Chapitre X. Après la crise. L’installation dans la médiocrité (1642-1650). Étude annuelle
p. 1884-1957
Texte intégral
1Le cycle 1642-1650, bien délimité entre le creux initial des années 1641-1642 et le creux final des années 1648-1650, ne pose pas de problème : la fluctuation décennale est vigoureusement dessinée. Il n’en va pas de même — on l’a vu — des fluctuations primaires, au demeurant assez floues et malaisées à définir. On a cru, pourtant, pouvoir distinguer, à l’intérieur du cycle, trois fluctuations valables en gros, pour les mouvements Allers, Retours, Allers et retours. La première, du creux initial jusqu’en 1644-1645, ébauche une reprise, du moins en Allers. Cette reprise s’accentue, au cours d’une seconde fluctuation, qui part de 1644-1645, culmine en 1647 et va jusqu’en 1648. La troisième fluctuation, par contre, englobant les années 1648-1650, est, incontestablement, beaucoup moins bien définie, beaucoup plus vague que les précédentes.
2L’affirmation de la fluctuation décennale et l’effacement parallèle des fluctuations primaires sont, en effet, — on l’a vu — une des caractéristiques de la phase B du mouvement, telle qu’on a pu la retracer, au cours des précédents chapitres. L’étude annuelle qui va suivre n’en est que plus utile. Elle permettra de reprendre, année par année, les contours un peu flous d’une analyse qui, ici, plus encore qu’ailleurs, ne vaut que par la nuance.
I. — 1642-1643 : LES PROLONGEMENTS DE LA CRISE DE RUPTURE
3La crise de 1641, la crise de structure la plus importante de toute l’histoire de la Carrera s’étend sur plusieurs années. 1642 et 1643 lui appartiennent. Mais il y a entre elles une hiérarchie certaine. 1642, c’est l’œil du cyclone
1612. AU PAROXYSME VRAI DE LA CRISE
41642, — il faudrait en dire autant de 1643 — n’appartient pas encore vraiment au cycle de ce que nous avons voulu appeler l’installation dans la médiocrité. En 1642, en 1643, encore, la grande crise de rupture se poursuit. 1638-1643, au sens large, 1641-1643, au sens plus restreint, constituent le cœur même d’une immense crise dévastatrice qui marque un profond hiatus entre les derniers prolongements des structures anciennes et la reconstitution du mouvement sur un plateau médiocre. Suivre trop étroitement la leçon du découpage annuel du mouvement Allers et placer le point de départ de l’expansion au point bas, apparemment, de 1641, serait, vraisemblablement, commettre une erreur. Si on songe qu’il y a dans l’anomalie négative, comme dans l’anomalie positive, un effet cumulatif, le creux de la vague, dans ces conditions, ne se placera pas en 1641, mais en 1642, voire même, plus sûrement, peut-être encore, en 1643.
1. Les leçons superficielles du découpage annuel et les premiers éléments d’une interprétation
5Il faut, pour s’en convaincre, tout en partant, comme toujours, des leçons du découpage anunel, les considérer avec un maximum de précautions et d’esprit critique.
6a. Allers. — De 19 à 37 navires1, il y a progrès de 94,7 %, de 3 173 toneladas (3 490 tonneaux) à 8 312 toneladas (9 143,2 tonneaux), progrès de 162 %, avec accroissement du tonnage unitaire de 167 toneladas (année exceptionnelle, sans véritable navigation en convoi, autre que la petite escadrille de secours de Juan de Urbina2 (à 224,4 toneladas (année exceptionnelle, aussi, dans une large mesure, puisque année sans Armada de la Guardia).
7Mais cette apparente victoire ne doit faire aucune espèce d’illusion, quant à la réalité conjoncturelle qu’elle recouvre. Tout d’abord, en raison de l’extrême médiocrité des chiffres qu’elle met en cause, 39 navires, 8 312 toneladas constituent d’une manière intrinsèque, un niveau extrêmement médiocre. Comme le prouve, en premier lieu, une comparaison avec la moyenne mobile médiane correspondante de treize ans. Bien que la moyenne mobile soit, au cours de ces années, rapidement décroissante (16 553,11 tonneaux en 1641, 15 990,48 tonneaux en 16423), le pourcentage du chiffre vrai au terme de référence reste médiocre. Il est passé de 21,08 % en 1611 à 57,18 % en 1612. En valeur absolue — et à l’exception de 1641 — le chiffre le plus bas depuis 1607.
8Mais c’est surtout, compte tenu de l’effet cumulatif de la dépression, qu’on ne peut plus considérer 1642 comme une victoire des Allers. En effet, les chiffres de 1642 arrivent après le niveau exceptionnellement bas de 1611. Même compte tenu d’une part non négligeable d’accidentel dans le creux de 1641, on devrait s’attendre, alors, à un gros effet de récupération en 1642. L’effet attendu ne joue pas. Et l’accident négatif ne peut plus être porté, ici, à l’actif d’un quelconque impondérable. Il suffit de rappeler ce qu’avait donné, ensuite, l’accident négatif de 1607 (37 navires, 8 153 toneladas, soit au total, un niveau en tonnage, deux fois et demi supérieur à celui de 1611) qui engendrera la pointe unique de 1608. Le creux accidentel de 1587 devait engendrer le précédent record de 1588. Les 8 312 toneladas de 1642 sont alors, facilement écrasées par les 45 078 toneladas ou les 31 507 toneladas de 1608 ou de 1588.
9Seule, donc, une moyenne sur deux ans — procédé auquel on a eu déjà, plusieurs fois, recours — permet de pallier cet inconvénient, compte tenu de l’effet cumulatif de la non reprise. En fait, la moyenne des départs sur deux ans n’a pas excédé 28 unités, 5 742,5 toneladas. Or, pour retrouver quelque chose d’aussi médiocre, il faudrait remonter jusqu’aux toutes premières décades du xvie siècle. Même au cours de la récession inter-cyclique du demi xvie siècle, il n’est pas sûr que l’on trouverait quelque chose de comparable.
10Il faudra tenir compte, enfin et surtout, des difficultés auxquelles se heurtent, en 1642, les préparatifs en cours et plus que tout, de l’échec lamentable de l'Armada de la Guardia4, si bien que les liaisons avec la Terre Ferme ne sont point assurées vraiment, près de trois ans durant, de l’automne 1640 à l’été 1643.
11Une dernière circonstance doit être prise en ligne de compte, le rapport avec les Retours de l’année précédente. Par rapport aux 2 480 toneladas des Retours de 1640, — malgré l’extrême anomalie négative des Retours de 1638 à 1610 (28,6 % des totaux seulement, contre 71,4 % pour les Allers) — les Allers de 1641 pouvaient, à la rigueur, superficiellement, paraître en expansion, puisqu’ils représentent encore 128 % des Retours de l’année précédente ; en 1642, il n’en va plus de même, puisque les Allers ne représentent plus que 74,3 % des Retours de 1641 (37 unités, 8 312 toneladas, d’une part, 32 unités, 11 186 toneladas, d’autre part). En fait, le rapport est plus défavorable encore, puisque les Retours de 16-12, disponibles à Cádiz, le 5 mars 16425, précèdent de plusieurs mois les premiers départs de 16426. Malgré les mises en garde de la Casa de la Contratación contre le mauvais état des navires de Francisco Diaz Pimienta7, c’est presque la totalité des Retours de 1641 et de 1642 que l’on pourrait mettre en regard des Allers de 1642, soit 49 navires et 19 866 toneladas, pour les Retours, 37 unités, 8 312 toneladas, à l’Aller, seulement. A la limite, donc, les Allers de 1642 ne représentent guère qu’un peu moins de 42 % des Retours effectivement disponibles. Après la grande anomalie négative des Retours de 1638-1640, le mouvement est entré au cœur de l’anomalie positive des Retours des années 1641-16438.
12Tous ces facteurs qui auraient pu faciliter, à la rigueur, une reprise plus précise du mouvement aboutissent à déconseiller de prendre trop au sérieux les leçons d’un découpage annuel qui laissait apparaître, pourtant, une simple apparence de reprise.
13b. Retours et équilibre Allers-Retours. — Pour apprécier d’une manière plus concrète quelle est la médiocrité, encore, des Allers de 1642, il suffit de les comparer aux Retours de l’année. Entre 1641 et 1642, le niveau des Retours, dont les réserves non alimentées s’épuisent aux Indes, a fléchi9, — on verra dans quelles proportions10 — il n’en demeure pas moins qu’en 1642 comme en 1641, bien qu’à un moindre degré, le volume des Retours continue à l’emporter sur celui des Allers dans le cadre du découpage annuel. En 1642, les Retours (17 unités, mais 8 680 toneladas et 9 548 tonneaux) représentent encore, en tonnage, 51,08 % du total Allers et retours, contre 77,87 % en 1641. C’est en 1642, en quelque sorte, qu’on se trouve au terme d’une des plus fortes, sinon en tonnage, de la plus forte anomalie positive des Retours, sur deux ans. Avec 19 866 toneladas (Retours sur deux ans : 1641 et 1642) et 11 485 toneladas (Allers sur deux ans : 1641 et 1642), soit pour les Retours, près de 63 % des totaux. Au bout de trois ans, en 1643, les Retours ne représentent plus que 61,25 % du total des Allers et retours. Non seulement, 164211 se trouve situé au milieu d’une énorme fondrière du trafic, mais aussi d’une anomalie négative des Allers, d’un énorme déficit relatif des Allers, par rapport aux Retours. Les deux éléments vont, d’ailleurs, exactement, de pair.
14De 1641 à 1642, il y a eu diminution du niveau des Retours au-delà même, peut-être, de ce que le découpage laisse apparaître. 1642 et pour cause, — il suffit de se reporter au niveau des Allers de164112— n’a pas de retour propre. L'armada de plata13 qui sort de Carthagène des Indes, sous le commandement du capitaine général Francisco Diaz Pimienta, le 15 octobre 1611, est un peu comme le complément, la suite logique des Retours de 1611. Le départ de l’armada a été rendu possible grâce à l’escadrille volante de secours de Juan de Urbina14 de 1611. Ordre lui aura été donné, quels que soient les risques, en raison du terrible besoin d’argent15 qui sévit à Séville et dans toute l’Espagne, de revenir au plus vite et coûte que coûte. D’où une chronologie étrange — départ de Carthagène le 15 octobre, arrivée à la Havane le 16 novembre, départ de la Havane, le 2 janvier 1642, arrivée à Cádiz le 5 mars 1612..., — étrange et pleine de dangers.
15On peut considérer que l’ensemble des 49 navires et 19 866 toneladas dont les arrivées s’échelonnent sur à peine plus de huit mois16 du 1er juillet 1641 au 5 mars 1612 constitue une seule et même masse. Du 5 mars 1612 au début d’août 164317, rien, pratiquement, n’entre dans le Guadalquivir, soit un hiatus de près d’un an et demi.
16Aussi, la chute qu’on observe sur le découpage annuel ne procède pas d’une illusion mais pourrait même, sous un certain angle, être considérée comme beaucoup plus importante.
17De 32 navires à 17 navires, soit une contraction sur le mouvement unitaire de 46,9 %, de 11 186 toneladas à 8 680 toneladas, de 12 282,6 tonneaux à 9 548 tonneaux, soit un retrait en tonnage de 22,4 % avec un accroissement considérable du tonnage unitaire de 349,5 toneladas à 510,5 toneladas. La fantastique anomalie positive du tonnage unitaire des Retours en 1642 s’explique par la nature très particulière du mouvement de cette année. Les Retours de 1642 sont constitués par la seule armada pratiquement de l’argent de Francisco Diaz Pimienta.
18Le chiffre de 1642, bien qu’il surclasse légèrement celui des Allers pourcentage aux Allers et retours, 51,08 %18, reste pour la troisième année consécutive en dessous de la moyenne mobile correspondante, soit 74,82 %, après 91,9 % et 22,27 % en 1641 et en 164019.
19Il y a donc repli considérable des Retours. Mais, en fait, compte tenu de la chronologie exacte des arrivées, un décrochement beaucoup plus considérable qu’il n’apparaît d’abord. Entre les 49 navires et 19 866 toneladas du deuxième semestre de 1641 et des tout premiers mois de 1642, un vide à peu près total de dix-sept mois s’ouvre jusqu’aux 52 navires et 18 457 toneladas du deuxième semestre de 1643. Un trou de plus d’un an entre deux masses de volume et de texture sensiblement égale, jusques et y compris dans le tonnage unitaire (405,4 toneladas, d’un côté, 355 toneladas de l’autre). Cinquante navires, 19 000 toneladas constituent, à peu près, l’unité d’un retour complet, tel qu’ils se produisent en 1641, lato sensu, en 1643 et en 1645. En gros, il s’agit bien, par conséquent, de la poursuite plus encore qu’il n’apparaît même à travers le découpage annuel20d’un rythme foncièrement biennal.
20c. Allers et retours. — Sur la série des globaux Allers et retours apparemment, comme en Allers, il y a progrès. Mais c’est, sans doute, plus une apparence qu’une réalité. D’ailleurs, le mouvement des Retours-— tendance à la baisse, plus même, en réalité, qu’il n’apparaît, dans le cadre du découpage annuel — compense, en grande partie, celui des Allers. De 51 à 54 navires21, (le progrès est de 5,9 % de 14 339 toneladas à 16 992 toneladas, de 15 772,9 tonneaux à 18 691,2 tonneaux, le progrès est de 18 % environ, avec progrès du tonnage unitaire du point anormalement bas de 164122, soit 281,6 toneladas, à 314,7 toneladas en 1642. Il faut considérer cette remontée comme un simple alignement sur des conditions plus normales, 318,1 toneladas en 1639, 322,3 toneladas en 1640, moyenne cyclique du tonnage unitaire de 1642 à 1650, 314,3 toneladas, 317,7 toneladas de 1642 à 1648, 326,3 toneladas de 1642 à 1644.
21Ce serait une erreur, pourtant, de s’attacher à cette apparence de reprise. Le niveau de 1642 reste trop loin de la moyenne mobile médiane de treize ans correspondante23, malgré le fléchissement rapide de cette dernière (1641, 29 905,23 tonneaux ; 1642, 28 486,30 tonneaux ; 1643, 26 829,07 tonneaux ; 1644, 25 248,23 tonneaux), 52,74 % en 1641, 65,65 % en 1642, pour qu’on puisse en faire vraiment état. En outre, on a vu quels facteurs interviennent sur les Allers et sur les Retours qui en rendent l’interprétation particulièrement délicate24. Il faudrait tenir compte, ici, pour finir, comme pour les éléments fondamentaux du trafic, d’un effet cumulatif de la contraction. Ce qui doit frapper, en 1642, ce n’est pas une apparence superficielle de reprise, mais, en fait, le non fonctionnement immédiat des mécanismes normaux de la reprise.
22Pour retrouver un niveau aussi bas, sur deux ans, (105 navires, 31 331 toneladas, 34 464 tonneaux de 1641 à 1642), c’est là ce qui compte, il faut remonter en tonneaux pondérés jusqu’à 1553-1554, sur le mouvement unitaire ou en toneladas jusqu’aux toutes premières décades du xvie siècle. Ce verdict d’extrême dépression est, dans l’ensemble, confirmé parce qu’on peut entrevoir, par ailleurs.
2. Confirmations parallèles
23Le maintien de la dépression, voire même dans une large mesure, son passage au paroxysme en 1642, n’est pas douteux. Pourtant, l’interprétation n’est pas simple et le diagnostic révèle quelques éléments indépendants.
24a. Valeur. — C’est le cas notamment, des valeurs. Évidemment, on ne le dira jamais assez, la source utilisée est médiocre. Elle est la seule dont on dispose, présentement, le maravedí al millar. La série sévillane accuse, pour le maravedí al millar de 1642, une poussée quelque peu aberrante25. 973,29 millions de maravedís en 1642, entre les 186,36 millions de 1641 et les 252,18 millions de 1643, soit, si on prend les choses au pied de la lettre, le niveau le plus élevé depuis 1626. Niveau d’autant plus surprenant, que les départs de l’année sont formés, essentiellement, par des navires allant en Nouvelle Espagne, c’est-à-dire, l’axe des départs mettant en cause, en moyenne, les valeurs unitaires les moins considérables du trafic. La source est médiocre, d’une interprétation délicate et beaucoup de facteurs sur lesquels nous n’avons aucune prise, aucun moyen de contrôle ont pu intervenir.
25Même ramenée à de plus justes proportions, comme, sans doute, cela est raisonnable, l’indication doit être retenue. Il n’est pas exclu que l’on soit en présence d’un phénomène classique de triage. L’extrême faiblesse du niveau quantitatif des départs sur deux ans, aura amené un triage des marchandises les plus chères et un report sur la deuxième année. En réalité, même, si on suit la leçon des valeurs d’après le maravedi al millar, le mouvement est plus complexe, puisqu’après le haut niveau valeur de 1642 on retombe avec un volume supérieur sur le faible niveau valeur de 1643. Il y aura eu à nouveau triage et dans le sens classique, habituel, entre 1642 et 1643. Envisagé sur les trois ans pris globalement, comme il convient de le faire, ne serait-ce qu’en raison des reports fiscaux d’une année sur l’autre, le niveau des va leurs26est bas, compte tenu, surtout, de la flambée des prix centrée sur l’année 1642.
26Le maravedi al millar est le seul élément, à peu de choses près, quelque peu détonnant, tous les autres invitent à conclure d’une manière pessimiste.
27b. Les grands axes du trafic au départ du complexe27. — Le trafic de 1612 est centré, uniquement, à quelques avisos près28 (4 navires, 200 toneladas) autour d’un seul élément, la flotte différée de Nouvelle Espagne, de Pedro de Ursua y Arismendi. Il s’ensuit une répartition curieuse entre les différents éléments du complexe portuaire. Un niveau relativement élevé (28 navires, 6 302 toneladas), pour les navires marchands de Séville et pour les navires marchands de Cadiz29 (navires, 1 650 toneladas),30 canariens, 360 toneladas (les derniers jusqu’en 1650 à faire une apparition officielle). Rien pour les négriers, rien, surtout, pour l’armada.
28Le haut niveau Séville-Cádiz peut être considéré comme un élément favorable, voire très favorable peut-être, faut-il rapprocher de ce haut niveau d’une flotte de plus de 8 000 toneladas, si longtemps préparée, désirée, fignolée, reportée et redoutée, le niveau présumé exceptionnel des valeurs31, il y a, par contre, une absence qu’on ne saurait minimiser, celle de l’Armada de la Guardia. Cette absence, cette impossibilité à mettre sur pied la pièce maîtresse du trafic constitue le signe le plus sûr, peut-être, de l’extrême contraction de ces années. Entre le 25 septembre 1640, d’une part, en effet et le 4 juin 1643, entre le départ de l’Armada de Don Gerónimo Gomez de Sandova32et celui de l'Armada de Francisco Diaz Pimienta33, si on excepte l’escadrille de renfort de Juan de Urbina4, on chercherait, en vain, au départ, la présence de cette pièce maîtresse du trafic qu’est l’Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias.
29c. Le poids de la guerre. — Cette absence capitale de l’armada-clef peut s’expliquer, d’ailleurs, non seulement par une défaillance « conjoncturelle » du négoce, mais en outre, par la multitude des charges militaires qui pèsent sur la Carrera depuis la brutale extension géographique des hostilités. Il est incontestable (cf. les 24 galions qui rentrent à Cádiz le 24 octobre 16425) que la Carrera a dû fournir une bonne partie du matériel lourd qui, sous le nom d'Armada del Levante, combat en Méditerranée sur le « front » de Catalogne. Cette charge nouvelle — conséquence indirecte du soulèvement de Barcelone, deux ans plus tôt — vient s’ajouter à de nombreuses charges anciennes, Armada del Mar Océano, sans parler de sa propre défense et d’une large contribution à la défense semi autonome, sous le nom d’Armada de Barlovent, de la Méditerranée américaine et des approches des îles et du continent. Il est difficile, provisoirement, faute de documents précis — il est vraisemblable qu’une recherche plus poussée dans la comptabilité publique conservée à Simancas permettrait de donner des éléments de réponse — d’apprécier exactement quelle a été l’incidence globale cumulative de cette perpétuelle tension, de ces perpétuels prélèvements. Au total, c’est, vraisemblablement, beaucoup plus de la moitié, les deux tiers, peut-être plus, du matériel de choix, le matériel le plus lourd qui, au cours de ces années, a été transféré de ses fonctions économiques dans la Carrera à des fonctions militaires, totalement stériles, parce que, à la différence de la propre défense de la Carrera qui se situe à l’intérieur même de la Carrera, le prélèvement se fait en dehors du strict espace économique de l’Atlantique de Séville. C’est un facteur important qu’il ne faut pas perdre de vue pour apprécier les différents mouvements du trafic au cours de ces années. Peut-être, même, tient-on là un élément-clef explicatif de l’anomalie positive de la série des valeurs grossièrement présumées à travers le maravedí al millar, entendez l’existence, du fait de tous ces prélèvements, d’une espèce de goulot d’étranglement qui enserre le négoce. Il en résulte que tout, dans l’énorme creux de 1641-1642, n’est pas imputable, il s’en faut de beaucoup, à une défaillance spécifique du négoce.
30d. Nouvelle Espagne, îles et Terre Ferme. — Le trafic de 1612 — c’est là un corollaire de ce qui précède — sacrifie tout, au départ, à la Nouvelle Espagne34. La Nouvelle Espagne est, pratiquement, seule représentée (22 unités, 6 385 toneladas contre 7 unités, 1 196 toneladas pour les îles et 8 unités, 731 toneladas pour la Terre Ferme), dans les départs de 1612. On est en présence à nouveau d’un rythme biennal. Toute l’année 1611, le départ a été inlassablement différé35. Les flottes de Nouvelle Espagne se placent en 1640, 1612 et 1644. Rien dans les intervalles. Et pourtant, il sera impossible en 1612, malgré l’étalement sur deux ans des préparatifs destinés à la Nouvelle Espagne, de ne rien mettre sur pied en direction de la Terre Ferme.
31Malgré l’absence de tout convoi en direction de la Nouvelle Espagne depuis le départ de Cádiz, le 21 avril 1610, de la flotte de Nouvelle Espagne36 de Roque Centeño y Ordonez jusqu’au 18 juillet 1612, malgré l’absence de tout départ digne d’être retenu en 164137, malgré la non-mise sur pied, en 1612, d’une Armada de la Guardia, malgré tous ces facteurs, en toute autre circonstance favorable, les préparatifs de la flotte de Pedro de Ursua y Arismendi semblent avoir été exceptionnellement lents et difficiles. La date de départ extraordinairement tardive du convoi Ursua y Arismendi constitue bien une preuve objective tangible de ces difficultés. Date tardive, de toute manière, pour un convoi de Nouvelle Espagne38 et, à plus forte raison, pour un premier convoi39.
32Ces difficultés, la correspondance de la Casa de la Contratación les détaille comme à plaisir40. Plus de navires biscayens, nécessité d’avoir recours aux navires étrangers, avec toutes les difficultés que ce recours comporte encore. Difficultés notamment, par manque de crédit. Manque de crédit intérieur, imputables au manque de crédit extérieur, par détérioration du change. Tout cela cadre parfaitement avec la formidable poussée inflationniste de 164241.
33Parallèlement à ces difficultés, il convient de rappeler l’échec en 1642 d’une armada normale de Terre Ferme. Au premier chef, le manque de navires42 malgré l’arrivée en mars des galions de Francisco Diaz Pimienta43 dont le départ brusqué et le retour rapide fut décidé, après qu’il eût mené à bien un gros travail de nettoyage des côtes de la Méditerranée américaine, quel que fût le péril encouru. L’arrivée des galions fatigués de Francisco Diaz Pimienta — fatigués par de longues escales dans les mers chaudes — et l’impossibilité à résoudre, quand même, le problème combien vital de l'armada, permettent de mesurer l’extrême tension qui s’exerce sur le stock devenu plus insuffisant que jamais des gros navires.
34Mais cette crise du navire est aussi, au premier chef, peut-être également, une crise financière. La correspondance de la Casa nous dit l’énorme désillusion qu’ont provoquée les arrivées officielles de la flotte Pimienta44. On ajoutera que les séries italiennes45 corroborent pleinement cette impression littéraire. La valeur fiscale des retours de 1642, 1 248,5 millions de maravedís ne représente guère, compte non tenu de la chute brutale du pouvoir d’achat de la monnaie nominale, que le quart, voire le sixième des valeurs des premières décades du xviie siècle.
35Cette défaillance est, d’abord, une défaillance fiscale. Elle est, presque au même titre, une défaillance du Monopole. Elle n’implique pas, nécessairement, une chute d’activité américaine. Elle impliquerait plutôt la déviation du courant traditionnellement étranglé dans le goulot de plus en plus défaillant du Monopole. Si l’argent cesse d’emprunter, même pour n’y faire que transiter rapidement, le canal de l’Espagne, on comprend la grosse incidence qu’une telle défaillance ne peut manquer d’avoir sur la Carrera, à un moment où, par suite de l’effondrement de la construction navale du Nord de l’Espagne, le problème de l’approvisionnement de la Carrera en gros navires se transforme de plus en plus en un problème de change.
