L’industrie chimique au Mexique1
p. 75-88
Texte intégral
1Le Mexique fut de prime abord connu de l’Europe par la richesse de ses ressources minérales. Les Espagnols partis à la poursuite de « l’Eldorado » parcoururent de long en large sa surface à la recherche des métaux précieux. Ils trouvèrent en abondance l’or et l’argent et avec eux d’autres minerais auxquels ils accordèrent peu d’importance, sauf dans des cas très particuliers. Cela fit que pendant quatre cents ans le Mexique fut réputé dans le monde entier comme un pays de mines où il suffisait d’un peu de chance pour faire fortune.
2Dès avant l’arrivée des Européens, les Indigènes connaissaient les métaux comme l’or, l’argent et le cuivre qu’ils savaient obtenir par des procédés aujourd’hui oubliés et qu’ils travaillaient avec art pour en faire des parures, des armes ou des instruments de travail.
3Sous l’influencé espagnole, le pays prit rapidement la première place comme producteur d’argent. Cette place, il ne l’a jamais perdue. Encore aujourd’hui, après quatre cents d’exploitation plus ou moins intense, c’est de ses mines que viennent plus de 45 % de la production mondiale.
4La révolution industrielle de l’Europe donna soudain une grande valeur aux minerais autrefois méprisés et de nombreux gisements furent mis en exploitation.
5A l’heure actuelle, le Mexique produit, en dehors de ceux qui ont fait sa renommée, une gamme très ample de métaux et de métalloïdes dont la valeur atteint 20 × 109 chaque année et qui représentent une ressource de première importance dans son commerce international.
6Citons : Pb, Zn, Cu, Mn, Fe, Cd, Sb, Hg, Ni graphite, Spath fluor, As, Bi, Sn, charbon et soufre.
7Disons en passant que jusqu’à une date récente seuls l’or, l’argent et le minerai de fer étaient traités et transformés totalement dans le pays. Le reste était simplement rassemblé et vendu à l’extérieur.
8Ajoutons que le pétrole et le gaz naturel sont extrêmement abondants, que les dernières explorations des bassins houillers du Nord ont prouvé que les réserves de charbon surpassent en volume et en valeur celles de pétrole et que des découvertes récentes ont mis à jour l’existence dans l’isthme de Tehuantepec d’immenses dépôts de soufre dont l’importance, croit-on, dépasse celle des gisements du Texas et de la Louisiane.
9On trouve aussi, quoique sur une échelle moins importante, des sources naturelles de carbonate de sodium et d’autres sels. A côté de la ville de México, le lac de Texcoco contient environ 100 millions de tonnes de carbonate et à Viesca les dépôts de sel gemme contiennent des quantités suffisantes pour ravitailler pendant des centaines d’années une industrie plus active que la nôtre.
10Ces conditions pourraient à elles seules faire du pays un lieu d’élection pour une industrie de chimie minérale très importante. Mais elles ne sont pas seules à agir. A côté des minerais, on trouve une végétation spontanée ou cultivée tellement variée que de nombreuses matières premières, fort rares sous d’autres latitudes, peuvent être trouvées en abondance.
11Ajoutons pour finir ce bref exposé des conditions générales que les ressources hydrauliques pour la production d’électricité ne font pas défaut et que leur développement déjà entrepris doit à brève échéance fournir du courant en abondance et à bas prix de revient, ce qui certainement stimulera l’adoption des procédés électrolytiques ou à l’arc dans de nombreux cas où ceux-ci présentent des avantages techniques ou représentent des économies d’investissement.
12On voit donc que le Mexique est par la diversité de ses matières premières, par leur abondance et par les circonstances qui accompagnent ce fait, prédestiné à devenir le siège d’une forte industrie chimique. Cette situation qui est le propre des pays profondément transformés et à riche économie ne fait que naître dans notre pays. C’est seulement au cours des vingt dernières années que la transformation a commencé et que nous sommes entrés dans une nouvelle période d’évolution.
13La Deuxième Guerre mondiale provoqua de telles crises dans le ravitaillement des produits chimiques nécessaires aux manufactures et à l’agriculture que l’on chercha par tous les moyens à y suppléer. On improvisa, on construisit des usines de fortune qui se mirent à produire en petite quantité les produits les plus indispensables. Ces usines ne furent en fait que des usines pilotes où les problèmes particuliers que posaient les matières premières mexicaines furent étudiés et résolus. Mais à quel prix ? Il était impossible de concurrencer les produits importés redevenus disponibles à la fin de la guerre, si on ne modifiait pas la fabrication.
