Positionnements à l’international et relations extrarégionales
p. 217-235
Texte intégral
1Se revendiquant ouvertement comme un pays non aligné, la Bolivie d’Evo Morales développe un positionnement propre sur la scène internationale. Celui-ci repose sur des propositions alternatives autour des questions environnementales globales et des discours indigénistes mettant en exergue l’indianité comme une caution politique de responsabilité et de sagesse en termes de gouvernance et de gestion publique. Les discours sur le bien vivre, la Terre-Mère ou le changement climatique portés par un Evo Morales qui se présente comme le porte-parole des Amérindiens, trouvent de nombreux échos auprès d’organisations sociales ou politiques du monde entier pour qui le pays andin fait figure d’exemple. Les messages portés séduisent tout autant les organismes internationaux et une grande partie de la communauté internationale.
2Autre signe de ce non-alignement affirmé, les relations souvent tendues avec les États-Unis et dans une moindre mesure l’Europe, autour des politiques sur la feuille de coca et d’une volonté plus globale de la Bolivie de rééquilibrer ses relations politiques et diplomatiques vis-à-vis de ces deux partenaires de poids. Cette redéfinition de la relation avec les grandes puissances historiques se traduit par un rapprochement avec la Chine, non sans poser de nouveau la question de la dépendance (extrême) envers ce pays et celle d’un nouvel impérialisme relevant d’un changement d’épicentre dans l’ordre mondial.
3Que ce soit par sa politique internationale ou pour ses richesses naturelles convoitées par de nombreux pays et entreprises transnationales, la Bolivie affiche une volonté d’acquérir une place nouvelle sur la scène internationale. Les réorientations stratégiques, incarnées par la figure d’Evo Morales, s’effectuent avec un réalisme et un pragmatisme certains, pour lesquels l’usage fréquent de symboles et de positions fortes semble être de mise.
Sortir de l’anonymat international
4Sans conteste, la Bolivie n’a jamais fait autant parler d’elle à l’échelle internationale depuis qu’Evo Morales gouverne le pays. Les réformes engagées par le MAS liées au « processus de changement » suscitent régulièrement l’émoi au-delà des frontières nationales. Amplifiées par le phénomène médiatique et celui des réseaux sociaux, celles-ci font l’objet d’inquiétudes, d’enthousiasme ou de critiques émanant de la communauté internationale, de firmes multinationales, des mouvements sociaux. Cette visibilité récurrente, aussi sporadique et ponctuelle soit-elle, peut paraître étonnante pour ce « petit » pays enclavé au milieu d’un sous-continent certes en plein développement, mais toujours secondaire ou périphérique dans l’ordre mondial. Pourtant, l’apparition régulière de la Bolivie sur l’avant-scène internationale au cours des dernières années ne résulte pas seulement des politiques internes qui viennent bousculer l’ordre établi, mais aussi d’une action diplomatique offensive fondée sur l’image emblématique de son président et une hyperactivité dans les débats et les actions qui animent les instances internationales. En jouant sur les deux tableaux, la Bolivie d’Evo Morales se fait une place particulière au sein de la communauté internationale, bien souvent symbolique, mais toujours utile, que ce soit dans le cadre de négociations bilatérales ou dans la gestion des affaires internes au pays.
5Evo Morales incarne dans l’imaginaire collectif global l’émancipation économique, politique et culturelle en Amérique latine. L’entourage du président bolivien a très vite engagé un travail de communication et d’image au service de l’action politique et diplomatique dont le ministère des Affaires étrangères s’est fait le principal relais en assurant la publication régulière des discours internationaux du chef de l’État, en particulier ceux portant sur la Terre-Mère et le Vivir Bien. Un service spécial, au sein de son gouvernement, a été créé pour faire d’Evo Morales un « produit » sociologique et politique attractif sur la scène internationale. Une grande opération de communication est mise en branle autour du « premier président indien d’Amérique latine ». Celle-ci repose en grande partie sur une indianisation visuelle du pouvoir alimentée, entre autres actions de marketing politique, par l’intronisation symbolique d’Evo Morales sur le site pré-incaïque de Tiwanaku à l’issue de ses élections présidentielles, mais aussi par un certain nombre d’autres rituels politiques publics « ethnicisés ». Si certains de ces actes s’inscrivent dans un néo-indianisme grandissant en Amérique hispanique1, le symbolisme identitaire utilisé à des fins diplomatiques par le gouvernement d’Evo Morales semble éloigné de toute dimension mystique ou millénariste. En effet, le pragmatisme et la realpolitik apparaissent comme des leitmotive d’une stratégie discursive ciblée de grande envergure orientée vers la communauté internationale toujours friande d’icônes politiques.
