Chapitre II. Réflexions sur la nature des régions mexicaines
p. 191-204
Texte intégral
1Après que nous ayons analysé — et critiqué — les découpages régionaux du Mexique effectués par divers auteurs, n’allons-nous pas proposer une autre division ou mieux défendre les articulations utilisées dans les chapitres centraux de notre travail ? Il n’en sera rien et nous tenterons simplement de présenter quelques caractères de l’espace mexicain et quelques problèmes que pose l’analyse des régions de ce pays, afin de montrer qu’un système unique de classification ne peut être appliqué à l’ensemble et que chacun des principaux types d’espace régional nécessite un traitement particulier.
2En effet notre description n’avait aucunement la prétention de montrer des régions douées par leur homogénéité ou par leur polarisation d’une existence objective, ou moins encore de limites précises : nous avions besoin d’un cadre d’exposition pour décrire certains ensembles doués de problèmes régionaux communs. Ainsi les ensembles septentrionaux ont tous des traits qui les différencient du reste du pays ; que ces ensembles puissent mieux être présentés en trois sections ne prouve pas que chacune corresponde à une région douée d’une homogénéité suffisante pour mériter des limites précises, ou soit pourvue d’une organisation interne structurée au point de se différencier de l’ensemble voisin. De la même façon l’ensemble du Mexique oriental mérite d’être traité à part non comme une unité, mais comme un ensemble de territoires doués d’une série de particularismes en face du reste du pays. Enfin si dans le centre du Mexique nous avons renoncé à séparer du haut pays peuplé les terres du sud, peuplées mais amorphes dans le plateau de Oaxaca, ou relativement vides dans le fossé du Balsas ou dans la Sierra Madre méridionale, ce n’est pas pour avoir cru à l’homogénéité de cet ensemble, ni non plus en raison de liens qui s’établissent — ou qu’on voudrait voir s’établir — entre le haut pays et les terres du sud : les liens sont sûrement bien plus intenses entre le haut pays et la portion de la façade véracruzaine qu’il domine. Disons simplement que les nécessités de l’exposé imposaient des choix et des coupures : peut-être les divisions régionales dont se sont servis les géographes avaient-elles ce qu’on pourrait appeler un intérêt pédagogique, chacun soulignant — par le découpage choisi — les problèmes qui avaient le plus d’intérêt pour lui. Si les positions des géographes sont en général très pragmatiques, nous avons vu que les économistes — mais certains géographes aussi comme A. Bassols —-ont souhaité que leurs divisions du pays correspondent à des unités fondées sur des critères précis, douées d’une réalité statistique au moins, si non d’une homogénéité visible. Nous pensons que ce genre d’étude ne peut désormais progresser que si la polarisation des activités humaines y prend une plus grande place. Nous croyons aussi que l’on doit renoncer à traiter tout le Mexique de la même façon, selon ce qu’on pourrait appeler la politique jacobine des départements.
3A lire un peu vite certains travaux récents sur les régions polarisées, on concluerait que de telles organisations n’existent que dans les pays industriels d’Europe occidentale : la position de B. Kayser est volontiers schématisée en ce sens. E. Juillard en 1962 notait (p. 498) que l’économie dualiste des pays sous-développés impliquait qu’une faible part de la population participe aux échanges modernes — donc à la polarisation régionale. P. George souligne que, soit avant la colonisation européenne, soit à l’époque coloniale, des réseaux urbains ont existé dans les pays latino-américains et sont morts de l’économie moderne qui les a désorganisés en donnant toute la puissance à quelques grandes métropoles-comptoirs tournées vers l’extérieur. Mais les anciens réseaux sont-ils morts ? Faut-il laisser à l’anthropologie sociale le soin d’étudier les réseaux d’échange des ruraux, trop faibles pour soutenir une vie urbaine ? Les inégalités internes de développement ont pour conséquence au Mexique la superposition de réseaux d’échanges, nullement isolés les uns des autres, où bien sûr la puissance des noyaux modernes tend à tronquer, à désorganiser les circuits plus anciens. Les échanges organisés à l’époque coloniale sont sans doute plus profondément touchés que ceux hérités de l’époque précoloniale, parce qu’il s’agissait d’une économie spéculative qui, pour une exploitation tournée vers l’extérieur, ne concernait qu’une minorité de la population : le bourg ou la petite ville ont pu perdre leur pouvoir de domination et leur rôle moteur, là où le tianguis hebdomadaire, reconstitué ou hérité de la société précoloniale, est parfois moins altéré. Ces aspects de la vie régionale mexicaine sont peu connus, malgré quelques exemples remarquables : les études de P. Friedrich en pays tarasque, celles de Ph. Wagner au Chiapas et celles de Malinowsky, puis de Marroquin dans le pays de Oaxaca montrent que l’économie moderne ne tue pas la vie de relation traditionnelle, même si elle la domine et l’appauvrit. La cœxistence au Chiapas du réseau routier, la panaméricaine, du chemin muletier colonial et du sentier de piéton indigène illustre bien ce phénomène. Ces remarques valent bien sûr pour le « vieux Mexique » et surtout pour les régions où le fond indigène est resté vivant.
