Maranhão nordestin ? Maranhão amazonien ?
p. 111-121
Texte intégral
1La luxuriance et l'abondance des palmiers babaçu - Orbignya martiana - est ce qui frappe le voyageur qui découvre le Maranhão. Il s'agit d'un arbre qui résiste au feu, et dans ce pays tropical d'agriculture sur brûlis, il est le symbole d'une longue occupation humaine.
2Cependant, une forêt primaire subsiste dans la partie occidentale du Maranhão, dans cette vaste région écologique appelée "pré-amazonie" (cf. fig.1), qui présente sur plus de 100 000 km2 une grande variété de paysages de forêts : des mangroves littorales aux forêts de cipó (lianes ligneuses) en passant par la forêt ombrophile. Cette dernière présente elle-même des variations selon les positions topographiques : riche en palmiers dans les fonds alluviaux : Juçara (Euterpe), Bur.iti (Mauritia aculeata), Tucum et plantes roselières ; plus uniforme sur les "terres fermes" avec des arbres comme l'Angelim (Hymenolobium excelsum) et le Breus (Protium). Les taches de capoeirão, forêt secondaire, sont de plus en plus nombreuses, manifestation de la migration des nordestins à la recherche de terres vierges. La progression des paysans du Sertao vers l'ouest est visible sur la carte (fig. 2), inspirée du livre de Manuel Correia de Andrade "Paisagens e Problemas do Brasil".
3Nordeste, Amazonie, il existe pour chacune de ces deux vastes régions, une superintendance, chargée du développement et de la planification régionale : SUDENE et SUDAM.
4Depuis 1959, le Maranhão constitue un des neuf états de la SUDENE - Super intendance du développement du Nordeste. Lorsque le Président Juscelino Kubitschek annonça la création d'un plan de développement et de mise en valeur des régions souffrant de la sécheresse, il justifia la présence du Maranhão dans cet ensemble nordestin comme terre d'accueil des migrants. Donc, avec des problèmes écologiques bien différents, le Maranhão a été intégré à la planification régionale du Nordeste brésilien avec la vocation particulière d'accueillir les paysans nordestins sans terre et de ravitailler en riz les villes du Nordeste. En 1961, la SUDENE formula "le Projet de Peuplement du Maranhão" qui envisageait d'installer 40 000 familles en cinq ans, dans le cours supérieur du fleuve Turiaçu, d'où le nom du projet Alto Turi. Nous verrons ce qu'il en est aujourd'hui.
5Cependant, depuis 1953, les 4/5e du Maranhão sont compris dans "l'Amazonie légale". Cette définition de la SPVEA - Super intendance du plan de Valorisation Economique de l'Amazonie - englobe le Maranhão à l'ouest du 44e méridien, ce qui totalise 130 municipes. Pourtant les véritables mesures de développement pour l'Amazonie ne sont apparues qu'en 1966 avec la création de la SUDAM - Super intendance du développement de l'Amazonie. En six ans il y a 25 projets approuvés par la SUDAM au Maranhão avec une prévision de 3 450 emplois : 139 en agriculture et 3 076 en industrie. Néanmoins, l'action de la SUDAM est encore très discrète au Maranhão, tandis que la SUDENE apparaît fortement implantée, contrôlant 48 entreprises agricoles, 13 entreprises industrielles et ayant 27 contrats de recherche avec le gouvernement de l'état ou avec des entreprises privées.
6Ce recouvrement de compétence des deux superintendances souligne l'originalité maranhense :
- marge de transition climatique et botanique : le fleuve Parnaiba, frontière avec le Piaui est aussi la limite du polygone de sécheresse et reçoit 1 000 mm de pluie par an. Le fleuve Gurupi, frontière avec le Para, reçoit 2 200 mm par an. C'est la passage de la caatinga à la forêt dense.
- originalité humaine : la société rurale maranhense est une société caboclo marquée par un esclavagisme récent - il existe des villages à la population totalement noire - retournée à une économie de cueillette avec le babaçu, dont les noix servent à fabriquer de l'huile. L'élément nordestin vient dynamiser ou exploiter cette population. Par ailleurs, les terres vierges deviennent objet de convoitise. Le processus de mieux en mieux connu est le suivant : des familles du Sertao émigrent en groupe, s'installent dans la forêt et commencent le défrichement, bientôt de nouveaux groupes d'immigrants arrivent, parmi lesquels se détachent la figure du commerçant. Et rapidement, sans connaissances techniques et sans aide financière, les premiers colons sont obligés d'émigrer de nouveau, car la deuxième vague est venue avec des capitaux et elle substitue le bétail aux cultures vivrières. On peut même noter une tendance à la formation de latifundio appartenant à des grandes entreprises étrangères à la région et à des commerçants locaux. Ceci souligne la précarité de vie du travailleur rural qui n'est pas un paysan attaché à sa terre mais un "errant" qui, à chaque migration, se désintéresse davantage du rendement de son champ.
