Chapitre IV. De la paix à la guerre. Les derniers feux (1623-1631). De la catastrophe (1629-1631)
p. 1653-1684
Texte intégral
1Une cassure de grande amplitude — il n’est pas besoin d’insister longuement sur une situation parfaitement claire — se place à la hauteur des années 1629-1631. Matanzas, au dehors, les perturbations monétaires, au dedans, ont achevé de dissiper ce qui pouvait subsister de vestiges de grandeur. La partie cycliquement déprimée de la grande fluctuation décennale est beaucoup plus solidaire des cycles suivants, qu’elle ne l’est de la première partie de la fluctuation elle-même. Si le trafic avait conservé, encore, bien profondément ancrées, quelques traces de ses grandeurs passées, ces traces sont, désormais, à peu près totalement effacées.
I. — CARACTÈRES ORIGINAUX DE LA DERNIÈRE FLUCTUATION
2Le premier trait est, sans conteste, la rupture volumétrique des Allers.
RUPTURE VOLUMÉTRIQUE DES ALLERS
3La moyenne annuelle unitaire de 58 navires, de 1629 à 1631, s’aligne sur les 57,2 navires du cycle suivant 1632-1641, voire même sur les 43,2 navires, de 1642 à 1650, plus que sur la moyenne 81,8 unités de la première fluctuation 1623-1628 du cycle.
4Même si, pour les tonnages, la cassure est moins claire, en raison de l’anomalie positive du tonnage unitaire. Le tonnage annuel moyen des Allers, 18 081,3 toneladas, de 1629 à 1631, s’apparente plus aux moyennes cycliques suivantes 15 329,2 toneladas de 1632 à 1641 (17 150,75 toneladas de 1635 à 1638), 12 601 toneladas, de 1642 à 1650 (13 402,4 toneladas de 1612 à 1648, 13 593,3 toneladas de 1642 à 1644) qu’aux niveaux antérieurs, 22 552,6 toneladas de 1626 à 1628, 21 780,3 toneladas de 1623 à 1628.
NOUVELLE ESPAGNE ET TERRE FERME
5Mais 1629-1631 affirme sa solidarité avec les traits les plus accusés de la phase longue de la décroissance. De plusieurs manières et notamment par la part respective de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme à la tête du mouvement, à l’Aller surtout.
6De 1629 à 1631, la Nouvelle Espagne représente 21,8 % du mouvement unitaire Allers, 26,4 % du tonnage, contre 26,5 % et 30,7 % lors du cycle 1632-1641, 35,9 % et 38,2 % de 1642 à 1650. La Terre Ferme, par contre, représente respectivement, dans les mêmes conditions, 50,5 % et 59,9 % de 1629 à 1631, 37,5 % et 46,6 % de 1632 à 1641, 50,8 % et 56,5 % de 1612 à 1650. Lors du cycle précédent, les positions étaient à l’inverse, 48,6 % et 51,5 % pour la Nouvelle Espagne, 33,8 % et 37,7 % pour la Terre Ferme, de 1614 à 1622 ; 28,1 %, 35,4 % pour la Nouvelle Espagne, 36,3 % et 42,5 % pour la Terre Ferme, de 1623 à 1628.
7C’est donc au cours de cette dernière fluctuation primaire du cycle 1623-1631, de 1629 à 1631, que le caractère dominant en volume de la Terre Ferme s’affirme durablement par rapport à la Nouvelle Espagne.
8L’évolution respective des almojarifazgos de la Vera Cruz et de Puerto Belo1, mise en parallèle avec l’évolution des volumes en direction de ces deux ports, corrobore l’hypothèse qu’on a avancée déjà. Le repli de la Nouvelle Espagne, en retrait par rapport aux niveaux du trafic de Terre Ferme, est, essentiellement, un ajustement de la composition des exportations, sur le modèle des exportations en direction de l’isthme. On peut étayer cette hypothèse sur un argument décisif : la chute des volumes2 en direction de la Vera Cruz n’est pas accompagnée d’une chute analogue des valeurs.
9Or, c’est entre 1626 et 1631, de 1629 à 1631, notamment que cette modification décisive s’opère : l’alignement définitif de la structure des exportations d’Europe vers la Nouvelle Espagne sur celles d’Europe vers la Terre Ferme.
NAVIRES MARCHANDS ET ARMADA
10C’est également à la hauteur de la dernière fluctuation primaire du cycle 1623-1631 que se place la grande cassure navires marchands de Séville-armada.
11Dans tous les cycles précédents, le volume des navires marchands de Séville était double, au moins, de celui d'armada (de 1623 à 1628, encore, 51,4 % pour les navires marchands de Séville, 25 % du total, pour les armadas). Ici, à la hauteur de la fluctuation 1629-1631 : une permutation décisive a lieu, les navires marchands de Séville s’élèvent à 37,9 % contre 46 % pour la rubrique armada.
12La dernière fluctuation, 1629-1631 du cycle 1623-1641 annonce et dégage presque, jusqu’à la caricature, les tendances essentielles des cycles de la décroissance. 37,9 % et 46 % représentent des positions extrêmes, que le cycle 1632-1641 ne conserve pas, intégralement — au cours du cycle 1632-1611, le volume des navires marchands de Séville totalise 40,2 % de l’ensemble des départs, les armadas, 37,7 % et de 1642 à 1650, 50,4 % et 36,3 %. On voit combien, dans ces conditions, non seulement 1629-1631 se désolidarise de la période précédente mais à quel point il annonce en les exagérant les caractères des cycles de la phase longue de la décroissance.
UNE FORMULE OSCILLANTE
13Il est un dernier aspect pour lequel la fluctuation 1629-1631 s’apparente davantage aux cycles de la décroissance, 1632-1641, 1642-1650, qu’à la première fluctuation de son propre cycle 1623-1628 : le caractère saccadé de la démarche du mouvement.
14Caractère saccadé, déjà, par l’amplitude des diverses fluctuations. L’ampleur en est bien visible, notamment, sur les écarts à la moyenne, des Allers, et plus encore, des Retours et des Allers et retours3. En 1629-1631 comme dans les cycles suivants, elle est marquée, surtout, par l’importance des anomalies négatives. Cette caractéristique que le graphique fait apparaître, du premier coup d’œil, n’est pas tout à fait nouvelle. On avait observé — les graphiques d’écart à la moyenne le montrent — quelque chose de comparable, lors des années difficiles qui suivirent l’accident de l'Invincible Armada, au plus fort de la guerre hispano-anglaise.
15Mais cette situation est mieux caractérisée encore par un décalage très sensible entre les Allers et les Retours. On a dit souvent4 combien le parfait synchronisme de la fluctuation sur les Allers et sur les Retours avait été une des caractéristiques de la période 1623-1626, au cours de laquelle5 la plus forte participation des Retours au mouvement annuel a été de 49,48 % en 1623 et la plus faible, de 45,06 % en 1626. Le synchronisme est bien marqué par les pourcentages des Allers et des Retours aux globaux Allers et retours6. En fait, ce relatif synchronisme des Allers et des Retours a duré beaucoup plus longtemps, de 1609 à 1627, au moins. Au cours des dix neuf années qui vont d’un terme à l’autre, la participation la plus faible des Retours est de 36,05 % en 1622, la participation la plus forte, de 51,90 % en 1613.
161628-1631 annonce, par contre, par ses distorsions, une situation tout à fait différente : la participation des Retours est de 16,27 % ou 3,5 %7 suivant la solution adoptée, celle de 1631, de 11,06 %, celle de 1630, de 58,76 %. On peut difficilement envisager une marche plus saccadée ; c’est celle déjà des deux cycles 1632-16-11, 1612-16508. C’est également la situation qui a caractérisé, de 1582 à 1604, la période de la guerre hispano-anglaise et de la première phase du conflit maritime contre les gueux de la mer. C’est en 1628 donc, que réapparaît une des structures les plus importantes de l’impact maximum de la guerre sur la Carrera : la discordance Allers-Retours que le graphique « Déficit des Retours » exprime par une allure particulièrement crénelée. On a par là un test de l’importance du fait de guerre..., où 1609-1627 apparaît comme un havre de paix, jamais retrouvé, entre deux périodes exceptionnellement troublées ; il accentue le processus de destruction de la phase longue de la décroissance.
17Ce dernier test du trafic prouve clairement de quel côté penche la fin du cycle 1623-1631, de 1629 à 1631.
L’ENVIRONNEMENT MONÉTAIRE
18Il est, en dehors même du trafic, dans les structures monétaires de l’espace espagnol, celui du Royaume de Castille, surtout, le plus étroitement associé, on l’a vu maintes fois, à la vie de l’Atlantique hispano-américain, une autre solidarité qui rattache étroitement la période 1628-1629-1631 aux cycles de la décroissance 1632-1641, 1642-1650, beaucoup plus étroitement à ce qui suit, donc, qu’à ce qui précède.
19Au point de vue monétaire, on est entré dans la période médiocre du billon9, avec modalité indissociable des alternances extrêmement brutales d’inflation et de déflation. 1628-1629 constitue la première phase déflationniste de toute l’histoire monétaire du siècle et demi qui va de 1501 à 1650..., il y en aura d’autres, au-delà, jamais avant, souvent au-delà, 1630-1632, 1634-1638,..., 1612-1613, surtout...
20Ces alternances, beaucoup plus que l’inflation continue, sont destructrices de richesses... et plus que tout, de phases déflationnistes. Elles balayent, détruisent et ruinent (le trafic le prouverait s’il en était besoin), beaucoup plus sûrement peut-être, que les flambées inflationnistes, dont elles sont, en période de billon, comme le négatif indissociable.
II. — 1629. LA FACTURE DE MATANZAS
21La Carrière des Indes va payer, en 1629, la facture de Matanzas. Tout est paralysé, tout est désorganisé. La substitution au refus des flottes d’une Armada royale extraordinaire montre que la paralysie provoquée par la terrible nouvelle a des causes psychologiques plus encore que physiques. Pour le commun des hommes, il est besoin d’espérer pour entreprendre et de réussir pour persévérer. La catastrophe de 1629 est grave, parce que le moral est atteint.
LA LEÇON DES CHIFFRES
22Il ne faudra pas trop s’attarder à la leçon superficielle des chiffres globaux. Ceux-ci masquent, en très grande partie, l’ampleur de la catastrophe. Contrairement aux apparences, 1629 est, en effet, un des points les plus bas atteints jamais par le trafic.
