Deux foyers sidérurgiques en Argentine : Palpala et San Nicolas
p. 89-99
Texte intégral
INTRODUCTION
1Cette communication fait partie d'une recherche sur les effets de l'industrie dans l'organisation de l'espace. Elle constitue une synthèse de certains cas d'implantations sidérurgiques analysés en Argentine et elle est la description de certains rapports qui lient les implantations industrielles et les espaces des localisations.
2Depuis l'analyse déjà classique de Weber qui illustrait sa théorie de localisation des activités industrielles avec l'exemple de la sidérurgie bien que pour des raisons différentes, cette industrie continue d'être un exemple clé pour l'analyse économique et spatiale.
3La dimension des projets sidérurgiques, son internationalisation, les capitaux investis, les matières premières, l'énergie et la main-d’œuvre qu'elles demandent lui donnent un poids fondamental et l'ont transformé en symbole de l'indépendance économique dans les pays du Tiers-Monde.
4On assigne à la sidérurgie la fonction d'intégration des économies nationales et sur le plan spatial de "pôle de développement".
5Nous avons essayé de vérifier la notion de "pôle de développement" sur des cas concrets d'implantations sidérurgiques en Argentine à partir de leur impact dans l'espace. L'analyse de ces implantations avec les phénomènes spatiaux nécessairement induits est un terrain d'observation privilégié pour saisir les mécanismes d'action de grandes entreprises et de l'état et les effets qui en découlent.
1) Les conditions historiques dans lesquelles s'inscrivent la création et le développement d'une industrie déterminent la structure interne et ses rapports avec l'espace
6En Amérique Latine, comme dans toutes les régions du Tiers Monde où le processus d'industrialisation s'est initié à posteriori et en dépendance de ceux des pays centraux, les exigences des économies d'échelle ont déterminé la création d'entreprises de grandes dimensions que seuls les grands capitaux ou l'Etat peuvent réaliser.
7Les exigences des économies d'échelle ont amené à la formation d'unités industrielles de grandes dimensions, ce qui devient plus significatif dans toutes les industries de base où la dimension des établissements a plus d'importance que pour d'autres types de production ; elles régissent non seulement le coût unitaire par tonne installée mais aussi la plus grande variété de produits qui peuvent être élaborés économiquement dans de grands établissements.
8Ceci explique une des spécificités de la sidérurgie latino-américaine qui possède une forte participation des états et de grands capitaux pour la plupart étrangers. Le chemin pour les petits investisseurs nationaux ou pour les pionniers dans ce type de productions est définitivement fermé dans ces pays.
9Cette participation de l'Etat dans les projets peut avoir une influence considérable du point de vue spatial. En effet, des considérations sociales et politiques ou bien des critères macroéconomiques de l'Etat peuvent primer les critères économiques (rentabilité) de l'entreprise privée. Les décisions investissements-localisations prises par l'Etat et leurs effets prévus ne sont plus uniquement commandés par les perspectives de futurs revenus ou de rotation du capital investi.
10Il faut souligner qu'en Amérique Latine, pour ce type d'implantations, il faut des investissements plus grands que pour des productions équivalentes en Europe ou aux Etats-Unis. Ceci est dû au fait qu'elles exigent d'abord la création des infrastructures (voies de communications, ports, etc...), logements et équipements qui, en général, n'existent que dans quelques zones urbanisées. Un très grand investissement est nécessaire avant que la première tonne soit produite ; l'Etat devient alors l'investisseur le plus apte.
11En Argentine, l'alternance dans le gouvernement de groupes dépendant de différents projets économiques s'est répercutée sur la sidérurgie qui n'a pas toujours compté sur l'appui et la stabilité nécessaires à une industrie de base. Elle n'a jamais été une industrie dynamique, se limitant à accompagner graduellement le processus de substitution des importations. Les capitaux privés se sont investis dans l'élaboration des étapes finales de la production sidérurgique et c'est l'Etat, au moyen d'entreprises créées par le ministère de la Défense, qui réalise la production de base.