4Il faut ajouter quelques autres particularités de l’espace mexicain. Pour employer la formule de J. Labasse, le Mexique dispose d’un espace ouvert, c’est-à-dire que de nombreux territoires ou de nombreuses ressources restent à mettre en valeur. La même remarque était présentée par Mashbitz qui, citant Lénine, notait que le capitalisme étend son emprise en surface sur ce pays, non en profondeur. En fait la signification de cette constatation est double : selon Labasse, c’est surtout la conquête de nouveaux espaces qui compte. Mais de plus, dans les mécanismes économiques décrits par Celso Furtado, à propos du Brésil surtout, il ne suffit pas d’envisager la croissance économique en relation avec l’incorporation de nouvelles terres à l’économie agricole, mais il faut tenir aussi compte de l’entrée en jeu de nouveaux contingents de main-d’œuvre — et de consommateurs — issus des régions attardées du pays : c’est bien ainsi que l’entend Mashbitz en ce qui concerne le Mexique.
5On voit donc que l’expression de pays neuf peut avoir deux significations, qui toutes deux s’appliquent au Mexique : pays où l’on conquiert de nouveaux espaces, mais aussi pays où l’on incorpore au marché du travail ou à celui de la consommation nationale de nouvelles masses d’hommes. Certaines portions du Mexique connaissent ainsi cette conquête d’espaces neufs, par un peuplement neuf directement adapté aux besoins de l’exploitation de ressources nouvelles. Ces régions pionnières sont bien sûr douées d’une organisation interne qui implique une hiérarchie fonctionnelle des villes : nul doute que cette organisation soit relativement plus simple que dans les régions où un passé plus ou moins ancien laisse la trace d’une vie de relation en partie périmée.
6Ajoutons à cela que le Mexique est dans la carte mondiale des pays sous-développés un de ceux où certains aspects de la vie de relation s’éloignent le plus du modèle du sous-développement. D’une part la diffusion des échanges modernes depuis la frontière nord-américaine a atteint une intensité exceptionnelle parce que la frontière terrestre n’exige pas de coupure dans les échanges. D’autre part à cette polarisation vers le pays voisin s’ajoute un contre-poids original : une capitale qui n’est pas un comptoir tourné vers la mer. Ces différentes particularités doivent être présentes à l’esprit de celui qui veut définir des réseaux urbains au Mexique, qu’il s’agisse de repérer des axes de circulation et des centres de décision existants, ou bien de concevoir des voies de communication à ouvrir ou des centres de développement économique à créer.
7Faut-il envisager dans l’avenir le développement de réseaux urbains comparables au modèle européen, soit simplement parce que la croissance économique se poursuivra dans ce sens, soit parce que l’état envisagera une organisation volontaire ? On peut hésiter à ce sujet, car après tout les formes d’organisation régionale européenne sont l’exception dans le monde, fruit d’un développement historique sans coupure depuis longtemps, ce qui ne saurait se reconstituer ailleurs a posteriori.
8En ce qui concerne les petites villes, Labasse suggère que l’aménagement des pays sous-développés nécessite un réseau simplifié de villes, sans les nombreux palliers hiérarchisés qu’on rencontre en Europe. Il ajoute que les régions réellement amorphes, au bas de l’échelle du sous-développement, nécessitent d’abord de petits centres urbains : il est probable que dans le Mexique oriental par exemple, il soit utile de soutenir sciemment le développement économique et technique de petites villes ou bourgades choisies entre d’autres à peu près de même importance, afin d’y créer soit l’équivalent des centres de l’Institut National Indigéniste, soit des noyaux dotés de moyens plus importants. Cette promotion serait utile surtout là où les ressources ne permettent pas un boom économique comme celui du coton à Apatzingán, mais peut rendre service même là où l’économie libérale fait la fortune de certains, mais non de tous.
9Au niveau des capitales régionales, deux remarques s’imposent. A l’échelle nationale d’abord, on peut par analogie imaginer quelle dimension minimale devrait être atteinte et combien de villes pourraient arriver à ce rang, si l’on considère que la France, selon les normes européennes, a besoin de sept à neuf capitales régionales réelles. Mais au Mexique les équipements urbains ne sont rentables que s’ils s’adressent à plus de gens puisque le niveau de vie est plus bas ; d’autre part le poids des traditions joue moins qu’en Europe en faveur de villes anciennes ; de même parfois les techniques modernes exigent pour être rentables qu’un équipement desserve une clientèle plus nombreuse que l’équipement équivalent conçu quelques décennies auparavant. Il faut donc compter que d’éventuelles capitales régionales mexicaines desserviraient, à niveau égal, une population plus nombreuse qu’en France. En supposant, par approximation grossière, que la population mexicaine soit vers 1975 un peu supérieure en nombre à celle de la France et que son niveau de vie reste inférieur de moitié, quatre ou cinq capitales régionales dépassant largement le million d’habitants seraient nécessaires au Mexique. Mais en partant de cette hypothèse vue à l’échelle nationale, il faut considérer le rôle que jouent les états fédératifs mexicains par rapport à la Fédération. Ils n’ont qu’exceptionnellement eu des capacités financières ou techniques suffisantes pour être les initiateurs du développement régional.
