Le gouvernement d’Evo Morales et les mouvements sociaux
p. 277-302
Texte intégral
1Le gouvernement d’Evo Morales a acquis — et propagé — l’image d’un « gouvernement des mouvements sociaux » grâce aux alliances qu’il a pu nouer avec les organisations sociales. Dernière coalition en date, la Coordination nationale pour le changement (Conalcam) réunit différentes organisations sociales de la société civile. En principe, celle-ci doit constituer un acteur central dans la mise en place des politiques publiques et participer directement à l’élaboration des grandes lignes d’action de l’exécutif. Dans la pratique, la rhétorique gouvernementale autour du « diriger en obéissant » semble plus subliminale qu’effective. Le « gouvernement des mouvements sociaux » apparaît davantage comme un « mythe mobilisateur »1, les bases des organisations sociales étant peu consultées et leurs représentants s’étant éloignés d’elles, plus souvent préoccupés par l’accès aux postes de la fonction publique. Le manque de démocratie interne et la difficulté pour les bases militantes à faire émerger une parole critique au gouvernement dans les espaces de décision collective génèrent une certaine autonomie décisionnelle des dirigeants. À son insu, le MAS constitue donc le creuset d’une nouvelle élite composée des dirigeants des organisations sociales proches d’Evo Morales et de techniciens fidèles.
2Les stratégies d’alliances entre le gouvernement et les organisations sociales ont entraîné certaines dérives corporatistes et clientélistes, aussi bien de la part du gouvernement que de ces organisations. Ces dernières ont en effet une vision « patrimoniale » de l’État, c’est-à-dire qu’elles le perçoivent comme un bien privé duquel elles peuvent se servir selon une logique rentière2. Le traditionnel clientélisme qui permettait à chaque organisation de placer ses représentations au sein des cabinets ministériels n’a pas permis de dépasser les tensions idéologiques ni les luttes corporatistes entre ces secteurs sociaux. Pour le gouvernement, la volonté d’avoir des candidats aux élections locales et nationales nommés par les bases, c’est-à-dire élus au sein même des organisations sociales de manière « organique », repose parfois plus sur une stratégie de conquête de votes que sur de réels objectifs démocratiques au sein du parti3. Afin de maintenir son hégémonie, le MAS reproduit dans certains cas lui-même la logique des partis dits « traditionnels » en imposant ses propres partisans lors des élections, au détriment des candidats « organiques »4. Au sein des cabinets ministériels, les représentants des organisations sociales ne sont pas plus nommés par leur base, mais invités par Evo Morales. Cela montre un certain paternalisme et créé une fracture entre le jefazo5 et ses bases.
3Après la période hégémonique, de multiples tensions apparaissent ainsi entre le gouvernement et les organisations sociales. Le point de rupture le plus important a lieu en décembre 2010 avec le décret suprême nº 748 de l’impôt spécifique sur les hydrocarbures et dérivés, connu comme le gasolinazo, qui augmente le prix de l’essence et du diesel de 73 % et 82 %. Après plusieurs jours de mobilisation, ce décret est cependant abandonné. Le « processus de changement » impulsé par le gouvernement du MAS est aussi traversé par de multiples conflits entre organisations. L’alliance des organisations sociales réunies au sein du Conalcam a laissé place à des luttes corporatistes entre ces mêmes organisations pour le contrôle et l’orientation du « processus de changement ». Ces luttes passent par une concurrence accrue entre organisations sociales pour la nomination de représentants au sein du gouvernement et pour l’orientation des politiques publiques faisant de cette relation si particulière entre le MAS et les mouvements sociaux une « coalition flexible et instable6 ». L’Observatoire du conflit a recensé 884 conflits rien que pour l’année 2011, comme conséquence des demandes insatisfaites des différents secteurs sociaux et des manques de la politique redistributive étatique. Ces tensions transforment l’échiquier politique en divisant les bases du gouvernement d’Evo Morales, permettant l’ouverture d’une fenêtre d’opportunité de réorganisation à l’opposition.
4Toutes les organisations sociales proches du gouvernement d’Evo Morales n’entretiennent cependant pas les mêmes relations avec ce dernier. Les plus loyales sont les organisations paysannes, parmi lesquelles les cocaleros du Chapare dont Evo Morales est encore le représentant. Les organisations ouvrières et de travailleurs dont la position était initialement critique se sont finalement rapprochées du MAS tout en restant marquées par des divisions internes. Les organisations autochtones sont, quant à elles, si tiraillées sur le positionnement à adopter face à la politique du gouvernement, qu’elles sont divisées et affaiblies.
Ouvriers et travailleurs, entre autonomie et dépendance
5Depuis la révolution impulsée par le Mouvement nationaliste révolutionnaire en 1952, la Centrale ouvrière bolivienne (COB) rassemble et représente les principales organisations de travailleurs du pays. Elle se distingue des syndicats classiques dans le sens où elle constitue, tout du moins à l’origine et pendant plusieurs décennies, une sorte de front populaire rassemblant des mineurs, des ouvriers, des employés salariés ou non, des enseignants, des étudiants et des paysans. Selon ses statuts internes, ce sont les dirigeants mineurs qui occupent les plus hautes fonctions au sein de la COB, de par l’activisme et l’influence de ce secteur dans l’histoire des luttes populaires. Les organisations des ouvriers de l’industrie manufacturière (fabriles), des travailleurs indépendants (gremiales), de la santé, de l’éducation, des étudiants ou encore des transports constituent elles aussi des membres à part entière de la COB. Celle-ci intervient ou agit bien souvent au-delà de ses prérogatives sectorielles. C’est ainsi qu’elle participe à la création, en 1979, de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB). Cette dernière intègre aussitôt la COB et parvient même à la diriger, en 1980, durant la dictature de García Meza qui contraint les principaux dirigeants mineurs à la clandestinité ou à l’exil. Influencée par le marxisme-léninisme, la COB se présente comme une entité motrice dans la lutte populaire menée contre les dictatures, notamment sous l’impulsion de la puissante Fédération syndicale des travailleurs mineurs de Bolivie.
6À certaines périodes, la COB peut être si influente qu’elle participe à des formules dites « co-gouvernementales », lors des premières années de la révolution nationale (1952-1954), puis sous le régime socialiste du général Juan José Torres (1970-1971)7. Par la suite, elle joue un rôle important dans la lutte pour le retour de la démocratie en 1982, avant de subir de plein fouet les politiques d’ajustements structurels en 1985. Ces politiques marquent la fin du mouvement ouvrier comme avant-garde de la contestation en Bolivie, avec le démantèlement du modèle national-développementaliste et la privatisation des grands secteurs de production étatiques qui se traduisent par le licenciement de 40 000 travailleurs des manufactures et la relocalisation de 70 % de la main-d’œuvre minière8. Les grandes mobilisations sociales sont dès lors portées principalement par les travailleurs de l’éducation et de la santé ainsi que par les paysans de la CSUTCB, de manière toujours plus indépendante vis-à-vis de leur organisation centrale. À la lutte historique de la COB pour le changement sociétal, leurs revendications reposent davantage sur des dynamiques territoriales, culturelles et corporatives9. Depuis le début des années 2000, la COB connaît un nouveau dynamisme en assurant une coordination dans les mobilisations qui secouent le pays jusqu’en 2005, notamment à travers sa Centrale ouvrière régionale (COR) et la Fédération des associations d’habitants (Fejuve) d’El Alto.