6La stratégie de communication politique déployée autour de la figure d’Evo Morales serait d’autant moins performative si elle ne s’accompagnait pas, en plus des réformes structurelles engagées sur le plan interne, d’initiatives et de propositions remarquées à l’échelle internationale. Au cours des dernières années, la Bolivie s’est en effet démarquée pour ses positionnements et ses actions autour d’un certain nombre de questions globales, en particulier environnementales. L’orientation des discussions internationales sur le changement climatique ne convient pas au gouvernement d’Evo Morales, car elle est grandement susceptible de contrecarrer son modèle de développement reposant, initialement selon le discours officiel, sur l’industrialisation des ressources naturelles. L’opération consiste alors à porter une proposition alternative de politique globale sur le changement climatique. Celle-ci rejette de manière fondamentale l’idée en cours de discussion autour d’un fonds alimenté par les pays industrialisés pour l’adaptation des pays en développement aux conséquences du réchauffement climatique. Pour Morales, elle n’aurait pour effet que de perpétuer l’ordre mondial au bénéfice des puissances actuelles et d’imposer des règles inadaptées au développement de bon nombre de pays, en d’autres termes de consolider l’impérialisme et le colonialisme. La stratégie bolivienne consiste à redéfinir de fond en comble les termes et les modalités des débats sur le changement climatique, par un rééquilibrage du pouvoir décisionnel entre les pays au sein de l’ONU, mais aussi par l’insertion de nouvelles approches du développement censées être intrinsèquement vertueuses en termes de protection environnementale. Evo Morales a ainsi ardemment défendu auprès des Nations unies la reconnaissance de droits de la Terre-Mère, l’eau comme bien commun mondial, l’adoption du « bien vivre » comme nouveau paradigme de développement, ou encore l’instauration d’une justice environnementale mondiale. Ces discours sont l’occasion pour lui d’exercer son talent d’orateur et de gagner une image de président déterminé, respecté et écouté. Avec un brin d’opportunisme et une verve fondée sur une terminologie percutante et des prises de position clairement définies, le chef de l’État bolivien enregistre une série de succès diplomatiques, symboliques et tangibles.
7Lors de la 14e Conférence sur le climat de l’ONU organisée à Poznam (Pologne) en 2008, le président Morales et son chancelier Choquehuanca prônent la création d’une organisation mondiale de l’environnement et du changement climatique dont la tâche principale consisterait à vérifier la mise en œuvre des engagements des États et coordonner l’action globale en matière de lutte contre le réchauffement. Si à cette occasion, la proposition est plutôt bien reçue2, elle n’apparaît cependant pas à l’ordre du jour au sommet de Copenhague (COP 15) organisé l’année suivante. Cette rencontre fait l’objet d’une vive polémique après que le document final publié se révèle être le fruit d’une négociation fermée entre quelques pays influents3. À grand renfort de presse, la Bolivie se déclare offensée par l’absence de démocratie et de transparence pendant le Sommet. Avec quelques pays4, elle bloque l’approbation de l’accord en ne le votant pas. En réaction à la controverse et à l’échec de Copenhague, Evo Morales organise en avril 2010 dans son pays une « conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère ». Selon les principes de la « diplomatie des peuples » qu’il préconise, les mouvements sociaux de toute la planète sont invités à cette rencontre internationale alternative. Plus de 3 000 délégués se réunissent et élaborent un « accord des peuples » qui est remis en main propre par Evo Morales au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, lors de la conférence de Cancún (COP 16) en décembre 2010. Le gouvernement d’Evo Morales se présente alors comme le porte-drapeau de la cause écologiste au sein des mouvements altermondialistes5 même si toutes ses actions n’ont en rien influé sur les orientations internationales discutées au Mexique. Campée sur ses positions et malgré le risque d’un isolement, la Bolivie est le seul pays à ne pas avoir approuvé l’accord de Cancún. En octobre 2015, le gouvernement de Morales poursuit son initiative en organisant une nouvelle Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et pour la défense de la vie. C’est l’occasion de remettre au secrétaire général de l’ONU, une « proposition pour sauver la Terre-Mère » en dix points prévoyant, entre autres mesures, l’abandon du capitalisme, l’instauration de droits internationaux pour la Terre-Mère et la reconnaissance de biens communs globaux. Ce document, pièce maîtresse d’une proposition plus technique et détaillée6 en vue du Sommet de Paris (COP 21), reprend les lignes directrices d’une politique environnementaliste internationale élaborées depuis 2009 et présentées sous une forme moins accomplie lors de l’inauguration du 7e forum autochtone de l’Organisation des Nations unies.
8L’action menée par l’État bolivien ne se cantonne pas aux seuls pourparlers autour du changement climatique. En 2009, l’ONU déclare le 22 avril journée internationale de la Terre-Mère ou Terre-Nourricière à l’issue d’une campagne menée par Evo Morales en personne. Ce succès ne constitue que la première étape d’un projet de déclaration universelle des droits de la Terre-Mère qui, à ce jour, reçoit le soutien d’une soixantaine de pays. Pour montrer l’exemple auprès de ses homologues du monde entier et répondre à une forte demande populaire, le président bolivien promulgue une loi sur les droits de la Terre-Mère (loi 71) en décembre 2010 qui, par ailleurs, fait l’objet de vives critiques dans son propre pays. De la même manière, la délégation bolivienne à l’ONU obtient en juillet 2010 une résolution (64/292) reconnaissant le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit universel de l’homme. Dans une moindre mesure, la Bolivie a contribué à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) en se proposant d’être le siège de la signature. Elle est surtout le premier et à ce jour l’unique pays à avoir élevé cette déclaration au statut de loi nationale (loi 3760) et intégré l’ensemble de ses dispositions dans la Constitution politique de l’État. Dans une certaine continuité, la Bolivie préside depuis 2012 le groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer une Déclaration des Nations unies sur les « droits des paysans et autres personnes qui travaillent dans les zones rurales ». Adopté en 2018, ce projet s’inspire du modèle de la Déclaration des droits des peuples autochtones et d’un pré-projet déposé par l’organisation paysanne internationale Via Campesina. Mais l’une des plus grandes batailles concerne la dépénalisation internationale de la mastication de la feuille de coca obtenue après une longue campagne de sensibilisation, là encore assumée en grande partie par le président Morales. En 2011, son gouvernement annonce le retrait temporaire de la Bolivie de la Convention internationale sur les stupéfiants (1961), considérant que la communauté internationale n’établissait pas de distinction entre la coca et la cocaïne. Le secrétaire général de l’ONU est de nouveau sollicité pour plaider en faveur de la Bolivie auprès des pays ayant ratifié la convention. En 2013, 169 des 183 pays signataires acceptent d’insérer une clause spécifique tolérant cette pratique en Bolivie. Forte de sa victoire, celle-ci réintègre la convention rapidement.