36Le système, dans ses limites beaucoup plus restreintes que jadis, ne manque pas d’efficacité, le grand coup de balai aux Indes réalisé brillamment à l’au tomne 1641 par l'Armada Pimienta46, sur le chemin du retour, est un signe de vitalité, tout comme l’important niveau en valeur des exportations vers l’Amérique.
37Pour expliquer les défaillances de 1642, on est donc obligé de faire intervenir un important complexe causal qui fait intervenir la « conjoncture » même du trafic et toute une série de pressions, de goulots, de défis extérieurs qu’il serait vain de négliger.
3. Hypothèses
381642, sur le trafic, malgré certaines apparences et quelques anomalies secondaires, c’est bien donc, le creux de la vague, le point, peut-être, de marasme maximal. A la différence, 1643, est déjà disputé entre forces et caractères contraires47. On sent déjà poindre, en sous-main, les signes avant-coureurs de la reprise, d’une reprise médiocre, bien sûr, à la dimension de l'époque. 1642, par contre, c’est le marasme à l’état brut.
39Et c’est bien, aussi, ce. que dit tout le contexte d’histoire économique espagnole.
401642, si on se reporte à la série si lourde de signification des prix-argent -, c’est le creux de tout le XVIIe siècle, le point le plus bas jamais atteint depuis 1578, un niveau qui ramène quelque soixante-cinq ans en arrière, le point le plus bas qui ne sera jamais plus atteint au cours des siècles ultérieurs. Si on quitte les valeurs absolues pour se reporter aux écarts relatifs48, l’exemplarité du creux de 1642 (indice 101,45 contre les indices 143,55 en 1601, 142,20 en 1605 et 143,22 en 1650) apparaîtra beaucoup plus durement encore. L’indice des prix-argent (indice 101,45) de 1642 ne représente que 78,17 % du niveau correspondant de la moyenne mobile correspondante médiane de treize, ans. Un tel écart négatif de 21,83 % des prix-argent à la moyenne est sans aucun équivalent dans tout le siècle et demi d’histoire espagnole que nous avons délimité. Les écarts qui, de très loin, s’en rapprochent, sont ceux de 1535 (89,47 %) puis de 1641 (90,44 %) avec qui 1642 fait corps, et 1626 (91,20 %). L’écart de 1642 est dans tout le siècle et demi d’histoire recensé, sans aucune espèce d’équivalent possible, unique et transcendant. A un accident sans équivalent, à l’accident unique des prix-argent espagnols, correspond, dans l’histoire de la Carrera, l’accident unique des trafics. Le rapprochement n’est pas fortuit. Il constitue un élément décisif à l’appui de la relation que l’on a prétendu dégager.
41Mais l’accident des prix-argent est lui-même, indissolublement lié à l’accident monétaire49, par excellence, d’un siècle et demi d’histoire monétaire de l’Espagne. L’accident monétaire unique de l’été 1642 (points culminants de la prime du billon sur l’argent50, en Andalousie, de juillet à octobre 1642, 181,25 % ; en Nouvelle Castille, à la même date, 184,30 % ; en Vieille Castille-Léon, point culminant, plus tôt et plus vigoureux encore, d’avril à juin 1642, 200 %) n’est pas indépendant de la grande politique, moins encore de la vie de la Carrera. La coupure de la péninsule ibérique, la perte de l’Ibérie luso-Atlantique et méditerranéenne, la panne qui en découle, en partie, et qui est, en partie, autonome des communications et des échanges dans l’Atlantique bien bordé des rapports officiels avec l’Amérique sont, pour l’essentiel, responsables du dérèglement monétaire record de 1642.
42Mais le dérèglement record du système monétaire espagnol, dont les assises, hâtons-nous de le dire, étaient sapées bien avant la crise des années quarante, en 1642 réagit à son tour sur le trafic dans l’Atlantique de la Carrera. Engendré, mieux, aggravé par la crise, il contribue à la prolonger au-delà de ses limites naturelles. La flambée inflationniste de 1642 est d’autant plus déprimante et déprimante sur toute l’année 1643, qu’elle est suivie d’une phase déflationniste d’une inconcevable brutalité. Plus encore que la flambée inflationniste du billon par rapport à l’argent, la phase déflationniste qui suit est brutale. Ne passe-t-on pas, en effet, pratiquement, sans transition en Andalousie de la prime record de 181,25 % au cours du troisième trimestre de juillet à septembre à une prime insignifiante à la fin de l’année, 25 % seulement d’octobre à décembre, avec l’apparence ferme, d’abord, d’une consolidation, puisqu’elle se maintient à 25 % de janvier à mars 1643 ? Même mouvement en Nouvelle Castille, de 184,30 % dans le même temps, à 25 % d’octobre à décembre, puis le creux continuant à s’affaisser, 23,50 % de janvier à mars, à 20,80 % d’avril à juin ; même mouvement encore en Vieille Castille-Léon, 195,00 % de juillet à septembre, 30,00 % d’octobre à décembre 1642, 27,00 %, 24,00 % et 26,00 % et 25,94 % au cours des quatre trimestres de 1643. Il n’apparaît pas douteux qu’une déflation de cette ampleur et d’une telle brutalité ait eu dans l’immédiat, une action, au moins, aussi déprimante vraisemblablement, plus déprimante que l’inflation elle-même.
43Quant à la poussée, d’ailleurs, médiocre des prix nominaux51, elle ne peut agir, étant donné les causes qui la motivent.
44Compte tenu de la fantastique flambée inflationniste de l’année52, l’apparente pointe des prix réels constitue une simple illusion. La bonne indication est celle des prix-argent53. C’est elle qui correspond à la vérité. Un simple rap prochement entre la série de la prime de l’argent sur le billon et la série des indices des prix nominaux montre bien — en confirmation pleine et entière de la leçon des indices des prix-argent — que 1642 est au creux d’un accident négatif des prix sans précédent. C’est en Andalousie que la distorsion est la plus évidente. Nulle part elle n’atteint pareil niveau. En 1642, en effet, avec une prime moyenne annuelle de 120,62 % de l’argent en terme de monnaie réelle, — la prime record, dans le rapport du simple au double donc le terme de référence le plus proche, de tout un siècle et demi d’histoire monétaire espagnol —, l’indice général des prix de Hamilton s’élève à 131,58. En 1650, la prime annuelle moyenne n’est plus que de 50,06 %, l’indice par contre, est cette année, à 157,53.
45Le renversement de la tendance majeure des prix espagnols a précédé, de plusieurs décades, le renversement de la tendance majeure des prix dans la plupart des autres pays d’Europe. Plus précoce, la phase B des prix espagnols se creuse plus rapidement et plus profondément qu’elle ne le fait dans les pays voisins. 1642 est au cœur de cet accident. On a vu que, toutes choses étant égales, le recul des prix-argent par rapport aux points hauts de 1601 est de près de 30 %.
46Point bas du trafic, centre de contraction des prix, instant record de la dégradation monétaire, on ne peut imaginer rencontre plus parfaite.
47Devant une telle convergence de facteurs négatifs, le bas prix relatif de la main-d’œuvre54 (prix relatif de la main-d’œuvre 98,07 %) ne compte pas. Nous sommes, d’ailleurs, désormais, comme on l’a vu déjà55 à l’intérieur de structures nouvelles, au cours desquelles une accentuation de l’anomalie négative du prix de la main-d’œuvre n’est pas autre chose, qu’un aspect de la ruine générale de l’économie espagnole.
48Une catastrophe de l’ampleur de celle de 1642 ne saurait s’effacer du jour au lendemain, c’est la raison pour laquelle 1643 continue, pour l’essentiel, encore à être dominée par l’atmosphère lourde de la plus longue, de la plus profonde, de la plus destructive de toutes les crises cycliques de l’histoire de la Carrera.
1643 : ENCORE LA CRISE MAIS CONDITIONS DÉJÀ EN PROFONDEUR DE LA REPRISE
49L’appréciation que l’on pourra donner de l’année 1643 dépendra, évidemment, du recul que Ton voudra bien prendre à l’égard des masses économiques mises en cause. Si Ton s’enferme dans un cadre étroit, deux ans, 1642-1643, voire trois ans, 1641-1643, on sera sensible à un phénomène d’expansion relative et l’on pourrait, de ce fait, parler de 1643 comme d’un échelon qui préparerait les sommets d’expansion cyclique maximale de 1644-1645, 1646 et 1647. Ce serait le point de vue non critiqué du découpage annuel, mais ce serait un point de vue superficiel, puisqu’il ne tient pas compte de deux facteurs, au moins. L’effet cumulatif de l’anomalie négative qui se poursuit, en Allers, du moins depuis trois ans. Le fait qu’en 1643 pas plus qu’en 1642, Séville n’aura eu ni la volonté ni la possibilité de mettre sur pied plus d’un convoi.
1. La leçon des chiffres
50La leçon du découpage annuel des mouvements globaux laisse présumer, entre 1642 et 1643, un certain niveau d’expansion qui ne résistera pas à une critique plus serrée de la réalité. On peut difficilement rêver pourtant, d’un mouvement, a priori, plus parfaitement concordant.
51a. Allers. — De 37 unités à 48 unités, l’expansion est de 29,7 %, de 8 312 toneladas à 13 093 toneladas, de 9 143,2 tonneaux à 14 402,3 tonneaux, le saut en avant apparent, de 57,5 %. Le progrès est non seulement substantiel, mais il s’accompagne d’une mutation qualitative du tonnage unitaire, de 167 toneladas en 164156, année sans flotte et sans autre armada qu’une simple escadrille de secours destinée à réanimer l'Armada Pimienta exangue aux Indes, de 224,4 toneladas (année exceptionnelle, aussi, puisque construite autour d’une flotte de Nouvelle Espagne mais sans Armada de la Guardia), à 272,8 toneladas (rien de plus qu’un assez pâle retour à la normale). Le tonnage unitaire est, après une anomalie négative de deux ans, redevenu conforme à ce qu’on peut considérer comme formant la normale.
52Deux faits, toutefois, obligent à considérer, avec prudence, ces chiffres. En 1643, comme en 1642, un seul convoi en direction d’une seule direction fondamentale, désormais la Terre Ferme après la Nouvelle Espagne. La médiocrité du niveau atteint, par rapport à la moyenne mobile correspondante57 : 96,09 %. Pour la troisième année consécutive, le niveau se tient en dessous d’une moyenne mobile, pourtant, de plus en plus déprimée58.
53b. Retours et équilibre Allers-Retours.
54Les Retours font preuve, par contre, d’un dynamisme extraordinaire. De 17 à 52 navires, de 8 680 à 18 457 toneladas (9 548 à 20 962 tonneaux), soit des coefficients d’expansion respectivement de 206 % et 112,6 %. Soit malgré l’extrême défaillance des Allers des années précédentes, un énorme coefficient d’expansion par rapport à la moyenne de 74,82 % à 171,4 %, c’est-à-dire un des écarts les plus considérables, le troisième, par ordre d’importance, de toute l’histoire de la Carrera. Dans le même temps, l’anormalité du tonnage unitaire, 510,6 toneladas en 1642 (les Retours de 1642 ne comportaient qu’un élément, l'Armada de la Guardia Pimienta) se résorbe, 355 toneladas en 1643, soit un niveau normal.
55Pour des raisons qu’on ne pénètre pas complètement, on assiste, donc, à la hauteur de 1643, à une fantastique poussée du mouvement Retours : deux énormes convois, la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro Ursua renforcée de l'Armada de Barlovent de Pedro Velez de Medrano59 dont les derniers épisodes du retour ont été extrêmement mouvementés, à l’extrême fin de l’année, le 27 décembre, à Cádiz60 l’arrivée de l’Armada de la Guardia de la Carrera, avec un chargement de cuivre pour les besoins monétaires.
56Comment expliquer cette flambée, qui porte à son paroxysme la plus formidable anomalie positive des Retours de toute l’histoire recensée de la Carrera ? Au terme de l’année 1643, les Allers, sur trois ans, n’ont pas excédé 104 unités et 24 578 toneladas, tandis que les Retours ont atteint avec 101 unités, seulement, la masse considérable de 38 803 toneladas, soit 61,25 % du total Allers et retours61. Dans le simple cadre annuel62, la supériorité des Retours apparaît clairement, puisque les 18 457 toneladas représentent 59,15 % du mouvement global annuel. C’est cette poussée des Retours qui constitue la clef de toute la dynamique du mouvement au cours de ces années. Elle est responsable de la tenue du mouvement Allers et retours ; beaucoup plus profondément, elle commande ou du moins, elle constitue un des éléments clefs du complexe causal qui se trouve à la base de la forte reprise conjoncturelle des années 1644-1647. Expliquer l’anomalie positive des Retours de 1641 à 1643, expliquer, plus concrètement, la formidable flambée de 1643, c’est expliquer au-delà même du destin de 1643, le destin de toute la puissante reprise conjoncturelle des années qui viennent.
57L’anomalie positive des Retours de 1641-1643 et, plus particulièrement, de 1643 procède, tout naturellement, de l’anomalie positive motrice des Allers de 1638 à 1640 ou, plus exactement, de l’anomalie négative63 motrice des Retours des années 1638-1640. On a vu que cette accumulation des navires, des hommes, des capitaux et des marchandises aux Indes s’expliquait, sans trop de peine, au cours de ces années incertaines où l’Amérique jouait un peu le rôle d’abri. La poussée des Retours qui culmine en 1643, c’est, d’abord, dans ces conditions, un retour à l’équilibre, une tendance à l'effacement d’une anomalie.
58Mais c’est également autre chose. L’étude attentive, dans les Retours de 164364, de la flotte de Nouvelle Espagne apporte des lueurs sur un autre aspect du problème. Le retour dramatique, urgent et pressé de la flotte de Pedro Velez de Medrano s’est fait sous la protection de l'Armada de Barlovent, sous la protection, par conséquent, d’un corps de bataille protecteur, dont les bases normales et le rayon d’action ne doivent pas déborder le domaine de la Méditerranée américaine. Le départ de ses bases de l’importante masse de l'Armada de Barlovent contribue à ce déséquilibre moteur comme tout déséquilibre. Mais ce nouveau déséquilibre n’est pas spontané. Il procède d’une volonté, de la volonté royale de prélever sur les réserves américaines de l’Empire. Le monde créole dont on a vu, au cours de ces dernières années, l’importance s’accroître sans cesse, constitue comme un ultime volant, comme le dernier retranchement de l’Empire. C’est, paradoxalement, l’intervention de cette ultime masse de réserve qui explique le départ de 1644 et des années suivantes. Le retour de l'Armada de Barlovent permet de suivre le processus de l’impetus américain à l’origine du départ de l’expansion cyclique. Mais cette histoire déborde largement les limites chronologiques de 1643.
59c. Allers et retours. — Il résulte de cette brutale intervention de l’Amérique dans le destin de la Carrera, une remarquable montée du mouvement global, fidèle, sur ce point, au premier chef, au comportement des Retours. De 54 unités à 100 unités, de 16 992 toneladas à 32 050 toneladas, de 18 691,2 à 35 255 tonneaux, le coefficient d’expansion de 1642 à 1643 est respectivement de 85 % sur le mouvement unitaire et de plus de 89 % sur le mouvement en tonnage. Le tonnage unitaire moyen varie peu, de 314,7 toneladas en 1642, à 320,5 toneladas en 1643. Il a retrouvé, après l’anomalie négative de 1641, le niveau des années antérieures, 338,1 toneladas en 1639 et 322,3 toneladas en 1640. Ces chiffres (100 unités, 32 050 toneladas, 35 255 tonneaux)65 sont évidemment, à l’échelle des structures du palier bas de la phase longue de la décroissance, très considérables. Niveau record dans le cadre du découpage annuel, tant du mouvement unitaire que du mouvement en tonnage, soit 7,4 et 2 navires de plus qu’en 1645,1646 et 1647, 585 à 2 538 toneladas, de plus qu’au cours desdites années de référence. Par rapport à la moyenne mobile 131,40 %, la position des Allers et retours de 1643 est également très forte, la plus forte, sans conteste, du cycle66, l’écart positif du demi-siècle le plus important, immédiatement après 1608, 1630 et 1636, à égalité avec 1624 et 1610.
60Et pourtant, on ne peut rien déduire en conjoncture de cette position exceptionnelle, parce qu’elle est due à peu près uniquement aux Retours, moins bon reflet que ne le sont les Allers des impulsions de la conjoncture (Allers, pourcentage à la moyenne 96,09 %, Retours, 171,4 %) parce qu’elle se trouve isolée comme le montre très bien le graphique67 entre des points bas (71 navires, 22 886 toneladas, 51 navires, 14 339 toneladas, 54 navires, 16 992 toneladas, 88,68, 52,74 et 65,61 % en 1640, 1641 et 1642 ; 58 navires, 20 153 toneladas, 87,80 % en 1644). Si on se bornait aux leçons du découpage annuel on serait sensible, surtout, aux améliorations certaines par rapport aux catastrophes des années précédentes. Replacé dans des perspectives plus larges, le mouvement de l’année apparaîtra, essentiellement, comme l’ultime prolongement de la plus grave crise de l’histoire recensée de la Carrera.
2. Au-delà du découpage annuel des mouvements totaux
61A l’appui de ce point de vue, on peut aligner toute une série de preuves.
62a. Le mouvement valeur. — La comparaison des valeurs fiscales présumées68 d’après le maravedí al millar, entre 1642 et 1643, réserve de grosses surprises. En Aller, en effet, le niveau des départs passe de 1642 à 1643 de 37 unités et 8 312 toneladas à 48 navires et 13 093 toneladas, dans le même temps, les valeurs présumées passent de 973,3 millions à 252,2 millions de maravedís. Si on s’en tenait à la stricte leçon de ces chiffres, il faudrait supposer qu’il y a eu chute de la valeur fiscale des exportations de 117 millions de maravedis par millier de toneladas à 19,2 millions de maravedís par millier de toneladas, soit une réduction de la valeur fiscale présumée des exportations de l’ordre de 6 à 1. Une telle chute est d’autant plus surprenante, que les départs de 1642 sont des départs en direction de la Nouvelle Espagne69, donc présumés de faible valeur unitaire, ceux de 1643, pour l’essentiel, en direction de la Terre Ferme, donc, structurellement, présumables de plus grande densité économique70.
63Une telle dénivellation ne saurait être prise au pied de la lettre, en raison, surtout, de la source dont elle procède. Elle est trop considérable, pourtant, pour qu’on n’en retienne pas, au moins, la direction. Elle est irréfutable. Selon toute vraisemblance, la valeur fiscale et, peut-être, non seulement la valeur fiscale, mais la valeur réelle des marchandises exportées en 1643 n’aura pas atteint la valeur réelle des exportations de 1642. Il est vraisemblable, d’ailleurs, que la comparaison, laissant de côté l'armada71, ne porte que sur deux éléments à peu près comparables, la flotte de Nouvelle Espagne, de Pedro de Ursua y Arismendi72d’une part, pour 1642, la flotte de Terre Ferme de Pedro de Contreras, d’autre part, pour 164373.
64Quelles que soient les précautions que l’on prenne à l’égard de ces données, il est difficile de ne pas admettre, qu’en Allers, l’expansion de 1643 par rapport à 1642 a bien été uniquement quantitative, sans que, même en mettant les choses au mieux, il y ait eu, de 1642 à 1643, la moindre augmentation des valeurs.
65b. Le complexe portuaire. — Malgré les apparences du mouvement quantitatif global, les analogies avec la situation médiocre de 1642 sont plus évidentes que les dissemblances.
66La seule différence notable — plus apparente, d’ailleurs, que réelle — réside dans la réapparition en 1643, après trois ans d’interruption, de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias. Réapparition de taille, puisque, avec la sous-escadre d’escorte74, elle porte sur plus de la moitié du trafic de l’année 12 navires mais 7 146 toneladas sur 48 navires et 13 093 toneladas75, Tous les autres postes, par contre, sont en recul sur 1642. Les Canariens, officiellement disparus définitivement, les marchands de Séville (de 28 navires à 31 navires, mais 6 802 à 4 517 toneladas) et les marchands de Cádiz (de 5 unités à 5 unités mais de 1 680 à 1 430 toneladas).
67Le fait essentiel est ailleurs. En 1643 comme en 1642, la mise sur pied d’un second convoi s’est révélée impossible. La flotte de Nouvelle Espagne de 1642 n’était autre que le convoi différé de 1641, elle desservait un espace abandonné pratiquement, depuis deux ans, par le trafic officiel. L'Armada de la Guardia, l'Armada d’escorte et la flotte de Terre Ferme n’ont guère été, à la limite, que le second convoi prévu mais non réalisé de 1642. Circonstance aggravante, la Terre Ferme avait été, pratiquement, abandonnée depuis trois ans par le trafic officiel76. On hésite, donc, à trop en mettre en avant le volume comme signe de reprise, la masse devrait en être, logiquement, ventilée sur trois ans. Or, quand après le médiocre succès de la mise sur pied du convoi Francisco Diaz Pimienta/Pedro de Contreras77, il est question d’un second convoi en direction, cette fois, de la Nouvelle Espagne, il est impossible de le réaliser.
68c. Difficultés au départ. — Les préparatifs du convoi Pimienta/Contreras semblent s’être heurtés, en effet, à une conjoncture particulièrement difficile. On en lira le détail ailleurs78. Certaines de ces difficultés sont tellement classiques79 qu’on hésite à les rappeler, manque de navires — et plus particulièrement, de l’espèce la plus recherchée, celle de ces gros navires d’élite que sont, désormais, de plus en plus, les galions — et manque de marins. Cette double pénurie n’en revêt pas moins une signification exceptionnelle, en raison précisément de l’extraordinaire dépression des années 1641 et 1642. Elle montre quelle a été l’ampleur des destructions des forces vives de la Carrera au cours de ces années et plus particulièrement l’importance de la ponction militaire en direction de l’Atlantique et de la Méditerranée80.
69Aux difficultés traditionnelles, d’autres difficultés viennent s’ajouter. Un thème tient81, tout au long de la correspondance de l’année, une place exceptionnelle, la fraude, sous toutes ses faces. Elle est dénoncée, surtout, à propos des Retours82 avec une véhémence sincère, sans doute, de la part de ceux qui la dénoncent, dans la mesure où elle finit par mettre en cause l’existence même du Monopole. A l’Aller, on voit dénoncée, avec une insistance inaccoutumée, une espèce de fraude, à laquelle les porte-paroles de la Casa se révèlent brusquement sensibles. Elle porte sur des hommes. Il s’agit de l’immigration d’étrangers aux Indes83. Au Retour, au même moment84, les mêmes sources, à peu de choses près, dénoncent la participation des maisons étrangères et d’une manière générale, des colonies étrangères fixées à Séville dans les chaînes qui assurent la fuite de l’argent en dehors du Guadalquivir.
70Il y a dans ces aveux et dans ces présences, au moins, deux leçons que l’on retiendra dans notre propos. Une forte présomption en faveur d’un haut niveau de prospérité et d’activité de l’économie des Indes. La prospérité des Indes semble peu affectée par les graves événements conjoncturels de ces années, puisqu’elle continue d’attirer, plus que jamais, peut-être, une immigration étrangère, de même qu’elle continue à expédier, certainement, beaucoup plus d’argent qu’on n’en enregistre, désormais. La crise de structures vient, peut-être, simplement, de ce que l’Amérique acquiert à l’égard de la rive européenne de l’Atlantique jadis dominante, une plus grande indépendance. Qu’il y ait, objectivement ou non, autour des années 1642-1643, accroissement, comme la correspondance de la Casa tendrait à l’impliquer de l’immigration européenne non espagnole aux Indes et des exportations hors Monopole de l’argent, il n’est pas douteux, par contre, que l’on soit effectivement en présence d’une sensibilisation au fait et plus concrètement, au fait étranger. Cette sensibilisation se suffit à elle seule. Elle suffit à traduire, selon nos schémas les plus sûrs, une tendance accrue au marasme de conjoncture. L’année 1643 aura été, en effet, vue de Séville, vue de l’observatoire classique de la Casa de la Contratación, une année xénophobe85, la plus xénophobe, peut-être, depuis la rupture de l’union des deux Couronnes. On peut donner à cette attitude plusieurs interprétations possibles. Elle doit beaucoup, sans conteste, à la Casa de la Contratación, elle-même. Elle peut n’être, en l’occurrence, qu’un simple écho sonore. En perte de vitesse86 par rapport au Consejo, les juges de la Casa ont pu vouloir, surtout, en enfourchant le thème xénophobe, donner des gages d’une fidélité qui est mise en doute, tout en cherchant, pour leurs besoins personnels, la satisfaction d’un bouc émissaire. Mais il n’est pas douteux qu’ils auront été, surtout, les échos d’un état d’esprit plus répandu.
