L’intervention de l’État dans le développement du capitalisme : la Sierra Madre de l’état de Guerrero (Mexique) de 1964 à 1976
p. 49-54
Texte intégral
1L'intervention de l'Etat mexicain en direction de la paysannerie, bien que préconisée au lendemain de la Révolution, ne devint effective qu'après 1940. Les troubles survenus avant 1935 (guerre des Cristeros, refus de l'éducation "sexuelle" ou "socialiste") témoignent à la fois de l'absence de contrôle gouvernemental dans les zones rurales et de l'influence qu'y exerçaient alors l'Eglise et les grands propriétaires ou caciques. Le gouvernement Cardenas entreprit de combattre ces pouvoirs locaux au moyen d'une action concertée de pénétration de la paysannerie qui s'est poursuivie depuis et comporte un grand nombre d'aspects intéressants. Nous développerons ici l'un d'entre eux : l'intervention de l'Etat dans le développement du capitalisme. Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, les communautés paysannes les plus traditionnelles ont en effet rompu leur économie d'auto-subsistance pour participer aux échanges marchands nationaux et internationaux et ce phénomène a coincidé avec le contrôle sans cesse accru du secteur public. Sur le développement économique, ce processus, général dans le pays, prend des formes spécifiques dans les régions de langue indienne, telle celle que nous allons examiner.
2La région indigène de la Sierra Madre de l'Etat de Guerrero couvre 7 486 km2 et compte une population d'environ 100 000 habitants en 1970, parlant trois langues (le Mixtèque, le Nahuatl et le Tlapanèque) et répartie dans 14 municipios. Elle est entourée de plusieurs bourgs commerçants habités par une population de langue espagnole que l'on nomme couramment "métisse", Tlapa et Chilapa au nord, San Luís Acatlán et Ometepec au sud. L'économie de marché s'est répandue dans la région à partir du début du siècle et a pris deux formes :
- les cultures commerciales au sud : la zone tropicale humide située au-dessous de 1 500 m. d'altitude (peuplée surtout par des indigènes de langue Tlapanèque) se prête aux cultures de canne à sucre entre 800 et 1 200 m. et de café au-dessus. Le sucre brut que l'on obtient après traitement artisanal des cannes et les grains de café séchés au soleil après décorticage sont drainés par le marché côtier. Les riches commerçants Métis des bourgs accaparent la production pour la revendre au dehors.
- le travail salarié au nord : les terres arides situées dans la dépression du Rio Balsas entre 1 500 et 2 000 m. (peuplées surtout par des Indigènes de langues Nahuatl et Mixtèque) sont moins sollicitées par les demandes actuelles du marché. La plupart d'entre elles subissent les effets de l'érosion rapide due à un défrichage sauvage. Les paysans n’assurent leur subsistance qu'au moyen d'une incroyable combinaison d'activités de toute sorte, parmi lesquelles le travail salarié occupe une place de plus en plus importante. Celui-ci peut s'effectuer à domicile (comme le tressage du chapeau de palme vendu aux Metis de Tlapa et Chilapa puis au monopole de Tehuacán) ou de façon saisonnière (dans les grandes plantations des Etats de Guerrero et Morelos).
3Telle est la situation qui prévaut dans les années 60. Le développement du marché s'est effectué de façon anarchique, hors de tout contrôle gouvernemental et s'est accompagné d'effets négatifs qui constituent de nos jours autant de freins à un développement rapide du capitalisme. Prenons-en plusieurs exemples :
4Les plants de café qui se sont répandus de façon spontanée dans le Sud, à la suite du voyage de quelques Indigènes sur la Côte, se sont révélés de mauvaise qualité et de faible rendement. D'autre part, le développement du capital commercial et usuraire aux mains des Métis des bourgs, appauvrit les paysans et diminue leurs capacités d'investissement sans pour autant bénéficier à des secteurs productifs de la Nation. C'est le phénomène qui a reçu le nom de "colonialisme interne". S'il a accompagné l'extension du marché pendant la première moitié du XXème siècle, on conçoit qu'à un certain stade de développement du capitalisme, il devienne un frein à l'accroissement de la production agricole. Enfin, l'absence d'infrastructure routière limite l'exploitation des ressources locales ; la région indigène est entourée de deux routes, l'une au nord et l'autre au sud, qui relient les bourgs métis aux villes, mais aucune piste ne traverse le massif montagneux. On s'aperçoit facilement que le sud produit nombre de fruits tropicaux qui sont réservés à la consommation locale ou pourrissent sur les arbres faute de moyens de transports pour les acheminer vers les villes.