2) Localisation, impact et pôle de développement
12Dans les pays d'économie non planifiée, la localisation est le résultat du calcul économique, ainsi elle dépend de la stratégie globale de l'entreprise et exprime la liaison de celle-ci à l'espace. Les effets spatiaux qui en découlent se basent sur le principe de 1'impact ; ainsi en amont ou en aval, l'implantation est à l'origine ou constitue l'aboutissement des phénomènes de structuration spatiale ou des aménagements. Dans une économie planifiée, une localisation doit être le résultat de l'harmonisation des objectifs économiques et sociaux et aboutir à une certaine utilisation de l'espace qui réponde aux besoins globaux.
13Il doit y avoir par définition, équilibre entre les aspects économiques et sociaux. L'impact dans ce cas doit être minimisé, il doit tendre vers O, c'est-à-dire qu'il doit y avoir adéquation entre l'élément implanté et la région d'accueil.
14Dans un tel contexte, le concept de "pôle de développement" est un produit caractéristique d'une pensée linéaire : décider d'une localisation économique d'abord, qui déclenchera par la suite une série de conséquences sur le plan social et spatial.
15En Amérique Latine et en Argentine plus spécialement, on peut observer comment selon le type et l'orientation de l'Etat ces rapports peuvent être saisis.
FICHE DE PRÉSENTATION - ALTOS HORNOS ZAPLA
1 - Localisation
. Province de Jujuy - Argentine -
. A 14 km de la ville de San Salvador
. A 1 500 km de la Capitale Fédérale (voir schéma)
2 - Date de création
. 1941/1945 : | première phase - mise en exploitation du minerai, défrichage et plantation, construction usine sidérurgique. |
. 1945/1964 : | production de fonte (30 000 t/an) |
. 1964/1975 : | production d'acier et de laminés. |
3- Responsable
. Direccion General de Fabricaciones Militares - Ministerio de Defensa.
4 - Composants du foyer
. Centre sidérurgique
. 2 centres miniers : Mina 9 de octubre Puesto Viejo
. 1 centre forestier
. Energie : usines propres
. Marché : Buenos Aires (50 %), Cordoba (30 %), Rosario.
5 - Capacité
. Installée (acier) : | 243 000 t. |
. Production 1975 : | 130 000 t. |
6 - Emploi
. Employés : | 1 346 |
. Ouvriers : | 3 431 |
. Total : | 4 777 |
7 - Surface
. Surface occupée : 17 000 ha
8 - Coefficient de transport
. 4,6 t/t acier pour matières premières
. 0,3 t/t acier de scories
9 - Population
. Palpalà : | 15 879 (resencement 1970) |
. Mina 9 de octubre : | 1 255 |
. Centro Forestal : | 1 118 |
. Puesto Viejo : | 500 |
ANALYSE DE L’IMPACT SPATIAL
ALTOS HORNOS ZAPLA A PALPALA
1. - Présentation des projets : origine et responsables
16Les deux exemples retenus sont les deux seules usines sidérurgiques à cycle intégral existant actuellement en Argentine. A l'origine, aucune des deux n'avait été projetée en tant que telles mais constituaient des implantations prévues par le Plan Sidérurgique National (1947). Ce plan avait pour objet l'intégration vers l'amont d'une production d'acier privée qui se développait à un rythme accéléré, en raison du manque d'importations, conséquence de la guerre en Europe.
17Les deux projets font partie d'un grand nombre d'usines pour des fabrications à usage militaire, créées à partir de 1937 par l'armée, pour des raisons stratégiques : assurer l'approvisionnement militaire qui dépendait complètement des importations.
18Ainsi, le choix des localisations reflète ces objectifs.
2. - L'implantation
19Altos Hornos Zapla est un complexe de 17 000 hectares dans la province de Jujuy, dans le Nord-Ouest du pays, à 1 500 km de Buenos-Aires et à 250 km de la frontière bolivienne.
20Elle comprend une usine sidérurgique, un centre forestier et les deux mines de minerai de fer actuellement en exploitation dans le pays. Le choix de la localisation a été déterminé par l'existence des mines et le projet de 1943 (début de l'exploitation) de constituer dans le Nord-Ouest un centre de production de matériaux stratégiques, éloigné des zones de concentration urbaine et des activités du littoral. L'utilisation du charbon végétal a permis la complète autonomie du complexe. La localisation n'est pas du type "carreau de mine" : l'usine a été construite à mi-chemin entre le lieu d'extraction du minerai et la capitale de la province, la ville de San Salvador de Jujuy (12 km). Tout le développement urbain induit par cette localisation sera influencé par la proximité de l'ancienne capitale coloniale.