71Cette attitude xénophobe est, d’abord, bien sûr, en règle générale, un signe de conjoncture négative, mais elle n’est pas que cela. En phase longue de contraction où les éléments de conjoncture basse constituent comme une toile de fond, la flambée xénophobe de 1643 traduit, certes, l’ampleur du marasme mais plus encore, une exaspération et une exaspération salutaire devant le prolongement de la contraction. Cette exaspération est, à tous égards, un signe bien meilleur que la résignation passive, que la stupeur hébétée des années 1641-1642.
72d. Terre Ferme et Nouvelle Espagne87. — La répartition du tonnage entre les grands axes fondamentaux du trafic ne constitue pas autre chose que le corollaire de ce qui a été précédemment avancé.
73La Terre Ferme (34 navires, 11 359 toneladas, au départ) joue le rôle qu’avait assumé la Nouvelle Espagne, en plus appuyé encore, dans les départs de 1642 (22 navires, 6 385 toneladas au départ). Le niveau des îles reste constant : 7 navires, 1 196 toneladas en 1642 et 7 navires, 1154 toneladas en 1643. Il y a permutation, par contre, entre les positions de la Nouvelle Espagne (7 navires et 580 toneladas en 1643) et de la Terre Ferme (8 navires et 731 toneladas en 1642). L’identité entre 1642 et 1643 réside, essentiellement, dans l’impossibilité dans un cas comme dans l’autre, de mettre sur pied un second convoi.
74Cet échec est, peut-être, plus symptomatique, encore en 1643 qu’il ne l’était en 1642. Dans la mesure où le départ de 1643 a été plus précoce (de Cádiz, le 4 juin 164388 (que celui de 1642 (de Cádiz, le 18 juillet 164289, dans la mesure, surtout où des pressions se seront exercées plus fortes en 1643 qu’en 1642 en faveur d’un second départ. Ces pressions proviennent d’une prise de conscience de la gravité de la crise d’approvisionnement des Indes en mercure et du besoin de faire parvenir à l’industrie argentifère de la Nouvelle Espagne90 (les quantités de mercure dont la pénurie est, pour elle, une cause de paralysie. Malgré le désir qu’on en ait, même la solution modeste d’une petite escadrille91 (approvisionneuse en mercure a dû être abandonnée. Dans ces conditions, l’échec du deuxième convoi prend toute sa signification. Il affirme la solidarité de la conjoncture de 1643 avec 1642 et 1641 et souligne l’importance de la cassure « conjoncturelle » qui se situe en Aller, donc, encore, dans une large mesure, sur l’ensemble du mouvement, entre 1643 et 1644.
75e. Les déboires de la « Casa ». — Ils ne sont pas nouveaux, mais ils apparaissent avec une particulière évidence dans la correspondance de 1643. Le recul de l’autonomie de la Casa face au Consejo92 (traduit, accuse la chute de Séville de ses antiques splendeurs. Rien de nouveau, sans doute, mais un jour plus cru, brutalement, un peu comme si — peut-être, n’est-ce qu’une illusion ? — de graves transformations s’étaient produites au cours des trois ans de la plus grave crise de l’histoire de la Carrera.
76f. Des signes de la crise à ceux de la reprise. — Et pourtant, le tableau de 1643 est loin d’être uniquement négatif. On décèle, en effet, au fond même de la crise, des signes avant-coureurs de la reprise. On a vu l’usage que l’on pouvait faire, en conjoncture, de la poussée xénophobe. Du même ordre, très exactement, l’exaspération anticréole93. Le commerce d’Inde en Inde, entre le Pérou et la Nouvelle Espagne94, entre le Pérou et le Guatemala sont pris à parti et rendus responsables des malheurs de Séville. Cette attitude n’est pas neuve mais elle constitue, tout d’abord, dans sa réapparition même, comme le procès-verbal de la tendance au déplacement vers l’Amérique du centre de gravité de l’Atlantique espagnol. De gros progrès, dans ce sens, ont, selon toute vraisemblance95, été accomplis de 1638 à 1643 au cours de la grande crise de rupture de ces dernières années. Séville accuse le coup, il est bon qu’elle l’accuse. La protestation, enfin, dénote, finalement, comme la vague xénophobe, elle-même, dont elle n’est à la limite, qu’un aspect, un certain refus de la passivité dans laquelle le commerce officiel, si souvent s’était réfugié, au cours de ces dernières années, d’une croyance diffuse dans l’efficacité d’une certaine protestation, d’un minimum de résistance, qui peut bien marquer, à la limite, un premier prodrome d’une attitude psychologique favorable à la reprise.
77Mais il y a d’autres éléments plus concrets. Le souci du mercure et le niveau des exportations de ce métal levier. L’intérêt que l’on porte à Séville à la découverte d’une nouvelle veine à Huancavelica96 montre que l’on a compris combien l’insuffisance de l’approvisionnement de l’industrie minière américaine avait été un facteur décisif de la crise (le mercure exporté par Cádiz, en 1643, est en partie du mercure d’Idria, transitant par Venise).
78Mais l’élément capital est, évidemment, constitué par la masse énorme des Retours de 164397. Retours forcés, retours pour lesquels de gros risques ont été pris et de grosses charges assumées. Ne serait-ce que dans l’acheminement par terre, de Gibraltar à Séville, de l’argent du Mexique98. Cet acheminement par terre prouve combien le besoin de l’argent a été cruellement ressenti. Cet effort aboutit aux réussites partielles de 1644.
3. Hypothèses
79Reste à replacer ces faits dans leur environnement, comme toujours, essentiellement, les prix espagnols, ce puissant levier.
80a. Prix nominaux. — Sur la série des prix nominaux et surtout, sur la série andalouse, il y a tassement considérable des prix. En Andalousie99, surtout, de l’indice 131,58 à l’indice 114,14, pour la Nouvelle Espagne, le tassement est moindre, de l’indice 122,95 à l’indice 112,39, pour la Vieille Castille-Léon, de l’indice 123,72 à l’indice 114,50. Pour l’espace méditerranéen aberrant de Valence, dont l’autonomie est complète, il y a progrès de l’indice 108,47 à l’indice 111,69 — les données n’en sont pas moins paradoxales, de prime abord, puisqu’il y a tassement des prix au moment où vont se manifester les premiers signes combien timides, il est vrai, de la reprise. Paradoxe de surface qui recouvre, au contraire, une parfaite et profonde identité.
81b. Inflation. — Le mouvement des prix est commandé, en effet, par la situation monétaire100 : la fantastique déflation de l’automne 1642, avec le passage de la prime de l’argent sur le billon, en Andalousie, de 181,25 % (juillet-septembre) à 25 % seulement d’octobre à décembre et 32,92 % en 1643 au lieu de 120,62 % moyenne annuelle de l’année précédente — pour la Nouvelle Castille, le décrochement dans les mêmes conditions de 184,30 % à 25 % et 26,25 %, moyenne annuelle de 1643, contre 120,50 %, l’année précédente ; pour la Vieille Castille-Léon, décrochement de 200 % (avril-juin) et 195 % (juillet-septembre) à 30 %, 25,74 % moyenne de 164-3 contre 132,25 % en 1642.
82Le passage d’une inflation aussi débordante à une déflation aussi féroce, constitue pour le trafic une épreuve redoutable. Il est normal que le temps de semblables perturbations soit marqué par le prolongement du marasme.
83c. Prix-argent. — Et pourtant, si on regarde les choses de plus près on sera frappé, surtout, par la relative insensibilité des prix nominaux à l’orage le plus considérable de toute l’histoire monétaire de la première modernité espagnole. Cette atténuation de la vibration des prix est due à une reprise à long terme des prix-argent, telle qu’il n’en existe pas l’équivalent, par ailleurs. La reprise des prix-argent (elle entraînera bientôt celle des prix nominaux à un rythme accéléré) commence très exactement101 entre 1642 et 1613, avec une prodigieuse accélération. De l’indice 101,45 à l’indice 140,51, soit un accroissement relatif absolument sans précédent de l’ordre de 40 %. Par rapport à la moyenne mobile de référence, on passe de 78,17 % à 107,75 %. Même compte tenu de l’effet de déflation qui intervient, en 1643, en raison de la montée régulière qui s’affirme sans équivoque à partir de 1645102, on est bien en présence, à partir de 1643, d’une très puissante reprise du mouvement ascensionnel des prix : reprise, sans équivalent, sans doute, dans toute l’histoire européenne de la phase longue de contraction. L’effet ne saurait en être immédiat. Il y a, d’ailleurs, trop d’éléments qui vont à l’encontre d’une reprise du trafic, mais il n’est pas surprenant qu’il soit à même, dès 1644, de déclencher une très importante reprise conjoncturelle, une des moins contestables et une des plus considérables de toute l’histoire de la Carrera.
II. — 1644 : REPRISE CYCLIQUE ET ANOMALIE DES RETOURS
84C’est à la hauteur de 1644 que, malgré les difficultés et les hésitations qui subsistent, on peut situer la vraie reprise conjoncturelle, étant entendu qu’elle ne saurait, à elle seule, effacer toutes les caractéristiques de contraction à long terme. Reprise sensible, facilement mesurable, sur le mouvement Allers.
LA LEÇON DES CHIFFRES
85La leçon des chiffres peut être suivie dans ses grandes lignes, en Allers, du moins.
1. Allers
86En Allers, il y a non seulement reprise, mais mutation importante du tonnage unitaire. De 48 à 54 unités, en effet, le progrès du mouvement unitaire est de 12,5 %, de 13 093 toneladas à 13 375 toneladas, de 14 402,3 tonneaux à 21 312,5 tonneaux, le progrès du mouvement en tonnage s’élève, par contre, à 47,6 %. Cette distorsion suppose une forte mutation du tonnage unitaire moyen. Les Allers de 1644 incorporent, en quelque sorte, les navires de Retours, au cours des années précédentes, de l’anomalie positive des Retours. Le tonnage unitaire moyen s’élève de 167 toneladas en 1641, 224,4 toneladas en 1642, 272,8 toneladas en 1643 à 358,8 toneladas en 1644. Ce tonnage unitaire moyen exceptionnellement élevé dénote la présence dans les départs de 1644, d’une proportion exceptionnellement forte de navires d'armada103.
87En tonnage, sinon sur le mouvement unitaire, le mouvement Allers de 1644 est le plus important du cycle (54 unités, 19 375 toneladas contre 65 navires, mais 19 285 toneladas, par contre, seulement, en 1646)104. Pour retrouver un chiffre supérieur, il faut remonter jusqu’en 1640 (avec quelques réserves, en raison de l’isolement entre deux points bas des 20 406 toneladas, de l’année 1640) et à coup sûr jusqu’en 1630 (65 navires, 20 290 toneladas). Par rapport au trend105, on peut affirmer, avec une large part de vraisemblance, que l’écart cyclique positif de 1644 (146,00 %) par rapport au trend est le plus important de tout le cycle (soit 46,00 %), non seulement de tout le cycle, mais de la période de plus de quarante ans, qui va de 1608, exclusivement, à 1650, inclusivement.
88Tant il est vrai que dans les départs de 1644, malgré le rythme retrouvé des deux années, tout n’est pas d’égale valeur. La masse, pourtant, n’est pas récusable, malgré quelques défaillances. Il n’en va pas de même des Retours.
2. Retours
89Si on s’en tient aux apparences, il y a une chute verticale du mouvement Retours106 entre 1643 et 1644, puisqu’on passe de 52 à 4 navires (contraction de 92,3 %), de 18 457 toneladas à 778 toneladas, de 20 902 tonneaux à 855,8 tonneaux (contraction.de plus de 95 %). Quant à la chute du tonnage unitaire moyen qui accompagne cette mutation du mouvement, elle est attendue, de 510,6 toneladas (anomalie positive)107 (en 1642, 355 toneladas en 1643 à 194,5 toneladas en 1644. Ces brusques détentes n’impliquent pas autre chose, on le sait, que la disparition au cours de ces années anormales du mouvement en convoi. Il ne reste plus, par conséquent, que le matériel « suelto » beaucoup plus léger. Par rapport à la moyenne, on est passé de 171,4 %, le record depuis 1630, à 7,802 %.
90Mais cette chute brutale est à la fois plus et moins importante qu’il n’apparaît d’abord. Plus importante, puisqu’elle marque la limite entre une zone d’anomalie positive des Retours et une zone d’anomalie négative, parce qu’elle constitue le terme d’une période longue d’irrégularité du flux des Retours. De 1638 à 1644, le flux des Retours a été gravement perturbé par l’impact profond de la guerre et aussi par une réduction massive des volumes mis en cause. Le début de l’année 1645 semble marquer, à cet égard, le point de départ de la reconstitution sur cinq ans, au moins, d’un flux continu, avec tous les avantages que cela comporte. Ce retour à un minimum de régularité dans le flux du mouvement Amérique-Europe, constitue un facteur important de la reprise cyclique des années qui viennent.
91Mais, en réalité, le découpage annuel, là encore, exagère beaucoup l’importance du hiatus. Le second convoi de 1643 (l'Armada de la Guardia de Francisco Diaz Pimienta et la flotte de Terre Ferme de Luis Fernandez de Córdoba108 de l’ordre, approximativement, de 9 000 toneladas, commence à faire son entrée à Cádiz, le 27 décembre 1643. Son entrée se situe à cheval entre les derniers jours de décembre 1643 et les premiers jours de janvier 1644. Son déchargement effectif et la mobilisation réelle des richesses qu’il rapporte ne se placent pas, chronologiquement, avant les premiers mois de 1644. Il existe, en outre, une symétrie à peu près parfaite, entre la situation du lourd convoi de Diaz Pimienta-Femandez de Córdoba et celle de l’Armada de la Guardia, de Don Gerónimo Gomez de Sandoval109. Le convoi de Gerónimo de Sandoval est à peine plus léger que celui, l’année précédente, de Diaz Pimienta. L’arrivée au large de Càdiz des premiers galions de Pimienta se situait le 27 décembre 1643, l’arrivée des premiers galions de Gomez de Sandoval, un an et deux semaines, plus tard, le 11 janvier 1645. En fait, donc, le trou des Retours de 1644 est, en partie, un faux trou, qui résulte, pour le meilleur, d’une illusion du découpage dans le cadre de l’année civile. Il procède, pour l’essentiel, d’un étirement insolite des délais d’arrivée, début janvier au lieu de novembre-décembre. Cet étirement constitue une des caractéristiques du malaise grandissant de ces années 40. A la limite donc, une ventilation sur trois ans des Retours de 1643 à 1645 rendrait mieux compte d’un aspect important de la réalité que le découpage annuel qu’il a bien fallu proposer, ici, soit pour l’ensemble des trois ans, un niveau moyen des Retours de 36 navires et 12 707 toneladas.
92Le creux de 1644, simple creux fictif, dénote, tout au plus, d’importantes perturbations « secondaires » dans la navigation en convoi. A certains égards, on pourrait placer le début de la tendance à la régularisation du flux des Retours, soit en 1643, soit même en 1641.
93Il est bon, en outre, à la lueur de ces remarques, de nuancer également les données fournies par le pourcentage des Allers et des Retours, à l’ensemble110. Le creux de 3,87 % est vrai dans le cadre strict du découpage annuel, dans une perspective plus large — étalement sur trois ans — il ne correspond plus à grand-chose. La correction faite pour le creux en partie fictif de 1644 admise, on trouve entre 1643 et 1645, une période de trois ans qui correspond au sommet cyclique maximal sur trois des Allers et retours de 1643 à 1645 : Allers, 143 navires, 45 047 toneladas, Retours : 108 navires, 38121 toneladas, Allers et retours : 251 navires, 83 168 toneladas111. Cette correction faite, on constate qu’entre l’anomalie positive des Retours 1641-1643 et l’anomalie négative des Retours de 1644-1646, s’inscrit une zone de passage par un équilibre normal au cours de laquelle les Retours représentent 41 % du total.
3. Allers et retours
94L’interprétation que l’on donnera du mouvement Allers et retours sera directement influencée par ces considérations sur le mouvement Retours. Dans le cadre du découpage annuel, la défaillance à peu près totale des Retours commande, naturellement, malgré le progrès des Allers, un repli des globaux de 100 navires à 58 navires112, de 32 050 toneladas à 20 153 toneladas, de 35 255 tonneaux à 22 168,8 tonneaux, soit un repli de 42 % sur le mouvement unitaire et de 36,5 % en tonnage. Malgré le retrait des Retours, en raison de la formidable poussée à l’Aller du mouvement unitaire, on assiste à un accroissement du tonnage unitaire des globaux de 338,1 toneladas en 1639, 322,3 toneladas en 1640, 314,7 en 1642, 320,5 en 1643 à 347,5 toneladas en 1644.
95Mais ce retrait de l’ordre de 42 et 36,5 %, est uniquement imputable aux Retours. Si on substituait aux chiffres des Retours dans le découpage annuel, les chiffres rabotés sur trois ans, on obtiendrait, en Allers et retours, un mouvement naturellement conforme à celui des Allers et certainement beaucoup plus proche de la réalité conjoncturelle :
1643 : 84 navires, 25 800 toneladas ;
1644 : 90 navires, 32 182 toneladas ;
1645 : 77 navires, 25 286 toneladas.
96La correction, en outre, loin d’être arbitraire, se borne à affacer ce qui n’est plus, à la limite, qu’une anomalie du découpage annuel. Le mouvement partant du point de 1641 s’est, donc, élevé régulièrement jusqu’au sommet de 1644 ou, si l’on veut, jusqu’à un palier qui va de 1644 à 1646 ou 1647. Mais en raison de l’effet cumulatif de la dépression, c’est entre 1643 et 1644 que se situe et pas avant, le passage de la contraction à l’expansion.
CONFIRMATIONS PARALLÈLES
97Il est facile de réunir toute une série d’indices qui permettraient de confirmer ce point de vue.
1. Valeur
98On ne dispose [plus, malheureusement, pour ! apprécier la valeur globale des marchandises exportées, des séries tirées des impôts ad valorem. Même le médiocre maravedí al millar nous a fait finalement défaut113, puisque la série reconstituée ne va pas au-delà de 1643. On possède, toutefois, un indice qui nous laisse penser que le niveau des exportations-valeur de 1644 était considérable. C’est l’histoire des manifestaciones en Nouvelle Espagne de 1644, dont on lira le détail, ailleurs114. Un conflit oppose les cargadores ou leurs facteurs de la flotte Don Martin Carlos de Mencos au Vice-Roi à propos du niveau des impôts ad valorem que les cargaisons du convoi doivent acquitter au Trésor de plus en plus grevé de la Nouvelle Espagne. Le procès est calqué sur le procès classique qui a opposé, maintes fois115 au Retour, à l’entrée du Guadalquivir, les marchands aux représentants du Roi. Le Vice-Roi obtient beaucoup finalement par exigences successives. Ce qui laisse à penser que les marchandises transportées valaient beaucoup. Il y avait, donc eu une certaine symétrie entre la valeur des exportations en direction de la Nouvelle Espagne en 1644 et en 1642116.
99La pratique des manifestaciones, c’est-à-dire, des repentirs et des déclarations après coup, gagne ouvertement les Indes après avoir pris naissance de ce côté de l’Océan. Signe, certainement, de décomposition fiscale, de désorganisation d’un ad valorem depuis longtemps abandonné. Tout ce que l’on a porté, à ce propos, au procès côté Europe, côté Casa117, peut être transposé à très peu de choses près du côté des Indes avec un décalage chronologique de quarante à quarante-cinq ans, environ118. Mais plutôt que sur cet aspect, il faudrait, peut-être, insister sur un autre côté de la question. L’affaire des manifestaciones nouvelles espagnoles de 1644 semble indiquer un déplacement de responsabilités politiques, donc de charges financières. Le Vice-Roi agit un peu, avec l'Armada de Barlovent, comme s’il était Roi en son Conseil des Finances. Voilà qui prouve des responsabilités politiques nouvelles-espagnoles de plus en plus lourdes, tant Pacifique et extrême-orientales119, au même moment qu’Atlantique.
100Dans la conjoncture de l’année, une chose reste : la solide présomption, qui seule nous intéresse, pour l’heure, d’un fort niveau-valeur en 1644.
2. L’organisation du mouvement
101L’organisation des Allers donne, également, de sérieuses raisons d’optimisme.
102On retrouve, pour la première fois, depuis longtemps, solidement représentés en 1644120, les trois axes fondamentaux du complexe portuaire, on retrouve, surtout, pour la première fois depuis 1640, le régime longtemps classique des deux convois annuels121.
103a. Complexe portuaire. — Le niveau des navires marchands de Séville (29 navires, 7 506 toneladas) est le plus important depuis 1640, il peut se comparer avantageusement aux niveaux les plus considérables du cycle précédent. On pourrait en dire, de même, à une moindre échelle, des marchands caditains (6 unités, 1 700 toneladas). Le niveau d'armada, enfin (19 unités, 10 169 toneladas) est le plus considérable de toute la période 1628-1650.
104Un fort niveau d’armada peut n’être, en soi, qu’un élément négatif. Ce n’est pas tout à fait le cas ici. En raison de la composition du mouvement d'armada : une Armada de la Guardia et une Armada de Barlovent122. Cette Armada de Barvolent est une armada exceptionnelle, ou si l’on veut le contre-coup du Retour non moins exceptionnel, d’avril à août 1643123, de l'Armada de Barlovent sous le commandement de Pedro Velez de Medrano. Il n’est pas vraisemblable qu’à l’Aller, cette armada n’ait pas été utilisée à des fins commerciales. Vraisemblablement, comme l'Armada de la Guardia. L’Armada de Barvolent à l’Aller (non au Retour, en raison du déséquilibre structurel du poids des échanges) a donc eu, très certainement, une signification économique. Elle aura renforcé le volume utile de la flotte de Nouvelle Espagne d’autant plus qu’une certaine pénurie devait régner sur le marché nouvel espagnol. La dernière flotte en direction de la Vera Cruz était partie en juillet 1642, arrivée à la Vera Cruz le 4 octobre 1642124. On a vu, par ailleurs, les fortes présomptions125 qu’il y a en faveur d’un important niveau des valeurs au départ du complexe en direction de la Nouvelle Espagne. Ce fort niveau des valeurs transportées suppose une utilisation, au maximum, du volume utile des navires. Nous savons trop, par expérience, ce que vaut dans la Carrera la division, navires marchands, navires d'armada, pour ne pas trop prendre au sérieux la définition d'armada, quand il s’agit des navires Don Fernando Sousa y Suarez, Juan de Pujadas y Gamboa126.
105On peut, donc, attribuer, sans crainte, une signification économique considérable aux navires d'armada de 1614, ils constituent, sans conteste, un élément économique de poids. Partant, toute la masse des Allers de 1611 s’en trouve d’autant valorisée.
106b. Ventilation géographique aux Indes : les deux convois. — La seconde raison de prendre très au sérieux le mouvement de 1611 est plus valable encore. Pour la première fois depuis 1610, deux lourds convois quittent le complexe portuaire : le convoi constitué par l’armada y flota de Nouvelle Espagne de Don Martin Carlos de Mencos et par l'Armada de Barlovent de Don Fernando de Sousa y Suarez, Juan de Pujadas y Gamboa127, qui quitte Càdiz, le 22 avril 1614, d’une part, en direction de la Vera Cruz, l'Armada de la Guardia, d’autre part, de Don Gerónimo Gomez de Sandoval, qui part de Càdiz en direction de l’isthme, avec quelques navires allant de conserve, le 12 juillet 1644, d’autre part. Tout cela constitue, surtout, à des dates aussi rapprochées, un véritable tour de force, dans les structures du trafic des années 40. Ce rythme témoigne, à lui seul, d’une forte pression conjoncturelle.
107Corollaire de cette situation, la répartition de ce trafic entre les grands espaces des Indes128. On sera sensible au niveau particulièrement élevé du volume destiné à la Nouvelle Espagne (29 navires, 10 159 toneladas), c’est-à-dire le niveau le plus considérable, à très peu de choses près, à l’Aller, en direction de la Nouvelle Espagne, de toute la fluctuation cyclique (1646 : 30 navires et 10 970 toneladas), le plus considérable, à cette restriction près de 1621 à 1650. Ce fort niveau quantitatif du trafic en direction de la Nouvelle Espagne — il se double, on l’a vu, d’un fort niveau qualitatif129 — n’exclut pas un fort niveau, aussi, en direction de la Terre Ferme.
108Le trafic en direction de la Terre Ferme (19 navires, 8 206 toneladas) n’est pas aussi exceptionnel que celui en direction de la Nouvelle Espagne, le troisième du cycle, il n’en est pas moins largement supérieur à la moyenne cyclique de 1642 à 1650 (5 711,3 toneladas)130.