7Dans ce Maranhão, nordestin par son ancienne économie coloniale et l'importance de l'élément cearense dans sa population (20 %) en même temps qu'amazonien par son climat et les modalités d'appropriation de la terre, nous allons voir deux tentatives de fixation du petit agriculteur.
I - ALTO TURI-COLONE (Compagnie de Colonisation du Nordeste)
8Le long de la BR 316, route goudronnée depuis 1974, qui va de Teresina à Belém, on est frappé par la fréquence des défrichements et les nombreuses petites maisons de terre et de paille. Paysage de front pionnier en bordure de cet axe historique, puisque c'est par là que le portugais Teixeira est venu de Belém pour reprendre "l'île de Maragnan" aux Français, en 1616.
9La région est peu accidentée, mollement ondulée à une vingtaine de mètres d'altitude. Géologiquement, elle appartient à la formation ITAPECURU du crétacé, c'est-à-dire des sables et argiles rouges à lentilles de calcaire. Près de la frontière avec le Para, la formation GURUPI du pré-cambrien affleure avec quelques gisements aurifères. Les sols sont considérés comme des "latérites hydromorphes podzolisées jaunes et rouges" (Projeto RADAM, 1973. vol. 3), caractéristiques des régions peu drainées. La couverture végétale est une forêt mixte à babaçu. Cette forêt dense abritait des Indiens dont les derniers à être pacifiés furent les Urubus en 1930.
1) Histoire d'une mise en valeur
10L'occupation et le défrichement du Nord-Ouest de la pré-amazonie sont récents. Les premiers occupants véritables arrivèrent en 1946, s'installant près de la ligne télégraphique.
11A partir de 1956, la PETROBAS faisant des recherches dans la Baixada, ouvrit des sentiers dans la forêt, les picadas que les nordestins empruntèrent, surtout en 1958, à la suite d'une grande sécheresse au Ceará.
12En 1961, le gouvernement du Maranhão mit en réserve une superficie de 30 000 km2 dans une région peu peuplée, 1,5 habitants au km2, pour que la SUDENE puisse y implanter un projet de colonisation visant à appliquer son plan de "dilatation de la frontière agricole du Nordeste. Les projets furent alors grandioses : fixer 40 000 familles en cinq ans, dont 25 000 en agriculture et 15 000 dans les secteurs secondaire et tertiaire.
13Le GIPM - Groupe Interdépartemental de Peuplement du Maranhão - est créé. Il adopte un modèle circulaire pour les noyaux de colonisation selon l'exemple israëlien des MOSCHAVI OVDIM" : à partir d'un noyau de 400 mètres de diamètre destiné aux habitations et installations communautaires, un cercle de 5 600 m. est délimité. Cinquante lots ruraux sont découpés radialement à partir du centre. On saisit dans ce dispositif la volonté de créer un habitat groupé, d'apprendre aux paysans la coopération. En 1974, il n'existe que 14 noyaux de forme circulaire, comptant 679 familles, alors que 500 noyaux avaient été prévus dix ans auparavant. C'est que, peu après 1966, le système circulaire de lotissement rural avait été abandonné, car si original qu'il fût, il présentait des inconvénients tels que : l'éloignement de chaque centre et l'apparition de communautés fermées, les difficultés de travail à l'extrémité de la parcelle et la rigidité géométrique qui ne pouvait tenir compte des accidents de relief.
14En dehors de ces installations sur des lots démarqués par la SUDENE, se déclanche une véritable invasion de familles attirées par l'espoir d'obtenir une terre par l'intermédiaire de ce projet de colonisation. Ce qui complique la tâche de la SUDENE.
