Chapitre I. L’articulation des milieux naturels
p. 15-21
Texte intégral
1C’est aux grands traits de la structure géologique que l’on doit la disposition des principaux blocs régionaux du Mexique. Bien sûr entre les 33e et 15e degrés de latitude nord, entre les 87e et 117e degrés de longitude ouest, entre le Pacifique et le Golfe, il y a place pour une gamme étendue de climats tempérés ou surtout tropicaux ; cependant la vigueur du relief impose à ces climats une bonne part de leurs contrastes régionaux.
2Dans la moitié nord du Mexique on reconnaît dans l’ensemble la prolongation des grands traits structuraux nord-américains ; une bonne partie du pays est constituée par un socle consolidé à la fin du secondaire. A basse altitude dans l’est, des sédiments à peu près horizontaux, surtout tertiaires, prolongent la grande plaine des Etats-Unis au pied d’une zone montagneuse et jusqu’au Golfe. Ici comme en Amérique du nord, ces sédiments sont riches en pétrole. Ces conditions structurales et ces richesses se retrouvent vers le sud-est jusqu’au Tabasco. Ces plaines côtières sont limitées vers l’intérieur par le bourrelet montagneux de la Sierra Madre orientale, chaîne sédimentaire plissée souvent calcaire, qui peut être comparée aux Rocheuses, pour l’âge des plissements ou leur style assez simple. Des analogies structurales avec la Sierra Madre orientale se retrouvent dans le bourrelet qui domine la plaine du Golfe jusqu’au Tabasco, par les états de Oaxaca et Chiapas. A cette chaîne montagneuse fait suite un ensemble de plateaux comparables à ceux qui s’étendent entre les Rocheuses et les montagnes formées plus à l’ouest par la chaîne des Cascades et la Sierra Nevada. De même cet ensemble montagneux est comparable à la Sierra Madre occidentale mexicaine. Sur le plateau, les courtes chaînes faillées qui surgissent au milieu des bassins du Nevada nord-américain sont analogues à celles du Chihuahua mexicain ; ce type de relief existe aussi au pied occidental de l’axe montagneux dans l’Arizona nord-américain comme au Sonora. De même les vastes plateaux de laves tranchés par des failles de l’Oregon sont analogues à ceux de la Sierra Madre occidentale et de la péninsule de Basse-Californie. Notons cependant que le vigoureux escarpement de la Sierra occidentale face au Golfe de Californie est d’une ampleur exceptionnelle et qu’à son pied s’étend une importante plaine côtière ; de plus le plan structural de la Sierra Nevada se retrouve dans la péninsule de Basse-Californie.
3Si les grandes unités structurales sont en somme communes au nord mexicain et à l’Amérique du nord, le hasard fait que la frontière à peine vieille d’un peu plus d’un siècle s’établit dans une zone de passage correspondant à des ensellements des axes montagneux. En effet au Coahuila comme au Texas l’axe des Rocheuses s’abaisse et se morcelle : ainsi s’explique la formation du vaste bassin hydrographique du Rio Grande del Norte (Rio Bravo) dont le cours moyen et inférieur sert de frontière. De la même façon entre Sierra Nevada et Sierra Madre occidentale la masse montagneuse de l’ouest s’abaisse ; ainsi le Colorado s’encaisse dans des plateaux et trouve une sortie vers le Golfe de Californie. On peut noter qu’en pays semi-aride ces fleuves bien plus que des barrières sont des secteurs où les hommes se concentrent grâce à l’irrigation.
4L’élément le plus original du relief mexicain est certainement l'axe néovolcanique qui tranche le pays le long des 19e et 20e degrés de latitude nord. Les volcans souvent encore en activité s’échelonnent sur une longueur de 10 degrés de longitude, entre le massif des Tuxtlas sur le Golfe et le Cap Corrientes sur le Pacifique ; contre ces montagnes viennent buter les grandes bandes de relief parallèles de l’Amérique du nord, orientées du nord-nord-ouest au sud-sud-est. Le bloc des terres du Mexique méridional est moins simple que les grands ensembles du nord. Sur le Golfe on retrouve la plaine bordée par une chaîne plissée, mais plus au sud et à l’ouest, s’il semble bien que ce soit un socle secondaire qu’on retrouve, il est pourvu d’une topographie compliquée. Ce socle se relève vers le Pacifique en un front montagneux. Mais cette Sierra Madré méridionale est loin d’avoir la continuité de la Sierra occidentale qu’elle prolonge plus ou moins : elle n’est pas armée par une carapace de laves et se résout en une série de croupes d’une vigueur inégale. Ce système de croupes, mais séparées ici de bassins, règne en arrière du bourrelet pacifique : les régions élevées dominent à l’est, formant les plateaux de Oaxaca tandis qu’à l’ouest l’ensemble se creuse d’un fossé très marqué dont l’axe est occupé par le Balsas et le Tepalcatepec.