3. Le fort niveau du mercure131
109Il est un dernier élément qu’on peut invoquer, enfin en faveur d’une interprétation optimiste de la conjoncture de 1644, le niveau exceptionnellement élevé, des exportations de mercure : 1 405 quintales 1/2 en direction de la Nouvelle Espagne132, 6 000 quintales133, au moins, à bord de l'Armada de la Guardia. Ce niveau exceptionnel témoigne d’une grande confiance dans l’avenir, il prépare des reprises ultérieures de l’activité minière aux Indes. Il suppose la solution de grosses difficultés, puisque selon certains rapports134. Idria a fourni 5 940 quintales, contre 2 690 quintales, seulement pour Almadén.
110Une nouvelle vague puissante dans la consommation mercurielle au Pérou, surtout, se manifeste, puisque, dans le même temps, il y a poussée de la production de Huancavelica. L’écho de la découverte d’un nouveau filon de minerai135 dans la mine péruvienne, est favorablement commenté à Séville en 1643. Flambée, sans lendemain, on le sait par ailleurs136, mais flambée extraordinairement puissante. Toutes les sources utilisées par Guillermo Lohmann Villena137 donnent pour 1643 et 1644 pratiquement un doublement de niveau de la production la source I, la meilleure et la plus continue à cette époque, donne la série suivante : 1640,2 503,76 quintales ; 1641,2 533,60 quintales ; 1642, 4 594,69 quintales ; 1643, 8 439,71 quintales ; 1641, 8 521,68 quinquintales ; 1645, 3 582,70 quintales ; 1616, 6 109,17 quintales. C’est au moment précis de ce doublement certain de la production américaine, qu’un effort exceptionnel d’exportation du mercure est fait du côté de Séville et Cádiz. On peut, donc, présumer, à partir de 1643, plus sûrement de 1614, un doublement pratiquement, sinon immédiatement, de la consommation, du moins de l’approvisionnement des Indes, en mercure. On sera sensible à la corrélation consommation du mercure, volume du trafic. La poussée de la consommation de mercure précède la poussée du trafic. Cette peu douteuse corrélation renforce, encore, toutes les raisons qu’on a de considérer, l’économie minière, comme dominante, aux Indes, au xviie siècle encore.
4. Limites à la reprise
111Il ne faudrait pas, pour autant, se hâter de conclure à une expansion trop complète. Quelle que soit son ampleur, l’expansion cyclique ne saurait effacer les marques profondes de la dépression à long terme.
112Deux éléments permettent, au moins, de prendre la mesure des limites de 1644. La menace hollandaise138continue à peser, tant sur les communications Atlantique que Pacifique. On en lira, ailleurs, les modalités et détails. Elle constitue une gêne, une limite pour l’expansion. A la limite, d’ailleurs, on peut hésiter à la verser intégralement au passif de l’année. En effet, le moins surprenant n’est certes, pas que Séville ait réussi à mettre sur pied, malgré le péril qui l’assiège, un volume d’exportations aussi considérable. On comprend mieux, aussi, la forte orientation qualitative des exportations139.
113Plus sûr, par contre, l’échec d’une véritable flotte de Terre Ferme aux côtés de l'armada140. Un moment, on aura songé, comme vingt ou trente années plus tôt, au temps des splendeurs révolues du trafic, à doubler l’armada d’une flotte de Terre Ferme. Le projet trop ambitieux dût être abandonné. Sinon complètement, du moins au prix d’un compromis141, une armada renforcée, mais la vraie flotte de 1644 ne partira pas, de Cádiz, avant le 3 juillet 1645142. Mieux l’effort, pourtant limité de 1644, si on se réfère aux normes d’un passé proche encore à la mémoire de beaucoup des contemporains, se payera par la dépression relative de 1645. Deux convois, certes, mais pas deux flottes. Ce qui replace dans des limites plus raisonnables les succès de 1644.
HYPOTHÈSE
114La note dominante — les limites d’une époque étant, une fois pour toutes, admises — n’en demeure pas moins, une belle expansion cyclique. Elle trouvera de multiples justificatifs dans un large contexte d’histoire économique espagnole.
115Si on se tourne, en effet, vers l’histoire des prix espagnols, on constatera, l’accident monétaire passé, la tradition, d’un quart de siècle, bientôt, d’une monnaie médiocre légèrement fondante, renouée, une formidable poussée cyclique des prix.
1. Déflation. — Inflation
116La grande vague de perturbations apportée par la flambée inflationniste de 1642 n’est pas encore totalement effacée. A preuve, sans doute, un certain déphasage qui subsiste entre prix-argent et prix nominaux.
117On peut dire, qu’en gros, le retour à la normale s’est effectué, sous cet angle, en Andalousie, au cours de l’année 1644143, c’est-à-dire une phase d’inflation légèrement ascendante, assez régulièrement ascendante, avec tout au plus un léger bombement secondaire sur un an environ. Les fortes oscillations de 1643 constituent comme le contre-choc très atténué de la secousse de 1642 : automne 1642 :25,00 % (prime de l’argent sur le billon), hiver 1643 : 25,00 % ; printemps 1643 : 35,83 % ; été 1643 : 38,33 % ; automne 1643 : 32,50 % ; hiver 1644 : 30,67 % ; printemps 1644 : 31,83 % ; été 1644 : 31,67 % ; automne 1644 : 35,00 % ; hiver 1645 : 38,25 % ; printemps 1645 : 30,00 % ; été 1645 : 37,80 % ; puis 37,50 %, 36,50 %, 39,33 %. En gros donc, après une oscillation trop forte encore sur dix-huit mois, une lente remontée, faiblement ondulante. C’est le retour à ce que Ton peut considérer comme la normale structurelle. Ce retour s’effectue bien au cours de l’année 1640.
118Il en irait sensiblement de même en Nouvelle Castille et en Vieille Castille Léon, après un point de départ plus bas.
2. Prix nominaux et prix-argent
119Ce retour progressif à la normale monétaire du temps va permettre aux prix de manifester leur tendance naturelle. Le fait dominant encore, en 1644, c’est la grande insensibilité des prix nominaux au formidable effet déflationniste de Tannée précédente144. On peut dire que toute la conjoncture du trafic de 1644 — une conjoncture de hausse, on a vu dans quelles conditions — est dominée par le choc du démarrage vrai des prix de 1643. L’indice des prix-argent145passait de 101,45 à 140,51, par rapport au trend de 78,17 % à 107,75 %, c’est-à-dire de l’écart négatif de beaucoup le plus considérable de toute l’histoire des prix à un des trois écarts positifs relatifs les plus importants d’un siècle et demi d’histoire recensée. Dans toute l’histoire de la Carrera, il n’y a pas un choc positif des prix-argent comparable à celui-là.
1201644 sera d’autant plus sous l’action de cette onde de choc bénéfique de l’année précédente — on sait que le décalage prix-trafic est de l’ordre, en moyenne, d’un an à dix-huit mois — que 1644 consolide au-delà de toute espérance les extraordinaires positions de 1643. Dans l’espace andalou, par exemple, l’indice des prix nominaux de 1644 dépasse même légèrement146 celui de 1643, indice 115,61 au lieu de l’indice 114,14 il en va de même à Valence, différemment, par contre, en Nouvelle Castille et Vieille Castille-Léon où l’effet déflationniste de la retombée est plus considérable). Sur les prix-argent, le recul est très faible : indice 138,63 au lieu de l’indice 140,51, 105,91 % au lieu de 107,75 %. Après un choc positif aussi considérable que celui de 1642 à 1643, une consolidation aussi totale que celle observée, ici, en 1644 est sans précédent. Le graphique le démontre mieux qu’un long discours147.
121On peut difficilement imaginer, par conséquent, du côté des prix à l’intérieur des schémas que l’expérience nous a appris à dessiner, conjoncture cyclique meilleure. Le cycle n’arrive pas, bien sûr, à effacer tous les aspects d’une phase récessive. Le coût relatif de la main-d’œuvre suffirait à rappeler par sa lourdeur et sa relative insensibilité à la conjoncture courte148 à quel point les structures de la récession sont restées insensibles, à une expansion cyclique, d’une extrême vigueur, pourtant.
122La meilleure preuve qu’on en puisse donner, c’est le rapide essoufflement qui suit, dès 1645, les trop spectaculaires victoires de 1644.
III. — 1645-1646 : AU SOMMET FRAGILE DE L’EXPANSION CYCLIQUE
123Sur deux ans, le mouvement retrouve un peu d’une prospérité qui emprunte tout à l’expansion cyclique.
124Sur deux ans, mais avec un bonheur inégal.
1645 : ESSOUFFLEMENT ET ENSELLEMENT
125La situation de 1645 permet de mieux comprendre, en effet, les limites des possibilités d’expansion cyclique de la Carrera mutilée d’après la grande crise des années 40. Les réussites de 1644 ont été, en quelque sorte, prélevées sur l’avenir. Pour se poursuivre en 1646, elles ont besoin de reprendre haleine sur le plateau déprimé de 1645.
1. La leçon des chiffres
126C’est en gros, ce que dit le découpage annuel, pour les Allers, du moins, voire pour les Retours et les globaux, au prix de quelques précautions de lecture.
127a. Allers. — Le niveau exceptionnellement élevé de 1644 n’a pu être maintenu plus d’un an durant. 1645 nous ramène à un niveau sensiblement inférieur aux médiocrités de 1643149, soit150 de 54 navires à 41 navires, seulement en 1645, de 19 375 toneladas à 12 579 toneladas, de 21 312,5 tonneaux en 1644 à 13 836,9 tonneaux en 1645. Avec 41 unités et 12 579 toneladas, le niveau des Allers de 1645 n’était pas tout à fait au point précédemment atteint en 1643, après un repli de 24 % (mouvement unitaire) et de 35 % (en tonnage) par rapport à l’éphémère record de 1644. Par rapport à la moyenne mobile médiane de 1644151, que l’on peut prendre, on a vu pourquoi152comme terme de référence provisoire de 1645 à 1650, la position de 1645, 93 % est un peu plus médiocre encore que celle de 1643 (96,09 %). Il y a eu, en outre, légère détérioration du tonnage unitaire, de 358,8 toneladas, à 306,8 toneladas, soit, en fait, le retour à une position moyenne beaucoup plus normale à cette époque.
128Mais la rupture de 1645 avec 1644 s’affirme plus encore par la structure du trafic. Le tour de force des deux départs de 1644 n’a pu être réédité. En 1645, comme en 1643, un seul gros convoi, l'Armada de la Guardia et une flotte de Terre Ferme ; c’était, partant de Cádiz, le 4 juin 1643, l'Armada de la Guardia de Francisco Diaz Pimienta, flanquée de la flotte de Pedro de Contreras, c’est vingt-cinq mois plus tard, le 3 juillet 1645, symétrie à peu près parfaite, l'Armada de la Guardia de Pedro de Ursua y Arismendi flanquée de la flotte de Don Gabriel de Espinola y Santiago. En 1645, comme en 1643, la flotte de Terre Ferme n’est pas autre chose que la flotte projetée, préparée et différée de l’année précédente. On voit combien parfaite est, dans ces conditions, la symétrie 1645-1643.
129b. Retours. — Elle dépasse, d’ailleurs, le cadre des Allers. Pour s’étendre, notamment, aux Retours. En Retours153, les chiffres sont étonnamment identiques, 52 navires154, 18 957 toneladas, 20 962 tonneaux en 1643, 52 navires, 18 886 toneladas, 20 774,6 tonneaux en 1645, tonnages unitaires moyens, 364,6 toneladas en 1643, 363,2 toneladas en 1645. Par rapport au trend, un écart de 171,4 % en 1643, de près de 180 % en 1645, si on prend comme terme de référence155, la moyenne médiane de treize ans de 1644. L’analogie va plus loin encore, jusque dans la chronologie presque. En 1645 un peu comme en 1643, on aura deux convois. En 1643156, c’est le convoi de Pedro de Ursua, Pedro Velez de Medrano, arrivé à Gibraltar, de Nouvelle Espagne, à la fin juillet, à San Lucar au début d’août, et à l’extrême fin de décembre, le convoi de Francisco Diaz Pimienta, Don Luis Fernandez de Córdoba. En 1645157 même dualité mais plus précoce et dans un ordre inverse, le convoi de Terre Ferme, d’abord, à Cádiz, le 11 janvier et celui de Nouvelle Espagne ensuite, à Cádiz, le 9 août 1645, sous les commandements respectifs de Don Geronimo Gomez de Sandoval, d’une part, Martin Carlos de Mencos et Fernando de Sousa y Suarez, d’autre part.
130Face à cette réalité profonde, l’apparente expansion par rapport au creux de 1644, de 4 unités à 52 navires, soit 1 200 %, sur le mouvement unitaire et de 778 toneladas à 18 886 toneladas, de 855,8 tonneaux à 20 774,6 tonneaux, soit 2 328 %, sur le mouvement en volume, ne signifie pas grand chose. Entre une pointe d’expansion des Retours centrée autour du deuxième semestre de 1643 et une autre centrée autour des huit premiers mois de 1645, une zone de silence relatif. En fait, un rabotage uniforme sur trois ans serre même la réalité, on l’a vu158, avec une moyenne annuelle, pour les Retours, de 36 navires, 12 707 toneladas, tonnage unitaire 353 toneladas, que ne le fait le trop capricieux découpage annuel.
131Il faut tenir compte, enfin, d’une particularité chronologique, le retour décisif du lourd convoi de l'Armada de la Guardia de Don Geronimo Gomez de Sandoval, intervient assez tôt, à Cádiz, le 11 janvier 1645, pour peser sur le départ de Tunique convoi de Tannée. Facilité dont il faudra tenir compte pour apprécier la médiocre réussite des Allers de 1645.
132On retrouvera, en outre, dans le cadre du découpage annuel, dont on a vu d’ailleurs, qu’il fallait se méfier, en 1645 comme en 1643, une forte anomalie positive des Retours159, 60,03 % en 1645, 59,15 % en 1643. En fait, ce qui compte, est-il besoin de le rappeler, c’est l’équilibre sur trois ans (1643-1645), soit un équilibre moyen, 41 %, solidement encastré entre l’anomalie positive vraie des retours de 1641 à 1642 et l’anomalie positive de 1647 à 1649.
133c. Allers et retours. — La situation du mouvement global dépend, naturellement, tout d’abord, de l’interprétation que l’on adoptera du mouvement Retours. Si on s’en tient à la leçon du découpage annuel160, on parlera d’expansion par rapport à 1644, avec retour à une position, à très peu de choses près, comparable à celle de 1643.
134De 58 navires à 93 navires, de 20 153 toneladas à 31 465 toneladas, de 22 168,8 tonneaux à 34 611,5 tonneaux, soit un progrès de 61,7 % sur le mouvement unitaire, de 56 % en tonnage, avec léger tassement du tonnage unitaire de 347,5 toneladas à 338,6 toneladas. Par rapport à la moyenne mobile, au prix de la convention précédemment définie161 on passe de 87,80 % en 1644 à 135 % environ, en 1645. Une fois encore, comme pour les Allers et pour les Retours, la similitude sera troublante avec la situation de 1643, 93 navires en 1645, au lieu de 100 navires en 1643, 31 465 toneladas au lieu de 32 050 toneladas, 34 611,5 au lieu de 35 255 tonneaux, 135 % de la moyenne correspondante au lieu de 131,14 %, précédemment.
135Mais toutes ces considérations ne donnent pas de la vérité conjoncturelle, une approche satisfaisante. On la serre de beaucoup plus près, en substituant au chiffre vrai des Retours, la moyenne annuelle sur trois ans (1643-1645). On s’en est expliqué ailleurs162.
136On voit, alors, 1644 se dresser vraiment, avec 90 navires et 32 182 toneladas, au sommet d’une première fluctuation primaire, bien détachée des 84 navires et 25 800 toneladas de 1643, tandis que 1645 se retrouve à sa vraie place, au fond d’un bref ensellement, avec 77 navires et 25 286 toneladas. De 1643 à 1644, sur cette série volumétrique corrigée, on a des coefficients d’expansion de 7,64 % (mouvement unitaire) et de 24,7 % en tonnage. De 1644 à 1645, la contraction sur la série pondérée atteint, donc les proportions respectives de 14,4 % (mouvement unitaire) et de 21,4 % (mouvement en tonnage).
13777 navires, 25 286 toneladas, contre les 90 navires, 32 182 toneladas de 1644 et les 96 navires et 98 navires, les 29 905 toneladas et 29 512 toneladas de 1646 à 1647, bel et net ensellement entre un sommet ferme mais isolé et un plateau élevé sur deux ans, telle est, sans doute, la véritable situation, en conjoncture de 1645.
2. Confirmations parallèles
138On trouvera, pour justifier cette interprétation, de nombreux garants.
139a. Le complexe portuaire. — L’ensellement est particulièrement dessiné, si on se reporte aux grands axes internes du complexe portuaire163. Les navires marchands de Séville, 23 navires, 3 979 toneladas ne représentent guère plus que 50 % du niveau correspondant de 1644 (29 navires, 7 506 toneladas), 40 % à peine du niveau de 1646 (41 unités et 9 726 toneladas), moins même qu’en 1643, le meilleur terme de référence (31 navires, 4 517 toneladas). Le niveau des navires marchands de Séville s’apparente aux plus médiocres de tout le cycle. Seule, 1649 (14 navires, 3 310 toneladas) se creuse plus profondément sur cette série essentielle. Cette médiocrité traduit l’extrême modestie de la flotte de Terre Ferme164, pourtant, depuis longtemps différée de 1645, et qui se constitue sous le commandement de Don Gabriel de Espinola y Santiago.
140Médiocrité pour la même raison du niveau des navires marchands de Cádiz, 4 navires, 1 200 toneladas, soit le niveau le plus bas de tout le cycle, aussitôt après, celui de 1649. On aura observé le parallélisme étroit qui unit le destin des navires marchands de Séville et ceux de Cádiz.
141Il n’en va pas de même du niveau d'armada, 14 navires, 7 460 toneladas, soit en deuxième position dans le cycle, aussitôt après 1644, un peu plus même qu’en 1643 (12 navires, 7 146 toneladas). L’importance du niveau d’armada de 1645, est d’autant plus surprenant qu’il est imputable, à la différence de ce qui se passe en 1644 et même en 1643, à une seule unité, l’Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, du Capitaine Général Pedro de Ursua y Arismendi165, une des escadres records de l’histoire recensée de la Carrera. Cette importance considérable du niveau des navires d'armada, mais, surtout, leur fonction (un seul élément constitutif, l'Armada de la Guardia) n’est pas nécessairement un élément négatif. Quelle que soit la densité d’exportations qu’auront assumées les galions de 1645, on ne peut, quand même, leur attribuer une importance économique comparable à celle des navires marchands de Séville et Cádiz. Une étude attentive du complexe portuaire contribuera, donc, à affirmer vigoureusement l’ensellement du mouvement à la hauteur de 1646.
142b. Les axes du trafic166. — 1645, plus encore que 1643, à la différence de 1644, l’année heureuse d’une Carrera, un instant, superficiellement retrouvée, ne dessert qu’une fraction de l’espace américain. Rien en Nouvelle Espagne (1 navire, 90 toneladas, un simple aviso), rien pratiquement vers les îles (2 unités, 300 toneladas), tout pour la Terre Ferme (38 navires, 12 199 toneladas).
143A la différence des années précédentes — on pense à 1643-— on chercherait, en vain, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, une velléité sérieuse de faire plus et mieux. 1645 a été l’année d’un seul convoi. Quant à la flotte de Gabriel de Espinola y Santiago, si tardivement et si difficilement mise sur pied en 1645, cette unique flotte de 1645, n’est pas autre chose qu’une flotte différée de 1644.
144c. Les difficultés de l’année. — De la lecture de la correspondance de l’année se dégage une impression de lourdeur, de petites difficultés et de manque d’allant et d’enthousiasme167. Rien d’original, dans toute la série des pénuries énumérées..., rien d’original, rien de dramatique. Si ce n’est l’accumulation, le manque d’autre chose, qui en contrebalance l’effet.
145La correspondance de la Casa insiste, avec une particulière insistance, sur la pénurie des navires. On ne peut la mettre en doute, pour deux raisons, au moins.
146Cette pénurie s’exprime par l’extraordinaire rajeunissement du matériel naval, rajeunissement en contraction autour de l’année 1645, plus particulièrement168. L’âge moyen du matériel naval utilisé au cours de la première décade 1641-1645, était encore, autant qu’on puisse l’atteindre, de sept ans et trois mois, il tombe à trois ans, seulement au cours des années 1646-1650. Ce rajeunissement se traduit d’une manière concrète par un envahissement de l’Atlantique hispano-américain du Monopole par du matériel étranger. Cela est évident sur les tables statistiques correspondantes169. Cet envahissement est sensible d’une manière plus concrète encore dans la composition de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias de Pedro de Ursua y Arismendi170. Sur les quatorze navires qui la compose, quatre galions de Biscaye, seulement. Tous les autres bâtiments, huit hourques (dont une est spécifiée flamande), une saetia, une tartane sont, à peu près sûrement, des navires étrangers. L’armement et le matériel étrangers ont jusqu’en 1645 la meilleure part de l'Armada de la Guardia, entendez le cœur même de la Carrera. Une telle abdication se passe de commentaires. Elle fait, à elle seule, de 1645 une date capitale.
147On retiendra encore le tournant du mercure. L’approvisionnement tombe à 4 000 quintales171, au moment où, nous le savons par ailleurs172, la production de Huancavelica recommence à baisser, après la spectaculaire reprise de 1643 et 1644173. La meilleure source de l’époque174 nous donne, de 1614 à 1645, une chute du niveau de production de 8 521,68 quintales à 3 582,70 quintales. Il semble bien que dans le retournement mercuriel de 1615, la Nouvelle Espagne, de toute manière, à l'époque, de beaucoup la plus mal partagée, sous l'angle de l’approvisionnement de son industrie minière en mercure, ait été l’élément complètement sacrifié.
148d. Un élément de reprise : les Retours. — Et pourtant, l'ensellement de 1615 n’est qu’un phénomène passager, technique et presque comme extérieur à la conjoncture profonde du trafic. Le trafic n’a pas, au terme de 1615, épuisé les ressources d’une forte expansion cyclique si clairement manifestée en 1611. La masse importante des Retours qui arrivent dans le Guadalquivir le 11 janvier 1615, puis le 9 août175, va déclencher un mouvement de reprise, un moment différé.
149Ce sont les Retours de Nouvelle Espagne, surtout, qui retiendront l’attention, pour deux raisons. Parce que, pour la deuxième fois consécutive, les navires d’une Hotte de Nouvelle Espagne, la flotte en l’occurrence de Martin Carlos de Mencos, reviennent sous la protection de l'Armada de Barlovent de Fernández de Sousa y Suarez. Autrement dit, la Hotte de Nouvelle Espagne nous apparaît, avec quatre-vingts ans de retard, au moins, peu à peu saisie dans un processus analogue à celui de la flotte de Terre Ferme. Le trafic de la Nouvelle Espagne est donc, à son tour, envahi par les navires d'armada qui le protège, le renforce, se substitue à lui... Ce supplément de frais — entrave supplémentaire — n’aura pas été assumé de gaieté de cœur.
150On hésite, pourtant, à interpréter trop vite semblable phénomène. En tant que supplément de charge fiscale et que nouveau recul relatif du trafic en flotte devant le trafic d'armada, il peut être considéré comme un élément négatif de la conjoncture du trafic, en tant que renforcement de la puissance défensive du trafic, il est un signe de richesse et de vitalité.
151Vitalité relative, malgré les apparences,... préparation, en puissance, d’une nouvelle vague d’expnnsion qui vient. Tels sont bien, quand même, les aspects, qu’il faudra retenir.
3. Hypothèses
152Tous ces éléments, on les retrouvera, sans peine, dans le contexte des prix espagnols.
153On retrouvera, notamment, les trois strates de la conjoncture, tant des prix que de l’activité générale du trafic. Une phase longue de contraction qu’on laissera de côté, parce qu’elle a été démontrée, une fois pour toutes. Un intercycle de prospérité relative et, un moment, très court de difficultés particulières. Un intercycle de prospérité, de reprise et de hausse. Il n’y a pas à revenir, il se définit aisément, tant sur les prix nominaux176 compte tenu de la flambée inflationniste et de la retombée déflationniste de 1642177 que sur les prix-argent178 à condition de partir du creux apparent de 1642 et de suivre par la pensée, le mouvement des prix jusqu’en 1650. A cet égard, le trafic est bien porté, au début de 1644 à 1646-1647, par une belle poussée intercyclique. Quoiqu’il en soit, avec un minimum de recul, l’indice des prix nominaux andalous de 1645, 113,68 mis en regard d’une prime annuelle moyenne de l’argent sur le billon, monnaie réelle de 35,8 % seulement dans le même secteur géographique constitue un point haut à côté de l’indice réel andalou de 1642, 131,58 certes mais avec une prime de l’argent, dans les mêmes conditions, de 120,62 %. Point haut, certes, sur les indices des prix-argent pour l’ensemble de l’Espagne et sans contorsions dialectiques, de 101,45 en 1642 à 132,91 en 1645. Tout ce qu’on a pu dire d’un intercycle de hausse s’applique en 1645.