15En 1965, le GIPM devient le PCAT - Projet de Colonisation de l'Alto-Turi - et la SUDENE entreprend alors des études critiques insistant sur la sélection des colons : faire payer une taxe d'inscription, faire subir des tests de sélection, puis après une période probatoire de deux ans, accorder la promesse de vente, enfin le titre définitif de propriété au bout de vingt ans. Cependant, la SUDENE, "sentant les impasses et frustrations dans son travail du Turi", (rapport interne), cherche à organiser l'entreprise sur de nouvelles bases. Elle établit des contacts, dès 1968, avec la FAO, la BIRD et l'USAID. En mai 1972, le PCAT passe entre les mains d'une nouvelle entreprise : la COLONE. Il avait été prévu d'abord une Compagnie de Développement de l'Alto Turi, mais la SUDENE voulut une compagnie capable de travailler en colonisation dans toute la région nordestine et c'est ainsi qu'est née la Compagnie de Colonisation du Nordeste.
2) La Compagnie de Colonisation du Nordeste
16En juillet 1972, la République Fédérative du Brésil signait avec la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement, un contrat de prêt pour le nouveau projet de colonisation de l'Alto Turi. Le profil du projet était fondé sur les travaux préparatoires de deux bureaux d'étude anglais : la HUNTING TECHNICAL SERVICES et la RENDEL, PALMER AND TRITTON, qui avaient publié en 1971 trois volumes sur "La viabilité du Projet de Colonisation de l'Alto Turi". La BIRD assure un financement de 6 700 000 US $ ? et élabore sept clauses :
- fixer 5 200 familles dans la zone de l'Alto Turi ; démarquer des lots de 40 ha, transformer ces terres en véritables exploitations agricoles.
- construire 306 km de routes d'accès.
- développer la station de recherche en pâturages et la production de semences de capim (fourrage).
- construire et équiper 60 écoles, un hôpital et 10 dispensaires.
- développer la scierie déjà existante.
- procéder à des études sur la commercialisation du riz, de la viande, du bois et préparer d'autres projets de colonisation.
- créer deux coopératives pour les services de commercialisation et de crédit aux colons.
17L'investissement sur chaque lot devait s'élever à 22 140 cruzeiros (valeur 1973 = 1 F.) selon le modèle économique suivant :
- pâturages (capim) 34,0 ha.
- culture de subsistance 3,0 ha.
- permanente (poivrier) 0,5 ha.
- verger et bâtiments 2,5 ha.
Utilisation | du LOT (40 ha.) | des RESSOURCES (22 140 cr.) |
An I | % 12 % | 17,47 % |
II An | % 28 | 36,28 0 0 |
An III | % 44 | 33,02 % |
An IV | % 55 | 6,16 % |
An V | % 66 | 3,89 % |
An VI | % 80 | 3,18 % |
18D'autre part, la SUDENE a cédé son matériel et ses bâtiments ; elle a accordé 80 000 $ pour l'implantation de la nouvelle structure administrative de la COLONE, étant actionnaire majoritaire de la jeune entreprise. De son côté le gouvernement du Maranhão ajoutait au capital de l'entreprise 939 000 ha. de terres. Après deux années de difficultés financières dues aux modalités de réception du financement de la BIRD par l'intermédiaire de la Banque du Brésil, la Compagnie de Colonisation du Nordeste commence à fonctionner.
3) Les travaux et les hommes
19Un recensement démographique et socio-économique réalisé durant l'été 1974 et dont nous avons des résultats partiels, permet une approche plus précise de la région.
20Trois zones sont distinguées selon l'ancienneté de la mise en valeur :
ZONE | SUPERFICIE (ha.) | POPULATION (habitantes) | DENSITE (hab./km2) |
Zone I | 245 000 | 34 020 | 13,9 |
Zone II | 246 000 | 12 946 | 5,2 |
Zone III | 448 000 | 10 952 | 2,4 |
TOTAL | 939 000 | 57 918 | 6,1 |
21Le décalage est grand entre les plans et la réalité. Comme on peut le constater, l'objectif du programme signé avec la BIRD de fixer 5 200 familles est largement dépassé. En fait, 11 000 familles sont venues s’installer dans la zone de la COLONE mais près des deux-tiers sont des paysans ''semi-marginaux itinérants", sans titre, sans lot, sans technique.
22La population est dispersée en 540 groupements de 2 à 2 200 maisons. Seize seulement dépassent 500 habitants, ce qui montre la difficulté de connaître tous les occupants. En 10 ans, la densité est passée de 1,5 à 6 habitants au km2. Les cinq centres de plus de 2 000 habitants sont localisés le long de la route. La ville de Zé Doca, où se situe le siège opérationnel de la COLONE, compte près de 10 000 habitants et prend chaque jour plus d'importance.
