Chapitre XIV. Le cycle des récupérations partielles (1614-1622). Généralités
p. 1398-1430
Texte intégral
1La crise, dont on a vu l’amplitude et, plus encore, l’anormale durée, ne se répercute pas très profondément, immédiatement, en dehors de l’Espagne. Tout au plus, joignant ses effets à ceux de la ponction morisque, elle se borne à affecter — le mémoire Medina Sidonia nous l’apprend — la quasi totalité des secteurs du commerce international de la Péninsule ibérique. Il appartient aux crises postérieures de la Carrière des Indes, celles de 1620, de 1630 et de 1640, d’avoir des échos qui affecteront vraiment l’ensemble de l’économie européenne. Une des raisons de cette lenteur réside, peut-être, dans l’importance de la récupération de la Carrière des Indes, au cours de la fluctuation qui va de 1614 à 1622. Le commerce de Séville a été touché et bien touché ; jamais plus il ne retrouvera les niveaux effleurés lors des triomphes éphémères de 1608 et de 1609 ; pourtant, pendant une décade presque tout entière, le destin hésite, encore, à se prononcer. Pour entraîner dans ses vicissitudes de vastes secteurs de la mince frange de l’économie d’échanges à long rayon d’action de l’Europe, il faudra que la Carrière des Indes choisisse plus délibérément entre l’expansion de la veille et la contraction des années qui viendront. Le cycle 1614-1622 est celui des hésitations et des repentirs partiels.
I. — LIMITES ET DÉFINITIONS
2Ou, plus exactement, des réussites médiocres, dont la médiocrité est, il est vrai, en partie, compensée par une remarquable stabilité. Les graphiques, à ce propos, sont plus éloquents1 que les séries. A l’allure saccadée des trois dernières fluctuations de la dernière phase ascendante 1578-1592, 1593-1604, 1605-1613, à l’allure, à nouveau saccadée, des cycles de la fin, 1623-1631, 1632-16-11, 1642-1650, s’oppose la quasi horizontalité des graphiques des mouvements généraux, de 1614 à 1622. Cette période est, peut-être, la seule où la loi des Indes, en ce qui concerne la navigation en convois telle que le consigne la Recopilación2, a été à peu près respectée, celle où a prévalu le régime des deux flottes, dont une, celle de Terre Ferme, presque annuelle, est une flotte squelettique. Cette régularité et cette stabilité, faut-il la porter à l’actif ou au passif de la période ? On ne sait. Elle est, à la fois, la conséquence de la paix, des grandes expériences de la crise de 1609 à 1613, elle traduit un retour à la gestion économique de cauteleuse prudence voulue par les groupes monopoleurs du Consulat ; elle est, plus sûrement, peut-être, encore, l’expression d’un dynamisme stoppé. Plus encore que le creux de 1613, cette situation nouvelle prouve qu’il y a quelque chose d’irrémédiablement brisé dans la Carrière des Indes.
PRÉCISIONS DE LA CONNAISSANCE
3Il n’est pas besoin d’insister beaucoup, ici. On possède, au mieux, tous les éléments qui permettent la connaissance du trafic. Densité des séries de la correspondance de la Casa de la Contratación, bonne conservation, dans l’ensemble, de toutes les séries documentaires qui permettent la connaissance des tonnages, des valeurs, des marchandises. On a déjà, en ce qui concerne ces dernières, dépassé l’optimum de précision, la plupart des séries s’interrompant, soit en 1616, en 1618 ou 1620, voire même plus tôt3.
4Comme toujours, la clef de tout l’édifice est constituée par la connaissance individuelle du tonnage et de l’histoire de chaque navire. Il ne faut pas s’attendre, dans ce domaine, à de grandes mutations : la quasi-perfection ayant déjà été atteinte. Par rapport à la fluctuation précédente 1605-1613, il y a, toutefois, un léger progrès. Les tonnages connus directement4 à l’Aller formaient 60,1 %, ils sont maintenant 66,3 % de 1614 à 1622, au Retour, on est passé de 54,3 % à 60 % et en Allers et retours, de 57,6 % à 63,6 %. Compte tenu des connus indirectement, on sera passé, pour l’ensemble des connus, à l’Aller, au Retour, en Allers et retours, de 1605-1613 à 1614-1622, de 77,8 à 84,8 %, de 70,1 à 76,3 %, de 74,7 à 81,3 %5. Toutes les autres données utiles, et qui sont solidaires, on l’a vu de ces renseignements, vitesse de rotation des convois, âge des navires, taille, types de bateaux, etc., s’accroissent dans une proportion, en gros, analogue de 1605-1613 à 1614-1622. Si on ajoute à cela, que les séries du mouvement-valeur sont à peu près continues jusqu’en 1626, que la connaissance des prix ibériques à travers Hamilton6 est de plus en plus riche, précise et ferme, on comprendra que l’on dispose, désormais, de tous les éléments désirables.
LIMITES DU CYCLE
5L’étude de la fluctuation s’en trouve grandement facilitée. Si l’on peut hésiter sur son orientation interne, il n’y a pas de doute possible sur ses limites, elles sont clairement et vigoureusement marquées sur les représentations graphiques les plus simples et les plus générales7 du mouvement.
6Il n’est guère besoin de justifier, après tout ce qui a été dit8, le choix du point de départ 1613-1614. 1613 est, tout simplement, quelle que soit la série choisie, le point le plus bas, l’aboutissement d’une vaste crise destructrice commencée au soir de 1609, sur le marché surchargé de la Vera Cruz et qui, de là, a tout submergé.
7Puis la reprise se situe, partout, en Allers, Retours, Allers et retours, en volume, en valeur, sur chacun des axes fondamentaux du trafic, soit entre 1613 et 1614, soit entre 1614 et 1615. Pour les Allers et retours, régulièrement, de 1613 à 1617.
8Le passage d’une fluctuation à l’autre — partant, la validité des bornes qui ont été choisies — est fourni encore par les rapports respectifs des Allers et des Retours9 à l’intérieur du mouvement global. On avait remarqué de 1610 à 1613 une forte anomalie positive des Retours (pourcentage des Retours aux globaux en tonnage, 49,88 % en 1610, 50,01 % en 1611, 48, 53 en 1612 et 51,90 % en 1613 ; 49,9 % en moyenne au cours de la fluctuation 1611-1613). Au terme du cycle 1614-1622, à nouveau, on verra se refermer une anomalie positive moins importante, peut-être, incontestable, pourtant, les Retours représentent en moyenne 48,7 % du mouvement global, en tonnage, pendant les trois ans de la fluctuation 1623-1625, au début du cycle suivant. Entre ces deux termes, le rapport des Allers et des Retours aux globaux est, à la fois, normal et remarquablement constant, pour le cycle entier, 56,6 % pour les Allers et 43,4 % pour les Retours, soit, pour les Retours, 46,20 % en 1614, 38,13 % en 1615, 48,22 % en 1616, 41,31 % en 1617, 45,88 % en 1618, 44,02 % en 1619, 46,30 % en 1620, 44,50 % en 1621, 36,05 % en 1622. Ce changement capital prouve que le mouvement a retrouvé, après la crise de 1609-1613, un nouvel équilibre à un niveau, tout au plus, légèrement inférieur.
9De 1613 à 1615, rapide croissance du mouvement, le trafic se maintient, jusqu’en 1619 sûrement, jusqu’en 1621, même, dans une large mesure, sur un plateau faiblement vallonné, imprécis et indécis, jusqu’à un creux qui a son centre en 1622 et qui se marque sur deux ans (Allers et Allers et retours, 1622-1623), sur trois ans (Retours 1621-1623) par un creux très exactement symétrique10 au creux de 1611 à 1613.
10Aucune hésitation n’est possible, aucun point entre ces termes de référence, tant en valeur absolue que relative n’est aussi profondément creusé. Confirmation en est fournie par les moyennes mobiles, une moyenne mobile courte, la moyenne mobile médiane de cinq ans, par exemple. Elle remplit, ici, admirablement son rôle et dégage sans hésitation une fluctuation d’une seule et même venue, sans repentir11. Fluctuation de faible amplitude, si on la compare à certains cycles particulièrement affirmés, ceux de 1544-1554, de 1578-1592 à 1605-1613 ou encore de 1641-1650, mais dont le dessin est plus épuré, plus linéaire, la réalité et l’unité, donc, moins contestables, encore.
11En Allers12, par exemple, sur la moyenne mobile de cinq ans, il y a, d’abord, descente rapide du point haut de 1613 (33 830,40 tonneaux) à 1611 (26 667,36 tonneaux), puis descente amortie de 1611 au creux de 1613 (23380,16) puis montée régulière, mais amortie, de 1613 à 1617 (24 380,16 tonneaux en 1613, 25 230,72 en 1614, 25 509,44 en 1615, 27 402,96 en 1616, 28 209,96 en 1617), descente à peine plus rocailleuse, enfin, de 1617 à 1621-1623, 28 209,96 tonneaux en 1617, 27 401,4 en 1618, 27 333,56 en 1619, 26 007,96 en 1620, 24 972,36 en 1621, 25 558,8 en 1622, 24 877,92 en 1623).
12En Retours13, la ligne est moins ferme, ou, plus exactement, la fluctuation qu’elle dessine est ou plus hésitante (de 1613 à 1620-1623), ou plus ramassée, mais dans un cadre chronologique de six années seulement (1615-1620-1621).