14Pendant ce temps l’exportation des matières premières stratégiques avait permis d’accumuler une forte réserve de devises que l’on décida d’employer à l’acquisition des biens de production qui devraient servir à la transformation de l’économie nationale.
15Des hommes entreprenants réussirent à orienter une partie de ces capitaux vers l’industrie chimique et ses nouveaux objectifs. La Nacional Financier a et l’Exim Bank accordèrent des crédits et l’industrie chimique entra en pleine évolution.
16Voyons le tableau qu’elle présente aujourd’hui et comment le pays exportateur de matières premières et importateur de produits finis ou semi-ouvrés a réussi à renverser les termes quoique non encore de manière totale.
17Avant de décrire l’état dans lequel se trouvent les différentes fabrications, disons que l’exploration pour la recherche de nouvelles matières premières a continué pendant ces dernières années et qu’elle a été poussée surtout dans la partie nord du pays. Cette exploration a permis de trouver des ressources en nickel, cobalt, chrome, titane, beryllium et uranium qui viennent enrichir le patrimoine déjà opulent de notre pays.
Les pétroles
18Ce sujet sera traité d’une manière approfondie dans une conférence qui lui sera entièrement consacrée. Il trouve cependant une place dans tout exposé sur l’industrie chimique et ne peut donc pas être passé sous silence.
19En 1938, après la nationalisation de l’industrie des pétroles, celle-ci étant devenue une affaire d’État, le Gouvernement mexicain prit à sa charge son développement. La réorganisation qu’elle subit comprit les travaux d’exploration, de production et de distribution.
20Pendant les années suivantes l’exploration géologique et les forages furent poussés avec vigueur et ils amenèrent la découverte de nouveaux champs, de sorte que les réserves connues et la production furent simultanément accrues.
21La production en particulier fut stimulée par l’accroissement extraordinaire de la consommation nationale de combustibles et de lubrifiants, elle-même fonction du nombre toujours croissant de tracteurs, d’automobiles et de nouvelles usines.
22La consommation d’essence et de gas-oil quintupla. Celle de pétrole brut fut multipliée par sept et celle de lubrifiants vit son volume surpasser par plus de 300 % les résultats précédents. Tout cela dans la période de 1938 à 1952.
23Pour pouvoir suffire à ces besoins, Pemex modernisa cinq de ses raffineries les plus anciennes, y installa de nouveaux ateliers et en augmenta la capacité. Trois nouvelles raffineries furent construites à des emplacements stratégiques. Toutes les installations de Pemex furent reliées par un réseau de « pipe-lines » dont la longueur totale atteint 4 000 km.
24En 1954, une installation pour la production de lubrifiants et de paraffine fut inaugurée à Salamanca près du centre géographique du pays, elle doit en satisfaire les besoins.
25Toutes les nouvelles installations ont été réalisées d’accord avec les derniers développements de la technique. Leur agencement, leur outillage, leur entretien et leur rendement les placent parmi les meilleures du monde.
26Depuis 1948, une grande importance a été accordée à l’utilisation du gaz naturel. Cette immense richesse qui était autrefois brûlée sans profit pour personne dans d’énormes brûleurs dont la lueur pouvait être aperçue à 20 km. de distance est maintenant mise au service de l’industrie. On en extrait d’abord des produits lourds, notamment du soufre. Les gaz légers dont le pouvoir calorifique est de 10 000 calories au mètre cube sont livrés à la consommation dans des conditions exceptionnellement avantageuses.
27Tous les combustibles industriels produits par Pemex sont vendus d’après le pouvoir calorifique au taux de $ 8.00, équivalant à 225 francs le million de grandes calories.
Le charbon et le minerai de fer
28La houille est amplement répartie dans différentes régions du pays. Les centres miniers les plus importants se trouvent dans le bassin de Sabinas, dans l’État de Coabuila au Nord-Est du pays. Les réserves connues de ce bassin sont estimées à 1 250 millions de tonnes.
29Cette houille présente de bonnes qualités de cokéfaction. Sa teneur en carbone fixe varie entre 60 et 65 %. Les produits volatils s’y trouvent à la teneur de 22 à 25 % et les cendres représentent de 15 à 17 %. Elle est employée principalement à la production de coke métallurgique. En 1953, la production de coke fut de 400 000 tonnes.