10Au contraire ils sont parfois le refuge des puissances locales traditionnelles et le gouvernement central doit parfois tolérer ces caciques, voire arbitrer leurs différents : il n’est pas sûr que des capitales régionales desservant des espaces plus vastes que les états préfèreraient la voie du développement à celle de l’exploitation et peut-être les aspects jacobins de la politique mexicaine ne sont-ils pas toujours périmés : ce n’est pas « naturellement », selon les seules initiatives locales, que de grandes métropoles régionales s’organiseraient, mais grâce au soutien politique, technique et financier de la nation toute entière.
11La seconde remarque concerne les types d’espaces régionaux, à l’intérieur desquels le problème se pose du renforcement d’une ville jusqu’à ce qu’elle puisse jouer le rôle de capitale régionale. Etant donnée l’importance du commerce extérieur dans l’économie du nord mexicain, doit-on lutter contre la croissance des villes-frontière ? Si l’on veut au moins contrebalancer l’importance de ces villes en favorisant d’autres centres, les distances qui séparent les points habités du nord ne sont-elles pas telles qu’une région par trop distendue ne pourrait user réellement des services d’une grande métropole ? Des problèmes semblables apparaissent dans les terres tropicales moyennement ou peu peuplées : selon les cas, le faible niveau de vie de la population, la médiocrité des ressources potentielles ou les faibles densités de population empêchent de prévoir qu’une ville puisse se hausser au niveau d’une véritable capitale régionale.
12Revenant alors à l’ensemble du Mexique, on peut avancer deux hypothèses en raison du caractère américain de ce pays. Tout d’abord la croissance mexicaine s’est faite jusqu’à présent selon un mouvement où s’associent l’affirmation nationale et la symbiose avec les Etats-Unis. La nature des liens avec ce pays est telle qu’il n’est pas sûr qu’ils empêchent le développement ni qu’ils se rompent dans des étapes ultérieures du développement : le schéma régional doit en tenir compte ; au moins dans le cas du nord-ouest lé pouvoir d’attraction de la megalopolis de Los Angeles semble difficile à contrebalancer. Enfin pour l’ensemble du pays on peut avancer que l’évolution des techniques aussi bien que les distances par rapport aux densités humaines créent un espace national de type américain, où les spécialisations sont plus massives et les relations moins complexes et moins hiérarchisées que dans la vieille Europe.
13Les différents caractères originaux de la polarisation de l’espace au Mexique sont donc les suivants : d’abord une superposition de réseaux d’âges différents ; ensuite l’existence d’espaces pionniers où la polarisation est simple et récente ; enfin la présence d’attractions majeures vers la frontière des Etats-Unis ou vers une capitale nationale intérieure qui ne joue pas le rôle d’un comptoir. Il en résulte qu’il faut définir au Mexique plusieurs types d’espaces, qui chacun impliquent des modalités différentes de la division régionale, parce que les distances, les densités de population, les niveaux de vie et les formes de la vie urbaine posent des problèmes d’organisation différents. On peut schématiquement décrire trois types d’espaces
A. — Les noyaux pionniers
14Nous rencontrons tout d’abord le cas des régions pionnières où une occupation récente a été réalisée par noyaux isolés. Il s’agit avant tout du Nord désertique, dont les taches de peuplement sont forcément isolées, puisque ce sont surtout les ressources en eau pour l’irrigation ou les ressources minières qui ont provoqué l’afflux des hommes. Or la situation est comparable dans des régions minières situées hors du désert, mais dans des secteurs non peuplés — dans la forêt dense par exemple : c’est le cas de Ciudad Pemex au Tabasco ; on peut y joindre les cas où dans un secteur peu peuplé on peut construire un barrage, par exemple sur le Balsas dans la Sierra Madre méridionale, ou à Malpaso au pied nord des Hautes Terres du Chiapas.
15Il se trouve que dans presque tous les cas la population de ces noyaux jouit d’un niveau de vie élevé : c’est on l’a vu le cas du Mexique septentrional, mais aussi celui des centres pétroliers et dans une certaine mesure des chantiers de construction de barrages qui doivent proposer de hauts salaires pour attirer la main-d’œuvre nécessaire. Certes il n’y a guère de chômeurs parmi ces populations, peu enracinées et prêtes à partir quand les conditions économiques se détériorent. En même temps, faute d’une occupation humaine du plat pays autour des noyaux riches, sauf vers San Luis Potosí et dans le nord-est, les gens qui cherchent simplement à y fuir la misère y sont peu nombreux, à moins qu’il ne s’agisse de foyers importants comme certaines villes de la frontière. Ce dernier cas mis à part, le peuplement autour des noyaux du nord reste faible, car l’élevage emploie peu de monde, de même que dans la forêt dense, l’ouverture des routes qui desservent les exploitations pétrolières ou les barrages n’a attiré encore que peu de cultivateurs.