154A l’intérieur de cet intercycle, toutefois, 1645 est le lieu de difficultés passagères, à l’emplacement de la concavité de la courbe ascendante des prix. Sur les indices des prix nominaux andalous, l’indice 113,68 de 1645 est en recul par rapport aux indices 115,61, voire 114,14 de 1644 et 1643. Sur les prix-argent l’indice 132,91 de 1645 est en retrait par rapport aux indices 138,63 et 140,51 de 1644 et 1643. Après, la ligne ascensionnelle partie de l’indice 101,45 de 1642 poursuit son chemin, avec les indices 133,06 de 1646, 134,97 de 1647, 138,93 de 1648, 139,87 et 143,22 de 1649 et 1650.
155Une fois de plus, on ne peut qu’être frappé de l’absolue identité des comportements des trafics et des prix, identité poussée, cette fois, jusqu’au moindre contour du détail annuel.
156Mais l’essoufflement de 1645 n’est qu’un essoufflement de très faible durée, sans épaisseur et sans lendemain. Aussitôt passée, la robuste texture de l’intercycle de hausse réapparaîtra sur le devant de la scène. En 1646, c’est, à nouveau, l’expansion cyclique qui domine.
1646 : LA VÉRITABLE REPRISE
157Beaucoup plus qu’en 1644, dont 1616 accomplit les promesses, après le temps d’arrêt de 1645, c’est, en 1616, que se situe le sommet vrai de l’expansion cyclique de la fluctuation décennale 1612-1650. Pour l’établir, les preuves ne manquent pas et, tout d’abord, le découpage annuel du mouvement global.
1. La leçon des chiffres
158Entre 1615 et 1616, le mouvement retrouve, en Allers, voire même en Allers et retours, compte tenu de la correction qui s’impose pour les Retours de 1645179, sa marche ascensionnelle. Il va retrouver, du moins, les niveaux qu’il avait, une première fois atteints, déjà, en 1644.
159a. Allers. — C’est le mouvement conjoncturellement dominant. De 41 navires en 1615 à 65 navires en 1646180, de 12 579 toneladas à 19 285 toneladas, de 13 836,9 tonneaux à 21 213,5 tonneaux, soit un saut en avant de 58,5 % sur le mouvement unitaire, de 53 % en tonnage. Le niveau de 1616 égale en tonnage (19 285 toneladas) le mouvement de 1614 (19 375 toneladas), en réalité, économiquement, de par sa composition, il a beaucoup plus de signification que n’en avait celui de 1644.
160Paradoxalement, le recul du tonnage unitaire moyen constitue, ici, un facteur favorable, puisqu’il signifie une prolifération des flottes, sans précédent, depuis les grands jours lointains de la Carrera dominante. Pour mettre sur pied, comme on l’a fait, deux flottes et deux armadas, sans parler des sueltos181, il a fallu faire flèche de tout bois. D’où fléchissement du tonnage unitaire moyen, 358,8 toneladas en 1614 (en raison de l’importance exceptionnelle, alors, des navires d'armada), 306,8 toneladas en 1615,296,7 toneladas seulement en 1616. Comme l’accroissement quantitatif, ce tassement du tonnage unitaire est un signe de conjoncture favorable.
161Par rapport à la moyenne bloquée de 1644, l’écart positif de 1616 dépasserait légèrement même celui de 1614, un peu plus de 146 % par rapport au trend. Non seulement, en tonnage182, le niveau de 1616 est, pratiquement à égalité avec 161-1, le plus important de toute l’histoire de la phase descendante de la Carrera, mais, fait plus important encore, il est sur le mouvement unitaire, le mouvement record, de beaucoup, de toute la fluctuation 1611 et 1617 qui se classent derrière 1646, n’alignent que 54 et 51 navires), le mouvement unitaire record de toute la période qui va de 1638 à 1650. Facteur décisif qui, avec le fléchissement du tonnage unitaire, exprime une extrême tension dans l’utilisation de toutes les ressources de la Carrera et cette extrême tension est, évidemment, un signe non équivoque de pression conjoncturelle du trafic.
162b. Retours. — A s’en tenir aux leçons d’un découpage étroitement annuel, les Retours donneraient une note discordante, puisqu’on passe, sur la série des Retours, en volume, de 52 navires en 1645 à 31 navires en 1646, de 18 886 toneladas à 10 670 toneladas, de 20 774,6 tonneaux à 11 737 tonneaux, soit un recul respectif de 40,4 % sur le mouvement unitaire et de 43,5 % en tonnage, avec un léger tassement du tonnage unitaire de 364,6 toneladas en 1643, 363,2 toneladas en 1645 à 344,2 toneladas en 1646. Par rapport au trend (figuré provisoirement, on a vu pourquoi et comment183, par la moyenne médiane de 1644), on passe de 175 % environ en 1645 à un peu plus de 100 % (107 %), seulement en 1646. Il ne faut pas exagérer, toutefois, l’importance, même dans ces conditions, du recul, puisque le niveau du mouvement Retours reste supérieur à la moyenne. Par rapport à l’ensemble Allers et retours du mouvement volumétrique dans le cadre du découpage annuel, la part des Retours passe de la proportion anormalement gonflée de 60,03 % en 1645 à 34,65 % en 1646184, soit un pourcentage qui demeure malgré tout assez peu inférieur à la moyenne séculaire de participation des Retours au mouvement global 42 %185.
163Mais il est bien évident que ce mouvement ne doit pas être interprété comme un recul des Retours. 1646, bien au contraire, considéré avec un certain recul fait transition entre l’anomalie négative des Retours de 1644-1646 et l’anomalie positive des Retours de 1647 à 1649 qui prolonge au-delà de ses limites la zone d’expansion cyclique maximale.
164On a vu très longuement combien exceptionnelle était la situation des Retours de 1645186. 1646 ne marque pas autre chose que le retour à la normale. Mouvement constitué par une seule arrivée précoce187 à Cádiz, le 26 janvier 1646, entre deux années à double retour, 1645 et 1647188. La comparaison serait plus juste déjà entre le niveau corrigé, on a vu comment et pourquoi189 de 1645 et celui, brut, de 1646, soit de 36 navires, 12 707 toneladas à 31 unités et 10 670 toneladas, entendez une contraction beaucoup plus plausible, de l’ordre à peine de 20 %. Une autre comparaison plus juste, peut-être, encore, entre le niveau des Retours égalisé sur trois ans de 1643 à 1645, d’une part, soit, on vient de le voir, 36 navires et 12 707 toneladas et le niveau pareillement égalisé sur trois ans des Retours de 1646 à 1648, soit 38,6 unités et 12 290,3 toneladas supprimerait pratiquement toute trace de contraction (légère expansion du mouvement unitaire, très légère contraction volumétrique en raison d’un assez sensible tassement du tonnage unitaire).
165Tout cela pour signifier que le mouvement des Retours ne saurait être invoqué pour contredire la leçon des Allers. Elle seule est bonne, elle seule doit être retenue, pour éclairer l’ensemble du mouvement.
166c. Allers et retours. — L’impact des Retours se lit, naturellement, sur les globaux. C’est pourquoi, à suivre trop fidèlement, là aussi, les leçons étroitement reçues du découpage annuel, on s’exposerait à quelque déception. 1646 n’apparaît pas, tout de suite, comme le point haut du cycle. Avec 96 navires, 29 905 toneladas, 32 950,5 tonneaux190, il se classe à l’intérieur du cycle, en troisième position, pour le mouvement unitaire, après 1643 et 1647, en troisième position aussi, après 1643 et 1645, pour le tonnage. A une très faible distance, il est vrai, de ces termes de référence. Par rapport à 1645, on n’en décèlera pas moins un léger glissement en tonnage, de 31 465 toneladas à 29 905 toneladas, de 34 611,5 tonneaux à 32 950,5 tonneaux, de l’ordre de près de 5 % ; sur le mouvement unitaire, par contre, de 93 à 96 unités, il y a progrès, de 3,2 %, soit un tassement du tonnage unitaire de 347,5 toneladas en 1644, 338,6 toneladas en 1645 à 311,5 toneladas en 1646. Par rapport au trend représenté provisoirement, on a vu comment et pourquoi par la moyenne mobile médiane de treize ans bloquée de 1644191 la position de 1646 demeure très forte, un peu plus faible qu’en 1645 (135 %), mais, avec un peu plus de 131 %, pratiquement comparable à la position de l’année précédemment record de 1643 (131,14 %).
167Même acceptée comme telle, un moment, la position de 1646 sera renforcée encore par rapport au terme de référence de 1645, par la part occupée, dans ce total, par les Allers 39,97 % en 1645,65,35 % en 1646192. Elle sera renforcée encore, par l’effet cumulatif d’une position forte qui vient s’inscrire, après une autre position forte : 131 % par rapport à la moyenne, après 135 % 29 905 toneladas après 31 465 toneladas.
168En fait, on a vu combien la position de 1645 était soufflée193. Si on substitue pour 1645, au chiffre vrai du découpage annuel (93 unités, 31 465 toneladas) le chiffre corrigé, obtenu, on a vu comment, de 77 navires, 25 286 toneladas, on retrouve une marge substantielle d’expansion soit 26 % (mouvement unitaire) et 14 % (tonnage). Si on substituait, pour le calcul du mouvement global de 1646, au niveau vrai des Retours, le niveau pondéré sur trois ans, on a vu comment194, on] arriverait à comparer les niveaux respectifs de 77 navires et 25 286 toneladas pour 1645 et 103,6 unités et 31 575,3 toneladas pour 1646. Leur rapport (expansion de 33 % mouvement unitaire et de 27 % en tonnage) donne, vraisemblablement, le véritable rapport en conjoncture du mouvement sur deux ans, aussi dépouillé que possible de l’accidentel de mer et de guerre.
1. Confirmations latérales
169La conjoncture de 1646 est la plus haute depuis longtemps. 1646 constitue, sans conteste, le point culminant de l’expansion cyclique, les preuves abondent. Tous les tests habituels auxquels on est accoutumé de soumettre le mouvement répondent dans le même sens.
170a. Le complexe portuaire195. — Proportionnellement, si on tient compte de la composition des départs de 1646, on notera que la position de 1646 est beaucoup plus forte encore que le découpage annuel du mouvement global ne le laisserait penser.
171La catégorie la plus importante, celle des navires marchands de Séville, passe par un maximum en 1646. Le niveau en tonnage, 9 725 toneladas contre 3 979 toneladas, seulement, en 1645, est le niveau le plus élevé de toute la période qui va de 1640 à 1650. Mieux, si on se reporte non plus au tonnage mais, test presque plus important encore, au mouvement unitaire, on notera qu’avec 41 navires, la catégorie des marchands de Séville aligne en 1646 le plus grand nombre d’unités de toute la période de trente ans, qui va de 1621 à 1650. Corollaire de cette proposition, le médiocre tonnage unitaire de Tannée, 237,2 toneladas. On est frappé, dans la composition des flottes de Nouvelle Espagne196 et plus, peut-être, encore de Terre Ferme par la réapparition d’un matériel infime197. Cette réapparition traduit l’extrême tension conjoncturelle du trafic. Il est manifeste que pour faire face à une forte demande du trafic, il a fallu faire appel à un matériel de raccroc. Le seul matériel disponible en ces années de pointe, est toujours, en l’occurence, un matériel plus léger que celui en usage dans la Carrera198. Surtout, quand la guerre a procédé à un premier écrémage des disponibilités en gros bâtiments. Cette loi est encore vérifiable en 1646. Elle suffirait à montrer que la disparité entre le tonnage unitaire moyen des navires en usage dans la Carrera et les navires en usage dans les autres secteurs du trafic subsiste. C’est pourquoi, le fléchissement du tonnage unitaire sur le secteur dominant des navires marchands de Séville joint au gonflement du mouvement dans le même secteur constitue un signe sûr d’une forte poussée conjoncturelle.
172Beaucoup plus sensible et presque plus significative encore, la poussée des navires marchands de Cádiz, de 4 à 11 navires, de 1 200 toneladas à 2 940 toneladas, avec, circonstance aggravante, fléchissement du tonnage unitaire, de 300 toneladas en 1645 à 267,27 toneladas, seulement en 1646. Ce sont là, tous les signes précédemment rencontrés pour Séville. Il n’y a aucune raison de ne pas leur accorder, exactement, la même signification.
173Avec 11 navires et 2 940 toneladas, le niveau des Caditains est le plus élevé du cycle : il arrive presque à égalité avec le niveau de 1640 (11 unités, 3120 toneladas). Il l’emporte substantiellement sur les niveaux les plus élevés de la fluctuation cyclique (viennent immédiatement, après, les huit navires et 1 990 toneladas, les six navires et 1 700 toneladas de 1650 et 1614).
174Considéré dans son ensemble, le niveau des navires marchands, 52 navires, 12 665 toneladas, est le plus élevé du cycle. Il est dépassé de peu en tonnage, en 1640 (on a vu le caractère exceptionnel de la position de 1610)199. Mais sur le mouvement unitaire de l’ensemble marchand Séville-Cádiz, 1646 constitue le record, sur trente ans, de 1621 à 1650, au moins.
175Quant aux armadas, malgré la présence de deux unités, l'Armada de Barlovent de Juan de Urbina200 — la coutume s’est maintenant incrustée qu’elle accompagne la flotte de Nouvelle Espagne à l’Aller et au Retour — et l'Armada classique de la Guardia de la Carrera de Don Pedro de Ursua y Arismendi201, le niveau en reste relativement médiocre, 13 unités, certes, mais 6 620 toneladas, seulement, soit par ordre d’importance et fortement distancé, le troisième niveau seulement, par ordre d’importance de la fluctuation cyclique (assez loin derrière 1645, 14 unités, 7 400 toneladas, très loin derrière 1644, 19 unités, 10 169 toneladas). Ce tassement porte, surtout, sur l'Armada de la Guardia particulièrement modeste cette année, six galions, seulement202, 3 520 toneladas.
176Dans le contexte de l’année, le tassement de l'armada est un signe favorable, puisqu’il signifie simplement une substitution d’un élément économiquement moins dense par un élément économiquement plus dense. L’analyse détaillée du mouvement est donc largement positive.
177b. Nouvelle Espagne; Terre Ferme. — Élément positif, également, la répartition des navires entre les grands axes du trafic ?203 . Sur ce point, 1616 se désolidarise du creux relatif de 1615 et se rapproche de la situation de 1614. On notera dans un cas comme dans l’autre la masse considérable des navires qui vont en direction de la Nouvelle Espagne (30 navires, 10 970 toneladas en 1646; 29 navires, 10 159 toneladas en 1614) et de la Terre Ferme (29 navires, 7 610 toneladas en 1616; 19 navires, fi 206 toneladas en 1614), le faible niveau, par contre, de9 îles (6 navires, 705 toneladas en 1616, 6 navires, 1 010 toneladas). On notera, surtout, le remarquable équilibre des masses en direction des deux espaces fondamentaux de l’Atlantique do Séville, 30 navires d’un côté, pour la Nouvelle Espagne, 29 navires de l’autre, pour la Terre Ferme, 10 970 toneladas, d’un côté, 7 610 toneladas de l’autre. Cet équilibre dans l’expansion, on le sait, est un signe non équivoque de conjoncture cyclique haute.
178c. Chronologie. — Absolument indissociable des caractéristiques précédentes, l’extrême densité et régularité des départs, telle qu’on n’a rien vu de comparable depuis plusieurs dizaines d’années.
179Quelques avisos et sueltos, tout d’abord204-. Puis 1 'Armada de Barlovent. Elle part de Cadiz le 13 juin 1616, sous le commandement du capitaine général Juan de Urbina205. Fait très important, elle précède d’un an, en direction de la Nouvelle Espagne, l'armada y flota de Don Lorenzo Fernández de Córdoba206 qui part de Cadiz, le 12 juillet 1616, seulement. D’où écoulement plus régulier, présence plus largement étalée, situation meilleure. Il y avait longtemps qu’une telle situation ne s’était présentée pour le trafic, si tant est qu’elle ne s’était jamais présentée (soit deux convois en direction de la Nouvelle Espagne à moins d’un an d’intervalle).
180Après le départ de la flotte de Fernández de Córdoba, un aviso gagne Caracas207. Puis vient le lourd convoi destiné à la Terre Ferme qui quitte Cádiz le 31 août 1616208. Il est constitué par l’Armada de la Cuardia de Pedro de Ursua y Arismendi et la flotte de Terre Ferme de Don Juan de Izarraga209.
181Pour clore cette activité insolite, le départ d’un aviso, le San Francisco de Paula y San Juan Bautista qui part pour la Havane à la fin de l’année.
182Un flot à peu près continu s’est épanché, tout au long de l’été, du Guadalquivir, comme aux meilleurs jours de l’antique Carrière des Indes. On sera frappé, notamment, de l’extrême proximité des grands départs, 13 juin, 12 juillet, 31 août. Une situation aussi exceptionnelle, trois convois totalisant plus de 19 000 toneladas, dont les départs s’échelonnent sur deux mois et demi à peine, ne s’est pas vue depuis le temps révolu de la grande prospérité.
183d. Signes d’optimisme. — Nombreux sont, en outre, les signes autres, plus ou moins qualitatifs, de conjoncture haute. Le manque de marins est normal210. Il est signalé, comme un leit-motiv, quelle que soit la situation en conjoncture. Toutefois, en l’absence de signes tangibles d’intenses opérations militaires, le signe est plutôt favorable, il témoigne, comme le fléchissement du tonnage unitaire211 d’une utilisation, au maximum, des possibibtés de la Carrera.
184Signe non équivoque, par contre, les exportations de mercure, assez régulièrement réparties sur les convois212) (comme témoignage d’optimisme et de prévision de l’avenir.
185Infiniment moins contestable, si possible encore, le véritable empressement, on pourrait presque parler d’enthousiasme, des marchands lors des préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne213 On pourrait arguer, pour en limiter la portée, qu’il n’y a pas eu de flotte de Nouvelle Espagne en 1645 et que l’on bénéficiera, en 1646, sur cette voie du trafic, d’un phénomène bien connu de récupération. Par contre, il faut tenir compte du départ, un mois avant la flotte, de l'Armada de Barlovent. Lourd handicap, pour la mise sur pied d’un convoi marchand ordinaire. L’empressement des cargadores, malgré tout, est un élément décisif de conjoncture favorable.
186Presque plus décisifs encore, les préparatifs des deux convois de Terre Ferme. Venant en seconde, voire en troisième position, après l’énormité, trois ans durant, des départs en direction de la Terre Ferme (1645 : 38 navires, 12 199 toneladas ; 1644 : 19 unités, 8 206 toneladas ; 1643 : 34 unités, 11 359 toneladas), la flotte de Don Juan de Izarraga214 était une gageure, paradoxalement, menée à bien. Avant de s’exécuter, les cargadores se seront fait tirer l’oreille. S’ils ont fini par céder aux désirs du Consejo, c’est qu’en réalité, — nous les connaissons trop pour en douter — l’aventure les tentait. Nous disons, du moins, qu’avec l’appui du Consejo215, une majorité, voire une minorité puissante et décidée, s’est manifestée en faveur de l’entreprise, paradoxalement hardie, de la seconde flotte de l’année.
3. Hypothèses
187On ne peut imaginer un ensemble plus concordant de signes qui permettent de placer en 1646 le maximum d’expansion cyclique de la fluctuation décennale 1642-1650, un maximum d’expansion cyclique particulièrement appuyé, particulièrement vigoureux. Reste, sinon, à l’expliquer, du moins à l’éclairer par un contexte.
188Ce maximum correspond au démarrage d’une importante reprise des prix. Entre 1645 et 1656 un cycle extraordinairement vigoureux se dessine, sur les indices des prix espagnols. Ce cycle culmine entre 1650 et 1651. Ce cycle se caractérise, surtout, par l’énormité cancéreuse de sa phase descendante. Il est le type même du cycle de phase B. Les indices et graphiques de Hamilton216mis bout à bout permettent d’en dégager l’extraordinaire ampleur.
189En Andalousie, par exemple, — une fois de plus, on axera le raisonnement, valable pour l’ensemble des prix du Royaume de Castille (Andalousie, Nouvelle Castille, Vieille Castille-Léon), à l’exception de Valence, la méditerranéenne, l’extra-Atlantique, sur l’Andalousie, parce que son destin est le plus étroitement mêlé à celui de l’Atlantique de Séville, — on part de l’indice 113,68 (base 100, 1621-1630) pour arriver à 157,53 en 1650. De là, on redescend de l’indice 97,2 (base 100, 1671-1680)217 en 1651 à 61,6, seulement en 1656. Fait plus important encore, la montée sur cinq ans, sans repentir, suivie d’une contraction sur six ans, sans repentir, également. A la hausse l’écart entre le creux et le sommet est de 39 %, environ, à la baisse, calculée, dans les mêmes conditions, le dénivellement est de l’ordre de 57 %. La dissymétrie est plus forte encore, même, qu’il n’apparaît, puisque la prime de l’argent en terme de billon s’est accrue de 37,50 % en 1645 à 50 % en 1656.
190Mais la réalité n’est pas aussi simple. En effet, les prix ne sont pas seuls à intervenir. Parallèlement à la fluctuation des prix, une fluctuation de la prime de l’argent sur le billon se dessine. Elle part du creux de 1643-1644 au milieu de la grande vague déflationniste qui suit la brutale flambée de l’année 1642), avec des primes moyennes annuelles de 32,92 % et 32,29 %, en Andalousie, de 26,25 et 29,00 % en Nouvelle Castille, elle culmine en 1650-1651 Andalousie, moyenne annuelle de la prime en 1650, 50,06 %, trimestrielle d’octobre à décembre 1650, 57,33 % ; Nouvelle Castille, moyenne annuelle de 1650, 52,13 %, trimestrielle d’octobre à décembre 1650, 55,00 %, 53 % de janvier 1651 à janvier 1652 inclusivement) pour s’installer sur un creux relatif, dans une zone de stabilisation presque parfaite de février 1651 à décembre 1656 (pour la Nouvelle Castille la prime se maintient, sauf pendant deux mois, en novembre et en décembre 1653, où elle atteint 53 %, au niveau bas de 50 %).
191E.J. Hamilton, dans son étude consacrée à la période 1651-1700218, confère au désordre monétaire dans ses schémas explicatifs de la décadence économique de l’Espagne, un rôle capital (« Monetary disorder and économie decadence, 1651-1700 » constitue, en effet, un titre assez révélateur d’une préoccupation). Même sans attribuer au facteur monétaire un rôle démesuré, on peut se demander, à la lueur de la fluctuation dans l’Atlantique de Séville, si on n’est pas en présence d’un schéma que l’on pourrait ainsi résumer.
192La poussée inflationniste qui culmine entre 1650 et 1651 est la moins importante des trois flambées de la première moitié du xviie siècle (1626, 1642, 1650). Elle est, peut-être, pourtant, la plus destructrice, en raison d’une sorte d’effet cumulatif, au demeurant, assez compréhensible. L’inflation ne peut avoir une action tonique sur l’économie qu’au tout début de son déroulement, qu’en raison d’un effet de surprise, dans la mesure où elle n’est pas, tout de suite, reconnue et démasquée, en raison d’un certain décalage dans la chaîne des adaptations qu’elle commande. Après un quart de siècle d’accoutumance à l’inflation, l’effet de surprise n’est plus guère possible. C’est pourquoi, tout laisse à penser que la phase heureuse, que le moment euphorique de la troisième montée d’inflation du xviie siècle castillan aura été particulièrement brève, si tant est même qu’il faille lui faire un sort. On peut estimer qu’il n’aura pas pratiquement dépassé 1646, à peine mordu, à la rigueur sur 1647. Ou si l’on préfère, l’effet tonique de la montée des prix aura été effacé totalement dès 1648 par l’effet contrariant de la poussée inflationniste.
1931646, dans cette hypothèse, bénéficie d’une conjonction optimale. L’action tonique des prix qui démarrent219 n’est pas encore effacée par l’action contrariante d’une reprise hésitante d’inflation. 1646 se trouve donc, placée uniquement sous l’effet tonique de la reprise des prix. Prix nominaux andalous220 qui passent de l’indice 113,68 en 1645 à l’indice 123,62 en 1646. Prix nominaux en Vieille Castille-Léon où l’on retrouve le même effet d’anticipation qu’en Andalousie, de l’indice 103,42 en 1645 à l’indice 112,59 en 1646, prix-argent de l’indice 132,91 en 1645 à l’indice 133,06 en 1646.
IV. — 1647 : CONJONCTURE HAUTE. — VITESSE ACQUISE. HÉSITATIONS
194Mais cette relative euphorie ne va pas durer. Une analyse attentive de la situation du trafic en 1647 montre, tout de suite, des signes non équivoques de détérioration par rapport à la position unique de 1646. Détérioration des intenables positions de 1646. Certainement. Et pourtant, la rupture spectaculaire, le changement décisif d’accélération se produira, plus tard, seulement, entre 1647 et 1648. Et c’est, finalement, sur la lancée d’une poussée cyclique inespérée qui se prolonge au-delà de ce qu’on pouvait légitimement attendre, que se situe la décision hardie de l’héroïque compromis avec les Provinces Unies victorieuses. Ce compromis, on le sait, prolongera de onze ans la guerre européenne. On ne prend pas de telles décisions, sans l’espérance d’une revanche. 1647 brille, encore, de quelques feux à Séville.