13En Allers et retours14, par contre, ce sont les Allers qui imposent leur allure. Après une descente vertigineuse de 1610 à 1613 (58 619,36 tonneaux en 1610, 51 672,08 tonneaux en 1611, 48 800,72 tonneaux en 1612, 45 741,12 tonneaux en 1613), la remontée se fait lentement et partiellement de 1613 à 1617 (45 741,12 tonneaux en 1613, 47 095,2 tonneaux en 1614, 46 367,28 tonneaux en 1615, 48 473,28 tonneaux en 1616, 49 675,04 tonneaux en 1617). De là, le mouvement se tient sur un plateau à peu près parfait, sur trois ans, de 1617 à 1619 (49 676,92 tonneaux en 1617,49 642,92 tonneaux en 1618, 49 592,76 tonneaux en 1619), redescend de 1619 à 1621 (49 592,76 tonneaux en 1619, 46,036,38 tonneaux en 1620 et 45 065,88 tonneaux en 1621), puis plafonne au fond d’un creux, de 1621 à 1623 (45 065,88 tonneaux en 1621,47 067,72 tonneaux en 1612, 45 965,76 tonneaux en 1623).
14Il y a donc aucun doute quant aux limites et quand à l’existence d’un cycle de neuf ans, qui dure, très exactement, jusqu’à la fin de la guerre de douze ans et la reprise officielle des hostilités avec la Hollande ; ce n’est pas, sans doute, l’effet d’un simple hasard. On notera, au passage, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps, un certain raccourcissement de la fluctuation cyclique la plus importante qui, plus que décennale, de près de onze ans, au début, tend désormais vers une durée moins que décennale de neuf ans, seulement, environ.
ARTICULATIONS INTERNES
15Si la fluctuation décennale se dessine avec une vigueur irréprochable — ceci est la conséquence de cela — les fluctuations primaires, par contre, sont beaucoup plus difficilement perceptibles. Non seulement, faute d’une bonne articulation médiane, leur dessin est à peine visible, mais leurs limites sont différentes suivant la série envisagée. Il existe, en règle générale, enfin, d’énormes distorsions entre mouvements en volume et mouvements en valeur15.
16Ces distorsions sont particulièrement hurlantes, au terme de la fluctuation, entre 1621 et 1623 : fait complexe, dont on ne saurait rendre compte en un mot, mais qui contribue à rendre chanceuses toutes les tentatives de découpage intérieur.
17Si on se tourne vers le mouvement Allers, le plus susceptible, à tous égards, de serrer la conjoncture du trafic, le dessin d’une première fluctuation semble à peu près certain, puisqu’il correspond au mouvement unitaire16, au mouvement en tonnage17, en pourcentage par rapport à la moyenne18, au mouvement en valeur19 et, avec les laps de temps d’écart normaux, au mouvement des prix20, cette fluctuation couvre une période de trois ans de 1613 à 1616, avec une phase d’expansion de deux ans et une phase de contraction d’un an.
18Au-delà, tenant compte du mouvement unitaire, des tonnages et des valeurs, on pourrait être tenté de distinguer une autre fluctuation qui irait, de 1616 à 1622, ou, mieux encore, à 1623.
19Il y a, par contre, de sérieuses différences entre ces divisions et celle des Retours, qui semblent assez raisonnablement s’organiser autour d’un creux central couvrant deux années, 1617 et 1618.
20Et en raison de l’amplitude médiocre de la fluctuation primaire sur le mouvement Allers, c’est cette division — celle des Retours — qui semble dicter son allure aux globaux, Allers et retours. Là, à condition de s’en tenir aux seuls tonnages, on distinguera deux fluctuations, étroitement accolées. De 1613 à 1617, phase ascendante, sur quatre ans, d’une première fluctuation, 1617-1618, phase descendante sur un an. De 1618 à 1619, phase ascendante d’une seconde fluctuation, de 1619 à 1622, sur trois ans, phase descendante. Si on s’en tenait au mouvement unitaire21, il faudrait, comme pour les Allers, placer la césure plus tôt, en 1616. La coupure en 1616 ou en 1617 cadrerait mieux, également, dans une certaine mesure, avec une grossière ébauche du mouvement valeur global22.
21Ces hésitations ne sont pas dépourvues de signification : elles impliquent, tout d’abord, que la fluctuation décennale masque, ici — presqu’autant qu’en 1544-155423 — les fluctuations primaires dont la réalité n’est pas douteuse mais l’ampleur très faible. Cet aspect, primat de la fluctuation décennale qui fond les fluctuations primaires sous-jacentes au point de les faire pratiquement disparaître, est apparu caractéristique des périodes d’importante modification conjoncturelle dans le cadre d’une conjoncture plus que décennale. La fluctuation 1544-1554 faisait la charnière entre la première demi-phase longue d’expansion du xvie siècle et la récession intercyclique du demi xvie siècle, 1613-1622 dessine la charnière dans les mêmes conditions, entre le sommet du mouvement et la phase longue de contraction du xviie siècle. Il est à peu près sûr,, d’autre part, qu’il y a deux fluctuations primaires plus devinées que vraiment mesurées.
22Mais si le commencement de la première fluctuation et le terme de la seconde fluctuation correspondent, tous deux, à des événements conjoncturels majeurs, le second, en outre, est marqué par un événement politique important la reprise officielle de la guerre dans l’Atlantique, les limites des deux fluctuations sont imprécises. La limite que l’on a choisie — celle des Retours et des Allers et retours — en tonnage n’est, certainement pas, la meilleure. Elle a du moins, l’avantage de couper le cycle en deux périodes d’à peu près égale longueur, cinq ans de 1614 à 1618, quatre ans de 1619 à 1622. Elle invite, ainsi, à dis cerner entre le début et la fin de la fluctuation d’assez sensibles différences et, partant, à faire sur l’évolution générale du mouvement, d’utiles observations.
II. — CARACTÉRISTIQUES DE LA PÉRIODE
23Le cycle 1614-1622 occupe dans l’histoire de la Carrière des Indes une place extraordinaire. Pour plusieurs raisons.
LA PAIX : FACTEUR DE STABILITÉ ET DE RÉCUPÉRATION
24C’est une période de paix, du moins, de paix relative, marquée par l’absence de grands et spectaculaires conflits, mais qui n’est pas exclusive, pour autant, des menaces boucanières aux Indes, barbaresques à la sortie du Guadalquivir dans les eaux de la Méditerranée américaine et de la Méditerranée Atlantique24. Ces périodes ne sont pas nombreuses dans l’histoire de la Carrera.
25Le mouvement doit à cette circonstance son anormale stabilité. Elle frappe sur les séries du tome VI, plus encore sur les graphiques du tome VII25. À l’exception des deux grands accidents négatifs de 1611-1613 et 1621-1622-1623 (le premier, on l’a vu, est l’extrême conséquence de la grave crise de structures qui a débuté à la Vera Cruz, à l’automne 1609 ; le second est, en partie, lié à la reprise des hostilités avec la Hollande), la stabilité est à peu près totale. Elle est obtenue, pour l’essentiel, par l’adoption de la technique d’une petite flotte26 de Terre Ferme, le plus souvent accolée à l'Armada de la Guardia, avantageusement substituée à celle de la grande flotte biennale, encourageuse de fraude, à l’intérieur et en dehors du système Armada de la Guardia et bout de la pique, porteuse d’à-coups et particulièrement éprouvante pour le marché de la Terre Ferme.
26Paix porteuse, donc, de stabilité, paix porteuse, aussi, de forces de récupération.
27À cet égard, on peut lui attribuer, sans trop de crainte, un rôle considérable dans l’importance de la récupération du mouvement, après la grande crise de 1609. Il n’y a pas contradiction avec ce qu’on a dit, précédemment, sur les effets immédiats de la Trêve de Douze Ans27. Le passage de l’état de guerre à l’état de paix a posé à la Carrière des Indes des problèmes de « reconversion » dont il n’apparaît pas que les négociants de Séville se soient, d’abord, trop bien tirés. Peut-être, parce qu’ils en avaient attendu plus de facilités qu’ils n’avaient véritablement supputé les difficultés que la paix apporterait.
28Malgré tout, l’effet de surprise passé, la Carrera s’adaptera à une situation, somme toute, avantageuse.
29Parce qu’elle diminue, autant qu’on ne puisse en juger, avec nos moyens imparfaits28, le tribut des pertes. Mais contrairement à ce que l’on serait, peut-être, tenté de croire, d’abord, surtout en permettant un rythme beaucoup plus régulier et, partant beaucoup plus économique du trafic. Exemple, entre autres, l’annualité virtuelle de la flotte de Terre Ferme substituée à la biennalité, voir tri et quadriennalité29 des pires moments du conflit. Il n’est pas, en notre pouvoir, de chiffrer le gain d’une telle régularisation des échanges et raccourcissement des circuits, quoi qu’il en soit, on ne saurait le surestimer, 20, 30%, peut-être, de réduction des prix de revient.
LES NIVEAUX INTRINSÈQUES
30Le meilleur moyen, toutefois, sinon de trancher le problème, du moins, de s’approcher d’une solution, c’est de partir, comme toujours, des données quantitatives du découpage annuel.
1. En volume.
31Grâce au concours de facteurs favorables, la Carrera aura accompli, après la terrible crise de 1609 à 1613, un rétablissement dont l’importance et la réussite surprennent, d’abord.
32En raison même, toutefois, de l’extrême régularité du flux des échanges au cours de cette période, la comparaison des maxima risquerait de donner une impression fausse. Seule, dans ce cas, la comparaison des moyennes entre elle peut être utile.
