Notes sur : structures agraires et encadrements des paysans dans les secteurs de colonisation de l’état du Quintana Roo
p. 103-108
Texte intégral
1Le Président Echeverria Alvarez a voulu marquer son Gouvernement par la mise en place d'un vaste programme de colonisation agricole pour faire naître une nouvelle forme d'exploitation de la terre et résoudre en partie les problèmes agraires.
2Il fallait, d'abord, trouver une solution aux problèmes de chômage occasionnés par la mécanisation dans le Nord, par l'explosion démographique et par le reflux des braceros des Etats-Unis. Il fallait aussi augmenter considérablement la production agricole nationale déficitaire.
3Il fallait enfin mettre en valeur certains Etats du Mexique qui avaient été délaissés à cause des fortes contraintes naturelles imposées à l'homme et au développement de l'Economie.
LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA MISE EN CULTURE DES TERRES VIERGES DANS LE QUINTANA ROO
4L'Etat du Quintana Roo est caractérisé par sa situation excentrique, sa grande étendue forestière, son très faible peuplement. Certains particuliers ont décidé de s'y installer sur des terres nationales sans aucune formalité vis-à-vis des Autorités Agraires. Si pendant une durée de cinq ans, ils n'ont fait l'objet d'aucunes remontrances ou réclamations de la part des Autorités Agraires, cela prouve qu'ils n'ont gêné personne et on leur reconnaît le droit d'exploiter la terre qu'ils se sont appropriée.
5Ces colons sont appelés "les nacionaleros" : ils prennent possession de fait d'une certaine superficie de terre pouvant aller jusqu'à 500 ha.
6Mais la plupart du temps, l'exploitation de la forêt, son déboisement et l'implantation de l'agriculture sont assurés par des migrations spontanées. En effet, dans les Etats limitrophes, surtout du Yucatan, des groupes de demandeurs de terres s'organisent à cette fin et avec l'accord des Autorités Agraires et leurs conseils, ils choisissent le lieu où s'implantera leur village.
7Les démarches sont souvent longues pour cette forme de migration appelée "Colonisation spontanée" qui représente la manière la plus répandue dans la région pour créer de nouveaux villages (bien qu'actuellement les Autorités Agricoles aient tendance à la considérer comme illégale).
8Enfin, la colonisation agricole le plus privilégiée est celle qui est organisée par le Gouvernement : c'est la colonisation dirigée. Les demandeurs de terres des Etats du Nord et du Centre du Mexique ont été les candidats favoris pour ce type de colonisation.
9La participation des organismes officiels dans la direction des deux types de colonisation est la suivante :
LA C.O.I.N.C.E. ET LA PARTICIPATION DES ORGANISMES OFFICIELS
10La Commission intersecrétariale de la colonisation ejidale (COINCE) est un organe de la Secretaria de la Reforma Agraria. Elle fonctionne uniquement pour la colonisation dirigée : elle a pour but de coordonner les travaux des différents organismes officiels qui prêtent leurs services dans ces villages.
11Elle se substitue à ce que faisait seul l'ancien Département Agraire qui, par manque de techniciens spécialisés pour chaque domaine, n'arrivait pas à atteindre les résultats espérés.
12A partir d'un document que nous a fourni la Secretaria de la Reforma Agraria, nous allons présenter ici les différences qui existent dans le développement des travaux, pour les deux types de colonisation.
13Cette brève analyse des différents travaux réalisés dans les deux types de colonisation, nous montre que dans les cas dirigés, le démarrage des villages est prévu en fonction de la participation des organismes officiels, tandis que dans les cas spontanés, cette dernière dépend surtout de la motivation de la population et de son nombre.
14Ici, nous pouvons nous demander dans quelle limite le Gouvernement doit intervenir et jusqu'à quel point il est préférable de laisser l'initiative aux colons eux-mêmes. Il est clair que de la colonisation dirigée, se dégage une politique de privilège qui, poussée à l'extrême, ne pourrait s'étendre aux deux millions de demandeurs de terres existant dans les pays.
LA FORCE DE TRAVAIL DISPONIBLE ET EMPLOYÉE DANS LES NOUVEAUX VILLAGES DE COLONISATION
15Une des caractéristiques les plus notoires de la colonisation dirigée est celle de la mobilisation d'un groupe important d'agriculteurs. Ces nouveaux villages sont en général formés de 250 à 500 colons.