3. - L'impact
3l. - L'impact dans l'espace
21Quel est l'intérêt de l'étude de l'impact dans cette localisation ?
22Altos Hornos Zapla est le seul cas qui démontre ce que nous avons appelé 1'impact structurant de l'espace, c'est-à-dire créateur d'un nouveau milieu économique et social. En plus de ses caractéristiques particulières, il apporte des éléments pour la compréhension des mécanismes d'impact de la sidérurgie. Situés dans une zone rurale peu habitée, il peut être étudié comme un cas pur, sorte d'expérience spatiale dans laquelle on peut observer de manière isolée l'impact d'une localisation sidérurgique.
32. - L'impact démographique
23A l'échelle régionale, il est fondamental de signaler l'amplitude de l'impact sur la population. Pour situer à sa juste mesure le processus déclenché, il est nécessaire d'analyser les chiffres de la province et de la région du Nord-Ouest (Jujuy, Salta, Catamarca, Tucumàn et Santiago del Estero) qui, tout en occupant 16,8 % du territoire, a seulement 9,6 % de la population (de cette surface, Jujuy a 19 % et 1,3 % de la population). La région est, en raison du manque d'activité, en déclin constant depuis un siècle et l'émigration a toujours été très intense. La proportion d'étrangers y est faible comme dans tout le pays (9,3) sauf dans la province frontalière de Jujuy qui, avec ses 12 à 20 % de boliviens, peut se comparer au taux de l'immigration étrangère de la capitale fédérale (17,8 %). Les migrants sont en effet attirés par les emplois qu'offrent les plantations de canne à sucre, de tabac ou les mines de Jujuy. L'implantation d'un établissement industriel a accentué le pouvoir d'attraction de la région. Les différentes unités de production du complexe sidérurgique ont donné naissance à des centres urbains. Palpalà qui est devenue la troisième ville de la province et 3 localités de plus de 1000 habitants.
24Tous ces centres n'ont pour seule activité que les établissements ALTOS HORNOS ZAPLA. Malgré le manque de statistiques (il n'existe pour le recensement de 1970 que quelques données provisoires), nous avons pu estimer que 58 % de la population de Palpalà (PEA) est employée directement par ALTOS HORNOS ZAPLA, et que 82 % du total de la population dépendait de manière directe des emplois fournis par l'établissement. Si on analyse les chiffres pour les autres centres, ces taux deviennent plus élevés puisque tous les chefs de famille travaillent dans l'établissement. Transformant les structures sociales, notamment les formes de vie rurale soumise aux rythmes de la production industrielle, modifiant la vie quotidienne, l'usine a façonné une ville répondant à ses besoins.
25L'impact sur l'emploi est considérable ; de nombreuses activités qui ne sont pas directement liées au processus de fabrication se développent : activités extérieures à la production, et activités de services. Comme il n'existe qu'une seule usine métallurgique de dimension moyenne à Palpalà, on peut estimer que la structure de l'emploi est totalement conditionnée par sa présence, que ce soit directement ou indirectement. Ceci dit, une étude plus approfondie de ce "cas pur", peut apporter des éléments pour une étude sur la multiplication d'activités déclenchées par ce type d'implantation et pour le nombre d'emplois indirects créés.
33. - L'impact sur les activités
26La profondeur de l'impact est surtout liée à l'effet de multiplication des activités qu'elle déclenche ; ce facteur est le principal critère permettant de déterminer s'il y a processus de développement ou de simple croissance. Or, dans le cas de Altos Hornas Zapla, malgré la création d'un "parc industriel" consistant en un établissement de laminage employant 500 personnes, on ne peut pas dire qu'il y a eu développement régional. En effet, on observe certes une croissance liée à l'usine, mais pas d'effet d'entraînement.
34. - L'impact sur l'habitat
27Les origines :
28Palpalà qui n'était jusqu'à 1943 qu'une ancienne gare secondaire du chemin de fer reliant San Salvador au littoral, dans une zone rurale de fermes, laiteries, culture de tabac, a été bouleversée par l'implantation. De même les zones de la "Mina 9 de Octubre" et le "Centro Forestal", qui n'étaient que des terrains en friche, ont été déboisées et plantées pour la production de charbon. Toute une nouvelle organisation spatiale se dessine avec la mise en place de routes, de communications et l'afflux de la population.
