Les ressources naturelles, le talon d’Achille ?
p. 303-329
Texte intégral
1La gestion des ressources naturelles constitue l’un des sujets les plus épineux et périlleux auquel est confronté le gouvernement d’Evo Morales. Sa politique redistributive fondée quasi exclusivement sur l’exploitation de ces ressources, notamment gazières, nécessite une politique stable afin d’encourager les investissements. L’État se voit dans l’obligation d’intervenir pour arbitrer d’innombrables conflits. Il se trouve souvent lui-même impliqué et doit négocier avec les différents secteurs sociaux les modalités d’application de la nouvelle Constitution quant à la gestion des ressources naturelles, en particulier depuis le « grand saut industriel » qui intensifie leur exploitation et leur exportation.
2Ces ressources sont devenues un enjeu majeur pour bon nombre d’acteurs et de secteurs sociaux partout dans le pays. À l’échelle locale, elles sont souvent perçues par les populations comme une source d’emploi, de revenus indirects sous forme de redevance et donc de nouvelles perspectives économiques que les politiques gouvernementales — notamment dans le domaine agricole — ne sont pas parvenues à procurer. Les conflits se sont multipliés autour du contrôle des ressources naturelles, notamment minières. Ceux-ci prennent plusieurs formes. Certains s’inscrivent dans une concurrence renouvelée entre les territoires décentralisés en voie d’autonomisation et l’État central pour le contrôle des ressources, mettant en branle plusieurs répertoires du régionalisme historique bolivien. D’autres émergent d’une revendication des peuples autochtones visant à faire appliquer leurs droits internationaux et constitutionnels à la consultation préalable, libre et informée alors que les nouvelles lois régissant l’exploitation et la gestion des ressources naturelles déconsidèrent très largement ces droits.
3Centrale dans la politique générale du MAS, la question des ressources naturelles concerne et mobilise une grande quantité d’acteurs sociaux et de secteurs économiques. Celle-ci vient irrémédiablement se mêler à d’autres dynamiques conflictuelles, ce qui met souvent le gouvernement d’Evo Morales au pied du mur ou tout du moins dans des situations délicates, lesquelles ont tendance à se démultiplier.
Jeu de bascule régionaliste
4Le régionalisme constitue un phénomène marquant et historique de la vie politique en Bolivie1. Celui-ci ne se résume pas simplement à l’existence de mouvements spécifiquement régionalistes emmenés par lesdits comités civiques départementaux, mais concerne également la très grande majorité des organisations sociales et politiques du pays, ce qui explique en partie la rareté de leur envergure nationale. Dans le contexte de refondation du pays, le régionalisme civique s’est réactivé sous l’impulsion d’élites locales, en particulier celles des départements des Basses Terres qui ont agencé un nouveau projet politique autour de la constitution d’autonomies départementales et des identités régionales2.
5Après une période de tensions extrêmes autour du projet constitutionnel, le gouvernement du MAS est parvenu à sceller des accords avec ces comités civiques, notamment celui de Santa Cruz, à ce jour le plus puissant d’entre tous en termes de capacité de mobilisation populaire et de lobbying. Lors de la campagne présidentielle de 2009, le vice-président de l’État plurinational de Bolivie lance, avec succès, un appel aux secteurs économiques de Santa Cruz pour soutenir les politiques du gouvernement. Dans la suite des négociations du texte constitutionnel, ce dernier s’engageait à soutenir l’agro-industrie principalement présente dans ce département. De la même manière qu’il l’a fait avec les organisations autochtones, la stratégie du gouvernement consiste à obtenir l’appui de certains secteurs à travers la mise en place de projets de développement et d’aides publiques. Plusieurs organisations affiliées au MAS ont ainsi été créées à Santa Cruz et des intellectuels, des journalistes, des dirigeants sociaux, et même d’anciens militants de l’opposition rejoignent ainsi le MAS3. Les associations d’entrepreneurs de Santa Cruz affichent désormais leur satisfaction, somme toute relative, à l’égard de la politique menée par le gouvernement : forte croissance, faible inflation, climat favorable aux entreprises, industrialisation des hydrocarbures et du soja qui représentent deux secteurs économiques de poids dans les Basses Terres, en particulier dans le département de Santa Cruz. Les grands entrepreneurs bénéficieraient d’un certain nombre de garanties juridiques et économiques : réduction des menaces d’occupation de propriétés agraires et accès à de nouveaux marchés pour écouler les surproductions agricoles. À l’image de cette nouvelle entente, la politique agraire d’Evo Morales a changé en faveur de l’agro-industrie. La « révolution agraire » de 2006 a laissé place à la « révolution productive » à partir de 2011. Ce changement s’explique notamment par la puissance agricole de Santa Cruz : 75 % des produits consommés en Bolivie viennent de ce département, dont 82 % de l’agro-industrie. À l’échelle nationale, le département de Santa Cruz produit à lui seul 93 % de la viande, 63 % du lait, 63 % des fruits, et même 45 % des pommes de terre4.
6À la suite de ce rapprochement entre le gouvernement d’Evo Morales et les secteurs industriels des Basses Terres, les tensions régionales se sont déplacées vers les départements andins considérés pour la plupart comme des places fortes du MAS. Le comité civique du département de Potosí (Comcipo) est représentatif des nouvelles tensions que traverse le pays et mérite ici une attention particulière. En juillet 2010, il se mobilise suite à un litige avec le département voisin d’Oruro concernant les limites territoriales traversant une zone riche en pierre calcaire, importante pour la fabrication du ciment. Les revendications s’étendent rapidement à d’autres projets économiques ou d’aménagement territorial censés contribuer à réduire la pauvreté qui affecte une part significative de la population du département de Potosí depuis plusieurs décennies. Les dirigeants civiques réclament ainsi la construction d’un aéroport international devant faciliter le développement touristique de la région, la préservation du célèbre Cerro Rico et le maintien de l’activité minière pour les coopératives, la relance effective de la raffinerie de Karachipampa annoncée par le gouvernement de Morales, la construction de plusieurs hôpitaux, d’une fabrique de ciment, de routes, d’un complexe hydroélectrique, etc. Les piquets de grève et les barrages routiers organisés par les habitants de Coroma et le Comcipo paralysent l’activité départementale pendant une vingtaine de jours. Pour mettre fin à la mobilisation, le gouvernement s’engage à mettre en œuvre 26 projets destinés au développement économique et social de Potosí. Malgré ces engagements, le département a brandi à plusieurs reprises la menace fédéraliste. Jugeant les actions du gouvernement trop lentes, le Comcipo se mobilise une nouvelle fois en 2015 afin d’obtenir des mesures concrètes sur les 26 projets de développement promis. Après plusieurs jours de blocage de la ville de Potosí, une marche est organisée jusqu’à La Paz. Le manque de volonté gouvernementale et l’absence d’Evo Morales lors des rencontres entraînent de violents heurts entre les régionalistes potosinos — en particulier les coopérateurs miniers — et les forces de l’ordre, qui se soldent par des dizaines de blessés et de nombreuses arrestations. Depuis le référendum de 2016 concernant la nouvelle candidature d’Evo Morales, le Comcipo lance plusieurs marches pour le respect de ce résultat, allant même jusqu’à entreprendre la création d’un front commun avec les comités civiques de Santa Cruz, Chuquisaca, Tarija et Cochabamba, notamment contre la réforme du Code pénal.