30En 1954, une nouvelle cokerie fut mise en service à Monclova afin de ravitailler la grande usine sidérurgique de Altos Hornos de México. La capacité de cette installation fut déterminée sur la base de 65 000 tonnes de bouille à traiter par mois pour en obtenir 42 000 tonnes de coke.
31Cette grande cokerie quoique déjà en marche ne travaille pas encore à plein rendement, les besoins en coke pour le moment étant inférieurs à sa capacité dont seulement la moitié est utilisée.
32Les sous-produits, benzène, toluène, xylène, etc., sont recueillis et livrés à l’industrie notamment pour la fabrication d’insecticides.
33Au total, le Mexique dispose à cette date de près de 800 000 tonnes de coke et cette production est suffisante pour maintenir en activité les quatre hauts-fourneaux des deux grandes usines sidérurgiques, Altos Hornos et Cia, de México Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey.
34Le minerai de fer est obtenu principalement des gisements de Durango et Coahuila. D’autres gisements très importants, notamment celui de las Truchas dans l’État de Michoacán, portent les réserves connues à près de 400 millions de tonnes. Ces derniers gisements ne sont pas encore exploités et la grande concentration métallurgique mexicaine se trouve à Monterrey et à Monclova, à une distance raisonnable des mines de houille.
35La production de fonte en 1955 fut de 380 000 tonnes et celle d’acier de 632 000 tonnes grâce à l’emploi de grosses quantités de ferraille.
36Les installations réalisées permettent de prévoir que dans un avenir très proche la production de fonte pourra dépasser 800 000 tonnes et celle de lingots d’acier plus d’un million, à mesure que le marché sera développé.
Le soufre et l’acide sulfurique
37Depuis quatre cents ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée des Espagnols, du soufre était obtenu au Mexique mais en trop petite quantité et notre pays n’était pas considéré comme un pays de production de soufre. L’insuffisance de la production domestique était marquée par des importations qui variaient entre 5 et 10 000 tonnes chaque année.
38La demande mondiale de soufre s’étant fortement accrue dans les dernières années, on accorda plus d’importance à la recherche de cet élément. Les prospections entreprises aboutirent à la découverte de plusieurs dépôts. En particulier les gisements de l’isthme de Tehuantepec, dont l’exploration n’est pas achevée paraissent être d’une immense capacité. A lui seul, le domaine de San Cristobal possède un gisement de 10 millions de tonnes. En 1956, on espère en obtenir 600 000 tonnes.
39A partir de 1951, le ravitaillement domestique fut assuré par Pemex. Une installation pour l’épuration du gaz naturel des champs pétrolifères de Poza Rica fut faite dans le but d’éliminer l’hydrogène sulfuré dont le gaz était souillé dans une proportion de 3,5 %.
40L’absorption de gaz acides par le procédé Girbotol permet de séparer l’hydrogène sulfuré lequel est ensuite soumis à un traitement catalytique qui en sépare les éléments. Le soufre obtenu à l’état de vapeur est lavé dans des scrubbers avec du soufre fondu. Le produit obtenu est d’une pureté remarquable atteignant 99,75 % de soufre avec absence totale d’arsenic et seulement des traces de cendres.
41Cette installation, qui à ses débuts produisait 120 tonnes de soufre par jour, a été agrandie depuis et livre en ce moment à la consommation 250 tonnes par jour, c’est-à-dire près de 80 000 tonnes par an.
42Dix usines produisent près de 100 000 tonnes d’acide sulfurique par an. Elles emploient toutes le procédé de contact avec catalyseur au vanadium. L’une d’entre elles, celle qui est exploitée par la Société Guanos y Fertilizantes de México, produit à elle seule plus de 60 000 tonnes. Son agencement automatique permet de n’employer que 4 hommes par poste de 8 heures de travail.
43Cette usine ainsi que sept autres emploient comme matière première le soufre à l’état brut. Deux usines emploient les gaz de grillage des minerais de plomb et de zinc. Aucune usine n’emploie les pyrites de fer qui cependant se trouvent en abondance dans le pays.
44La plus grande partie de l’acide sulfurique est employée à la fabrication d’engrais notamment : sulfate d’ammonium et superphosphate.
45Des projets pour l’obtention d’oleum sont déjà à l’étude.