1. Allers
23Même sur les globaux, le creux de 1629 est vigoureusement marqué. De 71 unités à 45 unités, de 21 598 toneladas à 16 624 toneladas (de 25 845,6 tonneaux à 19 982,8 tonneaux) ; n’est-il pas le plus déprimé de toute la fluctuation décennale ? Plus, même, que les creux encadrants de 1623, 1622 et 1631. Il faut aller jusqu’en 1632 pour trouver une position plus en contrebas.
24Par rapport à 1628, qui marque le terme du plateau central d’expansion cyclique, le décrochement de 1629 est particulièrement sensible, respectivement de 36,6 % et 23 %, beaucoup plus considérable, sur la série du mouvement unitaire, que sur celle des tonnages. Il y a donc, d’une année à l’autre, accroissement considérable du tonnage unitaire, de 288,3 toneladas en 1627, 304,2 toneladas en 1628, à 364,4 toneladas en 1629.
25Cette augmentation brutale et sans lendemain du tonnage unitaire est facilement compréhensible. Elle résulte de la composition des départs de l’année10 qui comprennent presque uniquement des navires d'armada, donc d’une taille très supérieure à la moyenne11 Elle est un peu le corollaire de la chute non moins brutale du total des départs. Sans les possibilités de tri qu’une telle réduction comporte, seuls les plus gros navires seront partis..., cette anomalie positive eût été impossible. L’ampleur est donnée par les écarts à la moyenne, entre autres, après les 119,96 %. 113,00 % et 112,04 % de 1626, 1627 et 162812, on tombera, avec 1629, à 87,79 %.
2. Retours
26Ce qui se produit, en Retours, n’est pas autre chose que le dépassement d’une anomalie, l’anomalie de Matanzas, sur laquelle il n’y a pas à revenir.
27La reprise, qu’une première apparence indique, de 17 unités, 4 184 toneladas, 5 020,8 tonneaux, dans l’hypothèse la plus favorable, pour 1 628, de 8 unités, 784 toneladas, 940,8 tonneaux, dans une perspective beaucoup plus juste13, à 49 unités, 14 530 toneladas, 17 436 tonneaux, est pure illusion.
28La seule rentrée importante de 1629, celle de l'Armada de la Guardia de Tomas de la Raspuru et de la flotte de Terre Ferme de Don Luis de Velasco, à une date anormalement précoce, le 10 avril 1629, n’est pas autre chose qu’un retour différé de 162814.
29Il importe donc de considérer globalement les Retours de 1628 et 1629 et de constater qu’on est en présence d’une même masse ventilée sur deux ans. On arrive, ainsi, à la notion d’un creux de moins de 10 000 toneladas de Retours annuels moyens étalé sur deux ans.
30Les Retours de 1629 représentent, à eux seuls, dans le cadre annuel, une masse que les pourcentages de 97,8 % par rapport à la moyenne correspondante des Retours, de 46,60 % par rapport aux globaux Allers et retours gonflent exagérément15. La ventilation sur deux ans ferait apparaître un écart considérable à la moyenne (un peu plus de 60 % à peine), qui rendrait mieux compte du creux des Retours qui se prolonge, en réalité, jusqu’en 1630.
31Quant au tonnage unitaire, de 296,53 toneladas, il n’est pas étonnant qu’il soit inférieur à celui des Allers, anormalement gonflé, on a vu pourquoi, de 369,4 toneladas16. Il correspond bien, par contre, au tonnage unitaire des Allers de 1627, 288,3 toneladas, avec qui il est dans un rapport normal. Cette constatation prouverait, s’il en était besoin, que les Retours de 1629 sont bien des Retours différés de 1628, puisqu’on y trouve le schéma des Allers de 1627, d’une part et qu’on leur doit, aussi, partie de ce qu’il y a d’anormal, d’autre part, dans le tonnage unitaire des Allers de 1629.
3. Allers et retours
32Le concert artificiellement retrouvé des Allers et des Retours, explique la position des globaux. 97 unités, 31 184 toneladas, 37 420,8 tonneaux, 94,01 % du niveau correspondant de la moyenne mobile retenue, laisserait, d’abord, à penser à une amélioration par rapport au creux apparent de 1628, soit 88 navires, 25 722 toneladas, 30 866,4 tonneaux et 75,75 %, compte non tenu des navires capturés, 79 navires et 22 382 toneladas, un pourcentage à la moyenne inférieur à 70 %.
33Cet accroissement n’est, face à la conjoncture réelle du trafic, qu’une illusion de reprise, en raison de la nature des Retours. Si on ventilait, comme il serait opportun de le faire, les Retours de 1628 et 1629 en tranches égales, sur deux ans, on passerait de 30 500 à 25 500 toneladas, environ, soit un mouvement plus expressif, certainement, de la réalité conjoncturelle. Le tonnage unitaire fait preuve, malgré tous ces à-coups, d’une remarquable constance, 321,5 toneladas en 1629, contre 325,6 toneladas en 1628.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
34Les éléments d’appréciation, en dehors du découpage du mouvement global, seront d’autant plus utiles.
1. Valeurs
35Il faut se contenter, pour le mouvement en valeur, de l’évaluation moins bonne du maravedí al millar17. Elle fournit des ordres de grandeur, moins en valeur absolue qu’en valeur relative, par rapport aux points hauts précédents de 1628 et 1626. Le niveau-valeur présumé de 1629 est de l’ordre de 50 % du niveau de 1628 (457,7 millions de maravedís en 1629, contre 901,8 millions en 1628), il représente un peu moins de 40 % du niveau correspondant de 1626 (457,7 millions contre 1 205 millions). Il ne saurait agir de niveaux absolus, mais, tout au plus, de niveaux relatifs, d’ordres de grandeur relative. Le creux de 1629 est bien dessiné, moins profondément en valeur qu’en volume. Il n’est pas catastrophique, toutefois, si on tient compte du caractère exceptionnel des niveaux précédents de 1626 et 1628 de nos termes de référence. Pour apprécier ce que signifie exactement ce recul, il faut tenir compte de la ventilation du trafic à l’intérieur du complexe portuaire et des espaces géographiques desservis.
2. La ventilation à l’intérieur du complexe portuaire
36Le niveau des valeurs, malgré une réduction présumée de 50 % par rapport à 1628, surprend par son importance, en raison du caractère exceptionnel de la composition des Allers de 1629. On ne peut imaginer, en effet, structure plus curieuse18. Aucune flotte, aucun navire marchand de Cádiz, quelques sueltos, plusieurs avisos, deux armadas, l’Armada de la Guardia et une armada royale. L’intervention royale s’efforce de pallier les inconvénients du désistement complet de l’armement privé.
37La catégorie des navires marchands de Séville19, mieux encore, l’ensemble des marchands de Séville et Cádiz, donnera bien l’ampleur du repli. 11 navires, 754 toneladas, à Cádiz. Il faut donc opposer aux 11 navires, représentant 754 toneladas, en 1629, les niveaux correspondants du plateau central de l’expansion cyclique, soit les 43 unités, 14 518 toneladas de 1628, les 46 navires et 15 774 toneladas de 1627, voire même encore, 38 unités et 11 740 toneladas en 1626. La réduction du volume au départ sur ces axes justement considérés comme essentiels pour le trafic est donc de l’ordre de près de 95 %.
38Le volume des négriers, lui-même est en diminution de près des deux tiers (de 17 à 6 unités, de 2 010 à 720 toneladas).
39Fait unique20, les armadas représentent 90 % environ (31 navires sur 48, 15 180 toneladas sur 16 624 toneladas) de la totalité du trafic. Si on ajoute aux armadas les avisos dont la charge incombe au Roi, on constate que sur 48 navires au départ, le Roi — et cet organisme para-officiel l'averia21 — ont pris à leur compte, 36 navires, 15 330 toneladas. L’armement privé n’a donc assumé, pour sa part, qu’un total ridicule de 12 navires, représentant, au maximum, 1 296 toneladas.
40Beaucoup plus instructive, encore, l’étude même du mouvement d'armada, le plus important, tant en chiffres absolus qu’en valeurs relatives, de toute l’histoire recensée de la Carrera. En effet, sur un total de 31 unités, représentant 15 180 toneladas, l’Armada de la Guardia, — entendez la moins directement sous la coupe du Conseil du Roi parce que du domaine de l'avería — compte 13 navires, totalisant 6 180 toneladas, l’armada royale exceptionnelle22 du Capitaine Général Don Fadrique de Toledo y Osorio, par contre, s’élève à 18 unités que l’on peut évaluer à 9 000 toneladas. On voit, ainsi, tout ce que la Carrière des Indes doit au secours royal.
41Jamais un lien solide entre les Indes et l’Espagne n’aura été aussi indispensable au moment où la présence hollandaise s’incruste profondément dans le secteur vital et menacé de la Méditerranée américaine. Pour assurer cette liaison au minimum vital le plus modeste, le Roi a dû décider cet expédient lourd et coûteux. Une dérobade aussi ancienne de l’initiative privée est le meilleur test que l’on possède de l’ampleur de la dépression conjoncturelle.
3. Répartition entre les secteurs fondamentaux des Indes23
42La confirmation de l’abandon des îles (de 8 navires à 4 unités, de 1 166 toneladas à 1470 toneladas24, une élimination totale de la Nouvelle Espagne (de 17 navires à 3 navires, de 7 433 toneladas à 90 toneladas), une extrême poussée, en apparence, du moins, de la Terre Ferme (de 29 à 35 unités, de 10 929 à 14 374 toneladas) sont les simples variantes d’une même réalité.
43L’anéantissement de la Nouvelle Espagne se comprend sans peine. L’axe nouvel espagnol du trafic donne depuis dix ans bientôt, des signes de plus en plus précis de fatigue. C’est lui qui vient d’essuyer, par la destruction de la plus grande partie de la flotte de Benavides, le désastre de Matanzas.
44La résistance de la Terre Ferme, par contre, sera retenue. C’est elle que la flotte royale, après l'Armada de la Guardia dessert, en première ligne. Et c’est, selon toute vraisemblance, dans ce comportement paradoxal du trafic de Terre Ferme — le centre de gravité du péril s’est déplacé, il est vrai, plus vers le Nord-Ouest, entendez Cuba et la Nouvelle Espagne, plus vers le Sud-Est, c’est-à-dire, vers le Brésil, au cœur de l’attaque hollandaise — qu’il faut chercher la solution de la résistance du mouvement-valeur au-delà de ce qu’on aurait pu en attendre.