16Dans ces régions, les distances qui séparent les noyaux peuplés sont élevées : près de 150 km séparent Malpaso de Villahermosa et la distance sera comparable quand des routes permettront de relier ce barrage à Tuxtla Gutierrez. De l’Infiernillo, il faut un trajet comparable pour atteindre Uruapan, tandis que la Villita, plus en aval sur le Balsas, sera par route à près de 300 km de Manzanillo ou d’Acapulco quand la rocade existera. Dans le nord, la Laguna est à plus de 250 km de Saltillo comme de Durango. Monterrey est à plus de 300 km de Matamores comme de la Laguna. Dans la chaîne des villes du nord-ouest, de Culiacan à Hermosillo, des distances de 150 km séparent souvent les noyaux peuplés, mais les étapes sont plus longues vers le sud pour atteindre Mazatlán (200 km) et de là Tepic (300 de plus). Enfin l’isolement du grand nord est plus grave encore : l’étape Torreón Chihuahua dépasse 400 km, Chihuahua-Ciudad Juárez dépasse 350 km et enfin Hermosillo-Mexicali atteint presque 700 km !
17De ces distances, de cet isolement de noyaux généralement riches, il résulte qu’ils ne peuvent vivre jusqu’à présent au rythme d’une quelconque vie régionale : ils travaillent soit pour le marché national, soit pour la clientèle nord-américaine, soit pour les deux. On ne rencontre guère de liaisons à moyenne distance, établissant la domination d’un noyau sur son voisin, ou des échanges complémentaires entre deux voisins. Ainsi chaque ville assure les services de sa propre clientèle, souvent riche et nombreuse, mais rien au-delà. Au demeurant, certains centres n’ont qu’à peine pu s’organiser pour fournir ces services car ils sont bien récents, où déjà morts-nés : après la fin des travaux, il est resté bien peu de monde à l’ancien chantier du barrage Miguel Alemán et l’on peut penser qu’il en sera de même à l’Infiemillo ou à Malpaso. Une vie s’organisera peut-être de façon durable autour de La Villita, si les projets sidérurgiques prennent corps. On peut mieux se fier aux centres pétroliers : Ciudad Pemex sera sans doute soutenue par la pétrochimie, ce qui est déjà le cas de Minatitlán et de son port, Coatzacoalcos. Enfin les noyaux d’agriculture irriguée nécessitent des services multiples qui avec le temps permettent d’asseoir une vie urbaine déjà ample : ainsi la Laguna, doyenne des grandes régions irriguées, tente de dépasser la monoculture et développe une production laitière ou fruitière pour le marché local.
18Si les effets multiplicateurs — et de diversification — sont souhaitables au sein même de la production agricole, il en est de même pour le développement industriel de ces noyaux : mais ici seules les grandes villes peuvent compter sur un marché local, à condition toutefois que le niveau de vie de la population le permette et que la proximité de la frontière ne menace pas d’une concurrence excessive l’éventuelle production locale. L’influence d’un marché local est un fait acquis pour l’industrie régiomontaine, dont cependant la vocation nationale et internationale est prépondérante. Les seuls autres noyaux suffisamment importants pour créer des industries pourvoyeuses du marché local sont ceux de la Laguna — dont le niveau de vie n’est pas des plus élevés — Ciudad Juárez et le couple Tijuana-Mexicali ; mais dans ces deux derniers cas, l’industrialisation nécessiterait un revirement de la politique douanière, ce qui pourrait tarir d’autres sources de revenu actuellement essentielles. On peut donc avancer que l’industrialisation dans la plupart des cas dépend de l’intégration d’un noyau dans un système hiérarchisé, créant un marché régional : est-ce réalisable partout ?
19Là où les distances sont les moindres, où le plat pays est le moins vide, où les ressources exploitées sont les plus variées, il faudra bien sûr moins longtemps pour que naisse un espace régional unissant des noyaux isolés. De toute façon, la hiérarchie des centres urbains restera fort simple, parce que la concentration de la population, agriculteurs compris, est telle que les villes les plus médiocres sont déjà grandes et adjoignent déjà aux services les plus élémentaires des fonctions plus complexes. C’est donc une hiérarchie des fonctions supérieures seulement qui permettrait à certains centres de prendre plus d’ampleur au service de leurs voisins et non pour leur seule clientèle locale.
20Si l’on retient que les noyaux que nous considérons dépendent fortement du marché national et international, il en résulte que le pouvoir local de décision — ou de financement — restera restreint. On peut avancer cependant qu’un développement technique en relation avec les spécialisations locales serait essentiel : recherche ou enseignement agronomique dans certains cas, technique minière ou chimie dans d’autres. Par ailleurs des industries plus complexes et plus variées que le simple traitement des produits bruts peuvent naître dans certains cas. On l’a vu, c’est fait acquis dans la région de Monterrey, qui cependant souffre des longues distances qui la séparent de Matamoros, Torreón ou Tampico. Une semblable organisation pourrait voir le jour dans la portion du nord-ouest où les distances sont les plus modestes, entre Hermosillo et Mazatlán. Les réserves que nous émettions au sujet du nord-ouest1 signifient que seule une initiative publique partant du pouvoir central permettrait de choisir entre les villes de la région, selon leur position, leur dimension et leur dynamisme actuel, pour y accumuler les mises et y favoriser un effet multiplicateur en installant des moyens techniques et en attirant des entreprises industrielles. Se poserait alors la question des liaisons vers Chihuahua et Ciudad Juárez, aussi éloignées des villes de la côte pacifique que de la région régiomontaine.
