdos de los treinta años, Manuel A. Tocornal, homme politique, Mercedes Marin del Solar, poétesse, Salvador Sanfuentes, poète, Manuel Rengifo, député, Ramón Rengifo, député, Mariano Egana, sénateur, Antonio Garcia Reyes, député, Juan N. Espejo, député, Ramón Briseño, le futur auteur d’une très utile Estadística bibliográfica de la literatura chilena, J. Victorino Lastarria, écrivain, etc.
Quand il disait que, par la publication des œuvres de Larra, il pensait « realizar una de las primeras publicaciones que de alguna extensión se han dado a luz », Rivadeneyra n’exagérait guère. Avant 1842, pour nous en tenir aux publications de plus de cent pages, nous ne relevons que les titres suivants : Principios de derecho de gentes, par Andrés Bello (1832,267 p.), Curso de matemáticas puras, escrito en francés por L. B. Francœur, traducido al castellano de la segunda edición, i revisto i aumentado considerablemente por Andrés Antonio de Gorbea (1833, 136 p.), Principios de la ortología y Métrica de la lengua castellana, par Andrés Bello (1835, 130 p.), Guía de forasteros de Chile para el ano de 1841, par J. Victorino Lastarria (1840, 159 p.).
Aucun de ces ouvrages, les plus importants publiés entre 1828 et 1842, n’a l’étendue de la collection des articles de Larra, qui comporte 319 p.
Après avoir donné le titre complet de cette collection, Ramón Briseño, dont nous avons cité plus haut l’ouvrage auquel nous empruntons ces renseignements, ajoute entre parenthèses le mot « reimpresión ». Or, il n’y a pas, au Chili, de publication des œuvres de Larra antérieure à celle que nous citons. Rivadeneyra, donc, a réimprimé la collection formée par Larra en 1835 et complétée en 1837. Cette nouvelle impression contient les indications de dates et de revues fournies par l’édition espagnole.
Le successeur de Rivadeneyra fera une réimpression de l’ouvrage sous le titre : Colección de artículos de Fígaro, precedidos de una vida de don Mariano José de Larra, Valparaiso, Galle de la Aduana, no 25, 1844, 396 p. L’éditeur a utilisé l’édition de Madrid de 1843, qui est la première qui contienne la biographie de Larra par C. Cortés. On trouvera un exemplaire de cet ouvrage à la Bibliothèque Nationale de Paris.
Signalons encore une édition des œuvres complètes de Larra, faite à Caracas en 1839-1840, Imprimerie George Corser, 3 vol., 317, 320, 550 p. Sur cette édition nous n’avons que les renseignements donnés par Frank M. Duffey (op. cit.). L’auteur dit qu’en octobre 1839, la revue éphémère El Correo, de Caracas, fait allusion à l’édition colombienne, que cette revue juge ainsi : « La edición europea, incompleta i no tan bella como la de Caracas, cuesta el doble precio de ésta… » Sarmiento également avait remarqué que l’édition de Valparaiso était plus belle que l’édition de Madrid et moins chère que celle-ci. De la collection de Madrid, il dit : « Nos cuesta media onza », tandis que l’édition chilienne « solo costó un cuarto de onza » (IV, 39). El Correo insère encore, en mars 1840, la note suivante : « Larra. Como actualmente se hallan en esta capital las personas notables de las provincias, que han venido a representarlas en el progreso, creemos conveniente avisarles que se hallan en venta las obras de este excelente escritor en la tienda del Sr. Ulpiano Gonzalez… Ellas son un modelo de soltura i gracia en el estilo entre los últimos escritores españoles. Contienen observaciones interesantes sobre costumbres semejantes a las nuestras, i sobre acontecimentos politicos que suelen repetirse en estos paises… »
Au début du tome LXXI de la Biblioteca de Autores españoles, une notice biographique de 18 pages donne l’essentiel de la vie de l’imprimeur catalan. Outre cette collection d’articles, Rivadeneyra a publié à Valparaiso : de J. Victorino Lastarria, Guía de forasteros de Chile, 1840, 159 p. ; d’Andrés Bello, Análisis ideolójica de los tiempos de la conjugación castellana, 1841, 57 p. ; de J. Victorino Lastarria, Diseur so de incorporación a una sociedad de literatura en Santiago 1842, 16 p. ; de Pedro Lacasa, Campaña del primer ejército libertador de la República Arjentina, al mando del jeneral Juan Lavalle, contra el tirano de los pueblos del Plata, 1842, 29 p.
167 Le 1er octobre 1840, il avait acheté l’imprimerie du Mercurio à Bernard Péry-Etchart, un Français. Il la conserva jusqu’au Ier septembre 1842. Elle fut acquise alors par Santos Tornero. Le 2 octobre, Rivadeneyra quitte le Chili pour rentrer en Espagne où, en 1846, il publie le premier volume de sa Biblioteca (R. Donoso, Veinte años de la Historia de « El Mercurio » (op. cit., 356).
168 Dans sa défense contre Godoy, Sarmiento tire argument de l’avis du Vénézuélien :
« Don Andrés Bello me hizo el honor de defenderme en una reunion en que mi vinchuca (sorte de moustique, pour désigner Godoy) le estaba chupando la sangre, como es su costumbre, diciéndole que esa era mi gloria, el haber alcanzado a ser escritor por mi propio esfuerzo, llevando el señor Bello la buena intención para conmigo hasta igualar, en su concepto, uno que otro escrito mío a algunos de Larra » (III, 33).
169 Mercurio, 31 août, 1841.
170 Voir un peu plus loin.
171 Voir après la Bibliographie à la fin du volume, la liste des journaux et des revues consultés.
172 Voir annexe I.
173 Nous remercions ici Melle Elisa Peña qui a eu l’amabilité de nous ouvrir la bibliothèque de son père, Enrique Peña, où se trouve un exemplaire de ce journal satirique.
174 Cf. Raúl H. Castagnino, op. cit., Après 1834, Le barbier de Séville a été représenté le 26 mai et le 7 juin 1835, le 19 juin 1836, le 21 juillet et le 22 août 1838, le 10 et le 27 avril 1842, le 6 mars 1848.
175 José A. Oria, Alberdi « Figarillo », op. cit., 9.
176 Le Figaro, journal non politique. Théâtres, critique, sciences, arts, morale, nouvelles, scandales, économie domestique, biographie, bibliographie, modes, etc.
177 « Avisos nuevos Figaro Ha puesto a vender en esta imprenta y en la de la Libertad frente al Teatro su primer surtido de trenzas y pelucas » (El Amigo del país, no 76, 5 oct. 1833).