45On laissera de côté l'Armada Real qui pose un gros point d’interrogation. Qu’a-t-elle transporté, plus simplement, même, qu’a-t-elle autorisé à transporter ? La question n’est pas facile à résoudre. Manifestement, étant donné les fonctions de défense que l’Armada de Don Fadrique de Toledo y Osorio doit assumer, ses fonctions économiques ont été, sans doute, beaucoup plus effacées. Malgré le transport d’une grosse quantité de mercure, 4 776 quintales25 On ne peut, toutefois, en tirer argument, car le transport du mercure, marchandise royale, appartient aux armadas.
46La présence de l'Armada de Don Fadrique de Toledo y Osorio aura eu, certainement, une influence sur l'Armada de la Guardia de Martin de Vallecilla. Elle aura permis à l'Armada de la Guardia de se consacrer plus exclusivement encore que de coutume, malgré la pression de l’ennemi, à des fonc tions économiques pour lesquelles elle n’était pas faite. L’accroissement de plus de mille toneladas de 1628 à 1629, du volume de l’Armada de la Guardia, a dû avoir donc, selon toute apparence, une portée considérable.
47On sait l’importance du trafic avec la Terre Ferme. Bien qu’il soit formé, en sa totalité, par des navires d'armada et pour les deux tiers, par une armada extraordinaire aux fonctions essentiellement militaires, l’apparition de la Terre Ferme et le gonflement relatif de l’armada de l'avería suffisent à maintenir le niveau présumé des valeurs à 50 % du niveau de 1628.
4. Chronologie et mercure
48Ce maintien à 50 % est un tour de force incontestable dans la circonstance de 1629. Il ne doit pas faire oublier l’essentiel, la chute de 50 % et ce qu’elle implique de marasme. Autre signe de marasme, la date extraordinairement tardive des départs. On ne peut les fixer avec certitude, mais, selon toute vraisemblance, les deux armadas, entendez 90 % du trafic, partent entre la fin juillet et le début d’août. On a dans ces départs tardifs un des secrets de l’énorme nœud des Retours de 163026.
49Un autre facteur contradictoire agira à long terme, — il arrive trop tard, pourtant, pour renverser la vapeur, tout au plus faudra-t-il en tenir compte, pour comprendre la reprise cyclique de 1632-1634 et surtout, peut-être, de 1635-1638 — la masse énorme du mercure transporté par les deux armadas, au total 12 212 quintales par l'Armada de la Guardia pour la plus lourde part et par l'armada royale pour le reste.
50Quant au reste, la correspondance donne un ton de marasme et de gêne. Par les nombreuses demandes de permission, preuve de l’impuissance de la Carrera, en panne, à assumer ses fonctions27, …par le scandale, entre plusieurs, de l’importation au Pérou de soie de Chine28 Face à l’énorme catastrophe qui l’a frappée, la Carrera (Séville, Cadiz, tout le complexe) semble prostrée. Frappée psychologiquement, bien au-delà des pertes physiques qu’elle a subies. La paralysie collective qui semble la frapper, n’exclut pas des initiatives et des solutions individuelles. D’où un chargement, vraisemblablement, des armadas et plus sûrement de l'Armada de la Guardia. Sans parler de l’énorme effort consenti, enfin, par le Roi, et dont l'Armada de Don Fadrique de Toledo y Osorio témoigne sans phrase.
HYPOTHÈSES
51Les événements dont la Carrera est le théâtre en 1629 se raccordent facilement à un contexte très net. Ils sont dominés par deux événements catastrophiques.
1. Matanzas
521629 est au fond de la vague de marasme collectif qui a rayonné de Matanzas. Un an durant, les hommes de la Carrera sont sans voix. Il nous manque des éléments pour apprécier les réflexes individuels, mais c’est dans leur être collectif que négociants et armateurs semblent atteints.
2. La déflation
53L’événement, le premier jamais observé depuis plus d’un siècle, dans l’arrière plan monétaire du Royaume de Castille, vaut qu’on s’y arrête un instant. Le tournant, on l’a vu29 se place à la charnière de l’été et de l’automne 1628. La grande cassure, particulièrement brutale dans l’espace andalou, surtout, se situe entre juillet-septembre (prime de l’argent sur le billon, 60,00 %) et octobre-décembre 1628 (prime de 12,75 % seulement).
54La déflation aura représenté pour l’économie espagnole un cap particulièrement difficile à doubler. On peut affirmer, sans crainte d’être démenti, que, ce qu’il y a de destructeur dans les grandes poussées inflationnistes de l’ère billonniste (1620-1680) se réalise dans les périodes de déflation qui constituent le pendant dialectiquement indissociable des flambées d’inflation.
55La première de ces périodes d’inflation, on a vu quel en était le caractère d’extrême brutalité, commence à l’instant même de Matanzas, entendez à l’automne 1628 et sans qu’il y ait entre les deux ordres de phénomènes d’autres liens que ceux tissés par le hasard. La phase déflationniste va, en gros, suivant une ligne presque droite, de septembre-octobre 1628 à juin-juillet 1629. Elle recoupe, donc, exactement, le cadre chronologique de la catastrophe des trafics.
3. Les prix et les salaires
56La déflation est sensible, naturellement, sur les prix30 Au tout premier chef, dans le secteur qu’elle affecte le plus brutalement, le secteur andalou. L’indice andalou passe, d’après Hamilton, de 1628 à 1629, de l’indice 110,61 à l’indice 99,88..., un des décrochements les plus considérables de tout le demi-siècle. Il n’est pas indépendant, bien sûr, de la crise déflationniste dont il est, peut-être, la principale conséquence. Mais il ajoute ses difficultés propres à la raréfaction monétaire que comporte le retrait brutal, trop brutal d’une mauvaise monnaie, décriée, mais utile.
57Quant au prix relatif de la main-d’œuvre31 de 102,44 % à 104,22 % on n’ose pas encore le faire intervenir. La variation est trop minime pour agir dans l’immédiat. Tout au plus, se souviendra-t-on qu’il y a là une indication, la menace de la réapparition d’un frein pour l’avenir.
III. — 1630 : CONTRE-COUPS ET PROSPÉRITÉS ILLUSOIRES
58Le choc de Matanzas n’est pas prêt de se dissoudre. Il a été trop porteur de disparités et d’anomalies. 1630 le prouve. Le trafic en 1630 est l’anomalie positive de la vague inhibitrice de 1629. Le hasard — le hasard non comme explication, mais comme aveu d’impuissance, comme reconnaissance de ce qui échappe à l’investigation rationnelle — ayant voulu qu’au choc de Matanzas s’ajoute celui de la première phase déflationniste de l’histoire de la Carrera, la Carrera va être secouée, pendant de nombreuses années, par un long train d’ondes secondaires et atténuées qui, venant s’ajouter aux autres fluctuations, rendront l’analyse d’autant plus indispensable et d’autant plus complexe.
59A la limite, ce que nous avons appelé la deuxième, voire la troisième fluctuation primaire du cycle 1629-1631 — elle n’en est pas moins vraie — n’est que le résultat quelque peu factice de l’ébranlement extérieur d’un Matanzas que le hasard a combiné avec la déflation du billon.
LA LEÇON DES CHIFFRES
60L’originalité de 1630 réside moins dans la masse normale des Allers — cette normalité est facilement prouvée par la comparaison avec la moyenne mobile32 : 24 348 tonneaux, moyenne mobile médiane de treize ans en unités pondérées 22 752,95 soit 107,01 % par rapport à cette moyenne — que dans la masse tout à fait extraordinaire des Retours33 : 34 677,6 tonneaux contre 17 848,88 tonneaux pour la moyenne mobile, soit 194,4 %, par rapport à cette moyenne.
1. Allers
61Le trafic en 1630 efface l’anomalie de 1629. De 45 à 65 navires, de 16 624 toneladas (19 982,8 tonneaux) à 20 290 toneladas (24 348 tonneaux), le décrochement positif par rapport à l’année précédente est, respectivement, de 44,4 % et 22 %.
621630, pour les Allers, est une année de retour à la normale. Le niveau global le prouve. Il retrouve, en effet, à très peu de chose près, sinon sur le mouvement unitaire (65 navires, moyenne annuelle cyclique 73,8 navires), du moins en tonnage (20 290 toneladas, moyenne annuelle cyclique, 20 547,3 toneladas) la hauteur des moyennes cycliques 1623-1631 ; le pourcentage par rapport à la moyenne mobile (107,01 %) corrobore ce point de vue.
63On peut établir encore ce retour à la normale, de plusieurs manières. Par la structure du mouvement34. Le mouvement se présente à nouveau sur le schéma habituel : Armada de la Guardia de la Carrera qui sort en avril, en compagnie de la flotte de Terre Ferme, plus, à la fin de juillet, la flotte de Nouvelle Espagne (sa sortie est protégée par l’armada extraordinaire de Roque Centeño, 8 galions, 1 patache, un peu plus de 4 000 toneladas..., étant donné, toutefois, que l'armada Roque Centeño ne dépasse pas la Palma..., il n’a pas été jugé opportun de la faire entrer dans nos calculs). Par la réduction du tonnage unitaire exceptionnel de 1629 (369,4 toneladas) à un niveau plus normal : 312,15 toneladas. Cet alignement sur la moyenne de la fluctuation (311,7 toneladas) traduit simplement une part plus modeste des navires d'armada. L’ébranlement psychologique de Matanzas. commence, timidement, à s’estomper.
2. Retours
64A la différence des Allers, il y a, à la hauteur de 1630, une énorme flambée du mouvement de Retours, avec doublement, pratiquement, de 1629 à 1630, de 49 à 78 unités, de 14 530 à 28 898 toneladas (de 17 436 à 34 677,6 tonneaux) soit un décrochement respectif de 59,2 % et 98 %. La poussée s’accompagne d’une pulsation du tonnage unitaire de 296,53 toneladas, en 1629, à 368,2 toneladas. 368 toneladas soit, à très peu de choses près, le tonnage unitaire des Allers en 1629 (369,4 toneladas). Cette constatation prouve à quel point les anomalies du mouvement se répercutent sagement d’une année sur l’autre et montre l’origine de l’anomalie des Retours de 1630, c’est-à-dire, un réalignement. Les Retours de 1630 sont formés par les retours différés de 1629 et par les navires partis en 1630. Les tableaux35 montrent clairement cette hétérogénéité des Retours et plus encore la chronologie. La preuve de cette dualité est fournie par la double arrivée des convois : 1er août 1630 et 22 décembre 1630.
