Chapitre IV. La parenté
p. 193-226
Texte intégral
La terminologie de parenté
1Remesal écrivait au début du xviie siècle que les Tzotzil-Tzeltal « ne connaissaient pas les degrés de parenté dans les temps anciens », et — témoignage qui se voulait irrécusable de l’état d’anarchisme primitif dans lequel ces groupes étaient plongés — qu’ils désignaient par des termes identiques des parents situés à des niveaux de génération différents1 Les autorités espagnoles tentèrent-elles de « réorganiser » la terminologie indienne de parenté en fonction des critères européens, comme le laisse entendre ce chroniqueur ? Il est probable que des essais furent faits en ce sens. Constatons cependant l’échec aisément compréhensible auquel ils aboutirent : aujourd’hui encore, le système terminologique tzotzil-tzeltal paraît plus proche du système qui semble avoir existé à la veille de la conquête espagnole, que de celui qui est actuellement en vigueur parmi les descendants d’Espagnols de la région.
2À vrai dire, le système terminologique des anciens Tzotzil-Tzeltal ne peut être que partiellement reconstitué. Certes, plusieurs documents coloniaux du xviie et du xviiie siècle font état de termes de parenté indienne. Citons en particulier l’Arte de la lengua tzotzlem o tzinacanteca...2 rédigé en 1688 par le P. Juan de Rodaz, prédicateur de Sa Majesté au couvent de Notre-Dame de l’Assomption ; le Libro que se trata de la lengua tzotzil...3, vraisemblablement écrit à Chalchihuitan vers la fin du siècle suivant ; ainsi que la Breve explicación de la lengua tzotzil..., postérieure de quelques décennies, et qui semble dériver du précédent ouvrage dont elle résume ou au contraire développe certains passages4. Mais les auteurs de ces textes font souvent preuve d’une regrettable absence de discrimination dans la définition des termes qu’ils mentionnent, et leur apport est pour cette raison d’un intérêt inégal. La même critique pourrait être formulée à l’encontre de Pineda dont le dictionnaire tzeltal-espagnol5 promet plus qu’il ne peut offrir à l’ethnologue soucieux d’établir la liste des termes de parenté, mais aussi de tracer le système que ces termes définissent et de dégager la dynamique de ce système.
3Un des multiples obstacles sur lesquels ont trébuché Pineda et ses prédécesseurs vient de ce que la terminologie tzotzil-tzeltal fait dans certains cas abstraction du sexe du parent, alors que dans d’autres elle tient compte de celui d’Ego. Ainsi, le frère aîné est désigné par deux termes différents selon que parle un homme ou une femme. L’homme appellera son frère aîné bankil ; la femme l’appellera šimel (tz.) ou šilel (tl.). Mais le sexe d’Ego n’intervient pas dans la désignation de la sœur aînée qui est appelée wis tant par l’homme que par la femme.
4En revanche, les sœurs et les frères cadets d’un homme ou d’une femme sont terminologiquement confondus. Tous les jeunes germains sont désignés par un seul et même terme, its’in, quel que soit leur sexe et quel que soit le sexe d’Ego. Il est vrai que dans la communauté de Chalchihuitan, its’in ne désigne que le frère cadet de l’homme, la sœur cadette étant désignée par celui-ci du terme išlel. L’emploi ancien de ce terme que mentionne par ailleurs 1’Arte, est confirmé dans les communautés tzeltal par Pineda, ce qui nous permet de croire que l’homme distinguait auparavant entre sa sœur cadette et son frère cadet, et que la disparition de cette distinction partout ailleurs qu’à Chalchihuitan est relativement récente, en tout cas postérieure aux dernières décennies du siècle passé. Pineda ne précise pas s’il existait des termes symétriques à its’in et à išlel qu’aurait utilisés la femme pour se référer à sa sœur cadette et à son frère cadet. Notons cependant qu’à Chalchihuitan, si l’homme distingue ses germains selon leur sexe et leur âge relatif, la femme ne distingue selon le sexe que ses germains plus âgés, tandis qu’elle confond ses jeunes germains sous un même terme muk. En a-t-il été antérieurement ainsi dans toute la région tzotzil-tzeltal ? La logique du système considéré dans son ensemble le voudrait. Mais nous n’avons rencontré muk dans aucune autre communauté, et assez curieusement ce terme ne figure ni dans le dictionnaire de Pineda, ni dans l’Arte, ni dans le Libro qui pourtant nous vient de Chalchihuitan.
5Bankil, šimel et wiš sont à la fois des termes de désignation et des termes d’appellation. Il en est de même pour its’in, encore que le frère aîné et parfois la sœur aînée tendent à appeler leurs jeunes germains par leur nom propre. Cette tendance qui limite l’emploi du terme de parenté au parent plus jeune parlant au parent plus âgé, est assez générale. Elle apparaît, en effet, dans les relations entre parents et enfants, entre oncles et neveux et entre grands-parents et petits-enfants. Mais elle est moins nette, semble-t-il, lorsqu’au sein de ces relations le parent plus âgé est une femme. Si le père, l’oncle ou le grand-père appelle ses enfants, ses neveux ou ses petits-enfants par leur prénom, la mère, la tante ou la grand-mère continue fréquemment d’employer à leur égard le terme de parenté correspondant.
6Le terme qui sert à désigner le père est tot (tz.) ou tat (tl.). Il commande en retour ničon (tz.) ou ničan (tl.), « enfant d’un homme », dont l’emploi s’étend aux enfants du frère — les enfants de la sœur étant des « neveux », ičok (tz.) ou ič’an (tl.). Dans certaines communautés, tot peut devenir sous sa forme diminutive de tatu ou tate qui marque l’affection et la tendresse, un terme d’appellation réciproque entre le père et le fils, mais seulement lorsque ce dernier est encore un très jeune enfant. C’est à partir de tot ou tat que se construisent les termes désignant le grand-père : moltot et mukta tot (tz.), et muk’ul tat (tl.). Moltot que le Libro traduit par « abuelo », sans autre précision, et dont l’usage actuel se réduit aux communautés de Santa Marta, Santa Magdalena et Chalchihuitan, vient vraisemblablement de mol, « vieux », et il signifierait donc littéralement « vieux père ». Quant à mukta tot que mentionne l’Arte et qui est employé par les Tzotzil méridionaux, à Chamula et à Chenalho notamment, il pourrait être rendu par grand-père », de même que muk’ul tat que l’on rencontre dans les communautés tzeltal occidentales et méridionales, comme Amatenango et Aguacatenango.
7Dans l’ensemble de la région, ces trois termes qui désignent le grand-père ont pour unique correspondant mom (tz.) ou mam (tl.), « petit-enfant d’un homme », sans considération de sexe. Mais le grand-père se référera spécifiquement à sa petite-fille par le terme k-antsil mom ou k-antsil mam, formé de antsil, « femme », et précédé du k indiquant la première personne du possessif, tout comme le père se réfère spécifiquement à sa fille par le terme k-antsil nicon ou k-antsil nič’an, formé de la même manière. En tant que terme de désignation, mom ou mam peut donc signifier soit « petit-enfant », soit plus précisément « petit-fils », selon le contexte dans lequel il est employé. En tant que terme d’appellation, il s’applique — là où le prénom personnel ne lui est pas totalement substitué — tant au petit-fils qu’à la petite-fille, le plus souvent il est vrai dans une de ses formes diminutives marquant l’affection, telles que momol ou marnai, « mon mom », lol mamal, « mon compagnon mam », à Tenejapa, ou tut mam, « petit mam », à Bachajon et parmi les Tzeltal septentrionaux, ainsi que le note Sousberghe.
8Dans les communautés septentrionales et centrales, mam est souvent d’un emploi réciproque. Ainsi à Cancuc, à Oxchuc et à Chanal où le terme tzeltal muk’ul tat en usage partout ailleurs est inconnu, il désigne à la fois le petitenfant et le grand-père6. Aux environs de Bachajon et à Bachajon même, le petit enfant s’adresse au grand-père en disant marnai, ?namtik (pluriel majestatif de mam), loltik marnai (loltik, pluriel majestatif de lol, compagnon), ou loločtik marnai (loločtik, pluriel majestatif de lol avec redoublement emphatique), ou encore č’ič mam (vraisemblablement de č’ič, « sang ») s’il s’agit du plus âgé des grands-pères. Bref, dans ces communautés, la terminologie de la parenté semble révéler une structure à deux générations alternes, la troisième génération reproduisant la première, et les termes de parenté faisant défaut au-delà.
9Cette structure qui ne se présente ni en zone tzotzil, ni dans la plus grande partie de la zone tzeltal, pose un difficile problème dont Sousberghe a réuni une partie des données7. En fait, s’il constitue une exception dans la région tzoltzil-tzeltal, l’emploi de mam dans le sens de « grand-père » et l’alternance des générations qu’implique la réciprocité de ce terme sont caractéristiques de nombreux groupes mayas. Sur les terres hautes du Guatemala proches de la frontière chiapanèque, mam sert à désigner collectivement les vieillards. Il est l’équivalent de tata par lequel les Tzotzil-Tzeltal se réfèrent à tous les aînés vivants de la communauté. Dans la Huastèque, il s’appliquait indistinctement — et il s’applique encore de nos jours dans la région de San Luis — aux deux grands-pères8. Mais dans le Yucatan ancien, il ne s’appliquait qu’au grand-père maternel. Il était employé par le père de la mère et par le fils de la fille, de même que par les alliés pour se désigner réciproquement. Le dictionnaire de Motul mentionne d’ailleurs un certain nombre de termes qui, comme mam, étaient d’un emploi réciproque, et qui témoignent de l’alternance des générations et de l’identification des générations alternes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la lignée9.