33La comparaison entre les niveaux de 1608 et de 1617 (années d’expansion cyclique maximale respectives des cycles 1605-1613 et 1614-1622) laisserait supposer un échec total à réparer les dégâts de la crise 0609-1613. D’un côté, 106 navires à l’Aller, en 1617, contre 202, en 1608, 30 634,8 tonneaux contre 54 093,6 tonneaux et en Allers et retours, 165 navires, 43 494 toneladas, 52 191,8 tonneaux au lieu de 283 navires, 60 667 toneladas, 72 800,5 tonneaux. Par rapport à 1608, sommet un peu truqué du cycle 1605-1613 et, a fortiori, d’un siècle et demi d’histoire de la Carrera, 1617, sommet peu glorieux d’un cycle de ferme et peu prestigieuse consolidations, reste en retrait, en Allers, de 47,5% et 43,3% (mouvement unitaire et en tonnage), en allers et retours, de 41,7% et de 28 % (mouvement unitaire et en tonnage). Allers et Allers et retours de 1617 représentent donc, respectivement, au mieux, 52,5 %, 56,7 %, 58,3 % et 72 % des records de 1608.
34Mais, si on substitue aux chiffres records des moyennes cycliques, on sera frappé, au contraire, de la manière extraordinairement complète dont le mouvement de récupération a été mené.
35En Allers, par exemple, et compte non tenu de la pondération des tonnages, le niveau annuel moyen des départs avait été de 82 2/3 unités, 18 617,5 toneladas, lors du cycle 1579-1592, 116,2 unités, 23 417,9 toneladas, de 1593 à 1604, 101,11 unités, 23 193 toneladas, lors du cycle 1605-1613.
36Le cycle 1605-1613, à égalité, en toneladas, avec le cycle précédent, ne l’emporte et d’une manière presque imperceptible, qu’à condition de faire intervenir la grille de pondération30. De 101,11 unités et 23 193 toneladas, la moyenne annuelle des départs passe, de 1614 à 1622, à 102,72 unités et 22 201,733 toneladas — la grille de pondération ne change ici, pratiquement rien — soit, sur le mouvement unitaire, un progrès de 1,5 % et, en tonnage, un recul de l’ordre de 4,2 %. Étant donné la précision de la mesure, on ose à peine parler de recul, tout au plus, une présomption de recul très faible.
37C’est sur le mouvement Retours, seulement, qu’il y a glissement appréciable, non douteux. 63 navires, 14 980 toneladas, moyenne annuelle du cycle 1579-1592, 62,3 unités et 14 863,7 toneladas, moyenne annuelle de 1593 à 1604, le mouvement était monté à 73 unités et 20 155,5 toneladas, de 1605 à 1613. Il ne se maintient pas à un tel niveau, 64,6 unités et 17 053,4 toneladas, moyenne annuelle cyclique de 1614 à 1622, soit un recul de l’ordre de 15 % et une position grossièrement intermédiaire entre celle de 1579-1604 et celle du cycle record de 1605 à 1613.
38En Allers et retours, par contre, avec 167,44 unités (moyenne annuelle) et 39 255,16 toneladas, au lieu de 179,1 unités et 43 348,5 toneladas, de 1605 à 1613 (moyenne annuelle), le mouvement se trouve, respectivement, en retrait de 7 % (mouvement unitaire) et de 9 % (mouvement en tonnage), mais très au-dessus, encore, même compte non tenu d’une grille de pondération qui intervient beaucoup en faveur de 1614-1622, des moyennes annuelles de tous les cycles antérieurs, soit 178,58 unités et 38 281,6 toneladas de 1593 à 1604, de 145,75 unités et 34 597,5 toneladas, moyenne annuelle des Allers et retours de 1579 à 1592.
39Le niveau des volumes du mouvement de la fluctuation 1614-1622, compte tenu, surtout, de la grille de pondération, s’apparente, incontestablement, beaucoup plus aux niveaux de la fluctuation record, 1605-1613, qu’aux fluctuations, même les plus fortes, de la fin de la seconde phase longue d’expansion.
40Mais est-ce bien là ce qui compte ? Ce qui compte, beaucoup plus que les niveaux intrinsèques, n’est-ce pas le changement de sens d’une accélération bien compromise, déjà, entre 1593-1604 et 1604-1613 ? Peut-être. Pourtant, plusieurs fois, la tendance a hésité31, autour des années 75, autour des années 90, une fois même, elle s’est renversée, à la hauteur des années 50, lors de la grande récession du demi xvie siècle32. Jusqu’en 1617, très certainement, jusqu’en 1619, dans une certaine mesure, on aura pu hésiter, on aura pu douter de l’irréversibilité du mouvement récessif33.
41Après 1620, il n’y aura plus guère de doutes à avoir — la correspondance de la Casa de la Contratación montre surabondamment qu’on ne se faisait pas d’illusion à Séville sur l’ampleur et l’importance de la récession. C’est, d’ailleurs, entre 1614 et 1622, d’une part, 1623-1631, d’autre part, que la première grande fêlure se produit. La moyenne annuelle du mouvement passe à l’Aller, de 102,7 unités à 73,8 navires, 22 201,7 toneladas à 20 547,3 toneladas, au Retour, de 64,66 unités à 52 navires, de 17 053,4 toneladas à 15 755,8 toneladas, en Allers et retours, de 167,4 navires à 125,8 navires, de 39 255,16 toneladas à 36 303,2 toneladas, avant la grande débandade qui nous conduira aux 57,2 unités, 15 329,2 toneladas (Allers), 36,9 unités et 11 715,6 toneladas (Retours) 94,2 unités et 27 044,8 toneladas, du cycle 1632-1641.
42Ces quelques chiffres montrent de quelle partie de l’histoire du trafic, malgré le renversement de la pente du mouvement, 1614-1622 est solidaire.
2. Volumes et Valeurs
43Le mouvement en valeur semble, autant qu’on puisse l’atteindre avec quelque certitude, continuer sa marche en avant. Il est inutile d’insister sur l’extrême prudence dont il faut s’entourer dans ce domaine, et nous ne prétendons pas, malgré nos efforts et nos précautions, avoir résolu le problème d’une manière parfaitement satisfaisante34. Il existe, toutefois, un nombre suffisant d’indices convergents, pour que l’on puisse dégager de très fortes présomptions. Le mouvement en valeur poursuit sa marche ascendante au-delà du mouvement en volume et le renversement de la tendance majeure suit, dans ce domaine, de dix ans, environ, le renversement de la tendance des volumes.
44a. Trésors globaux. — La première présomption est fournie par les importations officielles des trésors d’Amérique, tels que les calcule Hamilton35. On sait que d’après une approche dérivée du comput officiel, la rupture qualitative ne se produit pas avant le passage de la demi-décade 1626-1630 à la demi-décade 1631-1635, c’est-à-dire, postérieurement à la rupture quantitative. La décade 1611-1620 équilibre à 2 % près (54,6 millions de pesos à 450, au lieu de 55,8 millions), le niveau des trésors importés, lors de la décade 1601-1610. Encore que Hamilton ne nous donne pas une ventilation annuelle, la position de 1621-1625, très supérieure à 1601-1605 et à 1611-1615, laisse à penser que les trésors officiellement enregistrés au cours du cycle 1614-1622 ont assez sensiblement dépassé ceux du cycle 1605-1613. Or, le niveau moyen des prix de 1614 à 1622, est légèrement inférieur à celui de 1605-1613. Dans le domaine trésor, il y a, au moins, équivalence, avec une très légère présomption, même, de supériorité en faveur de 1614-1622, par rapport à 1605-161336.
45Sur l’ensemble du mouvement, le repli en tonnage a été, on vient de le voir, de l’ordre de 9 %37 ; la valeur des trésors importés — le produit clef, le moteur de tous les échanges — n’a pas diminué, il y aurait plutôt, tout pesé, présomption d’un très faible accroissement, entre 1605-1613 d’une part, 1614-1622 d’autre part. De là à parler d’un léger accroissement de la valeur unitaire des échanges, il n’y a qu’un pas qu’on sera tenté de franchir, grâce à la convergence des séries voisines.
46b. Trésors publics et Trésors privés. — On a envisagé, jusqu’ici, uniquement les séries des trésors globaux, publics et privés, qui contribuent, dans le rapport de 1 à 3, à former l’ensemble des importations des trésors.
47Le rapport de 1 à 3, celui des chiffres officiels, est doublement suspect. Il sous-estime systématiquement la proportion des trésors des particuliers, puisque les sources officielles ont livré jusqu’au dernier maravedí, le montant des trésors du Roi. Quoi qu’il puisse lui en coûter, en augmentant démesurément, sa participation dans l’affaire de l'avería, le Roi ne peut pas frauder le Roi. Tout ce qui échappe — il en échappera, en gros, de plus en plus, après 1622, surtout, par la reprise de la guerre et l’augmentation désordonnée du fardeau défensif — appartient, nécessairement, à la seule catégorie des trésors des particuliers.
48Le rapport 1 à 3 est dangereux, aussi, parce qu’il n’est pas constant. Pour des raisons qu’on saisit mal, le rendement de l’administration espagnole38, aux Indes, a brusquement décru. Entre la moyenne annuelle des exportations de trésors officiels de 1591 à 1600, plus de deux millions de pesos par an, et celle de 1616-1620, la chute est de près de 60 %. Seule, une analyse détaillée de l’énorme comptabilité conservée dans le fonds Contaduría des Archives des Indes permettrait d’expliquer cette brusque rupture. Elle est d’autant plus surprenante, qu’elle va, en quelque sorte, à contre courant des charges de défense. Entre 1616 et 1620, le coût de la défense des Indes a été incontestablement moindre qu’au cours de la demi-décade 1596-1600, ou a fortiori, 1591-1595.