178 « Comercio matrimonial » (Mercurio de Valparaiso, no 1615, 31 mars 1834). Dans cet article, Figaro constate l’utilité des agences matrimoniales pour que les candidats au mariage ne fassent pas leur choix au petit bonheur.
179 Les deux articles de Larra sont : « Las circunstancias » (no 1741) et « Los amigos » (no 1802).
180 En 1835 : « El Pirata. Opera » (no 1939, du 2 mai), « Los bueyes transformados en terneros » (no 1956, du 22 mai), « Matrimonios. El Hiponcadríaco » (n° 1979, du 20 juin), « El cuitado economista » (no 2126 du 17 déc.). En 1836 : El mal humor » (no 2184, du 27 févr.). En 1837 : « La carta de Figaro » (no 2450, du 20 janv., no 2604, du 14 août) ; « Algunos vicios de moda » (no 2645, du 5 oct.).
181 En 1835, no 1300, du 14 oct.
182 En 1835, no 1832, du 23 oct.
183 Pendant plusieurs années le Mercurio ne publie, sous la signature de Figaro, que des articles qui ne sont pas, semble-t-il, de Larra. Les articles en question ne figurent dans aucune des éditions faites en Espagne, au Chili ou en Uruguay des œuvres du Madrilène. Ils n’ont pas été relevés non plus par Ismael Sanchez Estevan, dans son ouvrage Mariano José de Larra (Fígaro). Ensayo biográfico redactado en presencia de numerosos antecedentes desconocidos y acompañado de un catálogo completo de sus obras, Madrid, 1934.
En tout cas les deux lettres de ce mystérieux Figaro, que le Mercurio publie dans ses numéros 2450 et 2604, du 21 janvier et du 14 août 1837, qui visent sans aucun doute le général péruvien Santa Cruz, surnommé Jetiskan, ne sauraient être attribuées à Larra. A qui alors ? L’auteur en pourrait être un Péruvien émigré (peut être Felipe Pardo y Aliaga), ou bien un Chilien qui prend un malin plaisir à se moquer du général du pays voisin. D’ailleurs ce militaire est souvent tourné en dérision dans le Mercurio, même en français ; dans le numéro 2512, du 6 avril 1837, de ce quotidien, on lit en effet un poème satirique où l’on remarque ces vers :
Le hideux Getis-Kan veut qu’on lui rende hommage
comme au souverain d’un état.
Quoi qu’il en soit, le pseudonyme garde son secret : ni les dictionnaires biographiques, ni le dictionnaire de pseudonymes de Toribio Medina (op. cit.) n’en font mention.
184 Cf. Annexe I.
185 « Me llamo Figarillo, y no otra cosa, porque soy hijo de Figaro, es decir soy un resultado suyo, una imitación suya, de modo que si no hubiese habido Figaro tampoco habría Figarillo : yo soy el último artículo, por decirlo así, la obra póstuma de Larra, y por supuesto, debo tener toda la debilidad de las obras hechas en medio de la laxitud que precede la muerte. »
(La Moda, no 5).
186 « Reglas de urbanidad para una visita » (nos 3 et 4), ou : ce qu’il ne faut pas faire quand on va en visite, déboires d’un visiteur. En lisant cet article il est impossible de ne pas penser au « Castellano viejo », de Larra. « Mi nombre y mi plan » (no 5), ou : les raisons que l’auteur a eues pour s’appeler Figarillo et programme des louanges qu’il pense décerner à ses aïeux. « Las tapas » (no 6), ou : la science de ceux qui ne lisent que les couvertures des livres. « Las cartas » (nos 7 et 8), ou : des mille et une raisons qu’il y a pour ne pas écrire une lettre. « Adivinanzas de Pero Grullo » (no 9), ou : coutumes de personnes civilisées. « El bracete » (no 10), ou : des avantages et des inconvénients de donner le bras à quelqu’un ou quelqu’une. « Doña Rita Material » (no 12), ou : suivre le troupeau. « La esquela funeraria » (no 13), ou : du caractère immuable des formules de faire-part. « Seriales del hombre fino » (no 15), ou : les faits et gestes d’un homme du monde. « Carnaval » (no 15), ou : le respect des traditions. « Predicar en desiertos » (no 17), ou : les sujets qui n’intéressent personne. « Un papel popular » (no 18), ou : écrire pour les ignorants. « Instituciones oratorias dirigidas a la juventud (no 19), ou : l’art de parler pour ne rien dire. « Fósiles heteromorfos encontrados en las orillas del rio de la Plata » (no 20), ou : les vêtements de nos aïeux. « Figarillo en el púlpito » (no 21), ou : contre l’instruction. « Caracteres » (no 22), ou : les caricatures où personne ne se reconnaît. « Los escritores nuevos y los lectores viejos » (no 23) : ce titre se passe decommentaire.
Un grand nombre des articles qui ne sont pas signés sont reproduits dans le tome I des Obras completas d’Alberdi et, par conséquent, de lui. En voici les titres classés suivant l’ordre numérique de La Moda : no I « Prospecto », « Modas portenas » ; no 2, « Calle del Cabildo », « Modas de senoras », « Poesía (A Ella) » ; no 6 « Literatura espanola » ; no 7, « San Simon », « Teatro (Impresiones de la representación de Marino Faliero) » ; no 9, « Civilidad » ; no 11, « Fragmentas de los estudios sobre la Espana, de Viardot » ; no 16, « Bellini a la faz de Rossini » ; no 18, « Aviso », « Album alfabético » ; no 21, « Qué me importa ? » ; no 22 « Trece de abril », « Reacción contra el españolismo », « Parisina » (compte rendu).
187 No 1.
188 No 11.
189 No 14.
190 No 18. Article sans signature figurant dans les Obras completas d’Alberdi (Cf. José A. Oría, Juan Bautista Alberdi (Figarillo) Escritos satiricos y de critica literaria, op. cit., 71).
191 Article sans signature figurant dans les Obras completas (op. cit., p. 211).
192 No 21. Article sans signature, figurant dans les Obras completas (op. cit., p. 92).
193 Le dernier numéro de la La Moda parut le 21 avril 1838.
194 El Iniciador parut du 15 avril 1838 au Ier janvier 1839, en principe le Ier et le 15 de chaque mois, sur 24 pages. Mais les numéros 5, 6, 10, 11, du premier tome et les numéros 2 et 3 du deuxième, n’ont que 20 pages ; le numéro du Ier janvier n’a que 21 pages. Entre le Ier novembre de l’année précédente et cette date, El Iniciador n’a pas paru.