21Hors du nord enfin, les noyaux isolés peuvent se raccrocher plus facilement aux régions peuplées qui souvent ne sont pas très éloignées ; par ailleurs, hors du domaine aride, il est plus facile de remplir les vides et les voies de communication nouvelles se chargent d’attirer des immigrants vers une activité agricole diffuse. Ainsi le peuplement lié aux plantations ne manquera pas de se multiplier à mesure que la rocade pacifique reliera La Villita aux secteurs déjà couverts de cocotiers. On peut aussi penser que Malpaso cessera rapidement d’être dans un nomans’land entre Tuxtla Gutierrez et Villahermosa et que Ciudad Pemex sera vite dans l’orbite de cette dernière ville, tout comme la région de Coatzacoalcos-Minatitlán est déjà flanquée de régions peuplées vers Veracruz.
B. — Régions sous-équipées et régions déprimées
22Un second cas est celui des terres plus ou moins continûment peuplées encore dépourvues de services suffisants ; elles se situent principalement dans le domaine tropical humide. Certains de ces secteurs sont fortement peuplés, ce qui rend les réseaux de transport plus rentables : c’est le cas des plateaux de Oaxaca, des Hautes Terres du Chiapas, de la Sierra Madre orientale au-dessus des plaines huastèques et véracruzaines, du Yucatán central enfin. Les densités diminuent déjà dans le bas pays huastèque et véracruzain, mais surtout dans les basses terres du Tabasco. Enfin la façade pacifique a presque partout un peuplement faible, ce qui alourdit le coût des transports, en pays fort montagneux par surcroît. Un autre trait du peuplement est fréquent dans ces régions : sa dispersion en hameaux, surtout hors des régions indigènes mais souvent aussi en pays maya ; il est alors plus difficile à la population d’user des services scolaires, sanitaires ou administratifs comme du commerce et des transports, à moins de disperser ces activités, ce qui est trop coûteux pour le bas niveau de vie qui règne en général ici.
23S’ils sont toujours incomplets, les services ne font ici jamais complètement défaut. Parfois, surtout en pays de peuplement indigène, fonctionne un réseau de tianguis hebdomadaires, tant chez les Maya qu’autour de Oaxaca. Ils ont une fonction essentiellement commerciale, mais assurent aussi une information locale. A un niveau un peu plus complexe, on trouve des bourgades, souvent pourvues d’un marché hebdomadaire, mais douées en plus d’écoles, de services administratifs, de commerces fixes ; il semble qu’aucune région peuplée ne soit dépourvue de cette forme de service : il s’agit parfois d’ailleurs simplement de l’exploitation du paysan par le commerçant. Ainsi ces bourgs, faibles agents de progrès technique ou d’intégration nationale, ne suffisent pas à rompre l’isolement qui règne en général.
24Au-dessus des bourgades existent quelques villes importantes, qui sont loin de couvrir de leurs services l’ensemble des régions. Si Mérida dessert la partie peuplée du Yucatán, ni Oaxaca, ni Tuxtla Gutierrez, ni Villahermosa n’ont pour clientèle la totalité du plat pays qui les entoure ; il en est de même de Tampico et Veracruz, au demeurant relayées par des villes plus modestes qui elles non plus ne « couvrent » pas tout l’espace, tandis que sur la façade pacifique s’élargissent les régions dépourvues de toute relation avec une grande ville proche : c’est le cas dès qu’on s’éloigne des abords de Manzanillo ou de ceux d’Acapulco.
25Cette médiocrité de l’activité urbaine s’accompagne d’un développement encore insuffisant du réseau des transports. Si le pays huastèque et véracruzain est de mieux en mieux desservi, l’équipement du Mexique oriental débute à peine, horsmis le Yucatán central qui n’est pas à plaindre ; il en est de même sur toute la façade pacifique méridionale, où l’on ne connaît que des tronçons de rocades ou de rares percées unissant la côte à l’intérieur, malgré un effort important dans les dernières années.
26Ainsi l’isolement d’une part importante de la population et son niveau de vie souvent bas, font que seuls les services les plus rudimentaires existent partout, tandis que les services d’un niveau élevé ou manquent totalement à proximité, ou sont le privilège de la faible part de la population qui vit assez près d’une ville importante. Ces conditions s’opposent à l’existence d’un réseau complexe de villes hiérarchisées échelonnant leurs services et on s’adresse simplement, en cas de besoin exceptionnel, à la capitale nationale.