5C'est sur cette situation que le gouvernement tente d'agir au cours des sexennats1 de deux présidents : G. Díaz Ordaz (1964-70) et L. Echeverría (1970-76).
I. LES AGENTS DU DÉVELOPPEMENT
6Comme la région est de langue indigène, celle-ci est marquée par l'"action indigéniste".
7L'Institut National Indigéniste (INI) est au début le seul organisme qui intervienne dans la région, par l'intermédiaire de son "Centro Coordinador mixteco-nahua-tlapaneco" installé à Tlapa en 1964. Fondé sur la notion de "développement intégral" des communautés, il intervient dans plusieurs domaines : l'amélioration des races d'élevage (porcs, volailles, abeilles...), l'introduction de nouvelles plantes cultivées (arbres fruitiers, mais hybride...), l'assistance médicale, l'alphabétisation et la construction de pistes en collaboration avec la SOP ("Secretaria de Obras Publicas"). La mise en oeuvre de cette politique relève de jeunes indigènes recrutés à la fin de l'école primaire et nommés promotores (promoteurs).
8Le Sextennat de L. Echeverría poursuit cette voie tout en introduisant des changements d'ordre administratif dont on ressent les répercussions dans notre région. L'intervention des Centres indigénistes en matières agro-vétérinaire et médicale est réduite au minimum. Leur tâche principale concerne désormais le recrutement et le contrôle des promoteurs chargés de l'alphabétisation et accessoirement de l'assistance sanitaire et technique. Pour ce faire, le Centre indigéniste se rattache à la "Dirección General de Educación Extraescolar en el Medio Indígena" dépendante de la SEP (Secretaría de Educacíon Pública), perdant ainsi son autonomie d'action. Il dispose en outre d'un rôle consultatif auprès de nouveaux organismes de développement installés à Tlapa ou dans l'Etat : la SOP et ses administrations affiliées pour la construction de routes, l'"Administracion de Correos" et de "Télégrafos" pour la poste et le télégraphe, le CAPFCE pour la construction d'écoles, le SSA pour l'installation de l'eau courante, la CONASUPO et CODISUCO pour la commercialisation des produits, l'INMECAFE pour le contrôle de la production de café, etc... Les centres indigénistes cessent donc de concentrer l'essentiel de la politique de développement. Mais parallèlement, ils se multiplient. De 1964 à 1975, ils passent d'une dizaine à 61, et dans la région qui nous intéresse, de nouveaux centres s'ouvrent en 1973 à Ometepec, 1974 à Chilapa, et 1977 à Zapotitlán Tablas. Enfin, d'autres organismes de développement s'installent, dont la "Comisión del Río Balsas" placée sous le contrôle politique et financier du gouverneur de l'Etat.
9Pour notre propos, il convient donc de remarquer qu'à partir de 1970, la marginalisation de l'INI s'accompagne du renforcement de la bureaucratie chargée du développement, et de la démultiplication de ses secteurs d'intervention. L'action conjointe de ces divers organismes prendra place au cours du sextennat de Lopez Portillo (1976-82) dans la "Coordinación General del Plan Nacional de Zonas Deprimidas y Grupos Marginados” (COPLAMAR) qui renforcera encore le rôle gouvernemental vis-à-vis des régions rurales.
II. LES BUTS
10L'INI et le gouvernement prétendent combattre la "société dualiste" dans laquelle une partie de la population est maintenue à l'écart des bienfaits du "progrès" (voir la conception des "zones de refuge"). Nous ne reviendrons pas ici sur la critique de cette idéologie qui a souvent été effectuée, mais insisterons plutôt sur la politique de développement du capitalisme qu'elle recouvre :
- la création d'une infrastructure routière, indispensable au développement du commerce : "vías de comunicación que permiten sacar, a menores costos, y vender a mejores precios, los productos de las comunidades indígenas, que permitan que lleguen a ellas los productos elaborados por las fábricas y las industrias del país..."2.