7Dans son discours, le Comcipo joue la carte du sentiment d’injustice partagé par une grande partie de la population locale, Potosí étant le département le plus pauvre du pays alors qu’il possède de nombreuses richesses naturelles : mines d’argent (Cerro Rico de Potosí), d’étain (Nord Potosí), la plus grande mine à ciel ouvert exploitée par une entreprise privée (San Cristóbal, zinc, argent, plomb) et le lithium (salar de Uyuni). Pourtant, là encore il est important de prendre en compte l’« écologie du vote5 » pour comprendre la complexité de la territorialisation des processus politiques. Selon l’un des responsables de la mobilisation et membre des coopératives minières, Lukhana Mamani, le comité civique de Potosí est représenté en grande partie par le secteur des chefs d’entreprise, de la classe moyenne, des commerçants, des universitaires et des professeurs. Il note ainsi quatre courants distincts : une tendance conservatrice de droite soutenant un projet fédéraliste, un secteur populaire et de classe moyenne se mobilisant autour des 26 demandes, le secteur des mineurs salariés et le secteur des mineurs coopérateurs défendant ses intérêts sectoriels (La Izquierda Diario, 23/07/2015). Ainsi, les régions rurales qui sont les plus touchées par ce sentiment d’abandon et d’injustice ne sont que faiblement impliquées dans la mobilisation. En 2015, l’ensemble des organisations paysannes-autochtones et les représentants des quarante mairies du département (en très grande majorité rurales et dirigées par le MAS) se sont ainsi opposés à la mobilisation départementale en réitérant leur loyauté au gouvernement Morales et en affirmant que la mobilisation du comité civique était avant tout urbaine et liée à la seule ville de Potosí. En juillet 2015, 10 000 paysans menacent d’encercler la capitale départementale afin d’inciter le comité civique à dialoguer avec le gouvernement. Ce dernier dénonce une nouvelle fois la présence présupposée d’agents extérieurs dont le but serait de déstabiliser le MAS sur ses propres terres électorales et qui influeraient sur l’action menée par les comités civiques andins. Lors de ce conflit, ce sont les régionalistes des Basses Terres et le Chili qui, cette fois, sont pointés du doigt par le pouvoir. Les mobilisations du comité civique contre la nouvelle candidature d’Evo Morales en 2019 engendrent en réaction, de la même manière, des menaces parfois violentes des secteurs affiliés au gouvernement.
8Plusieurs lectures peuvent expliquer le jeu complexe des acteurs locaux sur l’échiquier des mobilisations dans le département de Potosí. La plus politique considère que le secteur rural pouvait espérer des retombées économiques et sociales plus importantes en s’opposant aux acteurs urbains et en maintenant leur loyauté envers le gouvernement national. Une lecture plus territoriale vient relever une disjonction d’échelle entre une revendication départementale portée par des élites urbaines et une vision territoriale rurale en recherche d’autonomie locale vis-à-vis de la capitale départementale et de son pouvoir représentatif et décisionnel. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si les deux principales régions mobilisées contre l’action du Comcipo prônent une régionalisation au sein même du département. D’un côté, le Nord Potosí aspire sporadiquement à devenir un département à part entière depuis les années 1990 afin de profiter directement des redevances de la forte activité minière présente dans la région. De l’autre, la région du Sud Lipez a, elle aussi, exprimé de manière récurrente sa volonté de se constituer en une région autonome ou en département pour conserver les redevances de la mine de San Cristóbal et bénéficier pleinement des richesses du lithium6. Le maire de la ville touristique d’Uyuni s’est ainsi fortement opposé à la mobilisation du comité civique de Potosí en 2015 et affirme vouloir demander des dommages et réparations pour les pertes économiques engendrées par les blocages routiers. À cette occasion, il se fait le porte-voix d’une émancipation de sa région qu’il considère comme étant « économiquement prête » pour devenir une entité territoriale à part entière grâce à trois piliers fondamentaux : les ressources naturelles (lithium, mine de San Cristóbal), la production de quinoa et le tourisme.
9Ces revendications autour des ressources naturelles ne concernent pas seulement les départements, mais sont au cœur même des luttes nationales pour l’orientation des politiques de développement. Ainsi, comme le fait remarquer Thomas Perreault, les secteurs mobilisés lors de la « guerre du gaz » de 2003 étaient principalement andins, éloignés des lieux de production et leurs revendications tournaient principalement autour du développement national, de la citoyenneté ou de la répartition des richesses. Malgré un discours accordant une part belle à la question autochtone (évocation de la Pachamama, valorisation des formes d’organisations sociales et politiques autochtones, etc.), ces mouvements se sont rarement penchés sur la situation effective des Guaranis vivant dans les régions pétrolifères des Basses Terres qui « pourraient avoir leur mot à dire sur les pratiques d’extraction qui se produisaient sur leur territoire7 ». À cette période, les élites des départements pétroliers de Tarija et de Santa Cruz proposaient un système de royalties très favorable à leurs territoires au détriment du reste de la population du pays. C’est ainsi que la « guerre du gaz » de 2003 pourrait être analysée comme un conflit autour de la répartition de la rente et d’imaginaires concurrentiels de développement8.
10La question de la rente gazière divise aussi au sein même des départements. En 2010, la région du Chaco, qui se situe dans le département pétrolier de Tarija, approuve dans un cadre légal son statut d’autonomie, le premier depuis la reconnaissance de cette entité territoriale par la constitution de 2009. Cette région est la principale zone productrice de gaz du pays (70 % des réserves), où son exploitation commence au cours de la deuxième décennie du xxe siècle. Jusqu’à la fin des années 1980, le département de Tarija reçoit annuellement entre 2,7 et 5,4 millions d’euros, ce qui lui permet d’administrer de nombreux projets d’industrialisation (sucre, lait, papier, ciment, huile) et de construction d’infrastructures basiques. Ceux-ci bénéficient principalement à la capitale départementale, ce qui amène les provinces et municipalités rurales à se mobiliser au début des années 2000 pour bénéficier plus largement de la rente gazière départementale.
11La politique du gouvernement Morales a un impact important pour le département de Tarija. Ses ressources annuelles sont estimées à 245 millions d’euros en 2008 (pour 6 % de la population nationale totale). Cette nouvelle manne financière redéfinit certains équilibres locaux et éveille de nouvelles formes de compétition entre les élites urbaines de Tarija, les grands éleveurs, les paysans et les autochtones9. À cette dynamique socio-économique vient s’ajouter une concurrence de type territorial entre les municipalités directement concernées par l’activité d’exploitation et les autres qui espèrent bénéficier de ses redevances. Un nouveau scénario se dessine. D’un côté, le comité civique de Tarija représente les élites politiques et économiques de la capitale départementale et souhaite que les bénéfices liés à l’exploitation du gaz servent principalement à offrir à la ville de Tarija une dimension nationale et internationale par une gestion centralisée de la rente gazière à partir de cette capitale. En réaction naît le projet politique d’autonomie régionale de la région du Chaco, soutenu par le gouvernement national en vue d’affaiblir l’opposition politique du département de Tarija et le mouvement régionaliste local. Ce projet de région est né en 2002, des municipalités du Chaco de Tarija, de Santa Cruz et de Chuquisaca qui, à l’origine, demandaient la création d’un dixième département (Gran Chaco). Par la suite, ce projet est repris par les seules municipalités du Chaco de Tarija (Yacuiba, Villamontes y Caraparí) qui, représentant 30 % de la population départementale, étaient parvenues en 2007 à se répartir 45 % des retombées financières de l’exploitation gazière de ce département10. L’autonomie fiscale s’accompagne d’une autonomie politique lorsque le Chaco de Tarija approuve par référendum populaire local la constitution d’une région autonome en 2009, en réaction à certains blocages dans la mise en place de projets de développement devant être assumée par la préfecture de Tarija11.
12Les principales sources de tensions actuelles entre les territoires et l’État concernent donc les redevances liées à l’exploitation des ressources naturelles. Cette question est directement liée à celle des autonomies départementales dont la mise en place semble particulièrement épineuse. Depuis le recensement de 2012, la question de la représentation au Parlement fait également l’objet d’un intense débat. Les départements de Potosí, de Chuquisaca et du Beni ont protesté contre la diminution du nombre de leurs sièges. Alors que les demandes de souveraineté régionale et territoriale se multiplient, le référendum organisé en septembre 2015 pour l’approbation des statuts d’autonomie départementale a, contre toute attente, vu le « non » l’emporter dans tous les départements où la consultation a été organisée12. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces résultats, en particulier le manque de socialisation des statuts ainsi que la complexité et l’opacité de leur élaboration. L’analyse de ces résultats a fait l’objet d’une petite querelle entre l’opposition qui voulait y voir une déroute du MAS et le gouvernement qui estime, au contraire, que ce référendum est l’expression populaire d’un refus de toute proposition séparatiste et d’une revendication évidente d’un gouvernement fort et d’un État centraliste.