10Il est possible que chez les Tzotzil-Tzeltal, mam ait eu, comme chez les anciens Yucatèques, le sens de « père de la mère » et de « fils » ou « enfant de la fille », et qu’il ait désigné d’une façon plus générale tous les hommes extérieurs au patrilignage et situés à des générations supérieures ou inférieures, avec lesquels Ego était parent par les femmes. Toutes choses étant égales par ailleurs, l’identification des générations alternes se serait faite en dehors de la lignée et seulement en dehors de la lignée. Une telle hypothèse mérite d’être retenue d’autant plus qu’elle rend compte de la tendance encore signalée par Sousberghe chez les Tzeltal septentrionaux et centraux d’appeler mam le frère de la mère et l’enfant de la sœur, et qu’elle justifie également cet autre emploi généralisé de mam en combinaisons diverses avec ni’al et kalib pour désigner respectivement le beau-père d’un homme et le beau-père d’une femme, même dans les communautés où mam ne s’applique qu’aux petits-enfants d’un homme.
11Nous devrions alors admettre qu’à l’origine le grand-père paternel et le grand-père maternel étaient terminologiquement distingués, et que l’un des deux termes qui les désignaient a progressivement éliminé l’autre au point d’entraîner la confusion totale entre père du père et père de la mère. Chez les Tzeltal septentrionaux et centraux, cette confusion se serait opérée par l’extension au grand-père paternel du terme mam (« père de la mère »). En revanche, chez les Tzotzil et chez les Tzeltal occidentaux et méridionaux, elle se serait opérée par l’extension au grand-père maternel du terme moltot, mukta tot, ou muk’ul tat (« père du père »).
12Il serait tentant de lier cette évolution — qui, rappelons-le, n’a d’autre valeur qu’hypothétique — au récent processus de désagrégation des groupes de descendance dont une des conséquences majeures a été précisément la confusion des lignées par la bilatéralisation introduite. Mais il resterait à expliquer pourquoi certaines communautés ont étendu l’emploi de mam plutôt que celui de muk’ul tat (ou moltot ou mukta tot), et pourquoi d’autres communautés ont pratiqué de la manière inverse. En outre, l’emploi réciproque de mam devrait logiquement se rencontrer dans les communautés les plus désorganisées, où les clans et les lignages se sont effondrés, où les groupes de descendance se sont dissous en familles nucléaires, et où le père a perdu le contrôle de ses enfants mariés. Or, c’est précisément dans les communautés telles que Cancuc, Oxchuc ou Chanal, qui ont le mieux résisté aux changements et où les vieillards disposent encore d’une assez vaste autorité, que le grand-père et le petit-fils s’appellent réciproquement mam.
13Dans la catégorie des ascendants féminins, des variantes aussi remarquables se manifestent. La mère est appelée me’, le terme correspondant étant ‘ol (tz.) ou ‘al (tl.), « enfant d’une femme », dont l’emploi s’étend aux enfants de la soeur — les enfants du frère étant des « jeunes germains ». Quant à la grand-mère, qu’il s’agisse de la mère du père ou de la mère de la mère, elle est le plus souvent appelée mukta me’ (tz.) ou muk’ul me’ (tl.), « grande mère », ou encore me’el, terme qui s’applique à toutes les femmes âgées, et elle répond à ses petits-enfants par il’ol (tz.) ou il’al (tl.). À Chalchihuitan et à Oxchuc10, la grand-mère est désignée du terme de yame’ dont nous ne pouvons préciser la construction, mais dont une des racines se retrouve dans le terme chamula équivalent yaya’. À Bachajon, la grandmère serait désignée du terme de čuču qui forme à Cancuc me’ču. Cependant, nous n’avons pu observer nulle part l’usage de čičil dans le sens que lui donne le Libro. Le terme existe toujours, mais il n’est guère utilisé que pour désigner éventuellement la femme du frère de la mère, à Oxchuc notamment.
14Chez les Tzeltal septentrionaux et centraux, à me’se substitue souvent nan et par voie de conséquence, à muk’ul me’ muk’ul nan. Se ralliant à l’opinion de Romero Castillo qui le premier a fait cette observation, Sousberghe pense qu’il pourrait s’agir là d’un emprunt11. Il en veut pour preuve que me’« est connu partout » et que « dans la région où nan = mère, comme à Bachajon, les sœurs de mères sont souvent désignées par me’jun = une mère, comme dans le reste du territoire tzeltal, tout en étant appelées nane comme la mère »12. Cette affirmation prête à discussion. En effet, comme me’, nan est connu dans toutes les communautés tzeltal, même dans celles où ce terme n’est pas effectivement employé. À Aguacatenango où la mère est indistinctement me’ ou nan, la grand-mère est toujours désignée par muk’ul me’, et la soeur de la grand-mère ainsi que la sœur de la mère et l’épouse du frère du père par c’in nana, « petite mère ». Plus qu’un emprunt, nan paraît être à l’origine un terme d’appellation qui s’est imposé dans certaines communautés en tant que terme de désignation, le caractère généralement assez vague de la distinction entre termes d’appellation et termes de désignation pouvant suffire à rendre compte de cette modification. En tous cas, ce qui est certain c’est que contrairement à ce que prétendent Romero et Sousberghe, l’« aire du nan » ne se limite pas à San Carlos, Altamirano, Cibaca, Ocosingo et Bachajon. Elle se confond pratiquement avec la zone tzeltal.
15Toutefois, c’est le mode de désignation des collatéraux qui, tout en expliquant la remarque de Remesal que nous avons citée en début de chapitre, confère au système terminologique de parenté sa singularité. A la deuxième génération ascendante, l’emploi du terme se référant au grand-père s’étend au frère du grand-père, au frère de la grand-mère et à l’époux de la sœur du grand-père maternel et de la grand-mère ambilatérale. De même, l’emploi du terme se référant à la grand-mère s’étend à la sœur de la grand-mère, à la sœur du grand-père maternel et à l’épouse du frère du grand-père et de la grand-mère. A la première génération ascendante, le terme désignant le père sert à désigner le frère du père et l’époux de la sœur de la mère, et le terme désignant la mère sert également à désigner la sœur de la mère et l’épouse du frère du père. L’oncle paternel et le mari de la tante maternelle sont des « pères », tandis que la tante maternelle et la femme de l’oncle paternel sont des « mères ». Il s’ensuit que les enfants de l’oncle paternel et de la tante maternelle sont terminologiquement assimilés aux germains. Le cousin parallèle plus âgé est en effet appelé bankil ou šimel selon le sexe d’Ego, la cousine parallèle plus âgée est appelée wiš, quel que soit le sexe d’Ego, et les cousins et les cousines parallèles plus jeunes sont appelés its’in quel que soit leur sexe et quel que soit le sexe d’Ego.
16Si, dans la patrilignée, les hommes sont soit des pères, soit des grands-pères selon la génération à laquelle ils se situent, les femmes sont terminologiquement ramenées à la génération d’Ego et assimilées à des soeurs aînées. La sœur du père est appelée wiš, et la sœur du père du père, muleta wiš (tz.) ou muk’ül wiš (tl.), « grande sœur aînée », ou encore wiš me’el, « vieille sœur aînée », de même que la fille du frère du père du père qui étant une sœur aînée du père est aussi une sœur aînée d’Ego. Pour Ego masculin, les enfants de la sœur du père, c’est-à-dire les cousins croisés patrilatéraux, sont des « enfants de sœur », ičok (tz.) ou ič’an (tl.). Ils sont classés avec les enfants de la cousine parallèle ambilatérale, mais distingués des enfants du frère et des enfants du cousin parallèle ambilatéral qui relève de la catégorie des enfants, ničon (tz.) ou nič’an (tl.). Quant aux enfants des cousins croisés patrilatéraux, ils sont classés avec les petits-enfants des germains et des cousins et cousines parallèles dans la catégorie des petits-enfants, mom (tz.) ou mam (tl.).
17Mais pour Ego féminin, les cousins croisés patrilatéraux sont des enfants,’ol (tz.) ou ‘al (tl.). Ils sont classés avec les enfants de la sœur, de la cousine parallèle ambilatérale et du cousin parallèle matrilatéral — la fille de la sœur de la mère du père étant une « mère » et non une « sœur aînée ». Ils sont ainsi distingués des enfants du frère et du cousin parallèle patrilatéral qui entrent dans la catégorie des jeunes germains puisque, comme la sœur du père, la fille du frère du père du père est une « sœur aînée » et non une « mère ». Quant aux enfants des cousins croisés patrilatéraux, ils sont classés dans la catégorie des petits-enfants, il’ol (tz.) ou il’al (tl.), qui comprend, outre les petits-enfants de la sœur, ceux de la cousine parallèle ambilatérale et du cousin parallèle matrilatéral, ainsi que les enfants de la fille du frère et de la fille du cousin parallèle patrilatéral. Mais les enfants du fils du frère et du fils du cousin parallèle patrilatéral demeurent des « jeunes germains » pour la sœur du père du père et pour la fille du frère du père du père qu’ils appellent « sœur aînée ».
18En revanche, dans la patrilignée maternelle, tous les descendants du frère de la mère en ligne masculine sont terminologiquement ramenés à la génération des parents. L’oncle maternel est appelé d’un terme particulier, wom, dont l’Arte précise la signification — « tío, hermano de mi madre » — pour le distinguer de jun tot, « un t’io » — sous-entendu, « hermano de mi padre ». Les enfants du frère de la mère, c’est-à-dire les cousins croisés matrilatéraux, sont appelés selon leur sexe wom ou me’, « oncles » ou « mères ». Les enfants du fils du frère de la mère, et les enfants du fils du fils du frère de la mère demeurent des « oncles » et des « mères ». Mais les enfants de la fille du frère de la mère et les enfants de la fille du fils du frère de la mère sont assimilés aux germains et leurs enfants aux enfants de germains, conformément au sexe d’Ego.