Les engrais
46Plusieurs firmes s’occupent de la fabrication d’engrais, mais cette branche de production est dominée par la Régie d’Etat Guanos y Fertilizantes de México laquelle exploite quatre usines. La principale d’entre elles, située à Cuautitlán près de México, produit de l’ammoniaque synthétique, de l’acide sulfurique, dont nous avons déjà parlé, du sulfate d’ammonium à 20,5 % de N et du super à 19 % de P2O5.
47Cette usine inaugurée en 1951 marqua un immense progrès dans l’industrie chimique nationale. Son agencement en fait une des installations les plus parfaites de continent américain. Son exploitation dont l’automatisme a été poussé à l’extrême a été couronnée de succès dès le début, tant du point de vue du rendement et de la facilité de son entretien, que du point de vue économique.
48La matière première pour la préparation de l’hydrogène est fournie par le gaz naturel de Poza Rica à 82 %, de méthane. Ce gaz est, par un procédé de reformation catalytique sous l’action de la vapeur d’eau, dédoublé en H et CO2. L’hydrogène mélangé à l’azote de l’air est comprimé à 250 kgm. au centimètre carré et transformé en ammoniaque dans des convertisseurs qui emploient la magnétite réduite comme catalyseur. Le CO2 jusqu’à présent rendu à l’atmosphère sera bientôt utilisé pour la production d’urée.
49Pratiquement, toute l’ammoniaque est fixée par l’acide sulfurique produit dans la même usine sous forme de sulfate. Cette installation produit au total de 60 à 70 000 tonnes de sulfate d’ammonium par an.
50A côté de la préparation de l’ammoniaque, on a récemment mis en marche un atelier produisant du super avec les excédents d’acide sulfurique. La capacité de cet atelier est de 4 000 tonnes par mois.
51Les trois autres usines qu’exploite Guanos, sont installées, la première à México, où l’on fabrique de la colle, de la farine d’os et du super d’os, la seconde à San Luis Potosí où l’on obtient annuellement près de 75 000 tonnes de super à 19 %. Enfin la troisième, située à Guadalajara, s’occupe principalement du traitement en vue de l’homogénisation du guano ramassé sur les îles du littoral du Pacifique.
52La production de Guanos y Fertilizantes de México même augmentée de celle des autres firmes est loin de satisfaire les besoins du pays en engrais. De fortes importations se font chaque année, aussi de nouveaux projets ont été étudiés pour suivre les programmes que le gouvernement s’est tracé.
53Presque entièrement entre les mains de l’État, la production d’engrais le sera bien moins dans un avenir très proche. Des pourparlers à notre gré beaucoup trop longs ont enfin abouti avec une grande maison française, les Manufactures de glaces et Produits chimiques de Saint-Gobain, Chauny et Cirey.
54Cette firme soutenue par la B. N. C. I., en collaboration avec notre « Nacional Financiera » et le capital privé mexicain, entreprendra cette année même la contruction d’une grande usine destinée à produire de l’ammoniaque synthétique à raison de 90 tonnes par jour qui sera transformée 50 % en nitrate et 50 % livrée à la consommation sous forme anhydre.
55Ceux qui comme nous ont le cœur si fortement attaché à tout ce qui a rapport à la France ne peuvent que se féliciter de cette heureuse association.
Les alcalis
56Le lac de Texcoco tout à côté de la ville de México représente la principale source d’alcalis. Ce lac en partie desséché contient du carbonate et du bicarbonate de sodium, ses eaux et son rivage sont fortement imprégnés de ces sels. Ses réserves sont évaluées à 100 millions de tonnes sur la base du carbonate. Les saumures de ce lac sont concentrées dans un évaporateur solaire en forme de colimaçon dont la surface dépasse 1 000 hectares. Les solutions faibles entrent par la périphérie et sont extraites une fois concentrées par le centre. La concentration et l’épuration finales sont faites dans l’usine que Sosa Texcoso, S. A., a installée en 1947 et dont la production atteint 100 tonnes par jour de carbonate à 98,4 %. Une partie s’y trouve transformée par traitement à la chaux en soude caustique.
57Deux usines appartenant à Productos Quimicos Mexicanos, S. A., et Industria Nacional Quimico Farmaceutica produisent de la soude électrolytique, la première dans des cellules à diaphragme et la seconde dans des cellules au mercure. Leur production totale ne dépasse pas 6 000 tonnes par an.
58Disons en passant que les industries électrolytiques jouissent des contrats spéciaux de courant à bas prix.