195A la limite, 1647 peut encore se placer dans le prolongement de la prospérité de 1646. Le trafic se ralentit spontanément, dans la mesure où les Allers de 1646 ont bénéficié d’une situation insolente qui ne peut se reproduire, puisqu’elle se détruit d’elle-même, entendez le nœud spontané des Retours de 1645-1646. Aux 18 886 toneladas des Retours de 1645 dont la moitié gagne Cádiz, le 9 août 1645221, vient s’ajouter la totalité des 10 670 toneladas de 1646, entrées à Cádiz, le 26 janvier222 (Toute cette masse a pesé sur le destin des départs de 1646. Et c’est là, aussi, que réside la plus grande différence entre 1646 et 1647. En 1647, le contexte des prix castillans peut être le même, le volant des Retours manque.
196En effet, si le contexte des prix reste très proche (la poussée se ralentit mais la hausse se poursuit sur les prix nominaux andalous223, par exemple, les tendances inflationnistes224 (cessent de s’accroître, elles cèdent, même, pour un temps, un peu de terrain), en 1647 de ce qu’il était en 1646, 1647 ne bénéficie pas du nœud des Retours qui explique beaucoup du succès de 1616. D’où une différence de tonus sensible d’une année à l’autre.
197Cette détérioration des positions (détérioration sans rupture), elle apparaît, déjà, sur le découpage annuel du mouvement global.
LA LEÇON DES CHIFFRES
198Malgré un certain nombre d’analogies, qu’une analyse plus poussée ne manquera pas de faire ressortir, il existe des différences substantielles entre 1647 et 1646. Ces différences apparaissent déjà sur le découpage annuel du mouvement global.
1. Allers
199En Allers, surtout, en effet, on notera entre 1646 et 1647 un retrait décisif du mouvement225 (de 65 navires à 48 navires, de 19 285 toneladas à 14 524 toneladas, de 21 213,5 tonneaux à 15 976,4 tonneaux, soit de 26 % sur le mouvement unitaire et de 24,7 % en tonnage. Le tonnage unitaire se maintient sur un niveau relativement bas pour l’époque : 358,8 toneladas en 1644,306,8 toneladas en 1645, 296,7 toneladas en 1646 et 284,8 toneladas en 1647. Une partie des raisonnements qui ont été construits sur l’interprétation en conjoncture du fléchissement du tonnage unitaire restent valables en 1647226. Il prouve, vraisemblablement, une certaine tension sur l’utilisation du matériel. Il faut donc le retenir, malgré la baisse, du tonnage global, comme un facteur plutôt favorable.
200Par rapport à la moyenne bloquée de 1644227, le pourcentage d’écart passe d’une année sur l’autre de 146 % en 1646 à 110 % environ en 1647. Replacés dans l’ensemble du cycle, les chiffres de 1647 (51 navires, 14 524 toneladas) viennent immédiatement, en troisième position après 1644 et 1646, ils ne seront plus, même d’assez loin égalés jusqu’en 1650 inclusivement. Ces éléments concordants permettent d’arriver à une préconclusion que la suite confirmera : 1647, sur le mouvement capital des Allers, bien qu’en recul sur 1646, reste nettement en expansion.
2. Retours
201Le recul des Allers est, en partie, compensé, dans la mesure où, en conjoncture, la substitution est possible, ce qui n’est pas complètement vrai, par le progrès des Retours. De 31 navires en 1646 à 47 navires en 1647228 (de 10 670 toneladas à 14 988 toneladas, de 11 737 tonneaux à 16 485,8 tonneaux, le progrès est respectivement de 51,6 % sur le mouvement unitaire et de près de 40,5 % sur le mouvement en tonnage, tandis que le tonnage unitaire des Retours passe de 363,1 toneladas en 1645, 344,2 toneladas en 1646 à 318,9 toneladas en 1647. Le mouvement Retours de 1647 répercute donc, le tassement du mouvement Allers, au cours des années précédentes, tandis que diminue l’écart du tonnage unitaire entre les Allers et les Retours (284,8 toneladas à l’Aller, 318,9 toneladas au Retour).
202Cette diminution de l’écart qui sépare normalement le tonnage unitaire des Allers et des Retours s’explique par le fait qu’en 1647, on entre, sur trois ans, dans une des périodes d’anomalie positive des Retours les plus caractéristiques de toute l’histoire de la Carrera. Les Retours, avec 47 unités et 14 988 toneladas dépassent légèrement en tonnage en 1647, le volume des Allers, 51 unités et 14 524 toneladas, soit 50,79 % des Allers et retours229. L’anomalie ira s’affermissant et s’accentuant encore, en 1648 (Retours 63,31 %) et en 1649 (59,33 %) si bien qu’au terme de cette période de trois ans en 1649, les Retours auront constitué 57 % de l’ensemble du mouvement Allers et retours230, alors que la moyenne est de 42 % seulement. Quelle que soit la manière dont on le calcule, on est bien en présence d’un mouvement positif des Retours231 (avec deux convois, celui des deux armadas (Armada de la Guardia et Barlovent) et de la flotte de Terre Ferme qui arrive à Cádiz le 26 avril 1647232 (et celui de la flotte de Nouvelle Espagne qui entre dans Cádiz, le 19 août de la même année233. Par rapport à la moyenne mobile bloquée de 1644, la position des Retours de 1644 est forte, dans le cadre du découpage annuel, 145 %, environ contre 107 % en 1646 et 175 % en 1645.
3. Allers et retours
203Si on s’en tient à la leçon fièdle du découpage annuel, 1647 se situerait sur un plan d’égalité avec 1646,... qui est un plan de fausse égalité. De 96 unités à 98 unités et de 29 905 toneladas à 29 512 toneladas (de 32 950,5 tonneaux à 32 463,2 tonneaux)234, il y a, d’une part, progrès de 2,1 % sur le mouvement uni taire, recul de 1,3 % en tonnage, avec léger tassement du tonnage unitaire de 347,5 toneladas en 1644, de 338,6 toneladas en 1645, 311,5 toneladas en 1646 à 301,14 toneladas en 1647. Par rapport au trend, figuré par la moyenne bloquée de 1644, le mouvement se maintient à un niveau très fort, 130 % environ. Cette situation est renforcée, encore, par l’effet cumulatif d’une position forte qui vient s’inscrire après deux positions également fortes, 130 % après 135 % en 1645 et 131 % en 1646.
204Compte tenu du rôle joué par les Retours dans ce mouvement, compte tenu de la rupture de pente qui se place entre 1647 et 1648, on a l’impression d’une activité exceptionnellement forte pour la période dans laquelle elle se situe, mais qui est légèrement en perte de vitesse, puisqu’elle ne se soutient plus que par le volant des Retours. Superficiellement, on pense à 1610235, dont la masse considérable des Retours soutient, après deux années de trafic élevé, le niveau des globaux.
LES CONFIRMATIONS PARALLÈLES
205Ce verdict de conjoncture haute dans le cadre du cycle mais de difficultés naissantes par rapport à la position exceptionnelle de 1616 sera abondamment confirmé.
1. Le complexe portuaire236
206On observera que le recul de 1647 par rapport à 1646 a porté presque exclusivement sur le mouvement économiquement moins sûr des armadas, de 13 navires à 8 navires, de 6 620 toneladas à 3 860 toneladas. Par rapport au mouvement d'armada de 1646, les Allers apparaissent débarrassés de l'Armada de Barlovent, celle dont la portée économique est vraisemblablement la moins considérable, pour ne conserver que l'Armada de la Guardia dont la portée est évidemment la plus lourde.
207Quant au reste, il en résulte une extrême solidité du mouvement des navires marchands. Certes, Cádiz recule de 11 navires en 1646 à 5 navires en 1647, de 2 940 toneladas à 1 520 toneladas, mais Séville demeure, par contre, à un niveau très élevé et presque identique à celui de l’année précédente, 38 navires au lieu de 41 navires en 1646, 9 141 toneladas au lieu de 9 725 toneladas, l’année précédente. Le tonnage unitaire des navires marchands de Séville a baissé encore de 1646 à 1647 (300 toneladas en 1645, 267,27 en 1646 et 240,6 toneladas, seulement, en 1647). Il va sans dire que les schémas proposés, à cet égard, en 1646237, s’appliquent pleinement, à plus forte raison en 1647. L’utilisation de petits navires dans les flottes de 1647 plus, peut-être, encore que dans celles de 1646238 (est un signe d’une utilisation maximale du matériel naval disponible pour les besoins du négoce. Si on en croit la leçon du tonnage unitaire des navires marchands de Séville, la tension n’a pas baissé de 1646 à 1647. Il pourrait difficilement en être autrement, si on songe que les départs de 1646 ont été favorisés par le gros nœud des Retours d’août 1645 à janvier 1646, tandis que ceux de 1647 sont, en quelque sorte gênés par le long silence des Retours sur quinze mois du 26 janvier 1646 au 27 avril 1647239. Les premiers retours de 1647 ne pourront participer qu’aux derniers départs de l’année, c’est le cas, par exemple, des galions de l'Armada de la Guardia arrivés le 26 avril 1647 que l’on retrouve, six mois plus tard, dans le convoi en partance de Cádiz le 17 octobre de la même année.
2. Nouvelle Espagne et Terre Ferme240
208Comme en 1616 — les analogies sont nombreuses entre la structure du trafic au cours de ces deux années — les départs en direction des deux espaces géographiques fondamentaux des Indes s’équilibrent. La disparition, toutefois, au départ de 1647 de l'Armada de Barlovent bien représentée en 1646 assure le pas à la Terre Ferme.
2091647 réussit à mettre sur pied deux flottes et une armada. C’est l’essentiel de ce qu’il nous faut retenir. Le facteur est évidemment favorable.
3. Les difficultés de l’année
210Il n’y a pas, toutefois, dans le portrait que l’on peut donner de l’année 1647 que des éléments positifs.
211Le premier élément, le moins contestable, est fourni par la chronologie. Les départs sont tardifs, 13 juillet pour la flotte de Nouvelle Espagne, 17 octobre pour l'armada et la flotte de Terre Ferme241. Pour la deuxième année consécutive, la Carrera a réussi le tour de force des deux départs consécutifs, mais elle n’y est parvenue en 1647 qu’au prix d’une extrême tension. Ces deux dates prennent toute leur valeur, rapprochées de celles de l’année précédente, 13 juin, 12 juillet et 31 août 1646242. Que ces dates ne soient pas souhaitables, les épreuves de la flotte de Nouvelle Espagne le prouvent243.
212C’est la certitude, enfin, d’une tension croissante, une tension qui contraste avec la relative euphorie des préparatifs hâtifs de 1646, la grosse affaire des manifestaciones du Retour de 1647244.
213Si le Roi manifeste ses prétentions fiscales, c’est peut-être, qu’il a conscience de perspectives meilleures, ou peut-être que ses besoins d’argent sont plus considérables, mais c’est plus simplement que l’atmosphère est devenue moins bonne qu’en 1646 dans le Guadalquivir.
214C’est en 1647, aussi, que se manifestent avec plus de violence les tensions autour de l'Armada de Barlovent. Affaires des manifestaciones, différend sur l’Armada de Barlovent, signifieraient, si besoin en était, une lente dégradation de l’atmosphère incomparable de 1646.
HYPOTHÈSES
215Il suffit, pour éclairer le contexte économique du trafic de 1647, de reprendre les hypothèses avancées, pour éclairer le mouvement de 1646245.
216Aucun des éléments favorables de 1646 ne s’est sensiblement modifié en 1647. Tout au plus, l’impetus reçu entre 1645 et 1646 se sera dissipé. Entre 1646 et 1647, la marche ascendante des prix est virtuellement stoppée (de l’indice 123,62 à l’indice 125,69 pour les indices andalous, mais de l’indice 113,17 en 1646 à l’indice 109,18 en 1647 et de l’indice 112,59 à l’indice 109,25 pour la Nouvelle Castille et la Vieille Castille-Léon246 ; la montée Valencienne de 106,72 à 115,69 importe peu ; quant à l’indice global des prix-argent, malgré l’influence aberrante de Valence, il bouge peu de 133,06 à 134,97247, les indices de 1647 n’en consolident pas moins, les positions de 1646.
217L’inflation248 cède à nouveau du terrain. Elle ne deviendra contrariante qu’à partir de 1648. C’est en 1648, d’ailleurs, que le paradoxe de cette impossible prospérité va céder le pas à la vague profonde de la contraction.
V. — 1648 : RUPTURE ET CONTRACTION
218La contraction de 1648 surprend par sa prodigieuse ampleur et par la soudaineté avec laquelle elle se manifeste. Le commerce débouche, pratiquement, sans transition — dans la mesure où 1647, plus marquée par la prospérité des années précédentes que par la contraction qui vient, ne fait pas vraiment transition — d’une expansion cyclique extraordinaire sur une zone d’extrême contraction. 1648-1649, en Allers et c’est en conjoncture ce qui compte, 1649-1650, en Retours et en Allers et retours constituent l’exacte symétrique de la période 1641-1642, 1640-1641249.
219Le creux qui se dessine à la hauteur de 1648, quelles que soient les définitions qu’on choisisse, fait un contraste absolu avec le sommet cyclique des années précédentes. De 1648 à 1649, les Allers, sur deux ans, s’élèvent à 47 unités et 14 133 toneladas, soit beaucoup moins qu’en une quelconque des belles années précédentes. La position de 1648-1649 ne dépasse que de peu le niveau bas correspondant de toute l’histoire de la Carrera, de 1641 à 1642, soit 56 navires et 11 485 toneladas. En Retours, 1649-1650 est plus creusé, même que son symétrique de 1640-1641, soit 41 navires, 13 099 toneladas, contre 42 unités et 13 646 toneladas, lors de la grande rétention des années 40-41. En Allers et retours, même comportement de 1649-1650, 110 navires, 32 691 toneladas, soit, sur le mouvement unitaire, 4,76 % de plus seulement, 4,3 % de plus en tonnage qu’au cours du terme de référence de 1641-1642, avec ses 105 navires et 31 331 toneladas.
220Ce n’est pas seulement sur deux ans que le creux se dessine, mais sur l’ensemble des trois dernières années de nos séries : 1648-1649, 1650, années des traités de Westphalie, de la Fronde en France, de la reconversion de la guerre, années, aussi, au cours desquelles la pression militaire se relâche grandement, dans le vieil Atlantique fusiforme du Monopole battu en brèche.
221De 1648 à 1650, 93 navires, à l’Aller, représentant 26 251 toneladas : c’est le creux le plus profond, toutes choses étant égales, de toute l’histoire de la Carrera, à l’exception de son seul homologue possible, le groupe triennal de 1640 à 1642, avec 104 navires et 24 578 toneladas (ce que perd, d’un côté, le mouvement unitaire, la taille moyenne des navires le rattrape de l’autre). A titre de référence, dans un cadre homogène, il suffit [de rappeler le niveau du mouvement Allers sur trois ans, de 1644 à 1646, 160 navires, 51 239 toneladas. La différence entre les niveaux respectifs, sur trois ans, de 1640-1642, 1648-1650, d’une part et 1644-1646, d’autre part, se situe donc, dans l’ordre du simple au double.
222Pour les Retours, l’ensemble des années 1648-1650, bien que fortement déprimé, n’en dépasse pas moins, substantiellement, le terme de référence de 1640-1642 : 79 unités, 24 572 toneladas, soit par rapport aux 59 navires et 22 326 toneladas des années 40, 33,9 % (mouvement unitaire) et 10,6 % (en tonnage) de plus. L’écart n’en reste pas moins pratiquement, aussi, dans l’ordre du simple au double avec le sommet triennal de 1644-1646, soit 130 unités et 44 284 toneladas de 1644 à 1646. Pour les Allers et retours, 1648-1650 constituent, bien sûr, un creux d’une extrême vigueur, 172 unités, 50 823 toneladas, de 5,5 % à peine, supérieur aux 163 navires de la période de référence 1640-1642, de 8 % supérieur aux 46 904 toneladas de 1640-1642, mais qui ne représentent encore, que moins de 60 % des trois années conjuguées du sommet cyclique de 1645 à 1647, soit 287 unités et 90 882 toneladas.
223La mutation — le mot n’est pas trop fort — qui fait passer le mouvement du plan de l’expansion cyclique au plan de la contraction (le rapport qui sépare les deux éléments du cycle est celui du simple au double) se situe très exactement entre 1647 et 1648. Non seulement les niveaux quantitatifs changent brusquement, doublant, pratiquement, mais la structure du trafic, également, se modifie fondamentalement du jour au lendemain.
2241648 nous introduit, donc, brutalement sur un plan de contraction de trois ans. Cette mutation, on peut l’affirmer, est purement « économique ». Puisque 1648 introduit la Carrera dans une série de circonstances favorables. Le « décrochement », au début de l’année de la guerre hollandaise, la relative pacification de la mer sur plusieurs années compense, matériellement du moins, pour Séville et ce qui reste de son Atlantique, les défaites de Lens et l’abandon de l’Empire. La contraction de l’année se situe, paradoxalement, entre le facteur favorable de la pacification hollandaise et les événements malheureux de Lens, de Bohême et de Westphalie.
225La reconversion de la grande politique européenne, l’abandon de l’Empire sont une conséquence lointaine des catastrophes des années 1638-1642. Cette reconversion dramatique, comme solution ultime, a été dessinée de longue date. Elle se réalise en 1648. Tel qu’il est décidé et exécuté en 1648, on ne peut considérer l’abandon de Westphalie comme une défaite. Il est du côté espagnol acte de courage, résolution héroïque.
226Et pourtant, Séville ne l’aura pas moins ressenti comme une défaite. Et ce qui est plus surprenant, de prime abord, elle l’aura effectivement ressenti, car il faut bien se rendre à l’évidence, le psychisme collectif des gens d’affaires est beaucoup moins insensible au « politique » qu’on ne l’aura cru parfois. Curieux hommes d’affaires de Séville, sensibilisés, en quelque sorte, par une rude expérience aux malheurs d’un Empire leur patrie, dont ils ont tiré profit, d’abord, puis au destin duquel ils furent, bon gré, mal gré, sacrifiés. Les dures réalités politiques de 1648 les affectent plus cruellement peut-être, qu’on ne serait, d’abord, enclin à le croire.
227Matériellement, pour Séville — apparemment tournée d’abord vers la mer — les règlements politiques de 1648 ne peuvent être que favorables. Dans la mesure où ils apportent la promesse d’une pacification sur la mer, dans la mesure où ils apportent un relâchement de l’effort financier d’une guerre stérile sur la terre. Et c’est précisément lors de ces événements doublement heureux, que se produit le retournement du trafic. Faut-il admettre que ce retournement a influencé les décisions espagnoles de Westphalie ? Certes, non. Ou plutôt, ce qui aura, peut-être, influencé les décisions espagnoles face à Westphalie, ce sont les perspectives heureuses de trois à quatre années d’expansion cyclique inespérée dans l’Océan. Au prix d’un allègement de ses charges, le vieil empire conservait suffisamment de chimériques espérances pour continuer une lutte dont la folie n’a d’égale que la grandeur.
228Mais le retournement de 1648, sous l’angle du trafic de Séville, a d’autres causes que les décisions capitales de la grande politique. Il résulte, dans une certaine mesure, bien sûr, de l’essoufflement naturel d’une expansion qui est arrivée à son terme spontané. Il résulte, bien plus encore, de la peste qui ravage, aux Indes, côtes et ports. La contraction des années 1648-1650 se désolidarise, spectaculairement, de la grande politique européenne. Elle est le signe clinique d’une extrême fatigue, d’une fatigue qui, en France, s’appelle la Fronde.
LA LEÇON DES CHIFFRES
229La rupture, le changement de plan se note, d’abord, dans les chiffres du découpage global annuel. En Allers, surtout. D’où sa dramatique importance.
1. Allers250
230De 51 navires à 24 navires, de 14 524 toneladas à 6 649 toneladas, de 15 976,4 tonneaux à 7 313,9 tonneaux, la contraction est de l’ordre respectivement de 53 % et 55 %. Par rapport à ce terme de référence plus symptomatique, encore, de l’expansion de 1646, le reflux de 65 à 24 unités et de 19 285 toneladas à 6 649 toneladas est de l’ordre, très exactement, des deux tiers. Par rapport au trend (constitué, on a vu pourquoi251, par la moyenne mobile bloquée de 1644), la mutation est totale, de 146 % en 1646 et 110 % encore en 1647 à moins de 51 % en 1648. Ces chiffres se passent d’autant plus de commentaires qu’ils traduisent, pour une fois, directement, sans précautions dialectiques, la réalité conjoncturelle du trafic.
231Le tonnage unitaire moyen continue à évoluer sur une pente descendante : 306,8 toneladas en 1645, 296,7 toneladas en 1646, 284,8 toneladas en 1647 et 277 toneladas seulement en 1648.
232La chute du tonnage unitaire, entre 1647 et 1648, n’est pas du tout imputable au schéma invoqué252 (au cours des années précédentes. Tout au contraire. Il exprime une détérioration non une utilisation, au maximum, des possibilités de la Carrière des Indes. La brutale chute du tonnage unitaire est due, comme le montre bien le tableau des départs253, à la disparition de l'Armada de la Guardia et à la prolifération relative des avisos et simples sueltos. Une semblable structure (réduction des convois et prolifération relative des sueltos pour assurer les liaisons impériales indispensables) est caractéristique même de la crise de conjoncture.
2. Retours254
233Les Retours, par contre, résistent beaucoup mieux. On est à l’apogée, en effet, de l’anomalie positive des Retours, avec un pourcentage de 63,32 %255 (aux globaux Allers et retours. De 47 navires à 38 navires, de 14 728 toneladas à 11 473 toneladas, de 16 486,8 tonneaux à 12 620,3 tonneaux, la contraction est sans commune mesure, avec celle des Allers, 19,15 % et 22,2 % respectivement sur les mouvements unitaires et en tonnage, tandis que le tonnage unitaire, calque fidèle, à distance, des Allers, continue à baisser de 363,2 toneladas en 1645, 344,2 toneladas en 1646, 318,9 toneladas en 1647 à 301,6 toneladas en 1648. Dans le même temps, l’écart des tonnages unitaires (Allers 277 toneladas, Retours 301,6 toneladas) continue à diminuer, comme il est logique, en période de contraction générale caractérisée, comme c’est le cas, ici, par une forte anomalie positive du mouvement Retours.
234La position forte des Retours, malgré cette contraction, s’établit facilement par rapport au trend (constitué là encore par la moyenne mobile bloquée de 1644). Non seulement tant en valeur absolue que relative, la position de 1648 surclasse celle de 1646, mais elle reste largement positive par rapport à la moyenne : 175 % en 1645, 107 % en 1646, 145 % en 1647 et presque 115 % en 1648. L’importance des Retours est prouvée, encore, comme en 1647 et en 1645, par le régime des deux convois : l'Armada de la Guardia et la flotte de Terre Ferme, à Cádiz, le 14 mai 1648, la flotte de Nouvelle Espagne, à Cádiz, le 28 août256, sans parler des huit navires, au moins, qui arrivent en dehors des convois257.
3. Allers et retours258
235De 98 navires à 62 navires, de 29 512 toneladas à 18 122 toneladas, de 32 463,2 tonneaux à 19 934,2 tonneaux, soit un repli relatif de 36,5 % et 38,6 %, respectivement, sur les mouvements unitaires et en tonnage. Le tonnage unitaire fléchit sensiblement de 347,5 toneladas en 1644, 338,6 toneladas en 1645, 311,5 toneladas en 1646 et 301,14 toneladas en 1647 à 292,3 toneladas en 1648.
236Par rapport au trend (représenté par la moyenne bloquée de 1644), on passe de 135 % en 1645, 131 % en 1646, 130 % en 1647 à 79 % en 1648.
237De 130 % à 79 %, on voit où se situe la mutation. Cela d’autant plus que la modification du volume des Allers et retours traduit assez bien, en l’occurrence, la modification de la conjoncture du trafic.
CONFIRMATIONS PARALLÈLES
238Tout confirme la mutation du trafic.
1. Le complexe portuaire259
239Apparemment, la répartition du trafic entre les grandes ventilations du complexe au départ semble minimiser la portée de la dénivellation. En effet, la catégorie armada disparaît. Les deux catégories les plus lourdes, marchands de Séville et marchands de Cádiz, se maintiennent, de ce fait, à un niveau exceptionnellement élevé, de 38 navires en 1647 à 22 navires en 1648, mais de 9 144 toneladas à 5 429 toneladas pour Séville, de 5 navires à 2 navires, de 1 520 toneladas à 1 220 toneladas pour Cádiz.