29Trente trois ans après, une ville s'étend à partir de la porte d'accès de l'usine, face à l'ancienne gare qui permit la réorganisation de tout cet espace et détermina le choix précis de l'emplacement. Palpalà est née du centre sidérurgique et s'est développée avec ses phases. Chaque plan de production, agrandissement, augmentation ou transformation s'est répercuté sur la croissance et l'évolution de la ville. Dans l'analyse de celle-ci, il est possible de reconnaître les principaux moments de l'établissement, mais aussi ses hiérarchies et ses modes d'organisation internes.
30La croissance urbaine
31La croissance de la population a déterminé une expansion de la ville sur la zone rurale. Notamment, c'est à partir de la construction de l'aciérie en 1964que s'accélère le lotissement de la frange urbano-rurale, expansion qui se continue graduellement le long des infrastructure qui sont en voie d'achèvement.
32L'établissement a sur les modes de constitution de l'habitat deux formes d'impact :
direct par création d'un type d'espace résidentiel précis, le quartier industriel qui héberge 10 % du personnel des catégories supérieures.
indirect par augmentation de personnel sans logement et qui doit le trouver de manière individuelle, provoquant par conséquent une demande pressante sur l'offre. Ce personnel résout son problème de logement selon 4 types fondamentaux d'habitat qui correspondent à leur catégorie dans l'usine :
centre ville (logement individuel ou chambres et lits)
lotissement individuel, terrain propre sans infrastructure ou équipements)
bidonvilles (terrains publics, logements précaires)
hors du centre urbain, provoquant un impact direct sur d'autres agglomérations.
33La carte de la ville montre en 1975 trois secteurs principaux avec des degrés variables d'équipements et infrastructures. Ceux-ci desservent l’ouest (quartiers de l'entreprise) et le centre. Le sud héberge les lotissements de moindre qualité et les bidonvilles installés dans les lits d'anciens ruisseaux proches de l'usine.
4. - Sur le milieu naturel
34L'implantation de Altos Hornos Zapla a produit des transformations profondes en raison de la replantation forestière (17 000 ha) de la coupe périodique, de l'extraction du minerai, de l'utilisation intense du Rio Grande et de toute son insertion dans une production industrielle. En raison de l'extension de la ville sans planification, les odeurs et notamment les oxydes transportés par le vent, couvrent actuellement tout un secteur de Palpalà d'une poudre rougeâtre. La zone sud-ouest est la plus affectée, contrairement au nord et à l'ouest où se sont développés les espaces résidentiels de qualité.
5. - Les effets
35Initialement implanté en raison d'un choix stratégique, terrain militaire jusqu'en 1954, Altos Hornos de Zapla est depuis son intégration vers l'aval, signalé comme un exemple de pôle de développement de la région nord-ouest argentin.
36... "Typiquement, les industries minéro-métallurgiques et d'entre elles, les sidérurgiques sont celles qui offrent la plus grande perspective comme "pôle de développement"...1
37Comme il n'y a pas eu dans l'environnement de Altos Hornos Zapla d'effet d'entraînement industriel, il semblerait plutôt que c'est l'existence de la zone décrite par le flux de transport de matières premières et de produits qui exprime mieux les possibilités qu'il peut jouer dans le développement régional. Pour le moment, du point de vue économique, il s'inscrit dans l'ensemble de grandes enclaves industrielles de la province qui, en raison de leurs achats et de leurs ventes à l'échelle nationale ou internationale, permettent qu'une faible proportion de la valeur ajoutée créée, reste dans la province2.
38A l'échelle nationale, on peut observer quelles sont les possibilités et quels sont les problèmes qui découlent de la localisation industrielle décentralisée. Les centres décisionnels, financiers et de commercialisation étant concentrés dans la ville de Buenos-Aires, on observe des conséquences sur le rythme des activités et sur les modes de développement urbain ; tel que le non développement commercial et bancaire de la ville de Palpalà. En même temps, les modes spécifiques d'approvisionnement et d'écoulement de la production décrivent une vaste aire d'influence qui met en rapport avec cet établissement des zones éloignées du pays (les branches de chemin de fer le long desquelles s'organise la production de charbon, etc...) ou au-delà de la frontière du nord-ouest.