La Revue a été divisée en deux séries : le tome I, dont les pages sont numérotées de 1 à 272 et le tome II, dont les pages sont numérotées de 1 à 85.
El Iniciador a été publié en fac-similé par l’Academia Nacional de la Historia (Kraft, Bs. As., 1941). C’est cette édition, précédée d’une étude substantielle par Mariano de Vedia y Mitre, que nous avons consultée.
195 « Se acabó La Moda ; a ese tiempo apareció el Iniciador, y como yo no puedo vivir sin escribir, así como los pájaros no pueden vivir sin cantar, me vine a juntarme con los alegres redactores del Iniciador. Me parecieron todos, gentes de humor, parecidos a mi » (« Figarillo en Montevideo », El Iniciador, t. I, p. 198).
196 C’est l’article intitulé « Cursos públicos. Enseñanza del idioma ». Il est dit en note : « Hemos podido obtener algunos fragmentos inedictos (sic) de la difunta Moda de Buenos-Aires, y creemos que el públíco nos agradecerá su incerción (sic) en nuestro papel » (El Iniciador, t. II, p. 63).
197 L’article de P. Leroux est intitulé : « Golpe de vista sobre la literatura española ». Le titre complet de l’article de Larra est : « Carta de Fígaro a su corresponsal en París acerca de la disolución de las Cortes y otras varias cosas del día. Buenas noches. » (El Iniciador, t. I, p. 10 et p. 5).
198 « Fígaro y D. Mariano José de Larra » (El Iniciador, t. II, 38).
199 Voir II, Sarmiento et les « costumbristas » du Río de la Plata et du Chili, p. 101.
200 « Los que deseen ver una muestra cabal de una literatura social y progresiva, lean a Larra » (La Moda, no 2).
201 « Este talento inimitable se ha quitado la vida ; se ha dicho que por una mujer. Lo creemos, pero esta mujer para nosotros es la España. Es la muger insoportable de que se queja en todos sus escritos, y de la cual no ha podido verse libre sino a merced de una onza de plomo. Pobre Larra ! Y tan joven, tan hábil, tan gracioso, tan patriota ! Ah ! España ! Ah ! España ! » (La Moda, no 2).
202 La Moda, no 18.
203 Mercurio, 19 févr. 1842.
204 Mercurio, 5 juin 1842.
205 « La cuestión literaria », Mercurio, 25 juin 1842, I, 248. Le 30 juin, ayant avoué sa ruse, Sarmiento recopie l’article du 25 en indiquant dans le détail tous ses larcins. Cet article commenté n’a pas été reproduit dans les Obras. Nous indiquons donc les passages empruntés en recopiant les débuts et les fins de phrase du texte publié par Sarmiento. Celui-ci renvoie ses lecteurs à la première édition de Valparaiso. Sans négliger cette référence, nous renverrons également le lecteur à l’édition Aguilar, Madrid, 1951, que nous signalerons : Ag.
« El escritor no es el hombre… una gran familia » (Vidas de españoles célebres, t. I, p. 169. Ag., p. 863). « Una cuestión… nada hai más allá » (La cuestión transparente, t. I, p. 220 ; Ag., p. 1124). Au lieu d’écrire : « entre éstas, pudiera muy bien clasificarse la de los derechos sociales », Sarmiento écrit : « Entre éstas pudiera muy bien clasificarce la cuestión literaria ». Entre les mots « una simple cuestión » et « es una cuestión », il intercale : « es considerada la mayor del tiempo como ». Il ajoute « hai cuestiones que hacen furor « entre « cuestiones de cuestiones » et « Las hay espesas » ; il prend soin d’indiquer en note que ces deux additions constituent des gallicismes. « No sé qué sabio… cuestiones de personas » (La polémica literaria, I, p. 90 ; Ag., p. 357). « En vez de buscar libros… del artículo contrario » {La polémica literaria, I, p. 88 ; Ag., p. 355). « …i las mâs de las cuestiones… por este estilo » (Ibid., I, p. 90 ; Ag., p. 357 ; Sarmiento écrit « cuestiones » à la place de « polémicas »). « mas yo encuentro… hazmereir del público » (Ibid., I, p. 90 ; Ag., p. 337). « Muchos tienen la diabólica mania… el que pueda que los venza » (Vuelva ud. mañana, I, p. 47 ; Ag., p. 213). « He aqui las causas de la oposición… poca solidez » (Catalina Howard, t. II, p. 137 ; Ag., p. 632 ; Sarmiento supprime la phrase « Que en vez de andar… del vecino »). (« Han desaparecido… a sus hijos » (El si de las ninas ; t. I, p. 141 ; Ag., p. 510 ; mots ajoutés : « como aqui » entre « ahogo en España » et « durante siglos »). « Hace anos que secuaces mezquinos… i lo bello » (Anthony, t. II. p. 163 ; Ag., p. 541). « Se ha dicho que la literatura es la expresión del progreso de un pueblo » (Cette phrase, d’après Sarmiento qui s’en explique dans une note, est tirée du Discours prononcé par Lastarria quand il fut nommé directeur de la Sociedad literaria. Lastarria dit exactement : « Se dice que la literatura es la expresión de la sociedad », Recuerdos literarios, op. cit., 100. Sarmiento s’est trompé d’attribution ; c’est Larra qui a écrit : « La literatura es la expresión del progreso de un pueblo » ; Literatura, Ag., p. 881). « Ahora bien, marchar en ideolojía… la cabeza » (Literatura ; t. II, p. 93 ; Ag., p. 881 ; mots supprimés : « en ciencias exactas y naturales » ; « combinaciones de hoy a las de ayer, analogías modernas a las antiguas », « perdónennos los señores puristas »). « Las lenguas siguen la marcha… calor i patriotismo » (Hernando del Pulgar, t. I, p. 158 ; Ag., p. 514-515 ; partie supprimée : « solo podrá perjudicar… imaginación poética » ; l’enchaînement est ainsi modifié : « se invierta, solo servira para que el pesado i monótono estilo anticuado no deje arrebatarse de un arranque… » ; les mots « monótono estilo anticuado » sont aussi empruntés à l’article de Larra, qui les écrit un peu après le