65Le niveau de 1630 en Retours en est, de ce fait, tout à fait exceptionnel36. En tonnage, sinon en unités, le niveau des Retours de 1630 est le plus élevé du cycle. Si on tient compte de la pondération, le niveau de 1630 est le niveau record de tous les retours de toute l’histoire de la Carrera (compte non tenu de la pondération, il n’a été égalé, qu’une fois en 1587, 29 529 au lieu de 28 898 toneladas). Comparativement à la moyenne mobile37, l’écart des Retours n’aura été sinon dépassé, du moins égalé, une fois seulement, en 1587 (en 1587, 197,74 % en 1630, 194,4 %). L’écart le plus important après, est celui de 1600 (176,27 %). On mesurera, mieux ainsi, l’exceptionnalité relative des Retours de 1630.
3. Allers et retours
661630 bénéficie de la rencontre fortuite de deux mouvements bien indépendants. Il en résulte une animation considérable qui ne doit pas pour autant prêter à confusion, en ce qui concerne la conjoncture de l’année.
67Par rapport au creux de 162838, il y a eu doublement, pratiquement, des niveaux, puisqu’on est passé de 79 à 143 unités, de 25 722 à 49 188 toneladas. Par rapport à 1629, l’écart reste naturellement très appréciable, de 97 à 143 navires, de 31 184 toneladas (37 420,8 tonneaux) à 49188 toneladas (59 025,6 tonneaux), soit des décrochements considérables de 47,4 % et 57 %, avec accroissement du tonnage unitaire, de 325,6 toneladas, en 1628, 321,5 toneladas, en 1629, à 343,9 toneladas, d’où une extrême nervosité de la fluctuation que le graphique rend bien. Il en résulte une position très forte, qui ne sera jamais plus dépassée, cela s’entend39 qui n’a été égalée que trois fois seulement, en 1608, 1610 et 1624. Par rapport à la moyenne, l’exceptionnalité de 163040 est presque plus évidente, encore, puisque, avec ses 148,37 %, il n’est approché qu’une fois (en 1586 avec 147,21 %), dépassé et de si peu, une fois seulement, lors de cette année en tous points exceptionnelle de 155041 avec un écart de 148,98 %.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
68Une étude plus poussée du trafic permet une appréciation nuancée des réalisations de 1630. On manque, malheureusement, d’indications sur les valeurs, on est donc contraint de présumer d’après la composition, notamment, des navires qui vont aux Indes. Il n’est pas impossible que le niveau-valeur de 1630 ait approché, à l’Aller, celui de 1628.
1. La ventilation du trafic au départ
69On est frappé, en effet, de l’importance exceptionnelle des éléments « économiquement » lourds.
70a. Les « marginaux ». — Leur rôle n’a cessé de décroître depuis l’élimination des Canariens, on a vu comment42. Le volume des négriers, 8 navires, au lieu de 6 navires, en 1629, 920 toneladas, au lieu de 720 toneladas, l’année précédente, reste insignifiant par rapport au volume global des navires (65 navires et 20 290 toneladas), soit 4,5 % à peine de la masse globale des départs.
71Tout le reste du trafic est donc formé par des éléments de grande densité.
72b. L’armada. — Dans le même ordre des facteurs positifs, on peut placer la réduction du volume d'armada43. De 31 navires à 11 navires, de 15 180 toneladas à 5 010 toneladas, la réduction du volume d’armada des deux tiers du terme de référence exceptionnel, au vrai, de 1629, ramène la catégorie armada au niveau normal.
73Cette réduction est loin de comporter une réduction présumée équivalente, des marchandises transportées par les navires d’armada, d’une année sur l’autre. 1630 a conservé, en effet, une Armada de la Guardia d’un volume à très peu de choses près comparable au volume de 1629. L’élément, qui disparaît de nos calculs, ce sont les 9 000 toneladas de l'Armada royale exceptionnelle.
74Non que l’Armada royale disparaisse de la réalité de 1630. Faisant pendant modeste à la gigantesque Armada de Don Fadrique de Toledo y Osorio44 de 9 000 toneladas, on retrouve en 1630, une Armada royale réduite, de 4 000 toneladas environ, sous le commandement de Roque Centeño. Elle assure la protection jusqu’aux Canaries de la flotte de Nouvelle Espagne de Miguel de Echazarreta45. Nous n’avons pas cru bon de faire entrer en ligne de compte cette Armada, parce que autant qu’on le sache, elle ne dépasse pas les Canaries. Tout au plus, peut-on se rappeler d’un effort qui a fait sortir du complexe portuaire en 1630, au service de la Carrera non pas 20 000 toneladas mais plus de 24 000 toneladas.
75c. Séville et Cádiz46. — Il en résulte une proportion importante de navires marchands de Séville et de Cádiz. La part des navires marchands de Séville et Càdiz s’élève à plus de 70 %, soit une proportion très supérieure aux moyennes correspondantes du cycle (57,8 % de 1623-1631) et, a fortiori, de la fluctuation 1629-1631, 47,9 %.
76Une telle proportion constitue, évidemment, en faveur de 1630, un élément très favorable. Avec 39 navires et 11 530 toneladas, 1630 arrive en quatrième position dans l’histoire du cycle mais avec des écarts très faibles qui le séparent des 15 055 toneladas de 1624, 12 224 toneladas de 1627 et 11 918 toneladas de 1628.
77Cádiz compense en 1630 le silence de 1629 avec un niveau respectable, le plus élevé sur le mouvement unitaire, en troisième position en volume, avec 7 unités et 2 830 toneladas. Au total l’ensemble clef Séville-Cádiz avec 46 navires, 14 360 toneladas, peut supporter la comparaison avec les bonnes années du plateau central de 1626 à 1628 (46 navires, 15 774 toneladas en 1627, 43 unités, 14 518 toneladas en 1628, 38 navires, 11 740 toneladas en 1626).
78Une telle structure laisse à penser, sauf incident qui nous échapperait, un niveau valeur élevé, malgré l’insuffisance dénoncée de l'avería à couvrir les frais énormes de la défense47.
2. Les directions fondamentales
79Un dernier facteur favorable nous paraît constitué par l’équilibre Nouvelle Espagne-Terre Ferme48. Le niveau des îles reste très faible (11 navires, 1 920 toneladas). Nouvelle Espagne et Terre Ferme s’équilibrent, 20 navires et 8 490 toneladas, d’un côté, 26 navires, 8 960 toneladas de l’autre.
80Cette égalité, toutefois, est une fausse égalité, puisque structurellement, dans cette nouvelle partie de l’histoire de la Carrera, la Terre Ferme l’emporte sur la Nouvelle Espagne. Le trafic avec la Nouvelle Espagne est composé dans sa totalité par la flotte, donc par des navires marchands, plus de la moitié du trafic avec la Terre Ferme est assumée par les galions de l'avería. Les années les plus favorables du plateau cyclique d’expansion maximale, 1626 et 1628, étaient, par contre, plus axées vers la Terre Ferme que ne l’est le trafic en 1630. En fait, étant donné le dénivellement qui, bien qu’atténué, subsiste encore entre la valeur unitaire des exportations en direction de la Nouvelle-Espagne et de la Terre Ferme, au profit de la Terre Ferme, il faut attribuer à 1630, en valeur, une position inférieure à celle de 1628.
3. La Carrera face à ses problèmes
81Pour avoir une plus juste appréciation de la conjoncture du trafic en 1630 il importe de tenir compte, au premier chef, de la position de 1630, entre les fondrières des années qui l’encadrent, 1629 et 1631. Une bonne partie des départs de 1630 est formée par des départs différés et récupérés des années précédentes et, plus particulièrement, de 1629. C’est la raison première pour laquelle il importe de ne pas exagérer l’importance, en conjoncture, des chiffres du mouvement global de 1630.
82a. Mercure. — Une série de facteurs invite à ne pas exagérer les éléments positifs de l’année. Et tout d’abord, — mais les effets n’en sont pas immédiats, — la diminution des exportations de mercure49 : 4 564 quintales en direction de la Nouvelle Espagne, 321 quintales, seulement, en direction de la Terre Ferme.
83b. Danger. — La gravité [du danger qui pèse, désormais, sur les communications entre le Sud de la péninsule ibérique et la Méditerranée américaine est très bien vue, dans son mémoire au Conseil des Indes, par Estevan de Santiago50. En fait, l’installation des Hollandais dans les anciennes positions du vieux Nord-Est lusitano-brésilien lance à la Carrera un défi permanent. Les deux Atlantique, celui qui mène du Portugal ou des Pays-Bas — le problème est le même — au Brésil et l’Atlantique, pont entre le Sud andalou et la Terre Ferme, les Antilles et le Mexique, se coupent, comme ils se sont toujours coupés. Cela n’implique pas nécessairement qu’on se heurte et qu’on se rencontre. L’élément nouveau pour Séville n’est-ce pas, toutefois, que cet espace sécant est, désormais, tenu par une force hostile et singulièrement plus dynamique que le vieux Portugal jalousé et ami, par la force même des choses, désormais, dépassé.
84c. Défense. — Cette situation nouvelle oblige la Carrera décadente à un effort militaire croissant ; elle est, cela va sans dire, par son action sur un corps débilité, un facteur de décroissance. Tout autour de ce problème, l’année 1630 est pleine51 de discussions et de conflits. Il suffit de se reporter aux notes aux tableaux. On suivra le dédale de discussions qui posent le problème de la défense de la Carrera. Une chose est certaine, tratadistas, plus ou moins émanant du corps du Monopole, d’une part, Consejo agissant de l’autre côté, pour le compte du Roi, tous sont d’accord sur ce point, sur la nécessité d’un corps de bataille d’au moins seize galions pour assurer, à l’intersection de l’Atlantique hollandais, la protection des communications vitales de la Carrera. Le deuxième point qui semble hors de discussion, également, le fait que l'avería est impuissante à financer cet énorme effort nouveau. En raison de la décadence du trafic, Yaveria ne parvient même plus à payer les frais de l'Armada de la Guardia, 50 % à peine du coût de huit galions, nous dit-on. Cela représenterait le quart à peine d’effort comme celui de 1629, un tiers, peut être, des besoins de la défense de 1630.
85Là s’arrête l’accord. Pour le financement, il est naturel que les points de vue se heurtent. Mais il est admirablement clair, toutefois, que l’accord entre groupes d’intérêt aussi divergents que tratadistas, émanations du Monopole d’une part, et conseillers des Indes, d’autre part, sur ces deux éléments fondamentaux, nécessité minima d’un doublement de l’appareil de défense, possibilité pour l'avería, telle qu’elle existe, d’en payer le quart, sans doute le tiers, dans l’hypothèse la meilleure, constitue une convergence extraordinaire, surprenante, donc significative. Le tableau que nous brossent les gens de Séville n’est certainement pas exagéré, il suffit pour s’en convaincre, de se reporter aux dangers auxquels ont à faire face les navires de la flotte de Nouvelle Espagne en 163052. Même si les quatre vingts voiles ennemies signalées en septembre au large de la Nouvelle Espagne sont grandement exagérées.