49Cette brutale chute de rendement — cette brusque diminution, diraient certains, de l’exploitation coloniale — de l’administration espagnole est, peut-être, à mettre en relation avec la chute verticale de la population indienne39, telle qu’on la suit, commodément et sûrement, désormais, à travers les travaux de l’école de Berkeley. Cette chute de population — extrêmement grave, en raison de la structure de l’économie coloniale américaine — a été le grand problème auquel toute l’économie des Indes eut à faire face. C’est même là, on l’a vu40, que réside la cause la plus profonde, peut-être, du renversement de la tendance majeure de l’ensemble de l’économie coloniale d’échanges lointains des Indes.
50Il est naturel, dans ces conditions, en raison de sa faible résistance, que l’état espagnol, aux Indes, ait été le premier frappé, sélectivement atteint. C’est exactement ce qu’expriment, avec une éloquence admirable, les séries de Earl J. Hamilton41. Entre 1591-1595 et 1616-1620, la masse globale des trésors « officiellement » recensés à l’importation en Espagne, a baissé de 15 %. La masse globale réelle a, nécessairement, baissé dans de moindres proportions42. En ce qui concerne, par contre, les trésors du Roi, entendez le bénéfice au profit du Royaume de Castille et de sa grande politique à l’intérieur et en dehors de l’empire qu’il a constitué autour de lui, la chute est verticale, de l’ordre de 60 %. Or, ici, aucun danger de sous-estimation n’est à craindre. La réalité est saisie dans son intégralité. Les historiens de la politique européenne de l’Empire espagnol n’ont pas, à ma connaissance, tiré tout le parti qu’il importait de tirer de cette distorsion capitale, entendez la chute brutale de la rentabilité de l’administration espagnole aux Indes43.
51Ce n’est pas cet aspect qui, pour l’heure, importe. Mais il est utile, pour comprendre les succès divers de la grande politique européenne de l’Espagne, dans la seconde moitié du règne de Philippe II, au terme de la deuxième manche des guerres de religion et à l’époque d’Olivares, lors de la troisième phase décisive du même conflit.
52c. Trésors privés. — Cet aspect du mouvement des trésors du Roi ne nous a retenus que, dans la mesure où il risquait de masquer une grande réalité du commerce Atlantique. En effet, si les trésors royaux sont plus directement impliqués encore, que tous autres, dans la grande politique, ils n’affectent que d’une manière très indirecte le commerce dans l’Atlantique. Seuls, les trésors particuliers sont réinjectés dans le circuit des échanges et impliqués directement dans le négoce transocéanique.
53Or, pour paradoxal que cela puisse paraître, de prime abord, c’est la demi-décade de 1616 à 1620 qui constitue l’apogée de ce mouvement. Ne dépasse-t-elle pas de 25 millions de maravedís le niveau de la demi-décade la plus prospère, avant elle, 1591-1595 (25 764 672 pesos à 450 maravedis, au lieu de 25 161 514) ? Et que l’on n’aille pas évoquer un quelconque accident sans lendemain : 1616-1625 équilibre, pratiquement, 1591-1600 (47,8 millions de pesos, d’une part, 47,8 millions, d’autre part). 1616-1630 dépasse 1591-1605, avec 68,1 millions contre 66,4 millions de pesos seulement. Il en va de même encore de 1611-1625, par rapport à 1586-1600, avec 65,1 millions de pesos contre 64,3, de même,, de 1611-1630, face à 1586-1605, soit 85,4 millions contre 82,1 millions de pesos.
54Le renversement de la tendance des trésors « privés », résultats de l’exploitation commerciale de la grande entreprise indienne, après un long plateau légèrement descendant, se fait au-delà de la demi-décade 1616-1620, seulement..., et lentement, progressivement, au cours de la décade des années 20. Vérité d’autant moins suspectable — il faut bien le rappeler — que s’il y a risque de distorsion systématique, entre le début et la fin du plateau de quarante ans, au sein duquel nous plaçons nos comparaisons, entre la réalité d’un passé et celle que nous saisissons à travers les documents grâce au travail de Earl J. Hamilton, elle joue contre la fin de la série, au profit du début.
55Aucun doute possible, le négoce de Séville a récupéré de ses transactions en volume légèrement réduites, un peu plus de trésors susceptibles d’être réinvestis dans ses circuits commerciaux, au cours de la fluctuation cyclique 1614-1622, qu’il ne l’avait fait, de 1605 à 1613. Il en va de même, de 1614-1622 (mais avec des volumes, il est vrai, légèrement supérieurs, on a vu dans quelle mesure44, par rapport à n’importe quel cycle antérieur, 1605-1613, certes, mais aussi 1593-1604, 1579-1592 et, a fortiori, n’importe quelle fluctuation du xviie siècle).
56On peut affirmer, par rapport à tous ces termes de référence, la supériorité du niveau absolu des trésors privés importés au terme, pour l’essentiel, des opérations commerciales, dont les trafics au sein de la Carrera sont le théâtre, et la supériorité relative de ces trésors, compte tenu des niveaux respectifs des prix et des volumes, par rapport au seul terme de référence de la fluctuation cyclique du record des volumes de 1605 à 161345.
57d. Les marchandises et le global des valeurs. — Si l’appréciation des trésors prête, — en raison de la fraude forcément variable sur le mouvement des monnaies et des métaux précieux destinés aux particuliers — à discussion, elle n’en constitue pas moins un domaine particulièrement solide, en raison du caractère exceptionnel de la marchandise transportée.
58Le métal précieux est, en période de monnaie métallique, l’étalon par lequel on mesure conventionnellement, mais sûrement, la valeur. A son égard, pour toutes sortes de raisons, on a pris une série de précautions, dont Hamilton décrit les modalités46, elles sont les garants incomparables de l’efficacité du travail de l’histoire statistique — étant entendu, on ne le redira jamais assez, que les exigences de l’Ancien Régime de la mesure ne sauraient être, en matière de précision, comparables aux nôtres.
59Pour les marchandises, on se heurte, par contre, à toute une série de difficultés47. Ce sont, d’abord, des disgrâces documentaires, dont on s’est fait, jadis, trop longuement l’écho. Les marchandises ordinaires ne bénéficient pas du respect quasi superstitieux dont l’or et l’argent étaient entourés. Il est assez compréhensible, d’ailleurs, que ce produit clef qui constituait 80 % en moyenne, au moins, des exportations, en valeur, de l’Amérique sur l’Europe, fût entouré de soins exceptionnels.
60D’autres raisons rendent difficile l’appréciation des valeurs autres que les trésors : le caractère extraordinairement arbitraire des valeurs en douane48, toujours systématiquement sous-évaluées dans des proportions étonnantes, la fraude49. La principale difficulté réside peut-être, dans la fantastique disparité « structurelle » des prix sur les marchandises échangées entre les deux continents. Cette disparité dépasse, très certainement, pour les marchandises d’importation en Amérique, les niveaux donnés par Tomás de Mercado50 et par le crecimiento del valor del almojarifazgo des Indes51. L’ordre de grandeur52 le plus vraisemblable nous est donné par la comparaison des valeurs du départ à l’Aller53 et le total des Retours (Trésors + marchandises54. Il faut bien admettre qu’en très gros, les deux colonnes s’équilibrent. Cette nécessité crée la présomption d’un triplement des prix des marchandises d’Europe en Amérique55. C’est le fantastique gradient économique d’une telle distorsion qui entraîne toute la machine d’échanges paradoxaux. Le déséquilibre étant maintenu par les facilités de main-d’œuvre et d’espaces offertes aux sociétés coloniales dans leurs secteurs économiques dominants : la mine, au premier chef, la plantation au second chef. Quand ce gradient s’atténuera — c’est vraisemblablement le cas, à partir de 1636-164056, comme on le verra bientôt57 — tout le système s’effondrera. Et ce sera la mort irréversible du paradoxal Atlantique de Séville, prêt à céder la place, mais pas tout de suite, à d’autres Atlantiques, à d’autres aventures.
61Toutes ces raisons et quelques autres rendent particulièrement chanceuse toute approche en valeur du trafic. Elles ne doivent pas, pourtant, être écartées. Et on peut les retenir, à titre d’hypothèse, d’autant plus qu’elles concordent fort bien avec ce que l’on peut entrevoir, par ailleurs58. Quelle que soit la série adoptée, on notera le caractère exceptionnellement vigoureux encore du trafic de 1616 à 1620. Il semble, en ce qui concerne les marchandises importées d’Amérique59, autres que les trésors, que l’on soit passé par un maximum jamais égalé de 5 800 millions de mamvedís, de 65 % supérieur au précédent maximum de 1611 à 1615, de 115 % supérieur au niveau précédemment record de 1596 à 1600.
62Les années du cycle 1614-1622 correspondent à un niveau record des marchandises importées d’Amérique, sans doute, à l’apogée d’une première économie de plantation. Cette masse est telle, qu’elle place entre 1616 et 162060 le record des Retours exprimés en valeur. Le total des valeurs exprimées en monnaie constante, mais le pouvoir d’achat de la monnaie a pu varier dans la période envisagée, dépasse largement de près de 3 milliards de maravedis le niveau de la demi-décade 1606-1610, de plus d’un milliard encore, celui de la demi-décade 1591-1595 et de la demi-décade 1596-1600, malgré l’énormité, alors des trésors.