texte cité). « El que una voz (au lieu de : « la voz album »)… que me da la gana » (El Album, t. II, p. 6 ; Ag.. p. 392 ; mots supprimés : « que ni somos ni queremos ser puristas » ; verbe modifié : « entenderse », au lieu de « explicarse », plusieurs lignes supprimées : « desde el punto… las traerá de fuera ». « Ni reconocemos majisterio… ninguna época » (Literatura, t. II, p. 93 ; Ag., p. 884). « Rehusamos… ignoranre afin » (Literatura, t. II, p. 94 ; Ag., p. 885 ; mots supprimés : « al son de la rima… circunstancias », « y faro… profunda »). « … literatura nueva… la nuestra » (Literatura ; t. II, p. 94 ; Ag., p. 884 ; « constituimos » au lieu de « componemos »,« como el estado » au lieu de : « como la Espana »). « El entusiasmo… lo sublime » (Memorias originales del Principe de la Paz, t. II, p. 185 ; Ag., p. 906). « No es la palabra la sublime, séalo el pensamiento, parta derecho al corazón, apodérese de él, i la palabra lo sera también » (Literatura, t. II, p. 93 ; Ag. ?). « He aqui verdades… lengua propia » (Literatura, t. II, p. 92 ; Ag., p. 882 ; « los escritores españoles del siglo pasado », au lieu de : « los padres de nuestra generación literaria »). « … es decir… orijinales » (Ibid., p. 93 ; Ag., p. 881). « … pero esta lengua desemejante… todas partes » (Sarmiento indique en note Espagne poétique, t. I, p. 175 ; mais il se trompe ; ce passage est tiré de Literatura, Ag., p. 882, dont il a supprimé le morceau qui commence par les mots : « en una palabra » et il en a modifié la fin de la façon suivante : « Se ha inculpado a Cienfuegos de haber respetado », au lieu de : « la inculpación que a Cienfuegos se ha hecho »). « Los escritores modernos franceses han roto les antiguas cadenas de la sintaxis francesa. Notre-Dame de Paris ha hecho verdaderamente una revolución en la lengua francesa » (C’est ce passage qui est emprunté à Espagne poétique t. I, p. 175, Ag., p. 830 et non le précédent ; Sarmiento en a modifié sensiblement le texte). « Pero, al fin aqui tenemos el loco orgullo… mas que ellas » (Vuelva Ud. mañana, t. I, p. 47 ; Ag., p. 213).
206 Le passage en question du discours de Sastre a été reproduit à la note 34.
207 Dans l’avant-dernier paragraphe de la note 166, nous avons recopié un avis de la revue El Correo, de Caracas, dans lequel le rédacteur relève les similitudes de situation en Espagne et en Amérique.
208 « Horas de invierno » ; Español, 25 déc. 1836 ; Ag., p. 855.
209 « Literatura » ; Español, 18 janv. 1836 ; Ag., p. 884.
210 « Literatura », ibid.
211 Mercurio, 23 févr. 1841.
212 Pseudonymes utilisés par Sarmiento : Garciá Roman (lettre à Alberdi de 1838), Un padre de dos hijos (La Bolsa, 15 janv. 1841), Un teniente de artillería (Mercurio, 11 févr. 1841), Pinganilla (Mercurio, 23 févr., 3 mars, 16 mars, 3, 21, 22 avr, 18 mai 1841), Un vecino de Santiago (Mercurio, 1841), El abollado (Mercurio, 26 déc. 1841), Un aficionado al teatro (Mercurio, 16 juin 1842), Un concurrente (Mercurio, 1841), Unos patriotas (Mercurio, 1841), Un imparcial (Mercurio, 1841), G. N. (Mercurio, 1841), Unos corresponsales (Mercurio, 1841), Los editores (Mercurio, 1841), Μ. T. R. (Mercurio, 1841), Uno con otro (Mercurio, 27 juill. 1842), Unos chilenos (Mercurio, 7 août 1842), Rosa (Progreso 16 nov. 1842), Emilia (Progreso, 22 nov. 1842), Un alumno (Mercurio, 1842), A Tourist (Mercurio, 1842), Un padre de antaño (Mercurio, 1842), Un pipiolo viejo (Mercurio, 1842). Un suscriptor a la Sociedad de Industria y Población (Mercurio, 1842), D. Benjamin Jeremías (Progreso, 1842), Un Argentino (Progreso, 2 déc. 1842), Zamora de Adalid (Progreso, 4 janv. 1843), T. M. D. (Progreso, 1845). Liste établie en partie à partir de J. Ottolenghi, Vida y obra de Sarmiento, op. cit., 377.
213 Cette façon de procéder est fréquente ; « Avíos i monturas » (Mercurio, 23 févr. 1841), « Solidaridad de los libres » (Mercurio, 15 mars 1841), « Un jurado de imprenta » (Mercurio, 16 mars 1841), « Cosas de estudiantes » (Mercurio, 3 avril 1841) ; « El cólera morbus » (Mercurio 18 mai 1841), « Qué felicidad la de este mundo » (Mercurio, 24 juin 1842). « El exceso de clérigos » (Mercurio, 21 juill. 1842), « Contra Jotabeche » (Progreso, 2 déc. 1842).
214 Ce détail d’ordre pécuniaire est emprunté à J. V. Lastarria, qui écrit :
« El artículo de Sarmiento (il s’agit de l’art. intitulé « 12 de febrero de 1817 ») que se publicó en el número del día 12 llamó la atención, i tanto, que Rivadeneira nos escribió comisionándonos para que ofreciéramos al autor treinta pesos mensuales por tres o cuatro editoriales en cada semana. Sarmiento vaciló pero después de ser alentado por los que le apreciábamos, pasó a ser el redactor i el amigo de Rivadeneira » (Recuerdos literarios, op cit., 83-84).
215 « Correspondencia de El Duende ».
216 « Cartas de dos amigas » ; Progreso, 16, 18, 22 nov., 29 déc., 1842, 2 janv., 1843.
217 I, 331.
218 Cf. note précédente.
219 Les vers cités par Sarmiento sont les suivants :
En idioma jenízaro i mestizo
Diciendo a cada voz yo te bautizo
Con el agua del Tajo,
Aunque alguno del Sena se la trajo :
I rabie Garcilazo (sic) norabuena,
Que si él hablaba lengua castellana
Yo hablo la lengua que me da la gana
(Iriarte)
220 Yo conocí en Madrid una Condesa
Que aprendió a estornudar a la francesa.
Cette citation et la précédente se trouvent en tête de l’un des articles écrits par Sarmiento dans sa polémique à propos de la langue (Cf. le chap. « Polémique littéraire »).