13La relation entre territoires et ressources naturelles ne relève pas seulement des mouvements régionalistes. Elle est aussi portée au premier plan par des peuples autochtones, vivant le plus souvent dans des zones périphériques et marginalisées nouvellement menacées par l’extension tous azimuts de l’exploitation des matières premières. Cette question y est d’autant plus épineuse que le thème de l’environnement joue un rôle majeur dans la construction, la définition et la protection de leurs identités et de leurs cultures. Si un certain discours écologique s’inscrit dans leurs revendications, les organisations autochtones luttent plus concrètement et pratiquement pour la gestion prioritaire — et contrôlée — des ressources naturelles sur leurs territoires, que pour mettre un terme à leur exploitation ou interdire celle-ci. Bien souvent, les peuples autochtones réclament de manière pragmatique des compensations financières, un contrôle direct, unique ou partagé, de l’activité d’exploitation, voire certaines priorités dans le recrutement de main-d’œuvre locale comme cela est le cas à San Cristóbal13. Plusieurs peuples autochtones14 ont ainsi eux-mêmes négocié directement avec des entreprises étrangères les modalités d’exploitation des ressources naturelles, notamment du fait que 93 % des réserves de gaz du pays se situent en territoires autochtones15.
14Le peuple weehayek a, par exemple, su très tôt négocier avec British Gas Bolivia l’exploitation du gaz sur leur territoire en contrepartie d’un versement annuel estimé à 50 000 euros. Avec l’augmentation du nombre de puits perforés, le montant a évolué pour osciller de 136 000 euros à 181 600 euros annuels16. Si cette rente a exacerbé les tensions entre les dirigeants autochtones pour le contrôle de l’organisation locale et du système de redistribution de la rente, les communautés connaissent une amélioration importante des services basiques (santé, éducation), grâce à la mise en place de plans de développement assurée par la coopération hollandaise et le ministère de l’Éducation17. L’accord le plus important d’Amérique latine a été signé entre le territoire autochtone guaraní Itika Guasu où se situe le plus grand champ gazier bolivien connu à ce jour (Margarita) et l’entreprise espagnole Repsol, pour un montant estimé à 13,5 millions d’euros18. Malgré cet accord juteux pour les communautés autochtones locales, celles-ci doivent batailler de manière permanente pour que les entreprises respectent leurs engagements. Jusqu’en 2004, Repsol n’avait consacré que 0,05 % de ses dépenses au développement des services basiques, aux projets infrastructurels et à l’approvisionnement de matériel divers dans les communautés guaraní19.
15Ces cas ne sont pas représentatifs de la situation générale concernant les peuples autochtones qui, bien souvent, ne parviennent pas à imposer leurs conditions dans les négociations avec les entreprises lorsque celles-ci ont lieu. Dans certains cas extrêmes, les peuples autochtones s’opposent catégoriquement à l’installation d’une entreprise et le conflit s’avère souvent violent. En 1997-1998, le peuple tentayape refuse ainsi tout projet d’exploitation gazière sur ses terres20. Si la revendication écologique constitue bien souvent un instrument politique stratégique dans la mobilisation21 afin d’obtenir des bénéfices matériels de l’exploitation, des projets peuvent tout de même être paralysés par les peuples autochtones, dès lors que leurs droits sont bafoués. L’un des conflits marquants de ces dernières années se situe sur le site minier de Mallku Khota, exploité par l’entreprise canadienne South American Silver. En 2012, les organisations autochtones locales affiliées au Conamaq se mobilisent contre le projet de mine d’argent et d’indium à ciel ouvert qui aplanirait et défigurerait le mont qui fut dès lors valorisé comme « sacré ». Des affrontements entre opposants et défenseurs de l’entreprise se sont soldés par un mort et plusieurs blessés. Des policiers et techniciens de la mine ont été séquestrés. Ce conflit a révélé les rivalités locales multiples et croisées pour le contrôle des ressources naturelles entre le syndicat paysan, les mairies contrôlées par le MAS, les organisations autochtones et les coopératives minières. Il conduit finalement à l’expulsion de l’entreprise canadienne et à la « nationalisation » du gisement, alors que les communautés locales souhaitaient quant à elles créer leur propre entreprise communautaire22.
16Le processus de décentralisation et d’autonomie reconnue par la nouvelle Constitution — qu’elle soit départementale, régionale, municipale ou autochtone — accentue ainsi les revendications souverainistes territoriales. Celles-ci se focalisent prioritairement sur la question des bénéfices, pécuniaires et non pécuniaires liés à toute activité d’exploitation des ressources naturelles. Elles sont à l’origine d’un nombre croissant de conflits socioterritoriaux de type multiscalaire pour la constitution et le contrôle des économies locales23. En toute logique, chaque groupe social ou économique concerné cherche ainsi à tirer à son avantage les termes de la Constitution.
La consultation préalable comme source de conflits socioenvironnementaux
17La Constitution bolivienne établit la consultation préalable comme l’une des formes de démocratie directe et participative au même titre que le référendum, l’initiative législative citoyenne, la révocation de mandat, l’assemblée et le cabildo (art. 11). Pour l’ensemble de la population, la « consultation citoyenne » est prescrite pour la formulation et la conduite de la planification économique et sociale de l’État (art. 316). Par ailleurs, la population a le « droit de participer à la gestion environnementale » et d’être « consultée et informée préalablement sur les décisions qui pourraient affecter la qualité de leur environnement » (art. 343). De la même manière, « l’exploitation des ressources naturelles est sujette à un processus de consultation de la population concernée, convoquée par l’État, qui sera libre, préalable et informée » et « la participation citoyenne sera garantie dans le processus de gestion environnementale » (art. 352). Pour les peuples autochtones, des dispositions spécifiques supplémentaires sont prévues. Ces derniers doivent être obligatoirement consultés selon leurs normes et procédures propres, de manière « préalable » et « informée » tant sur les mesures législatives ou administratives adoptées par l’État susceptibles de les concerner (art. 30) que sur l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables dans les territoires qu’ils occupent (art. 30, 352, 403). L’application de toutes ces dispositions constitutionnelles apparaît délicate et difficile à mettre en œuvre alors que la politique du gouvernement d’Evo Morales repose en grande partie sur l’industrialisation des ressources naturelles et l’élaboration de mégaprojets d’aménagement territorial. À plusieurs reprises, le président bolivien a d’ailleurs qualifié la consultation préalable de « chantage24 » ou d’« obstacle au développement de la Bolivie25 ».
18La question de la consultation préalable est particulièrement explosive dans les zones minières. En 2014, la Coordination nationale des personnes affectées par la mine et pour la protection de l’environnement de Bolivie (Conamproma) dénonce une pollution à grande échelle liée à l’activité minière dans le pays. Elle estime que plus de 30 000 personnes des départements andins de La Paz, Potosí et Oruro sont concernées. Deux tiers d’entre elles sont confrontés à de sérieux risques d’insalubrité de l’eau. Dans les Basses Terres, le fleuve Pilcomayo est si contaminé par des résidus toxiques liés à l’exploitation minière que ce sont 5 000 familles de pêcheurs qui demandent l’aide de l’État pour se reconvertir dans l’agriculture. Face à la situation préoccupante en termes de santé publique et de respect de l’environnement, les populations locales se mobilisent dans tout le pays pour faire respecter leur droit à la consultation préalable sur l’implantation d’une exploitation minière près de leurs habitations ou tout du moins sur les conditions de celle-ci et les modalités de l’activité qui s’ensuit.