9Toutes ces initiatives réussies ont une portée significative sur l’image de la Bolivie et de son président. Elles ont pour effet de lui fournir et de renforcer une légitimité et une crédibilité certaines au sein des instances internationales dans lesquelles la diplomatie bolivienne assume des responsabilités nouvelles. C’est ainsi qu’en 2008, le chancelier bolivien Choquehuanca occupe temporairement la vice-présidence de l’assemblée générale des Nations unies conduisant les débats de la 63e période et que le représentant de la Bolivie à l'OEA assume, quant à lui, la présidence de son conseil permanent. En 2013, la Bolivie compte parmi les trois nouveaux pays élus (avec la Colombie et Haïti) parmi les 18 nouveaux membres du Conseil économique et social (Ecosoc) des Nations unies pour assumer un mandat de trois ans (2013-2015). Quelques mois auparavant, était ratifié un « cadre de coopération pour le développement entre les Nations unies et l’État plurinational de Bolivie 2013-2017 » à hauteur de 180 millions d’euros. L’organisation en 2014 du G77 + Chine à Santa Cruz de la Sierra constitue l’un des moments forts de l’histoire diplomatique bolivienne. C’est l’occasion pour le président Morales de critiquer sévèrement le système actuel des Nations unies et de demander sa refonte avec l’objectif d’instaurer « un nouvel ordre mondial pour vivre bien » qui fait écho au slogan de la rencontre. L’hôte fustige le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce et le Conseil de sécurité des Nations unies qu’il considère comme des instances au service de l’impérialisme et défend le principe de souveraineté nationale, condamnant tout acte d’ingérence, qu’elle soit militaire, politique, économique ou financière. À l’issue de la rencontre, la Bolivie assume la présidence d’un comité ad hoc de l’Organisation des Nations unies chargé d’élaborer un cadre légal multilatéral pour les processus de restructuration des dettes souveraines7 qui est approuvé par l’assemblée générale de l’ONU en septembre 2015. La mesure est censée protéger les dettes nationales des fonds vautours.
10Néanmoins, l’engouement de la communauté internationale pour Evo Morales tend à s’estomper ou tout du moins à être plus modéré depuis 2010. Après l’euphorie des premières années, l’évolution sociopolitique en Bolivie marquée par les conflits avec les organisations sociales populaires, en particulier autochtones8, a cédé la place au doute et à la confusion. Elle a surtout révélé la complexité d’une situation nationale et la contradiction grandissante émanant du gouvernement d’Evo Morales entre une rhétorique progressiste et une politique conservatrice, au mieux réformiste9.
Entre rébellion et dépendance à l’égard des puissances du Nord (États-Unis et Union européenne)
11Le positionnement souverainiste, anti-impérialiste et anticolonialiste du gouvernement d’Evo Morales a irrémédiablement provoqué quelques remous dans les relations entre la Bolivie et les puissances occidentales. La culture de coca et la lutte contre le narcotrafic ont bien souvent été au centre des tensions, en particulier avec les États-Unis, qui ne semblent guère convaincus par les actions menées en la matière par la Bolivie. Pour Washington, la surface de coca cultivée paraît encore trop élevée et le volume des saisies de drogue encore trop faible10 alors que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) indique une baisse constante des superficies cultivées depuis 201011.
12Depuis 2008, l’État bolivien ne reçoit plus la certification états-unienne pour sa politique de lutte contre le narcotrafic qui est l’une des conditions pour bénéficier d’une exemption douanière pour un certain nombre de produits d’exportation vers les pays du Nord dans le cadre de la loi sur l’éradication des drogues et la promotion du commerce andin (ATPDEA). Jusqu’à cette date, la valeur des exportations boliviennes s’élevait à environ 50 millions d’euros annuels et près de 25 000 emplois dépendaient de cet accord. Ces décisions s’inscrivent dans un scénario rocambolesque des relations diplomatiques entre les deux pays marqué, entre autres, par l’expulsion en 2008 de la Drug Enforcement Administration contestée pour ses méthodes coercitives et de l’ambassadeur Philip Goldberg accusé de conspiration, puis celle de l’agence de développement USAID en 2013 pour ingérence dans les affaires d’État. Cette série d’événements à laquelle on peut ajouter la décision du gouvernement bolivien d’exiger des visas pour les citoyens américains voulant entrer en Bolivie (2007) et les accusations récurrentes de complot à l’égard de la CIA contribue à couper le « cordon ombilical » avec les États-Unis établi depuis des décennies12. L’arrivée au pouvoir du président Barack Obama a quelque peu atténué l’état de tension, mais pas assez pour rétablir les relations diplomatiques ; encore moins depuis l’arrivée au pouvoir de Donal Trump qui a permis au président bolivien de renouveler ses cinglantes critiques envers les États-Unis.