19Actuellement, wom ne se rencontre plus que parmi les Tzotzil centraux de Chalchihuitan, Santa Maria et Santa Magdalena. À Aguacatenango, certains vieillards se souviennent qu’auparavant l’oncle maternel était distingué de l’oncle paternel par un terme qu’ils sont incapables de donner aujourd’hui. Dans la plupart des communautés, l’homme et la femme utilisent à l’égard du frère de la mère le même terme auquel celui-ci recourt vis-à-vis des enfants de sa sœur, ičok (tz.) ou ič’an (tl.), la fille du frère de la mère demeurant par ailleurs une « mère » comme tous les descendants féminins en ligne masculine du frère de la mère. Apparemment, la réciprocité nouvelle de ičok ou ič’an n’affecte la structure du système qu’en ce que ce terme d’emploi strictement masculin à l’origine, est maintenant utilisé par l’homme et par la femme. Par contre, l’évolution constatée à Bachajon, a une toute autre portée. Dans cette communauté, l’homme et la femme désignent et appellent indistinctement le frère de la mère lekol marnai, et le fils du frère de la mère tut lol marnai ou encore mamuč, à quoi il leur est généralement répondu par mam ou marnai. Cet emploi réciproque de mam entre l’oncle maternel et le neveu ou la nièce utérins, qui tend à confondre la relation frère de la mère-enfant de la sœur avec la relation grand-père - petit-enfant, constitue un nouvel exemple de conversion d’un terme d’appellation en terme de désignation. À Cibaca, communauté voisine de Bachajon, mam n’est utilisé réciproquement dans la relation avunculaire qu’en tant que terme d’appellation, l’oncle maternel et le neveu ou la nièce utérins continuant à se désigner par ič’an. Logiquement, cette évolution, si elle devait se préciser, conduirait l’homme à assimiler la descendance collatérale croisée de la première génération à la descendance collatérale parallèle de la deuxième, et à identifier les cousins croisés patrilatéraux non plus aux enfants de la sœur mais aux petits-enfants.
20Il importe de remarquer ici que les alliés sont terminologiquement distingués des deux ensembles de cousins. L’épouse est appelée ahnil (tz.) ou ihnam (tl.), tandis que l’époux est appelé malal (tz.) ou marnai (tl.). Le père de l’épouse est appelé ni’al marnai ou mamani’al, et la mère de l’épouse ni’al me’el ou me’ni’al, le terme correspondant étant ni’al, « gendre », auquel 1’Arte ajoute le sens de « consuegros », c’est-à-dire parents de l’époux - parents de l’épouse. Le père de l’époux est appelé kalib marnai ou mamalib, et la mère de l’époux kalib me’el ou me’lalib, le terme correspondant étant kalib, « bru ».
21Le conjoint du germain et le germain du conjoint de sexe opposé à Ego sont appelés du terme mu. Mu est donc la belle-sœur d’un homme — sœur de l’épouse ou épouse du frère — et le beau-frère d’une femme — frère de l’époux ou époux de la sœur. En revanche, bol (tz.) ou bal (tl.) n’est employé que par l’homme pour désigner son beau-frère — frère de l’épouse ou mari de la sœur—, de même que jowon (tz.) ou jawan (tl.) n’est employé que par la femme pour désigner sa belle-sœur — sœur du mari ou épouse du frère. L’extension de ces termes d’alliance est commandée par celle des termes de parenté. Ainsi, Ego appellera « beau-frère » ou « belle-sœur » le conjoint de tous les parents qu’il appelle « frère » ou « sœur », ainsi que tous les parents du conjoint que celui-ci appelle « frère » ou « sœur ». Ego masculin étend l’emploi de bol ou bal à l’époux de la sœur du père, au fils du frère du père — ou de la sœur de la mère — de l’épouse, et au fils du frère de l’épouse. Ego féminin étend l’emploi de jowon ou jawan à l’épouse du fils du frère, à la fille du frère du père — ou de la sœur de la mère — de l’époux, et à la sœur du père de l’époux. Quant à mu son emploi est étendu par l’homme : à la sœur du père de l’épouse, à la fille du frère du père — ou de la sœur de la mère — de l’épouse, et à la fille du frère de l’épouse ; par la femme : à l’époux de la fille du frère, à l’époux de la sœur du père, et au fils du frère du père — ou de la sœur de la mère — de l’époux.
22Résumons les caractéristiques fondamentales d’un tel système :
- Identification des cousins parallèles aux germains ;
- Confusion de toutes les femmes des générations ascendantes dans la patrilignée, qui sont ramenées à la génération d’Ego, et distinction entre la sœur de la mère qui est une « mère » et la sœur du père qui est une « sœur aînée » — les cousins croisés patrilatéraux étant des « enfants de sœurs », c’est-à-dire, pour l’homme des « neveux » et pour la femme des « enfants » ;
- Distinction entre le frère du père qui est un « père » et le frère de la mère qui est un « oncle », et confusion de tous les descendants directs en ligne masculine de ce dernier qui sont ramenés à la génération des parents — les cousins croisés matrilatéraux étant des « oncles » ou des « mères » selon leur sexe ;
- Distinction entre les deux ensembles de cousins et les alliés.
23Mais la plus grande singularité de ce système ne vient pas de ce qu’il groupe les enfants du frère de la mère avec les germains de la mère, et les enfants de la sœur du père avec les enfants de la sœur, comme tous les systèmes de type Omaha. Sa singularité vient de ce que, précisément, ce mode de désignation des cousins croisés particulier aux systèmes Omaha, tend à se modifier, et que dans certaines communautés il est soumis à des changements qui opèrent en relation avec le réaménagement de la structure des groupes de descendance.
24On comprendra mieux l’intérêt que présentent les changements d’un tel système après avoir rappelé que la littérature anthropologique semble accréditer l’idée que les systèmes Omaha « ne changent pas ». Ainsi, Margaret Mead qui a travaillé chez les Omaha proprement dits, remarque que le « système de parenté qui a été soigneusement relevé il y a quarante ans, est encore en usage sans qu’aucun détail n’ait changé » et bien qu’entre-temps la tribu se soit dispersée et l’organisation clanique et lignagère effondrée13. Parmi les Fox, Sol Tax constate que les groupes de descendance se sont décomposés en unités familiales restreintes, exogames et complètement bilatérales, mais que la terminologie de la parenté ne s’est nullement modifiée pour autant14. Traçant l’évolution de l’organisation des Osage, Betty Nett évoque de son côté la tendance récente à la néolocalité, l’abandon de l’exogamie lignagère et l’oblitération de la relation privilégiée avec le frère de la mère, mais elle ne découvre dans la terminologie que des changements mineurs, tels que la confusion des germains, abstraction faite de la séniorité, la conversion des termes d’appellation des parents en termes de désignation, ou l’ambiguïté et les variations des termes se référant aux germains des grands-parents15.
25Le système terminologique tzotzil-tzeltal constitue donc un exemple à maints égards unique de système Omaha en procès de changement. Comme nous l’avons déjà suggéré, ces changements semblent avoir affecté en premier les termes se référant au frère de la mère et aux cousins croisés matrilatéraux. L’oncle maternel, le fils de l’oncle maternel, et le fils du fils de l’oncle maternel sont aujourd’hui pour les enfants de la sœur, les enfants de la sœur du père et les enfants de la sœur du père du père, des ičok ou ič’an — et réciproquement. Cette tendance à désigner les cousins croisés matrilatéraux de la même manière que les cousins croisés patrilatéraux se précise à Oxchuc par exemple, où dans certains hameaux la fille du frère de la mère demeure une me’ tandis que dans d’autres elle est devenue comme son frère une ič’an. L’extension du terme ič’an non plus seulement au fils mais encore à tous les enfants de l’oncle maternel, est plus importante qu’elle ne paraît à première vue. Elle implique notamment le décrochage des cousins croisés matrilatéraux de la première génération ascendante à la première génération descendante. Cependant, Villa Rojas à qui nous devons cette information sur Oxchuc16 ne dit pas si les enfants du fils du frère de la mère et les enfants de la fille du frère de la mère sont toujours distingués, ou s’ils sont déjà confondus et identifiés aux enfants des cousins croisés patrilatéraux, comme c’est le cas à Chanal où le parallélisme entre la descendance de la tante paternelle et celle de l’oncle maternel est parfait.
26L’identification des cousins croisés matrilatéraux aux cousins croisés patrilatéraux est caractéristique de la confusion des lignées et de l’orientation bilatérale qu’a prise l’organisation sociale depuis l’effondrement des patriclans et des patrilignages. Mais elle pourrait tout aussi bien être la conséquence d’une tentative de réorganisation des groupes de descendance entreprise sur le principe de l’échange des sœurs ou du mariage des cousins. Nous pouvons supposer que si le frère de la mère est aujourd’hui désigné de la même manière que l’enfant de la sœur, c’est parce que la grand-mère maternelle est la sœur du grand-père paternel. Il est vrai que nous n’avons rencontré nulle part le terme wiš appliqué à la mère de la mère. Mais le mode de désignation de l’oncle maternel et des cousins croisés matrilatéraux relevé à Chanal17, autorise à retenir cette hypothèse. Dans cette communauté, le frère de la mère est identifié au frère du père. Néanmoins ses enfants sont terminologiquement assimilés aux cousins croisés patrilatéraux et non aux cousins parallèles. S’il en est ainsi, n’est-ce pas parce que l’épouse du frère de la mère est également la sœur du père ? Au nombre des termes par lesquels la femme de l’oncle paternel est susceptible d’être appelée, figure celui de wiš, à Chanal même et dans certaines communautés voisines.