19La loi minière de 2014 n’a fait que renforcer l’état de tension tant son contenu semble limiter un certain nombre de droits constitutionnels et aller à l’encontre des attentes populaires. En tout premier lieu, le texte ne reconnaît comme seuls sujets de droit à la consultation préalable que les « nations et peuples indigène-originaire-paysans, les communautés interculturelles et le peuple afro-bolivien » (art. 207), excluant toutes les autres populations concernées par l’exploitation minière26. Sont définis comme tels les individus pour lesquels sont établis une existence précoloniale, une présence ancestrale sur un territoire donné, un maintien des traits culturels et d’institutions propres, une auto-identification collective comme nation ou peuple distinct du reste de la population, un accès et une gestion collective des terres et du territoire (art. 209). En dépit de cette prérogative, les peuples autochtones voient leurs droits somme toute restreints. C’est ainsi que leur consultation préalable, libre et informée ne se réalise que dans le cadre d’une souscription de nouveau contrat minier (art. 207), alors que la plupart des opérations minières en territoires autochtones ont été préalablement légalisées sans consultation au cours du processus de conversion des TCO en territoires autochtones à partir de 201027. Par ailleurs, la procédure de consultation préalable ne concerne que l’activité d’exploitation minière, les opérations de prospection et d’exploration en sont exemptées (art. 207). Une autre restriction de taille porte sur l’objet des consultations. En effet, ne seront discutés que les plans de travail et d’investissement pour déterminer les éventuelles conséquences d’une activité d’exploitation (art. 209). En aucun cas, la Constitution et les normes internationales en vigueur ne permettent d’octroyer aux « sujets de la consultation préalable le droit de veto concernant l’exécution des activités d’exploitation minière » (art. 208). Toutefois, les peuples autochtones ont le droit de participer aux bénéfices de l’exploitation des ressources minières qui se réalisent sur leurs territoires. Le cas échéant, ils ne peuvent prétendre à une quelconque compensation ou réparation. Ils perçoivent ces bénéfices non pas de l’État ni de l’entreprise, mais du gouvernement départemental qui reçoit 85 % des royalties minières et avec qui le peuple autochtone doit trouver un accord sur le montant de la rente correspondant à l’activité produite sur son territoire. Selon la loi, « l’affectation des droits collectifs peut s’avérer positive ou négative » et la « réparation compensatoire s’effectuera lorsqu’il y aura dommage avéré par des impacts quantifiables ». « Toute compensation sera destinée à des réparations nécessaires ou au développement productif et social des sujets affectés » (art. 209).
20D’autre part, la procédure de consultation prévue par la loi minière va à l’encontre des droits constitutionnels et des droits internationaux des peuples autochtones, ne respectant ni leurs us et coutumes ni leurs conditions sociales et organisationnelles propres. Ainsi, il est indiqué que seuls leurs représentants participeront aux réunions de consultation (art. 212), rendant fragile la prise de décision collective et consensuelle. Par ailleurs, la procédure est limitée dans le temps, ignorant la distance qui sépare les familles et la disponibilité de celles-ci pour participer de manière indirecte à la consultation qui doit impérativement se réaliser dans un délai de quatre mois et ne pas demander plus de trois réunions entre les parties concernées (art. 211 et 212). Si aucun accord n’est trouvé à l’issue de ces termes, c’est l’Autorité juridictionnelle administrative minière (Ajam) qui assure la médiation pour une durée maximale de quinze jours durant lesquels trois nouvelles réunions pourront être organisées (art. 213 et 214). Faute d’accord, le ministère des Mines et de la Métallurgie octroie ou non le droit d’exploitation par la publication, dans un délai de quinze jours, d’une résolution spécifique émise à partir de l’étude du dossier et, a priori, sans consultation ni concertation avec les parties concernées (art. 215). Ainsi, la loi minière ne fait que s’inscrire dans la continuité du code minier de 1997. En octroyant dans ses dispositions fondamentales un caractère stratégique et d’utilité publique aux ressources minières (art. 8 et 9), elle renforce plus encore le droit minier sur tout autre type de droit et instaure une incompatibilité de fait avec une application effective du droit à la consultation préalable des populations. Et alors que la frontière minière est étendue aux aires protégées et forestières (art. 220), la loi prévoit dans le même temps des poursuites pénales à l’encontre de toute personne empêchant l’exercice effectif des activités minières (art. 99). Pour toutes ces raisons, de nombreuses organisations sociales, en particulier autochtones, réclament son abrogation immédiate. En juin 2014, celles-ci déclaraient de manière unanime son caractère inconstitutionnel28 lors du sommet social des Basses Terres sur la loi minière organisée en parallèle au sommet du G77 + Chine à Santa Cruz de la Sierra.
21Dans le cadre de l’exploitation des hydrocarbures, la situation s’avère similaire. Une loi sur les hydrocarbures promulguée en 2005 renforce le droit des peuples autochtones à la consultation préalable et à la participation, à des indemnisations, à des compensations territoriales, au respect et à la protection des lieux sacrés, à une rétribution fiscale. En 2007, une série de décrets29 vient réglementer le processus de consultation préalable et de participation des peuples autochtones aux comités de monitorat socioenvironnemental mis en place dans le cadre des projets d’exploitation gazière et pétrolière. Non sans contradiction, le gouvernement d’Evo Morales estime, par l’intermédiaire de l’ancien président de YPFB, Carlos Villegas, que l’exploration serait ainsi freinée, voire bloquée par les normes de licence environnementale, de consultation et de participation. Malgré la nouvelle législation, les problèmes liés à l’exploitation pétrolière n’ont pas véritablement évolué. Dans la pratique, les procédures de consultation sont peu ou mal appliquées et les projets gaziers et pétroliers se réalisent sans consentement réel des populations locales. Les compensations et les indemnisations ne se résument souvent qu’à la construction de quelques écoles ou de postes sanitaires dans le cadre de mesures de responsabilités économiques et sociales (RES)30 destinées, pour les entreprises, à promouvoir un développement durable local ou à se construire une « image verte ». Lorsque ces compensations sont conséquentes, ce qui est plutôt rare, elles ne comblent jamais les effets multiples et durables liés à la présence d’un site d’exploitation des hydrocarbures (pollution, déculturation, réorganisation spatiale, changements sociaux, etc.). Par ailleurs, les retombées économiques en termes d’emploi ou de royalties sont souvent trop maigres pour être pleinement satisfaisantes aux yeux des populations concernées. À quelques exceptions près, les mesures d’impacts socioenvironnementaux pendant et après l’exploitation s’avèrent souvent contestables et contestées. Ces RES n’accordent encore que peu d’importance aux questions relatives à la fermeture éventuelle de sites miniers, à la corruption ou au respect des droits de l’homme31. Des études sont régulièrement publiées sur toutes ces problématiques qui donnent lieu à des conflits sociaux locaux permanents32.
22La controverse autour de la consultation préalable a pris une dimension nationale avec le conflit socioenvironnemental dans le Territoire indigène et parc national Isiboro-Sécure (Territorio indígena y parque nacional Isiboro Sécure – Tipnis) situé au centre du pays. Parc national depuis 1964 et premier territoire autochtone reconnu par l’État en 1990, le Tipnis est devenu, depuis 2010, le cas emblématique des mobilisations sociales pour le droit à la consultation préalable des populations concernées par des projets d’exploitation des ressources naturelles ou d’aménagement territorial. Dans ce cas précis, il s’agit d’un projet de route devant traverser en son milieu et du nord au sud le Tipnis. Le conflit s’est traduit par une succession d’événements retentissants qui ont marqué la vie politique nationale bolivienne au cours de ces dernières années33. Il a donné lieu à de multiples marches autochtones largement soutenues par la population nationale, des contremarches paysannes pilotées par le gouvernement bolivien, deux lois polémiques et un processus de consultation controversé. En 2011, une première marche autochtone s’oppose au projet routier. Elle fait l’objet d’une répression policière34 qui a pour effet de donner rapidement une ampleur nationale et internationale au conflit. Une seconde marche conteste en 2012 le processus tardif de consultation, décidé unilatéralement par le gouvernement bolivien et réclamé par les fédérations de producteurs de feuilles de coca installées dans le Tipnis. Favorables au projet de route et principal soutien du président Morales, celles-ci sont les organisatrices des contremarches. Toutes ces mobilisations aboutissent à la promulgation de deux lois. La loi 180 de protection du Tipnis du 24 octobre 2011 qui déclare sans plus de précision la zone comme « intangible » et la loi 222 du 10 février 2012 qui engage la consultation. Celle-ci se réalise dans un climat de tension marqué par le boycott d’un grand nombre de villages autochtones qui refusent de répondre ou d’accueillir les représentants de l’État. Ont également été répertoriés des actes de violence à l’égard de ces derniers ou entre autochtones et paysans, des poursuites judiciaires à l’encontre des dirigeants autochtones ayant organisé les marches et les actions de résistance. Les méthodes de consultation se voient fortement contestées et les résultats font l’objet de conclusions opposées entre le gouvernement d’Evo Morales et les institutions soutenant les peuples autochtones du Tipnis (ONG, Église catholique, Défenseur du Peuple). Face au statu quo et à la menace d’une recrudescence des affrontements entre autochtones et paysans, le projet est finalement suspendu jusqu’aux élections d’octobre 2014. La protection légale du Tipnis est finalement levée en août 2017, conduisant à de nouvelles mobilisations d’envergure nationale. En 2018, le Tribunal international pour la défense des droits de la nature demande expressément de suspendre le projet routier et de sanctionner le gouvernement bolivien.