16Au contraire, la colonisation spontanée s'effectue en groupes moindres qui représentent 5 % à 10 % de la force de travail des premiers villages.
17Nous avons calculé le temps employé pour la culture principale aussi bien pour les agriculteurs que pour les fonctionnaires. Nous avons trouvé les résultats suivants :
18- Dans les villages dirigés, objet de notre étude, la production de riz a fourni dans les meilleurs cas 17,4 jours de travail par colon et par an et dans le pire 3,2 jours.
19De même ; nous avons cherché à évaluer la quantité de travail qu'exige cette culture pour le secteur tertiaire, c'est-à-dire principalement pour les employés de la Banque de Crédit Rural Péninsulaire et le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage. Si l'on compare les résultats, il apparait que cette culture a été réalisée à raison de 17,5 % à 26,3 % de la totalité du travail fourni pour mener à bien cette culture.
20De plus, en étudiant systématiquement les réunions dans ces villages dirigés, nous avons pu voir que la présence des Autorités de l'Etat et des fonctionnaires était importante lors de l'organisation de la production agricole (choix des cultures, des espèces à semer...). Nous avons remarqué au cours de nos fréquentes visites dans ces villages que les employés de la Banque de Crédit Rural Péninsulaire participaient plus régulièrement aux travaux des champs que les autres organismes officiels. Cela s'explique car cette Banque finance totalement ces cultures.
21Parmi les réactions des agriculteurs de ce type de colonisation les plus courantes sont les suivantes : "Le Gouvernement nous a amené ici. Il doit nous maintenir. Certains sont devenus des employés du Gouvernement, voire même des chômeurs camouflés.
22D'autres reconnaissent le changement dans leur vie :
23"Qui sait comment fait ce Gouvernement. Quand j'étais à la Laguna, je devais travailler du soleil levant au soleil couchant et il y avait à peine de quoi manger. Maintenant, dans ce nouveau village, nous nous croisons les bras, et les billets de banque tombent du ciel...".
24Cet agriculteur reconnaît le peu de participation des agriculteurs aux travaux agricoles et qu'en fonction de leur travail, ils sont bien payés.
25Par contre, la production agricole dans les villages de colonisation spontanée est organisée essentiellement par les colons. La culture principale, le mais, emploie en moyenne 116 jours, chaque colon sur une année.
26Ajoutons à cela le temps de contraction ou des activités annexes,· il apparaît que la colonisation spontanée est essentiellement basée sur la force de travail des colons. Cependant, la production obtenue ne couvre pas les besoins des familles, ce qui oblige les agriculteurs à prendre une autres activité salariée temporaire en dehors du village.
27Les réunions avec les autorités n'ont pratiquement pas eu pour objet la production agricole et lorsqu'elles eurent ce but, elles n'aboutirent pas. Les réunions ont plutôt traité de la constructions du village.
28En résumé, nous voyons que dans le Quintana Roo, deux types de colonisation coexistent ; l'un très mécanisé et avec le soutien presque inconditionnel du Gouvernement ; l'autre vivant presque en autarcie mais étant peu à peu absorbé par le monde environnant car les revenus des agriculteurs sont trop faibles pour répondre aux besoins des familles.
29Questions et remarques accompagnant les communications concernant le thème de :
30"L'ORGANISATION DES COLONS : MIGRANTS ET PRODUCTEURS".
31Questions à David Preston :
32J. Revel Mouroz
33"Quel est le rôle exact des mass-média dans la formation d'une image de l'Oriente chez les gens susceptibles de migrer ? Cette image est-elle volontairement fournie par les autorités publiques pour favoriser la migration ? On retrouverait là les moyens employés par exemple au Mexique où la radio et la télévision diffusent des messages dissuadant le rural de migrer vers la ville".
34R. : "La radio est sans doute l'organe d'influence le plus important dans la formation d'une image de l'Oriente, en particulier pour créer l'idée du potentiel que représente une zone comme celle-ci, ou même la partie Nord de l'Oriente, Cela peut peut-être expliquer les migrations de gens de Loja (situé au Sud) vers la zone pétrolière même distante de plus de deux jours de voyage. En Equateur, la radio diffuse très nettement consciemment ou non, les images désirées par le gouvernement.
35H. Rivière d'Arc
36"Quelles sont les nouvelles techniques d'encadrement apparues au cours de la dernière décennie et les applications des programmes nouveaux qui permettent de diminuer les risques de Monoactivité ?