23Comme dans toutes les régions de front pionnier, le problème principal concerne la situation foncière. Le département juridique de la COLONE connaît l'existence de 17 titres apparemment légitimes, c'est-à-dire obtenus avant 1962, couvrant 67 500 hectares ; 188 titres irréguliers c'est-à-dire écritures de mairies, couvrant 70 000 hectares. Le reste des terres sont des possessions sans titres : les unes consenties, comme les 1 800 lots des colons dont l'INCRA doit régulariser la titularisation ; d'autres sont à peine connues, comme les terres occupées soit par de riches posseiros, soit par de petits paysans marginaux que la COLONE espère absorber dans ses noyaux de colonisation.
24L'agriculture pratiquée habituellement est à base de riz et de manioc. En ce qui concerne l'élevage, il existe une centaine de posseiros, -éleveurs- et 400 colons ont reçu 2 vaches. Il faut attendre les résultats complets du recensement de 1974 pour faire une évaluation exacte de la situation des agriculteurs dans une aire de colonisation vieille de douze ans. On remarque cependant qu'actuellement la COLONE oriente ses études vers la régularisation foncière, la diversité des modèles économiques des lots et la possibilité d'obtenir d'autres sources de financement.
25Ce qui est le plus clair cependant, c'est que les colons abandonnent leurs lots à cause du manque des infrastructures promises, en ayant toutefois exploité le bois. Et le paysage de dévastation qui caractérise la zone du Projet souligne ce malaise de la mise en valeur.
II - LE PROJET PIONNIER D'OCCUPATION ORDONNE DE LA PRE-AMAZONIE MARANHENSE
26C'est sous cette appellation que le Gouvernement Fédéral reconnut la nécessité de planifier le flux des migrants nordestins et de rendre productives les terres du domaine public de l'ouest du Maranhão. Le Président Médici, accorda le 7 février 1973, un "schéma spécial d'appui aux Etats du Marañhao et Piaui" qui distribuait des ressources sur deux ans 1973-1974, à 10 projets de développement dans cette région de transition dont le revenu par habitant est le plus faible du pays. Le projet pionnier de colonisation dans l'Amazonie Maranhense est ainsi reconnu. Il le sera davantage avec POLAMAZONIA.
27De son côté, le gouvernement du Maranhão a créé en 1972, la COMARCO - Compagnie Maranhense de Colonisation - chargée de diriger, un programme ambitieux de colonisation dans la PréAmazonie.
28Ce programme poursuit un triple objectif dans trois zones voisines :
- installer 10 000 familles de petits paysans, sur des lots de 25 ha. en accession à la propriété.
- régulariser la situation des occupants, les "posseiros".
- implanter des moyennes et grandes entreprises agro-pastorales sur des lots de 3 000 à 50 000 ha.
29Cependant une question fondamentale n'a pas été réglée par la COMARCO qui opère sur plus de 2 millions d'hectares : celle de la "séparation des terres", c'est-à-dire la distinction entre le domaine public et le domaine privé ; les limites de son terrain d'action ont été faites dans les bureaux et non sur le terrain. Cette région de forêt dense est mal connue, et, sur ces terres que l'on dit vierges, il existe d'anciennes propriétés aux contours imprécis et cependant dûment enregistrées. Un des cas les plus récents est celui de la "Fazenda Pindare", 1 180 000 ha., qui fait l'objet d'un procès. L'INCRA et l'Etat du Maranhão accusent les propriétaires de se servir de faux titres. Le Tribunal Fédéral a jugé que les inscriptions sur les régistres immobiliers étaient fausses. Le cas est maintenant devant la Cour Suprême.
30Nous allons voir comment la COMARCO a réglé, en deux ans, les objectifs de son programme.