63Quant au mouvement valeur global61, il amène 1616-1620, à 6 % au-dessus de 1606-1610 et à 8 % au-dessous à peine de 1596-1600.
64Quel que soit le système d’approche que l’on adopte, il conduit à une certitude, la partie haute du cycle 1614-1622 constitue, sinon, le, du moins un des deux sommets du mouvement-valeur. Cette poussée s’explique, malgré la récession du rendement de l’administration, par l’extraordinaire montée des exportations de l’Amérique vers l’Europe — poussée de l’économie de plantation, sans doute.
65Quoi qu’il en soit, il résulte, clairement de ces diverses approches parfaitement concordantes, qu’il y a décalage entre la courbe des volumes et celle des valeurs. La rupture de pente timide du mouvement volume, à la hauteur des années 1608-1609, n’affecte pas les valeurs. 1619-1620 correspond pour les valeurs à ce qu’était 1608-1609 pour les volumes. Cette rupture est plus conforme, d’ailleurs, à la conjoncture méditerranéenne des prix.
66Cette distorsion s’explique, au vrai, sans trop de peine. On a cru observer depuis le début du mouvement — toutes choses étant égales, une accélération des valeurs, par rapport aux volumes, une élimination progressive des éléments pondéreux, par rapport aux marchandises les plus chères. L’évolution n’est pas interrompue par le renversement de la tendance majeure du trafic en volume elle suffit à provoquer, malgré un léger tassement des volumes, la prolongation de l’ascension des valeurs au-delà du terme de la croissance des volumes, entendez 1609. On voit, dans ces conditions, combien la situation du trafic de 1614 à 1622 est complexe. Les facteurs récessifs l’emportent, désormais, sur les facteurs d’expansion, d’une expansion dont les éléments moteurs sont coupés à la racine, mais ils ne l’éliminent pas, tant s’en faut.
LES ALLERS ET LES RETOURS
67La montée des valeurs, à un rythme, d’ailleurs, très ralenti, ne doit pas faire illusion. Le mouvement se poursuit, par vitesse acquise ; la rupture est désormais certaine. Elle est chose du passé. On évolue rapidement vers un nouvel équilibre.
68La réapparition après la longue anomalie positive des Retours de 1609 à 161362, d’un équilibre interne à peu près normal des Allers et des Retours, est particulièrement symptomatique de ce nouvel équilibre. En effet, le négoce aura bénéficié, au début du cycle, en raison de l’abondance des navires rentrés des Indes et des disponibilités qui lui ont été conférées par le raccourcissement des rythmes de rotation, de situations extrêmement favorables.
69Or, après cinq années consécutives, au cours desquelles le rapport des Retours aux globaux a été anormalement maintenu à près de 50 % (soit 7 % de plus que l’équilibre bi-séculaire moyen de 43 %), on revient, pratiquement, à ce rapport moyen, soit 43,4 % de 1614 à 1622, contre 46,5 % de 1605 à 1613 et 38,83 % seulement de 1593 à 1604. Non seulement rapport normal mais extraordinaire constance de cette normalité : 44 % de 1614 à 1618, 43 % de 1619 à 1622 ; 46,20 % en 1614, 38,13 % en 1615, 48,22 % en 1616, 41,31 % en 1617, 45,88 % en 1618, 44,62 % en 1619, 46,30 % en 1620, 44,50 % en 1621, 36,05 % en 162263.
70À nouveau le triage des navires a pu s’effectuer aux Indes par élimination du circuit des plus petits navires les moins bien adaptés. Le gros décalage, que l’on observe, à nouveau, entre le tonnage unitaire moyen des navires à l’Aller et au Retour en est un signe irréfutable.
71C’est encore un point par lequel le cycle 1614-1622 se sépare du cycle précédent et se rapproche, par contre, des situations antérieures, celles, par exemple, de la fin du xvie siècle. Le tonnage unitaire moyen des Allers s’élève, de 1614 à 1622, à 216,01 toneladas. Pour les Retours, par contre, il atteint 263,71 toneladas, et 234,4 toneladas, en Allers et retours. L’écart, on le voit, est considérable, de 47,7 toneladas entre le tonnage unitaire moyen des Allers et celui des Retours. Entre 1605 et 1613, l’écart des tonnages unitaires moyens sur les axes Allers et Retours était seulement, pour l’ensemble du cycle, de 29,24 toneladas (229,16 toneladas à l’Aller, 258,61 toneladas au Retour). Il n’en est pas moins vrai que l’écart des tonnages unitaires reste un des plus importants de toute l’histoire de la Carrière des Indes. Normal, au cours de la première fluctuation de 1614 à 1618, 34,2 toneladas (221,7 toneladas à l’Aller, 255,8 toneladas au Retour) il est presque monstrueux lors de la seconde fluctuation, de 1619 à 1622, puisqu’il atteint 66 toneladas (208,86 toneladas à l’Aller et 274,8 toneladas au Retour).
72On peut conclure de ces signes discordants que la Carrière des Indes a retrouvé son équilibre, mais à un niveau volumétrique, légèrement en retrait, par rapport aux niveaux records du cycle précédent et, notamment, des années de pointes, de 1608 à 1609-1610.
LE MATÉRIEL NAVAL
73Équilibre, à un niveau légèrement inférieur, mais équilibre en partant d’éléments identiques. Le tonnage unitaire moyen ne subit, pratiquement, on vient de le voir, aucune modification sensible64. Mêmes conditions, en gros, mêmes techniques. Sous cet aspect, 1614-1622 indique bien, une fois de plus, sa solidarité avec la grande prospérité antérieure.
74Une nouvelle mutation se produira bientôt dans la taille et plus, peut-être, encore, dans le tirant d’eau des navires, plus discrète que la première mutation, celle de la demi-décade 1571-1575, mais il faut attendre la période 1623-1630 pour qu’elle se réalise. Pour le moment, tout au plus, elle chemine. Elle se réalise plus tard lorsque la Carrera, sous le poids d’une conjoncture de plus en plus lourde, renonce à desservir une bonne partie de ses franges marginales et sous le poids, à nouveau, de la guerre, cherche un refuge dans le gigantisme. Cette insolite mutation contribuera, à plus long terme, à l’élimination progressive de Séville, au sein du complexe au profit de Cádiz.
75Cette stabilité, quant à la taille du matériel, ne devra pas dissimuler une modification grave, particulièrement lourde de conséquences pour l’avenir. C’est au cours du cycle 1614-162265, que le primat biscayen subit dans l’armement son plus décisif revers, au cours du cycle et plus particulièrement, peut-être, au cours de la deuxième moitié du cycle : poussée des Portugais et surtout, des naves créoles, au premier chef, les îles, loin derrière le continent américain,... Tomé Cano, dans son célèbre traité66, prémonitoire, à certains égards, s’était, dès 1611, fait l’écho des angoisses de la construction biscayenne.
76La perte de son autonomie, dans un domaine combien capital pour elle, constitue pour la Carrera, un fait des plus graves. D’autant plus, le rythme de rotation des convois le prouve67, que ce recul des biscayens, s’est soldé, entre autres, par une perte sensible de qualité du matériel à la disposition du négoce et, vraisemblablement, par un accroissement du coût d’exploitation.
77Ce coût d’arrêt à la construction biscayno-cantabrique — dont les premiers signes qualitatifs sont perceptibles en 1611-1612, doit être mis en relation directe avec l’anomalie positive du coût de la main-d’œuvre, entre 1605 et 162568. L’anomalie passe, on s’en souvient, par un maximum en 1611. Quant à la poussée de la construction étrangère dans la Carrière des Indes, elle est statistiquement69 perceptible, à partir de 1614, mais surtout de 1617-1620. Ce décalage de quelques années est tout à fait compréhensible, en raison du poids du stock des navires existant par rapport aux navires nouveaux — or nos mesures portent sur le stock existant en circulation et non pas sur les seuls nouveaux venus. Ceux-ci sont, d’ailleurs, relativement peu nombreux, en période de récession modérée, comme c’est le cas pour le cycle 1614-1622 par rapport à 1605-1613. Faible renouvellement du stock existant en période de récession relative — retard, par conséquent, de la sensibilisation statistique au recul des biscayens. Cette hypothèse n’est pas une vue de l’esprit. A l’appui, on notera un brusque vieillissement des navires au cours du cycle entre 1611-1615 (moyenne d’âge, 5 ans) et 1616-1620 (moyenne d’âge, 7 ans et demi), avec vieillissement constant, à l’intérieur de la demi-décade70.
78Ce vieillissement du stock des navires constitue, en outre, un indice extrêmement utile. Il est un signe non équivoque de ralentissement conjoncturel. Depuis le rajeunissement du matériel naval provoqué par l’action combinée des destructions de l'Invincible Armada, du paroxysme de la guerre hispano-anglaise et de l’expansion des volumes, l’âge moyen des navires se maintenait sur un plateau d’âge faiblement croissant, 4 ans, 5 de 1586 à 1590, 4 ans, 3 de 1591 à 1595, 3 ans 8 de 1598 à 1600, 4 ans, 45 de 1601 à 1605, 5 ans, 1 et 5 ans de 1606-1610 à 1611-1615.