27On est conduit à penser que la création d’un marché régional est ici le point de départ de toute organisation urbaine. En effet parfois des possibilités d’exploiter des ressources nouvelles existent, en particulier dans le domaine agricole : des masses paysannes restées à l’écart deviendraient productrices et par là même consommatrices : le processus est en cours dans la façade huastèque et véracruzaine ; il s’amorce au Chiapas ou au Tabasco. Mais souvent aussi tout progrès nécessite la transformation en consommateurs de paysans pour lesquels une production rémunératrice est bien difficile à imaginer : par exemple sur les Hautes Terres du Chiapas ou les plateaux de Oaxaca. Il arrive que la population soit déjà productrice et consommatrice, comme dans les terres du café ou de la banane : il reste alors de l’isolement traditionnel une exploitation des paysans par les commerçants, une maladresse à hausser les services au niveau de la prospérité récemment acquise. On peut donc dire qu’après avoir créé des consommateurs — producteurs si possible — il reste à créer des réseaux de services : l’initiative publique permet d’éviter des retards ou une exploitation fâcheuse. Mais il reste que pour satisfaire les besoins les plus complexes, le coût des équipements augmente à la fois en raison de la faible densité de la population et de son faible niveau de vie.
28Il est nécessaire de renforcer d’abord les services de base et les réalisations de l’Institut National Indigéniste sont fort intéressantes à ce niveau. Il s’agit de centres de diffusion de la langue espagnole, d’alphabétisation, d’apprentissage technique, d’organisation de coopératives de consommation ou de commercialisation des produits agricoles, enfin d’organisation de l’émigration (ceci dans le cas des Hautes Terres du Chiapas ou de la Haute Mixtèque). Il semble souhaitable de multiplier ces organismes, même là où l’on parle espagnol comme dans le Guerrero et là où une culture commerciale assure la prospérité rurale comme dans les pays de café, de banane ou de cocotier. Orienter l’émigration n’est pas un des moindres services à rendre aux montagnes des états de Oaxaca et Guerrero, voire Puebla et Veracruz. La pénétration de certaines régions peut probablement se faire à partir des réseaux de marchés existants.
29Il est plus difficile de concevoir les interventions nécessaires pour créer des centres moyens proposant des services techniques, un enseignement moyen, des services sanitaires complexes, la vente de produits industriels variés. Il semble que ces centres pourraient selon les facilités des transports, les niveaux de vie, les densités de population, avoir entre 10 000 et 100 000 habitants, car là où une population rurale dense est presque dépourvue de services et sous-employée, comme dans les plateaux de Oaxaca, l’émigration vers un centre équipé peut être très nombreuse. De tels centres semblent se développer facilement là où une agriculture prospère prend naissance : Apatzingan dispose brusquement d’une clientèle pour des biens de consommation durable et voit s’installer les industries nécessaires aux premières transformations du coton ; des bourgades de la façade huastèque et véracruzaine ou de la côte pacifique peuvent jouer le même rôle et ont tout autant besoin d’équipements techniques et culturels. Au contraire, là où l’amélioration du niveau de vie est difficile, comme au Yucatán ou dans les régions intérieures de Oaxaca et Guerrero, il faut souhaiter que l’état favorise la croissance de centres de progrès techniques, mais craindre qu’y afflue une population qu’on ne saurait employer s’il n’est pas possible, faute de ressources locales, de créer des industries.
30Reste à définir ce que pourraient être dans ces régions de futures métropoles régionales, dont aucune n’existe actuellement, villes qui pourraient hausser à ce niveau là où une population assez nombreuse disposerait d’un niveau de vie suffisant. Actuellement les grandes décisions, les services supérieurs sont assurés par la ville de Mexico, là où le niveau de vie nécessite de tels services. La capitale nationale a établi des liens solides qui peuvent durer dans toute la portion centrale de la Sierra Madre méridionale et surtout dans la façade huastèque et véracruzaine. Ainsi ces régions ne peuvent-elles connaître dans l’avenir que des métropoles régionales incomplètes, sous la coupe de Mexico.
31Telle est la situation possible de Veracruz à 450 km de Mexico ; cette ville a cependant les meilleures chances en raison de son dynamisme démographique et de ses liens avec le Papaloapan et malgré son rôle surtout portuaire jusqu’à présent. Plus éloignée de Mexico (600 km), Tampico reste très liée au nord-est dominé par Monterrey ; sa fonction pétrolière a peu de chances de s’amplifier encore. Elle ne jouera un rôle régional que si ses liens deviennent plus étroits avec l’ensemble de la Huastèque, portion méridionale incluse. Acapulco enfin ne peut jouer qu’un rôle plus modeste car rien ne la prépare à animer son arrière-pays, lui-même peu peuplé et susceptible d’un développement seulement médiocre.
32Là où le niveau de vie actuel est bas et où l’on ne peut espérer l’améliorer considérablement, le développement de métropoles régionales aux fonctions complexes se trouvera aussi freiné. A Mérida ou à Oaxaca, on peut craindre que des masses de population importantes ne viennent s’accumuler, sans que dans ces villes existe un marché du travail vraiment diversifié : le mouvement est déjà amorcé vers Oaxaca ; cette immigration peut devenir vite fâcheuse si l’on ne peut d’une part créer des industries dans ces villes, d’autre part détourner une partie de ces migrations vers des villes secondaires ou vers d’autres régions rurales pourvues de terres exploitables.