7À partir de 2006, plusieurs représentants des organisations de travailleurs occupent des fonctions au sein de l’exécutif : au ministère de l’Eau avec des dirigeants de la Fejuve (Abel Mamani, 2006-2007 ; Julieta Monje Villa, 2011-2012, avocate et activiste), au ministère de la Justice (Casimira Rodríguez, 2006-2007, dirigeante des travailleuses domestiques ; Virginia Velasco Condori, ancienne conseillère des organisations sociales d’El Alto) ou au ministère du Travail (Santiago Álex Gálvez Mamani, 2006 ; Alberto Calixto Chipana Calizaya, 2010 ; Carmen Trujillo Cardenas, 2010-2011, travailleurs dans l’industrie ; Félix Rojas, 2011, syndicaliste minier et conseiller de la COB ; Daniel Santalla Torrez, 2012-2015, travailleur dans l’industrie). À noter également la présence de Walter Juvenal Delgadillo Terceros, militant historique de la gauche et de la COB, qui obtient plusieurs fois un poste de ministre. En plus de ces ministères, celui des Mines et de la Métallurgie a quant à lui été occupé par de nombreux dirigeants d’organisations minières représentant des syndicats ou des coopératives.
8Souvent qualifié de parti « paysan autochtone » pour son origine rurale, le MAS d’Evo Morales a connu des relations complexes avec les organisations de travailleurs de la COB. Celle-ci craint en effet que l’arrivée au pouvoir du MAS ne remette en cause son « indépendance syndicale ». La COB rentre dès lors dans une ambivalence entre dialogue et opposition avec le gouvernement10, selon les objectifs du moment, les rapports de force et les jeux d’alliance entre organisations sociales, ou encore les stratégies personnelles de ses dirigeants. Le gouvernement Morales a bien souvent utilisé les divisions internes entre travailleurs afin d’atténuer les revendications générales de la COB, en passant des accords avec certains secteurs plutôt que d’autres ou en négociant directement certaines revendications ponctuelles avec les dirigeants de la COB au détriment de demandes portées par des syndicats affiliés11, brouillant ainsi un peu plus les horizons idéologiques de la Centrale ouvrière bolivienne pour promouvoir les intérêts corporatistes immédiats. Malgré sa vitalité retrouvée, la COB reste ainsi traversée par des conflits idéologiques, régionaux, sectoriels, mais aussi par des tensions croissantes entre les dirigeants et leurs bases sociales. Bien souvent, ce sont celles-ci — mineurs (de Huanuni), fabriles, étudiants, secteurs de la santé, professeurs — qui sont à l’initiative des mobilisations, alors que les dirigeants nationaux de la COB sont fortement questionnés pour leurs liens avec le gouvernement, que ce soit Pedro Montes (2006-2012) ou Juan Carlos Trujillo (2012-2016), excepté Guido Mitma (2016-2018) qui prend certaines distances avec le pouvoir central avant l’élection de l’officialiste Juan Carlos Huarachi en 2018. Au sein du secteur minier, le conflit le plus important oppose les syndicalistes (notamment les mineurs de Huanuni à l’avant-garde de la COB) et les coopératives minières (non affiliées à la COB)12. Ce conflit influence fortement les orientations politiques de la COB dirigée par les syndicats de mineurs, qui accuse bien souvent le gouvernement de faire le jeu des coopératives et lance à plusieurs reprises l’idée de la création d’un instrument politique propre au secteur ouvrier et potentiellement concurrent du MAS : le Parti des travailleurs (PT).
9La relation entre la COB et le gouvernement d’Evo Morales a été très fluctuante au cours des dernières années, marquée par une succession de confrontations et de rapprochements. Ces incessantes volte-face ont généré une grande confusion au sein de la COB et de ses organisations affiliées. En avril 2006, soit trois mois après la prise de fonction présidentielle de Morales, celle-ci lance un mouvement de grève pour demander au gouvernement d’accomplir l’« agenda d’octobre », établi par les organisations sociales en 2003 et stipulant, entre autres, la nationalisation des ressources naturelles et la convocation d’une Assemblée constituante. Cette mobilisation ne reçoit cependant qu’un faible appui des dirigeants des organisations affiliées, alors que certains secteurs (enseignants) étaient déjà entrés en négociation de manière indépendante avec le gouvernement. En 2008, la COB se mobilise lorsque son projet de loi des retraites est ignoré par le gouvernement. La mobilisation se solde par la mort d’un manifestant et d’une dizaine de blessés par balle, lors d’affrontements entre les mineurs et la police. Cet événement marque une crise au sein de la COB et du syndicat des mineurs de Huanuni. Cette fois-ci, ce sont les bases sociales qui reprochent aux dirigeants de la COB de les avoir « obligés » à se mobiliser et de faire ainsi le jeu de l’opposition en pleine campagne pour le référendum révocatoire. Suite à cela, la COB se rapproche du gouvernement au sein de la Conalcam sous le mandat du dirigeant Pedro Montes13. En 2010, le dénommé « gasolinazo » engendre un nouveau rapport de force entre les secteurs ouvriers et le gouvernement, principalement lancé par les bases militantes qui n’hésitent pas à qualifier leurs dirigeants de « traîtres » en raison du soutien apporté à l’exécutif. Malgré la promesse d’une augmentation salariale de 20 % pour les secteurs de la santé, de l’éducation, des forces armées et de la police censés compenser la hausse des prix des produits de première nécessité liée à celle du carburant14, des blocages de routes et des marches sont initiés par les habitants eux-mêmes, sans l’avis de leurs organisations respectives. Des péages et des bureaux publics sont attaqués et brûlés, tout comme les sièges de certaines organisations sociales (Fejuve, Centrale ouvrière régionale à El Alto), accusées de ne pas soutenir suffisamment leurs bases militantes par loyauté envers le gouvernement. Le coût des destructions s’élèverait à 273 millions d’euros, soit 2 % du PIB. Ces mobilisations montrent ainsi tout autant une certaine rupture entre l’élite dirigeante et les bases des organisations sociales, mais aussi une volonté de reprise en main du « processus du changement » par le peuple, comme aime le répéter Alejandro Almaraz, ancien vice-ministre de la Terre du MAS qui a rejoint l’aile gauche de l’opposition politique15.
10La mobilisation des bases militantes entraîne par la suite une revendication récurrente de la COB sur les salaires et les retraites. Des manifestations ont lieu en 2010 puis en 2011 contre la hausse des salaires de 5 % proposée par le gouvernement. Elles sont pour la plupart organisées sous la pression des bases sociales, puis reprises à leur compte par les dirigeants de la COB. En avril 2012, celle-ci parvient à coordonner une action d’envergure nationale pour demander une augmentation salariale supérieure aux 7 % accordés par le gouvernement, afin de prendre en compte le « panier familial de base » qu’ils estiment à 857 euros mensuels, soit dix salaires minimum. La mobilisation s’oriente par la suite vers une augmentation de 15 % des salaires et maintient sa demande d’abrogation du décret 21060 qui avait conduit à la privatisation des mines d’État en 1985. En mai 2013, la COB — en particulier les mineurs, les enseignants et des secteurs étudiants — se mobilise une nouvelle fois pour réclamer la modification de la loi des retraites et pour tenter d’obtenir une augmentation de la pension à hauteur de 8 000 bolivianos (791 euros) pour trente années de cotisation, 5 000 bolivianos (520 euros) pour les autres salariés et un minimum de 1 200 bolivianos pour les non-salariés. D’autres secteurs lancent des demandes plus sectorielles, notamment celui de la santé et la police en 201216. Ces actions de la COB engendrent des débats souvent contradictoires, comme l’indique le sociologue Arturo Villanueva. D’un côté, le gouvernement accuse l’organisation d’être manipulée par des dirigeants extrémistes trotskistes, alors que cette branche radicale accuse la COB de trahir le peuple. Cependant, ces mobilisations marquent selon lui une véritable résurgence du mouvement ouvrier sur le plan national (Bolpress, 03/06/2013).
