La notion de pôle de développement vue par un géographe
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Texte intégral
1Qu'on le veuille ou non, la notion de pôle et même celle de foyers renvoie aux économistes et à Perroux,
2Il y a chez les économistes et dans Perroux un sens logique, imagé, symbolique du mot "pôle" et un sens spatial. On flotte entre les deux. Même ambiguïté s'agissant de l'"espace" en général, ou de l'opposition centre-périphérie. Les mots n'ont pas le même sens dans notre discipline. Il s'agit d'essayer de démêler ce qui est de l'ordre de l'organisation (ou de la construction du modèle économique), et ce qui ressortit à une logique proprement géographique : de proximité et de la contiguïté (dans l'ordre statique), de la gravité et du proche en proche (les effets d'agglomération de Perroux)) dans l'ordre dynamique.
3A côté de la non-spatialité - ou de la spatialité subordonnée - du pôle, l'idée-force du divorce entre les ensembles territoriaux, et les pôles économiques, explicitement assimilés à des firmes ou des ensembles de firmes. Dans la mesure où les seconds prennent forme dans l'espace, ils le font en complète discordance avec les premiers1. Là aussi, le rôle ressortit à la logique territoriale de l'Etat, et ce qui entre dans la logique a-territoriale du profit, ou des pouvoirs externes (la volonté de puissance ou d'influence des autres états) ; et de voir comment se fait l'articulation. On touche par là à un domaine immense ; fort peu prospecté par la géographie : celui de la relation entre les formes, ou les forces, territoriales et non-territoriales.
4La question d'échelle est implicitement posée par la terminologie des économistes : le vague du "pôle" indifféremment point ou espace, espace petit ou vaste, recouvre les notions spatialement mieux délimitées de "foyers d'industrialisation motrice", de "régions-foyers" (et de pays affiliés).
5"Pôle de croissance", "pôle de développement", les distinctions souvent faites donnent facilement l'impression d'une sorte de théologie du développement. On ne s'en sort qu'à condition de fonder la distinction sur une analyse de ce qui part et de ce qui reste. Même ainsi, la vraie question est de savoir si "ce qui reste" sert ou non à créer de nouvelles unités de production, à étoffer les services autour d'elles, à développer les infrastructures. Le problème est finalement non croissance ou développement, mais pôle ou pas pôle. Ce qui est en cause alors, c'est la capacité du pôle à s'auto développer. Autrement dit, le fameux multiplicateur. Ces voies de recherche ont directement orienté certaines études d'économistes : le-Chau Antsirabé de l'O.R.S.T.O.M., l'équipe d'Abidjan. Mais ce genre de recherches est exigeant, fastidieux. Les géographes en auront-ils le courage et les moyens ? Accepteront-ils, obtiendront-ils de s'associer avec d'autres ? L'écueil à éviter : la description, ou un diachronique se bornant à corréler dans le temps des séries (développement industriel, croissance démographique, extension paysagique), en prenant les correspondances pour des explications.
6Autre sérieuse difficulté, inévitable quand on passe d'une pure logique des transactions et des trafics à une logique de l'espace : comment faire la part (aux divers niveaux proposés : local, régional, national) des effets de la concentration industrielle, au sein des effets globaux de la concentration urbaine ? On ne peut même pas simplifier les choses en supposant que tout le tertiaire est induit : il y a aussi à tenir compte de l'agglomération du pouvoir, de la concentration de la rente foncière, de la focalisation des aides et financements d'origine extérieure (à la région ou à l'Etat).
Notes de bas de page
1 Cf. F. PERROUX et aussi ZIEGLER (et, en Afrique, la description par CAPET des "économies lignes").
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