23Bien d’autres projets d’aménagement territorial, en particulier ceux réalisés dans le cadre de l’Iirsa, sont à l’origine de conflits socioenvironnementaux du même acabit. Entre 2012 et 2017, la déforestation annuelle moyenne aurait en effet été de 220 000 hectares, avec un sommet en 2016 de 295 777 hectares déboisés selon le service des Forêts et des Terres. Près de 70 territoires autochtones et des centaines de villages et bourgades sont impliqués dans des conflits similaires à celui du Tipnis35. La question de la consultation préalable des populations locales y est souvent centrale. Dans les territoires et aires protégées Madidi et Pilón Lajas, la procédure de consultation n’a jamais eu lieu ou n’a duré que quelques jours pour l’ensemble des projets (route, complexe agro-industriel sucrier, pont, barrage El Bala, nouvelles concessions pétrolières). La population locale reste peu informée sur leur avancement et l’ampleur de leurs impacts36. En 2011, le peuple tacana, cotitulaire du territoire autochtone multiethnique II, dénonçait l’absence de consultation préalable, libre et informée sur le projet de couloir nord de l’Iirsa qui prévoit quelque 2 000 kilomètres de réseau asphalté devant longer 15 territoires autochtones et 5 aires protégées. Les représentants de ce peuple exprimaient leurs craintes quant aux effets sur la déforestation et le trafic illégal de bois vers le Pérou et le Brésil et exigeaient l’ouverture de négociations sur le tracé et des indemnisations le cas échéant. Le barrage de Cachuela Esperanza fait lui aussi l’objet d’une grande controverse. Sa construction impliquerait l’inondation d’une vaste zone de 690 km2, le déplacement de la population locale majoritairement composée d’autochtones et la réduction drastique des stocks de poissons dans une grande partie du bassin fluvial du Beni37. Depuis l’annonce du projet en 2008, aucune consultation n’a été proposée ni même évoquée. La centrale autochtone de la région amazonienne de Bolivie (Central indígena de la región amazónica de Bolivia – Cirabo) réclame en vain des informations et demande à être reconnue comme organisation représentative et interlocutrice. Face au silence prolongé de l’État bolivien, les peuples autochtones concernés réclament la suspension du projet.
24En 2011, les principales organisations autochtones du pays, la Cidob et le Conamaq, présentent auprès de l’Assemblée législative plurinationale (ALP) un projet de loi sur la consultation préalable visant à systématiser la consultation préalable, à définir de manière précise les règles et les modalités de procédure et à faciliter le consentement des populations locales. La proposition repose en grande partie sur les droits internationaux des peuples autochtones, en particulier la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail sur les droits des peuples autochtones et tribaux (1989) et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007). Suite aux événements liés au Tipnis et sur l’insistance du Haut-Commissariat des Nations unies, le gouvernement d’Evo Morales juge, en 2012, nécessaire une loi-cadre de consultation. Toutes les organisations autochtones ne participent pas à l’élaboration du texte officiel. Seules celles qui sont proches du gouvernement y contribuent. En revanche, celles qui se présentent comme contestataires se voient marginalisées par le pouvoir et leur proposition déconsidérée. Depuis lors prédominent le statu quo et une certaine confusion. Pas moins de cinq propositions circulent. La Cidob, le Conamaq et l’Assemblée du peuple guaraní (APG) non affiliés au MAS refusent le projet de loi gouvernementale, estimant que leurs propositions ont été ignorées et qu’elles n’avaient pas participé au débat. Le traitement du texte officiel par l’ALP s’est vu reporté à plusieurs reprises. À n’en pas douter, le moment venu devrait générer un regain de tension sociale et politique. Au travers de leurs actions pour la consultation préalable, les peuples autochtones se trouvent, une nouvelle fois, à l’avant-garde de mobilisations sociales et de propositions autour du droit à la participation politique qui entraînent et impliquent des secteurs non autochtones. La consultation et le consentement comme forme de participation à la prise de décision deviennent l’affaire de tous, autochtones et non-autochtones, notamment au travers des conflits socioenvironnementaux qui se multiplient en Bolivie comme dans les cas du Tipnis, de Cachuela Esperanza et des divers projets routiers inscrits dans le cadre de l’Iirsa38.
La mine : un lieu de hautes tensions
25S’il y a un secteur d’activité qui génère plus que tout autre des tensions entre organisations sociales et économiques pour le contrôle des ressources naturelles, c’est bien celui des minerais. L’organisation tripartite du secteur (étatique, privée, coopérative) est flanquée d’une affiliation organisationnelle duale, ce qui contribue à démultiplier les conflits d’intérêts. Les employés de la Corporation minière de Bolivie (Comibol) et des entreprises privées dépendent de la Fédération syndicale des travailleurs miniers de Bolivie (FSTMB), ceux des coopératives de la Fédération nationale des coopératives minières de Bolivie (Fencomin). À cet agencement sectoriel déjà complexe vient se greffer l’intervention d’organisations autochtones liée à l’existence de nombreux projets miniers en territoires autochtones. C’est dire si les ressources minières se trouvent au centre de luttes corporatistes et de réseaux d’alliance reposant à la fois sur des dynamiques sectorielles et organisationnelles.
Schéma no 4 : Les principaux acteurs intervenant dans la mine
Comibol (État) | Entreprises privées | Coopératives | Peuples autochtones |
Fédération syndicale des travailleurs miniers de Bolivie | Fencomin | Organisations autochtones |
26Pour couronner le tout, il est fréquent que les trois corps exploitant les ressources minières développent leurs activités de manière simultanée sur les mêmes sites. En d’autres termes, il est commun que dans une mine, se coudoient les employés de la Comibol, des entreprises privées et des coopératives travaillant chacun dans des prés carrés contigus. Cette gestion est propice à de nombreuses tensions qui s’accompagnent souvent d’actes de violence (affrontements, séquestrations, morts), notamment depuis l’augmentation du prix des matières premières et l’élargissement de la frontière minière. Entre 2004 et 2010, 201 concessions minières sont ainsi assiégées39, que ce soit pour prendre le contrôle des aires de travail ou pour bloquer le projet d’exploitation. À ce petit jeu, les membres des coopératives sont avantagés par leur nombre estimé à près de 120 000 en 2013. Face à cette situation, le gouvernement Morales a pu répondre par un « capitalisme politique » privilégiant des mesures fondées sur des critères politiques plutôt qu’économiques40. Suite à de violents conflits, d’une part, entre syndicalistes et coopérateurs à Huanuni (2006) et Colquiri (2011, 2012, 2013) et, d’autre part, entre mineurs et organisations autochtones pour le contrôle des mines comme à Mallku Khota en 2012, le gouvernement de Morales décide de « nationaliser » ces sites, totalement (Huanuni, Mallku Khota) ou partiellement comme à Colquiri où les coopérateurs négocient un espace de travail avec la Comibol.