79Le passage de l’expansion à la contraction se marque par un brusque vieillissement du stock des navires, en raison du non-renouvellement des navires, d’où la mutation du plateau des quatre à cinq ans à un plateau de sept et demi, huit ans et plus. Le vieillissement ira s’accroissant, de 1616-1620 jusqu’en 1631-1635, sept ans six mois (1616-1620), sept ans dix/onze mois (1621-1625), huit ans cinq mois (1626-1630), neuf ans neuf mois (1631-1635).
80Au-delà, quand le stock complètement usé sera hors de course — une difficulté supplémentaire à laquelle il faudra faire face en des temps difficiles — il y aura rajeunissement, le rajeunissement, du fond de la contraction. Il s’accompagne d’un changement de nature, comme en témoignent l’évolution du tonnage unitaire71 et l’approfondissement du tirant d’eau.
81Le cycle 1614-1622 est entré dans la phase du vieillissement rapide des navires : propylée de la plus longue récession de l’histoire de l’Atlantique.
LES AXES DU TRAFIC
82Cette entrée lente, presque imperceptible, dans le temps de la contraction, ne s’accompagne pas, fait symptomatique, de modifications graves dans l’équilibre géographique des forces aux Indes. Le rapport Nouvelle Espagne/îles/Terre Ferme reste, en gros, ce qu’il était au cours du cycle précédent, de 1614 à 1622. C’est au-delà, à l’intérieur du cycle 1622-1631, que s’opère la permutation capitale, effondrement spectaculaire et définitif de la Nouvelle Espagne, la réanimation partielle de la Terre Ferme.
83Le cycle 1614-1622 reste, exactement au même titre que le cycle 1605-1613 et la fluctuation 1600-1604, un moment de Nouvelle Espagne, espace dominant, malgré la crise de la Vera Cruz, à l’automne 1609 et ses immenses conséquences.
84À l’Aller, la Nouvelle Espagne forme 48,6 % du mouvement unitaire et 51,5 % du mouvement en tonnage de 1614 à 1625 (contre 47,6 % et 52,2 % de 1605 à 1613, 51,7 % et 53,5 % de 1600 à 1604). Au Retour, la part de la Nouvelle Espagne s’élève à 33,3 % (mouvement unitaire) et 43,8 % (tonnage) — au cours du cycle 1605-1613 et de la fluctuation 1600-160(1, ces proportions sont respectivement de 34,6 % et 44,1 % ; 41,4 % et 48,3 %. En Allers et retours, la part de la Nouvelle Espagne reste du même ordre, 42,7 et 47,9 %, mouvement unitaire et tonnage, contre 42 % et 48,3 % de 1605 à 1613 et 47,3 % et 51,3 % 3 % de 1600 à 1604 (mouvement unitaire et tonnage). Or, cette caractéristique du primat de l’espace mexicain dans les relations commerciales de Séville se maintient avec une absolue constance dans toute la période, les variations entre 1614-1618 et 1619-1622 sont négligeables72.
85Tout au plus, observera-t-on, un très léger gonflement relatif — qui n’est pas exclusif d’un tassement quantitatif73 — de la part de la Terre Ferme : 33,8 % et 37,7 % à l’Aller, 33 et 36,7 % au Retour, 33,5 et 36,7 % en Allers et retours. (Au cours du cycle précédent, 1605-1613, les pourcentages correspondants s’élevaient à 31,8, 37 % 21,6, 30,2 % 27,3 et 34,1 %). Un léger recul des îles, à l’Aller 16,3 % et 9,61 %, en Retour 33,7 et 20,4 %, Allers et retours, 23 et 14,3 % (le recul est plus sensible, encore, en valeur absolue) sera noté également.
86Il nous révèle un des aspects de la crise : la Carrera abandonne, de plus en plus, les franges marginales de l’espace indien, non sans susciter de la part des intérêts lésés, des plaintes dont la correspondance de la Casa de la Contratación se fait longuement l’écho.
87Même constance, en gros, à l’intérieur du complexe portuaire : les parts respectives des navires marchands de Séville, de Cádiz, des armadas et des marginaux. Canariens et négriers ne varient pas beaucoup. Soit de 1614 à 1622, en tonnage 52,5 %, 11,8 % 20,3 %, 5,5 % et 9,9 % contre, dans le même ordre de 1605 à 1613, 51,6 %, 10,9 %, 20,8 %, 5,3 % et 11,2 %. Aucune modification suffisante pour qu’on puisse la retenir et lui prêter quelque signification. On sera sensible, notamment, à la constance du rapport entre les axes importants du complexe et les « marginaux » et semi-marginaux. Sous cet angle, aussi, 1614-1622 affirme plus volontiers sa solidarité avec le cycle 1605-1613 qu’il ne le fait avec les cycles de la récession. Notre choix, par conséquent, est bon, il importe de placer ces neuf ans de paix et de prospérité hésitante, avec la vaste période du plateau de 1593 à 1622 et non pas, comme on pouvait être tenté de le faire un moment, avec une phase longue de contraction qui ne commence pas vraiment avant le cycle 1623-1631 et ne se déroule pas, dans toute son ampleur dévastatrice, avant le cycle de la catastrophe de 1632-1641.
III. — HYPOTHÈSES ET INTERPRÉTATIONS
88Les événements du cycle 1614-1622 ne sont pas faciles à expliquer. La période se trouve, en réalité, en porte à faux. Après la rupture concrétisée dans la crise de la Vera Cruz de 1609, il est certain qu’elle n’appartient plus à l’expansion.
89La plupart des séries interrogées auront donné la même réponse. Le mouvement global, malgré une reprise certaine, malgré d’honorables reconstitutions de prospérité, reste à 9 % environ, dans ses aspects les plus représentatifs, en dessous des niveaux moyens du cycle précédent. À une exception près de taille, celle des valeurs, dont il semble bien, dans la mesure où l’on osera s’aventurer sur ce terrain mouvant74, que le rythme de croissance fortement ralenti, fortement compromis, n’en continue pas moins jusqu’à la crise des années 1619-1620, entraîné par le volant d’une vitesse acquise.
90En un mot, l’expansion s’arrête en 1609, au milieu du cycle 1605-1613, mais la récession ne commence qu’après le cycle 1614-1622, au-delà de la crise 1619-1622. Cycle d’hésitations, de récupérations partielles, avant la déroute.
91Comment l’expliquer ?
92Zone où s’entrecroisent plusieurs séries différentes de facteurs et d’influences contraires, le cycle 1614-1622 n’est pas justiciable d’une explication simple. Son comportement est paradoxal — parce que l’économie, comme la vie dont elle est une manifestation, ne connaît pas l’état de stagnation et de conservation des bénéfices acquis, elle n’admet que l’expansion et la contraction, la croissance ou la décroissance. Elle a horreur de l’équilibre, comme dans la vieille physique aristotélicienne, la nature, du vide. L’état de presque équilibre dans lequel apparaît la Carrera, au cours de la période 1614-1622, procède du jeu paradoxal et quasi fortuit de forces contradictoires.
93En fait, le moteur de l’expansion est cassé. En réalité, dans une réalité sous-jacente, les structures de la décroissance sont déjà en place. Mais un concours extérieur de circonstances fait que les effets ne s’en font sentir qu’un long temps après ; après 1622, d’abord, après 1631, surtout. La lourde machine de la Carrière des Indes — lourde, à l’échelle, d’une économie d’échanges, très mince encore — continue sa route, par vitesse acquise, une fois détachée de son moteur, déjà saisie dans le champ de force de la contraction, son mouvement est freiné, elle s’arrête, balance un instant, puis démarre imperfectiblement, d’abord, lentement, ensuite, inexorablement entraînée, d’un mouvement uniformément accéléré, dans la route de la décroissance et de l’anéantissement.
LES STRUCTURES DE LA DÉCROISSANCE
94Elles ne sont pas apparues, du jour au lendemain, préparée lentement dans les périodes antérieures, leur mise en place s’achève dans les périodes postérieures, et leur action se fait sentir dans toute la phase longue de contraction. En fait, il n’y a pas de structures de la contraction, il suffit qu’un moment, s’estompent les structures de l’expansion. Elles sont simplement effacement, épuisement des causes de l’expansion. Elles durent tant que les difficultés des adaptations en contraction n’auront pas fait jaillir les raisons d’une nouvelle marche en avant.
1. L’indice des prix
95Le plus sûr indice demeure, dans l’état imparfait de nos documentations, l’indice des prix et faute de mieux, faute d’englober les divers éléments de l’espace indien, les prix espagnols. Le passage de l’expansion à la contraction constitue, dans ce domaine, un indice d’une extrême gravité. Toute la fluctuation 1614-1622 est placée sous ce signe des prix plongeants. Alors que la première partie, la partie ascendante du cycle précédent, était encore placée sous le choc bénéfique du sommet des prix, le cycle 1614-1622, correspond à la partie la plus basse des prix réels et des prix-argent de l’ensemble du xviie siècle ibérique.
96Si l’on prend, tout d’abord, l’expression la plus générale, celle des indices composés des prix-argent, on notera une rapide et profonde décroissance. La moyenne arithmétique des indices donnait un niveau indiciel moyen de 139,65 pour la dernière fluctuation 1600-1604 du cycle 1592-1604 (128,98 seulement pour l’ensemble du cycle 1593-1604), 131,47 pour le cycle 1605-1613 et 130,9 seulement pour le cycle 1614-1622.