11Hormis ces tensions, plusieurs rapprochements ont lieu néanmoins entre la COB et le gouvernement. Celui-ci juge en effet d’un mauvais œil la volonté de création d’un Parti des travailleurs (PT) indépendant du gouvernement. En 2006, l’exécutif entreprend d’intégrer la COB au sein de l’État majeur du peuple bolivien qui devait rassembler tous les syndicats proches du MAS en un bloc commun, à la manière de la COB, mais avec les coopératives minières et les organisations autochtones en plus, et au sein duquel les organisations syndicales minières n’auraient plus la primauté de la représentation. Ce projet fait bien évidemment l’objet d’une forte résistance de la COB. Toutefois, celle-ci signe, en 2008, un « pacte politique » avec le gouvernement, à la suite des affrontements meurtriers autour de la loi des retraites, afin de défendre le « processus révolutionnaire de changement ». Ce pacte est destiné à s’opposer aux préfets d’opposition, mais il doit aussi permettre à la COB de négocier une augmentation des salaires de plus de 10 % (jusqu’à 15 %) et l’abrogation du décret 21060 de 1985.
12Malgré ces rapprochements, l’objectif est durant un temps pour les secteurs miniers de Huanuni la création du PT afin de rassembler toutes les organisations sociales des travailleurs du pays. Si l’objectif politique de la COB est toujours de mener une lutte insurrectionnelle, sa participation aux élections doit lui permettre de « convertir le Parlement en une tribune révolutionnaire » pour dénoncer le système capitaliste17. Le projet de création d’un instrument politique naît en 2005 autour de plusieurs revendications dont les principales sont les suivantes : nationalisation des hydrocarbures sans indemnisation, refondation de la Comibol et industrialisation des ressources minières, convocation d’une Assemblée constituante, redistribution des terres en faveur des peuples autochtones et communautés paysannes, abrogation du décret 21060. La volonté du PT est réitérée en 2006, mais sans effet immédiat.
13L’instrument politique des travailleurs est finalement constitué en 2011 lors du congrès de la FSTMB et ratifié par la COB l’année suivante. Les principaux cadres du parti sont les mineurs de Huanuni, mais aussi d’autres organisations minoritaires de gauche liées à la quatrième Internationale et une fraction de l’historique Parti ouvrier révolutionnaire (POR), alors que le Parti communiste bolivien en est exclu pour être membre du gouvernement18. Le PT souhaite s’opposer aux organisations qu’il accuse d’être cooptées par le gouvernement (cocaleros, paysans, coopératives minières) et souhaite renforcer l’industrialisation contre la dominante extractiviste et exportatrice de la politique gouvernementale et « les objectifs clairement réformistes et pro-capitalistes du MAS19 ». Selon les statuts du PT, le congrès national de ce parti doit être composé de 46 % de travailleurs de la production, 35 % de travailleurs des services (santé, enseignants, banques…), 10 % de paysans et autochtones, 9 % d’organisations politiques révolutionnaires. Cette radicalité du discours se renforce lors du deuxième congrès du PT en 2013 durant lequel la thèse de Pulacayo20 est brandie et que la transformation des coopératives minières en entreprises étatiques reste l’un des objectifs principaux avec l’industrialisation du pays et la nationalisation des entreprises transnationales.
14Ce congrès de 2013 qui devait élire la direction nationale du parti et préparer les documents nécessaires à l’obtention de sa personnalité juridique fait l’enjeu de fortes tensions. Alors que de nombreux dirigeants de la COB sont absents, car en pleine discussion avec le gouvernement sur la loi des retraites, une division surgit entre les plus radicaux qui veulent faire un parti anticapitaliste (Oruro) et ceux qui veulent un parti réformiste (Cochabamba avec Mario Cespedes)21. Une brèche apparaît entre les mineurs de Huanuni et le secrétaire de la COB Juan Carlos Trujillo, élu en 2012 et qui, bien qu’issu des organisations minières de Huanuni, se rapproche toujours plus du gouvernement. En mai 2013, Trujillo suspend la grève pour la loi des retraites, alors que le gouvernement menace de reconstituer l’État majeur du peuple pour contrecarrer les mobilisations de la COB. En août de la même année, le vice-ministre de la Coordination avec les mouvements sociaux, Alfredo Rada, affirme que la COB souhaite se rapprocher de la Conalcam afin de s’éloigner de ses secteurs les plus radicaux. Dans la foulée, le Pacte d’unité composé des principales organisations autochtones et paysannes du pays organise un sommet anti-impérialiste et anti-capitaliste pour la défense de la souveraineté et des droits des peuples à Cochabamba, en réponse au blocage aérien d’Evo Morales suite à l’affaire Snowden. Le secrétaire de la COB Juan Carlos Trujillo y est présent et réitère le souhait d’intégrer la COB à la Conalcam et de soutenir la réélection d’Evo Morales en 2014. Cet événement marque une rupture définitive au sein de la COB, avec un isolement toujours plus accentué des secteurs les plus radicaux de Huanuni. Le gouvernement lance une attaque judiciaire contre 22 mineurs de Huanuni accusés d’avoir détruit le pont de Caihuasi lors de la mobilisation pour les retraites. De nombreuses attaques sont également portées contre la gestion du syndicat minier de la mine de Huanuni, le gouvernement critiquant les problèmes financiers et les pertes économiques dues à la nationalisation du gisement en lançant la rumeur de redonner une partie de la mine aux coopératives. Face à cette crise, les élections sont anticipées à Huanuni après que les principaux dirigeants ont renoncé à leurs fonctions, durant lesquelles l’ancien dirigeant de la COB Pedro Montes est élu secrétaire exécutif, marquant ainsi la fin du projet de PT porté par ce secteur.
15Au congrès de Santa Cruz de novembre 2013, auquel participent les secteurs paysans proches du MAS, la COB apporte son soutien officiel à la candidature d’Evo Morales en 2014. Il est de plus décidé à suspendre momentanément les congrès de la COB et de ses commissions régionales afin d’empêcher tout changement de direction jusqu’aux élections présidentielles. Trujillo conserve donc son poste à la COB et maintient sa ligne de rapprochement avec le gouvernement. Pour la première fois, la COB participe à la campagne électorale et aux congrès du MAS. Cette alliance reste cependant questionnée par certaines centrales ouvrières régionales, comme celles d’Oruro, de Potosí, de Chuquisaca et du Beni, alors que le comité exécutif des travailleurs fabriles se fracture et que la Confédération des retraités de Bolivie s’oppose à cette alliance. Le 1er mai 2014, le gouvernement inaugure le nouveau bâtiment de la COB, un hôtel pouvant accueillir 90 personnes et 16 véhicules, équipé en matériel informatique, d’un montant d’un million de dollars.
16Selon certains analystes, cette alliance entre la COB et le gouvernement marque le retour de l’idéologie « classiste » et « productiviste » au sein du gouvernement, au détriment de sa vision « plurinationale ». Aucun ministère n’a été offert au secteur ouvrier, mais ce nouveau pacte politique de 2014 a permis à de nombreux dirigeants ouvriers de se faire élire comme députés ou sénateurs avec le MAS. C’est notamment le cas de l’ancien secrétaire exécutif de la COB élu sénateur (Pedro Montes) et de plusieurs mineurs de Huanuni élus députés. En 2014, les élections au sein du syndicat des mineurs de Huanuni confirment l’élection d’un proche du gouvernement, alors que la seule liste indépendante arrive quant à elle en quatrième et dernière position. Cette alliance n’est cependant pas exempte de tensions, comme en témoigne l’élection du mineur de Huanuni, Guido Mitma, à la tête de la COB en janvier 2016, lequel menace à plusieurs reprises de ne pas soutenir la possibilité d’une nouvelle candidature d’Evo Morales en 2019 si le gouvernement ne répond pas à plusieurs revendications de la centrale ouvrière. Plusieurs mobilisations sont organisées durant les premiers mois de gestion de Mitma contre l’abrogation du décret 2765, qualifié de « néo-libéral » par le dirigeant de la COB pour avoir entériné la fermeture de l’entreprise nationale de production textile (Enatex) et mis au chômage 900 employés, ou plus tard contre la réforme du Code pénal. Après avoir critiqué l’ingérence gouvernementale au sein de la COB à travers plusieurs dirigeants proches du Conalcam, Guido Mitma est finalement écarté de la direction de la COB en janvier 2018. Il est remplacé par Juan Carlos Huarachi, de Huanuni, qui souhaite encourager la nomination d’un ouvrier à la vice-présidence pour accompagner Evo Morales aux élections de 2019. Sous la pression des secteurs paysans du Conalcam, Álvaro García Linera est finalement confirmé dans ses fonctions, mais la COB espère néanmoins obtenir plus de postes dans l’exécutif en cas de victoire d’Evo Morales.