Le ciment et le verre
59Le développement du pays, le déplacement de la population vers les villes, la construction de routes et de barrages ont fortement stimulé la production de ciment. Il y a en ce moment 18 usines qui disposent au total de 50 fours tournants avec une capacité globale de 8 000 tonnes par jour. La production totale dépasse 2 millions de tonnes par an, elle suffit pour le moment à satisfaire les besoins du pays. Les ciments mexicains sont réputés pour leur bonne qualité.
60L’industrie du verre est représentée par 9 usines possédant au total 37 fours. Leur production couvre à peu près 90 % des besoins nationaux en bouteilles, flacons, verre à vitres et miroirs. D’autre part, une usine produit du verre blanc et neutre employé à la fabrication d’ampoules, de seringues et thermomètres.
Autres produits minéraux
61Une des plus vieilles usines de produits chimiques du pays « La Viga » qui appartenait autrefois à des intérêts allemands, produit les sulfates de sodium, de magnésium, de fer et d’aluminium. Elle produit aussi de l’hyposulfite de sodium et du gaz carbonique liquide. Cette usine située à México a été débordée par le développement de la ville doit prochainement être transférée à un autre emplacement et à cette occasion ses installations seront modernisées et la gamme de ses produits sera augmentée.
62Productos Quimicos Mexicanos et Hard Chemical Works à México même et Productos Quimicos de Monterrey à Nuevo León sont des firmes très actives dans le domaine des acides minéraux. Elles produisent de l’acide azotique à partir du nitrate de sodium, de l’acide chlorhydrique par attaque du sel marin ou bien par synthèse à partir du chlore et de l’hydrogène.
63Le chlore est obtenu, nous l’avons dit déjà, par électrolyse, une partie est liquéfiée, le reste est transformé en hypochlorite de calcium ou en chlorate de potassium, mais l’insuffisance du marché entrave le développement des usines qui produisent le chlore par électrolyse.
64La production des deux usines dont nous avons cité les noms dépasse les besoins du pays.
65Avant de quitter les procédés électrolytiques disons qu’une petite usine produisant de l’eau oxygénée à 35 % fonctionne et tend à remplacer le chlore et les hypochlorites comme agent de blanchiment dans les installations textiles modernes.
66« Cobre de México » dont la principale activité est le raffinage électrolytique du cuivre obtient comme sous-produit du sulfate de cuivre a raison de 2 000 tonnes par an. Ce sel est presque totalement employé pour la préparation de la bouillie bordelaise dans la lutte contre les champignon des cultures. Le cuivre raffiné dont la production s’élève à 30 000 tonnes par an est en grande partie exporté.
67Les principaux pigments minéraux employés dans la préparation des peintures sont fabriqués au Mexique. Pigmentos de México, S. A., et d’autres usines produisent du blanc de zinc et du lithopone en quantité suffisante pour les besoins. D’autres producteurs livrent des sels de plomb et de fer. Néanmoins, certaines couleurs sont encore importées en quantités considérables, notamment le bleu d’outre-mer.
68Il y a plusieurs usines qui produisent le gaz et la neige carboniques, soit à partir de sources naturelles de CO2 ou par récupération des produits de la combustion dans les chaudières.
69Disons pour finir que des produits comme le carbonate de calcium précipité, celui de magnésium, le sulfate de baryum, le silicate de sodium, le chlorure de calcium, le nitrate d’argent et l’oxyde d’antimoine ainsi que le carbure de calcium et l’oxygène peuvent être obtenus en quantités suffisantes en se contentant de la production nationale.
70La valeur des importations de produits chimiques varie aux environs de 700 millions de pesos par an, ce qui représente à peu près 10 % des importations totales. Les produits minéraux importés comptent dans ce total pour 110 millions de pesos.
La chimie organique
71Il y a au Mexique huit principaux producteurs de coke, mais seulement deux d’entre eux font la récupération des sous-produits. La Cia Carbonífera de Sabinas installée à Nueva Rosita, Coahuila, produit chaque année 1 600 tonnes de goudron, 6 700 tonnes de créosote, 3 000 tonnes de benzène et 3 600 tonnes de sulfate d’ammonium. La nouvelle installation de la Cía Mexicana de Coke y Derivados qui travaille seulement à 50 % de sa capacité produit des quantités comparables des mêmes produits, mais y ajoute le toluène, le xylène, l’anthracène et le naphtalène. L’usine sur le point d’être complétée apportera un appoint de première importance à la production des dérivés de la houille et stimulera la fabrication d’un grand nombre de produits organiques.