27La relance (relative) par l’État de l’activité minière a considérablement accentué la concurrence entre les syndicats (secteurs public et privé) et les coopératives. La nationalisation des mines d’étain en 1952 avait conduit à la création de la Corporation minière de Bolivie (Comibol) et de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), à laquelle était rattachée la Fédération syndicale des travailleurs miniers de Bolivie (FSTMB). Ce syndicat s’est porté à l’avant-garde de la contestation jusqu’à l’adoption de politiques d’ajustement structurel appliquées à partir de 1985. Certains aspects de la politique du gouvernement d’Evo Morales ont permis à la FSTMB de retrouver une nouvelle verve nationaliste révolutionnaire, inspirée d’un passé plus glorieux, produisant de nouveau un discours d’obédience socialiste lors d’importantes mobilisations destinées à renforcer les droits de l’ensemble des travailleurs (augmentation des salaires, loi des retraites). Moins classistes, d’autres demandes ont exclusivement trait à la situation des mineurs salariés, comme la nationalisation des aires de travail des coopératives ou la généralisation de l’impôt à ce secteur41. La nature et l’étendue des revendications portées par la FSTMB trouvent vite leurs limites face à la diversité des situations entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé et à la divergence des attentes qui s’ensuit. Si la Fédération soutient les nationalisations au détriment des coopératives, elle s’oppose en revanche à celle des entreprises privées, affirmant qu’une telle mesure irait à l’encontre des intérêts des travailleurs du fait que la Comibol n’aurait pas les moyens d’administrer de nouvelles mines ni d’absorber une telle main-d’œuvre. Malgré cette posture délicate, la FSTMB se définit comme une organisation représentative de premier ordre dont la légitimité ne peut être remise en cause. Pour se faire, elle mobilise sans cesse le passé de ses anciennes « luttes héroïques » contre les dictatures, profondément ancrées dans l’imaginaire bolivien.
28Le secteur des coopératives est quant à lui en grande partie l’héritier du démantèlement des mines d’État. Alors que les gisements les plus riches sont achetés par des entreprises privées, les sites secondaires sont exploités par les mineurs eux-mêmes, organisés de manière ad hoc en coopératives, sans véritables ressources économiques ni possibilités d’investissement que ce soit dans les domaines de la recherche, de la prospection ou de l’exploitation. En Bolivie, l’activité en coopérative est reconnue par la loi générale des sociétés coopératives de 1958 qui la définit par l’égalité des droits et les obligations des partenaires en termes de gestion démocratique, de contrôle social, de finalité sociale et de limitation d’intérêt du capital. C’est au nom de ce caractère « social » que les coopératives minières boliviennes bénéficient de nombreux avantages : elles sont exemptées de nombreux impôts et ne sont pas tenues de se soumettre à certaines normes environnementales. Malgré ses origines, le système coopératif minier a progressivement abandonné toute revendication de classe. La structure même des coopératives se révèle très inégalitaire et verticale, reposant sur une élite dirigeante administrative et une masse de travailleurs exécutant le travail au fond des mines. Dans les galeries, la logique unitaire syndicale a laissé place à des travaux par petits groupes autonomes, à un usufruit du travail individuel et à une conduite plus pragmatique orientée vers la recherche d’intérêts immédiats en accord avec le modèle extractiviste42. L’individualisation du travail qui a cours au sein des coopératives incite les syndicats à considérer leurs membres comme une « nouvelle bourgeoisie » de l’industrie minière43. En 1997, la loi de transfert 1786 permet aux coopératives de bénéficier du matériel, souvent vétuste, de la Comibol. Cela leur a permis d’augmenter le volume et la valeur de leurs exportations qui passent de 43 millions d’euros en 1980 à 762 millions en 2011, soit 30 % des exportations minières actuelles. Selon l’État, il existerait 1 417 coopératives en Bolivie en activité en 2012, dont la taille oscillerait de quelques mineurs à des milliers de coopérateurs. La faible connaissance technique des travailleurs et le manque d’investissement conduisent à augmenter la pénibilité et la dangerosité des conditions de travail, mais aussi à engendrer de fortes pollutions environnementales. Sur l’ensemble des coopératives minières du pays, 30 % opéreraient de manière illégale selon le vice-ministère des Coopératives, parmi lesquelles 65 % sont spécialisées dans l’or44.
29À la différence de la FSTMB, la Fencomin se caractérise par un discours unitaire de défense totale de ses intérêts corporatifs. De par le nombre de ses membres, les coopératives jouent un rôle politique majeur. En 2005, Evo Morales aurait ainsi proposé aux coopératives de Huanuni des aires d’activité en échange de leur soutien dans les urnes. Cet accord « pas très intelligent, mais attractif électoralement » engendre par la suite de violents affrontements avec les syndicats45. Un conflit éclate en 2006 entre les 800 salariés de la Comibol et les 4 000 coopérateurs qui cherchent à prendre le contrôle de certaines parties du gisement de Huanuni. Le bilan des affrontements s’élève à 16 morts et crée une vague d’émotion dans tout le pays face à cette guerre fratricide entre mineurs. Le ministre des Mines Villaroel, issu de la Fencomin, est démis de ses fonctions, accusé d’avoir encouragé les actions des coopératives. Un autre conflit majeur se produit en 2011 dans la mine de Colquiri gérée par l’entreprise privée Sinchi Wayra (de la transnationale suisse Glencore), entre les 400 salariés de l’entreprise et les 1 200 coopérateurs. Ces derniers demandent que la mine passe sous la gestion des coopératives au nom de la « souveraineté nationale ». Face à cette proposition, les syndicats de l’entreprise réclament une nationalisation totale du gisement et leur intégration à la Comibol. Après une série d’affrontements, de blocages de routes et de prises d’otages, la zone est militarisée. Bientôt, l’ensemble des syndicats de mineurs mène une grève générale et obtient, en 2012, la nationalisation de 45 % de la mine. Les coopérateurs obtiennent, quant à eux, le droit d’exploitation sur l’une des parties les plus riches du gisement. Les conflits entre coopératives et syndicats ont de nombreux impacts. Ils ont largement freiné la production et se sont souvent soldés par des nationalisations « accidentelles46 » révélatrices d’une gestion relativement aléatoire de la part du gouvernement. Ces conflits ont également pénétré les plus hautes sphères de l’État et ont fait chuter plusieurs ministres. La répercussion s’est également produite au sein de la Comibol qui a connu six présidents en huit ans, dont trois pour la seule année 201247.
30Si les chiffres sur la répartition des secteurs mobilisés lors des attaques de sites miniers diffèrent selon les sources48, il est incontestable que les organisations autochtones ont joué un rôle croissant dans les conflits miniers49. L’un des plus emblématiques a été la mobilisation des communautés contre le projet d’exploitation de Mallku Khota par l’entreprise South American Silver. Les mobilisations autochtones se sont multipliées sur l’ensemble du territoire bolivien depuis les années 2000, principalement dans la partie andine. Dans le même temps, plusieurs organisations de défense territoriale contre les projets miniers, issues des communautés paysannes-autochtones, ont vu le jour. Dans le département d’Oruro, l’une des régions les plus contaminées par l’extraction minière, est apparue la Coordination pour la défense du bassin de la rivière Desaguadero et des lacs Poopoo Uru Uru (Coridup). À l’échelle nationale, la Coordination nationale des communautés affectées par la mine et la protection de l’environnement (Conaproma) a vu le jour en 2001 et compterait environ 30 000 affiliés. À l’instar des populations locales concernées par l’exploitation de Mallku Khota, ces coordinations locales et nationales ne sont pas réfractaires à l’exploitation des ressources naturelles, mais exigent qu’elle se fasse dans un cadre normalisé, respectueux des populations locales, de leurs droits, de leurs intérêts et de leur environnement.