97a. Moyennes mobiles et points de rebroussement. — D’autres moyens encore permettent d’apprécier le point d’arrêt puis le moment où le sûr est, retournement de la tendance des prix s’est réellement fait sentir. Le plus comme toujours, le procédé des moyennes mobiles. Celles de douze et treize ans, en l’occurrence, conviennent le mieux, puisque ce sont celles qui éliminent la fluctuation la plus importante75. On peut estimer, on a vu déjà pourquoi76, que le moment où la réalité du renversement de la tendance majeure commence vraiment à se faire sentir — elle se fait bien sentir, même, en l’absence de toute culture statistique, chez les contemporains du drame — se situe entre l’instant où la tendance se renverse sur la moyenne mobile médiane optimale et le moment où il en advient de même, sur la même moyenne de longueur optimale arrière, incontestablement, beaucoup plus près du terme indiqué par la moyenne arrière que par la moyenne médiane.
98La moyenne mobile médiane est bonne, dans la mesure où elle suppose les hommes conscients de l’existence du cycle et, par conséquent, susceptibles de procéder à une anticipation sur le futur, en fonction de leur connaissance du passé. L’hypothèse d’une assez solide compréhension des mécanismes de la fluctuation de la masse globale des trafics n’est pas trop optimiste, dans le cas des négociants les mieux organisés de la Carrière des Indes. Elle est, peut-être, excessivement confiante en ce qui concerne les prix. La moyenne mobile arrière nous replace dans la réalité de la situation historique, connaissance solide d’un passé récent, ignorance face à l’avenir. Il est certain, d’ailleurs, qu’on ne peut, même en possession d’une culture statistique, connaître d’une manière certaine la rupture de pente, qu’au moment du renversement sur la moyenne arrière de longueur optimale.
99Or, il suffit de rappeler que le renversement de la tendance majeure des indices globaux des prix-argent se place, entre 1604 et 1605, avec la moyenne mobile médiane de treize ans. Avec une moyenne arrière de treize ans, le renversement n’est pas perceptible, avant 1610-1611. La certitude est atteinte dès 1612-1613. Avec une moyenne de onze ans — la moyenne de treize ans a été choisie pour des raisons d’homogénéité : c’est elle qui s’applique le mieux, en effet, non pas forcément, à chaque élément de la courbe des trafics et des prix, mais à l’ensemble des trafics et des prix — le renversement se produirait entre 1609 et 1610. Il serait parfaitement perceptible, dès 1611-1613.
100On remarquera, une fois de plus, le caractère extrêmement troublant de ces rapprochements. 1609, n’est-ce pas le vrai point de flexion que nous avons finalement choisi pour le renversement de la tendance majeure des trafics ? C’est l’année de la crise de la Vera Cruz, l’année de l’expulsion des Morisques. Par hasard, sans doute. Il fallait, pourtant le noter.
101Pour l’heure, une chose nous intéresse.
102L’indice global des prix traduit l’ampleur du changement de climat qui s’est produit entre le cycle 1605-1613 et le cycle 1614-1622. Le cycle 1605-1613 participait encore, dans sa partie ascendante, à l’atmosphère de l’expansion. Ce n’est qu’au-delà de 1609, au-delà, par conséquent, de la crise de la Vera Cruz, au-delà de la prospérité, à l’intérieur du grand marasme, que vient à manquer la croyance dans la hausse presque automatique des prix, la certitude, jusque-là profondément ancrée et toujours vérifiée, que les prix reprendraient, d’eux-mêmes, au bout d’un temps plus ou moins long, leur insensible marche ascendante.
103En 1614, il n’y a plus aucune espèce de doute, on est bien plongé dans une atmosphère radicalement différente. La dépression est connue, elle ne peut pas ne pas être sentie même par le moins éclairé.
104Sur ce point, par conséquent, les deux cycles se tournent délibérément le dos.
105b. Prix réels. — Or, cette réalité est vraie, en dehors de tout truquage77. Elle est particulièrement vraie sur les indices des prix réels, andalous.
106On observera, une fois de plus, l’extrême similitude des prix andalous, d’une part, des prix vieux-castillans/léonais d’autre part. Cette similitude n’est, certainement pas l’effet d’un hasard. Elle n’est, peut-être, simplement que l’expression des importantes connexions qui, longtemps, ont lié Séville aux places du Nord, Medina del Campo, Valladolid, Rioseco78. Il est incontestable que le creux, est, ici, beaucoup plus profond, pour l’Andalousie d’abord, pour la Vieille Castille, ensuite, que pour la Nouvelle Castille ou, à plus forte raison, le Royaume aberrant de Valence. On notera, enfin, que la baisse des prix est, ici, particulièrement probante, puisqu’elle s’effectue, pratiquement en dépit de la stabilité de l’étalon. L’inflation qui se prépare est presque négligeable. Il y a baisse des prix réels et baisse des prix-argent.
107L’importance du creux est particulièrement sensible pour les indices des prix réels andalous.
108La moyenne des indices des prix réels andalous s’élevait, à 88,35, au cours du cycle 1605-1613, elle s’abaisse à 85,86 entre 1614 et 1622. Elle s’était élevée à 93,76, au cours de la fluctuation 1600-1604. Toutes les observations qui ont été faites, tout à l’heure, sur les indices composés des prix-argent79 seraient vraies, ici. Elles prendraient beaucoup plus de relief encore.
109Dans la mesure où la perpétuelle avance des prix a été tout au long des deux grandes demi-phases longues d’expansion, un facteur décisif qui entrait dans le complexe d’expansion des trafics, il est incontestable que 1614-1622 connaît, de ce simple chef, un changement décisif d’atmosphère.
110Mais le recul des prix, le passage dans ce domaine, de l’expansion à la contraction, n’est pas plus une cause — il lui arrive, certes, d’entrer dans le complexe causal de l’arrêt de la croissance puis du repli des trafics — qu’une conséquence, et une conséquence, entre autres, de l’arrêt de l’expansion des trafics.
2. Amérique et contraction
111Prix et trafics, dans notre schéma — est-il besoin de le rappeler ? — non seulement interfèrent et sont constamment causes et effets, les uns par rapport aux autres, mais nous paraissent, en outre, l’expression d’une même réalité plus profonde.
112Économies et sociétés ne peuvent être contraintes à progresser que sous l’effet d’une excitation qui les oblige à se dépasser. Non que cette excitation soit extérieure à l’homme, puisque les sociétés se les créent quand, pour en avoir été privées un certain temps, elles en ressentent confusément le besoin.
113L’annexion du monde à son orbite a été, plus de trois siècles durant, pour l’Europe, ce prodigieux excitant, avant que le progrès technique, avec scs irrégularités et ses à-coups porteurs de déséquilibre, ne viennent à le relayer d’abord, puis à se substituer totalement à elle.
114Or, il est incontestable qu’à la fin du xvie et au début du xviie siècle, l’Amérique, dans ce rôle, est momentanément épuisée. La frange coloniale agit comme moteur, en effet, dans la mesure où elle jette dans les circuits commerciaux un supplément de richesses porteuses de déséquilibre, donc, de mouvement, donc de progrès. De là, des secteurs dominants au sein d’espaces dominants.
115Toute l’Amérique du xvie siècle a été conçue comme un gigantesque champ de cueillette. La cueillette, soit simple injection, dans des circuits commerciaux, de richesses potentielles thésaurisées par des siècles de labeur stérile, soit égratignure des filons superficiels et des sols les plus proches des voies d’écoulement..., n’est possible que médiatement, grâce au matelas de l’humanité indienne. Mais la première utilisation des Indiens, à cette fin, a été destructive d’hommes qu’elle ne se soucie pas de conserver, comme de richesses qu’elle ne prétend pas reconstituer. D’où un épuisement rapide d’un espace sillonné en quarante ans, superficiellement épuisé en soixante-dix ans.
116À tel point que le cycle des grandes plantations du xviie siècle devra se constituer intégralement avec de la main-d’œuvre d’importation. En fait, pour redevenir utile, après 1650, bien après 1650, dans son rôle de frange coloniale dominante, génératrice de richesses-catalyseur, de richesses porteuses de déséquilibres et de propension à l’expansion, l’exploitation coloniale de l’Amérique devra être entièrement repensée, reprise en main par d’autres colonisations que la colonisation exclusivement ibérique du début.
117Il ne suffit pas pour que la frange coloniale motrice engendre l’expansion qu’elle jette dans les circuits de l’économie-mère une quantité égale de richesses nouvelles. Il faut que cet apport soit croissant. L’économie-mère s’accoutume, en effet, presque instantanément à l’adjonction périodique, à l’apport régulier de richesses nouvelles, elles deviennent alors une nécessité, une constante, une coordonnée habituelle et l’excitation n’est maintenue, face à un seuil constamment élevé, qu’au prix d’un accroissement constant de l’apport. Pour obtenir un effet seulement égal, il faut un apport toujours accru. Il est incontestable que l’économie coloniale des Indes n’est plus capable, pour plusieurs décades, d’accroître ses mises. Le trafic, sur l’axe essentiel de Séville, le montre. Ce qui lui manque le plus, ce n’est pas tant l’espace, mais l’Indien, dont le stock s’est amenuisé dans des conditions incroyables80. Et c’est là que réside, sans conteste, la différence profonde qui oppose 1605-1613, dernier cycle en porte à faux, encore, sur ce qui subsiste des structures de la croissance... et 1614-1622, installé, déjà, dans les structures de la décroissance.
3. La démographie espagnole
118La cause la plus profonde de l’arrêt de l’accélération des trafics réside dans l’épuisement des stocks humains fragiles accumulés au cours des siècles obscurs du précolombien et dissipés comme leurs inutiles trésors dans le feu d’artifice du xvie siècle triomphant. Mais à cette défaillance américaine, il convient d’ajouter une autre défaillance de moindre portée, sans doute, et celle-ci ibérique.