Les syndicats paysans, un socle gouvernemental mouvant
17De toute évidence, les organisations paysannes représentent le secteur le plus compact et loyal envers le gouvernement d’Evo Morales. Ce secteur se compose de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), de la Fédération nationale des femmes paysannes de Bolivie-Bartolina Sisa (FNMCB-BS), de la Confédération syndicale des communautés interculturelles de Bolivie (CSCIB) ainsi que des organisations de producteurs de coca (les cocaleros). Ces organisations paysannes incarnent et portent le gouvernement du président Morales qui, faut-il encore le rappeler, reste officiellement le président des six fédérations de cocaleros du Chapare. Elles sont garantes de la représentation du gouvernement dans le monde rural et, de par l’importance numérique de leurs membres, elles se mobilisent rapidement pour contrecarrer et tenter d’étouffer toute manifestation menée par d’autres secteurs sociaux critiques à l’encontre du gouvernement et de sa politique. Avec certaines organisations autochtones, elles représentent la base de la Conalcam et constituent un front politique commun sur des bases partisanes22 qui tend à écarter et à marginaliser les organisations sociales anciennement alliées qui ont pris leurs distances vis-à-vis de la ligne d’action gouvernementale. Les organisations paysannes pro-gouvernementales comptent parmi celles qui ont le plus grand nombre de représentants au sein des cabinets ministériels, en particulier les dirigeantes des Bartolina Sisa, qui bien souvent parviennent à orienter les politiques gouvernementales en leur faveur. Leur participation au gouvernement ne se fait pas sans tensions, en particulier avec certains ministres et membres de l’exécutif qui seraient éloignés de leurs préoccupations.
18Un cas emblématique des politiques menées par le gouvernement en faveur de ses organisations alliées concerne la coca. La loi 1008 de 1988 reconnaît trois zones de production : traditionnelle légale (Yungas), excédentaire23 (Chapare, et quelques zones des Yungas) et illégale (parcs nationaux). Dans le Chapare, la production connaît un boom à la suite de la crise économique des années 1980 et de la relocalisation des mineurs. Elle serait destinée en majeure partie au marché de la drogue, ce qui fait que les restrictions à la production y sont plus fortes. Au contraire, celle des Yungas est privilégiée pour son usage traditionnel, même si des fronts « excédentaires » s’y sont développés. Après les fortes politiques répressives des années 1990, le gouvernement d’Evo Morales adopte une politique de valorisation de la « feuille sacrée ». Celle-ci se caractérise par la défense de la coca à trois niveaux : auprès de l’ONU pour obtenir une réforme de la Convention de 1961 sur les stupéfiants, par l’intégration de la coca à la politique agricole pour promouvoir un système de développement alternatif, par une réforme du marché national privilégiant la zone de production du Chapare, que représente Evo Morales, au détriment des zones d’exploitation des Yungas24.
19Une politique dite « de développement intégral » est mise en place afin de relancer l’économie rurale sur la base de la diversification de la production. La coca doit y jouer un rôle clé pour soutenir les économies locales. Le vice-ministère du Développement intégral et de la coca est créé à cette fin, auquel est rattachée la direction générale de la coca et de l’industrialisation. Ce vice-ministère est dirigé par des représentants cocaleros des Yungas. Celui de la Défense sociale et des substances contrôlées, chargé du contrôle de la production et des substances illicites, est dirigé par des représentants du Chapare25. Les organisations cocaleras sont chargées du « contrôle social » de la production selon un système d’« éradication consensuelle » en échange d’un droit de culture sur une superficie clairement établie par famille (le cato, 1 600 m²)26. Le gouvernement d’Evo Morales a pour objectif d’augmenter la production légale de feuilles de coca, dans un premier temps de 12 000 à 20 000 hectares, en intégrant la zone de production du Chapare qui était destinée à être éradiquée. Il légalise ainsi une partie de la production excédentaire au détriment des zones légales des Yungas, auxquelles il demande de réduire la production pour avoir dépassé celle autorisée par la loi 1008 (12 000 hectares) alors que plusieurs études montrent que 90 % de la production du Chapare ne passe pas par le marché légal.
20Dans un premier temps, la politique gouvernementale a conduit à une augmentation des surfaces d’exploitation de 12 % entre 2006 et 2010, avant de connaître une baisse significative et continue, concomitante de l’expulsion de la Drug Enforcement Agency, ce que ne manque pas de rappeler le gouvernement Morales. Selon le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le délit présenté en 201527, la superficie de culture aurait ainsi baissé de 34 % entre 2010 et 2014, passant de 31 000 hectares à 20 400 hectares, soit la plus faible superficie depuis le premier rapport des Nations unies sur la coca en Bolivie (2003). Les Yungas représenteraient environ 70 % des superficies de production, le Chapare 30 % et les provinces du nord de La Paz 1 %. Selon ce rapport, 214 hectares se situeraient dans six aires protégées interdites à la production (parcs Cotapata, Amboro, Apolobamba, Tipnis et Madidi). Les autorités de l’UNODC révèlent cependant que 40 % de la production seraient destinés à la production de cocaïne28. Ce rapport de l’ONU est fortement questionné par les États-Unis, qui estiment que la superficie de culture s’élève en Bolivie à 34 000 hectares, en émettant de fortes réserves sur les motivations réelles du gouvernement Morales en termes d’éradication. Depuis 2015, l’UNODC perçoit néanmoins une nouvelle croissance de la superficie de culture, elle serait de 23 100 hectares en 2016 et de 24 500 hectares en 2017.
21Malgré le rôle décisionnel important octroyé aux syndicats cocaleros dans l’élaboration et la mise en place des politiques de contrôle de la production de la feuille de coca, des tensions sont apparues entre ceux-ci et le gouvernement. Elles s’expliquent par la difficulté pour ce dernier de trouver un équilibre entre les revendications corporatistes des cocaleros et les exigences de résultat dans la lutte contre le narcotrafic vis-à-vis de la communauté internationale29. La concurrence de légitimité conduit parfois le gouvernement à mener des opérations d’éradication forcée, notamment dans la région des Yungas qui s’oppose de plus en plus ouvertement à la politique du gouvernement plus favorable aux zones de production excédentaire du Chapare. Un autre sujet de discorde est récemment apparu. Il concerne l’extension de l’impôt sur la commercialisation au secteur de la coca jusqu’à présent exempté, annoncée par le ministre de l’Économie, Luis Arce. Les Yungas se mobilisent enfin contre la loi 906 générale de la coca de 2017 qui porte la surface de culture légale de 12 000 (selon la loi de 1988) à 22 000, avec 14 300 hectares pour les Yungas et 7 700 pour le Chapare.