- l’introduction du crédit, l'amélioration des techniques de production et de commercialisation, sous contrôle de l'Etat : "creemos pués, que la verdadera política con las comunidades indígenas debe consistir en proporcionarles mejores tierras, crédito para explotarlas, y enseñarles las técnicas adecuadas en la agricultura, la ganadería, en la avicultura y en las industrias, para lograr su rápido progreso"3.
- la différenciation de la population Indigène en classes sociales ; l'émergence d'une classe supérieure en son sein : un exemple est bien développé par l'idéologie officielle ; pour résoudre le problème de la destruction des forêts par les compagnies privées d'exploitation forestière, "ya no hay más que una forma... : capacitar a los indígenas para que sean ellos mismos quienes exploten sus bosques ; darles créditos suficientes para que puedan hacerlo... No es cierto que el indígena sea incapaz de hacer una explotacion forestal, si esta debidamente dirigido y se le dan los elementos necesarios para hacerla"4. De même, le gouvernement cherchera à combattre le monopole des Métis pour favoriser l'émergence de commerçants indigènes, etc...
- ou la transformation d'une partie de la paysannerie en main-d'œuvre ouvrière : "que nuestros économistes vayan a las nuevas fábricas que se están instalando en el campo a ver cómo las muchachas indígenas de 18 años, que se quedaban barriendo en las pequeñas chozas, ahora realizan, con mano de obra más fina y con saber industrial los trabajos más delicados"5.
- Ce processus s'accompagne de la diffusion d'une idéologie du "progrès social" (les communautés doivent se moderniser), et de la patrie (les régions indigènes doivent s'incorporer à la nation : “nous sommes tous Mexicains").
11C'est cette politique, élaborée au niveau national, qui est mise en œuvre depuis une douzaine d'années dans la région qui nous intéresse.
III. MOYENS ET RÉSULTATS
12L'action gouvernementale au niveau local tend vers les différents buts que nous avons signalés :
13- MISE EN PLACE D'UN RESEAU DE COMMUNICATION
14En 1965, les techniciens de l'ΙΝΙ et de la SOP élaborent un projet de route qui traverserait le massif montagneux habité par la population indigène pour relier les villes du nord (Tlapa, Chilapa) à la côte (San Luis Acatlan, Ometepec). Il sera long à se mettre en œuvre et en 1976 la jonction entre les réseaux intérieur et côtier n'est toujours pas réalisée.
15L'accent est mis aussi sur les liaisons aériennes : entre 1965 et 70, nombre de villages tracent une piste d'aterrissage susceptible d'accueillir de petits avions de brousse. Pour la première fois en 1974, une compagnie privée, "Líneas Aereas Mixtecas" établit un parcours régulier plusieurs fois par semaine entre certaines communautés et la ville de Tlapa.
16Enfin, un réseau télégraphique et un service de courrier se mettent en place à la même époque.
17- CONTROLE DE L'ETAT SUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
18Durant le sexennat de G. Diaz Ordaz, le Centre indigéniste de Tlapa introduit des arbres fruitiers et des animaux de petit élevage. Cette activité présente peu d'intérêt pour les zones les plus éloignées de Tlapa et n'intéresse que les gros agriculteurs de terres irriguées reliées par la route à la ville.
19Les interventions les plus efficaces sont effectuées en collaboration avec trois organismes gouvernementaux, IN MECAFE, CONASUPO et CODISUCO.
20Le Centre indigéniste reçoit pour la première fois en 196 5 des représentants des producteurs de café tlapanèques et intervient auprès de l'"Instituto Mexicano del Café" (INMECAFE) pour qu'il s'intéresse à cette région dont il ignore alors l'existence. INMECAFE prend contact avec les paysans en 1972 et les oriente vers son centre d'Atoyac de Alvarez. En 1976, celui-ci introduit auprès de la population des plants de café de bonne qualité ainsi que des fertilisants et offre des facilités de crédit.
21En 1965, le Centre indigéniste sollicite l'assistance de la CONASUPO et de la CODISUCO.