39Palpalà est devenue dans la région du Nord-Ouest un pôle stable d'attraction. La perspective d'un emploi industriel séduit davantage que les travaux saisonniers ou à court terme offerts par l'agriculture ou les grandes oeuvres d'infrastructure. Mais comme le projet global a été réduit aux implantations minières et sidérurgiques, la ville est vulnérable puisque ses capacités d'emplois dépendent de la politique d'une seule entreprise.
PLANTA GENERAL SAVIO DE SOMISA
1 - L'implantation
40Somisa est l'établissement fondamental de la sidérurgie argentine, par ses dimensions (47 % de la production d'acier) et par le type de produits. Elle est située dans le Partido de Ramallo sur la rive du Paranà, mais ses liaisons fonctionnelles sont avec la ville de San Nicolàs (Partido de San Nicolas) à 7 km de l'usine).
2 - L'impact
21. - L'impact dans l'espace
41Conçue initialement pour approvisionner en semi-finis l'industrie privée de transformation, elle s'est intégrée vers l'aval en phases successives qui se sont répercutées de manière variable sur son environnement proche. Somisa a intégré successivement les différentes étapes de la fabrication sidérurgique, qui se sont répercutées immédiatement sur son environnement. C'est ce phénomène que nous avons appelé "impact transformant", c'est-à-dire qu'il modifie les structures préexistantes.
22. - L'impact démographique
42La ville coloniale de San Nicolàs avait eu son plus grand développement en pleine période exportatrice (1880-1910). Excellent port, la chute des exportations argentines marqua son déclin. La ville s'est dépeuplée graduellement jusqu'au moment de l'implantation de l'usine qui provoque une nette croissance démographique.
Evolution de la population de la ville de San Nicolàs
Années | Nombre d’habitants | Période | % de croissance |
1914 | 19 085 | ||
1947 | 25 029 | 1914/1947 | 0, 8 |
1960 | 49 082 | 1947/1960 | 4 |
1970 | 64 730 | 1960/1970 | 2,6 |
23. - L'impact sur l'emploi
43Malgré l'existence d'une grande usine textile datant de la fin du siècle, on estime actuellement que 53 % de l'emploi permanent de San Nicolas est fourni par Somisa, ce taux étant de 66 % si l'on inclut les établissements qui s'y rattachent.
44Le caractère industriel de la zone n'est une réalité que par cette implantation. Les sources traditionnelles de revenus de même que l'orientation économique de la zone changent définitivement. La forte croissance démographique est accompagnée d'une restructuration de la société traditionnelle par addition de nouvelles couches sociales. Une partie considérable de la Société tire maintenant ses revenus des emplois liés à l'implantation ou aux activités annexes.
24. - L'impact sur les activités
45L'impact sur le milieu industriel est considéré comme le critère par excellence pour évaluer l'efficacité d'une localisation sidérurgique. Or, à part les activités qui se sont créées en raison des augmentations de population et des besoins de l'implantation, il n'y a presque pas d'effet d'entraînement industriel. Tous les établissements créés sont des services de l'usine.
25. - L'impact sur l'habitat
46Le processus d'industrialisation déclenché par l'implantation a provoqué l'expansion de la ville sur la zone agricole et s'est accompagné d'une spéculation foncière qui fait de San Nicolas une des zones les plus chères du pays.
47A l'organisation fonctionnelle traditionnelle, le centre colonial, se sont ajoutés
Les effets de l'impact de la croissance de la population et des actions de l'entreprise,
un quartier industriel avec des équipements et infrastructures de qualité,
des lotissements individuels le long des voies de communication, sans équipements ou infrastructures,
des bidonvilles.
48Dans l'actualité, 50 % de la population de San Nicolàs est logée au-dessous du minimum d'habitabilité nécessaire. De ce pourcentage, 15 % serait dans des bidonvilles.
3 - Sur le milieu naturel
49La zone agraire est devenue industrielle ou zone de réserve foncière. Le manque absolu de prévision sur les dégâts possibles causés par une croissance urbaine sans infrastructures ou par l'implantation industrielle contribue à augmenter la pollution du fleuve Paranà et risque de transformer l'axe fondamental du Bassin de la Plata en un égoût à l'échelle nationale (processus comparable à celui exercé par la localisation industriel le sur la rivière Riachuelo, à l'échelle urbaine, dans Buenos-Aires).