86L’existence structurelle d’une telle situation ne peut être considérée comme un élément favorable. Elle prouve que même la médiocre prospérité de 1630 n’est pas capable de dissiper l’écrasante étreinte du défi permanent de la constitution, au travers de l’Atlantique en fuseau de Séville, d’un autre Atlantique ennemi, d’une nature identique, constitué par deux bases géographiques opposées, la Hollande, d’une part, l’Outre-Atlantique hollandais du Brésil, d’autre part.
87d. Crise de main-d’œuvre. — Un dernier élément, qui n’apporte rien de nouveau, mais démonte le mécanisme de l’écrasement, de l’étouffement de la Carrera, sous le poids de ses charges militaires, est fourni par la crise de la main-d’œuvre spécialisée des gens de53.
88C’est la flotte de Nouvelle Espagne du Capitaine Général Miguel de Echazarreta qui a, naturellement, le plus à en souffrir, puisqu’elle arrive en seconde position dans le temps — elle part de Cádiz, le 28 juillet 1630, après le départ, entre le 11 et le 30 avril, du convoi mixte de l'Armada de la Guardia de Tomas de La Raspuru et de la flotte de Terre Ferme de Don Alonso de Muxica. La pénurie atteint des proportions jusqu’ici insoupçonnées. Les besoins des armadas sont tels — un galion armé en armada a des besoins en hommes très supérieurs, doubles, peut-être, des besoins d’un navire de taille comparable, armé en flotte — qu’ils désorganisent complètement les possibilités d’approvisionnement en main-d’œuvre des navires marchands.
89Le manque de marins est un des éléments qui rendent particulièrement pénibles les préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne en 1630. A cela s’ajoute des passe-droits que l’on dénonce, comme toujours, avec une acrimonie particulière en période de crise. Pour pallier les difficultés de recrutement, il faut charger des esclaves comme marins. On compte six grumetes esclaves sur la seule Capitana de la flotte de Nouvelle Espagne de Miguel de Echazarreta.
90L’acuité de la crise des marins en 1630 doit être retenue. Elle éclaire, en effet, certaines relations qui ne sont pas, a priori, évidentes. En effet, 1630 qui nous apparaît, ici, comme située au cœur de la crise la plus violente de pénurie de main-d’œuvre maritime n’est pas, par ailleurs, au contraire, une période de coût relatif extrême de la main-d’œuvre54 dans la péninsule ibérique. Le coût relatif moyen de la main-d’œuvre espagnole, en 1630, d’après E.J. Hamilton, bien qu’en augmentation, 109,31 % en 1630, au lieu de 104,22 % en 1629, est un taux moyen, presque normal55 (moyennes de la décade 1621-1630 = 110,75 ; pour la décade 1631-1640 = 110,36). Cette constatation permet d’avancer deux hypothèses complémentaires. Le secteur gens de mer constitue, nous en avons la preuve une fois de plus, en Espagne, un secteur structurellement surtendu. La guerre compense largement l’allégement provoqué par la décroissance du trafic. En 1630, plus que jamais, la mer constitue un domaine qui souffre d’une pénurie aiguë de main-d’œuvre spécialisée.
91Seconde hypothèse complémentaire. Le renversement de la tendance du coût relatif de la main-d’œuvre au cours de la demi-décade 1621-1625 est étroitement lié à une situation catastrophique de pénurie. Il signifie non pas euphorie, non pas augmentation de l’offre sur le marché du travail, mais diminution de la demande. Il traduit non pas une aisance de l’entreprise, mais une paralysie générale et progressive de l’économie du pays. C’est la cassure, la brisure qui a suivi l’excessive tension prémonitrice de mort des années 1600 à 1620-162556, lors de la grande anomalie positive de la rémunération du travail. Il en va ainsi, les disparités présentes le prouvent, même si dans l’immédiat, à très court terme, la modification de la tendance du coût relatif de la main-d’œuvre a pu, d’abord et dans des secteurs limités de l’entreprise, apporter un élément favorable, comme le montre l’expansion cyclique des années 1626-1628 du trafic avec les Indes.
HYPOTHÈSES
92Cette constatation nous amène sur le chemin de quelques explications élémentaires. La pointe de la fluctuation isolée entre deux points bas, ceux de 1629 et de 1631, bénéficie essentiellement d’un phénomène de récupération. Quel que soit le niveau faussement exceptionnel de 1630, en effet, le contexte ne suit pas celui, par exemple, des moyennes annuelles au cours des trois dernières années du cycle, de 1629 à 1631 (moyennes annuelles : 18 081,3 toneladas, à l’Aller, de 1629 à 1631 contre 20 547,3 toneladas de 1623 à 1631 ; 15 192,6 toneladas en Retours, de 1629 à 1631, contre 15 755,8 toneladas de 1623 à 1631 ; 33 274 toneladas de 1629 à 1631 en Allers et retours, contre 36 303,2 toneladas de 1623 à 1631).
93Contre-épreuve d’une explication, par ailleurs, évidente, on chercherait, en vain, dans le contexte économique de 1630, des éléments qui permettent d’expliquer une reprise57. De 1629 à 1630, les prix stagnent en Andalousie (1629 : indice 99,88, 1630 : indice 99,79) et baissent, ailleurs (de 1629 à 1630, en Nouvelle Castille, on passe de l’indice 112,99 à l’indice 109,69 ; en Vieille Castille Léon, de l’indice 117,06 à l’indice 106,64 ; à Valence, de l’indice 108,12 à l’indice 106,78).
94Certes, on pourrait faire valoir qu’après le point d’extrême déflation de 1629, entre 1629 et 1631, points bas de la prime de l’argent sur le billon dans le Royaume de Castille58, 1630 constitue un point de moindre effet déflationniste (moyennes annuelles de la prime de l’argent, en Andalousie, 21,15 % contre 16,81 % et 19,25 % ; en Nouvelle Castille, 20,50 % contre 18,20 et 18,48 % ; en Vieille Castille-Léon, 20,29 % contre 15,10 % et 18,28 %. Mais ces variations, sans répercussion sensible sur les prix, sont faibles pour être valablement intégrées dans un complexe explicatif causal.
95Le prix relatif de la main-d’œuvre59 s’accroît de 104,22 % en 1629 à 109,3 % en 1630. Ce serait, tout au plus, un facteur défavorable. Mieux vaut, toutefois, en présence de variations d’indices aussi faibles — en raison de la précision et de l’exemplarité limitées de la mesure — et contradictoires, considérer, comme tout incite à le penser, qu’entre 1629 et 1630 les conditions économiques générales n’ont pas changé. Ces conditions, ce sont celles de la dépression.
96La preuve en est fournie par la situation de 1631.
IV. — 1631 : LE CREUX FINAL
97Si on pouvait douter de la médiocrité des fausses victoires de 1630, la réalité de 1631 nous ramènerait à une plus juste appréciation des choses. La caractéristique majeure de 1631 est donnée par le déséquilibre, sur le modèle de 1628, des Allers et des Retours. 1631 est une année sans Retours. La guerre, à nouveau, a bloqué le mécanisme de la Carrera. L’accident plus ou moins fortuit des Retours de 1631 entre dans le complexe causal qui rend compte, au début du cycle suivant (1632-1641), de la dépression relative de la première fluctuation. En fait, il serait vain de chercher à trop opposer, entre elles, les différentes phases de la fluctuation déprimée du cycle. Les facteurs d’unité à l’intérieur de la dépression de Matanzas, qui se prolonge au-delà de 1631, l’emportent de beaucoup sur les éléments de différenciation.
98Les quatre ou cinq ans qui vont de Matanzas à 1634 résonnent, pour l’économie de l’Atlantique espagnol, comme des années de marasme et de défaite. 1630 ne se désolidarise en aucune manière, malgré les apparences, comme le révèle bien 1631, de la grisaille de l’intercycle. Il n’est, peut-être, pas impossible — mais des éléments manquent encore, pour trancher — que les lourdes difficultés d’une conjoncture spécialement difficile en Espagne, parce que plus près de l’espace dominant de l’Atlantique de Séville, aient contribué au retournement spectaculaire, combien de fois décrit, de la situation politique dans l’Empire au cours de l’été 1630. Ce qui a manqué à Ferdinand dont l’appartenance à la mouvance espagnole n’est pas à démontrer, pour tirer à Ratisbonne les conclusions et recueillir les fruits d’une politique bien menée, n’est-ce pas tout l’appui espagnol qu’il était en droit d’escompter ? Édit de Restitution (6 mars 1629), paix de Lübeck (mai 1629), la victoire, la belle victoire, au demeurant, bien méritée de Ferdinand II marque peut-être l’apogée de la puissance politique de l’Espagne en Europe, son point de plus grande pénétration géographique dans la masse de l’Europe germanique... lointaine, et finalement rétive aux impulsions péninsulaires du Sud. Mais 1629, c’est... la prolongation, sur les perspectives politiques toujours décalées par rapport aux contextes économiques, des trois années de conjoncture haute, les trois dernières bonnes années, sans conteste, de l’Atlantique de Séville.
991630, avec la défaillance de l’Espagne dominante, inspiratrice et créancière lointaine du grand édifice politique de la Contre-Réforme, c’est aussi un peu le contre-coup de la dépression Atlantique de 1629. Cette crise précipitée par Matanzas, dévastatrice du trafic de 1629, est apparemment, respectueuse à Séville du trafic de 1630 ; nous allons la retrouver, par contre, en 1631, particulièrement destructrice.
100Tout ceci à titre d’hypothèse, sans preuve, sans vouloir diminuer les mérites du Père Joseph et du Grand Cardinal. Mais parce qu’il y a des analogies qui, peut-être, effet du hasard, méritent d’être rappelées.
101En 1631, la crise dans l’Atlantique se précise. Elle facilite, peut-être, la tâche dans l’Empire, aux exploits triomphants de Gustave Adolphe, en frustrant l’Empereur d’une aide que l’Espagne, moins atteinte, lui eût moins marchandée.
LA LEÇON DES CHIFFRES
102Les mouvements globaux soulignent, comme en 1628, année avec laquelle 1631 présente de sérieuses similitudes, le déséquilibre majeur des Allers et des Retours.