13Mis à l’écart par le gouvernement de Morales, les États-Unis ont réduit de manière significative leur contribution dans la lutte antidrogue en Bolivie. Les aides allouées pour celle-ci ont littéralement fondu de 70 millions d’euros en 2006 à 4 millions en 201313. Malgré ce retrait remarqué, Washington tente toujours d’occuper le terrain et d’être aux avant-postes. En 2013, douze avions font l’objet d’une donation au pays andin pour mener à bien la lutte contre le narcotrafic. Le rapprochement entre les États-Unis et Cuba a durant un temps contribué à une normalisation des relations entre Washington et La Paz. Plusieurs points sont à l’origine de tensions, comme la demande d’extradition de l’ancien président Sanchez de Lozada ou encore les nouvelles marges d’action de la représentation diplomatique états-unienne en Bolivie. La situation n’est pas sans conséquence sur l’évolution des relations économiques entre les deux pays. Alors qu’en 2010, les États-Unis occupaient le premier rang des pays investisseurs en Bolivie (près de 25 % de l’investissement direct étranger), ils n’occupent plus que le 5e rang en 2014 (7 % des flux de capitaux étrangers) derrière l’Espagne (25 %), le Royaume-Uni (21 %), le Pérou (21 %) et la France (9 %)14. Toutefois, les relations commerciales sont plutôt restées au beau fixe. Les États-Unis se présentent toujours comme l’un des principaux partenaires commerciaux de la Bolivie selon plusieurs rapports de l’Institut bolivien du commerce extérieur. En 2014 et 2015, le pays du Nord était ainsi le 3e importateur et le 4e exportateur pour la Bolivie avec une balance commerciale positive pour cette dernière à hauteur de 126 millions d’euros en 2015. À plusieurs reprises en 2015, le gouvernement bolivien a réaffirmé son souhait de rétablir les relations diplomatiques avec les États-Unis à la condition que ceux-ci s’engagent à respecter strictement les orientations et les politiques nationales établies. Les membres du gouvernement vont jusque dans les universités nord-américaines pour porter le message en mettant en avant les bons résultats économiques de leur pays susceptibles de rassurer les investisseurs. L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche n’a pas outre mesure modifié la ligne de conduite définie par le gouvernement d’Evo Morales vis-à-vis des États-Unis. Il est difficile d’imaginer avec précision l’avenir des relations entre les deux pays tant les deux personnalités présidentielles semblent imprévisibles. Quelques tensions pourraient toutefois apparaître si le nouveau président états-unien renforce les mesures protectionnistes dans son pays. C’est aussi en évoquant Donald Trump et ses décrets migratoires polémiques qu’Evo Morales a fustigé, début 2017, les orientations de politique migratoire du président argentin Mauricio Macri, lesquelles visent à exercer un plus grand contrôle lors de l’entrée sur le territoire et associaient de manière abusive la migration au trafic de drogue et à la délinquance selon La Paz.
14Les relations avec l’Union européenne sont globalement plus apaisées. Les pays du Vieux Continent semblent proposer une approche différente quant à la politique bolivienne sur la coca. Celle-ci repose sur un soutien financier des politiques menées par le gouvernement bolivien basées sur le contrôle social et la responsabilisation des producteurs15, ce qui constitue une alternative à la doctrine des États-Unis fondée sur des méthodes plus coercitives (la destruction massive de champs de coca par les Forces armées). Le budget européen alloué croît progressivement. D’une manne de 26 millions d’euros entre 2008 et 2011, il double pour chacune des deux périodes biennales suivantes pour atteindre environ 80 millions entre 2011 et 2015. Pour autant, des tensions existent sur la question de la coca. La publication tardive de l’« étude intégrale de la demande de feuille de coca en Bolivie » a semé quelques doutes chez les partenaires européens. Le document était censé évaluer de manière précise la demande interne pour la mastication traditionnelle et par conséquent déterminer la surface propice pour répondre à celle-ci et celle destinée a priori au narcotrafic. Après le financement de 900 000 euros pour la réalisation de huit études complémentaires réalisées entre 2008 et 2010, l’étude générale est finalement présentée en 2013 sous la pression des bailleurs européens, mais aussi des États-Unis qui fustigent la patience européenne et dénoncent le manque de transparence bolivienne. Certains éléments de l’étude décrédibilisent quelque peu la politique du gouvernement de Morales. En effet, celle-ci révèle une exportation illégale annuelle de 3,7 tonnes vers les pays frontaliers (Pérou, Argentine, Brésil) qui font part immédiatement de leur inquiétude. Par ailleurs, la surface pour répondre à la demande interne est évaluée à 14 705 hectares, largement en deçà des 20 400 hectares existants relevés par l’UNODC en 2014, ce qui implique l’élimination rapide de 6 000 hectares. Après cet épisode, le plan d’industrialisation de la feuille de coca du gouvernement bolivien qui consisterait à augmenter la production légale et contrôlée en vue de gagner de nouveaux marchés internationaux, notamment pharmaceutiques, alimentaires et agricoles semble bien compromis. D’autant que le projet ne peut se réaliser sans l’aval des États-Unis et de l’Union européenne (UE) dont les autorités sont désormais plus que vigilantes à l’égard de la Bolivie.