27La pratique, aussi limitée soit-elle en réalité, de l’échange des sœurs ou du mariage des cousins qui se serait imposée afin de conserver un minimum de cohésion aux groupes de descendance, aurait exercé une forte pression sur la terminologie au point d’éliminer de celle-ci les termes wom et me’ appliqués aux enfants du frère de la mère. Le tabou de l’inceste s’étendant en général à tous les parents appelés du même terme que le parent primaire sexuellement interdit, le fils ou la fille de l’oncle maternel devenus des conjoints possibles n’auraient plus pu être appelés « oncle » ou « mère ». Sans l’introduction de l’union préférentielle entre cousins croisés en réaction à la désorganisation des clans et des lignages, il est probable que la terminologie de la parenté tzotzil-tzeltal n’aurait pas plus changé que celle des Omaha, des Fox et des Osage, car comme l’a indiqué l’étude de ces groupes, rien ne s’oppose au maintien d’une terminologie de type Omaha dans une société largement bilatérale et reposant entièrement sur des unités familiales restreintes.
28On a noté qu’à Chanal, l’oncle maternel est identifié à l’oncle paternel. Dans deux communautés au moins, à Chamula et à Aguacatenango, non seulement le frère de la mère est confondu avec le frère du père, mais encore la sœur du père est confondue avec la sueur de la mère. Tous les descendants du frère de la mère et toutes les femmes des générations ascendantes de la patrilignée sont terminologiquement assignés au niveau générationnel qui leur correspond, la sœur du père du père étant une « grand-mère » et la fille du frère du père du père une « mère ». Il s’ensuit que les cousins croisés ambilatéraux se trouvent confondus avec les cousins parallèles, et que toute distinction entre cousins et germains est abolie. À Chamula, les enfants de la fille de la sœur du père et les enfants de la fille du frère de la mère sont appelés comme les enfants de la fille du frère du père ou de la sœur de la mère. Pour Ego masculin, ils sont des ičok, « enfants de sœur ». Pour Ego féminin, ils sont des ‘ol, « enfants ». Quant aux enfants du fils de la sœur du père et aux enfants du fils du frère de la mère, ils sont appelés comme les enfants du fils du frère du père ou de la sœur de la mère. Pour Ego masculin, ils sont des nicon. Pour Ego féminin, ils sont également des ničon et non plus des its’in, puisque la fille du frère du père du père ou la sœur du père du père a cessé d’être une wiš pour devenir une me’.
29Le système chamula opère dans un sens horizontal. Il classe l’ensemble des parents sur le critère de la génération, mais il confond l’ordre des lignées quoiqu’il distingue encore les enfants de frère et les enfants de sœur. En revanche, le système en vigueur à Aguacatenango opère dans le sens vertical. Il distingue l’ordre des lignées, mais il ignore les générations et il classe les parents sur le critère de la séniorité. A la première génération ascendante, les parents plus jeunes que le père ou la mère d’Ego sont classés avec les germains, le frère cadet du père ou de la mère étant un « frère aîné » et la sœur cadette du père ou de la mère une « sœur aînée ». Les parents plus âgés que le père ou la mère d’Ego sont classés avec ces derniers, le frère aîné du père ou de la mère étant un « père », et la sœur aînée du père ou de la mère une « mère ». A la deuxième génération ascendante, les parents plus jeunes que les grands-parents sont classés avec le père et la mère, et les parents plus âgés que les grands-parents sont classés avec ces derniers. Au niveau des générations descendantes, les enfants sont appelés nič’an ou ‘al, et les petits-enfants mam ou il’al selon le sexe d’Ego, tandis que les enfants et les petits-enfants des germains et des cousins sont appelés its’in quel que soit le sexe d’Ego, et classés en conséquence avec les jeunes germains.
30Dans ces deux communautés de Chamula et d’Aguacatenango, la terminologie, en se bilatéralisant, tend à la fois à se réduire et à s’étendre. À se réduire, car le nouveau mode de désignation des parents réalise une économie de termes, soit que le parent plus âgé emploie le prénom du parent plus jeune auquel il s’adresse, soit que des parents auparavant distingués sont aujourd’hui terminologiquement confondus, soit aussi que la femme emploie des termes strictement masculins à l’origine18. En définitive, un nombre réduit de termes suffit pour désigner l’ensemble de la parenté. Mais l’emploi de ces termes, qui était limité à la famille étendue ou au lignage, s’étend maintenant au groupe de voisinage et même à l’ensemble de la communauté. Ainsi tot ou tat s’applique aujourd’hui à tous les hommes de la génération du père ou plus âgés que le père, tandis que bankil s’applique à tous les hommes plus jeunes que le père mais plus âgés qu’Ego. Il en est de même pour me’ qui s’applique à toutes les femmes de la génération de la mère ou plus âgées que la mère, tandis que wiš s’applique à toutes les femmes plus jeunes que la mère mais plus âgées qu’Ego. Le système terminologique actuel permet d’appréhender la totalité des membres de la communauté à l’aide d’un seul et unique cadre de référence fondé sur le critère de la séniorité et de la génération.
Les relations de parenté
31Les modifications de la terminologie que nous venons de définir supposent des changements dans le sens et dans le contenu des relations que ces termes recouvrent (l’inverse n’étant pas toujours vrai). Mais les plus anciens et sans doute les plus significatifs de ces changements nous échappent. Ainsi, la relation entre l’oncle maternel et le neveu utérin qui s’identifie à la relation entre le frère du père et le fils du frère, devait antérieurement s’en distinguer sans qu’on sache en quoi consistait cette distinction. Les changements que nous étudions ici ne représentent donc qu’une partie des changements qui sont intervenus dans l’ensemble du système des relations de parenté, au niveau des attitudes et des comportements interpersonnels.
321. La relation époux-épouse. — Pour les Tzotzil-Tzeltal, le bon mari, c’est celui qui « sait travailler » et qui ne laisse jamais sa femme sans nourriture. La femme, en effet, attend de son mari sa subsistance, même dans les communautés comme Chamula où la division des tâches au sein de la famille lui assigne une fonction économique importante et relativement indépendante de celle de l’homme. L’argent gagné par le travail de la femme peut servir à l’achat de vêtements, de vaisselles ou de tout autre objet d’usage domestique. Mais il n’est jamais utilisé pour acheter de la nourriture, car « l’épouse doit manger le maïs et les haricots de son mari ».
33En contrepartie de la nourriture qu’elle reçoit, la femme doit donner à son mari une descendance. La bonne épouse, c’est avant tout l’épouse féconde. Les qualités de ménagère de la femme, son humilité, sa soumission, son obéissance ne sont pas pour autant dépréciées. Mais dans la hiérarchie des qualités en fonction desquelles s’évalue une épouse, elles ne viennent qu’après l’aptitude à la reproduction sur laquelle la femme abandonne à son époux un droit absolu dans le mariage.
34C’est sur cette équation nourriture = descendance que se fonde le « contrat matrimonial ». La femme sans enfant peut être abandonnée par son mari, tout comme l’homme sans nourriture peut l’être par son épouse. Mais les liens affectifs entre époux, bien que rarement extériorisés, peuvent exercer sur le couple sans enfant une influence stabilisatrice. Ils conduisent parfois l’homme dont l’épouse est stérile à la conserver tout en lui adjoignant une co-épouse. Lorsque les co-épouses sont sœurs — ce qui est le cas le plus fréquent — elles partagent la même habitation. En revanche, lorsqu’elles n’entrent dans aucun rapport de parenté, elles sont établies dans deux habitations voisines qui constituent deux foyers distincts entre lesquels alterne le mari. L’homme doit alors veiller à ne pas prendre plus de repas et à ne pas passer plus de nuits chez l’une que chez l’autre, à ne pas témoigner plus de faveurs à la première qu’à la seconde, et surtout à ne pas s’immiscer dans leurs querelles, ce qui ne manquerait pas de refaire contre lui l’union de ses co-épouses.
35Mais la polygynie, qu’elle soit ou non sororale, est généralement déconseillée parce qu’elle porte atteinte à l’autorité du mari — l’homme n’étant pas en mesure de gouverner deux femmes à la fois, selon les Tzotzil-Tzeltal. Cette autorité maritale expressément admise et dont l’absence est souvent tournée en dérision lorsqu’elle n’est pas attribuée à un maléfice, suppose la subordination de la condition de l’épouse. La femme, en effet, doit obéir à son mari. Selon l’expression courante, elle doit le considérer comme un père et un frère aîné. Elle peut d’ailleurs éprouver le pouvoir disciplinaire qu’il a sur elle en cas de manquement grave à son égard.
36Cependant, l’autorité maritale n’est pas aussi sûrement établie que les maris tzotzil-tzeltal le prétendent. La relation à l’épouse est empreinte d’une profonde anxiété qui s’exprime par la crainte de la castration, du pourrissement du pénis, et plus généralement de la perte de la virilité. Cette anxiété est engendrée par l’agressivité sexuelle que les hommes reconnaissent aux femmes et dont celles-ci font effectivement preuve dans leur comportement. « Toutes les femmes sont plus ou moins des špakinte », disent volontiers les Chamula. Ils se réfèrent à cette apparition féminine extraordinairement belle qui se manifeste la nuit dans la forêt pour séduire les hommes attardés ou tuer ceux qu’elle ne parvient pas à séduire. Par les expériences sexuelles qu’elle leur offre, la špakinte réduit ses victimes à l’état de somnambules. Elle les attache à sa personne et s’en sert comme esclaves. Les femmes sont représentées à l’image de la špakinte, comme des êtres naturellement séducteurs, dominateurs et donc dangereux, dont la sexualité corrompt la volonté et annihile l’autorité masculines.