1. Le rapport Allers et Retours
103Entre les anomalies positives des Retours de 163060 (part des Retours aux globaux, 58,76 %) et de 1632 (part des Retours, 50,17 %), 1631, comme 1628, constitue une anomalie négative notoire (11,06 %, soit 18 navires, représentant 2 150 toneladas, 2 472,5 tonneaux au Retour contre 61 unités, 17 300 toneladas, 19 895 tonneaux à l’Aller). On rencontrera quatre anomalies comparables, encore, dans l’histoire de la Carrera, 1638, 1640, 1644, 1650. Cette anomalie — comme toutes les anomalies de ce genre, elle est appelée, à se répercuter, pourtant, — ne procède pas d’une disparité tendancielle, comme celles qu’on a rencontrées, à d’autres époques de la Carrera, mais elle résulte, pour l’essentiel, d’un accident militaire.
104Anomalie accidentelle, on en trouverait la preuve, une preuve supplémentaire, si besoin était, dans les rapports moyens des Retours, aux globaux au cours des périodes encadrantes : 43,6 % au cours du cycle 1623-1631, 43,4 % de 1632 à 1641, mieux encore 45,7 % de 1629 à 1631, 42,3 % de 1632 à 1638, voire même 41,9 % de 1632 à 1634. Ces rapports sont étroitement conformes à une moyenne biséculaire qui se tient, on l’a vu, autour de 43 %.
105Une des caractéristiques de la période de guerre qui s’ouvre de plus en plus largement, ce sont ces à-coups au trafic, que le graphique des déficits des Retours61 exprime très bien. L’intrusion de la guerre dans la Carrera se fait toujours suivant un schéma qui est celui de 1631 et qui était déjà celui de 1628. Le convoi est intercepté par l’ennemi — exceptionnellement en 1628, — mieux, il est simplement freiné et contraint d’hiverner, c’est le cas ici62, en 1631. Mais l’accident provoqué par l’interférence de l’ennemi sur le chemin des convois va se répercuter par tout un système de train d’ondes atténuées. L’anomalie négative de 1628 se retrouve, dans la défaillance des Allers de 1629... et, à l’état second, sur le léger fléchissement des Allers de 1631. L’anomalie négative des Retours de 1631 commande en partie le creux des Allers de 1632.
2. Allers
106Malgré la relative médiocrité volumétrique des Allers de 1630, leurs positions ne sont pas maintenues en 1631. La comparaison est d’autant plus tentante qu’on est en présence d’un mouvement de même texture : Armada de la Guardia flotte de Terre Ferme et de Nouvelle Espagne — apparemment, du moins, car il existe entre 1630 et 1631 de sérieuses différences, en fait, une dégradation considérable des positions anciennes63
107De 65 à 61 navires, de 20 290 à 17 300 toneladas (de 24 348 à 19 895 tonneaux)64, les décrochements négatifs sont respectivement de 6,15 % et 14,7 %. Ils sont d’autant plus significatifs, ils impliquent d’autant plus sûrement une aggravation conjoncturelle qu’on aurait été, normalement, en droit, d’attendre un mouvement positif. Les Allers de 1630 s’appuyaient sur les médiocres Retours de 1629 et sur les Retours inexistants de 1628. Ils impliquent, par conséquent, un apport nouveau — les choses ne sont pas allées sans mal — en richesses, en hommes, en navires. 1631 est loin, par contre, de se comporter de la même manière. Le rapport qui compte le plus pour apprécier, en conjoncture, la signification du niveau des Allers est le pourcentage qu’il représente dans l’ensemble des Allers de l’année et des Retours de l’année précédente. Le niveau des Allers de 1631 représente, dans ces conditions, 37 %, seulement de l’ensemble du mouvement global Allers et retours, alors qu’il est, en moyenne, sans impliquer pour autant l’accélération conjoncturelle, de 57 %. En 1630 ; calculée dans les mêmes conditions, la proportion des Allers est de 58,4 %. Le déficit des Allers atteint les chiffres impressionnants de 17 unités et de 11 398 toneladas. Rude handicap.
108Cette situation s’accompagne, en outre, d’une diminution du tonnage unitaire, de 369,4 toneladas en 1629, 312,15 toneladas en 1630 et 283,6 toneladas en 1631. Cette réduction est un peu aussi, celle des armadas. Ces armadas qu’on n’a pu, malgré la pression ennemie, maintenir au niveau jugé désirable en 1629 et 1630.
3. Retours
109En contraste avec le reflux modéré des Allers, l’effondrement accidentel des Retours. On a vu qu’il résulte d’un fait de guerre65 d’une part, des conditions générales de la navigation au cours de ces années difficiles, d’autre part.
1101630 a liquidé les stocks de navires accumulés aux Indes. On a vu, tout d’abord, revenir à San Lúcar, à la date insolite du 1er août66, la masse considérable des Allers de 1628 différée au Retour de 1629. On a vu, ensuite, à un rythme accéléré pour les besoins de la défense, les armadas de 1630 se hâter, au Retour, en direction du Guadalquivir67. En 1631, par conséquent, on ne peut, pour alimenter le mouvement, compter sur les stocks des navires des Indes liquidés mais, pratiquement, uniquement, sur les départs de 1631.
111Or, c’est ici qu’intervient la conjoncture médiocre de 1631. L’état de stupeur dans lequel, longtemps après Matanzas, se trouve plongée la Carrera est responsable du départ tardif des convois à l’Aller. L’ensemble des navires, Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme et flotte de Nouvelle Espagne, est sorti, en bloc, de Câdiz, le 24 juin 163168. Pour le convoi de Nouvelle Espagne, le départ à la fin juin est un départ, suivant les normes de l’époque, relativement précoce, les départs des flottes et armadas de Terre Ferme, par contre, sont extrêmement tardifs. D’où l’incidence sur les Retours. La flotte de Nouvelle Espagne fait, à l’ordinaire son Aller et retour en quatorze ou quinze mois, l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, à condition de partir tôt, revient dans l’année. Le départ combiné de 1631 ne permet pas par contre, au convoi de Terre Ferme de faire, comme cela arrive le plus souvent, son circuit dans l’année. Parce que l’alignement de la date des départs s’est fait comme on pouvait s’y attendre, non pas sur le départ précoce mais sur le départ tardif. Ces départs combinés de 1631, découlent, nous verrons comment, de la volonté d’économie, de la nécessité de ménager les forces déclinantes de la Carrera. Ils sont donc, l’expression, au premier chef, du grave malaise conjoncturel de l’année.
112Dans ces conditions, dans la mesure où il est étroitement lié à la situation des Allers de 1631, l’effondrement des Retours n’incorpore pas que du hasard. Il est, en grande partie, à porter au passif d’une conjoncture défaillante.
113De 78 à 18 unités, de 26 698 à 2 150 toneladas (de 34 677,6 à 2 472,5 tonneaux)69 les décrochements respectifs sont, donc, de l’ordre de 76,6 et 93 % On peut difficilement rêver une cassure plus totale. Le graphique70 la situe bien parmi les ruptures de pente les plus complètes de la série pourtant particulièrement nerveuse des Retours. Elle s’accompagne, en outre, d’une rupture analogue du tonnage unitaire, en raison de l’élimination totale des navires en convois. Nous aurons donc, face au tonnage unitaire des Allers de 1631 (283,6 toneladas), face au tonnage unitaire des Retours de 1629 et 1630 (296,53 et 368 toneladas), un changement radical de nature avec les 119,4 toneladas des Retours de 1631. On en retiendra, au passage, la leçon : l’identité totale du petit matériel, des Sueltos, navires des îles et avisos, à travers les âges de la Carrera. Ils sont restés en 1631, par la taille, du moins, ce qu'ils étaient à peu de chose près, au moment de la toute première découverte et de Colomb.
114La référence à la moyenne mobile confirme71 cela va sans dire (chiffre vrai des Retours, en tonnage, 194,4 % de la moyenne correspondante en 1630, en 1631, 14,78 % seulement, de la moyenne correspondante), cette étonnante rupture72. Cette cassure doit beaucoup naturellement, comme toutes les cassures analogues, à l’accidentel, elle n’en exprime pas moins, dans une large mesure, un grave accident conjoncturel. Elle justifie donc le choix, par ailleurs contestable, qui a été fait de 1631 pour marquer le terme de la fluctuation décennale 1623-1631.
4. Allers et retours
115C’est pourquoi, les Allers et retours, malgré l’ambiguïté relative « en conjoncture » du niveau exceptionnellement bas des Retours, n’en traduisent pas moins bien la santé médiocre « en profondeur » du trafic.
116De 143 à 79 navires73, de 49 188 toneladas à 19 450 toneladas, de 59 025,6 tonneaux à 22 367,5 tonneaux, les décrochements sont respectivement de 44 % et 60 %. Soit, par rapport à la moyenne correspondante, comme le montre bien le graphique74 un des dénivellements les plus importants de 148,33 % à 59,22 %. Ce dénivellement s’accompagne, naturellement, d’une récession sensible du tonnage unitaire, de 325,6 toneladas en 1628, 321,5 toneladas en 1629, 343,9 toneladas en 1630, à un chiffre exceptionnellement déprimé, 246,2 toneladas.
117Cette chute du tonnage unitaire est une indication du marasme conjoncturel de 1631, car nous en connaissons les causes : élimination des navires de flotte au Retour, à l’avantage fictif de la seule poussière des Sueltos, diminution, à contre courant en 1630-1631, du volume des gros navires d’armada.
118On peut, donc, retenir, dans ces conditions, la chute du tonnage unitaire, presque au même titre que la chute des volumes globaux comme indication conjoncturelle majeure.
LES CONFIRMATIONS PARALLÈLES
119Une étude plus attentive confirmera, sans peine, ce jugement sévère.
1. Valeurs
1201631, malgré l’éclaircissement progressif des séries valeurs75, est une année pour laquelle on possède quelques éléments de jugement. Maravedí al millar et avería montreront, en effet, qu’il n’y a pas un simple goulot d’étranglement du trafic compensé, par exemple, comme ce fut souvent le cas en d’autres circonstances, par une poussée de la valeur unitaire relative de la marchandise transportée. Ici, rien de tel. En gros, autant qu’on en puisse juger, les valeurs suivent, à très peu de choses près, le cheminement des volumes. Par rapport à l’année, il est vrai, tout à fait exceptionnelle de 1626 (1 873,1 millions de maravedís d’après Vaveria), la réduction est de plus de moitié (808,2 millions toujours d’après la même série, celle de l'averia). La diminution des valeurs, plus de 59 %, est donc très supérieure à celle des volumes dans le même temps, près de 30 %. 1626, il est vrai76 — on a vu son caractère exceptionnel — constitue un mauvais terme de référence.