15Malgré tout, l’Europe souhaite maintenir sa confiance. Elle n’a pas sanctionné le pays andin qui bénéficie toujours d’un accès privilégié au marché communautaire depuis 199016. À l’instar de l’ATPDEA proposé par les États-Unis, le système des préférences généralisées (SPG « drogues ») de l’Union européenne lui a permis l’exportation sans taxe vers l’Union européenne d’une grande majorité des produits originaires en contrepartie de sa politique de lutte contre la production et le trafic de stupéfiants17. Dans ce cadre, la Communauté européenne finance le Programme de développement du commerce et de promotion des investissements en Bolivie (Programa de Desarrollo del Comercio y Promoción de las Inversiones en Bolivia — Procoin). Cette disposition s’inscrit dans un champ de coopération plus vaste entre l’Union européenne et la Bolivie qui se traduit par un soutien budgétaire de la première des politiques gouvernementales de la seconde. Entre 2007 et 2013, 241 millions d’euros sont ainsi venus soutenir la production alimentaire, le marché de l’emploi dans le secteur artisanal, principalement minier, la dépollution des eaux liée à l’exploitation minière et bien entendu la lutte contre le narcotrafic. Sur cette période, la contribution de l’Union européenne représentait la moitié de l’aide externe à la Bolivie18. Pour 2014-2020, le montant de cette coopération augmente de 17 % pour atteindre un budget global de 281 millions d’euros, principalement destiné à la réforme de la justice, à la lutte contre le narcotrafic, à la gestion de l’eau et au soutien à la société civile. Enfin, un nouveau cadre de coopération est signé avec six pays européens pour la période 2018-2020, d’un montant de 530 millions d’euros destinés au développement du pays et à la lutte contre le narcotrafic. Au cours de la période 2007-2016, les exportations vers l’Union européenne ont totalisé 5 800 millions de dollars, tandis que les importations ont atteint 6 912 millions ; un déficit commercial que l’Union européenne invite à dépasser pour la Bolivie en signant avec elle un accord de libre commerce comme elle l’a fait avec la Colombie, le Pérou et l’Équateur. Une offre jusqu’à maintenant restée sans réponse.
16En 2006 puis en 2008, la politique de nationalisation a généré quelques tensions avec des pays européens partenaires, en particulier avec l’Espagne, et les échanges n’ont pas toujours été cordiaux entre les autorités respectives des deux pays. En 2008, le président Morales intervient dans les affaires européennes en adressant une lettre aux eurodéputés pour critiquer vivement la « directive retour » destinée aux immigrés illégaux en Europe. Il y rappelle la colonisation historique du continent américain par des millions d’Européens. En vain, il menace de bloquer les négociations commerciales entre le Vieux Continent et la communauté andine et d’imposer des restrictions de visas aux voyageurs européens qui voudraient se rendre en Bolivie. Mais la plus grande affaire diplomatique entre l’Europe et la Bolivie reste à ce jour celle de l’avion présidentiel d’Evo Morales qui, en juillet 2013, se voit interdire le survol de plusieurs pays européens, suspecté d’exfiltrer Edward Snowden de Russie où le président bolivien participait à un sommet des pays producteurs de gaz. De manière tout aussi habile que légitime, la diplomatie bolivienne a exprimé son indignation après que l’avion fut finalement autorisé à survoler l’Europe après plusieurs heures d’attente. À l’issue de l’affaire, la France, le Portugal, l’Italie et l’Espagne sont accusés de servir les intérêts de la CIA. Leurs divagations auraient mis en danger le président bolivien. L’organisation des États américains et l’Unasur s’indignent et demandent des comptes. Le vice-président García Linera dénonce une « séquestration orchestrée par l’Empire ». Après quelques jours, Evo Morales accepte les plates excuses des pays européens fautifs incriminés tout en insinuant que cet épisode restera dans les mémoires. Une autre manière de réclamer l’humilité européenne dans les prochaines discussions ou négociations avec la Bolivie.
Regards vers l’Asie
17Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que la Bolivie a porté un intérêt croissant pour l’Asie. Depuis la perte des côtes maritimes à l’issue de la guerre du Pacifique (1879-1883) et avant les premières vagues d’immigration japonaise dans les années 1950, l’Extrême-Orient semblait encore trop lointain pour établir des relations commerciales et diplomatiques viables. La première tournée officielle d’un président bolivien dans cette région a lieu en 1991. Jaime Paz Zamora amorce alors une ouverture dans la politique extérieure bolivienne19. En 1995, la Bolivie exprime officiellement son souhait d’intégrer la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec). Si cette requête n’a, à ce jour, pas eu d’écho, la Bolivie a, en revanche, établi et intensifié ses liens avec le Japon, la Chine et la Corée du Sud, trois pays intéressés par les minerais boliviens, en particulier le lithium.
18Jusqu’aux années 2000, le pays du Soleil levant se présente comme le principal partenaire asiatique de la Bolivie et l’unique créancier de la zone Asie-Pacifique. Entre 1977 et 1996, les contributions financières du Japon représentent 18,7 % de la coopération bilatérale de la Bolivie. Ce soutien est alors l’un des plus importants en Amérique latine20. L’aide nippone est en partie dirigée vers le développement infrastructurel des « colonies japonaises » principalement établies dans le département de Santa Cruz, mais aussi vers des projets agricoles. L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales est saluée par le partenaire asiatique de manière remarquable. En 2006, le Japon annule la totalité de la dette bolivienne, soit 443 millions d’euros, afin de contribuer à la réduction de la pauvreté dans le pays andin. Depuis cette remise des compteurs à zéro, la traditionnelle coopération bilatérale se poursuit sous forme de financements et de donations. Le volume atteint plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année. En 2011, la contribution japonaise atteint son record avec un montant d’aide évalué par l’État bolivien à 88 millions d’euros. Le financement est principalement orienté vers les projets infrastructurels (construction de routes, d’écoles, de postes sanitaires, d’hôpitaux ; aménagement pour réduire les risques d’inondation) et agricoles (soutien à la production de riz, de cacao, de bois).