5Dans l’est du Mexique, l’ordonnancement des ensembles structuraux est de nouveau interrompu par l’isthme de Tehuantepec, où le Golfe et le Pacifique ne sont séparés que par un peu plus de 200 km. On ne peut dire que la coupure soit totale, puisqu’après cet ensellement les éléments du plan structural se retrouvent approximativement, bien que la tectonique semble ici à la fois plus simple et plus récente : la Sierra Madré de Chiapas présente vers le Pacifique un vigoureux escarpement qui est bordé par une plaine côtière bien dessinée. C’est seulement à la frontière guatémaltèque que commence le chapelet de volcans qui renforcent cette montagne en Amérique centrale. Après un ensemble de plaines et de plateaux tabulaires simples apparaît plus au nord le bastion des hautes terres du Chiapas, ensemble à la fois tabulaire et plissé surtout calcaire qui domine la plaine côtière du Golfe. Enfin la péninsule du Yucatán est un élément structural isolé : un ensemble de bas plateaux de sédiments calcaires tertiaires.
6Bien que le Mexique soit un pays de dimension moyenne en Amérique (1 972 000 km2), de par la convergence des deux façades maritimes vers le sud-est il possède la variété des climats subtropicaux et tropicaux caractéristiques soit des façades orientales soit des façades occidentales des continents, avec moins de contrastes certes que dans l’ancien monde. Du côté occidental le désert lié à l’anticyclone subtropical est présent, mais atténué : en fait deux semi-déserts assez vastes sont séparés par la Sierra Madre occidentale et le véritable désert se réduit aux terres qui bordent le fond du Golfe de Californie. Au nord de ces déserts, le climat méditerranéen à pluie d’hiver apparaît à la frontière nord-américaine. Au sud les pluies d’été se font de plus en plus abondantes à mesure qu’on s’éloigne du tropique. Sur la façade orientale du Mexique, à la latitude du tropique, les pluies sont certes plus faibles qu’en Chine méridionale, mais le désert disparaît en raison de précipitations assez bien réparties au cours de l’année, tandis que plus au sud les pluies très abondantes ne laissent pratiquement pas de place à une saison sèche, ce qui permet à la forêt dense de remonter jusqu’à la latitude de Tampico. Au contraire les terres basses du Yucatán, surtout leur façade nord-occidentale, ont une saison sèche estivale marquée et une pluviosité totale bien plus faible. L’intérieur du pays, selon des expositions diverses, reçoit des pluies qui proviennent des masses d’air humides du Pacifique et plus largement de celles du Golfe.
7Ce schéma d’ensemble est modifié par le relief selon des modalités diverses. Il est certain que les grandes masses montagneuses jouent un rôle essentiel soit pour provoquer les pluies soit pour modifier les températures. Sur le premier point, s’il est évident que la Sierra Madre orientale joue un rôle sur lequel on reviendra plus bas, il faut surtout noter le rôle de la Sierra occidentale qui établit un pont de climat relativement humide entre le domaine tropical et le domaine tempéré. S’ajoutant au pont climatique de la façade du Golfe, on dispose ainsi de deux passages essentiels pour la diffusion des espèces végétales comme pour les contacts de civilisation. Par ailleurs les masses montagneuses modifient profondément le régime des températures. Dans les régions tropicales au sud du 20e degré de latitude nord on peut dire schématiquement que les variations de température sont en moyenne faibles au cours de l’année. Dans ces conditions l’étagement en altitude est le phénomène le plus important. Les moyennes annuelles sont supérieures à 20° jusqu’à 1 000 m d’altitude ; elles s’échelonnent entre 16° et 20° entre 1 000 et 2 000 m d’altitude, dans un domaine où le gel reste inconnu : ce sont les terres chaudes et les terres tempérées traditionnelles. Plus haut les terres froides sont caractérisées par des moyennes inférieures, mais surtout par des gelées pendant les mois de la saison sèche hivernale. Bien entendu l’amplitude thermique s’accroît vers le nord et pour une moyenne annuelle de température semblable à Mexico (19° de latitude nord) et à Ciudad Juârez (32° latitude nord), soit 15° centigrades, l’amplitude entre les moyennes des mois extrêmes est de 7° dans le premier cas et de 20° dans le second.