221 Progreso, 2 janv. 1843.
222 Progreso, 12 déc. 1842.
223 Sarmiento met Larra en cause en ces termes :
« Hai tanto pícaro envidioso en este mundo que no es de extrañar que Larra se hubiese puesto a vomitar pestes contra el album. Si supieran por qué ? Porque una dueña cascada i coloreta le hizo mal de su grado plantar unos elojios a su raquítica beldad en las pâjinas de un álbum ! Por qué no dijo nada Larra sobre la etímolojía del kepsake ? Porque nu sabía de la misa la media. Porqué se peleó con el álbum ? Porque diz que era de introducción de estranjis. »
224 « Carnaval » (Mer curio, 10 févr. 1842), « Baile de mascaras » (Mercurio, 14 févr. 1842) et une description du Carnaval romain dans Viajes (V. 241).
225 Progreso, 27 févr. 1843.
226 Texte sans date publié dans O bras, x, 104-110.
227 Inaugurées le 14 octobre 1801, les arènes de Buenos Aires, construites sur l’emplacement de la place San Martin actuelle, furent démolies après que le Directoire eut supprimé les corridas en 1819 (Rafael Alberto Arrieta, Centuria porteña, op. cit., 69).
228 Une partie de cette description a été publiée, en français, dans le Courrier de la Gironde, du 24 octobre 1846. Le traducteur en est probablement Tandonnet avec qui Sarmiento s’était lié d’amitié au cours de la traversée de Rio de Janeiro au Havre et qu’il était allé voir dans sa propriété, à Latresne, près de Bordeaux, le 21 septembre, 1846 (Diario de gastos, op. cit., 58).
229 «He visto los toros i sentido todo su sublime atractivo. Espectáculo bárbaro, terrible, sanguinario, i sin embargo, lleno de seducción i estimulo» (V 169).
230 On a noté l’influence probable de P. L. Courier sur Larra (E. Correa Calderón, op. cit.). Mais la comparaison entre les articles de Sarmiento et ceux de l’auteur du Pamphlet des pamphlets ne peut s’alimenter que de quelques idées, qui appartiennent d’ailleurs à tous les libéraux, et des rares références de Sarmiento au pamphlétaire français, et cela seulement à partir de 1844 (voir la fin de cette note).
A. J. Bucich (Cf. Bibliographie) ne parvient pas à démontrer l’influence de Courier sur l’écrivain de San Juan. Il réussit tout au plus à déceler quelques traits que l’on retrouve chez tous les pamphlétaires. La satire politique, au Chili, ne semble pas avoir cherché le patronage de P. L. Courier.
Sarmiento a fait allusion à P. L. Courier : le 2 août 1844, dans le Progreso (XXXIV, 75), où il le loue d’avoir donné des titres de noblesse à la langue vulgaire ; le 9 mai 1846, dans sa lettre à Carlos Tejedor (Viajes, V, 113), où il mentionne sans plus les « pamphlets » de l’auteur en question ; le 18 février 1849, dans un article de la Crónica (XII, 266), où il rappelle qu’on avait traité Courier de « vil pamphlétaire » ; en 1850, dans Argirópolis (XIII, II), où il adapte quelques lignes du Pamphlet des pamphlets ; le 24 janvier 1852, dans son Diaro de la campaña… inédit, où il écrit en français « gens taillables et corvéables (sic) », en pensant peut-être à un passage de la Lettre au rédacteur du Censeur, où Courier parle du « point de vue du paysan corvéable, taillable et tuable à volonté ». Après 1852, Sarmiento mentionne Courier en 1866 (XXVII, 18 ; XXIX, 133), en 1875 (XXXIX, 83), et en 1883 (LII, 350) ; dans un article sans date (XLVII, 263).
231 Diario de la tarde, no 415, 16 oct. 1832.
232 Ibid., no 954, 8 sept. 1834.
233 Ibid, no 1120, 4 mars 1835.
234 Ibid., no 1331, 20 nov. 1835.
235 Ibid., no 1465, 6 mai 1836.
236 Mercurio, no 1363, 20 mai 1833.
237 Mercurio, no 1371, 30 mai 1833 : « Espectador (obra del célebre Addison (traducido).
238 « Las mugeres oradoras-Addisson » (sic), no 3366, 18 nov. ; « Las galerías de pinturas-Addisson » (sic), no 3368, 21 nov.
239 « Entes originales… (Traducido de las obras de M. Jouy) », no 1465, 27 sept. 1833.
240 « Los sitios habitados en otro tiempo por los hombres ilustres escitan grandes y generosos recuerdos, y no sin razón se ha comparado la fama que les sigue a aquellas preciosas esencias que llenan el espacio y se evaporan dificilmente-Jouy » (El Amigo del país, no 62, 19 sept. 1833). Le Diario de la tarde du 9 mai 1836 annonce la vente aux enchères des œuvres de M. Jouy.
« Desde que las mugeres se degradan, la sociedad perece ; Messalina es el símbolo de Roma envilecida y Lucrecia el de Roma virtuosa y libre » (El Recopilador, 1836-1837 ; p. 6).
241 Cf. Annexe II, à la fin de ce volume.
242 No 195, 21 nov. 1844.
243 « Mœurs mexicaines », dans Diario de la tarde, 6 mai 1836, article tiré du Magasin Universel.
244 « Abajo, peinetas », Gacetas Mercantil, no 2903, 28 janv. 1833. Ce poème est emprunté à l’nvestigador, de Montevideo.
245 « Los hombres ocupados » ; Mercurio, no 1825, 12 déc. 1834.
246 Après avoir mentionné quelques écrits en prose, dont Apologia del matambre, Rafael Alberto Arrieta constate qu’aucun de ces textes n’est daté (Historia de la literatura argentina dirigida por… Bs. As., Peuser, t. II, 1958, p. 89). Alberto Palcos, auteur du plus récent ouvrage sur Echeverría (Historia de Echeverria, Bs. As., Emecé, 1960) nous a dit qu’on ne savait pas si l’article en question était connu avant la publication des œuvres complètes du poète, en 1874.