37La réserve, voire la méfiance, avec laquelle il considère la sexualité féminine, porte l’homme à la jalousie, à la suspicion, au doute, car il craint que, sexuellement insatisfaite19, son épouse ne prenne des amants. L’adultère, qu’il soit commis par le mari ou par la femme, est condamné avec une égale rigueur. Mais il est révélateur que la femme s’en voie toujours imputer l’initiative et la responsabilité, et que l’amant apparaisse comme la victime — consentante il est vrai, mais victime quand même — de sa maîtresse plus que comme le complice.
38La modification de la condition de la femme à l’intérieur du couple semble encore accroître l’anxiété masculine, dans la mesure où l’homme a tendance à « sexualiser » tous les rapports conjugaux et à considérer les initiatives de son épouse comme autant de preuves d’infidélité à son égard. Cette modification de la condition de la femme qui tend à ré-équilibrer la relation époux-épouse, est la conséquence de changements divers. Le développement de la néo-localité, par exemple, donne à l’épouse, qui était l’objet d’une étroite surveillance de la part de sa belle-mère lorsqu’elle vivait chez les parents de son mari, une plus grande autonomie en même temps que de plus amples responsabilités. L’extension du travail saisonnier, qui mobilise chaque année pendant de longs mois une importante fraction de la population masculine, lui fait assumer les fonctions de chef de famille durant l’absence du mari. Enfin, l’accroissement de ses activités économiques, l’argent qu’elle retire de la vente de sa production, la part qu’elle prend aux échanges, sans compter les biens qu’elle peut recevoir de ses parents là où l’héritage est bilatéral, lui permettent d’affirmer contre son mari une indépendance qui n’est pas nécessairement « coupable » mais dont les conséquences sur la stabilité du ménage sont — comme nous l’avons déjà vu — toujours graves.
392. Les relations parents-enfants. — Trois ou quatre mois après la conception, alors que la grossesse est à peine confirmée, l’enfant est considéré comme un être distinct de ses parents : doté de son propre č’ulel, il a déjà pris possession de son individualité. Mais il est explicitement reconnu que le développement ultérieur de l’enfant est moins le fruit d’un approfondissement de cette individualité, que le produit de 1’influence et du conditionnement exercés à différents niveaux par le milieu parental.
40En général, les hommes désirent pour premier enfant un garçon qui les aiderait dans leurs travaux agricoles. Les femmes préfèrent avoir une fille sur qui elles se déchargeraient d’une partie des soins du ménage. Mais garçon ou fille, le premier enfant est toujours bien accueilli. Sa prime enfance est entièrement dominée par la présence maternelle. C’est la mère qui a la charge exclusive du nourrisson. Elle ne s’en sépare jamais. Le jour, elle le porte sur le dos ou sur la hanche enveloppée dans un châle ; la nuit, elle le couche contre son flanc ou sur sa poitrine. Attentive à ses moindres pleurs, elle le change et le nourrit dès qu’il le réclame. L’homme ne commence à s’intéresser à sa descendance qu’à partir du moment où, l’enfant étant sevré et sachant marcher, sa dépendance à la fois physique et affective envers sa mère tend à se relâcher. Il est à cet égard révélateur que le terme ‘olol, qui est indistinctement employé par l’homme et la femme pour désigner leur enfant en bas âge, soit formé sur ‘ol, « enfant de femme ».
41Dès que l’enfant est en mesure de marcher et de prendre les mêmes aliments que ses parents, il est habillé d’un vêtement qui est l’exacte réplique de celui que portent les hommes ou les femmes de sa communauté. L’intégration précoce au groupe sexuel et la ségrégation entre les sexes qui en résulte sont d’autant plus poussées que l’éducation est presque entièrement assurée par le parent du même sexe, le parent de sexe opposé n’intervenant que de manière indirecte. La mère enseigne à sa fille les diverses activités domestiques, de sorte qu’à l’âge de six ou sept ans, une enfant est déjà capable de laver les plats, de balayer le sol de la maison, de s’occuper de ses jeunes germains. De son côté, le père emmène son fils dans ses déplacements, soit au marché, soit dans les champs, et il l’initie aux travaux agricoles. À ses moments perdus, il confectionne à son intention des frondes ou divers instruments aratoires proportionnés à sa taille, qui lui serviront de jouets et grâce auxquels il pourra exercer son habileté. Un enfant de dix à onze ans est ainsi en mesure de rendre d’appréciables services à son père et de lui prêter une aide effective à l’occasion des semailles et des récoltes.
42Les jeux d’enfant sont rares, et l’apprentissage des rôles masculins et féminins s’effectue presque exclusivement selon un processus d’imitation que stimule l’octroi de responsabilités réelles, et que sanctionnent l’encouragement en cas de succès, parfois le blâme mais plus rarement la punition en cas d’échec. Cet apprentissage revêt un caractère à la fois individualiste et non compétitif. L’adresse, l’habileté, l’acquisition d’aptitudes personnelles et le développement de l’esprit d’initiative et d’entreprise sont hautement valorisés. Toutefois, l’émulation, si elle n’est pas proscrite, ne s’exprime que dans un nombre de voies limitées.
43À partir de l’adolescence, les relations mère-fille et père-fils tendent à s’inverser. La fille, qui était subordonnée à la mère, en devient de plus en plus la compagne. En revanche, le fils, qui était l’associé intime du père, tend à établir avec celui-ci des rapports beaucoup plus distants. Il apprendra à lui témoigner du respect. Il évitera de tenir en sa présence des propos trop familiers. Il ne parlera qu’avec modération dans le ton et dans l’expression. Le père invitera plus souvent son fils à boire en sa compagnie et à prendre ses repas avec lui sur un tabouret, le distinguant ainsi de ses sœurs et de ses jeunes frères qui mangent encore avec leur mère accroupis autour du foyer. Mais il répondra à sa plus grande discrétion par une réserve encore plus grande qui conduira l’adolescent à se prendre totalement en charge. L’accession à l’état adulte, que viendra ultérieurement consacrer le mariage, suppose un individualisme épanoui.
44Le processus d’interaction constante par lequel le fils réalise son identification au père, et la fille son identification à la mère, est conçu comme un phénomène de transmission univoque des parents aux enfants, de portée beaucoup plus vaste. Ainsi dit-on que les parents qui « ne savent pas travailler » ne peuvent léguer à leurs enfants l’art du travail, de même que les parents qui « ne veulent pas travailler » ne peuvent léguer à leurs descendants le goût du travail. Comme les aptitudes, qualités et défauts individuels sont pour la plupart héréditaires. Si un homme est paresseux, c’est que son père l’était ; si un homme boit20, c’est que son père buvait aussi ; si un homme se rend dans les plantations — ce qui est partout un signe de « mauvaise vie », même dans les communautés d’où provient la majorité de la main-d’œuvre saisonnière — c’est que son père s’y rendait avant lui.
45Mais les ascendants n’ont pas seulement une responsabilité sociale et morale envers leurs descendants ; ils sont aussi chargés envers eux d’une responsabilité spirituelle. Par leur piété, leur dévotion, leur bonne conduite, les parents se portent garants de la santé de leurs enfants. En effet, la maladie des enfants est toujours imputée à la rupture d’un interdit, à un péché ou à une faute des parents. Les parents dont les enfants sont fréquemment malades sont considérés comme de « mauvaises gens ». A l’inverse, les « bonnes gens » n’ont pas d’enfants malades. Toutefois, si les parents ont socialement et moralement la charge de leurs enfants du même sexe, ils ont spirituellement celle de leurs enfants du sexe opposé. Le père transmet ses aptitudes et ses qualités ou ses défauts à son fils, mais ses actions se répercutent sur sa fille. De la même manière, la mère transmet ses aptitudes et ses qualités ou ses défauts à sa fille, mais ses actes se répercutent sur son fils. Lorsqu’un jeune garçon tombe malade, le guérisseur traitera non le patient mais sa mère dont l’inconduite est à l’origine de la maladie.
46Ces responsabilités, qui se fondent sur le principe de la continuité de la lignée, impliquaient auparavant une responsabilité égale des enfants envers leurs parents. Le droit exclusif dont jouissaient les enfants sur les biens de leurs parents les contraignait à endosser leurs engagements jusque dans leurs ultimes conséquences. Il n’en va plus de même aujourd’hui où les enfants parvenus à l’âge adulte ne se sentent plus concernés par leurs parents. Il est à cet égard révélateur que si l’homme peut encore se venger sur les jeunes enfants de son offenseur, le fils adulte tend rarement à venger son père. La responsabilité collective des membres du groupe familial ne s’établit plus qu’à sens unique, des parents aux enfants, à tel point que — comme nous l’avons déjà signalé — certains vieillards, devenus improductifs, se voient totalement abandonnés par leur descendance.