22De nouvelles concurrences sont ainsi apparues entre zones des Yungas et zones du Chapare. Les cocaleros des Yungas se mobilisent à plusieurs reprises (2008, 2010, 2013, 2017, 2018) contre l’extension des cultures dans le Chapare, pour la commercialisation de la coca ou pour impulser des projets de développement. À Caranavi, la mobilisation pour l’installation d’une usine de traitement citrique se solde par 2 morts et 29 blessés en 2010. Lors des élections municipales la même année, le MAS perd plusieurs municipalités des Yungas, même si l’appui au gouvernement national reste inconditionnel30. De nouvelles tensions sont apparues après que le gouvernement eut dévoilé en novembre 2013 les résultats de l’« Étude intégrale de la demande de feuille de coca en Bolivie », financée par l’Union européenne. Alors que la loi 1008 de 1988 permet la production de 12 000 hectares, cette étude fixe à 14 704 hectares l’aire légale nécessaire aux 3,08 millions de consommateurs (que ce soit pour la mastiquer avec le traditionnel acullicu ou son utilisation rituelle et médicinale). Tout hectare supplémentaire est ainsi suspecté de servir le narcotrafic. Cette étude est à l’origine d’un nouveau bras de fer, entre les cocaleros des Yungas qui réclament le droit de posséder plus d’hectares considérant leur production comme la seule destinée à la consommation traditionnelle, bien que la production illégale y augmente tout comme leur poids politique, et les organisations du Chapare qui demandent une répartition égale de la production entre les deux zones31. L’étude de l’Union européenne fait ainsi l’effet d’une bombe, car elle stipule l’obligation d’éliminer plusieurs milliers d’hectares de coca et chacune des deux principales zones de production défend ardemment ses intérêts. Le gouvernement se trouve dans une situation délicate face à la pression simultanée des quelque 70 000 cocaleros32 et de la communauté internationale. Il approuve néanmoins la loi générale de la coca en 2017 pour laquelle l’Union européenne a montré son inquiétude tout en affirmant vouloir renforcer sa coopération contre le trafic de drogue. Cette loi a une nouvelle fois mobilisé les Yungas en 2017, parfois dans la violence. L’arrachage de plants considérés comme excédentaires en avril 2018 relance les hostilités entre le gouvernement et les cocaleros yungueños, lesquelles se soldent par la mort de trois manifestants et d’un lieutenant de police ainsi que par l’arrestation de plusieurs dirigeants, marquant là une rupture profonde entre le gouvernement et les producteurs des Yungas.
23L’exécutif a connu d’autres inquiétudes avec ses organisations les plus fidèles à la suite du scandale de corruption concernant le Fonds indigène originaire paysan de développement (Fondioc) destiné à financer des projets productifs au bénéfice des nations et peuples indigène-originaire-paysans33. De hauts dirigeants des organisations paysannes-autochtones (affiliées et non affiliées au gouvernement) et des membres du gouvernement sont accusés d’avoir détourné plus de 14 millions d’euros par le biais de projets « fantômes ». L’affaire a créé la stupeur dans la sphère masiste. La ministre du Développement rural et des terres, Nemesia Achacollo (ancienne dirigeante des Bartolinas), a été limogée et d’autres dirigeants de la CSUTCB, des Bartolinas, de la Cidob et du Conamaq restent sous le coup d’une condamnation judiciaire. Ce scandale a réveillé des rancœurs entre les dirigeants de ces organisations qui ne cessent de s’accuser, révélant un peu plus les luttes de pouvoir interne aux mouvements sociaux, les réseaux clientélistes qui les animent et les dérives qui les gangrènent. Ces dernières concernent notamment la corruption, les détournements de fonds publics et les arrangements électoralistes douteux, voire illégaux comme l’achat de voix en échange de financement de projets de développement propices à reproduire un modèle élitiste décrié et ses effets antidémocratiques à l’échelle locale.
24D’autres tensions sont apparues en 2015 autour de la candidature anticipée d’Evo Morales et de son vice-président Álvaro García Linera aux élections générales de 2019. Fidèles au gouvernement, les organisations réunies au sein de la Conalcam (CSUTCB, Bartolinas, Interculturels) soutiennent la proposition d’une réforme constitutionnelle devant faciliter la réélection de Morales. Toutefois, certains anciens dirigeants syndicaux et membres du MAS se sont déjà désolidarisés du gouvernement pour former, en octobre 2015, une Coordination nationale de défense de la Constitution politique de l’État. Si plusieurs intellectuels renommés proches des mouvements sociaux ont déjà pris leurs distances avec le gouvernement de Morales dans le but de « défendre le processus de changement », il s’agit, cette fois, d’une initiative émanant d’organisations sociales, paysannes (dirigeants de la CSUTCB34, Bartolinas, Interculturels), autochtones (Cidob et Conamaq), urbaines (comité civique de Potosí, ex-dirigeants de la Fejuve d’El Alto) et économiques (Commission nationale de la micro et petite entreprise). La question principale est aujourd’hui de savoir si ces dissidents agissent uniquement par repositionnement stratégique après avoir été écartés du gouvernement ou de leurs organisations sociales, ou s’ils portent réellement la contestation des bases sociales qu’ils affirment représenter. De leur côté, les organisations autochtones non affiliées au gouvernement ont fondé un Conseil national de défense des droits constitutionnels de Bolivie (Condecob), avec des figures de la contestation telles que Roberto de la Cruz, Gualberto Cusi, Cancio Rojas, Adolfo Chávez et des militaires impliqués dans la mobilisation pour la décolonialisation des Forces armées. En 2018, le Comité national de défense de la démocratie (Conade), un groupe citoyen né dans les années 1980 pour lutter contre la dictature, est réactivé et réunit plusieurs organisations sociales et intellectuels. Malgré un poids politique parfois faible, ces groupes citoyens fragilisent le gouvernement après l’échec du référendum du 21 février 2016, le soutien des organisations sociales s’avérant toujours plus crucial pour Evo Morales pour espérer pouvoir être réélu.
Un mouvement autochtone divisé et affaibli
25Contrairement aux organisations paysannes qui se présentent comme des alliées inconditionnelles du gouvernement d’Evo Morales, le mouvement autochtone entretient une relation complexe avec le pouvoir et peine à trouver sa place dans la constellation masiste. C’est au cours de l’Assemblée constituante (2006-2008) que la relation fut la plus étroite et la plus limpide avec le MAS qui portait alors la proposition de nouvelle Constitution élaborée par le Pacte d’unité35. Des désaccords apparaissent cependant très tôt. D’abord autour de la logique partidaire et partisane déployée par le MAS lors des élections pour les députés constituants laissant peu d’espace aux représentants des organisations sociales non militants36. Surgit ensuite une série de débats sur le caractère de l’État à adopter, le MAS soutenant le terme concept de « multinational et communautaire », les peuples autochtones celui de « plurinational ». Ces derniers doivent s’employer énergiquement pour convaincre le parti au pouvoir d’adopter ce terme non sans insister sur ses implications présupposées37. Au moment d’appliquer la Constitution, une série de déconvenues vient altérer une relation déjà empreinte de doutes et de méfiance réciproque sur un projet politique présenté publiquement comme commun et historique, alors que les desseins du MAS et ceux des peuples autochtones s’avèrent loin d’être semblables.
26La représentation politique des « peuples démographiquement minoritaires » constitue l’un des principaux sujets de discorde. En tout premier lieu, l’adoption du terme minoritaire est questionnée, lequel suppose implicitement la reconnaissance officielle d’une majorité que le concept de « plurinational » souhaite justement dépasser. Mais la principale dissension concerne le nombre de sièges réservés pour ces peuples à l’Assemblée plurinationale. Les organisations représentatives ne se satisfont aucunement des sept sièges qui leur sont attribués via des circonscriptions spéciales, soit 5 % des 130 sièges, ce qui paraît limité et contraire aux fondements de l’État plurinational tel qu’il est établi par la Constitution.