19La relation avec la Chine est d’une tout autre nature, plus directement économique et commerciale. Ce n’est qu’à partir de 1985, sous la présidence d’Hernan Siles Suazo, que la Bolivie renoue ses relations diplomatiques avec la puissance montante asiatique. Depuis 1966, les régimes militaires successifs profondément anticommunistes avaient préféré établir des relations avec Taïwan21. Malgré le rétablissement des relations avec le géant asiatique, la Bolivie accepte l’ouverture au cours des années 1990 de bureaux commerciaux taïwanais à La Paz. En 2007, le gouvernement d’Evo Morales interdit aux parlementaires boliviens tout contact avec celles-ci et obtient leur fermeture en 2009, à la grande satisfaction de Pékin.
20Jusqu’en 2004, les accords bilatéraux entre la Bolivie et la Chine sont classiques. Leurs montants oscillent entre 9 millions d’euros en 1995 à 35 millions en 2004. Avec l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales les relations entre les deux pays s’intensifient, en partie par l’intermédiaire du Venezuela. Le rythme des accords bilatéraux cesse d’être distendu pour devenir plus régulier et plus consistant. Pas moins de 13 conventions de coopération économique et technique sont signées entre 2007 et 2015 dont 6 en 2011. Sur cette période, la Chine prête officiellement près de 940 millions d’euros à la Bolivie permettant de financer 7 grands projets d’équipement de l’État bolivien, dont 4 infrastructurels, 2 militaires et 1 satellitaire.
Tableau n o 5. Prêts officiels de la Chine à la Bolivie (2007-2015)
Norme | Date | Nature du financement | Montant |
DS 29205 | 2007 | Acquisition de 2 avions de transport non militaire pour les liaisons nationales | Y 280 000 000 |
Loi 3793 | 2007 | ||
DS 0358 | 2009 | Projet gaz domestique 39K | $ 60 000 000 |
DS 0375 | 2009 | Équipement du bataillon d’ingénierie | Y 281 000 000 |
Loi 014 | 2010 | ||
DS 0746 | 2010 | Satellite Túpac Katari | $ 251 124 000 |
Loi 087 | 2011 | ||
DS 0955 | 2011 | Acquisition de machines lourdes | Y 411 000 000 |
Loi 187 | 2011 | ||
DS 1103 | 2011 | Acquisition de 6 hélicoptères H-425 | Y 716 427 053 |
Loi 231 | 2012 | ||
DS 2431 | 2015 | Route Rurrenabaque - Riberalta | $ 492 400 000 |
Loi 718 | 2015 |
Élaboration propre. Source : Gazette officielle de Bolivie.
21Parmi tous ces projets, le plus innovant et moderne est sans nul doute celui du satellite Túpac Katari 22 commandé personnellement par le président Morales et dont le coût de construction est estimé à 2,7 millions d’euros. L’objectif officiel est de garantir le droit d’information à toute la population du pays, y compris celle qui vit en marge des axes de télécommunication. Le coût total du projet est d’environ 220 millions d’euros (15 % couverts par le budget national et 85 % sous forme de prêt auprès de la Banque de développement de Chine). Une agence spatiale nationale23 a été spécialement créée pour veiller au processus de construction et organiser sa mise en orbite. En 2013, la Bolivie envoie 64 personnes en Chine pour être formées à l’Académie chinoise de l’espace. Les élus, 58 hommes et 6 femmes, ont été recrutés par le biais d’un concours organisé par le gouvernement bolivien auquel se sont présentés plus de 1 700 candidats en octobre 2012. Le satellite a été lancé en décembre 2013 depuis la base de Xichang en Chine et est fonctionnel depuis avril 2014. Un deuxième satellite (nommé Bartolina Sisa24) devait être livré en 2018, mais a été retardé pour des raisons budgétaires. Il est destiné cette fois-ci à des fins de prospection géophysique pour mieux localiser les gisements de gaz, de pétrole, de minerai et les réseaux d’eau souterraine. Son coût initial estimé oscille entre 133 et 170 millions d’euros.
22Une série d’autres accords ont été annoncés par le gouvernement bolivien et par voie de presse sans que cela ait pu être vérifié. La Paz aurait pu ainsi compter sur un prêt chinois de 50,7 millions d’euros en 2009 pour acquérir des avions de combat légers de type K-8 de fabrication chinoise, puis un crédit de 35 millions d’euros en 2010 pour un vaste programme de rénovation d’une partie du réseau routier principal. Les six accords de coopération signés en 2011 concerneraient le financement de programmes agricoles, une convention bancaire entre la Banque de développement de Chine et Banco Unión, une association stratégique entre l’entreprise nationalisée Entel et l’entreprise chinoise Huawei, une coordination logistique militaire incluant des échanges technologiques, des bourses d’études et des rencontres régulières entre les hauts commandements de chacune des armées.