4 - Les effets
50A l'échelle nationale, la localisation de Somisa a contribué avec d'autres implantations sidérurgiques, de manière décisive, à la consolidation du front fluvial industriel.
51Elle a opéré comme pôle d'attraction de main-d’œuvre, sans que l'on puisse observer un véritable effet d'entraînement industriel dans la zone, les projets originels n'ayant pas été réalisés ; de même, le parc industriel ne constitue qu'une vaste réserve de terrain.
52La zone Somisa ne s'est pas constituée en une zone industrielle alternative en raison de la puissante attraction et centralisation exercée par Buenos-Aires. A l'échelle locale son impact est très fort en raison de la dimension du projet. Le temps trop long que celui-ci a pris avant d'être concrétisé n'a pas servi pour une meilleure adéquation de la zone d'accueil.
53San Nicolas n'a répondu ni aux besoins spatiaux de la production (manque de tirant d'eau, autoroute inachevée, etc...), ni aux besoins sociaux en logements et équipements. Le manque de ressources et de compréhension de cette mutation de la zone, l'absence de toute planification, sont à la base du décalage énorme que l'on observe dans la zone actuellement.
CONCLUSION
54En l'absence de planification économique, la localisation de l'industrie en Argentine, et notamment de la sidérurgie, a renforcé la concentration urbaine et celle des activités qui résultent du modèle agro-exportateur.
55L'Etat, en matière de localisation sidérurgique, a fait alterner les projets basés sur de grands capitaux privés et ses projets propres. Ces derniers ont été prévus pour réduire au niveau sectoriel le décalage existant entre la consommation et la production nationale. Par contre, on n'a pas pris en compte leur répercussion au niveau spatial.
56Sauf dans quelques cas-qui n'ont pas été réalisés-aucune des implantations sidérurgiques n'a eu pour objectif de rééquilibrer le développement régional. La notion de "pôle de développement" est venue renforcer a posteriori les choix des localisations. C'est seulement à l'heure actuelle, parce que la croissance économique du littoral ne permet pas d'y installer de nouvelles usines sidérurgiques, que l'Etat s'appuie sur la notion de pôle de développement pour implanter une troisième usine à cycle intégré. Mais l'absence de planification du processus risque d'avoir des conséquences imprévisibles sur l'espace.
FICHE DE PRÉSENTATION - PLANTA GENERAL SAVIO DE SOMISA
1 - Localisation
. Partido de Ramallo, province de Buenos Aires sur le fleuve Paranà
. A 7 km de San Nicolas
. A 80 km de Rosario
. A 232 km de Buenos Aires (voir schéma)
2 - Date de création
. 1947 : | création |
. 1947/1959 : | travaux préliminaires |
. 1959 : | mise en production |
. 1960/1964 : | installation production fonte, acier, laminés |
. 1965/1974 : | expansion à 2 500 000 t/an acier |
. 1975 : | expansion à 4 000 000 t/an acier |
3 - Responsable
. Société mixte
. 99,90 % état via Direccion General de Fabricaciones Militares - Ministerio de Defensa
4 - Composants du foyer
. usine sidérurgique à cycle intégral
. parc industriel COMIRSA (DGFM)
. matières premières : minerai et charbon importés, castine et fondants nationaux ferroalliages, divers
. énergie : usine propre thermoélectrique
. marché : établissements sidérurgiques du front fluvial, Buenos-Aires, Rosario et Cordoba.
5 - Capacité
. installée (acier) : | 2 500 000 t/an |
. production 1975 : | 1 275 000 t/an |
6 - Emploi
. employés : | 4 258 |
. ouvriers : | 7 709 |
. établissement : | 11 967 |
. total : | 12 667 |
7 - Surface
. surface occupée : | 836 ha |
. production (usine) : | 572 ha |
. sociaux (log. équip.) : | 264 ha |
8 - Coefficient de transport
. 4 t/t matières premières
. 0,3 t/t scories
9 - Population
. San Nicolàs : 64 130 habitants
Notes de bas de page
Auteur
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