72Déjà depuis près de deux ans, une usine pour la fabrication d’hexachlorocyclohexane ou B. H. C. a été montée par l’Industria Nacional Quimico Farmaceutica, S. A. Cette firme qui s’est assuré la collaboration d’une maison allemande a eu beaucoup de déboires et de difficultés de mise en marche, aussi sa production jusqu’à présent est-elle négligeable.
73De nouveaux projets dont l’étude est très avancée ont été faits pour l’installation à Monclova d’une usine pour la production de D. T. T., seul produit qui mène une lutte efficace contre la Pechtynophora Gossypiella, ce fléau des plantations de coton. Ce projet est assuré de trouver un marché très vaste et tout prêt. Les importations d’insectides essentiellement variables par nature se situent aux environs des chiffres suivants.
74B. H. C. à 12 % d’isomère : 7 000 tonnes ; D. T. T. à 100 % : 3 000 tonnes ; toxaphène : 3 000 tonnes. L’industrie des insecticides chlorés se trouve donc devant un avenir très prometteur une fois que le ravitaillement domestique de matières premières sera assuré.
75L’acide acétique et l’acétone sont produits en quantités par trop limitées et proviennent de petites installations de carbonisation de bois. La politique nationale de conservation des forêts entrave leur développement qui cependant pourra être repris une fois que les méthodes d’exploitation rationnelle auront été dûment réglementées.
76Le Mexique est grand producteur de térébenthine. Il occupe même une place honorable parmi les producteurs mondiaux après les États-Unis, la France, l’Espagne, la Grèce et l’Inde.
77La production mexicaine d’essence de térébenthine localisée dans les États de Durango et Michoacán est presque totalement exportée vers les États-Unis.
78La production d’alcool qui atteint 45 millions de litres par an est obtenue par la fermentation des mélasses de sucrerie. Malheureusement, tout cet alcool qui est livré au commerce sous forme potable est aussitôt transformé en boissons et eaux-de-vie de médiocre qualité !
79Le Mexique, nous le voyons, fabrique un grand nombre de produits chimiques de base, mais la plus grande partie des produits transformés doit encore être importée, en particulier les matières colorantes. Ces importations eurent en 1953 une valeur de 237 millions de pesos.
80Pemex et Celanese Mexicana chacun de son côté se proposent de développer l’industrie pétrochimique dans le but principal de fournir à l’industrie des fibres synthétiques les produits intermédiaires qu’elle emploie. On est donc fondé à prévoir qu’une plus grande activité dans le champ des produits de la distillation de la houille associée à la pétrochimie mettra sur le marché une gamme très ample de produits intermédiaires qui, à leur tour, stimuleront la fabrication de nouveaux produits organiques de synthèse.
L’industrie pharmaceutique
81L’industrie pharmaceutique forme un des principaux piliers de la chimie mexicaine. Un grand nombre de laboratoires montés avec l’outillage et la technique modernes ont porté les investissements dans cette branche à plus de 500 millions de pesos.
82Les produits chimiquement purs ou à norme pharmacopée sont représentés par le sel de Glauber, le sulfate de magnésium, le calomel, les oxydes de mercure, l’eau oxygénée dont la production domestique ainsi que celle de glycérine, éther et d’huile de ricin ont complètement éliminé les importations correspondantes.
83Une foule d’extraits d’origine végétale ou animale, des extraits de foie, des hormones, les acides cholique et hydrocholique sont produits localement. Un certain nombre de laboratoires sont spécialisés dans la préparation de vaccins et d’autres produits biologiques.
84Le plus grand nombre des laboratoires est engagé dans la préparation d’une grande variété de spécialités médicinales dont la base se trouve dans l’importation de produits chimiques tels que les antibiotiques, les vitamines, les alcaloïdes.
85Cette jeune industrie a réussi à réduire la proportion des importations de médicaments à 25 % de la valeur totale du commerce de cette branche et a d’autre part stimulé le développement d’industries accessoires. Enfin, elle a réussi aussi à se tailler une part du marché de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud en concurrence avec les producteurs européens et américains. Cette part, aussi petite soit-elle, sept millions de pesos seulement en 1953, n’en est pas moins significative.
86La Société Anonyme Syntex occupe dans l’industrie pharmaceutique mexicaine une place d’honneur. Elle est arrivée en effet à révolutionner le marché mondial des hormones depuis quelques années par ses méthodes de fabrication de la progestérone sur une grande échelle et à bas prix, en utilisant comme matière première une iguame mexicaine, la « cabeza de negro ».