1) Les petits colons
31En face des difficultés d'installation, la COMARCO n'a pas prévu d'accueillir de nouveaux colons en 1975, mais plutôt de fixer réellement les 1 072 familles arrivées les années précédentes. Elles avaient été recrutées dans les 13 postes d'inscription du Maranhão : Pedreiras, Imperatriz, Bacabal, Sta. Inês, Sta. Luzia, Viana, Rosario, Vargem Grande, Brejo, Arari, Caxias, São Luis et Buriticupu. Les conditions sont triples : avoir travaillé la terre, être marié, avoir des enfants. La Compagnie s'occupe du déménagement et dirige les familles vers les futurs villages, le long des sentiers qui s'enfoncent dans la forêt. Les premiers mois de l'installation sont difficiles. Chaque famille reçoit une toile de tente en attendant la construction de la maison : armature de bois, murs de terre, toit de paille, selon la technique traditionnelle des caboclos maranhenses. Le travail est fait collectivement selon le système brésilien du mutirão. On creuse un puits par village et la COMARCO veille à l'installation des fosses septiques. A la fin de 1974, on comptait 12 villages regroupant chacun 50 à 95 familles.
32La deuxième tâche du colon est le défrichement de son lot rural, à raison de 3 ha. la première année, de 2 ha. les suivantes. Un technicien agricole est à la disposition de chaque village, chargé de promouvoir les cultures permanentes telles que : poivrier, cacao, avocatier, manguier. En attendant sa première récolte, le colon reçoit chaque semaine des tickets lui permettant d'effectuer des achats à la coopérative de la COMARCO. Les infrastructures scolaires et sanitaires sont prévues avec les ministères de l'Education et de la Santé de l'Etat de Maranhão.
33Le colon achète à la COMARCO le lot rural à 20 cruzeiros l'hectare (5 à 10 % du salaire minimum local) et le lot résidentiel pour 150 cruzeiros. Le tout est payable en cinq ans avec une année agricole sans intérêt. On lui fournit des outils qu'il peut payer après l'exploitation du bois de sa parcelle (évaluée à 3 500 cr/ha.).
34Aux extrémités du "Projet pionnier de colonisation" le long de la Br 222, à 26 km d'intervalle, on rencontre les bases de deux petites villes pionnières dénommées : NAA 1, NAA 2 "nucleo administrativo avançado". NAA 1, appelé Buriricupu, qui est le siège de la COMARCO, compte 1 000 habitants. On y voit passer beaucoup d'hommes en quête de travail, c'est un centre d'attraction dans cet univers forestier.
2) Les posseiros
35De nombreux travailleurs n'ont pas attendu l'arrivée de la COMARCO pour s'installer dans la région. La progression du peuplement s'est faite au nord à partir de Santa Inês vers Santa Luzia, au sud par les boiadeiras ou chemins à boeufs, qui conduisaient les troupeaux vers le Para et le Goiás, le long des fleuves Grajaú et Zutiua.
36La COMARCO régularise les possessions des agriculteurs qui occupent spontanément la zone devenue son patrimoine. En 1974, 114 840 ha ont été délimités, permettant à 679 posseiros d'accéder à la titularisation, ce qui donne une moyenne de 170 ha par propriété. Toute personne qui a une "possession caractérisée", c'est-à-dire des cultures effectives et une résidence habituelle depuis un an et un jour, fait appel au technicien qui vient relever la capacité de travail de l'occupant. Si la terre est convenablement mise en valeur, celui-ci obtient la légitimation de sa possession agrandie d’une aire d'expansion. Il peut alors solliciter un crédit bancaire pour moderniser son exploitation. Le titre définitif s'obtient en payant l'hectare 20 à 30 cruzeiros, selon l'accessibilité de la parcelle, en 5 prestations annuelles.
37Ce processus de "régularisation des terres déjà occupées" se poursuit sur 700 000 ha dans les municipes de Santa Luzia, Grajau, Amarante do Maranhão, où il y a des mouvements de population importants, un bourg de 5 000 habitants : ARAME et une réserve de la FUNAI. Cette même action se poursuit au Nord, dans la région de Maracaçumé sur une frange de 5 km le long de la route (MA 106).
38Y a-t-il comptabilité entre les posseiros, qui ont reçu un titre de propriété et les grandes entreprises qui mettent en valeur avec d'importants moyens ? L'efficacité économique des premiers sera-t-elle assez forte devant l'expansion et la modernisation de l'élevage dans les grands projets ?
3) Les grandes entreprises
39- L'Etat du Maranhão cherche aussi à attirer des grandes entreprises ayant une expérience agro-pastorale et une situation financière solide, capable "d'élever les modèles de technologie utilisés dans le secteur primaire”. Les entreprises présentent un projet portant sur 5, 6 ou 7 ans, selon qu'il s'agit d'un projet d'élevage, d'agro-industrie ou d'exploitation forestière.