22Cinq années plus tard, ouvrent les premiers "expendios de maíz" qui vendent le mais à des prix contrôlés de façon à aider la population indigène qui en manque. Il s'agit pour le gouvernement, non de supprimer tous les revendeurs métis de mais qui profitent de cette situation, mais de régulariser le prix de cette céréale en en jetant sur le marché de grosses quantités. Ces "expendios" sont dans la région au nombre de cinq en 1972 et de 13 en 1973. En même temps, des boutiques CODISUCO vendent des biens de consommation tels que des haricots, du savon, du lait en poudre, de la farine de maizena, etc... Elles assurent à ces produits une extension des débouchés nationaux en leur ouvrant le marché indigène, tout en limitant le monopole des commerçants métis. En 1972, il existe 3 boutiques dans la région. Enfin, en 1975, la CONASUPO commence à acheter une partie de la récolte de café, à des prix plus avantageux que les revendeurs métis de la côte.
23Mais les appareils d'Etat, en s'introduisant directement dans le développement économique régional, rentrent parfois en conflit avec le secteur privé. En 1965, l'INI prend connaissance des démarches entreprises par des compagnies d'exploitation forestière auprès de communautés tlapanèques et tente de s'y opposer. Pour quelles raisons ? Pour le comprendre, il faut avoir assisté à la coupe des bois d'Iliatenco quelques années plus tard par ces mêmes compagnies : de 1970 à 1973, elles saccageront les forêts de pins, couperont de nombreux arbres qu'elles laisseront ensuite pourrir sur place ; le chemin de terre qu'elles font construire entre 196 8 et 1970 par la main-d'œuvre indigène pour évacuer le bois, n'est pas conçu pour durer et retombera en friche dès la fin de l'exploitation. L'INI oppose à ce pillage de la région par le capital privé qui contribue à la destruction des ressources forestières déjà bien amorcée du fait des techniques locales de culture sur brûlis, une autre conception du développement du capitalisme, celui-là respectueux des richesses nationales et dirigé par l'élite locale. Malgré ses efforts, l'INI ne parviendra pas à empêcher la signature en 1966 d'un accord entre les compagnies et le comisariado ejidal d'Iliatenco, qui aboutira aux excès que nous venons d'évoquer et à la rupture de la convention en 1973 par un nouveau comisariado.
24- EMERGENCE D'UNE CLASSE SUPERIEURE DANS LA POPULATION INDIGENE
25Une stratification économique existait depuis longtemps au sein de la population indigène. La construction de la route, la multiplication des activités liées au marché qu'elle entraîne, et le développement des cultures commerciales, tendent à favoriser l'accumulation de capital entre les mains de gros agriculteurs.
26Le processus est accentué par la politique de recrutement de jeunes promoteurs, (indigènes embauchés par l'Etat à la fin de l'école primaire et chargés de l'alphabétisation). Dans la zone de langue tlapanèque pour laquelle nous possédons des recensements complets, nous pouvons dire qu'en 1964, 13 communautés seulement bénéficiaient d'une école publique animée par des instituteurs originaires d'autres régions, à l'exception de deux ou trois d'entre eux. Douze années plus tard, 258 promoteurs indigènes bilingues se chargent de 67 localités. Le Centre indigéniste de Tlapa recrute dès sa fondation en 1964, 119 promoteurs des trois langues indigènes, pour promouvoir l'alphabétisation. En 1973, en application du "Plan Nacional de Castellanización", 100 promoteurs tlapanèques supplémentaires sont embauchés, et tous se verront offrir la possibilité de devenir maestros bilingues, maîtres d'école bilingues, ce qui représente un statut et un salaire plus élevés. A partir de cette même date qui marque l'ouverture de 2 3 internats (escuelas alberques) de premier cycle, le Centre recrute des auxiliares de cocina, parmi de jeunes femmes analphabètes. En 1976, elles sont 76 pour les trois zones linguistiques. Enfin 4 promoteurs, auxiliares de medicina, sont affectés à des dispensaires bâtis dans la région. Cette politique de recrutement fait passer en 1976 à 554 le nombre total de fonctionnaires (maestros bilingues, promotores de alfabetización, de medicina, et auxiliares de cocina) d'origine indigène, présents dans 164 communautés. Il faut ajouter les quelques responsables de centres de commercialisation CONASUPO et CODISUCO, peu importants sur le plan numérique mais dont la présence est significative, puisqu'ils sont choisis parmi les jeunes indigènes et perçoivent un salaire pour superviser des échanges marchands qui se trouvaient autrefois aux mains de commerçants métis.