87La fabrication de la progestérone a été suivie de la synthèse d’autres hormones stéroïdes telles que la testostérone, la pégnolone et l’estradiol. Les recherches de cette firme aboutirent à la synthèse totale et à la production sur une grande échelle de l’hydrocortisone.
Le sucre et l’amidon
88La production de canne à sucre qui depuis 1955 dépasse 10 millions de tonnes a permis de porter la production de sucre raffiné à 800 000 tonnes par an à 164 000 tonnes de mélasses. Le Mexique commence à avoir des excédents exportables, mais jusqu’à présent les conventions internationales ne lui ont accordé qu’une quote-part trop petite du commerce mondial et les excédents continuent à s’accumuler.
89Les grandes centrales sucrières peuvent être citées avec fierté comme des modèles d’agencement et d’organisation comme par exemple San Cristobal, dont la capacité de traitement dépasse 8 000 tonnes de canne à sucre par jour, Zacatepec 4 000 tonnes, Mante 2 000, Atencingo 2 000, etc., Sanatone 2 000, Xicotencatl 2 000.
90Productos de Maiz, S. A., à Guadalajara est installé pour traiter 30 000 tonnes de maïs par an. Son principal produit est l’amidon, mais il livre à côté à la consommation des dextrines, du glucose, de l’huile de maïs et des produits alimentaires concentrés suivant le style américain.
Cellulose, fibres synthétiques et papier
91Des quantités restreintes de cellulose sont produites par l’industrie mexicaine, mais elles ne suffisent pas à la consommation nationale. Des importations autrefois dépassant 100 millions par an tendent à diminuer à mesure que l’intégration des usines domestiques s’achève, en 1953 et 1954, elles ne furent que de 39 et 41 millions respectivement.
92La papeterie est représentée par 14 usines qui produisent notamment du kraft et du demi-kraft à partir de cellulose obtenue des bois de pin de Jalisco, Colima et México augmentée par de la cellulose importée.
93Le papier journal est importé pour la totalité de la consommation, aussi les efforts se portent sur l’installation d’une usine de pâte mécanique à Oaxaca. Simultanément deux autres projets se trouvent en cours d’exécution, l’un à Chihuahua avec le concours de la firme italienne Snia Viscosa, l’autre au Michoacan avec l’aide de capitaux français.
94La réalisation de ces projets permettra au Mexique d’arrêter totalement des importations de papier dont le montant a varié chaque année de 150 à 200 millions de pesos. Ces importations représentent sensiblement 50 % de la consommation totale.
95En 1947, Celanese Mexicana, S. A., installée à Jalisco mit sur le marché les premières fibres synthétiques de fabrication nationale. Depuis, trois autres usines ont été amalgamées à Celanese Mexicana. L’investissement total pour le groupe est de 350 millions de pesos. La production pour 1953 fut de 6 600 tonnes de rayonne viscose et de 7 700 tonnes à l’acétate. La plus grande partie des matières premières et des produits intermédiaires est importée, mais le programme d’expansion du groupe comprend la production locale des intermédiaires et une augmentation sensible de la capacité.
Le caoutchouc et les matières plastiques
96On trouve dans les régions semi-arides de notre pays un buisson : le guayule qui croît spontanément et qui produit du latex. Cet arbuste a été exploité pendant la guerre ainsi qu’un nombre limité d’hévéas, mais la production locale de caoutchouc n’a pas pu se consolider et, actuellement, la totalité de la production dépend de l’importation dont la valeur moyenne par an est de 75 millions de pesos pour 16 000 tonnes.
97Il y a en tout cinq grandes usines à México même, en plus d’un certain nombre d’ateliers de moindre importance qui produisent surtout des pneus et des chambres à air pour autos, camions et tracteurs. La valeur de ces articles a dépassé en 1953, 404 millions de pesos.
98Le Mexique est le seul pays producteur de chicle, dont nos amis américains font une si grande consommation sous le nom de chewing-gum. La production totale, dont 90 % sont exportés, atteint 2 000 tonnes par an.
99Une industrie des matières plastiques se développe rapidement. Elle est basée sur l’utilisation du polystyrène, des composés cellulosiques et du chlorure de polyvinille qui ont été mis sur le marché par Monsanto de México, S. A. Les produits de condensation phénol formaldéhyde sont livrés par la Bakelita de México, S. A., à Monterrey. Celanese Mexicana fournit à l’industrie du polyéthylène. Dans ce domaine, un grand nombre d’objets industriels et ménagers sont fabriqués et suffisent pratiquement à satisfaire la demande nationale.