473. Les relations entre germains. — L’intégration précoce de l’enfant à son groupe sexuel ne favorise pas le développement des rapports entre germains de sexe opposé. Dès leur plus jeune âge, le frère et la sœur se situent dans deux univers qui ne s’interpénètrent qu’occasionnellement. Enfants, ils n’ont guère la possibilité de jouer ensemble, car si les garçons disposent de temps libre, leurs sœurs sont déjà chargées de responsabilités domestiques qui les tiennent occupées auprès de la mère pendant la plus grande partie de la journée. Adolescents, ils sont astreints, par les rôles dont ils font l’apprentissage, à beaucoup de réserve mutuelle. Le frère doit se garder de toute attitude équivoque et de tout propos frivole en la présence de sa sœur, et celle-ci apprend à respecter les initiatives que son frère est appelé à prendre dans sa sphère d’activité. L’un et l’autre ne peuvent rester en tête-à-tête sans s’exposer à de vives réprimandes. Ils tendent d’ailleurs à s’éviter autant que le leur permet l’exiguïté de l’habitation et la promiscuité de la vie familiale, tout en se témoignant les marques de considération que l’aîné attend du cadet et l’homme de la femme.
48La sœur aînée se trouve cependant dans une situation particulière. Elle prend une part active à l’élevage de ses jeunes germains. Cette fonction, dite de yahčipum, de nourrice ou plutôt d’« aide-ménagère », qu’elle exerce dès l’âge de six ou sept ans, fait de la sœur aînée l’objet d’un investissement affectif singulier. Le lien noué dans la prime enfance entre sœur aînée d’une part, et sœur et surtout frère cadet de l’autre, se perpétue bien souvent après l’adolescence et même au-delà du mariage. Mais, si comme le veut l’expression courante, tout homme a deux mères, sa génitrice et sa sœur aînée, toute femme a deux pères, son géniteur et son frère aîné. En un sens, ce parallélisme est trompeur, car dans la relation aux germains, la sœur aînée apparaît comme la collaboratrice de la mère qu’elle décharge d’une partie de ses activités, tandis que le frère aîné semble n’être qu’un substitut virtuel du père dont il ne partage normalement ni les fonctions ni l’autorité. En outre, la relation frère aîné - sœur cadette ne se singularise qu’au moment où la relation sœur aînée - frère cadet tend précisément à se confondre avec les autres relations entre germains, c’est-à-dire, au moment de l’adolescence. Ce n’est que lorsque le père commence à le considérer comme un adulte que le garçon exige et reçoit de sa jeune sœur un traitement particulier.
49En l’absence du père, et singulièrement à la mort de celui-ci, le fils aîné hérite de toutes les prérogatives du chef de famille. Bien qu’il ne puisse heurter de front la mère dont la disparition du mari renforce l’autorité, il conclura les mariages de ses jeunes germains ; il recevra les prestations en nature ou en travail de ses beaux-frères ; il défendra ses sœurs contre leurs maris ou leurs beaux-parents. Lorsqu’il est encore jeune et que la solidarité familiale demeure toujours forte, il pourra prendre conseil et recevoir aide et assistance matérielle de son oncle paternel. Mais le plus souvent, c’est seuls que de jeunes orphelins de douze ou treize ans se font charge de leur famille et subviennent aux besoins de leur mère et de leurs jeunes germains en cultivant les champs familiaux ou en allant travailler dans les plantations.
50L’identification de la sœur aînée à une « seconde mère » et du frère aîné à un « second père » est d’autant plus accusée qu’étant donné l’effondrement des groupes de descendance, les rôles du père et de la mère ne sont plus susceptibles d’être transférés à l’extérieur de la cellule familiale (à un oncle ou à une tante par exemple), et que celle-ci est contrainte de fonctionner par elle-même, quelque amputée qu’elle soit. Cette identification tend à oblitérer le clivage fondamental entre parents et enfants. Ceux-ci, en effet, semblent moins séparés par une génération qu’intégrés dans un continuum d’âge à l’intérieur duquel les membres de la famille se hiérarchisent en fonction de la séniorité. Une telle hiérarchisation a une double conséquence. D’une part, elle réduit certaines tensions entre parents et enfants, les conflits dits « de génération » ne pouvant se nouer. Mais, d’autre part, elle affecte les relations entre germains auxquelles elle confère un caractère hautement compétitif.
51S’il est vrai que la rivalité des germains est universelle et qu’elle se manifeste partout où la mère élève plus d’un enfant à la fois, il n’en demeure pas moins qu’elle revêt ici des formes aiguës qui s’enracinent d’ailleurs dans un vieux fond culturel maya21. Une version locale christianisée du Popol Vuh présente Jésus en lutte avec son frère aîné qui, allié aux Juifs, tente de l’assassiner. Jésus parvient à se débarrasser de lui en l’attirant au sommet d’un grand arbre et en l’y transformant en singe. Dans les mythes, les légendes et les rêves, le frère aîné apparaît toujours comme un personnage paresseux, cupide et violent, ou comme l’usurpateur des attributs paternels dont il se sert afin de tyranniser ses jeunes germains. Mais, à sa violence, le frère cadet oppose la ruse dont le triomphe provoque soit la mort, soit l’exil du tyran.
52Quand bien même les parents ne manifesteraient-ils point de préférence envers l’un ou l’autre de leurs enfants, l’organisation familiale ferait en sorte que l’aîné, avantagé en statut, se sente frustré en affection. A deux ans, il doit céder le sein maternel au jeune germain qui vient de naître. Quelques années plus tard, il lui faut aider le parent de son sexe dans ses activités. En revanche, le cadet et surtout le benjamin, le koš (tz.) ou šut (tl.), est sevré beaucoup plus tard. Il est nourri par sa mère jusqu’à quatre ou cinq ans. À un âge où ses aînés travaillaient déjà, il peut encore flaner dans la maison ou jouer dans l’enclos domestique. Il ne fait l’apprentissage de son rôle que beaucoup plus tardivement que ses autres frères et sœurs, ce qui lui permet d’avoir une « enfance » au sens occidental du terme, et même aujourd’hui une « instruction », car les parents envoient plus volontiers à l’école le dernier que le premier de leurs enfants.
53Inconsciemment, les parents sont plus exigeants et plus réservés envers les aînés, et plus tolérants et affectueux envers les cadets. Le mode selon lequel ils allouent leur affection pourrait expliquer le comportement antagoniste des germains. Ce comportement s’extériorise d’une manière particulièrement brutale lors des successions. Théoriquement, tous les enfants ont des droits égaux sur les terres et les autres biens de leurs parents. Mais depuis que ces droits ont cessé d’être indivis, il existe des possibilités de préférence qui éveillent des espoirs, suscitent des craintes et provoquent des efforts afin d’être le préféré. Que le père donne un champ mieux exposé, mieux arrosé ou plus proche à l’un de ses fils, aussitôt les autres protesteront auprès des autorités communautaires et l’accuseront de violer la règle de l’égalité des partages. Les litiges de cette sorte, qui compromettent d’autant plus les relations fraternelles que les parties en cause ont souvent recours à la magie pour redresser le tort qu’elles estiment avoir subi, sont particulièrement nombreux à Chamula, où il semble d’ailleurs que la division de chacune des parcelles constituant l’héritage en autant de fractions qu’il y a d’ayants-droit n’a nullement réduit la crainte de voir un frère ou une sœur plus favorisé que soi dans le partage.
544. Les relations d’alliance. — L’homme et la femme s’accordent à reconnaître que la relation aux beaux-parents est toujours délicate. L’homme aborde sa belle-mère avec beaucoup de déférence. Il lui parle en détournant le regard et en employant ce ton aigu de la voix sur lequel se déroulent toutes les conversations entre personnes qui se doivent mutuellement le respect. La femme agit de même avec son beau-père, encore qu’il lui faille — plus encore que l’homme envers sa belle-mère — se tenir à distance, adopter en sa présence une attitude particulièrement modeste et fuir le tête-à-tête avec lui. En fait, les deux conjoints doivent éviter tout ce qui pourrait ressembler à de la familiarité dans leurs rapports avec leurs beaux-parents. Aussi, le plus souvent est-ce la femme qui sert d’intermédiaire entre ses parents et son mari, l’homme faisant de même parfois entre les siens et son épouse.
55La relation beau-père - gendre autour de laquelle s’organisent toutes les autres relations d’alliance, répond à un modèle simple : le beau-père donne à son gendre une épouse que le gendre « compense » par le versement de certaines prestations au cours d’une période d’uxorilocalité postmatrimoniale. Cette période constitue l’un des plus mauvais souvenirs des informateurs qui l’ont traversée. Sans pouvoir dans la famille qui l’accueille, sans autorité réelle sur sa femme qui continue d’obéir à ses parents, le jeune mari est soumis à son beau-père qui cherche à tirer de lui le meilleur parti économique possible. Aussi l’idéal des adolescents et des jeunes adultes encore célibataires est-il de s’embaucher dans les plantations de café afin de pouvoir racheter dès leur retour, à leur futur beau-père, cette dette en travail par un versement en nature ou en espèces, et prendre immédiatement possession de leur épouse sans avoir à dépendre, serait-ce momentanément, de ses parents.
56Dans le groupe familial du mari, l’épouse dépend de sa belle-mère sous les ordres de laquelle elle est placée. La mère du mari a autorité sur elle. Elle lui enseigne la routine familiale qui peut être différente de celle à laquelle l’épouse a été habituée dans sa propre famille. Cet ajustement de la belle-mère et de la belle-fille se fait souvent en sens unique, la première exigeant de la seconde qu’elle se conforme entièrement à sa volonté. Une telle attitude que l’on donne pour fréquente ne manque pas de provoquer des querelles dans lesquelles l’époux ne doit intervenir qu’avec beaucoup de prudence. Si l’époux prend parti en faveur de sa mère, il s’expose à voir sa femme l’abandonner ou le père de sa femme intervenir à son tour pour protéger sa fille. S’il prend parti en faveur de son épouse, il s’expose à voir sa mère se répandre en reproches d’ingratitude à son égard, sans pour autant cesser de manifester sa mauvaise humeur contre une bru « séductrice » et dominatrice qui est si bien parvenue à « ensorceler » son fils.