Tableau no 9. Nations et peuples autochtones « minoritaires » par circonscriptions spéciales
Circonscription spéciale | Nombre officiel de peuples | Nations et peuples autochtones minoritaires | |
Beni | 1 | 18 | Tacana, Pacahuara, Itonama, Joaquiniano, Maropa, Guarasugwe, Mojeño, Sirionó, Baure, Tsimane, Movima, Cayubaba, Moré, Cavineño, Chácobo, Canichana, Mosetén, Yuracaré |
Cochabamba | 2 | 2 | Yuki, Yurakaré |
La Paz | 3 | 6 | Afro-boliviens, Mosetén, Leco, Kallawaya, Tacana, Araona |
Oruro | 4 | 2 | Uru-Chipaya, Uru-Murato (Urus du lac Poopó) |
Pando | 5 | 5 | Yaminagua, Pacahuara, Esse Ejja, Machinerí, Tacana |
Santa Cruz | 6 | 5 | Chiquitano, Guaraní, Guarayo, Ayoreo, Yuracaré-Mojeño |
Tarija | 7 | 3 | Guaraní, Weenayek, Tapiete |
Chuquisaca | - | - | |
Potosí | - | - |
Élaboration propre (L. Lacroix).
27Cette répartition a été réalisée dans des conditions particulières laissant peu de place aux négociations avec les organisations autochtones. Alors qu’au début du mois d’avril 2009, le président Evo Morales entame une grève de la faim de cinq jours pour que soit approuvée par le Parlement la loi de régime électoral transitoire qui doit régir les élections générales de fin d’année, une négociation s’engage entre le gouvernement et l’opposition sur plusieurs thèmes pour éviter le statu quo. C’est à l’issue de celle-ci que le nombre de sièges réservés aux peuples autochtones à l’Assemblée plurinationale est établi. Ce nombre varie pour les assemblées départementales et atteint un total de 23 sièges. Notons que le département de Chuquisaca est dans une situation quelque peu contradictoire en ce qui concerne la reconnaissance des peuples autochtones minoritaires. L’État n’en reconnaît aucun, mais ces derniers bénéficient pourtant de 2 sièges au sein de l’assemblée départementale. Aucun peuple autochtone minoritaire n’est par ailleurs reconnu dans le département de Potosí perçu comme l’un des plus ruraux, des plus pauvres et des plus indiens du pays.
28À l’échelle nationale, la Cidob et le Conamaq demandent que chacun des 36 peuples officiellement reconnus par l’État soit représenté par un député. En effet, pour chacune des sept circonscriptions spéciales qui correspondent à sept des neuf départements du pays dans lesquels l’État reconnaît l’existence de peuples autochtones minoritaires, ces derniers doivent s’accorder pour présenter un seul et unique représentant malgré leurs différents modes de désignation d’autorités, leurs situations spécifiques, leurs intérêts propres, leurs divergences, leurs relations qui ne sont pas toujours cordiales ni pacifiques ou bien inexistantes. La situation s’avère particulièrement épineuse dans le département du Beni, où 18 peuples sont représentés par un seul et même député. La sous-représentation des peuples autochtones engendre des tensions internes qui affaiblissent le mouvement autochtone. Dans le cadre des élections générales de décembre 2009, plus d’une vingtaine de candidats sont en lice pour les sept sièges vacants. Entre prétendants ou entre peuples, la compétition s’avère impitoyable et sème souvent le désordre localement38.
Tableau no 10. Sièges réservés aux nations et peuples autochtones « minoritaires » à l’Assemblée plurinationale et dans les assemblées départementales39
Département | Nombre officiel autochtones minoritaires | Nombre de sièges réservés à l’Assemblée plurinationale | Nombre de sièges réservés au sein des assemblées départementales |
Beni | 18 | 1 sur 9 | 4 sur 28 |
La Paz | 6 | 1 sur 29 | 5 sur 45 |
Santa Cruz | 5 | 1 sur 25 | 5 sur 28 |
Pando | 5 | 1 sur 5 | 1 sur 16 |
Tarija | 3 | 1 sur 9 | 3 sur 30 |
Cochabamba | 2 | 1 sur 19 | 2 sur 34 |
Oruro | 2 | 1 sur 9 | 1 sur 33 |
Chuquisaca | - | 0 sur 11 | 2 sur 21 |
Potosí | - | 0 sur 14 | 0 sur 32 |
TOTAL | 36 dans le pays | 7 sur 130 (5 %) | 23 sur 267 (9 %) |
Élaboration propre (L. Lacroix). Source : loi électorale transitoire (2009).
29Par ailleurs, les peuples autochtones dénoncent le non-respect des principes constitutionnels de plurinationalité dans les institutions de l’État. En la matière, ils réprouvent la composition du gouvernement d’Evo Morales qui ne compte que quelques hauts fonctionnaires aymaras et quechuas issus des organisations paysannes. Aucun membre du cabinet présidentiel ne s’autodéfinit comme autochtone issu d’une organisation représentative. Seul le chancelier David Choquehuanca a été considéré un temps comme un représentant légitime par les organisations autochtones jusqu’à la dégradation de leurs relations avec le gouvernement.
30La mise en place des autonomies autochtones fait tout autant l’objet de frustrations face à la lenteur du processus imposée par des normes draconiennes et multiples. En 2010, la Cidob et le Conamaq doivent se mobiliser pour obtenir d’une part un assouplissement et une simplification des procédures de conversion des Terres communautaire d’origine (TCO) en Territoires indigène-originaire-paysans (Tioc) et, d’autre part, des garanties quant à la poursuite de la politique de titularisation territoriale. Celle-ci s’avère en effet contestée par les syndicats paysans qui ont en ligne de mire les territoires autochtones. En 2013, la CSUTCB porte un projet de loi sur les terres dont l’un des objectifs est d’organiser un audit sur les TCO, présentées comme de nouvelles formes de grande propriété non productive. Un projet dénoncé et combattu par les principales organisations autochtones Conamaq et Cidob qui y voient une remise en cause de l’une des principales conquêtes et un risque d’extension programmée de la frontière agricole au détriment de leurs territoires. C’est non sans raison que les peuples autochtones peuvent craindre une telle perspective. Le gouvernement d’Evo Morales prévoit en effet de poursuivre son soutien à l’intensification et à l’expansion de l’activité agricole pour garantir d’ici 2025 une autosuffisance alimentaire au pays40. Si la surface de terre disponible reste encore élevée pour appliquer ces plans, la pression foncière sur les territoires autochtones devrait fortement s’accentuer, impliquant une recrudescence de tensions autour de la question territoriale et un ralentissement, voire une suspension du processus d’autonomie autochtone.
31Plus largement, c’est le modèle développementaliste et extractiviste du gouvernement d’Evo Morales appliqué à partir de 2009 qui se voit contesté par les peuples autochtones. Les droits au consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, à l’autodétermination et à l’autonomie, ne sont de toute évidence pas respectés alors que le nombre de projets d’aménagement territorial ou d’exploitation des ressources naturelles renouvelables comme non renouvelables ne cesse d’augmenter en territoires autochtones41. Pour la Cidob et le Conamaq, le modèle proposé ne serait qu’une réinvention moderne du système colonial. Des différences apparaissent chaque fois plus évidentes entre le modèle de développement adopté par le gouvernement d’Evo Morales et celui défendu par les organisations autochtones. Selon ses propres termes, le premier a engagé le pays dans un « grand saut industriel » reposant sur une exploitation intensive des ressources naturelles et leur exportation, en particulier le gaz et les minerais, pour financer des politiques sociales appréciées de la population. Les secondes brandissent le projet constitutionnel d’économie plurielle et n’hésitent pas à dresser le paradigme du Vivir Bien comme mode de développement alternatif, non sans revendiquer un droit prioritaire sur la gestion des ressources naturelles dans leurs territoires. La question de la consultation et du consentement préalable a marqué un point de rupture entre une grande partie des organisations autochtones et le gouvernement de Morales42. Les conflits du Tipnis et de Mallku Khota ainsi que le débat controversé sur la loi de consultation ont largement contribué à la prise de distance franche de la Cidob et du Conamaq vis-à-vis du MAS à partir de 2011.