10070 usines et ateliers de plus ou moins grande importance fabriquent toutes sortes de peintures et vernis dont la valeur totale atteint 120 millions de pesos. Disons que ce marché est fortement concurrencé et que seulement 36 % de la capacité de fabrication sont utilisés.
Les huiles végétales, les savons et les détersifs
10157 000 tonnes d’huiles végétales, notamment de coton et de sésame, furent livrées à la consommation en 1953 par 14 usines principales. Une partie de ce volume fut hydrogéné. A peu près la moitié de la production d’huile est utilisée pour la fabrication de savon. En 1955, 90 000 tonnes de savon de Marseille et 7 500 tonnes de savon de toilette furent mises sur le marché.
102Les détersifs synthétiques sont fournis par les firmes Colgate, Palmolive et Procter and Gamble de México. Quoique l’emploi du savon soit toujours prédominant, les détersifs gagnent de plus en plus de terrain et les chiffres qui expriment leur commerce sont du même ordre de grandeur que ceux du savon.
La technique et l’enseignement
103Le Mexique accorde une grande importance à l’enseignement de la chimie. Jusqu’en 1918 les cours de chimie étaient exclusivement scientifiques ; il y avait peu, ou pas du tout de cours de chimie appliquée, et la connaissance des techniques devait être recherchée dans les livres et les revues écrits en langue étrangère, français, anglais ou allemand, et partant, n’étaient pas accessibles à la grande majorité des étudiants et des professionnels.
104En 1918, les programmes de la « Facultad de Ciencias Quimicas » de l’Université Nationale furent remaniés et une grande importance fut donnée à l’étude des techniques d’application. Actuellement, cette école produit des promotions de 40 ingénieurs par an qui de suite trouvent à se placer dans l’industrie ou les laboratoires de recherches.
105L’Instituto Politécnico Nacional, l’Instituto Técnólogico de Monterrey et celui de Guadalajara et douze autres Universités dans d’autres villes offrent des cours de chimie et préparent des spécialistes dans presque toutes les branches.
106L’Instituto Mexicano de Investigaciones Tecnológicas soutenu par la Banco de México avec cinq autres organismes s’occupe de recherches portant en particulier : sur les huiles, les graisses, les cires, le charbon, le pétrole, les minerais, la cellulose et le papier, le tanin et les produits forestiers ainsi que sur la chimie physiologique.
Conclusion
107Le Mexique par l’amplitude et la diversité de ses ressources en matières premières a une vocation parfaitement définie vers l’industrie chimique. Un marché insuffisamment développé a fait que dans le passé on ne songeait aux ressources non renouvelables, surtout minerais et pétrole, que pour l’exportation.
108Mais la population a augmenté surtout dans les vingt-cinq dernières années, son niveau d’existence s’est très sensiblement élevé et un marché intérieur se développe selon un rythme accéléré.
109Si les exportations de produits dont les réserves ne peuvent pas être renouvelées n’étaient pas enrayées, le pays finirait par être vidé de ses richesses naturelles. La politique du Gouvernement en stimulant le développement industriel par toutes sortes de moyens, notamment des subsides et des exemptions d’impôts, tend à éviter ce résultat qui aboutirait à un désastre national.
110L’industrie chimique chez nous est encore au berceau, un champ d’action immense lui est ouvert. Les perspectives de développement dont on ne peut pas encore prévoir les limites sont dégagées pour ceux qui voudraient y apporter leur technique ou leur capital.
111Comme pour les autres aspects de notre développement national de grands efforts sont nécessaires dans le domaine de l’industrie chimique. Le Mexique a besoin d’aide financière et surtout d’assistance technique.
112En particulier, les méthodes françaises si claires, si directes et si élégantes trouveraient au Mexique le meilleur et le plus chaleureux des accueils. La présence française chez nous est souhaitable et en même temps nécessaire, car la France ne peut pas rester absente d’une activité dans le domaine de la chimie au développement de laquelle elle a si puissamment contribué par les recherches et les découvertes de ses savants dans la science pure et par les travaux de ses ingénieurs dans la Chimie appliquée.
Notes de bas de page
1 Conférence faite le 3 mai 1956, à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine.
Auteur
Ingénieur Chimiste.
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