En feuilletant les journaux argentins, nous avons eu la chance de trouver, dans El Recopilador, l’article d’Echeverria. Ce recueil embrasse les années 1836 et 1837, d’après l’indication donnée par la couverture. Nous avons pu préciser le mois et l’année, en faisant les déductions suivantes :
En premier lieu, puisque El Republicano de Montevideo a recopié l’article dans son numéro du 30 mai 1836, l’original a été publié avant cette date. Par ailleurs, l’exemplaire relié de ce recueil, consulté à la Bibiliothèque Nationale de Buenos Aires, contient une feuille rose où l’on peut lire : « Indice alfabético de lo contenido en los cuadernos de agosto, setiembre y octubre de 1836 ». Mais cet index, collé par erreur à la première page du volume, concerne les articles contenus à partir de la page 105. Or la collection comporte 25 cahiers de 4 feuilles chacun. C’est le quatorzième qui débute à la page 105. Et cette dernière partie correspond au mois d’août, de septembre et d’octobre. Il y eut, par conséquent, 12 cahiers en trois mois (de 14 à 25). soit un par semaine. Le premier, contenant l’article d’Echeverría, a donc été publié au début du mois de mai.
Cela coïncide avec ce que dit Zinny, qui, à propos d’El Recopilador, affirme ; « Empezó en mayo y concluyó en octubre » (Efemeridografía…. op. cit.). Zinny ajoute : « No tiene fecha, sino en la carátula de cada mes. » Il a donc vu une collection des numéros avec leurs couvertures. Mais, comme il ne dit pas où il l’a consultée, nous avons dû nous contenter des exemplaires cités. En tout cas, par recoupement, nous avons pu prouver que le premier cahier d’El Recopilador parut en mai 1836. Notre hypothèse se trouve confirmée par ce que dit Zinny. C’est l’essentiel, puisque, de la sorte, nous pouvons affirmer que l’article d’Echeverria, publié dans le premier cahier du recueil, est bien de mai 1836.
Zinny, sans préciser de date, a fait le dépouillement d’El Recopilador. Il écrit : « Los (écrits) del doctor Echeverría son : La apologia del matambre ; A una lá grima (p. 32), La Aroma, y Rosaura, La Serenata (p. 8), Desamor (p. 11) ».
247 Obras completas de D. Esteban Echeverría, op. cit.
248 Echeverría eut en outre des intentions satiriques. C’est visible dans son Historia de un matambre, dont on ne conserve que l’introduction, où il se déclare prêt à dire « des vérités qui paraissent imaginaires, mais qui piquent comme des aiguillons ».
Avec El Matadero, écrit sans doute entre 1838 et 1840 (la scène a lieu pendant le deuil national décrété par Rosas à l’occasion de la mort de sa femme), Echeverría tire d’un épisode horrible un argument contre le régime du dictateur. Il s’agit encore d’un article de mœurs considéré comme tel par J. M. Gutiérrez dans l’édition citée précédemment.
249 Publié d’abord dans La Moda (no 23, 21 avr. 1838), cet article a été reproduit dans El Iniciador (no 5, 15 juin 1838), dans El Nacional de Montevideo (no 75, 15 févr. 1839), dans la Revista del Río de la Plata (t. IV, 1872, p. 387), puis dans un fascicule imprimé par l’Université de Buenos Aires, avec le sous-titre : « Artículo de costumbres de Buenos Aires » (Sección Instituto de Literatura Argentina, Sección de documentos, serie 4a, t. I, no 2-3,1928).
250 El Iniciador, no 9, t. I, p. 188.
251 « La beneficencia. La sensibilidad », El Iniciador, t. I, 2.
252 « Visiones de la óptica » ; El Iniciador, t. I, 18.
253 « Los primos » ; El Iniciador, t. I, 52.
254 « Mis visitas » ; El Iniciador, t. I, 27.
255 « Variedades. Lección curiosa » ; El Constitucional, no 9, 1er févr. 1839.
256 Ibid., no 17, 14 févr.
257 No 20, 18 févr.
258 No 57, 61, 6 et 11 avr.
259 Ibid., no 184, 12 sept.
260 Ibid., no 201, 2 oct.
261 Ibid., no 314, 18 févr. 1840.
262 Ibid., nos 405 à 563.
263 Ibid., nos 1031, 1046, 1053, 1068, des 27 juill., 10, 19 août, 7 sept. 1842.
264 No 4, 27 mars 1841.
265 « Las visitas » ; El Talismán, no 15, 19 déc. 1840.
266 « El Comunicado » ; El Talismán, no 16, 27 déc. 1840.
267 Voir le numéro des Etudes de presse (Nouvelle série, vol. IX, no 17, 4e trimestre 1957) consacré aux physiologies (Institut français de presse, 27, rue Saint-Guillaume, Paris VIIIe)
268 Fisonomía. La nariz (Gaceta mercantil, no 4167, année 1837, art. tiré du Semanario pintoresco). Fisonomías (Diario de la tarde, no 2951, année 1841). Fisiología del solterón (Diarío de la tarde, no 3425, année 1843, article tiré du Noticioso y Lucero de la Habana). Nueva fisiologia (El Mercurio, no 4468, année 1843).
269 Progreso, 14 et 15 nov. 1842.
270 « Artículo de literatura » ; Diario de avisos, no 712, 10 juin.
271 « Usos y costumbres de algunos pueblos de América. El Rodeo » ; Diario de la tarde, no 5399, 21 sept.
272 « Las damas argentinas » ; Diario de la tarde, no 5400 et 5402, 22 et 25 sept.
273 Mercurio, no 1825, 12 déc. 1834.
274 « Los aficionados a la música », no 2774, 12 mars. « El alarmista », no 2775, 13 mars.
275 « Costumbres » ; Mercurio, no 3083, 22 mars 1839.
276 « Correspondencia », La Revista Católica, no 58, 20 mars 1845.
277 Il vécut au Chili de 1837 à 1887. Il a traduit Antony, de Dumas, Hernani, de Hugo, et composé plusieurs drames, dont le plus connu est Ernesto.
278 Son drame Ernesto a été publié dans le Teatro dramâtico Nacional, Santiago de Chile, 1912.
279 « Mi primera visita » Mercurio, no 3678, 3686, 14 et 24 mars 1841. « Mi segunda visita » Mer curio, no 3690, 29 mars.
280 Sur cet écrivain on lira l’étude documentée d’Alejandro Fuenzalida Grandón, Lastarria i su tiempo, op. cit.,
281 Lastarria, miscelánea histórica i literatura, Valparaiso ; t. III, 1870, p. 147. Ce tome a pour sous-titre : « Costumbres i viajes ».
282 « La sociedad », op. cit., 27.