33Enfin l’ampleur des ressources disponibles dans l’ensemble Chiapas-Tabasco-Campeche, les longues distances qui le séparent de la capitale nationale, permettent d’y envisager, mais dans des étapes de développement encore lointaines, l’accession d’une ville aux fonctions de grande capitale régionale. Or les distances sont ici assez modestes entre les centres urbains actuels : moins de 200 km entre Coatzalcoalcos et Villahermosa ; cette dernière est actuellement à 600 km de Tuxtla Gutierrez par la route, mais les réalisations en cours mettront vite les deux villes à 150 km l’une de l’autre : on ne peut dire si la vieille capitale du Tabasco, peu dynamique, gardera la suprématie devant la croissance rapide de Tuxtla ou de Coatzacoalcos. Alors qu’il nous paraissait utile qu’un choix soit fait dès maintenant dans le nord-ouest, il ne pourra ici être fait que bien plus tard.
C. — Régions équipées en voie de polarisation
34Sur les deux types d’espace précédemment analysés nous avons pu nous livrer à des considérations prospectives assez variées, car beaucoup de choses sont en voie de transformation. Dans la région centrale entièrement peuplée et largement équipée, qui constitue notre troisième type d’espace, les problèmes sont plus simples car l’essentiel des structures nécessaires à une vie régionale existe déjà ; mais en même temps il faut avancer avec prudence à partir de la situation décrite dans le troisième chapitre de notre seconde partie. Car s’il n’occupe qu’une petite portion du Mexique (un peu plus du dixième du territoire national, avec environ 700 km d’est en ouest, 300 du nord au sud), cet ensemble est habité par plus de 40 % de la population mexicaine et il renferme la capitale où vit 1/7 de cette population. Dans ces conditions tout changement de la vie régionale pèse fortement sur la vie nationale toute entière.
35Bien des traits du peuplement et de l’équipement du Mexique central permettent de penser qu’une vie régionale peut y fonctionner. La population rurale dense est en général groupée en villages, qui souvent dépassent le millier d’habitants. Les villes sont nombreuses et proches l’une de l’autre : même entre les grandes villes, les distances restent modestes ; Guadalajara est la plus isolée relativement, à 300 km de Uruapan, mais à 250 seulement de Irapuato ou Leon. Le semis des villes se fait plus serré dans le triangle dont les sommets sont Querétaro, León et Uruapan comme dans celui que limitent Pachuca, Toluca et Tehuacán : les distances s’abaissent ici à moins de 150 km entre les villes importantes. En outre entre celles-ci s’échelonnent d’autres villes plus modestes et de nombreuses bourgades de plusieurs milliers d’habitants.
36En même temps, les voies de communication forment ici un réseau complexe ; plus que les voies ferrées capricieusement disposées, les routes desservent déjà villes et bourgades de façon satisfaisante, même si des « bouchons » subsistent : Querétaro n’a été reliée directement à Mexico qu’après 1960 ; de La Piedad, on n’atteint encore Zamora toute proche que par des routes de terre. En relation avec la facilité des transports et avec le groupement de la population en villages et en villes, le commerce s’est développé pour atteindre à des degrés divers tout ce territoire, dont tous les habitants sont ainsi à quelque titre les clients de la production nationale, selon leurs moyens financiers ; la population rurale, sauf exceptions mineures, use de la langue espagnole et l’analphabétisme a reculé : c’est pourquoi, depuis les campagnes, nombreux sont ceux qui aspirent à un niveau de vie meilleur malgré la réforme agraire : ils émigrent vers les villes et s’intègrent là plus encore à la clientèle nationale.
37Ce tableau comporte cependant des ombres qu’il faut souligner. Le niveau de vie des campagnes est souvent très médiocre : le seul mode de commerce pratiqué est alors le tianguis. Le niveau technique de l’agriculture est souvent bas et les agriculteurs produisent peu pour le marché national. En outre une part de ces problèmes du monde rural se retrouvent dans les villes, dont la population s’est souvent accrue de façon spectaculaire grâce à l’afflux des immigrants : ce complément de main-d'œuvre est souvent difficile à employer en raison de son faible niveau technique : les plus grandes villes sont ainsi souvent les plus encombrées, comme León, Puebla ou Mexico.
38Dans ces conditions, le développement des échanges régionaux nécessite encore bien des aménagements. S’il nous avait semblé que, dans les espaces sous-équipés, la création des services de base était un point de départ indispensable, des centres analogues à ceux de l’Institut National Indigéniste peuvent aussi rendre service localement au Mexique central : au sud de Puebla, au nord de Toluca, dans le Valle du Mezquital ou dans le pays tarasque particulièrement. Plus que d’intégration nationale, il s’agit ici d’amélioration agricole ou de formation professionnelle permettant à la population qui émigre de mieux s’employer à la ville.