31Contrairement à ce qui est souvent avancé, seuls 12 %50 à 19 %51 des mobilisations locales contre des projets miniers porteraient directement et exclusivement sur des questions environnementales. La grande majorité des conflits miniers se concentre autour de la répartition des richesses (accès aux aires d’exploitation, compensation financière, création d’emplois locaux directs ou indirects, etc.). Les quelques cas recensés de refus total de toute activité minière se déroulent dans des zones de forte tradition minière, où les effets polluants sont connus et où l’accès à l’eau est d’autant plus privilégié que ces zones développent d’autres projets économiques (production laitière à Challapata à Oruro, activités forestières en Chiquitanie). Malgré une forte rhétorique écologique autour de la Pachamama et du Vivir Bien, ou du droit à la « consultation préalable, libre, informée et de bonne foi », les mouvements ruraux boliviens se caractérisent ainsi en majorité par l’acceptation de l’économie minière52. Après avoir lutté pour la reconnaissance de leurs droits, les mouvements autochtones tentent aujourd’hui de mener une lutte pour la redistribution des richesses qui s’avère centrale dans des régions considérées comme parmi les plus pauvres du continent, malgré la richesse de leur sous-sol.
32Au-delà des luttes souvent inégales menées contre les multinationales minières, les communautés autochtones se sont également heurtées aux syndicalistes de la Comibol et aux coopératives de mineurs qui se sont sentis politiquement démunis face aux demandes de la Cidob et du Conamaq en termes de respect des droits autochtones et de décolonisation de l’activité minière. La pression autochtone a incité la FSTMB et la Fencomin à s’unir pour consolider la protection juridique des concessions à travers la loi 744 « contre les occupations et le trafic de terres » (2013) et la loi minière (2014) qui prévoit de sanctionner toute action entravant l’activité minière (art. 99). Par ailleurs, les deux fédérations de mineurs font bloc pour refuser toute installation d’entreprise « communautaire ». La FSTMB considère cette perspective comme le début de plans d’expropriation et comme des entreprises au seul bénéfice des peuples autochtones. De con côté, la Fencomin juge ces projets communautaires comme une véritable concurrence au système de coopératives. Censées être plus respectueuses des savoirs des populations locales et de l’environnement, ces entreprises communautaires ont été perçues telle une véritable menace. Les peuples autochtones n’ont ainsi pas été reconnus comme « sujets de droit minier » lors des négociations autour de la loi minière de 2014, négociations durant lesquelles les secteurs autochtones et paysans furent exclus.
33La nouvelle loi minière approuvée par le Parlement en 2014 devait mettre un terme à l’ancien code minier d’obédience néo-libérale de 1997. Elle a surtout fait resurgir les tensions et les luttes corporatistes entre les différents acteurs. Si la Fencomin a été la grande bénéficiaire de cette loi, l’article 151 reconnaissant le droit des coopératives à signer des contrats avec les multinationales a révélé au grand jour des pratiques anciennes, entraînant une certaine confusion au sein même du gouvernement Morales qui découvrait, semble-t-il, la réalité de la sous-traitance au service du capital international dans son propre pays. Le retrait de cet article avant le traitement de la loi par le Parlement provoque la colère de la Fencomin. Figée sur des positions corporatistes, celle-ci lance des mobilisations dans tout le pays, souvent violentes, afin de maintenir la loi dans sa forme initiale. La dernière en date, en août 2016, conduit à d’importantes violences entre les coopérateurs et la police, aboutissant à la séquestration et à l’assassinat du vice-ministre du Régime intérieur et policier, Rodolfo Illanes53.
34Ainsi, la loi minière de 2014 n’a eu pour effet que d’attiser les tensions entre les différents secteurs directement et indirectement concernés. Par ailleurs, nombre de conflits autour de la gestion de certains gisements, comme à Colquiri, n’ont toujours pas été résolus. La perte de légitimité de la Fencomin après les événements d’août 2016 pourrait aujourd’hui engager le secteur minier dans une profonde réorganisation. La FSTMB pourrait tirer son épingle du jeu en voyant acceptée par le gouvernement la nationalisation des gisements pour toute entreprise ou coopérative ne respectant pas les nouvelles normes d’exploitation fixées par la loi. Elle appelle également de ses vœux le gouvernement à accentuer les phases d’exploration. L’apparition d’organisations rurales et urbaines vigilantes à l’égard de l’activité minière et proches des réseaux d’ONG environnementales transnationales devrait constituer un élément important dans l’évolution de la question minière en Bolivie.
Notes de bas de page
1 J. L. Roca, Fisonomía del regionalismo boliviano: la otra cara de la Historia, Santa Cruz, El País, 2007 [3e éd.].
2 Voir chapitre suivant.
3 M. T. Zegada, C. Arce, G. Canedo et A. Quispe, La democracia desde los márgenes, op. cit.
4 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit.
5 H. Do Alto et F. Poupeau, « Ressorts de l’opposition régionale bolivienne », in F. Polet (dir.), La Bolivie d’Evo : démocratique, indianiste et socialiste ?, Paris/Louvain-la-Neuve, Syllepse/Centre Tricontinental, 2010, p. 75-94.
6 M. Gysler, La lucha por el territorio en el Nor Lipez: contexto, significado y proceso de una demanda de TCO en el altiplano meridional de Bolivia, La Paz, Agruco/Plural, 2011.
7 T. Perreault, « Conflictos del gas y su gobernanza: el caso de los Guaranies de Tarija, Bolivia », Anthropológica, nº 28, 2010, p. 146.
8 A. Bebbington, « Presentación », in L. Hinojosa (dir.), Gas y desarrollo: dinámicas territoriales rurales en Tarija-Bolivia, La Paz, Cerdet/Fundación Tierra, 2012, p. 15-19.
9 G. Cortez, « Actores y coaliciones de poder en Villamontes y Entre Ríos: una lectura histórica y contemporánea », in L. Hinojosa (dir.), Gas y desarrollo: dinámicas territoriales rurales en Tarija-Bolivia, La Paz, Cerdet/Fundación Tierra, 2012, p. 49-90.
10 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit.
11 L. Hinojosa, J. P. Chumacero, G. Cortez, A. Bebbington et D. Humphrey Bebbington, « La formación de territorio asociada a la expansión de la industria del gas en Tarija », in L. Hinojosa (dir.), Gas y desarrollo: dinámicas territoriales rurales en Tarija-Bolivia, La Paz, Cerdet/Fundación Tierra, 2012, p. 91-109.
12 La Paz avec 68 %, Cochabamba avec 62 %, Chuquisaca avec 57 %, Potosí avec 69 % et Oruro avec 74 %. Voir les résultats détaillés dans le premier chapitre de cette partie.
13 M. Gysler, La lucha por el territorio en el Nor Lipez, op. cit.
14 À la différence des « autochtones », les groupes paysans ne peuvent bénéficier de droits spécifiques reconnus au niveau international sur leurs territoires, notamment à travers les TCO qui leur permettent de négocier directement avec les entreprises étrangères. À Tarija, les organisations paysannes ont ainsi opté pour la stratégie de créer des municipalités rurales afin de rompre avec la domination des élites urbaines sur les campagnes. Face à leurs mobilisations, la préfecture de Tarija décide en 2007 d’offrir une partie des redevances gazières à travers un bon solidaire (Prosol) de 285 dollars par famille afin de réduire les pressions politiques pour l’autonomie locale. Voir : L. Hinojosa, J. P. Chumacero, G. Cortez, A. Bebbington et D. Humphrey Bebbington, « La formación de territorio », op. cit.
15 T. Perreault, « Conflictos del gas y su gobernanza », op. cit.
16 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit. ; G. Cortez, « Actores y coaliciones de poder en Villamontes y Entre Ríos », op. cit.
17 Ibid.
18 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit.
19 T. Perreault, « Conflictos del gas y su gobernanza », op. cit.
20 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit.
21 F. Poupeau, « La Bolivie entre Pachamama et modèle extractiviste », Écologie & politique, no 46, 2013/1.
22 C. Le Gouill, « Imaginaires miniers et conflits sociaux en Bolivie », op. cit.
23 H. Mazurek et L. Arreghini, « Structuration des territoires et logiques divergentes de l’économie bolivienne », Espaces et sociétés, no 124-125, 2006, p. 73-91.