23Plusieurs firmes chinoises sont engagées dans des projets d’envergure en Bolivie comme dans la construction du mégacomplexe sucrier de San Buenaventura, dans le développement de l’usine pilote de batteries de lithium à El Palca, dans la construction de la voie de chemin de fer entre le complexe pétrolier de Bulo Bulo et la ville de Montero, dans l’activité de l’entreprise nationale de papier Papelbol. La multinationale Tiens s’est installée en Bolivie en 2009 et la même année Eastern Petrogas Ltda signait des conventions de coopération avec la YPFB. Dans le secteur minier, Henan Yuguang International Economic And Technology Corporation Ltda a été choisie en 2010 par la Compagnie minière de Bolivie (Comibol) pour construire deux usines de production de zinc devant produire 200 000 tonnes annuelles pour un montant d’environ 430 millions d’euros. Ce projet est inclus dans le plan minier 2010-2015 du ministère de la Mine et de la Métallurgie. La coopérative minière de Cebadilla en activité dans la municipalité de Challapata (département d’Oruro) exporterait 20 000 tonnes de fer par mois vers la Chine. Ces liens entre les coopératives minières et la Chine, ainsi que sur la présence d’entreprises chinoises, sont l’objet de multiples tensions et spéculations tant sur la question de la souveraineté minière bolivienne que sur les conséquences environnementales de ces exploitations25.
24En octobre 2015, le gouvernement bolivien annonce un crédit record chinois de 7 milliards d’euros. Ce dernier doit permettre le financement de 11 mégaprojets infrastructurels dont la construction de trois axes routiers majeurs, d’une centrale hydroélectrique (Rositas, département de Santa Cruz), d’un stade olympique et d’une ligne ferroviaire. Ce crédit devrait faire croître la dette extérieure bolivienne de 17 % à 35 % du PIB. Face à cette hausse significative, le gouvernement tente de rassurer la population en mettant en avant la bonne santé économique du pays. Sa communication insiste sur les taux d’intérêt chinois compétitifs (entre 1 et 4 % selon les projets) et présente la conjoncture comme propice pour engager le pays dans une politique ambitieuse de grands investissements.
25Selon toute logique, la balance commerciale est largement déficitaire pour la Bolivie, qui importe plus de 4 000 produits du géant asiatique, pour l’essentiel manufacturés (motos, machines, tubes pour oléoducs) alors qu’elle n’exporte, quant à elle, qu’une cinquantaine, essentiellement des minerais bruts26. Si en 2009, la Chine a accepté une hausse des taxes de 35 % sur les produits chinois importés en Bolivie, la dette bolivienne auprès de la Chine a augmenté de 464 % entre 2007 et 2012, passant de 30 millions à 167 millions d’euros selon un rapport de la Fondation Milenio publié en 2013. Cette tendance ne fait que s’accentuer de manière accélérée. En 2013, la dette bolivienne à l’égard de la Chine atteignait 742 millions d’euros. En 2015, celle-ci s’élève à 1 100 millions d’euros27. L’Institut bolivien du commerce extérieur estime qu’en l’espace d’une décennie, soit sous la mandature de Morales, la Bolivie a cumulé une dette commerciale envers la Chine de 6,1 milliards d’euros. La puissance asiatique est désormais le pays avec lequel la Bolivie présente le plus grand déficit commercial. Elle occupe le 1er rang dans la liste des pays exportateurs (17,99 %) et représente le 5e marché étranger pour les produits boliviens après ceux du Brésil, de l’Argentine, des États-Unis et de la Colombie28. La Bolivie parvient à développer sa présence sur le sol chinois. En novembre 2012, le pays est représenté pour la première fois à la Foire internationale des aliments et des produits naturels (FHC) qui se déroule à Pudong, Shanghai. Mais les relations entre les commerçants aymaras et la Chine existent depuis bien plus longtemps et ces derniers jouent un rôle majeur dans les relations commerciales avec la Chine29.
26À plus petite échelle, les relations entre la Bolivie et la Corée du Sud prennent aussi de l’ampleur. Le dragon asiatique investit principalement dans l’exploitation de minerais et de lithium. En 2010, le gouvernement sud-coréen octroie un crédit de 175 millions d’euros permettant de financer des projets infrastructurels entre 2010 et 2014. Le consortium Korea Ressources Corporation (Kores) a investi, en 2009, la même somme dans les mines de cuivre de Coro Coro dans la perspective de produire 30 000 à 50 000 tonnes annuelles de cuivre électrolytique. La multinationale Samsung a, quant à elle, décroché un contrat de 740 millions d’euros pour construire l’usine de Bulo Bulo, présentée comme le futur fleuron bolivien de l’industrie pétrochimique qui devrait produire 420 000 tonnes métriques d’ammoniaque et 650 000 tonnes métriques d’urée.
27Enfin, la Bolivie a entamé des discussions avec le Vietnam, l’Afrique du Sud et l’Inde. Avec le premier, des accords en matière d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures auraient été souscrits entre YPFB et PetroVietnam en 2009 puis 2011. Avec la seconde, les relations sont de nature principalement diplomatique et politique. Les deux pays coordonnent ensemble des lignes d’action dans le cadre de conférences internationales sur le changement climatique (COP) et ont collaboré à l’élaboration du cadre légal multilatéral pour les processus de restructuration des dettes souveraines au sein de l’ONU. Plusieurs réunions ont été organisées au cours des dernières années pour aborder la question du modèle d’État et de l’exploitation minière. Avec la troisième, des ambassades ont été ouvertes en 2012 et des discussions ont été engagées autour d’un accord de promotion des investissements et de protection bilatérale. Les relations commerciales sont encore restreintes même si elles progressent rapidement. La valeur des volumes échangés en 2012-2013 atteignait 56 millions d’euros et enregistrait une augmentation de 124 % par rapport à l’année précédente (50 millions)30. L’État bolivien et l’entreprise Jindal Steel & Power (JSP) sont en contentieux à l’issue d’un contrat d’exploitation de la multinationale indienne sur le site du Mutún entre 2007 et 2012. Le différend est soumis à la cour d’arbitrage et de conciliation de la Chambre de commerce international.