32Le gouvernement de Morales juge « infantile » et « conservatrice » toute critique provenant de ces organisations à l’égard du modèle de développement proposé. L’exécutif utilise régulièrement ces termes pour qualifier les actions de contestation menées par les peuples autochtones, en particulier depuis le conflit du Tipnis. Pour pallier la dissidence d’un certain nombre d’organisations autochtones qui font front commun contre la politique gouvernementale et affaiblissent l’énergique rhétorique indigéniste du MAS, le gouvernement passe plusieurs accords avec des structures régionales afin qu’elles ne prennent pas part aux mobilisations contestataires, moyennant quelques projets locaux de développement. Le gouvernement applique sa stratégie de division et d’affaiblissement du mouvement autochtone à une échelle supérieure en impulsant la création d’organisations parallèles à la Cidob et au Conamaq (dénommé ironiquement par ses détracteurs « Conamas »). Ces nouvelles structures sont affiliées au gouvernement et reconnues comme les représentantes légitimes « autochtones » par les organisations « paysannes ». Les représentants de la Cidob et du Conamaq opposés au gouvernement ont connu quant à eux des menaces et tentatives de criminalisation de la part du gouvernement. Des dirigeants de la Cidob sont ainsi accusés de violence envers un dirigeant cocalero qui faisait la promotion du projet routier dans le Tipnis. De la même manière, le leader de la mobilisation contre l’entreprise exploitant la mine de Mallku Khota est incarcéré plusieurs mois après avoir été accusé d’orchestrer des violences, des tortures et des séquestrations de policiers et de techniciens de l’entreprise43. Et ce, malgré les nombreuses preuves montrant qu’il n’était pas présent au moment des faits, dont la plupart sont finalement faux ou ont fait l’objet d’interprétations initiales outrancières. Les autorités de la Cidob et du Conamaq opposées au gouvernement ont été délogées du siège de leur organisation par des fractions rivales soutenues par le gouvernement. Depuis cette date, elles tentent de se réorganiser dans la plus grande confusion, en se joignant notamment à d’autres groupes d’opposition comme le Conade. Dans la foulée, le gouvernement s’est aussi intéressé de plus près aux organisations non gouvernementales (ONG) les plus proches de ces organisations dissidentes. Si ces institutions ont joué un rôle crucial dans l’arrivée au pouvoir du MAS et si certains de ses membres ont occupé des postes importants au sein des cabinets ministériels, le conflit du Tipnis a ravivé des tensions entre le gouvernement et les ONG les plus indigénistes. En décembre 2013, l’un des principaux soutiens aux peuples autochtones, l’ONG danoise Ibis Dinamarka, est expulsée de Bolivie pour « ingérence politique ». D’autres ONG sont menacées de subir le même sort. Le gouvernement a également coupé tous les financements aux organisations autochtones dissidentes provenant des organismes publics, notamment du Fonds indigène originaire paysan de développement. En représailles, somme toute symboliques, le Conamaq et la Cidob dissidents déposent de manière régulière des plaintes auprès des instances nationales et internationales pour dénoncer le non-respect des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones reconnus par l’ONU.
33L’alliance entre le gouvernement de Morales et le mouvement autochtone unifié semble donc bien consumée. Le « processus de changement » comme phase politique marquante dans l’histoire du pays a mené le mouvement autochtone à la division, une partie de ses composantes soutenant le gouvernement d’Evo Morales, l’autre le contestant, voire le combattant sur la scène politique. Lors des échéances électorales de 2014 et de 2015, plusieurs hauts dirigeants autochtones inscrits sur des listes d’opposition ont mené leur campagne fondée sur une critique acerbe de la politique d’Evo Morales. Un front contestataire autochtone tente de se créer même si celui-ci reste très disparate et dynamisé par l’ambition personnelle et individuelle de plusieurs dirigeants. Depuis 2016, les organisations autochtones dissidentes s’associent aux marches contre la réélection d’Evo Morales avec d’autres groupes citoyens, sans que l’on puisse juger réellement de leur poids au sein des populations qu’elles disent représenter. Ces récentes évolutions ont accentué la désillusion des organisations autochtones quant à leur participation effective au « processus de changement » proposé par le gouvernement de Morales. Elles ont surtout contribué à affaiblir le mouvement autochtone dans son ensemble. Cela devrait avoir plusieurs conséquences parmi lesquelles un reflux temporaire des mobilisations autochtones d’envergure régionale ou nationale et un abandon progressif de la rhétorique et des politiques indigénistes gouvernementales à l’échelle du pays44.
34Si la politique menée par le gouvernement d’Evo Morales a contribué à faire de la Bolivie un pays pionnier en matière de reconnaissance des droits des peuples autochtones, elle est dans le même temps à l’origine d’incompréhensions et de frustrations pour ces derniers qui avaient bon espoir de voir leurs droits reconnus, promus et protégés avec l’arrivée au pouvoir du « premier président autochtone d’Amérique latine » en 2005. Au cours de son premier mandat, celui-ci a œuvré pour la mise en place du cadre normatif actuel. L’alliance avec les principales organisations autochtones paraissait alors solide. Mais à l’heure d’appliquer ce qui a été défini, cette alliance se fissure progressivement pour se déliter, impliquant une mise à la marge des peuples autochtones dans le processus de refondation du pays. À ce titre, la rhétorique indigéniste proposée par le gouvernement d’Evo Morales semble davantage destinée à la communauté internationale (discours sur le Vivir Bien, la « Terre-Mère ») qu’à un réel processus de révolution culturelle à l’échelle du pays. La confrontation semble désormais bien engagée entre le gouvernement du MAS et toute une frange du mouvement autochtone bolivien autour des modalités d’instauration de l’État plurinational et du modèle de développement du pays.
Notes de bas de page
1 M. T. Zegada, C. Arce, G. Canedo et A. Quispe, La democracia desde los márgenes, op. cit.
2 Ibid.
3 H. Do Alto et P. Stefanoni, « El MAS: ambivalencias de la democracia democratia corporativa », in L. A. García Orellana et F. L. García Yapur, Mutaciones del campo politico en Bolivia, La Paz, Pnud, 2010, p. 303-363.
4 C. Le Gouill, « L’ethnicisation des luttes pour le pouvoir local en Bolivie : la conquête du monde rural dans le Nord Potosí », Revue d’étude en agriculture et environnement, vol. 92, no 4, 2011.
5 Signifie « grand chef » ou « chef suprême ». Expression utilisée par le sociologue et journaliste argentin Martin Sivak dans son livre apologétique Jefazo: retrato intímo de Evo Morales, Buenos Aires, Debate, 2008.
6 F. Mayorga, Dilemas, op. cit.
7 Les périodes de cogestion gouvernementale entre les syndicats et les partis politiques ont caractérisé à plusieurs reprises le pouvoir politique en Bolivie. C’est ce que René Zavaleta nommait le « pouvoir dual ».
8 B. Fornillo, « Proletariado minero, nacionalización económica y el reposicionamiento actual de la Central Obrera Boliviana », Polis [en ligne], 2009, no 24, mis en ligne le 28 avril 2012 [consulté le 11 octobre 2015]. Disponible sur : http://polis.revues.org/1502. Pour une histoire du mouvement ouvrier en Bolivie, voir, entre autres, G. Lora, Historia del movimiento obrero boliviano (1848-1980), La Paz, Masas, 1966-1980, 6 t. ; J.-P. Lavaud, L’instabilité politique de l’Amérique latine : le cas de la Bolivie, Paris, L’Harmattan, 1991 ; J. Dunkerley, Rebelión en las venas, La Paz, Plural, 2003.