37Remarques :
38J. Revel Mouroz
39"Le développement de l'Ejido collectif, de coopératives de production, répond à un objectif gouvernemental : créer une structure d'encadrement permettant (et contraignant l'ejidatario) une production selon les grandes orientations de production déterminées par la Banque Officielle ; ces coopératives ne constituent donc pas une structure de gestion autonome, mais une simple courroie de transmission".
40Hervé Théry
41"Il faut noter que les nouvelles formes d'encadrement ont des effets différents selon que l'on se trouve dans une zone de paysannerie stabilisée ou dans des zones pionnières. Dans le premier cas, on peut voir se développer une moyenne propriété moderne ; dans le second, ces formes constituent une simple logistique des mises en valeur entreprises par les organismes de développement régional".
42Questions posées à Odile Fort :
43H. Favre
44"Quelle différence y a-t-il entre la "colonisation spontanée" et la "colonisation par nacionaleros", c'est-à-dire par squatters, qui est également une forme de colonisation très spontanée ?
45- Quelle est l'importance des effectifs paysans engagés dans la "colonisation dirigée" aux frontières du Belize ?
46- Quelle est l'incidence du complexe touristique de Cancun sur le développement agricole alentour ? A-t-on promu une agriculture vivrière pour subvenir aux besoins des touristes ?" R. : "Les "Nacionaleros" font leur démarche individuellement ; avec la "colonisation spontanée" les paysans doivent former un ejido et dépendent donc de la Réforme Agraire. Ils doivent répondre aux normes dictées par la loi.
47Pour ce qui est du nombre de colons installés, il est difficile d'apporter des chiffres, car il y a eu plusieurs vagues de colonisation. Pour celles dont nous avons parlé, celà représenterait l'installation de 1 000 agriculteurs, ce qui représente en fait le passage de plus de 2 000 agriculteurs, car il y a une grande désertion de colons".
48Remarques à propos de la production sucrière à la suite de la communication d'Odile Fort :
49Revel Mouroz
50"Il n'est pas nécessaire que les colons dont les terres sont affectées à la canne à sucre aient une expérience de cette culture, car la "Zafra" par exemple, sera réalisée par une population de coupeurs-saisonniers migrante. L'exemple de la grande sucrerie de la Chontalpa (100 000 T., 15 000 ha.) montre cette juxtaposition d'ejidatarios rentiers de la terre, employés de l'ingenio, et les migrants salariés ; ceci confirme la prolétarisation liée à l'agro-industrie".
51Collin Delavaud
52"Est-ce que l'établissement de la raffinerie de sucre n'est pas une solution à l'encadrement des colons, qui laissés à eux-mêmes connaissent des résultats très irréguliers. La culture de la canne encadre totalement la paysannerie, la prolétarise, ou lui laisse une rente foncière, mais sans intervention sur le train de culture".
53Francis Mestries
54"Y a-t-il opposition d'intérêts entre ouvriers de la sucrerie, industriels et travailleurs des champs, de la même manière qu'elle existe entre journaliers et membres des coopératives ?
55Le Mexique connaît une crise sucrière ; la production ne suffit pas à la consommation intérieure ; d'où la nécessité d'importations et de l'implantation accélérée d'ingenios publics, sans planification technique sérieuse des ressources naturelles et humaines. On a affaire à des projets anarchiques. Cela permet cependant de fixer la main d'œuvre paysanne à la terre, en en faisant des prolétaires déguisés de l'ingenio, avec des revenus stagnants. Cela permet aussi de les encadrer techniquement et politiquement, surtout que la plupart des "ejidos cañeros" sont des ejidos collectifs".
56Revel-Mouroz
57"L'opposition manifestée par la population de la Chontalpa s'est exprimée à deux occasions :
- D'abord au moment de la modification de la structure agraire ; les propriétaires (légaux ou non), les plus importants, ont mobilisé leurs parents et leurs clientèles pour résister à la régularisation des propriétés (limite de 20 hectares), opposition supprimée par l'intervention de l'armée.
- Ensuite au moment du passage à la production collective : en raison des mauvais résultats économiques obtenus dans la première phase de production, contrôlée par la Commission du Grijalva, les ejidataires ont cherché à garder leur autonomie et l'exploitation individuelle.
58L'encadrement syndical (C.N.C.) a joué pour faire pression sur les ejidataires afin qu'ils acceptent la collectivisation souhaitée par les autorités".
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992