240Faut-il, pour autant, parler de variation atténuée ? Certes, non. Puisque l’élément armada qui manque, l’Armada de la Guardia est une pièce économique maîtresse. D’autre part à côté de l’unique convoi réduit qui part vers la Terre Ferme sous le commandement de Juan de Pujadas y Gamboa, il y a beaucoup de sueltos et d’avisos de portée économique médiocre.
2. Terre Ferme et Nouvelle Espagne
241En 1648 un seul départ, en convoi, en effet et de quelle médiocrité : une flotte croupion de Nouvelle Espagne de seize navires.
242Pour la première fois, depuis 1645, on voit réapparaître le profond déséquilibre des années de crise. Pratiquement rien vers la Terre Ferme260 : 4 navires, 300 toneladas, le niveau le plus dérisoire de tout le cycle. Dans ce sens, le déséquilibre, presque plus symptomatique encore, n’a pas joué depuis 1642. Tout le mouvement, pratiquement, est concentré vers la Nouvelle Espagne (17 navires, 5 820 toneladas), puisque les îles ne reçoivent que trois navires et 529 toneladas. Une telle mutilation affirme l’ampleur de la catastrophe.
243Un seul convoi, un convoi tardif — la flotte de Pujadas y Gamboa part le 10 juillet261. Pas d'Armada de la Guardia. Sacrifice d’autant plus inouï que les Retours arrivent et qu’à la limite, ils arrivent à temps262.
244A l’origine de cette fabuleuse mutilation, il y a la peste. Les nouvelles qui parviennent des ports d’Amérique où elle sévit, de la Havane, surtout, n’ont pas dû faciliter la mise en œuvre des convois de 1648. Il y a les déboires, aussi, de cette flotte de Nouvelle Espagne trop tardive263toute disjointe, toute disloquée. Il y a les mauvaises nouvelles de Puerto Rico.
245Par opposition, on peut apprécier la chance de 1646. Il suffit de voir à travers la correspondance de la Casa comme l'armada et la flotte de Terre Ferme échoueront264. Suivant le schéma classique des mauvaises années, on les retrouvera, mais en 1649265, seulement. Elles constitueront, alors, la quasi totalité des départs. La mise en parallèle, avec 1646, montre bien que, lorsque le négoce ne veut pas le départ d’un convoi, il est à même de l’empêcher.
3. Dégradation qualitative
246Cette dégradation, enfin, autant qu’il est possible de l’apprécier, n’est pas purement quantitative. Elle est, en outre, qualitative. On n’est pas en présence d’un simple goulot d'étranglement technique, de la nature de ceux qui affectèrent le trafic de 1590 à 1592, au lendemain de l'Invincible Armada266, mais d’une défaillance sui generis du négoce.
247En faveur de cette hypothèse, on invoquera le chiffre des Retours en valeur de 1649267. Chiffres douteux certes, hypothèse légère, sans conteste. On aura noté que le niveau présumé des Retours, en valeur de 1619 est inférieur, encore, au niveau très bas, on l’a vu, de 1642268. On peut donc en déduire que les exportations de 1618 ont été faibles, selon toute vraisemblance.
248La mutation récessive de 1648 n’épargne rien. Elle n’affecte pas seulement des volumes, mais aussi, autant qu’on puisse en juger, des valeurs.
HYPOTHÈSES
249A l’origine de cette mutation, il y a, d’abord, l’épuisement naturel des facteurs de hausse, après trois à quatre ans d’une expansion cyclique d’une rare ampleur. Il y a, surtout, la peste. Plus encore que l’attaque contre Puerto Belo, elle est pour beaucoup dans le déclenchement du mécanisme récessif. Quant au reste, il suffit de se reporter au schéma proposé269.
250Entre 1617 et 1618, l’indice vital des prix nominaux andalous plafonne270, de l’indice 125,69 à l’indice 126,44. Dans l’ensemble, pourtant, les prix-argent le montrent bien, de 1646 à 1648271, la hausse s’est poursuivie, lentement, mais sûrement.
251Mais c’est alors qu’intervient le schéma proposé, l’effet excitant que cette tendance à la hausse aurait pu avoir nous paraît neutralisé, par la tendance clairement manifestée, cette fois, au dérèglement monétaire. C’est en 1618 que l’inflation reprend272. Sur un corps sensibilisé aux effets nocifs de l’inflation cette poussée inflationniste neutralise ce que la hausse des prix aurait pu apporter d’encouragement. Le schéma jouera mieux, encore, en 1619. Pour anticiper d’un an la catastrophe, la peste américaine suffit.
252Il n’est pas impossible qu’elle ait, à son tour, en limitant les arrivées d’argent273, contribué à accentuer les tendances inflationnistes d’une économie monétaire malade et, de plus, soumise aux exigences d’une guerre qui continue.
VI. — 1649 : AU CREUX DE LA VAGUE
2531649 est, à bien des égards, au creux de la grande contraction cyclique du demi-siècle, malgré certaines apparences contraires, ne serait-ce qu’en raison de la chronologie des départs et de l’effet cumulatif de la contraction.
LA LEÇON DES CHIFFRES
254Ce qui compte, en présence des chiffres, en 1649, ce n’est pas tant qu’ils accusent un léger progrès par rapport à 1648, mais bien qu’ils confirment les verdicts de la catastrophe de 1648.
1. Allers
255De 24 navires en 1648 à 23 navires en 1649, le mouvement récessif semble continuer, soit une contraction de plus de 4 % et un niveau unitaire qui ne représente plus guère que le tiers du niveau de 1646, soit 65 navires, mais de 6 649 toneladas à 7 474 toneladas, de 7 313,9 tonneaux à 8 221,4 tonneaux, par contre, il y a un léger progrès, de l’ordre de 11 %. Cette croissance est due, uniquement, à une modification du tonnage unitaire. Ce dernier retrouve un niveau plus normal après le creux de 1647 et de 1648, 306,8 toneladas en 1645, 296,7 toneladas en 1646, 284,8 toneladas en 1647, 277 toneladas en 1648 et 324,8 toneladas en 1649. En fait, par rapport au trend (constitué provisoirement, par la moyenne mobile bloquée de 1644), on voit clairement que la mutation est maintenue : 146 % en 1646,110 % en 1647, 51 % en 1648, un peu moins de 57 % en 1649274.
256L’augmentation du tonnage unitaire ne signifie pas autre chose que l’opposition d’un trafic centré en 1648 autour de la flotte de Nouvelle Espagne et, en 1649, autour de l'Armada de la Guardia.
257Mais quand on regarde les choses de plus près, on s’aperçoit que loin d’une amélioration même infime, entre 1648 et 1649, on a, au contraire, la certitude d’une aggravation maximale de la situation. En effet, le départ de l’unique convoi de 1649, se place à la fin janvier (l'Armada quitte Cádiz le 29 janvier 1649)275. L'Armada276 de Carlos Martin de Mencos et les quelques navires marchands qui l’accompagnent (c’est tout ce qui reste de l’antique flotte de Terre Ferme), c’est le départ différé, dont les préparatifs malheureux se sont échelonnés, on vient de le voir, tout au long de l’année 1648. Un convoi est parti le 13 juillet 1647, un autre, le 17 octobre 1647, un autre, le 10 juillet 1648, un, enfin, le 29 janvier 1649. On voit le rythme qui s’allonge. Puis un trou noir,... rien du 29 janvier 1649 au 10 mars 1650.
258La conjoncture de 1649, qu’est-ce sinon le néant des treize mois et demi qui séparent le départ d’une Armada attardée de 1648, le 29 janvier 1649, d’une flotte fantôme de Nouvelle Espagne, le 10 mars 1650. Cette contraction est d’autant plus grave et significative, que la Carrera dispose en 1649 d’un important volant de navires accumulés en raison de l’abondance relative des Retours.
2. Retours
259Le comportement des Retours, en 1649, rappelle étrangement celui des Retours de l’année précédente. Comme pour les Allers, légère reprise, due uniquement à une variation minime du tonnage unitaire.
260De 38 navires à 36 navires, contraction de 5 %, de 11 473 toneladas à 12 469 toneladas, 12 620,3 tonneaux à 13 715,9 tonneaux progrès de l’ordre de 9 %, uniquement imputable à une variation du tonnage unitaire de 301,6 toneladas à 346,4 toneladas. Un seul convoi, cette fois, mais de taille, celui qui arrive à Cádiz, le 7 septembre 1649 et groupe des navires de Terre Ferme et de Nouvelle Espagne.
261Ce qui importe, par contre, c’est le maintien, pour la troisième année consécutive, d’une importante anomalie positive des Retours277, 59,33 %. 59,33 % après les 50,79 % et 63,31 % de 1647 et de 1648, on est au sommet d’une des plus importantes anomalies positives du mouvement Retour. N’est-ce pas elle qui est responsable du timide départ des Allers en 1650, dont il faut bien se garder de tirer des conséquences hâtives ? En 1649, les réserves des Indes en navires, capitaux disponibles et gens de mer, sont totalement asséchées.
3. Allers et retours
262Les caprices du découpage annuel qui gonfle les Allers, on a vu comment, la part importante des Retours, risquent de donner à 1649, sur le mouvement global, une position qu’elle ne mérite pas tout à fait.
263Cette position, de toute manière, reste extrêmement faible, puisqu’elle ne diffère pas sensiblement de celle de 1648, dont on vient de dire l’extrême médiocrité278. De 62 navires à 59 navires, il y a tassement du mouvement unitaire de 4,8 %, de 18 122 toneladas à 19 943 toneladas, de 19 934,2 tonneaux à 21 937,3 tonneaux, par contre, il y a progrès, de l’ordre, apparemment du moins, de près de 10 % du mouvement volumétrique.
264Même accepté, un instant, comme tel, ce mouvement ne changerait rien, puisque 1649 reste en dessous de toutes les années précédentes de la fluctuation cyclique, 1641 et 1642 exceptées. Par rapport au trend, d’autre part, la mutation observée entre 1647 et 1648 est maintenue : 135 % en 1645, 131 % en 1646, 130 % en 1647, 79 % en 1648, par contre, et 86,8 % seulement en 1649279. Quoi qu’il en soit, la position réelle en conjoncture de 1649 demeure inférieure à celle de 1648, en raison, notamment, de la structure particulière des Allers de 1649, et de l’énorme hiatus qui, on l’a vu, s’étend de la fin janvier 1649 à la mi-mars 1650.
CONFIRMATIONS PARALLÈLES
265Les confirmations parallèles de cette constatation ne manquent pas. La première et la plus certaine est constituée par la non réutilisation immédiate des importants retours de 1648. Tous les autres tests classiques permettront bien de confirmer la localisation du creux de la vague en 1649.
1. Le complexe portuaire280
266Par rapport à 1648, la réapparition de l'Armada de la Guardia (une armada médiocre et cela, aussi, compte, 6 navires, 3 120 toneladas), amène un recul des navires marchands de Séville et de Cádiz, de 2 unités à 3 unités, certes, pour Cádiz, mais de 1 220 à 964 toneladas, de 22 unités à 14 unités pour Séville et de 5 429 toneladas à 3 310 toneladas pour Cádiz.
2. Axes fondamentaux du trafic281
267Cette constatation recoupe la constatation suivante. Comme le trafic de 1648, celui de 1649 est un trafic incomplet. En 1649, deux navires représentant 150 toneladas vont officiellement en Nouvelle Espagne (en 1648, la Terre Ferme était officiellement dans cette position avec quatre navires et 300 toneladas). Vers les îles, deux unités, 350 toneladas. En 1648, trois unités et 529 toneladas, soit une égale inexistence. 19 navires et 6 974 toneladas, par contre, vers la Terre Ferme en 1649, 17 navires et 5 870 toneladas en 1648, vers la Nouvelle Espagne. Là encore, les situations sont analogues.
268En fait, il est arbitraire de distinguer dans la masse globale des départs, entre 1648 et 1649, surtout, entre 1648, 1649 et 1650, dans une large mesure encore. 1648-1649, avec un convoi de Nouvelle Espagne et un convoi de Terre Ferme ne forment qu’une seule masse inégalement étalée plus sur 1648 que sur 1649. 1650 est une tentative pour renouer avec un rythme normal, mais avec, pour débuter, des masses extraordinairement réduites.
3. Valeurs
269On les saisit mal. Ce qu’on a vu, toutefois, déjà des Retours de 1649282 s’applique, bien entendu, également à l’ensemble médiocre du mouvement de 1649. Comme pour 1648, il permet de dégager une présomption très forte : la chute quantitative s’accompagne, en outre, d’une chute qualitative du trafic.
HYPOTHÈSES
270Il n’est pas douteux, en présence de ce faisceau concordant de preuves que le creux du mouvement se situe bien en 1649.
271Pour en éclairer le contexte économique, il suffira de rappeler le schéma proposé283 en 1646. C’est en 1649, surtout, que l’on se trouve, au maximum, de l’anomalie déjà signalée. D’une part, accélération, au maximum, entre 1649 et 1650 plus, d’ailleurs, encore qu’entre 1648 et 1649. Sur la série des indices des prix nominaux andalous284, on passe brusquement de l’indice 126,44 en 1648 à l’indice 136,00 en 1649. sur les prix-argent d’ensemble, de l’indice 138,93 à l’indice 139,87285.
272Mais on doit considérer que tout ce qu’il y aurait pu avoir de tonique dans cette conjoncture est effacé par la poussée inflationniste286 dans un monde qui semble parfaitement sensibilisé à l’inflation. Simple hypothèse, au demeurant, que seule, une analyse extrêmement attentive de la seconde moitié du xviie siècle permettra de confirmer ou d’infirmer.
VII. — 1650 : AU FOND DU CREUX. DANS L'AXE DE 1649 PREMIERS SYMPTOMES DES REPRISES FUTURES
273Ce schéma reste valable, encore, en 1650. On assiste, en effet, entre 1649 et 1650, à une accélération exactement identique des prix et de l’inflation : sur les indices andalous, par exemple, on passe de l’indice 136,00 à l’indice 157,33287 (soit un des décrochements positifs les plus considérables de l’histoire d’un siècle et demi des prix, de 15,7 %), sur les prix-argent de l’indice 139,87 à l’indice 143,22288 mais la prime de l’argent sur le billon notre test de l’inflation s’élève dans le même temps de 1649 à 1650, dans le rapport (moyennes annuelles), toujours pour les séries andalouses de 43,50 % à 57,33 %289.
274Dans ces conditions, on ne sera pas surpris de voir le marasme se prolonger sur les séries du trafic. Tout au plus, notera-t-on deux faits. D’une part, la poussée inflationniste, en se développant, perd peut-être, un peu de sa virulence. On serait passé, en 1649, par une ère de maximum de nocivité. On souffre moins, parfois, du danger réalisé que du danger à venir, attendu, craint, redouté.
275Mais pour expliquer les quelques signes de reprise, que l’on peut déceler, de-ci, de-là, et dont l’interprétation est sujette à caution, il suffit de rappeler que la prodigieuse épidémie de peste, virulente, encore, en 1649, aux Indes, se calme en 1650. Cela suffit, malgré la quasi identité du schéma prix-inflation, pour permettre, dès 1650, le jeu encore timide des mécanismes normaux, préparateurs des reprises futures.
LA LEÇON DES CHIFFRES
276Néanmoins, — il ne faudra pas l’oublier — le complet silence des départs, au cours des treize mois et demi qui vont de la fin janvier 1649 à la mi-mars 1650, l’accumulation prodigieuse du trafic au terme de la plus importante des anomalies positives des Retours sur trois ans, constituent des facteurs suffisants pour amener, d’eux-mêmes, une reprise relative, dans le cadre du découpage annuel qui ne prête pas, nécessairement, à des conclusions hâtives quant à la conjoncture profonde du trafic.
1. Allers
277C’est en Allers, seulement, qu’une apparence de reprise sinon une reprise véritable se manifeste. En Retours, au contraire, il y a rupture, simplement au terme d’une longue anomalie positive. En Allers, donc290, dans le cadre commode, mais suspect, du découpage annuel, on passe de 22 navires en 1649 à 45 navires en 1650, de 7 394 toneladas à 12 118 toneladas, de 8 221,4 tonneaux à 13 329,8 tonneaux, soit au total des décrochements positifs considérables de 51,1 % sur le mouvement unitaire, de 39 % sur les séries en tonnage, avec un large recul du tonnage unitaire de 324,8 toneladas à 263,4 toneladas, soit une position inférieure même à celle de 1648. Après l’interruption donc de 1649 (324,8 toneladas), la courbe descendante du tonnage unitaire semble se poursuivre, de 306,8 toneladas en 1645, 296,7 toneladas en 1646, 284,8 toneladas en 1647, 277 toneladas en 1648 et 263,4 toneladas en 1650. On ne peut qu’être frappé, en effet, de l’extrême médiocrité de certains navires engagés dans les convois de 1650291, dans le convoi de Juan de Echevari, surtout292.
278Cette médiocrité est d’autant plus frappante qu’elle se situe au terme d’une longue anomalie positive des Retours. Par conséquent, on ne peut pas lui attribuer la même signification qu’on ne l’avait fait en 1646 et 1647, notamment293. Ou, du moins, si on veut y voir, quand même, un signe de reprise, mais de quelle reprise, il faudrait ajouter que la Carrière des Indes a continué, au cours de la zone maximale de dépression (1648-1649), à se dégrader rapidement. Par rapport au trend (représenté provisoirement par la moyenne bloquée en 1644), malgré les apparences excessivement favorables du découpage annuel, le mouvement Allers de 1650 reste très en dessous du terme de référence, passant de 51 % en 1648, 57 % en 1649 à 90 % en 1650, loin derrière les 146 % et 110 % de 1646 et 1647.
279La structure même du trafic n’inspire guère confiance quant à la solidité de ce qui a pu être obtenu. Venant après un silence à peu près total et non apparemment et facilement justiciable de facteurs extérieurs évidents, on ne peut guère tirer argument positif du départ de deux convois. On peut estimer que la décision aura été prise sous l’action de pressions extérieures, comme imposée du dehors. Manifestement, le convoi de Nouvelle Espagne et celui de Terre Ferme294qui partent à moins de deux mois d’intervalle, le 10 mars et le 3 mai 1650, ont été commandés par des raisons politiques, pour assurer avec l’empire les liaisons politiques vitales compromises par le silence de 1649.
280On ne peut donc tirer argument du retour au régime normal en conjoncture haute des deux convois. Ils sont dus à la vitesse acquise, à la propre pesanteur des années précédentes, à une volonté politique. La manière, par contre, dont cet inévitable est exécuté, comptera davantage à notre point de vue, entendez l’extraordinaire médiocrité des deux convois, la hâte, le désir évident de se débarrasser dans l’exécution presque trop rapide de l’ordre inévitable, tout ce contexte définit bien la conjoncture de l’année. La flotte de Nouvelle Espagne, par exemple, la première de deux ans presque, est formée de 9 petits navires de Séville et de 4 navires de Cádiz. Une réalisation aussi médiocre ne peut pas être envisagée comme un facteur bien considérable de conjoncture haute.
2. Retours295
281Ici, par contre, aucune équivoque. Il y a, non pas repli, mais rupture : de 36 navires en 1649 à 5 navires en 1650, de 12 469 toneladas à 630 toneladas, de 13 715,9 tonneaux à 693 tonneaux, soit des décrochements respectifs de 86 % et 95 %. Par rapport au trend (moyenne mobile bloquée de 1644), on passe de 175 % en 1645, 107 % en 1646, 145 % en 1647, 115 % en 1648, 125 % en 1649 à 6,4 % seulement en 1650. L’écart négatif relatif du mouvement des Retours en 1650, arrive en troisième position, aussitôt après 1638 et 1592, dans l’histoire recensée de la Carrière des Indes. Par rapport au mouvement global de l’année296, les Retours de 1650 ne représentent plus que 4,95 % contre 95,05 % pour les Allers, soit un des creux relatifs les plus considérables de toute l’histoire de la Carrera (très exactement en cinquième position).
282Mais ce creux n’est que très normal après l’énorme anomalie positive des Retours de 1647 à 1649. Malgré sa violence il ne suffit pas à rétablir l’équilibre. Si on prend, en effet, une série sur quatre ans incluant 1650, on constatera que, de 1647 à 1650, par exemple, les Allers totalisent 40 765 toneladas (144 navires) et les Retours, 39 560 toneladas (126 navires), soit pour les Retours, 49,2 % du mouvement global (beaucoup plus encore que la moyenne séculaire de l’ordre de 42 % seulement). Même sur cinq ans, de 1646 à 1650297, la part des Retours, 45,5 % l’emporte encore largement sur la moyenne séculaire. Il en irait, à plus forte raison, de même également par rapport à toute la décade de 1641 à 1650, puisque les Retours y totalisent, en tonnage, 48,2 % du total.
283L’accident de 1650 est donc quelque chose de très prévisible, de presque normal, insuffisant à effacer la caractéristique profonde de tout un cycle, à savoir une vigoureuse anomalie positive des Retours (il vaudrait presque mieux dire, anomalie négative des Allers).
3. Allers et retours
284Il n’en commande pas moins le mouvement des globaux. Le creux cyclique maximal des Allers et Retours se trouve placé, de ce fait, en 1650. Il n’est pas douteux, d’ailleurs, en vertu de ce qui précède, que ce ne soit à juste titre.
285De 59 navires à 51 navires, de 19 943 toneladas à 12 748 toneladas, de 21 937,3 tonneaux à 14 022,8 tonneaux298, la contraction est considérable, soit respectivement de 13,56 % et de 36,5 %, avec chute du tonnage unitaire de 338 toneladas à 250 toneladas, avec par rapport au trend (moyenne bloquée de 1644), glissement encore de 135 % en 1645, 131 % en 1646, 130 % en 1647, 79 % en 1648, 86,8 % en 1649 à 55,4 % seulement (55,4 %, soit dans l’ordre d’importance des creux relatifs, dans l’histoire recensée de l’Atlantique, en Allers et retours, en quatrième position ex aequo).
286Malgré tout ce qu’il peut y avoir d’arbitraire, comme toujours, dans semblable situation commandée, surtout, par les Retours, on peut estimer, compte tenu de l’effet cumulatif d’une contraction prolongée sur trois ans, que 1650, en conjoncture, est dans une situation au moins aussi médiocre que 1649.
CONFIRMATIONS
287Une analyse plus poussée confirmerait ce point de vue. Bien sûr, à l’intérieur du complexe portuaire299, la part des navires marchands (de Séville, de 14 à 32 navires, de 3 310 à 7 248 toneladas) et de Cádiz (de 3 à 8 navires, de 964 à 1 940 toneladas) a un peu plus que doublée, mais le recul de l'Armada de la Guardia dont l’amenuisement continue (de 5 à 6 unités en 1649, mais de 3 120 à 2 880 toneladas) n’est pas un signe favorable. Le doublement des navires marchands procède, tout simplement, du retour à un régime de deux flottes dont on vient de voir pourquoi on ne peut le porter à l’actif d’une conjoncture forte.
288La nécessité géopolitique des deux convois de 1650 permet d’écarter de la même manière, l’équilibre retrouvé des départs, entre l’espace de la Nouvelle Espagne et celui de la Terre Ferme300, en tant que signe de conjoncture meilleure. Seule compte la médiocrité des convois, or 21 navires, 6 310 toneladas allant en Terre Ferme, 17 navires, 4 354 toneladas allant en Nouvelle Espagne, constituent, chacun dans leur série, des niveaux faibles. La flotte de Nouvelle Espagne est, de ce fait, de beaucoup la plus médiocre de tout le cycle, une des plus faibles d’un siècle d’histoire de la Carrière des Indes.
289Médiocrité aussi des exportations de mercure301.
290En conclusion, 1650, parfaitement solidaire de 1649 constitue le fond de la vague de la contraction cyclique. Le contexte économique espagnol qui l’explique est celui d’une hausse des prix dont les éventuels effets toniques sont, dans l’immédiat, annulés par la poussée inflationniste302.
291Au-delà, l’inflation se stabilise303, le choc de la hausse des prix de 1648 à 1650 pourra se faire sentir dans le déclenchement d’un nouveau cycle.
292Mais son histoire appartient, déjà, au cadre chronologique d’un autre livre304.
293AU-DELA DE 1650, une nouvelle fluctuation s’ébauche..., mais son histoire n’appartient plus — nous nous en sommes, déjà très longuement, trop longuement expliqué — à l’histoire du plus vieil Atlantique de Séville. 1650, conventionnellement, d’ailleurs, marque donc le terme le moins déraisonnable, peut-être, qu’il fallait bien donner à cette étude. 1650 qui s’ouvre, en Espagne, en Amérique, en France, dans toute l’Europe occidentale, sur les dix années les plus sombres, sans doute, du sombre xviie siècle. Au-delà du long tunnel, autour des traités cristallisateurs de 1659 et 1660, comme tous les traités, un monde nouveau émerge, où Séville n’est plus Séville, où l’Atlantique hispano-américain, que nous avons connu dominant, n’est plus qu’une composante entre plusieurs d’un plus grand Atlantique, un Atlantique beaucoup plus complexe, qu’il faudra bien, quelque jour, mesurer, si on veut s’efforcer de mieux comprendre la seconde Modernité. Or, cette connaissance n’est pas simple luxe de l’esprit. Elle est, à la limite, dans une infime mesure, condition d’une action efficace, dans les années qui viennent.
