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Avant-propos

p. V


Texte intégral

1Dans les pays du Tiers Monde, si la volonté de croissance économique par l'industrialisation a entraîné l'enflure des banlieues urbaines, elle a aussi provoqué l'apparition soudaine de foyers industriels isolés sinon perdus dans des régions de faible densité démographique, habitées par de pauvres populations d'agriculteurs ou d'éleveurs accrochés aux techniques anciennes et demeurés en marge des grands circuits commerciaux et monétaires. Phénomènes pionniers dont l'ensemble du Monde Tropical présente de multiples cas, encore plus traumatisants que les avancées classiques des défricheurs.

2Le groupe des géographes du Laboratoire Associé au C.N.R.S. no 111 (Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine) avait, pendant quelques années, axé la plupart de ses recherches sur les formes de colonisation rurale en Amérique Latine, essentiellement au Mexique et dans les Amazonies péruviennes et brésiliennes. Au terme de ces enquêtes, il nous a paru qu'il fallait en modifier le thème principal. Sans renoncer aux phénomènes pionniers, il convenait de les aborder sous un autre angle en reconnaissant qu'ils prenaient une forme nouvelle.

3Un peu partout en effet les pouvoir publics, les entreprises nationales et les sociétés multinationales relèguent au second plan colonisation rurale et activités agro-pastorales. Les impératifs de la croissance et de la sécurité nationale leur font préférer les projets de grands barrages, d'exploitations minières, d'installations portuaires, de complexes sidérurgiques et pétrochimiques, voire même de centres touristiques. Dans la masse de ces projets, beaucoup avortent avant la conclusion de l'accord financier international qui pourrait leur donner vie. Cependant, au Mexique, au Vénézuéla, en Equateur, au Pérou, en Bolivie, au Brésil, on est passé du projet à l'action.

4On s'attend à avoir créé ainsi des pôles de développement. Leur fondation, leur implantation, leur avenir sont essentiellement pensés en fonction de la croissance des économies nationales. Les "décideurs" ne peuvent évidemment pas laisser de côté les problèmes du recrutement de la main-d’œuvre et de son installation. On réfléchit donc à la forme de l’agglomération urbaine qui abritera pendant quelques années les constructeurs du barrage prévu ou de celle dans laquelle résideront ouvriers, ingénieurs et cadres administratifs de la grande usine envisagée. Mais la réflexion préliminaire ne s'intéresse guère ni à ce qu'y sera la vie urbaine, ni aux flux migratoires qui seront mis en branle, ni aux problèmes d'emploi qui en découleront immanquablement. Quant à la réorganisation de l'espace qui s'ensuivra et à toutes les conséquences régionales, cela est le plus souvent rejeté au second plan des préoccupations. Comme par un acte de foi, on attend les retombées positives de pôles de développement lancés dans des contrées qui, sauf exception, sont parmi les plus attardées. Aussi le risque est-il grand que, moins créateurs que perturbateurs, les pôles ne deviennent que de simples enclaves ou, au mieux et pour reprendre une jolie formule italienne, "des cathédrales dans le désert".

5Nous avons donc commencé de nous attaquer en Amérique Latine à ce bon terrain de travail pour géographes. Mais ailleurs des ambitions économiques analogues débouchent-elles sur des stratégies de même style ? Entraînent-elles des effets semblables dans des milieux géographiques (au sens plein du mot) aussi dissemblables que ceux de l'Afrique Noire avec ses jeunes nations, de l'Asie tropicale avec ses vieilles masses paysannes et d'une Amérique Latine accrochée depuis bientôt cinq cents ans au monde occidental ?

6On comprend qu'il nous soit vite apparu souhaitable de comparer nos premières observations avec celles de nos collègues spécialistes des autres secteurs du Monde Tropical. Nous remercions nos amis africanistes et asiatistes, jeunes et moins jeunes, qui ont bien voulu participer à notre Table Ronde. Elle n'aurait pu se tenir et ses actes n'auraient pu être publiés sans l’appui du Centre National de la Recherche Scientifique et du Conseil Scientifique de l'Université de la Sorbonne Nouvelle auxquels nous disons une fois encore notre gratitude.

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