57On a déjà noté la corrélation qui existe entre l’effondrement de l’organisation clanique et lignagère et l’émiettement des intérêts fonciers d’une part, et la tendance actuelle à la néo-localité de l’autre. Il est probable que ces changements n’auraient pas forcément abouti à modifier les règles de la résidence, s’ils n’avaient rencontré à l’intérieur du groupe familial des conditions favorables, telles que ces tensions entre beaux-parents et beaux-enfants. L’influence de la femme en butte constante à sa belle-mère dans la famille patrilocale de son époux n’est sans doute pas étrangère au fait qu’actuellement les conjoints préfèrent s’installer dès leur mariage, hors de la résidence de leurs parents et se situer socialement à distance égale de leur groupe parental et de leur groupe beau-parental.
58Parmi les différents types de relations entre beaux-germains, une distinction s’impose. Les relations jowon — belles-sœurs - belles-sœurs — et bol — beaux-frères - beaux-frères — sont aussi chargées de tensions virtuelles que les relations entre sœurs ou entre frères. La sibling rivalry s’étend aux germains du conjoint et aux conjoints du germain. L’épouse du frère apparaît souvent à la sœur aînée comme une rivale au plan affectif. Quant au frère de l’épouse, et singulièrement le frère aîné, il apparaît au mari comme le substitut du beau-père. Garant du mariage, il a autorité sur son beau-frère dans le ménage duquel il peut intervenir pour protéger sa sœur. Pendant la période d’uxorilocalité postmatrimoniale, le mari de la sœur et les frères de l’épouse travaillent ensemble. Mais il est rare que naisse à cette occasion une véritable amitié entre les beaux-frères et que ceux-ci poursuivent leur collaboration après que le jeune époux ait versé ses prestations en travail. Les groupes de travail qui s’organisent au moment des semailles et des récoltes et qui fonctionnent sur la base de la réciprocité, incluent plus fréquemment des voisins que des alliés même lorsque ceux-ci résident dans le même hameau.
59Si le frère de l’épouse intervient dans le ménage du mari de la sœur, celui-ci peut être amené à intervenir dans les affaires des germains de son épouse. Dans les communautés où l’héritage est bilatéral, le mari doit défendre les droits à la terre de sa femme. A la mort de son beau-père, il veille à ce que le partage de la succession s’effectue honnêtement, et à ce que ses beaux-frères ne s’emparent pas des meilleurs champs et n’abandonnent pas à leur soeur les sols les moins productifs ou les terres les plus excentriques.
60Aux relations jowon et bol s’opposent nettement les relations mu — beaux-frères - belles-sœurs. Autant les premières sont empreintes d’une réserve qui confine à la méfiance et qui conduit parfois à l’hostilité, autant les secondes se caractérisent par une liberté qui s’extériorise sans grande retenue. Publiquement, l’homme marque à sa belle-sœur beaucoup d’attention et d’affection. Il peut lui faire des cadeaux et en recevoir d’elle. Il peut la plaisanter en termes assez crus et être plaisanté par elle dans des termes identiques. Il peut user à son égard de certaines privautés. Les rapports sexuels entre beaux-frères et belles-sœurs sont interdits, mais il semble que cet interdit, moins fortement sanctionné que les autres, soit aussi plus fréquemment rompu. Dans près de la moitié des instances de divorces motivées par l’adultère, l’homme accuse son épouse d’avoir eu des rapports sexuels avec un de ses frères, ou la femme accuse son mari d’avoir eu des rapports sexuels avec une de ses sœurs. À Chamula, il nous a été donné d’assister à une scène singulière, à l’occasion d’une double plainte d’adultère portée par un homme et la sœur de sa femme que leurs conjoints — des beaux-germains mu — trompaient mutuellement. Après avoir admonesté les coupables, les autorités communautaires invitèrent les deux plaignants à reprendre la vie commune avec leurs conjoints respectifs. Mais les plaignants refusèrent car ils venaient de décider de s’établir eux-mêmes maritalement22.
615. Les relations de parenté rituelle. — Si, malgré l’individualisme exacerbé qui imprègne actuellement les relations de parenté et d’alliance d’une méfiance profonde, génératrice d’anxiété, l’unité familiale parvient à conserver une certaine cohésion, c’est partiellement grâce aux liens de nature spirituelle qui se nouent entre ses membres.
62Dans la société ladina de San Cristobal, la réception de certains sacrements catholiques donne lieu à l’établissement de relations de parenté rituelle ou spirituelle. La législation ecclésiastique exige en effet que tout individu qui s’engage envers l’Église soit assisté d’un « parrain ». Ainsi, à l’occasion du baptême, l’enfant reçoit un parrain qui fait en son lieu et place profession de foi. A l’occasion de la confirmation, l’adolescent reçoit un nouveau parrain qui cautionne de son autorité les vœux qu’il prononce. Enfin, à l’occasion du mariage, chaque conjoint reçoit encore un parrain qui recueille le serment échangé par les époux. Le parrain doit témoigner des engagements contractés par son filleul, en garantir le respect, en assumer les conséquences spirituelles en cas de rupture. Il partage avec le père la responsabilité de son filleul, le père du filleul et le parrain de l’enfant étant aux yeux de l’Église des co-pères, des compadres. L’institution du parrainage recouvre donc deux relations : une relation primaire entre parrain et filleul d’une part, et une relation secondaire ou dérivée entre les co-pères de l’autre.
63Toutefois, cette institution religieuse du parrainage s’est rapidement laïcisée. Si le parrain s’entremet souvent encore pour apaiser les querelles dans le ménage de son filleul par exemple, il n’exerce plus aucun contrôle effectif sur la vie religieuse de celui-ci. Par contre, il doit aider et assistance matérielle à son filleul. Il est tenu de lui faire des cadeaux lors de sa fête ou de son anniversaire, de contribuer aux frais de sa scolarité en lui achetant des livres ou des cahiers, de veiller sur son avenir en aidant le père à lui trouver un emploi. Au cas où les parents viendraient à disparaître, le parrain se trouverait dans l’obligation d’accueillir son filleul orphelin et de le traiter comme son propre enfant. Aussi la coutume s’est-elle établie de choisir pour parrains à ses enfants des personnes de statut supérieur qui, par leur situation de fortune et par l’étendue de leurs relations, sont susceptibles de protéger leurs filleuls du besoin et peut-être même de faciliter ou d’assurer leur promotion sociale.
64Dans la société ladina, le prestige s’évalue notamment au nombre de filleuls possédés. En effet, plus un homme est influent, plus son parrainage sera sollicité. Inversement, plus un homme a de filleuls, plus il deviendra influent, car en échange de la protection qu’il accorde à son filleul, il recevra l’allégeance des parents de celui-ci. Si le parrain de l’enfant et le père du filleul se situent au même niveau social, cette allégeance demeurera symbolique. En revanche, s’ils se trouvent à des niveaux sociaux différents, elle se traduira par le versement de prestations en nature ou en travail dont la signification économique n’est pas négligeable. Le parrainage n’abolit pas la distance sociale, mais il permet d’étendre — et il est sciemment utilisé à cet effet — les liens de solidarité organique à l’extérieur de la famille, et de constituer ainsi des clientèles plus ou moins vastes.
65L’institution du parrainage a évolué différemment chez les ladinos et chez les Indiens. Tout d’abord, les Tzoltzil-Tzeltal n’acceptent d’autres sacrements que le baptême, de sorte qu’ils n’ont jamais qu’un seul parrain et que les relations de parrainage n’ont pas tendance à proliférer. Cette constatation initiale nous permet déjà d’écarter l’hypothèse émise par Gibson, selon laquelle les Indiens auraient adopté l’institution du parrainage afin d’assurer la sécurité de leur descendance dans un monde profondément perturbé par la conquête et la colonisation espagnoles, où l’existence se faisait de plus en plus précaire23. Si l’accroissement de la mortalité, au xvie siècle, dû aux exactions des colonisateurs et à la diffusion des maladies importées d’Europe, avait été la cause déterminante de l’adoption de cette institution, il est vraisemblable que la parenté rituelle aurait pris dans les communautés indiennes au moins autant d’ampleur que dans les agglomérations ladinas.
66En réalité, le parrainage tzotzil-tzeltal possède, comme le baptême auquel il est lié, un fondement maya préhispanique qui a conditionné les formes de son développement. Nous avons noté que tout l’univers indien est divisé en paires d’éléments égaux mais non équivalents, dont l’un est la réplique de l’autre, son substitut ou son doublet. Nous avons cité en exemple le cas des montagnes, des grottes et des fontaines, et montré que toute montagne « aînée » est accompagnée d’une montagne « cadette », toute grotte « majeure » d’une grotte « mineure », toute grande fontaine d’une fontaine plus petite qui est son kešol (tz.) ou jel’ol (tl.). Ce rapport qui s’établit entre deux termes analogues mais asymétriques — l’aîné et le cadet, le majeur et le mineur, le grand et le petit — et qui fait du second le remplaçant du premier, se retrouve au sein de la famille où l’enfant qui vient de naître est considéré comme le kešol d’un membre plus âgé du groupe familial.