283 Voir chap. Sarmiento et le mouvement littéraire de 1842.
284 Voir à ce propos le livre de Ricardo Donoso, La sátira política en Chile, op. cit.
285 Progreso, no 784, 20 mai 1845.
286 Sarmiento écrit : « Es una lástima que haya usted formado del nombre de Juan Bautista Chenau, arjentino, un Jota-be-che… » (Progreso, no 47, 4 janv. 1843, II, 62). Nous ignorons sur quoi se fonde Alone pour dire que ce Chenau était français (op. cit., 137). En tout cas, Vallejo signa ses premiers articles dans le Mercurio avec les initiales J. B. C., puis J. B. Ch. (à partir du 22 févr. 1842), et, finalement, imaginant de former un pseudonyme avec le nom de ces lettres : Jotabeche (à partir du 7 juin 1842).
R. Silva Castro orthographie « Chaigneau » le nom de cet Argentin, ou de ce Français, auquel Vallejo aurait emprunté ses initiales ; mais il ne dit pas pourquoi (Jotabeche, periodista y costumbrista, op. cit., 13).
Il existe deux éditions importantes des articles de Jotabeche : Colección de los artículos de don Joaquin Vallejo, publicados en varios periódicos bajo el pseudónimo de « Jotabeche » (1841-1847) con una introducción biográfica, por don Abraham Kónig, Valparaiso, 1878. Obras de don José Joaquín Vallejo (Jotabeche) precedidas de un estudio crítico y biogrífico de Don Alberto Edwards (op.cit.,).
En plus de l’étude contenue dans les Obras, nous signalerons : de Miguel Luis Amunátegui, Don José Joaquin Vallejo (op. cit.,) et, de Raúl Silva Castro, Jotabeche periodista y costumbrista (1811-1858) (op.cit.,).
287 Fragment de lettre cité par A. Edwards, dans son introduction aux Obras de don José Joaquín Vallejo, p. XXIV. Pour l’influence de Larra sur Jotatbeche voir cette même introduction (op. cit.).
288 « Larra, español ilustre ; un atolondrado que escribe en mi patria, í cuyas producciones y zamoraidas (parce que Sarmiento a pris parfois le pseudonyme de Zamora de Adalid) meten el mismo ruido que los cascabeles de un farsante en exhibición pública, ha hecho de tu ultimo pensamiento una burla impía ! Empero, solo él ultraja en Chile tu memoria. Yo respeto el fin de tus días como las inspiraciones del genio divino que los animara. » (Mercurio, 13 mars 1843).
Nous supposons que Vallejo prend Sarmiento à parti à cause de l’article que celui-ci écrivit en ayant l’air de contredire Larra (Cf. notes, 222 et 223).
289 « El Carnaval ».
290 « Cosas notables ».
291 Le critique Juan Uribe-Echevarría est de cet avis et regrette que l’on n’ait pas étudié l’influence de Mesonero Romanos sur Vallejo. Il précise, dans les articles des deux écrivains, des rencontres de thèmes et même des ressemblances stylistiques (op. cit., XVIII).
292 « Es una lástima que haya usted formado del nombre de Juan Bautista Chenau, arjentino, un Jotabeche, i que Pinganilla le hubiese a usted precedido en el jénero, aunque usted le haya aventajado sin disputa. » (Progreso, 4 janv. 1843 ; II, 62).
293 Ces renseignements sont empruntés au livre de Roberto Hernandez (op.cit.).
« 7° El mono nombrado Pinganilla ejecutara sus pruebas, concluyendo la función con la entrada de Doña Dulcinea, haciendo pruebas de equitación » (p. 108).
294 « Atendite et videte si est dolor sicut dolor meus », « Cosas de estudiantes », « La venta de zapatos », « La prensa al menudeo », « El cólera morbus » (Mercurio, 3 mars, 3, 21, 22 avr., 18 mai 1841).
295 Mercurio, no 3987. Juan Uribe-Echevarría (op. cit., p. XVIII) considère comme premier article de mœurs de Jotabeche, celui qui est intitulé « Carta », publié le 16 mai 1841, dans le Mercurio. Il ajoute : « Jotabeche ya se perfilaba como gran escritor costumbrista en los artículos publicados en La Guerra a la Tiranía (1840-1841) ». Que le premier article de mœurs de Vallejo soit du 16 mai 1841, cela confirme la priorité de Sarmiento. Quant aux articles du périodique signalé Guerra a la tiranía, ils ne nous semblent pas appartenir directement au genre en question.
296 Il signe ensuite J. B. C., puis J. B. Ch., à partir du 22 févr.
297 Don José Joaquin Vallejo (op. cit., p. 217). Amunátegui dit un peu plus loin : « Vallejo estaba mui distante de ser un imitador de Sarmiento, como éste quería darlo a entender ». C’est nous qui soulignons.
298 « … es verdad que los articulos de Pinganilla i del Duende comenzaron a salir un poco antes que los de Jotabeche » (op. cit., 218). Les mots « un poco antes » introduisent une inexactitude, puisque Pinganilla est né presque un an avant Jotabeche, comme nous venons de le montrer. Quant au Duende, c’est-à-dire Minvielle, nous avons vu (note 279) que son premier article parut le 14 mars 1841 ; par conséquent, il précédait Jotabeche de près de dix mois. Cela dit. nous n’oublions nullement que Vallejo écrivit dans la presse avant 1842. Mais Jotabeche et ses articles de mœurs n’apparaissent que plusieurs mois après Pinganilla et El Duende.
299 Op. cit., 218.
300 Op. cit., 177.
301 Op. cit. Vallejo figure anachroniquement le premier, avec ses deux articles « Una enfermedad » et « Copiapó ». qui totalisent une dizaine de pages. Sarmiento vient ensuite, avec « La venta de zapatos » et « fin viaje a Valparaíso » qui totalisent 21 pages.
302 Mercurio, 8 nov. 1841.
303 Progreso, 18 juill. 1844.
304 «… i voto va que hemos de hacer respetar la prensa, i la hemos de sacar tarde o temprano del fango de las personalidades en que ha vivido siempre i hacerla útil para el progreso de las ideas i la mejora de las costumbres» (Progreso, 28 déc. 1842). »
305 Mercurio, 23 févr. 1841.
306 II, 369.
307 III, 50.
308 III, 52.
309 «Pobre patria mia estais en guerra, por el contrario, para rechazar a las jentes de afuera, que acudirán ; i arrojais, además, de tu seno a aquellos de tus hijos que os aconsejan bien» (IIΙ, 53).
310 Recuerdos de provincia, III, 178.
311 Nacional, 14 avr. 1841.
312 « Cateo en el desierto de Atacama » ; Progreso, 1er juillet 1845.