294Et puisqu’il en est ainsi, 1650 nous aura donc conduits au terme de cette très longue, au terme, pratiquement, de cette trop longue étude. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’ouvrage est encore incomplet. Il reste à retrouver, en structure, les techniques et les états. Il reste — les auteurs de Séville et l’Atlantique entendent bien poursuivre — à suivre Séville et Cádiz au-delà de leurs splendeurs, à mesurer, suivant des méthodes éprouvées mais adaptées aux changements de la documentation, entendez aux modifications profondes des États, des administrations, des techniques qu’ils expriment, ce nouvel Atlantique, l’Atlantique de Cádiz, plus modeste, plus ramassé, plus étroitement national, mais moins efficace... voire. Il commence avec la grande dépression. Il ne jaillit pas tout d’une pièce au-delà de 1650, dans un espace tout encombré encore d’une inutile et désuète grandeur. L’ouvrage, pour un temps, reste encore inachevé. Cette seconde étape franchie oblige, pourtant, à s’arrêter. A jeter un coup d’œil en arrière pour mesurer et pour juger.
295Pour juger et pour mesurer tout ce qui sépare et tout ce qui séparera toujours ce qui a été fait de ce qu’on voulait faire. Oui, la distance est grande. Et nul, mieux que nous, n’aura conscience de l’espace qui demeure entre les promesses d’un titre et les limites, bien en-deçà de l’entreprise.
296La documentation n’est pas épuisée. Nous sommes allés, d’entrée de jeu, à ce qui nous a semblé le plus dense, en laissant bien en vue nos échafaudages. Ces échafaudages — nous pensons, surtout, aux tomes II à V de la partie statistique — sont responsables de la lourdeur excessive d’un livre dont beaucoup d’éventuels lecteurs, découragés, ne pardonneront pas les sept mille pages provisoires. Malgré ces sept mille pages, il reste en Espagne et hors d’Espagne infiniment plus de documents, infiniment plus de documents neufs, utiles, denses que nous n’en avons retenus. Nous en sommes pleinement conscients. Nous ne cherchons pas à nous excuser d’avoir voulu faire quelque chose de quelque chose. Pour une connaissance chiffrée, évolutive de l’Atlantique, nous n’apportons rien de tranquillement, d’hypocritement définitif. Tout au plus, une carcasse incomplète, quelques matériaux qu’il faudra, quand même, retenir, une première marche, un encombrant soubassement. Qu’il soit rapidement noyé dans un grand édifice statistique utile de la première économie Atlantique constituerait à nos yeux la meilleure récompense d’un effort long et parfois douloureux.
297Cette première ébauche chiffrée que nous proposons de l’Atlantique espagnol et hispano-américain, malgré « Structures spatiales et conjoncture », est insuffisamment rattachée au reste du monde. Là encore, nous cherchons moins une excuse que nous ne revendiquons une responsabilité. Mal rattachée, notre étude l’est, pour l’essentiel, en raison même de son avance. Nous avons soudé, de notre mieux, notre apport aux histoires quantitatives des prix, ces histoires pionnières, au tout premier rang desquelles nous plaçons l’œuvre magnifique de Earl J. Hamilton, sans laquelle notre recherche eût été impossible. Comme pour la documentation, nous nous sommes arrêtés à un seuil provisoire de rentabilité. A un catalogue exhaustif des histoires chiffrées, nous avons préféré une synthèse. L’interprétation que nous proposons n’englobe pas tout ce qui aurait pu être englobé, mais ce qu’elle retient, elle prétend le fondre dans une synthèse modeste, certes, limitée, mais originale.
298Notre analyse, enfin, reste empirique. Elle procède par tâtonnements et par ratures successives. Ses démarches, ses hésitations, ce sont les démarches, les hésitations de la vie. Cette fidélité à la vie, nous ne la regrettons pas. C’est un peu dans la mesure où nous lui avons beaucoup sacrifié, que nous aurons fait œuvre d’historien. Et pourtant, l’empirisme de notre analyse — il] était la condition indispensable d’un point de départ — ne nous satisfait pas. Dès que l’on disposera d’une masse statistique plus ample, plus raffinée, plus sûre et plus significative, il faudra dépasser ce stade pour recourir, plus proche de l’économique que de l’histoire économique classique, à une analyse rationnelle, plus rigide, mais plus objective et plus pénétrante.
**
299Ce tournant sera pris rapidement par l’histoire des xvie et xviie siècles. Si nous avons tant soit peu contribué à cette modification nécessaire, notre effort n’aura pas été inutile. L’histoire est, de toute manière, une connaissance médiate. On ne pourra donc nous opposer la supériorité des méthodes éprouvées de l’histoire traditionnelle, au nom de ce qu’il faut bien appeler le complexe de la donnée immédiate, puisque toute connaissance du passé est, nécessairement, par nature, artificielle. Ces méthodes traditionnelles, nous y avons eu assez recours pour qu’on ne songe à nous reprocher de les ignorer ou, pire encore, de les mépriser. Et pourtant, chaque fois que cela a été possible, nous avons ajouté au témoignage direct du document le témoignage indirect de la série constituée. Cette interrogation sérielle des documents partie de l’histoire des prix, l’histoire neuve, s’il en fut, doit être étendue à tous les domaines de la connaissance du passé. Nous en avons fait un assez ample usage dans l’étude d’un trafic, mais le champ d’investigation sérielle du passé s’entrouve à peine. En dehors de l’économique, le psychisme collectif lui appartient. L’investigation sérielle commande les progrès de l’histoire de demain. Elle commande, surtout, les progrès nécessaires de l’histoire utile, éclairante du présent, d’une histoire haussée au rang modeste de science auxiliaire, auxiliaire des autres sciences de l’homme, ces sciences politiques de l’action qui sont, à leur tour, servantes de l’histoire.
300La tâche est immense. Séville n’est qu’une modeste maillon incomplètement et grossièrement forgé. Seul, il ne signifie rien. Mais il appelle d’autres efforts. Seul, il apporte peu, mais il peut servir d’appui à des études plus heureuses. Le chantier est ouvert. Un peu partout, des échos encourageants se font entendre. Tous ensemble, « nous nous lèverons et nous bâtirons » (Néhémie, 2,20.)
Notes de bas de page
1 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 et table 142, p. 340 ; t. VII, p. 44-47 et p. 50-51.
2 Cf. t. V, p. 376.
3 Cf. t. VI1, table 152, p. 349, table 164, p. 363.
4 Cf. ci-dessous p. 1890-1891,.. 1892-1894..
5 Cf. t. V, p. 398.
6 Cf. t. V, p. 388. La flotte de Nouvelle Espagne du Capitaine Général Pedro de Ursua y Arismendi, qui groupe la quasi-totalité des départs de 1642, quitte Cádiz le 18 juillet 1642.
7 Cf. t. V, p. 393, note 8.
8 Cf. ci-dessus p. Annexe, p. 1883.
9 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340 ; t. VII, p. 44-47.
10 Cf. ci-dessous p. 1887-1889.
11 Cf. t. VI1, table 152, p. 356 et t. VII, p. 50-51.
12 Cf. ci-dessus p. 1839-1840.
13 Cf. t. V, p. 398.
14 Cf. t. V, p. 376.
15 Cf. t. V, p. 393 et cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97, « La fantastique poussée inflationniste ».
16 Cf. t. V, p. 380, p. 382, p. 393.
17 Cf. t. V, p. 422.
18 Cf. t. VI1, table 159, p. 36 ; t. VII, p. 52-3.
19 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
20 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
21 Cf. t. VI1, tables 138 et 142, p. 336 et 340 ; t. VII, p. 44-47.
22 Cf. ci-dessus p. 1841-1842.
23 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et table 158, p. 355 ; t. VII, p. 51, 52, 53.
24 Cf. ci-dessus p. 1885-1889.
25 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
26 Cf. t. VI1, table 223, p. 469.
27 Cf. t. VI1, table 183, p. 303-291 ; t. VII, p. 72-73.
28 Cf. t. V, p. 388-389.
29 Cf. ci-dessus p. 1890.
30 Cf. t. V, p. 362.
31 Cf. t. V, p. 402.
32 Cf. t. V, p. 576.
33 Cf. t. V, p. 395.
34 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
35 Cf. t. V, note 8, p. 392 sq.
36 Cf. t. V, p. 360.
37 Cf. ci-dessus p. 1839-1840,.. 1812-1815.
38 Cf. t. VI1, tables 18-19, p. 180.
39 Cf. t. V1, tables 18, 18 et 20, 21, p. 180 et 184.
40 Cf. t. V, p. 392-393.
41 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
42 Cf. t. V, p. 393 sq.
43 Cf. t. V, p. 398 sq.
44 Cf. t. V, p. 401, note 1.
45 Cf. t. VII, table 216 c et D, p. 458-461.
46 Cf. t. V, p. 401.
47 Cf. ci-dessous p. 1894-1896.
48 E. J. Hamilton, 1501-1650. op. cit., p. 403 et t. VI1, tables 162-l64, p. 361-363, ; t. VII. p 52-53 et p. 54-55.
49 Cf. t. VI1, tables 162-164, p. 361-363 et t. VII, p. 52-53.
50 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
51 Ibid., op. cit., p. 215-216.
52 Cf. ci-dessus p. 1894-1895.
53 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97 et p. 215-216.
54 Ibid., p. 278-279.
55 Cf. ci-dessus p. 1849-1851 et 1261-1263,.. 1364-1367.
56 Cf. ci-dessus p. 1839-1840.
57 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
58 Cf. ci-dessas p. 1889.
59 Cf. t. V, p. 422.
60 Cf. t. V, p. 424.
61 Cf. ci-dessus p. 1883, Annexe.
62 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
63 Cf. ci-dessus p. 1883 et 1777, 1801, 1819.
64 Cf. t. V, p. 422-425.
65 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; cf. t. VII, p. 50-51, 52-53.
66 On peut, sans trop de risques, avancer une telle hypothèse malgré l’arrêt en 1644 des moyennes mobiles médianes de treize ans choisies comme termes de référence (cf. t. VI1, tables 152, 155, 158, 164, p. 349, 352, 355, 363). Il suffit, à titre d’hypothèse, de prendre comme point fixe valable pour l’ensemble de sept ans qui va de 1644 à 1650 inclusivement, le chiffre donné pour 1644 par ta moyenne mobile médiane de treize ans. On substituera, ainsi, au terme de référence, moyenne médiane, un terme de référence constitué par une moyenne assymétrique de plus en plus axée vers l’arrière, soit pendant sept ans un terme de référence fixe. On peut procéder, ainsi, sans crainte, puisque — on l’a vu (cf. ci-dessus p.1865-1866)—, depuis 1644, précisément, on est en présence d’une sous-tendance nouvelle à l’intérieur de la phase longue de contraction, entendez un plateau à peine descendant, virtuellement horizontal.
67 Cf. t. VII, p. 51 et 53.
68 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
69 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 et cf. ci-dessous p. 1903-1904.
70 Il s’agit uniquement d’un ordre de grandeur dont les éléments sont intrinsèquement faux, puisque la série du maravedi al millar ne porte que sur Séville.
71 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
72 Cf. t. V, p. 388 sq.
73 Cf. t. V, p. 402 sq.
74 Cf. t. V, p. 402-403.
75 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
76 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
77 Cf. t. V, p. 402 sq.
78 Cf. t. V, 1643A, note 4, p. 406 sq.
79 Ibid., p. 406-407.
80 Cf. ci-dessus p. 1891-1892
81 Cf. t. V, p. 407 sq.
82 Cf. t. V, p. 413 et cf. ci-dessous p. 1903, 1897-1899.
83 Cf. t. V, p. 407.
84 Cf. t. V, p. 413.
85 Cf. t. V, p. 406-421.
86 Cf. ci-dessous p. 1904 et t. V, p. 416-417.
87 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
88 Cf. t. V, p. 402.
89 Cf. t. V, p. 388.
90 Cf. ci-dessous Appendice, p. 1958-1978.
91 Cf. t. V, p. 407.
92 Cf. t. V, p. 416-417.
93 Cf. ci-dessus p. 1903.
94 Cf. t. V, p. 417-418.
95 Cf. t. V, p. 419.
96 Cf. t. V, p. 408
97 Cf. ci-dessus p. 1897-1899 et ci-dessous p. 1958-1978 et t. VIII2, p. 1112-1123.
98 Cf. t. V, p. 422.
99 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
100 Ibid., p. 96-97.
101 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, col. II et IV ; t. VII, p. 53, 54, 55. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403.
102 Indices : 132,91 en 1645, puis indices : 133,06, 134,97, 138,93, 139,87, 143,22.
103 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
104 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 42-47, 50-53.
105 A condition d’adopter pour les sept dernières années de la série, pour des raisons précédemment exposées (cf.ci-dessus p. 1899-1900, note 1), le niveau de la moyenne mobile médiane de 1644 pour les six ans qui suivent, comme terme de référence fixe.
106 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 50-53.
107 Cf. ci-dessus p. 1838 et 1898.
108 Cf. t. V p. 424 et p. 442, note 1.
109 Cf. t. V p. 452.
110 Cf. t. VI1 table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
111 C’est-à-dire le record des Allers et retours, dans un découpage sur trois ans, le niveau correspondant le plus proche est celui que l’on obtient de 1644 à 1646, avec 247 navires et 81 573 toneladas au lieu de 251 navires et 83 168 toneladas,
112 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340 et table 164 p. 363, t. VII, p. 44-47, 52-53.
113 Cf. t. VI1, table 223, p. 469.
114 Cf. t. V, note 7, p. 436.
115 Cf. t. V, p. 430 ; cf. t. I, p. 102-105.
116 Cf. ci-dessus p. 1890, 1892 sq. et t. VI2, table 223, p. 489.
117 Cf. t. I, p. 102-105.
118 On ne soulignera jamais assez, dans tous les domaines, l’archaïsme américain... Il n’es pas plus, au vrai, qu’un aspect particulièrement expressif d’un fait structurel plus généra l’archaïsme colonial.
119 Cf. Les Philippines et le Pacifique des Ibériques.
120 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
121 Cf. t. V, p. 430-435.
122 Cf. t. V, p. 432-435.
123 Cf. t. V, p. 422 sq. et cf. ci-dessus, p. 1897 1898.
124 Cf. t. V, p. 388.
125 Cf. ci-dessus p. 1910-1911.
126 Cf. t. V, p. 430-433.
127 Cf. t. V, p. 430 sq.
128 Cf t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII. p. 74-77.
129 Cf. ci-dessus p. 1910-1911.
130 Quant à la partie morte en direction des îles, elle est faible (6 navires, 1 010 toneladas), mais cela n’est pas, il s’en faut de beaucoup, un handicap. Tout au contraire, dans une large mesure.
131 Cf. ci-dessous Appendice, p. 1958-1978.
132 Cf. t. V, p. 430.
133 Cf. t. V, p. 438.
134 Ibid.
135 Cf. ci-dessus p. 1905 et t. V, p. 408.
136 G. Lohmann Villena, Las minas de Huancavelica, op. cit., p. 454.
137 Ibid., op. cit. ; cf. note 191.
138 Cf. t. V, p. 439-440.
139 Cf. ci-dessus p. 1910-1911
140 Cf. t. V, p. 439.
141 Cf. t. V, p. 432-435.
142 Cf. t. V, p. 444-447.
143 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
144 Cf. ci-dessus p. 1905-1906.
145 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403 ; t. VII, p.52-53 ; 54-55.
146 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
147 Cf. t. VII, p. 52-53.
148 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.
149 Cf. ci-dessus, p. 1897.
150 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 52-53.
151 Cf. t. VI1, table 152, p. 349 ; t. VII, p. 50-51.
152 Cf. ci-dessus p. 1907, note 3, p. 1899-1900, note 1.
153 Cf. ci-dessus p. 1897-1899.
154 Cf. t. VI1, table 135, p. 333, table 142, p. 340, table 155, p. 352, table 164, p. 363 ; t. VII p. 44-47, 52-53.
155 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1.
156 Cf. t. V, p. 422-425.
157 Cf. t. V, p. 452-457.
158 Cf. ci-dessus p. 1907-1910.
159 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
160 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 158, p. 355, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 4447, 52-53.
161 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1.
162 Cf. ci-dessus p. 1907-1910.
163 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
164 Cf. t. V, p. 444-447.
165 Cf t. VI1, 444-445
166 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
167 Cf. t. V, note 2, p. 448.
168 Cf. t. VI1, table 17, p. 176-177.
169 Cf. t. VI1, table 12, p. 154-157, 12D et 12E, p. 164-167 et t. VII, p. 34-37.
170 Cf. t. V, p. 444-445.
171 Cf. t. V, p. 444
172 G. Lohmann Villena, Las minas de Huancavelica p. 1913-1974.
173 Cf. ci-dessus p. 1913-1914.
174 G. Lohmann Villena
175 Cf. t. V.
176 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
177 Ibid., p. 96-97.
178 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et E. J. Hamilton, 1501-1650. op. cit., p. 403 ; t. VII, p. 52-53, 54-55.
179 Cf. ci-dessus p. 1907-1910, 1918-1919.
180 Cf. t. VI1, table 132, p. 330. table 142. p. 340, table 152, p. 319 et table 164. p. 348 t. VII, p. 4 4-47, 52-53
181 Cf. t. V, p. 460-467.
182 Cf. t. VI1, table 135. p. 333. table 142. p. 349, table 153. p. 353, table 164, p. 263 ; t. VII p. 44-47, 50-53.
183 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1.
184 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
185 Par rapport à la moyenne une fois et demie séculaire des Retours par rapport aux globaux Allers et retours, l’anomalie négative des Retours de 1646 est faible. Par rapport à la moyenne plus forte des Retours par rapport aux globaux, qui tend, avec la contraction, on a vu comment (cf. ci-dessus p. 1676-1695, 1868-1872) à prévaloir, cette anomalie négative est plus considérable. Il en irait ainsi, du moins, si on acceptait l’hypothèse du découpage de l’année civile.
186 Cf. ci-dessus p. 1918-1919.
187 Cf. t. V, p. 470.
188 Cf. t. V, p. 452-457 et 484-489.
189 Cf. ci-dessus p. 1907-1910.
190 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 140, p. 340, table 158, p. 355, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 50-53.
191 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1
192 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 53.
193 Cf. ci-dessus p.1918-1919.
194 Cf. ci-dessus p. 1907-1910.
195 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
196 La flotte de Don Lorenzo Fernandez de Cordoba ; cf. t. V, p. 460-463.
197 La flotte de Don Juan de Izarraga ; cf. t. V, p. 464-467.
198 La N. S. del Rosario y San, Antonio de 60 toneladas (cf. t. V, p. 464-465, n° 44) ; la Rosario y San Ignacio de 54 toneladas par exemple (Ibid., n° 45).
199 Cf. ci-dessus p. 1814-1834.
200 Cf. t. V, p. 460-461.
201 Cf. t. V, p. 464-468.
202 Cf. t. V, p. 464-465, navires h à m.
203 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-77.
204 Cf. t. V., p. 460-461.
205 Cf. t. V, ibid., p. 460-461.
206 Cf. t. V, ibid., p. 460-463.
207 Cf. t. V, ibid., p. 462-463, n° 33.
208 Cf. t. V, ibid., p. 464-467.
209 Cf. t. V, ibid., p. 166-167, n° 52.
210 Cf. t. V, p. 466-467.
211 Cf. ci-dessus p. 1924-1927.
212 Cf. t. V, p. 460-464.
213 Cf. t. V, p. 467.
214 Cf. t. V, p. 464-467.
215 Cf. t. V, p. 468, note 22.
216 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit.,p.96-97, p. 215-216 et p. 403 ; t. VII, table 164, p. 363 E. J. Hamilton, War and Prices, 1651-1800, op. cit., p. 28-29 et p. 119-120.
217 Les indices de Hamilton, sont, malheureusement, non raccordables, d’un demi-siècle sur l’autre parce que non recouvrables.
218 E. J. Hamilton, War and Prices in Spain, 1651-1800, op. cit., p. 9-35.
219 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
220 Ibid., p. 403 et t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-55.
221 Cf. t. V, p. 454.
222 Cf. t. V, p. 470.
223 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
224 Ibid., p. 96-97.
225 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 152, p. 349 et table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 52-53.
226 Cf. ci-dessus p. 1917-1924.
227 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1.
228 Cf. t. VI1, table 135, p. 333, table 142, p. 340, table 155, p. 362 et table 164, p. 363 ; VII, p. 44-47, 52-53.
229 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
230 Cf. ci-dessous p. 1946-1947.
231 Cf. ci-dessus p. 1918-1925.
232 Cf. t. V, p. 484.
233 Cf. t. V, p. 486.
234 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 158, p. 355 et table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 52-53.
235 Cf. ci-dessus p. 1318-1335.
236 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
237 Cf. ci-dessus p. 1924-1932.
238 Cf. t. V, p. 460-467 et 476-481.
239 Cf t. V, p. 470 et 484.
240 C t. VI1. table 167, p. 366 ; t. VII, p. 73-76.
241 Cf. t. V, p. 476 et 478.
242 Cf. t. V, p. 460-464.
243 Cf. t. V, p. 476 et suiv.
244 Cf. t. V, p. 488-492.
245 Cf. ci-dessus p. 1931-1932.
246 E. H. Hamilton, 101-1650, op. cil., p. 215-216.
247 Ibid., p. 403 et t. VI1 table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-55.
248 Ibid., p. 96-97.
249 Cf. ci-dessus p. 1814-1851, 1884-1896.
250 t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 152, p. 349, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 50-53.
251 Cf. ci-dessus p. 1899-1900, note 1.
252 Cf. ci-dessus p. 1917, 1924 et 1923.
253 Cf. t. V, p. 494-497.
254 Cf. t. VI1, table 135, p. 333, table 142, p. 340, table 155, p. 352, table 164, p. 363 et VII, p. 44-47, 50-53.
255 Cf. t. VI1. table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
256 Cf. t. V, p. 502-505.
257 Cf. t. V, p. 512-505, navires nos 1, 2, 3, 27, 28, 29, 37 et 38.
258 Cf. t. VII, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 158, p. 355, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47, 52-53.
259 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
260 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-76.
261 Cf. t. V, p. 494.
262 Cf. t. V, p. 502-505.
263 Cf. t. V, p. 496-499.
264 Cf. V, p. 498-499.
265 Le 29 janvier 1649, t. V, p. 508.
266 Cf. ci-dessus p. 767-840.
267 Cf. t. VI1, table 216D, p. 460-461.
268 Cf. ci-dessus p. 1890.
269 Cf. ci-dessus p. 1938-1940.
270 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
271 Ibid., p. 103 et t. VI1, table 161, p. 363 ; t. VII, p. 52-53. 54-55.
272 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
273 Ibid., p. 34-35 et t. VI, table 216D, p. 461, Trésors.
274 Cf. t. VII, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 152, p. 349, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 44-47 et 52-53.
275 Cf. t. V, p. 508.
276 Cf. t. V, p. 512-515.
277 Cf. t. VI1, tables 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
278 Cf. ci-dessus p. 1942.
279 Cf. t. VI1, table 142, p. 340, table 158, p. 355, table 164, p. 363 et t. VII, p. 44-47, 50-53.
280 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
281 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-76.
282 Cf. ci-dessus p. 1946.
283 Cf. ci-dessus p. 1923.
284 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit.„ p. 215-216.
285 Ibid., p. 403 et t. VII, table 164, p. 363.
286 Ibid., p. 96-97.
287 Ibid., p. 215-216.
288 Ibid., p. 403 et t. VI1, table 164, p. 363.
289 Ibid., p. 96-97.
290 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 152, p. 349, table 164, p. 363 et t. VII, p. 4447, 50-53.
291 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
292 Cf. notamment t. V, p. 521, nos 24, 26, 28.
293 Cf. ci-dessus p. 1924 et p. 1933.
294 Cf. t. V, p. 518-520.
295 Cf. t. VI1, table 135, p. 333, table 142, p. 340, table 155, p. 352, table 164, p. 364 et t. VII, p. 44-47, 50-53.
296 Cf. t. VI1, table 159, p. 336 ; t. VII, p. 52-53.
297 Cf. t. VI1, table 160, p. 357.
298 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 158, p. 353, table 164, p. 363 et t VII, p. 44-47, 50-53
299 Cf. t. VI1, table 283, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
300 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-76.
301 Cf. t. V, p. 518 à 532 ; cf. ci-dessous p. 1958-1978.
302 Cf. ci-dessus p. 1931-1932.
303 E. J. Hamilton, War and Prices, 1651-1800, p. 28-29.
304 Cf. Cádiz et l'Atlantique (1651-1783) à paraître.
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