8A ces modifications générales du climat en raison des masses montagneuses il faut ajouter des contrastes climatiques locaux. Un fait déjà important est l’amorce d’un phénomène de mousson sur la côte pacifique du Nayarit et du Sinaloa méridional : les pluies y sont supérieures à celles des côtes pacifiques situées à l’est du Cap Corrientes et surtout des pluies d’automne importantes y prolongent celles de l’été. Un autre fait notable est constitué par la prolongation vers le sud des coups de froid de la grande plaine et de l’est des Etats-Unis. Sur les plateaux intérieurs, les coulées d’air froid hivernales atteignent l’axe néovolcanique mais ne le franchissent pas. Dans l’est du pays ces vagues de froid produisent des gelées jusqu’au tropique environ ; il est important qu’à la bordure sud des masses d’air froid se produisent des pluies ou des brouillards : le norte signifie alors à la fois un coup de froid — tout relatif à Veracruz ou au Yucatán — et un temps humide ou pluvieux au cours d’une saison qui dans l’ensemble est plus sèche. C’est en février-mars, saison sèche où la chaleur commence à monter ailleurs, que ces particularités prennent toute leur valeur pour la végétation de la façade orientale. Enfin il faut souligner combien la Sierra Madre orientale forme une barrière climatique nette malgré ses altitudes moyennes. De part et d’autre de celle-ci, en quelques kilomètres, on passe brusquement du domaine le plus humide du Mexique sur le versant oriental à une dorsale sèche « sous le vent » par rapport à l’air humide du Golfe, dorsale qui atteint le 18e degré de latitude vers le sud.
9Quelques caractères généraux des milieux naturels du Mexique se relient à la fois aux éléments structuraux et aux éléments climatiques présentés ci-dessus. On peut distinguer deux types de milieux naturels où domine le facteur climatique, aridité ou humidité, tandis qu’un troisième type doit être relié plus directement à la structure géologique là où règne un volcanisme récent.
10Les milieux semi-arides, qui occupent plus de la moitié du pays, sont caractérisés par des reliefs facilement pénétrables à l’exception des très grands obstacles (Sierra Madre occidentale). Les éléments plats occupent la majorité de l’espace, dominés par des montagnes isolées ; sur les façades extérieures ces éléments plats forment des glacis étagés. La plupart des pentes, faibles ou fortes, sont pourvues de croûtes calcaires plus ou moins épaisses. La végétation ne couvre pas complètement le sol et parmi les multiples espèces de buissons épineux, les cactées ont une place importante. Les débits fluviaux sont bien entendu faibles et l’endoréisme est fréquent, surtout entre les deux chaînes montagneuses maîtresses. Dans l’ensemble les paysages naturels vastes et monotones s’ordonnent selon un schéma simple.
11Dans les milieux tropicaux pluvieux de vastes secteurs sont occupés par les fortes pentes et les altitudes élevées. Il en résulte une sculpture énergique du relief : dès qu’il s’agit de collines et plus encore de montagnes la circulation est particulièrement difficile. En raison de la prépondérance des reliefs d’origine récente, les sols latéritiques sont une exception. Par ailleurs les savanes sont rares, si l’on entend par là des formations de graminées naturelles piquetées d’arbres isolés : on rencontre plutôt des brousses épineuses, épaisses — où parfois les cactées ont leur place — et des forêts plus ou moins humides. Selon des contrastes locaux très brusques on passe de la brousse à la forêt caduque, ou de la forêt dense à la forêt caduque. Les fleuves ont des débits abondants ; de plus, ils sont sujet à des crues violentes surtout quand des typhons déversent d’énormes quantités d’eau sur les montagnes orientales à l’automne. C’est pourquoi les marécages occupent en plaine une place notable. Plus variés que dans le domaine semi-aride, les paysages naturels s’étendent cependant sur de vastes surfaces ici encore, surtout à l’est de l’isthme de Tehuantepec.
12L’originalité du milieu naturel lié au volcanisme récent mérite d’être soulignée, bien qu’elle n’apparaisse que dans une région limitée près de l’axe néovolcanique. C’est ici qu’on rencontre la variété la plus marquée dans les paysages : les contrastes d’altitude sont brusques, ce qui engendre des contrastes climatiques et végétaux ; le réseau hydrographique est désorganisé : des lacs et des bassins endoréiques apparaissent, mais aussi des sources. Cependant ces régions sont loin d’être impénétrables car les accumulations de cendres volcaniques ou les nappes de laves multiplient les éléments plats et les pentes douces1
Notes de bas de page
1 Pour plusieurs raisons, il n’était pas question dans ces quelques pages de faire autre chose qu’une présentation des milieux naturels, afin d’en rappeler les principaux éléments au lecteur. D’abord, dans un travail orienté vers la géographie humaine, ces milieux naturels ne sont que le support de nos descriptions ; ensuite, puisque nous nous contentons de descriptions dans ce domaine, sans chercher d’explications, c’est en présentant les grands ensembles régionaux décrits dans la deuxième partie qu’il faudra donner quelques détails et non ici ; enfin on dispose pour la géographie naturelle du Mexique d’un excellent manuel récent, le Handbook of middle american indians, édité par R. Wanchapa. Le volume 1, sous la direction de R. C. West, groupe en particulier des études sur la géologie, le relief, les climats, les sols, la végétation. Les pages de West lui-même (relief et présentation synthétique des régions naturelles) sont particulièrement utiles au géographe ; Austin, University Texas Press, 1964.
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