121La comparaison plus chanceuse, d’après le médiocre maravedí al millar77 avec 1629 est aussi plus instructive. Elle montre le mouvement-valeur dans le même rapport, à peu près, que les volumes (457,7 millions, mouvement-valeur présumé au départ de Séville, seulement, en 1629, d’après le maravedí al millar, 518,2 millions en 1631, tandis qu’en volume, on est dans la proportion de 16 224 à 17 300 toneladas).
122Mais cette égalisation même sur la médiocrité est, quand même, une fausse égalisation. 1631, à l’encontre de 1629, est, en effet, une année où les départs présentent une structure normale avec l'Armada de la Guardia et deux flottes à la différence de 1629, année toute en armada78. En 1630, beaucoup moins qu’en 1629, on ne peut faire intervenir, au premier chef, des facteurs extra-économiques pour expliquer la récession. Elle appartient bien, d’abord, au tout premier chef, à une défaillance, sui generis, du négoce. Raison de plus, il y en a d’autres, de préférer 1631 à 1629 comme terme de la fluctuation décennale.
2. Le complexe au départ
123A priori, pourtant, on ne pouvait s’attendre, d’après la ventilation du mouvement entre les grandes articulations du trafic, à une récession de cette ampleur. Par rapport à l’année quelque peu exceptionnelle, artificiellement exceptionnelle79. de 1630, il y a identité sur presque tous les secteurs : armada qui se réduit à l’Armada, économiquement lourde, de la Guardia (11 navires en 1630 et 11 navires en 1631, 5 010 toneladas en 1630 à 5 040 toneladas en 1631), léger gonflement, pour la catégorie la moins bonne des négriers (de 8 navires en 1630 à 12 navires en 1631, de 920 toneladas en 1630 à 1 470 toneladas en 1631), tassement à peine perceptible des Caditains (de 7 à 6 navires, de 2 830 à 2 600 toneladas), tandis qu’il y a repli de plus de deux mille tourladas sur les navires marchands de Séville (de 39 navires à 32 navires, de 11 530 toneladas à 8 300 toneladas).
124Ce repli est le seul élément notable qui déclasse 1631 par rapport à 1630. On est frappé, par contre, du recul du tonnage unitaire, de 295,6 toneladas, sur la catégorie des navires marchands de Séville, en 1630, à 259,3 toneladas, seulement en 1631. Cette réduction sur un axe homogène doit être interprétée comme le signe des difficultés grandissantes qui surgissent dans le domaine de l’armement. Elles nous sont confirmées, d’ailleurs, par les sources non chiffrées80.
125L’exacte situation de 1631 est bien définie par les comparaisons qui s’imposent en valeurs et en volume sur l’axe des navires marchands de Séville entre 1629, 1630 et 1631. L’Armada de la Guardia de 1629, à peine supérieure en volume à celle de 1631, transportait, en valeur, presque l’équivalent des marchandises de l'armada et des deux flottes de 1631. Cela malgré l’énormité des volumes au Retour de 1630.
126L’apparente santé extérieure des Allers de 1631, en interdisant d’attribuer le repli des valeurs à des causes extérieures, renforce l’impression de disgrâce conjoncturelle que l’on en a.
3. Les axes fondamentaux81
127Il en va un peu de même pour la ventilation du mouvement. Par rapport à 1630, on sera frappé de la hausse, tant absolue que relative, de la Terre Ferme, de 26 navires à 27 unités, de 8 960 toneladas à 9 200 toneladas, que de la baisse radicale de la Nouvelle Espagne (de 20 unités à 15 unités, de 8 490 toneladas à 5 780 toneladas). La plongée des îles dans la ligne de l’époque (de 11 à 7 unités, de 1 920 toneladas à 850 toneladas) confirme ici, tout au plus, l’ampleur de la récession, en agrandissant la marge de ses impuissances.
128On sera plus sensible, par contre, au mouvement en ciseau de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme. Le trafic avec la Terre Ferme étant, plus encore alors que jamais, l’élément économique dominant, celui qui gonfle les valeurs, sa montée relative au détriment de la Nouvelle Espagne non suivie d’effet sur la courbe des valeurs, accentue, encore, le déclassement sélectif du trafic de l’année.
129En présence de la certitude que nous avons de la lourdeur des valeurs, tous les éléments, maintien des navires marchands de Séville à un niveau considérable, déclassement de la Nouvelle Espagne, par rapport à la Terre Ferme, qui, en toute autre circonstance, seraient considérés comme favorables, se retournent, au contraire, contre la conjoncture de l’année.
4. Le fait d’« armada » et la chronologie des départs
130On a, encore, toute une série d’autres signes moins équivoques. Entre 1630 et 1631, la pression de l’ennemi ne s’est pas relâchée. L’organisation défensive de la Carrera, par contre, a diminué. En 1619 comme en 1630, nous l’avons vu82, la Carrera unanime estimait qu’une vingtaine de galions perpétuellement sur le pied de guerre constituait le minimum en dessous duquel il n’était pas possible de descendre. Le temps de cette unanimité est révolu. Le Consulado, entendez les intérêts qu’il représente, accepterait les vingt galions, mais à condition que le Roi en payât la plus lourde part83.
131Le conflit qui oppose le Conseil des Indes partisan d’une galiflota84 au Consulat qui y est hostile est, d’abord, un conflit pour savoir qui payera l’indispensable appareil défensif, sur la nécessité duquel, il y a un an encore, tout le monde semblait d’accord.
132De toutes ces discussions, une seule leçon subsiste. La Carrera ne veut plus, parce qu’elle ne peut plus, supporter l’effort de guerre qui lui est demandé. En 1629, plus de 15 000 toneladas de navires de guerre, participaient effectivement à la défense des communications impériales ; un effort tel, qu’il était pratiquement exclusif de toute autre forme de navigation. En 1630, il n’y a plus que les 5 000 toneladas de l'Armada de la Guardia en première ligne, en seconde position, toutefois85 limitant leur effort à la protection des approches du complexe portuaire, entre les Canaries et le Guadalquivir, 4 000 toneladas encore de l'Armada royale. En 1631, la Carrera ne dispose plus que des 5 000 toneladas (5 030 toneladas) de la seule Armada de la Guardia qu’on n’est même pas capable de grossir. La lecture attentive de la correspondance de la Casa de la Contratación de l’année confirme que cette réduction déraisonnable, reconnue par tous comme attentatoire à la sécurité des communications dans l’Atlantique espagnol, est imputable à l’impossibilité de se mettre d’accord sur le financement des armadas, entendez sur l’impossibilité pour la Carrera et l’empire de supporter l’effort militaire exigé par les circonstances.
133Les conséquences de cette situation sont claires, elles sont, en outre, désastreuses. C’est l’insolite départ en un seul convoi, de San Lúcar, le 20 mai, de Cádiz, le 24 juin 1631. Cette solution est une solution de fortune. On n’ose plus, après les événements de ces dernières années, lâcher seule, avec l’insuffisante et fictive protection d’une Capitana et d’une Almiranta surchargées, la flotte de Nouvelle Espagne. D’où la solution de 1631. Elle consiste à faire bénéficier de la protection de l'Armada de la Guardia, entendez de ce qui reste du corps de bataille, non seulement comme de coutume la flotte de Terre Ferme, mais, en outre, celle de Nouvelle Espagne.
134Les conséquences d’une telle solution d’infortune sont claires. Retarder les départs du convoi de Terre Ferme, tout en bousculant celui de la Nouvelle Espagne, imposer à l’équipement du complexe portuaire, sur un court laps de temps, une insupportable tension. Accroître encore les inconvénients de la navigation, pousser jusqu’à l’absurde le handicap du système des flottes. Les conséquences se lisent, d’ailleurs, sur la répartition même des départs entre les directions fondamentales86 : la masse allant en Terre Ferme a pu se développer librement : 27 navires, 9 200 toneladas, constituent un niveau correct, tout à fait conforme à la moyenne cyclique (9 798,1 toneladas). Peut-être tient-on dans cet allongement du temps des préparatifs la solution de l’apparente contradiction87 soulignée déjà, de la médiocrité du niveau des valeurs et de l’importante représentation au départ des navires de Terre Ferme.
135La flotte de Nouvelle Espagne, par contre, aura été télescopée. Son départ précède de deux mois, au moins, la date du départ optimal. Elle n’aura pas eu, dans ces conditions, toute l’ampleur, peut-être, qu’on aurait pu attendre des circonstances.
136Mais le principal inconvénient se lit sur les Retours. Le départ tardif du convoi de Terre Ferme88 condamné à attendre celui de Nouvelle Espagne est la principale cause, vraisemblablement, du ratage spectaculaire du mouvement Retours en 1631, avec toutes les conséquences qu’il porte sur le prolongement du creux-baquet des années qui suivent.
137D’autres éléments, encore, apporteraient la preuve d’un malaise conjoncturel grave. Telle la réduction brutale des exportations de mercure89. Le niveau, un peu plus de 2 000 toneladas90 dans les deux directions fondamentales, est à 50 % des normales des décades précédentes. Le long temps d’arrêt à Cádiz, du 20 mai au 24 juin, n’a jamais été non plus un signe de santé.
5. Le problème des navires
138Chiffres des tableaux, enfin, et commentaires de la Casa, apporteront une dernière certitude. La crise n’est plus seulement au cœur du négoce, elle est également au cœur de l’armement.
139Les chiffres l’indiquent.
140Le premier réflexe, face au défi hollandais, aura été d’un recours aux plus gros navires. La Casa cherchant dans l’accentuation d’un de ses caractères les plus marqués la protection contre le renforcement du danger. Or, il y a pour dix ans retournement de la tendance du tonnage unitaire — comme le graphique (Tonnage moyen d’un navire91 le montre clairement. Ce retournement passager, contraire à la tendance la plus profonde de la Carrera, contraire au désir trop clairement manifesté par le plus grand nombre, contraire aux besoins raisonnables de la défense... est un signe de l’incurable maladie qui frappe la construction navale en Espagne.
141On en a d’autres indices concordants92, le maximum de vieillissement du stock des navires au cours de la première demi-décade des années trente, de 1631 à 1635, puisqu’on passe, de huit ans et cinq mois à l’âge moyen exorbitant de neuf ans et neuf mois.
142Enfin et surtout, le marasme nous est attesté par un tournant décisif dans la construction navale, la poussée de la construction navale créole93. Cette substitution des navires « américains » aux biscayens défaillants est un élément décisif. La Havane est le centre de cette nouvelle Biscaye, depuis 1629, elle a obtenu la reconnaissance de son importance impériale, puisque les navires de la Havane sont admis à bénéficier, désormais, du privilège du « tercio de fabricadores »94.
143Tout cela montre l’omniprésence et l’omniefficacité du marasme au centre duquel se trouve la frontière cyclique de 1631.