27On se doute que la multiplication de ces emplois salariés n'est pas sans conséquences idéologiques sur la région. Mais il faut prendre la mesure des implications économiques de cette politique : au moyen du recrutement de promoteurs, l'Etat introduit de grosses quantités d'argent au sein de la paysannerie, favorisant ainsi l'émergence d'une classe supérieure. Les salaires des jeunes employés sont en effet utilisés par leur famille dans le cadre de leurs activités agricoles et en vue d'investissements possibles. Certaines parviennent à faire embaucher plusieurs de leurs enfants. On conçoit l'usage qu'elles peuvent faire des salaires mensuels de trois ou quatre jeunes gens, ou mieux encore de jeunes filles qui ne disposent d'aucune autonomie financière. Ceci est particulièrement vrai dans les zones de cultures commerciales puisque les salaires sont investis dans la plantation de grandes superficies de café ou de canne à sucre. Dans la partie nord, ils favorisent l'ouverture de boutiques de commerce de détail dans les villages.
28- DEVELOPPEMENT INEGAL DE LA REGION
29L'économie de marché s'est introduite spontanément dans la région sous deux formes : les cultures commerciales dans le sud et le travail salarié dans le nord. Dès 1970, l'INI favorise le développement du sud, plus propre à la production agricole. Ce choix apparaît dans le tracé du réseau routier. Celui-ci, moins dépendant de contraintes techniques que de la "richesse" des populations, traverse de préférence les terres qui se prêtent aux cultures commerciales et les villages où vivent des commerçants. Ainsi, le Centre indigéniste conseille-t-il en 1972 à la SOP : "Iliatenco es una zona cafetelera, abandonada a su suerte y en manos de négociantes de San Luís, Marquelia, Acapulco. Nos permitimos recomendar se atienda nuestra petición, proponer se construya un camino transitable en todo tiempo"6.
30La zone tlapanèque du sud fait l'objet d'un choix de développement de plus en plus affirmé de la part des organismes officiels. Un grand nombre de villages ont tracé une piste d'aterrissage qui ne sera jamais utilisée. Il est intéressant de constater qu'ils sont pour la plupart situés au nord, dans la dépression du Rio Balsas, la ligne régulière établie en 1974 fréquente les villages du sud producteurs de café et de canne à sucre. A partir de 1976, ce choix apparaît conscient dans les rapports de l'INI. Un économiste du Centre suggère à cette époque de développer l'élevage et les cultures commerciales dans le sud, et d'employer dans les domaines ainsi constitués la main-d'œuvre originaire de la zone nord. La voie est ainsi tracée : la partie nord jouerait le rôle d'une réserve de main-d'œuvre, non plus pour les grandes plantations lointaines, mais pour appuyer le développement du capitalisme dans la zone indigène du sud.
31L'intervention de l'Etat dans le développement du capitalisme au Mexique est élaborée à partir de 1940 sur le plan national, et 1948 (date de fondation de l'INI) en ce qui concerne les régions de langue indienne. Elle se met en œuvre dans la sierra madre de l'Etat de Guerrero à partir de 1964. Le gouvernement cherche à imposer un développement économique rapide, dirigé par une partie de la population indigène, sous l'impulsion d'organismes d'Etat. En paraphrasant le Dr. Caso, nous dirons que douze années, c'est beaucoup dans la vie d'un homme et très peu dans la vie d'une communauté. Pourtant, ces douze années d'intervention dans la sierra n'ont pas été sans effet sur l'économie et en particulier sur la structure sociale de la population. L'effort gouvernemental qui a culminé sous le sextennat de L. Echeverría se poursuivra-t-il sous celui de Lopez Portillo ? Seule la prolongation de cette étude pourra nous l'apprendre.
Notes de bas de page
1 Les présidents de la République mexicaine sont élus pour une durée de six ans. Lors de chaque nouveau sextennat, les objectifs politiques sont redéfinis et l'administration réorganisée.
2 Alfonso Caso : Indigenismo, INI, México 1958, p. 53.
3 ibid, p. 73.
4 Alfonso Caso : Indigenismo, INI, México 1958, p. 121.
5 El pensamiento indigenista del Presidente Echeverría, Acción indigenista. México, junio 1975, no 264, pp. 1 et 2.
6 Informes del INI envoyés par le Centro coordinator de Tlapa à l'administration centrale où ils peuvent être consultés.
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