24 A. Rodríguez-Carmona, M. Castro et P. Sánchez, Imaginarios a cielo abierto: una mirada alternativa a los conflictos mineros en Perú y Bolivia, Madrid, Acsur, 2013.
25 E. Madrid Lara, « Conflictos socioambientales en la minería: límites y realidades de su gestión », in Unir, La veta del conflicto: ocho miradas sobre conflictividad minera en Bolivia (2010-2014), La Paz, Unir, 2014.
26 Ibid.
27 A. Tejada Soruco, Minería en las tierras bajas de Bolivia, Cochabamba, Cedib, 2012.
28 Déclaration de Santa Cruz datée du 14 juin 2014.
29 Décrets 29033 du 16 février, 29103 du 23 avril et 29124 du 9 mai 2007.
30 Depuis les années 1990, ce type de mesures s’applique à l’échelle internationale par les entreprises qui ont elles-mêmes contribué à leur élaboration et leur application. Les organismes internationaux et les organisations non gouvernementales transnationales jouent également un grand rôle dans la normalisation et la systématisation de ces normes. Dans le cas du secteur minier bolivien, l’application de ces mesures s’est accompagnée de l’adoption stratégique et symbolique de nominatifs autochtones par les entreprises, liés à l’idée de Nature comme les entreprises Inti Raymi (« fête du soleil » en quechua) ou Sinchi Wayra (« vent fort » en quechua). Voir A. Rodríguez-Carmona, M. Castro et P. Sánchez, Imaginarios a cielo abierto, op. cit.
31 C. Gendron, E. Champion et G. Belem, « La régulation de l’industrie minière canadienne dans les pays en développement : quel potentiel pour la responsabilité sociale des entreprises ? », McGill International Journal of Sustainable Development Law & Policy, 4(1), 2008, p. 51-76.
32 J. Giné et F. Villaroel, Total E&P Bolivie y sus impactos en los derechos humanos del pueblo guaraní de la capitanía de muyupampa: el caso del Proyecto de Prospección Sismica del bloque Ipati-Aquio, Santa Cruz, Ceadesc, 2011.
33 Ce conflit a été amplement commenté et a fait l’objet de nombreuses publications. Voir entre autres : M. Chávez, M. Dávalos, S. Paz, B. Fischermann et M. Eróstegui, Extractivismo y resistencia indígena en el Tipnis, La Paz, Autodeterminación, 2012 ; L. Perrier-Bruslé, « Le conflit du Tipnis et la Bolivie d’Evo Morales face à ses contradictions : analyse d’un conflit socio-environnemental », EchoGéo [en ligne], mis en ligne le 26 janvier 2012 [consulté le 7 août 2013]. Disponible sur : http://echogeo.revues.org/12972 ; Fundación Tierra, Marcha Indígena por el Tipnis: la lucha en defensa de los territorios, La Paz, Fundación Tierra, 2012 ; I. Gúzman, « Octava Marcha Indígena en Bolivia: por la defensa del territorio, la vida y los derechos de los pueblos indígenas », Cuadernos de Investigación, no 77, 2012 ; Cidob, Bolivia Plurinacional, no 5, décembre 2012.
34 Le 25 septembre 2011, le cortège est violemment dispersé par la police qui a l’ordre de ramener les manifestants manu militari dans leurs villages. Cette intervention bouleverse le pays. Malgré ce contretemps, le cortège se recompose et arrive le 19 octobre à La Paz, accueilli triomphalement par une foule estimée à 100 000 personnes.
35 Ceadesc, Atlas de Megaproyectos de Infraestructura en Bolivia, op. cit.
36 H. Laats, M. L. Inturias et C. Caymani, Megaobras en Madidi y Pilón Lajas: hacia una transformación de los conflictos, La Paz, Pieb, 2012.
37 P. Villegas Nava, Geopolítica de las carreteras y el saqueo de los recursos naturales, Cochabamba, Cedib, 2013.
38 L. Lacroix, « Le devenir incertain des territoires », op. cit., 2015.
39 Les sources varient d’une étude à l’autre, allant de 64 conflits entre 2010 et 2014, à 103 conflits entre 2010 et 2011. D’autres estiment qu’il y aurait eu 200 prises illégales de gisement entre 2004 et 2012, dont 45 attaques en 2010 et 58 en 2011. Voir : A. Arze Alegría, « La lógica del conflicto minero », in Unir, La veta del conflicto: ocho miradas sobre conflictividad minera en Bolivia (2010-2014), La Paz, Unir, 2014, p. 53-80 ; P. Portugal, « Comunidades y explotación mineras », in H. Oporto (dir.), Los dilemas de la mineria, La Paz, Fundación Vicente Pazos Kanki, 2012, p. 175-233.
40 H. Oporto, «¿La nacionalizacion minera? Entre el mito y el desencanto », in H. Oporto (dir.), ¿De vuelta al Estado minero?, La Paz, Fundación Vicente Pazos Kanki/Foro Minero, 2013.
41 M. S. Quiroga Trigo, « El sector minero en la perspectiva histórica: trayectoria del actor sociopolítico », in Unir, La veta del conflicto: ocho miradas sobre conflictividad minera en Bolivia (2010-2014), La Paz, Unir, 2014.
42 J. Michard, Cooperativas mineras en Bolivia: formas de organización, producción y comercialización, Cochabamba, Cedib, 2008 ; K. Francescone et V. Díaz, « Cooperativas Mineras. Entre socios, patrones y peones », Petropress, 2013.
43 J. Crabtree et A. Chaplin, « Cooperativas Mineras. Entre socios, patrones y peones », Petropress, 2013, op. cit.
44 P. Poveda Avila, « Áreas de explotación minera y conflictividad », in Unir, La veta del conflicto: ocho miradas sobre conflictividad minera en Bolivia (2010-2014), La Paz, Unir, 2014b.
45 P. Portugal, « Comunidades y explotación mineras », op. cit., p. 191-192.
46 Expression empruntée à Jorge Campanini, chercheur au Centre de documentation et d’information de Bolivie (Cedib), une ONG spécialisée sur les questions environnementales et les ressources naturelles (entretien réalisé à Cochabamba, avril 2014).
47 H. Oporto, «¿La nacionalizacion minera? », op. cit.
48 Selon certaines sources, les attaques seraient menées par les communautés paysannes-indigènes (50 %), les coopératives (30 %) et les travailleurs contre les entreprises privées (20 %), voir : P. Portugal, « Comunidades y explotación mineras », op. cit. D’autres estiment cependant que ces communautés ne sont à l’origine que de 12 % des invasions d’aires d’exploitation, alors que le secteur syndical serait à l’origine de 35 % des mobilisations et les coopératives de 28 %, voir : A. Arze Alegría, « La lógica del conflicto minero », op. cit.
49 Au-delà de la position politique des organisations autochtones, il est important de préciser que de nombreux mineurs s’autodéfinissent eux-mêmes comme autochtones, notamment au sein des coopératives qui permettent une liberté de temps de travail compatible avec les activités agricoles. Voir P. Absi, Les ministres du diable : le travail et ses représentations dans les mines de Potosí, Paris, L’Harmattan, 2003.
50 E. Madrid Lara, « Conflictos socioambientales en la minería », op. cit.
51 A. Arze Alegría, « La lógica del conflicto minero », op. cit.
52 M. Svampa, « Evo ou l’articulation du “communautaire” au “national-populaire” », in F. Polet (dir.), La Bolivie d’Evo : démocratique, indianiste et socialiste ?, Paris/Louvain-la-Neuve, Syllepse/Centre Tricontinental, 2010 ; P. Portugal, « Comunidades y explotación mineras », op. cit. Pour une vision plus générale de la relation des peuples autochtones andins avec la « modernité » ou le développement, voir : F. Poupeau, « L’eau de la Pachamama : commentaires sur l’idée d’indigénisation de la modernité », L’Homme, no 198-199, 2011, p. 247-276 ; C. Le Gouill, « Del saber tradicional a la constitución de un “habitus desarrollista” en el Norte Potosí », Bulletin de l’Institut français des études andines, no 44, 2016b, p. 427-446.
53 Voir p. 105 de la partie 1.
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