313 Mercurio, 21 avr. 1841.
314 Progreso, 14 et 15 nov. 1842.
315 « Los señores salvajes en la Opera » ; Progreso, 30 août 1845.
316 Viajes, V, 58.
317 Mercurio, 3 août 1841.
318 V, 348.
319 V, 116.
320 V, 196.
321 V 206, 209.
322 V, 216.
323 XXI, 22.
324 « La Noche Buena de Santiago » ; Mercurio, 26 déc. 1841.
325 « La Noche Buena » ; Progreso, 24 déc. 1842.
326 « Los Postreros días » ; Mercurio, 10 févr. 1842,
327 Viajes, V, 241.
328 Progreso, 9 avr. 1844.
329 Mercurio, 14 févr. 1842.
330 Viajes, V, 142.
331 « La sambacuena en el teatro » ; Mercurio, 19 févr. 1842.
332 « Misterios » ; Progreso, 8 et 9 janv. 1845.
333 Viajes, V, 145.
334 « El 18 le setiembre en Santiago » ; Mercurio, 25 sept. 1842.
335 « M. Charles i Soto » ; Tri buna, 25 et 26 nov. 1850.
336 Viajes V, 161-172.
337 Cf. notes 227, 228.
338 « Lo que va de ayer a hoy » (Mercurio, 11 avr. 1842).
339 Correspondencia oficial 1842 a 1866 (op. cit.). Ce rapport ne figure pas dans l’ouvrage Sarmiento Director de la Escuela Normal 1842-1845, qui reproduit les lettres de Sarmiento et de Manuel Montt conservées au Ministère de l’Education Publique. Le registre manuscrit de l’Ecole Normale est plus complet que l’ouvrage cité pour ce qui concerne les notes envoyées au ministre par Sarmiento.
340 « Una conversación útil durante el té » (Mercurio, 20 déc. 1841).
341 Ces lettres, intitulées, dans Obras (II, 24) : « Cartas de dos amigas », ont été publiées dans le Progreso des 16, 18, 22 nov., 29 déc. 1842 et 2 janv. 1843.
342 «El lunes se representó una comedia en que los judíos comieron delante de todos el cordero pascual lo que deja ver que ya tenemos tolerancia de cultos, que, según dijo la otra noche M. en la tertulia, se estaba tratando de esto. Es verdad que los judíos fueron quemados, i esto fué lo mejor de la pieza, porque estuvo mui linda la hoguera que habían encendido en medio del teatro» (II, 34-35).
343 Progreso, 22 nov. 1842.
344 II, 37.
345 Ibid., p. 43.
346 « Al oído de las lectoras », Progreso, 16 déc. 1842.
347 « Traje de baile » ; Tribuna, 30 déc. 1850.
348 « Copiapó » ; Progreso, 20 mai 1845.
349 « Un viaje a Valparaíso » ; Mercurio, 2, 4, 6, 7 sept. 1841.
350 « Un viaje a Peñaflor » ; Progreso, 27 févr. 1843.
351 X, 108.
352 « Debemos al Ministerio del Interior una alta reparación de nuestros pasados agravios sobre caminos. Desde Un viaje a Valparaíso que dos aὴos ha publicamos en él, hasta los mil y un artículos con que de cuando en cuando hemos estado aguijoneando a la administración, sobre esta parte de la prosperidad pública que nos sirve de epígrafe, siempre estuvimos afeando, abominando, denunciando el mal estado de los caminos, principalmente el de Valparaíso. Ahora nos creemos en el deber de hacer homenaje a la asiduidad con que el Ministro se ha consagrado a la reparación de aquella vía pública » (Progreso, 15 oct. 1844).
353 « Correos » ; Crónica, 1er avr. 1849.
354 « Los temblores de Chile i la arquitectura » ; Sud-América, 9 avr. 1851.
355 « Mataderos » ; Progreso, 2 juill. 1844.
356 « Un enterrado vivo » ; Progreso 1er nov. 1844.
357 Progreso, 1er août 1845.
358 « El buhonero » ; Nacional, 23 août 1855 ; XXVI, 248.
359 « El tirador del paisano » ; Anales de la Educación, 1858 ; XLII, 36.
360 Francisco J. Muñiz, chap. IV, XLIII, 84.
361 « El Carapachay » ; Nacional, 12 déc. 1857 (XXVI, 19-22), « El indio Juan Chipaco » ; Censor, 10 août 1886 (XLII, 346), « Los indigenas a caballo », in Conflicto y armonías de las razas en America (XXXVII, 284), « Desde Tucumán » ; Censor, 6 août 1886 (XLII, 340).
362 Conflicto y ar monías de las razas en América, XXXVIII, 141.
363 Memorias, XLIX, 48-49.
364 Memorias, XLIX, 10.
365 « Un Dios guarango », XLVIII, 406.
366 « Semana santa », XLVIII, 280.
367 « La Virgen mulata » ; Nacional, 3 juill. 1883, XXXVIII, 70.
368 « Escenas populares El rey de los luchadores » ; Nacional, 23 juin 1856, XLII, 31.
369 Conflicto y armonías de las razas en América, XXXVII, 270.
370 « Los Ministrels, arte dramático popular americano » ; Nacional, 12 juill. 1869, XXIX, 301.
371 « El Newsboy » ; La Education común, 14 sept. 1876, XLII, 40.
372 « Puritanism and Drunkness », XXIX 250.
373 « England for ever » ; Tribuna, 5 janv. 1876, XLII, 24.
374 « Nuestra colonia en Paris » ; National, 30 mai 1883, XXXVI, 149.
375 « Sería de un gran interés veriflcar la mutua influencia que, fuera de algunas rencillas ocasionales, ejercieron entre si estos dos escritores de tanta valía » (Op. tit., XVIII).
376 Ces articles ont été recueillis tardivement par José Zamudio (op. cit.).
377 Cf chap. intitulé « Fêtes et divertissements populaires, Les bals » et note 330.
378 Op. cit., 28.
379 «Viaje a Peñaflor», II, 123.
380 V, 348-360.
381 Op. cit., XVIII.
382 Op. cit. 14.
383 C’est Antonio Pagés Larraya qui note ces rencontres (op. cit.) Ajoutons encore à ces références, ce que dit le critique Julio Jiménez Rueda (op.cit., 110) : « Facundo es el primero que da al costumbrismo su lugar en la literatura de México. Lo seguirá Guillermo Prieto en Los Sanlunes de Fidel » (cité par Jorge Bogliano, op. cit., p. 25, no 24).
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