9 Á. García Linera, M. Chávez León et P. Costas Monje, Sociología de los movimientos sociales en Bolivia: estructuras de movilización, repertorios culturales y acción política, La Paz, Plural Editores, 2008.
10 B. Fornillo, « Proletariado minero », op. cit.
11 C’est le cas notamment en 2010 lorsque le gouvernement négocie une baisse de l’âge de la retraite plus importante pour les mineurs afin de mettre de côté leurs revendications salariales, ou en 2011 lorsque la COB abandonne sa demande d’augmentation des salaires devant la promesse du gouvernement d’abroger le décret 21060, processus qui se répète l’année suivante sous la direction de Juan Carlos Trujillo. Voir : A. Schneider, « Conflictividad social durante la segunda presidencia de Evo Morales en Bolivia », Les Cahiers ALHIM [en ligne], nº 26, mis en ligne le 17 janvier 2014 [consulté le 16 septembre 2014]. Disponible sur : http://alhim.revues.org/4840.
12 Pour une lecture plus précise du conflit entre coopérateurs et syndicalistes miniers, voir infra.
13 B. Fornillo, « Proletariado minero », op. cit.
14 G. Deheza, « Bolivia 2011: gobernando con el conflicto », Revista de Ciencia Política, vol. 32, no 1, 2012, p. 31-48.
15 https://www.diagonalperiodico.net/La-base-trata-de-salvar-el-proceso.html
16 La même année, le secteur de la santé se mobilise en janvier autour de la journée de 8 heures de travail et pour demander une réelle politique de santé (infrastructure, équipement), puis, en juin, c’est au tour de la police à propos des salaires.
17 C. Peñaranda Pinto et E. Peñaranda Sánchez, « El MAS y la cooptación del Sindicato Mixto de Trabajadores Mineros de Huanuni », Bolpress, 17/12/2014.
18 Le secrétaire général du parti communiste bolivien, Ignacio Mendoza, est en effet sénateur du MAS.
19 C. Peñaranda Pinto et E. Peñaranda Sánchez, « El MAS y la cooptación del Sindicato Mixto », op. cit.
20 Cette thèse politique est approuvée par la Fédération syndicale des travailleurs mineurs de Bolivie en 1946 à partir de la conception trotskiste de la révolution permanente.
21 C. Peñaranda Pinto et E. Peñaranda Sánchez, « El MAS y la cooptación del Sindicato Mixto », op. cit.
22 G. Deheza, « Bolivia 2011: gobernando con el conflicto », op. cit.
23 Les zones de production excédentaires bénéficient d’une aide pour le développement de produits agricoles alternatifs, l’objectif étant de substituer totalement la production de coca. Celle-ci peut cependant y être légalisée pour les petits producteurs cultivant la coca sur leur parcelle pour leur subsistance. Voir : M.-E. Lacuisse, « La redéfinition de la politique de la coca en Bolivie sous les présidences d’Evo Morales : les enjeux de politique publique de la réforme », Revue d’étude en agriculture et environnement, vol. 92, no 4, 2011, p. 441-468.
24 Ibid.
25 Depuis 2006, le vice-ministre de la Défense sociale est Felipe Ladislao Caceres Garciá ; il est un ancien syndicaliste des cocaleros du Chapare et ancien maire de la ville de Villa Tunari (1995-2005). Du côté du vice-ministère du Développement intégral et de la Coca, plusieurs responsables des Yungas s’y sont succédé, après avoir été démis de leur fonction à la suite de fraude sur la commercialisation de la coca (Dionicio Nuñez, 2012-2013) ou plus couramment à la suite de tensions avec le gouvernement sur le partage des zones de production légales entre le Chapare et les Yungas. Voir M.-E. Lacuisse, « La redéfinition de la politique de la coca », op. cit.
26 M. Bouchaud, « Rôles et transformations des organisations sociales dans la Bolivie d’Evo Morales : le cas des organisations de cocaleros », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [en ligne], mise en ligne le 7 juin 2013 [consulté le 31 janvier 2014]. Disponible sur : https://nuevomundo.revues.org/65445.
27 Oficina de las Naciones Unidas contra la Droga y el Delito (UNODC), Estado Plurinacional de Bolivia: Monitoreo de Cultivos de coca 2014, La Paz, UNODC, août 2015.
28 Sur un total de production de 33 100 tonnes métriques, 19 700 tonnes métriques auraient été vendues aux deux marchés officiels de Villa Fatima (La Paz) et Sacaba (Cochabamba), soit 60 % de la production totale.
29 M. Bouchaud, « Rôles et transformations des organisations sociales », op. cit.
30 J. Crabtree et A. Chaplin, Bolivia: procesos de cambio, op. cit.
31 Les représentants du Conamaq et de la Cidob — opposés au gouvernement et aux organisations paysannes, dont les cocaleros du Chapare notamment depuis le conflit du Tipnis — ont de leur côté indiqué que les populations autochtones consommaient uniquement la coca des Yungas. Ils accusent le gouvernement de tronquer les chiffres et de cacher la réalité de la production de coca dans le Chapare.
32 Selon les chiffres communiqués par le vice-ministère, en 2015, 40 000 cocaleros seraient installés dans le Chapare et 30 000 dans les Yungas.
33 Le Fondioc est alimenté par 5 % de l’impôt direct sur les hydrocarbures (IDH).
34 L’un des principaux porte-parole de cette coordination est Damian Condori, ex-dirigeant de la CSUTCB et candidat au gouvernement de Chuquisaca en 2015 avec le parti Chuiquisaca Somos Todos (CST – Chuquisaca nous sommes tous), opposé au candidat du MAS Esteban Urquizu, gouvernant sortant et lui aussi ancien dirigeant paysan.
35 Voir l’encadré nº 2, partie I : « Mouvements sociaux et participation politique ».
36 M. d. P. Valencia García et I. e. Zurita, Los pueblos indígenas de Tierras Bajas en el proceso constituyente boliviano, Santa Cruz de la Sierra, Cejis/Iwgia, 2010.
37 F. Garcés (dir.), El Pacto de Unidad y el Proceso de construcción de una Propuesta de Constitución Política del Estado: sistematización de la experiencia, La Paz, Mia/Cenda/Cejis/Cefrec/Agua Sustenable/Caritas boliviana, 2010 ; S. Schavelzón, El nacimiento del Estado plurinacional de Bolivia: etnografía de una Asamblea Constituyente, La Paz, Plural/Clacso/Cejis/Iwgia, 2012.
38 M. Fernández Osco, Pluriversidad, op. cit. ; A. Diez Astete, Estudio sobre democracia comunitaria, op. cit.
39 Le nombre de sièges au sein des assemblées départementales a pu changer à l’issue des référendums sur les statuts d’autonomie départementale réalisés depuis la loi électorale transitoire dans plusieurs départements.
40 Voir le troisième chapitre de la partie 1.
41 L. Lacroix, « Le devenir incertain des territoires et des droits autochtones dans les Basses Terres de l’État plurinational de Bolivie », in S. Dreyfus-Gamelon et P. Kulesza (dir.), Les Indiens d’Amazonie face au développement prédateur : nouveaux projets d’exploitation et menaces sur les droits humains, Paris, L’Harmattan, collection « Questions autochtones », 2015, p. 305-346.
42 Voir chapitre suivant.
43 C. Le Gouill, « Imaginaires miniers et conflits sociaux en Bolivie : une approche multiniveaux du conflit de Mallku Khota », Cahiers des Amériques latines, no 82, 2016a, p. 49-69.
44 S. Marti I Puig, « L’apparition politique et juridique de l’indianité en Amérique latine », in G. Couffignal (dir.), Amérique latine. 2012, année charnière, Paris, IHEAL/La documentation Française, 2013.
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