Notes de bas de page
1 J. Galinier et A. Molinié, Les Néo-Indiens : une religion du 3e millénaire, Paris, Odile Jacob, 2006.
2 En août 2009, Evo Morales est félicité et décoré par l’ONU pour son action et ses propositions innovantes sur le thème du réchauffement climatique. À cette occasion, il est déclaré de manière symbolique « héros mondial de la Terre-Mère ».
3 Notamment les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.
4 Tuvalu, Venezuela, Nicaragua, Cuba.
5 F. Poupeau, « La Bolivie entre Pachamama et modèle extractiviste », Écologie & politique, no 46, 2013/1, p. 109-119.
6 Estado Plurinacional de Bolivia (EPB), Contribución prevista determinada nacionalmente del Estado Plurinacional de Bolivia, La Paz, EPB, 2015.
7 Document A/69/L.84, Principes fondamentaux des opérations de restructuration de la dette souveraine.
8 Voir partie 3.
9 J. Petras, « The Most radical conservative regime: Bolivia under Morales », Global Research, 31 décembre 2013.
10 Bureau for International Narcotics and Law Enforcement Affairs, International Narcotics Control Strategy Report, Washington/United States Department of State, 2014.
11 La guerre des chiffres est régulière. Alors qu’en 2014, Washington évaluait la superficie de coca en Bolivie à 35 000 hectares, l’UNODC signalait quant à elle le chiffre de 20 400 hectares. United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), Monitoreo de cultivos de coca 2014. Estado Plurinacional de Bolivia, La Paz, UNODC, 2015.
12 A. Rodríguez-Carmona, El proyectorado: Bolivia tras 20 años de ayuda externa, La Paz, Plural, 2009.
13 La réduction est rapide : 70 millions d’euros en 2006, 23 en 2009, 19 en 2010, 9 en 2012, 4 en 2013.
14 Banco central de Bolivia, Reporte de saldos y flujos del capital privado extranjero en Bolivia, La Paz, BCB, 2014.
15 Voir le deuxième chapitre de la partie 3.
16 Pour diverses raisons, l’Argentine, le Brésil, Cuba, le Venezuela et l’Uruguay ne bénéficient plus de cet accord depuis 2012.
17 Commission européenne, Bolivie. Document de stratégie pays. 2007-2013, E/2007/1405, Bruxelles, 2007.
18 Sont inclues la coopération bilatérale et la coopération unilatérale provenant de la Commission européenne, mais aussi de chacun des pays membres.
19 R. Barrios, Las relaciones de Bolivia con los países de Asia-Pacifico, Unidad de Análisis de Política Exterior-Bolivia, Sistema económico latino-americano, SP/RECEAP/DT No. 10, Caracas, INTAL-BID, 1997.
20 Ibid.
21 Ibid.
22 Túpac Katari fut le meneur d’une grande rébellion indienne sur l’Altiplano bolivien en 1781.
23 Agencia boliviana espacial (ABE).
24 Femme de Túpac Katari. Ces deux personnages historiques ont le statut de héros de la nation bolivienne.
25 D’autres affaires ont fait les joies de la presse et de l’opposition. En 2015, un journaliste révèle l’existence d’un fils présumé d’Evo Morales qui serait né en 2007 et dont la mère serait la responsable commerciale d’une entreprise chinoise de BTP. Celle-ci aurait obtenu des contrats avec l’État bolivien d’une valeur estimée à plusieurs centaines de millions d’euros. C’est le début de l’affaire « CAMC », du nom de l’entreprise qui se trouve au cœur du scandale. Le président bolivien fut accusé de trafic d’influence peu avant le référendum de février 2016 devant valider la possibilité de se représenter aux élections présidentielles de 2019. Par la suite, la mère a été finalement condamnée pour supercherie et tentative d’enrichissement illicite. Elle a affirmé que l’enfant était mort deux ans après sa naissance. Morales fut quant à lui blanchi du délit de trafic d’influence. Cette affaire a été perçue comme un élément influent dans l’échec gouvernemental du référendum de 2016 et sert de prétexte aux partisans d’Evo Morales pour légitimer la candidature du chef de l’État aux prochaines élections nationales.
26 N. Ceppi, « La política exterior de Bolivia en tiempos de Evo Morales Ayma », op. cit.
27 Cedla, « La presencia china en Bolivia: ¿por qué el interés en una de las economías más pequeñas de la región? », Plataforma Energética, Cuadernos de Coyuntura, año VII, no 15, 2016.
28 Ibid.
29 N. Tassi et al., « El desborde económico popular en Bolivia Comerciantes aymaras en el mundo global », Nueva Sociedad, no 241, 2012, p. 93-105.
30 Données fournies par le site de l’ambassade de l’Inde au Pérou (www.indembassy.org.pe/).
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