39Par ailleurs le semis des villes est loin d’assurer à la population rurale proche les services variés qui lui seraient utiles. En effet, malgré des dimensions fort différentes, ces villes ne présentent guère de fonctions hiérarchisées, à l’exception des services administratifs : l’enquête révèlerait peut-être que León n’offre pas des possibilités radicalement supérieures à celles de Silao et qu’il en est de même des rapports entre Puebla et Atlixco. Il existe donc une armature de villes, mais non une hiérarchie de services. Dans ces conditions, il serait possible de renforcer l’équipement médical, scolaire ou technique non seulement dans les villes importantes, mais aussi loin de celles-ci dans des villes plus petites, comme Tulancingo, Tehuacán ou Iguala dans l’est, Uruapan, Aguascalientes ou Querétaro dans l’ouest.
40Reste à dire ce que sont, ou que peuvent devenir, des capitales régionales dans le Mexique central. Nul doute que Guadalajara soit en train d’accéder à ce rôle et que toute industrie nouvelle ou tout service nouveau renforcerait cette ville dont l’essor est rapide. Faut-il par ailleurs souhaiter que l’une des villes de l’axe León-Irapuato-Morelia accède à une dimension et à des fonctions comparables à celles de Guadalajara ? Morelia n’est qu’à 350 km de Guadalajara et à 300 de Mexico ; León est à 250 km de la première et 400 de la seconde. Au cas où l’on croirait utile de renforcer une ville de ce secteur central, le choix serait aussi difficile — et aussi urgent — que dans le nord-ouest où le problème se posait aussi à notre sens.
41La capitale nationale enfin n’est pas près d’abandonner son rôle régional très particulier. On a vu que par son poids elle peut limiter l’activité de Tampico, Veracruz, Oaxaca ou Acapulco. Mais dans un rayon plus restreint de 150 km, son emprise est beaucoup plus contraignante. Rien ne semble prouver que ceci soit fâcheux au point de vue économique : les services et les industries qui se concentrent si fortement s’appuient les uns sur les autres et l’on ne sait s’ils se seraient développés aussi rapidement à distance les uns des autres. Mais c’est sous l’angle des problèmes d’urbanisme qu’un seuil semble atteint : c’est pour cela justement que certaines entreprises ont décidé de s’installer dans d’autres villes proches. Un vaste bassin urbain dominé par la capitale semble ici en voie de se constituer, où l’agriculture produirait pour la ville maîtresse, où les ressources naturelles et touristiques s’exploiteraient pour elle et où les villes voisines connaîtraient une croissance industrielle sous sa dépendance.
42Bien que cette description de trois types d’espaces régionaux soit succinte et qu’elle pose bien des questions qu’elle ne peut résoudre, elle nous semble utile pour mener à bien d’autres formes d’études régionales au Mexique. En particulier la réalité pourrait être serrée de plus près dans le choix des découpages régionaux pour lesquels les critères de délimitation ou les dimensions des régions pourraient varier selon les niveaux très divers atteints par le développement économique ou par l’organisation des échanges.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
Les points de vue exprimés dans ce chapitre ont pris forme à la lecture de travaux français en général postérieurs à 1960. Au départ semble-t-il se place l’article de Sautter, G. L’étude régionale : réflexion sur la formule monographique en géographie humaine, L’Homme, 1 no 1, 1961 ; la région y est décrite comme un paysage dans la perpective du fait social total tel que le montrait Marcel Mauss. Si c’est là le seul roc solide où ancrer la géographie, humaine bien entendu, des flottements apparaissent quand il s’agit de définir un fait régional plus large lié à la vie de relation : ceci amenait tout naturellement à la mise au point de Juillard, E. dans L’Homme, 1 no 3, 1961, p. 109 ; puis à l’article de fond de celui-ci : la région, essai de définition, Annales de Géographie, septembre 1962, p. 488. Depuis s’est précisé le désir de faire de la région un des faits décrits et répertoriés par la géographie humaine générale : à peine esquissée par exemple dans Derruau, M. Précis de géographie humaine, 1961, à propos des types de villes ou des types de réseaux de circulation, la notion de région se dégage surtout dans des travaux orientés vers la géographie volontaire. Les positions présentées par Kayser, B. sont claires et souvent tranchées, dans La géographie active, PUF 1964, p. 303-352 et chapitre suivant, ainsi que dans la division del espacio geográfico en los paises subdesarrollados, CRLA, t. 2, p. 459 (repris dans Annales de Géographie, no 6, novembre 1966) ; elles stimulent la réflexion et la discussion. La position de George, P. est plus nuancée dans : Puede ser transferida a América Latina la noción de red urbana tal como ha sido definida en Europa ? Simposio de geografía urbana del Instituto Panamericano de Geografía e Historia, juin 1966, Buenos-Aires, ronéotypé.
On a lu aussi avec intérêt de Labasse, J. L’organisation de l’espace, Hermann 1966, en particulier la2e partie (politique de l’espace) : les faits établis pour l’Europe occidentale et les comparaisons avec d’autres espaces sont utiles ; en particulier la notion d'espace ouvert qui rejoint sous un jour différent Furtado, C. Développement et Sous-développement, PUF, 1966.
Enfin notre description finale des trois types d’espaces régionaux s’est précisée grâce aux discussions ou aux exposés dont nous avons profité à la fin de juin 1967 à Strasbourg au cours du colloque « Développement et Régionalisation » organisé par E. Juillard.
Notes de bas de page
1 Voir p. xxx.
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