Conclusion générale
p. 263-265
Texte intégral
1S’il est vrai que la coopération économique inter-américaine n’est pas un fait nouveau dans l’histoire des relations économiques internationales, la reconnaissance des problèmes spécifiques applicables à une même région du monde et la volonté de chercher des solutions communes pour l’ensemble des pays latino-américains constituent sans doute un phénomène essentiellement contemporain.
2L’intégration économique en Amérique Latine peut être située — dans une perspective d’ensemble — à l’intérieur d’une tendance généralisée vers des formes de coopération de plus en plus étroites ; mais ce mouvement se différencie des autres par la nature et le degré de développement des économies à intégrer,
3Le Traité de Rome, en instituant une Communauté Economique Européenne, pose les principes et les bases d’un processus tendant à intégrer une série de marchés nationaux constitués. Les difficultés et les problèmes suscités par cette initiative ainsi que les obstacles qu’il faut surmonter pour aboutir aux résultats souhaités sont bien connus de ceux que ces questions intéressent. Les réalisations effectuées dans ce domaine et les perspectives d’avenir le sont de même.
4Le Traité de Montevideo, dans ses aspects fondamentaux, puise ses sources et son inspiration dans l’expérience de la construction de l’Europe, mais l’Association qui en résulte diffère des Unions réelles et théoriques jusqu’ici étudiées par la finalité qu’elle poursuit : il s’agit avant tout de faciliter la formation des marchés et de les adapter à l’avance aux exigences de l’intégration projetée.
5De ce fait, les objectifs du Traité de Montevideo ne seront réalisés que dans la mesure où chaque pays aura favorisé la création et les transformations structurelles nécessaires.
6L’intégration progressive des économies latino-américaines implique la rupture d’une série de « cercles vicieux du sous-développement » qui ont constitué jusqu’à nos jours les obstacles les plus considérables au rapprochement des pays en question. Ainsi en va-t-il, par exemple, du rapport « voies de communication-commerce réciproque ». L’absence d’un de ces facteurs conditionne l’absence de l’autre, sans qu’aucune relation de préséance ne puisse être certainement déterminée. Seule l’intensité de l’effort en commun des pays intéressés pourra permettre de porter un jugement sur l’évolution future du processus d’intégration qui vient de commencer. Dès lors, puisque rien n’est fait et tout est à faire, les perspectives d’avenir de l’ALALC pourront être envisagées sous une optique différente d’après la personnalité et les affinités de celui qui entreprend son étude. Face à un processus qui ne fait que commencer, chacun aura d’aussi bonnes raisons de croire ou de ne pas croire à la réalisation finale des objectifs de l’intégration et à la continuité de l’esprit de coopération des pays latino-américains.
7Devant une conjoncture économique qui semble favoriser seulement les pays les plus développés, le problème immédiat pour l’Amérique Latine n’est pas tant de favoriser le progrès que d’éviter la récession.
8La libération des échanges réciproques constitue davantage le moyen d’atteindre et de maintenir un taux de croissance suffisant pour permettre aux Etats associés de s’engager dans un processus auto-entretenu de croissance qu’un objectif final destiné à améliorer les conditions du commerce mondial par la « création de trafic » provoqué par l’abaissement des barrières douanières.
9L’exiguïté des marchés nationaux, le faible niveau des échanges entre pays latino-américains, le caractère peu diversifié de leurs productions constituent autant de facteurs de blocage qui s’opposent au progrès économique.
10Par la signature du Traité de Montevideo, chaque Partie Contractante espère qu’à long terme, en abandonnant certaines traditions nationalistes, l’intérêt régional et l’intérêt de l’ensemble coïncideront à l’intérieur d’une Union des pays latino-américains.
11La mise en commun des ressources et l’expansion du commerce inter-régional, constitué en grande partie par des produits « nouveaux » faciliteront le franchissement d’une nouvelle étape dans le développement.
12L’objectif final serait donc de parvenir à un haut degré d’efficacité par la spécialisation et la complémentarité des productions nationales, assorties d’un meilleur rendement de l’exploitation afin d’obtenir une accélération du progrès économique qui permette de relever le niveau de vie des populations.
13Les avantages de l’intégration — disions-nous au début de ce travail — ne sont plus à démontrer. L’élargissement de l’espace économique aidera les pays associés au sein de l’Union à surmonter les obstacles qui s’opposent à leur industrialisation par l’établissement de grandes unités dynamiques à grand pouvoir de multiplication.
14Mais la constatation de ces avantages ne doit pas nous faire perdre de vue les problèmes qu’il faudra affronter avant de parvenir à cette Union. Nous avons peut-être trop insisté sur les aspects favorables d’une Union des pays latino-américains. En avons-nous fait autant à l’égard des contraintes qu’une transformation radicale des structures traditionnelles fera peser sur ces mêmes nations ?
15La confiance déposée dans les valeurs intrinsèques des peuples latino-américains et la persuasion intime de les voir un jour appelés à une meilleure destinée, nous ont porté à envisager avec optimisme les perspectives offertes par l’intégration économique sans mettre peut-être suffisamment en relief les grands problèmes à résoudre avant de constituer une Union en Amérique Latine. Mais cette foi dans les vertus dynamiques de tout un continent, n’est pas incompatible avec une certaine hésitation de l’esprit, un certain scepticisme quant à l’accomplissement d’un grand nombre de conditions préalables à l’Union.
16Par delà les problèmes d’ordre économique, d’importants changements doivent encore intervenir dans la structuration sociale et les courants de pensée des pays latino-américains. A priori, il peut sembler difficile qu’ils parviennent à abandonner dans un délai aussi bref que celui prévu par le Traité, une longue tradition de nationalisme d’autant plus jaloux lorsque c’est un autre pays latino-américain qui semble le mettre en question.
17Compte tenu du manque de maturité auquel seule l’expérience peut remédier et des incertitudes que la perspective de bénéfices réciproques permettra uniquement de surmonter, nous voulons espérer que le Marché Commun Latino-américain ne s’ajoutera pas à la liste d’« esquives et de demi-mesures de Communautés assez factices et de marchés peu communs — dont nous parle le Professeur P. Perroux — qui expriment les conflits persistants de nations sans moyens et qui, chacune ne voulant rien céder, risquent de beaucoup perdre ensemble ».
18L’avenir dira si nous avons eu raison d’être une fois de plus optimistes.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992