HYPOTHÈSES
144Il n’y a, au vrai, aucune raison de s’étonner de cette situation. 1631 ne rompt pas avec cette situation, mais, bien au contraire, accentue encore toutes les raisons du marasme qu’il y avait dans l’Atlantique hispano-américain des années précédentes.
1. Prix
145Si on se tourne vers les prix espagnols, on note que le reflux s’accentue95. Même sur le mauvais test, en l’occurrence, des prix-argent — la série des prix-argent est valable, on l’a vu96 pour la conjoncture longue, elle ne vaut plus, depuis les premières décades du siècle, pour une conjoncture courte — il y a reflux des prix. Le rapport à la moyenne correspondante des prix qui était de 111,34 %97 en 1629 — il se répercute, dans une certaine mesure, assez discutable, sur le trafic en 1630 — n’est plus que de 104,14 % en 1630 et 102,48 % en 1631.
146Mais c’est, évidemment, sur les séries des prix réels dans les deux espaces géographiques les plus directement impliqués dans l’aventure de la Carrera, l’Andalousie, au premier chef, la Nouvelle Castille en seconde position98 que l’on notera la corrélation la plus astreignante : de l’indice 99,79 en 1630 à l’indice 96,17 en 1631, pour l’Andalousie, soit très exactement, le creux, en symétrie presque parfaite, avec 1634 (indice 96,10), entre deux vagues qui culminent, respectivement, en 1626 (indice 113,39) et en 1637 (indice 118,30). La situation en Nouvelle Castille est très voisine, puisqu’on passe de l’indice 113,76 en 1627, de l’indice 112,99 en 1629 à l’indice 109,69 en 1630 et à l’indice 105,23 en 1631.
147Aucun signe de reprise, ici, non plus, mais, tout au contraire, un mouvement de lente détérioration qui se poursuit.
2. Inflation
148Vus de haut — c’est ce qui importe — 1631 et 1632, au même titre que 1630 et 1629, constituent la retombée de la première grande flambée d’inflation billonniste. On a dit pourquoi déjà99 ces périodes étaient conjoncturellement difficiles.
149Mais au sein d’une difficulté qui caractérise toute la période 1629-1632-1635, 1631, dans cet ordre, aura représenté une difficulté plus grande encore, c’est-à-dire, après la reprise inflationniste très secondaire de 1630100, une rechute de déflation (pour l’Andalousie, les moyennes annuelles des primes de l’argent en billon sont de101 16,81 % en 1629, 21,15 % en 1630, 19,25 % en 1631, 18,50 % en 1632 ; pour la Nouvelle Castille : 18,20 % en 1629, 20,60 % en 1630, 18,48 % en 1631, 18,38 % en 1632 ; pour la Vieille Castille/Léon : 15,10 % en 1629, 20,29 % en 1630, 18,28 % en 1631, 18,63 % en 1632).
150Au sein donc, d’une demi-décade difficile, 1631 constitue un moment de difficulté plus grande encore, si on accepte le schéma, inflation-déflation/trafic que l’on a proposé.
3. Salaires102
151Même observation, sur les rapports prix-salaires. La disparition de la grande anomalie positive de la rémunération de la main-d’œuvre n’est pas forcément, en soi, un facteur favorable — dans la mesure où elle est, d’abord, le test de la ruine en profondeur de l’appareil économique de l’Espagne. La disparition de l’anomalie n’en apporte pas moins, à court terme, un élément de facilité et de détente. On l’avait observé à la hauteur des années 1626, 1627 et 1628. La reconstitution d’une anomalie positive, même limitée, n’en constitue pas moins toujours dans le cadre d’une conjoncture courte, un facteur défavorable. Or, le taux relatif de la main-d’œuvre passe de 97,82 % au creux de la vague en 1627 à 102,44 % en 1628, 104,22 % en 1629, 109,31 % en 1630, 110,89 % en 1631. Les 110,89 % de 1631 constituent au cours de la période 1627-1650 un des écarts positifs les plus considérables. Il est dépassé et de peu, au cours de cinq années, seulement, en 1633, 1634, 1635, 1636 et 1641, avec alors des écarts respectivement de 111,11 %, 113,47 %, 114,60 %, 111,63 % et 111,59 %.
152Il y a donc, en 1631, toute une série de facteurs concordants qui contribuent à maintenir la Carrera dans un état de marasme, qui se prolongera tout au long des premières années du cycle suivant.
Notes de bas de page
1 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
2 Cf. t. VI2, table 332, p. 560, tables 366 et 370, p. 586, 588.
3 Cf. t. VI1, table 159, p. 356, t. VII, p. 52-53.
4 Cf. ci-dessus, p. 1589-1635.
5 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, t. VII, p. 52-53.
6 Il suffit de se reporter au graphique Déficit des Retours, t. VII, p. 52-53.
7 Cf. ci-dessus, p. 1644-1646, au cours de l’année 1628.
8 C’est ce que prouvent facilement les séries de la table 159, t. VI1, p. 356, et le graphique correspondant (t. VII, p. 52-53).
9 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
10 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
11 Cf. t. VII, p. 72-73.
12 Cf. t. VI1, table 164, col. V, p. 383.
13 Cf. ci-dessus, p. 1644-1646.
14 Cf. t. V, p. 178-183.
15 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
16 Cf. ci-dessus p. 1657.
17 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
18 Cf. t. V, p. 170-173.
19 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391 ; t. VII, p. 52-53.
20 Cf. t. VII, p. 64-65.
21 Cf. t. I, p. 169 à 238.
22 Cf. t. V, p. 172-173.
23 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 66-69.
24 Dont deux galions d’armada, soit 1 200 toneladas. On voit par celà même, que le trafic normal vers les îles est, autant dire, annulé, 270 toneladas.
25 Cf. t. V, p. 172.
26 Cf. ci-dessous p. 1665-1666.
27 Cf. t. V, p. 176.
28 Cf. t. V, p. 182.
29 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97 et cf. ci-dessus, p. 1651-1652 et 1656-1657.
30 Ibid., p. 215-216.
31 Ibid., p. 278-279.
32 Cf. t. VI, table 152, p. 319, col. 2 et 3 et table 164, p. 363, col. V ; t. VII, p. 50-51 et 52-53.
33 Cf. t. VI1, table 156, p. 352, col. 2 et 3 et table 164, p. 363, col. VI ; t. VII, p. 50-53.
34 Cf. t. V, p. 186 et p. 193, note 22.
35 Cf. t. V, p. 184 à 201.
36 Cf t. VI1, tables 133-135, p. 332-331 ; tables 140-142, p. 338-340.
37 Cf. t. VI1, tables 162-164, p. 361-363, col. VI ; t. VII, p. 52-53.
38 Cf. t. VI1, tables 136-138, p. 335-337 et tables 140-142, p. 338-340 ; cf. t. VII, p. 50-51.
39 Cf. t. VII, p. 50-51 et surtout p. 54-55.
40 Cf. t. VI1, tables 140-142, p. 338-340 et t. VII, p. 52-53.
41 Cf. ci-dessus, p. 242 et p. 239 à 253. (1550).
42 Cf. ci-dessus, p. 1551-1552,.. 1593,.. 1603,.. 1620,.. 1629,.. 1638,.. 1648.
43 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391.
44 Cf. t. V, p. 172-173.
45 Cf. t. V, p. 186-187 et p. 193 note 22.
46 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-389.
47 Cf. t. V, p. 191, note 1.
48 Cf. t. VI, table 169, p. 366.
49 Cf. t. V, p. 184 et 186 et ci-dessous Appendice, p. 1958-1978.
50 Cf. t. V, p. 190, note 1.
51 Cf. t. V, p. 190-192, note 1.
52 Ibid., p. 193-194, note 23.
53 Ibid., p. 193, note 22.
54 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.
55 La base 100 (moyenne de la décade 1571-1580) choisie correspond à un niveau anormalement bas pour l’ensemble de la période 1501-1650.
56 Cf. ci-dessus, p. 1261-1262.
57 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
58 Ibid., p. 96-97.
59 Ibid., p. 278-279.
60 Cf. t. VI, table 159, p. 356.
61 Cf. t. VII, p. 52-53.
62 Cf. t. V, p. 214-215 et p. 224-229.
63 Cf. ci-dessous, p.1664-1665,.. et 1669-1672.
64 Cf. t. VI, tables 132, p. 330, 142, p. 340 et 164, p. 363 et t. VII, p. 50-53.
65 Cf. t. V, p. 224.
66 Cf. t. V, p. 196.
67 Cf. t. V, p 200.
68 Cf. t. V, p. 204.
69 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340.
70 Cf. t. VII, p. 54-55.
71 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
72 Bien marquée sur le graphique des écarts cycliques ; cf. t. VII, p. 52-53.
73 Cf. t. VI1, table 138, p. 336 et table 142, p. 340.
74 Cf. t. VII, p. 52-53 et t. VI1, table 164, p. 363.
75 Cf. t. VI1, tables 219-220, 222, 227, p. 467, 468 et 473.
76 Cf. ci-dessus, p. 1627.
77 Cf. t. VI1, table 222, p. 468.
78 Cf. ci-dessus, p. 1660-1661 et t. VI1, table 184, p. 388-391.
79 Cf. ci-dessus, p. 1664-1672.
80 Cf. ci-dessous, p. 1679-1684.
81 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
82 Cf. ci-dessus, p. 1487-1488,.. 1669-1670.
83 Cf. t. V, p. 210.
84 C’est-à-dire, en fait, d’une armada légèrement modifiée et utilisée à des fins commerciales.
85 Cf. ci-dessus, p. 1664-1665 et 1667.
86 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
87 Cf. ci-dessus, p. 1677-1679.
88 Cf. ci-dessus, p. 1675-1677,..1678-1679.
89 Cf. ci-dessus, p. 1662,.. 1669.
90 Cf. t. V, p. 204.
91 Cf. t. VII, p. 46-47.
92 Cf. t. VI1, tables 16 et 17, p. 174-177.
93 Cf. t. VI1, tables 12D et 12E, p. 164-167 ; t. VII, p. 36-37.
94 Cf. t. V, p. 211-212, note 2.
95 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
96 Cf. ci-dessus, p. 1566-1569,.. 1587-1588.
97 Cf. t. VI1, table 164, col. IV, p. 363 ; t. VII, p. 52-53, graphique Prix en Espagne.
98 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
99 Cf. ci-dessus, p. 1587-1588,.. 1663.
100 Cf. ci-dessus, p. 1671-1672.
101 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.
102 Ibid., p. 278-279.
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