67L’enfant n’est pas nécessairement le substitut fonctionnel de la personne dont il est le kešol. Le fils aîné n’est pas le kešol du père parce qu’il peut et doit le remplacer, et le fait que le petit-fils et le grand-père situent leurs relations sur un plan égalitaire et qu’ils se désignent dans certains cas du même terme mam, n’implique pas que le premier soit le kešol du second. La relation de kešol est une relation d’ordre mystique. Elle repose uniquement sur la possession d’un même type de wayojel, c’est-à-dire, d’un double-animal de la même espèce. De cette possession commune découle l’union spirituelle des possesseurs. La théorie veut que le père rêve ou « sente dans son cœur »24 le double-animal que son fils partage avec tel ou tel membre de la famille. Mais des signes fortuits peuvent influencer son sentiment. Lorsque l’enfant naît avec une abondante chevelure, il dira que son wayojel est un singe. Lorsqu’il montre à sa naissance des signes de robustesse et de vivacité, il dira que son wayojel est un animal fort, un ocelot par exemple. Il recherchera alors le parent qui possède un double-animal identique et dont l’enfant est par conséquent le kešol. Le parent ainsi déterminé donnera à l’enfant son propre prénom et il devra lui servir de parrain de baptême. Si deux personnes apparentées ont le même prénom, c’est qu’elles ont le même wayojel, soit que la première est le kešol de la seconde, soit que l’une et l’autre sont les kešol d’un parent tiers qui est leur parrain commun. En effet, si l’on n’a qu’un seul parrain, on peut toujours avoir différents kešol.
68La détermination du parrain n’est donc pas l’objet d’un choix de l’enfant ou de ses parents. On ne peut avoir pour parrain que la personne avec laquelle on partage le même wayojel, et cette personne ne peut être qu’un parent car les wayojel se transmettent de génération en génération à l’intérieur des groupes de descendance25. L’étude statistique de cette relation montre que les parrains sont toujours des membres de la patrilignée, même dans les communautés comme Chamula où l’organisation sociale est largement bilatérale. La plupart des liens de kešol peuvent être réduits en trois modèles. Dans le premier modèle, l’enfant apparaît comme le kešol du frère du père ; c’est donc l’oncle paternel qui est le parrain. Dans le deuxième modèle, il est le kešol du père du père ; en conséquence son parrain est le grand-père paternel. Enfin, dans le troisième modèle, il est le kešol du frère du père du père, son parrain étant dans ce cas le grand-oncle paternel.
69La relation de parrainage ne modifie pas la relation de parenté à laquelle elle se superpose. Parrain et kešol s’appellent par les termes de parenté correspondants, et non par les termes de « parrain », « filleul » ou « kešol ». Ils se comportent réciproquement comme se comporterait n’importe quelle personne entrant dans le même rapport de parenté. Le parrain ne s’attend pas à ce que son kešol lui témoigne des marques d’affection ou de respect qu’il ne soit déjà en droit d’attendre de lui, du fait de leur situation respective dans la configuration familiale. Mais ces marques d’affection ou de respect sont plus rigoureusement exigées, et le manquement au parent avec lequel on est uni par le double lien de parenté biologique et de parenté rituelle est considéré comme bien plus grave qu’un manquement au parent avec lequel on n’est uni que par le premier de ces liens. En revanche, le fait d’être le parrain du fils ou le père du kešol abolit la relation antérieure de parenté. Les frères, le père et le fils, l’oncle et le neveu, dont l’enfant de l’un est le kešol de l’autre, se traitent de compadres. Ils font largement abstraction dans leurs rapports, de leur âge relatif et de la génération à laquelle ils se situent respectivement. Ils se reconnaissent des privilèges et des obligations qui ne sont pas (ou ne sont plus) inscrits dans le système de parenté. Ils se doivent mutuellement aide et assistance, nul ne pouvant laisser son compadre sans recours, en ne commettant pas une faute grave et en ne s’exposant pas à de sévères sanctions surnaturelles.
70Le parrainage ladino et le parrainage indien se fondent donc sur deux ensembles conceptuels différents. Il est néanmoins frappant de constater qu’ils ont subi la même évolution. L’un et l’autre mettent en cause moins un homme et un enfant que deux hommes par l’intermédiaire d’un enfant. L’enfant n’est que l’instrument par lequel s’établit un rapport privilégié entre les adultes. La relation de co-pairage l’emporte dans les deux cas sur la relation de parrainage proprement dit. Mais — et c’est là où s’arrête l’analogie — alors que chez les ladinos cette relation est utilisée pour étendre les liens familiaux, elle n’a pour les Tzotzil-Tzeltal d’autre but que de les maintenir et d’en resserrer la trame. La parenté rituelle ladina prolonge les rapports de parenté biologique. La parenté rituelle indienne se superpose à ces rapports et les étaye afin d’en empêcher l’effritement complet et définitif.
Notes de bas de page
1 Remesal, Antonio de, Historia general de las Indias occidentales y particular de la gobernación de Chiapa y Guatemala, Madrid, 1620, p. 302.
2 Arte de la lengua tzotzlem o tzinacanteca, con explicación del ano solar y un tratado sobre las cuentas de los Indios en lengua tzotzlem, Bibliothèque nationale de Paris, manuscrits mexicains, no 411. Nous le désignerons dans le texte par Arte.
3 Libro que se trata de la lengua tzotzil con vocabulario, doctrina cristiana, formulario para administrar los santos sacramentos, confesionario y sermones en la misma lengua tzotzil, Bibliothèque nationale de Paris, manuscrits mexicains, no 412. Nous le désignerons dans le texte par Libro.
4 Breve explicaciôn de la lengua tzotzil para los pueblos de la provincia de los Chiapas, Bibliothèque nationale de Paris, manuscrits mexicains, no 413. Nous le désignerons dans le texte par Breve explicaciôn.
5 Placé en annexe de l’Historia de las sublevaciones de indígenas habidas en el Estado de Chiapas, San Cristobal, 1888.
6 Villa Rojas, Alfonso, MACAS, no 7, microfilm collection. Université de Chicago.
7 Sousberghe, L. de, et C. Robles Uribe, « Nomenclature et structure de parenté des Indiens Tzeltal », L’Homme, vol. II, no 3, 1962. Mais les auteurs commettent l’erreur de donner pour caractéristique de toutes les communautés tzeltal l’emploi réciproque de mam qui n’apparaît en fait que dans certaines d’entre elles.
8 Guiteras Holmes, Calixta, « Sistema de parentesco huasteco », Acta Americana, vol. VI, nos 3-4, 1948.
9 Parmi ces termes cités par le dictionnaire de Motul, mentionnons :
zucun : frère aîné et père du père ;
ca-zucun : cousin plus âgé et arrière-grand-père ;
idzin : germains cadets et petits-enfants d’un homme ;
ca-idzin : cousin ou cousine plus jeune et arrière-petits-enfants d’un homme ;
icham : époux ;
ca-icham : grand-père d’une femme et petit-fils d’une femme ou époux de sa petite-fille.
atan : épouse ;
ca-atan : épouse du petit-fils d’un homme et mère de la mère d’un homme.
10 Villa Rojas, Alfonso, op. cit.
11 Romero Castillo, Moisés, « Algunas observaciones sobre la dialectología tzeltal », Anales del INAH, t. XIII, 1960. Romero pense que nan est un emprunt nahua. On voit mal par quelle voie cet emprunt se serait effectué, étant donné que les Tzeltal — à la différence des Tzotzil — ne semblent pas avoir eu de contacts directs avec les Aztèques. Remarquons d’autre part, que nan se rencontre avec le même sens dans de nombreux groupes mayas.
12 Sousberghe, L. de, et C. Robles Uribe, op. cit., p. 111.
13 Mead, Margaret, The changing culture of an Indian tribe, New-York, 1932, p. 79.
14 Tax, Sol, « The social organization of the Fox Indians », in Fred Eggan, Social anthropology of North American tribes, Chicago, 1937.
15 Nett, Betty, « Historical changes in the Osage kinship System », Southwestern Journal of Anthropology, no 8, 1952.
16 Villa Rojas, Alfonso, op. cit.
17 RMNP.
18 C’est le cas de bankil qui, à Chamula, désigne actuellement le frère aîné d’un homme ou d’une femme.
19 Il est curieux de constater que la croyance des Tzotzil-Tzeltal en l’insatisfaction sexuelle de leurs femmes coïncide avec celle des ladinos de San Cristobal qui présentent les viols rituels d’Indiennes auxquels ils se livrent, presque comme des entreprises caritatives destinées à « compenser les insuffisances » des maris indiens.
20 Nous entendons par là la consommation solitaire et privée d’alcool qui est sévèrement réprimée, et non la consommation publique ou cérémonielle de poš, qui est non seulement valorisée mais encore rendue obligatoire.
21 Paul, Benjamin, « Symbolic sibling rivalry in a Guatemalan Indian village », American Anthropologist, vol. LII, no 2, 1950.
22 Ces comportements entre beaux-frères et belles-sœurs sont particulièrement congruents avec la pratique déjà signalée de la polygynie sororale. Rappelons cependant que Murdock donne la polyginie sororale pour incompatible avec un système de parenté Omaha. (Murdock, George P., Social Structure, New-York, 1949, pp. 236-40.
23 Gibson, Charles, The Aztecs under the Spanish rule, Stanford, 1964, p. 152.
24 L’expression tzotzil que nous rendons par « sentir dans son cœur » signifie rêver » ou « induire » à partir de signes fortuits.
25 Ainsi est-il rare qu’un Tzotzil-Tzeltal ait pour parrain un ladino. Certains ladinos qui croient manifester leur bienveillance à l’égard des Indiens en revendiquant le parrainage d’un de leurs enfants, les plongent en fait dans la plus grande perplexité. Les Indiens résolvent le problème de cette manière : soit l’enfant reçoit deux parrains et deux noms, l’un officiel c’est-à-dire inscrit sur les registres ecclésiastiques, et qui sera rapidement oublié, l’autre officieux qui est celui imposé par la relation kešol ; soit l’enfant est baptisé deux fois, la première avec son parrain ladino, la seconde avec son parrain « véritable », son parrain indien.
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