40Soixante-quatre projets ont été approuvés en 1974, correspondant à une zone de : 1 100 000 ha., répartis dans deux régions :
- 400 000 ha. dans la région appelée Maracaçumé, qui coupe transversalement 4 municipes : : Cândido Mendes, Carutapera, Luis Domingues et Turiaçu : 14 entreprises
- 700 000 ha. dans la région appelée Buriticupu, localisée sur les municipes de : Altamira do Maranhão, Amarante du Maranhão, Grajau, Lago da Pedra, Santa Luzia, Paulo Ramos.
41Sur les 64 entreprises, la moitié viennent du Sud comme CACIQUE, trust du café soluble, qui, en créant 3 projets, a pris une option sur 75 000 ha. ; PÃO DE ACUCAR, chaîne de supermarchés, 50 000 ha. ; la Compagnie d'aviation VARIG, 30 000 ha. ; SANBRA, trust du coton, 100 000 ha. etc...
42Plus du quart des entreprises sont du Nordeste, sucriers pour la plupart, comme USINA MATARY (Pernambouc) 30 000 ha. au total, 1 000 ha. en cours de défrichement avec 300 ouvriers, 500 têtes de bétail sont arrivés.
43Neuf entreprises sont du Minas Gerais et Goias. Le défrichement est le plus avancé à TERRA BELA (entreprise de travaux publics de Belo Horizonte) 25 000 ha., 600 têtes de bétail.
44Dans ce relief de demi-orange, typique des "tierras firmes” de l'Amazonie, sur ces latosols jaunes argileux avec des pentes de 10 à 15 %, il est dangereux de défricher sous peine de modifier irréversiblement la structure sol-végétation. Des règlements forestiers sont en préparation.
45Toutes ces entreprises ont des expériences d'exploitation forestière et d'élevage du bétail. Leur projet est d'abord approuvé par la COMARCO qui leur "aliène" une terre, puis soumis à l'approbation des organes de financement tels que la SUDAM, la SUDENE, la Banque du Brésil, car toutes ces entreprises comptent sur les exemptions fiscales. Mais il faut préciser que ces entreprises n'ont qu'une promesse de vente de la part de la COMARCO, une préférence sur les terres dont le statut juridique n'est pas établi puisqu'elles n'ont pas été légalement démarquées sur le terrain.
46Les travaux de la COMARCO sont en veilleuse, depuis la fin du gouvernement Pedro Neiva de Santana qui l'avait créée. Une nouvelle stratégie doit être définie par son successeur entré en fonction le 15 mars 1975.
PERSPECTIVES : qui a droit à la terre ? pour quelle agriculture ?
47Les plans gouvernementaux de la première moitié de la décade 70 ont mis l'accent sur le développement économique du secteur primaire, en préconisant d'appuyer les unités productives de dimension familiale et d'introduire de grandes entreprises d'élevage avec une main-d'oeuvre salariée. Mais c'est le second point qui a été surtout encouragé.
48Dans l'accomplissement de ce plan, l'occupation des terres vierges de la Pré-Amazonie se présente comme la soupape de sûreté des autres régions de l'Etat où l'on restructure les propriétés pour faire de l'élevage. Les paysans n'ont pas d'autre solution que la fuite. Les migrants actuels ne sont plus seulement des nordestins, mais des maranhenses1. Cependant, quand ils arrivent dans ces terres "vierges", ils se trouvent confrontés à d'autres types de conflits : avec des grileiros en possession de faux titres et qui spéculent sur les terres ; avec les grandes entreprises qui s'approprient les meilleures terres ; avec les posseiros qui cherchent à stabiliser leur situation.
49D'une manière générale, l'indice d'occupation de la Pré-Amazonie a été sous-estimé. Dans l'Alto Turi, pour une famille installée par la COLONE, 4 arrivent spontanément.
50La terre ? Pour qui ? Pour quoi ? C'est finalement la grande question de la mise en valeur de toute l'Amazonie. Et dans le Maranhão proche du Ncrdeste, les populations concernées se font de plus en plus nombreuses.
Annexe I
PROGRAMME DES POLES AGRO-PASTORAUX ET AGRO-MINIERS DE L'AMAZONIE - SUDAM-1975
Annexe
Notes de bas de page
1 CEAS, mai 1975. "Ocampesinato retirante no Maranhao"
Auteur
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