119Si l’action entraînante de la frange motrice américaine, sur l’ensemble de la première ébauche d’économie mondiale vient à défaillir, au début du xviie siècle, c’est, d’abord, sous l’effet de causes américaines dont quelques-uns des mécanismes ont été décrits ailleurs, mais c’est aussi en raison d’une défaillance propre à l’Espagne. D’où la nécessité d’une relève à la tête de l’entreprise coloniale. Cette relève est le fait du xviie siècle. Mais elle ne saurait être ni immédiate ni parfaitement efficace.
120La défaillance démographique de l’Espagne, au début du xviie siècle, est certaine. Trop d’indices se recoupent pour qu’on puisse l’écarter81. Il n’est pas impossible qu’au premier rang des causes — et l’on réintroduira, par ce biais, la problématique de la vieille historiographie — se place l’excès d’effort exigé par les responsabilités démesurées d’une expansion gigantesque, en Amérique et aux Philippines, certes, où la Castille assume l’essentiel du front colonial de l’Europe mais en Europe même, dans les entreprises italiennes, flamandes, françaises et bientôt allemandes, quand éclate la guerre de Trente Ans. Et, selon un processus courant d’accélération, c’est au moment où l’entreprise coloniale cesse de rendre que se multiplient, en Europe et hors d’Europe, les charges déjà trop lourdes pour la prospérité. Ainsi, le procès de décomposition, entamé, avant la fin même de la prospérité, s’accélère avec le retournement de la tendance des activités. Une fois engagés, tous les procès de décroissance et au premier chef, les procès démographiques tendent, par eux-mêmes, sauf intervention de l’extérieur, et modification grave des données, à s’accélérer. L’accélération est latente dans la physique des sociétés, comme elle l’est dans la physique grossière des choses.
121Là encore, faute de séries statistiques suffisamment précises, denses et sensibles, pour mesurer le phénomène démographique causal profond, il faudra se contenter d’apparences, mais d’apparences utiles puisqu’elles expriment la manière dont le phénomène humain quantitatif global agit sur l’économique... entendez le coût de la rémunération du travail dans la péninsule ibérique, tel que Hamilton le calcule82.
122Il est impossible d’attribuer la fantastique anomalie négative des salaires, de 1605 à 1625, sur laquelle on s’est déjà vu tant de fois dans l'obligation de se pencher83, à autre chose qu’à une rupture d’équilibre démographique sur laquelle les indices, par ailleurs, ne manquent pas. Le gros paquet de richesses amenées des Indes au terme de la seconde phase longue d’expansion a pu y contribuer, comme au tout début, de 1510 à 1520, les premiers succès de l’orpaillage et de la destruction des îles mais en seconde position, très loin derrière, seulement. A la base de cette anomalie positive, il faut placer l’action cumulative d’une forte épidémie et de l’expulsion des Morisques, en profondeur, toute une série de facteurs dont l’essentiel, pour le moment, nous échappe.
123Il apparaîtra, superficiellement, paradoxal de lier le comportement de nos trafics à cette algèbre profonde d’une démographie indienne, plus devinée qu’elle n’est véritablement comprise et saisie. Le renversement de la tendance de l’anomalie de la rémunération de la main-d’œuvre se place en 1611, le renversement de la tendance du trafic, en 1609.
124La première phase de l’anomalie de la main-d’œuvre (1605 : indice relatif 112,10 % ; 1609 : indice 127,83 %) correspondrait à la phase d’expansion maximale des trafics, au cours du cycle record, 1605-1613. Le plateau de l’anomalie (1610 : indice relatif 125,49 % ; 1611 : indice 130,56 % ; 1622 : indice 121,85 %), à la phase descendante du cycle 1605-1613, la pente croulante de la contraction cyclique superposée au renversement de la tendance majeure et un cycle diminué de 1614 à 1622. Tandis que l’anomalie se résorbe peu à peu (de l’indice relatif 130,56 % à 121,85 % en 1622 et 119,81 % en 1619), le trafic semble récupérer, sinon en volume, du moins en valeur. De 1622 à 1627, l’anomalie disparaît, sous l’effet d’une accélération monétaire artificielle, l’inflation billonniste et grâce aux dépenses de la guerre de Trente Ans..., de l’indice relatif 121,85 % (1622) à 97,82 % (1627). Loin d’en profiter, le trafic périclite un peu plus... vu d’assez loin. De plus près, on le verra, au cours de l’étude cyclique84, à très court terme, la relation est plus simple et moins déroutante. Et un esprit pressé se hâterait de conclure de cette apparente confusion à l’indépendance des phénomènes.
4. Le schéma. — Trafic, main-d’œuvre
125Tout autre est la réalité.
126Les phénomènes sont parfaitement liés, à l’intérieur du schéma suivant... compte tenu du laps de temps de plusieurs années... nécessaire pour que les effets se retrouvent au bout des causes.
127L’expansion de 1605-1609, longtemps retardée, avant de se concrétiser en 1608 et 1609, voire 1610, on l’a vu85, a été longuement préparée, elle a brisé le frein de la montée du coût de la main-d’œuvre, qu’elle a, en réalité, contribué à créer. Le gros paquet de richesses qu’elle va libérer à contretemps permettra des rémunérations anormales et destructives. La prospérité du dernier soubresaut du trafic a donc contribué à poser contre elle-même, ses propres barrières.
128Dans la seconde phase, la croissance ralentie, mais continue, des valeurs dans le trafic des Indes contribue à alimenter le luxe scandaleux d’une rémunération excessive, à l’intérieur d’une économie en train de se ruiner, d’une part, tandis que le maintien de cette anomalie a contre-courant empêche le trafic de crever ses limites et de reprendre sa croissance. Le maintien sur un temps aussi long d’une anomalie aussi considérable, la masse cumulative d’une telle surcharge aura constitué un frein secondaire, mais un frein certain, à la prolongation d’une prospérité des trafics Atlantique que des facteurs américains spécifiques avaient, beaucoup plus sûrement encore, contribué à stopper.
129Dans la troisième phase, c’est la défaillance, cette fois, beaucoup plus franche du trafic Atlantique..., simple aspect, entre plusieurs, de la ruine de plus en plus accentuée de la richesse espagnole, qui contribue à annuler l’anomalie... L’anomalie disparaît quand la destruction de richesses qu’elle a provoquée dépasse la chute de population qui l’a causée. Autrement dit, au terme de l’anomalie, un nouvel équilibre en contraction est en voie de réalisation. Equilibre douloureux, adaptation dramatique. C’est à travers la fausse joie d’une flambée destructrice de richesse que l’Espagne passe de la croissance à la décroissance. L’Atlantique de Séville est, successivement et simultanément, cause et effet, dans un drame global, dont nous n’avon3 perçu que plusieurs aspects, entre beaucoup.
130Et pour bien apprécier tout ce que l’aventure aura eu de destructeur et de déprimant pour l’entreprise espagnole dans un cadre rigide, techniquement virtuellement figé et, depuis peu, de plus en plus, à nouveau, géographiquement clos, il importe de bien saisir, en une seule relation, les deux branches des ciseaux, prix plongeants86 comme jamais, exigence croissante d’une main-d’œuvre, dont, malgré l’apport constant de l’immigration française des gagne-petit87, la masse globale, incoerciblement, se dérobe et s’épuise.
FREINS A LA DÉCROISSANCE, LENTEURS, CHANCES ET ADAPTATIONS
131Il n’en faut pas plus pour provoquer la contraction à long terme. Ce qui risque de surprendre, après cet examen, c’est la lenteur des courbes du trafic à répondre au champ de forces de la décroissance, dans lequel ce dernier est désormais, saisi. Là interviennent l’accidentel — un accidentel qui n’est jamais complètement pur : ni « coup de dé », ni « hasard », — les vitesses acquises.
132Il suffit de les rappeler, rapidement, et de les remettre à leur place, puisque/au vrai, on a examiné, ailleurs, modalités, causes et effets.
1. La paix
133Il y a la paix, d’abord. On a vu, ailleurs, que les effets n’en étaient pas, au début88 uniformément positifs pour l’empire espagnol. Mais la reconversion passée, il y aurait paradoxe à nier que la résultante n’en ait été, disons, à partir de 1614 ou 1615, favorable. La paix a donc contrarié la saisie du trafic dans le champ de force de la dépression à long terme.
2. Les volants : les navires
134Viennent ensuite, le volant des navires et celui des richesses et, ici, il n’y a plus l’ombre d’un hasard. Si tant est, même, ce qui est douteux, que la paix soit hasard, c’est-à-dire indépendance face au champ de forces du trafic. N’avons-nous pas montré89, combien l’essoufflement des prospérités a contribué à disposer les volontés aux capitulations, sans lesquelles il n’y a pas de mauvaise paix possible ?
135Séville, en 1640, nous apparaîtra comme le vieil oiseau des mers, empêtré dans ses ailes de géant. Mais entre 1614 et 1622, il n’en va pas ainsi. Un commencement de décroissance apporte toujours quelques sucres trompeurs, quelques lâches facilités qui masquent, parfois, de leurs délices empoisonnées, le fruit amer de la défaite. Il en va, ainsi — la France du xixe siècle l’aura bien goûté — d’un renversement d’une tendance démographique. Facilité du capital, que l’on use sans le remplacer, douceur du désinvestissement, douceur du sommeil, douceur de la mort.
136De 1614 à 1622, de 1611 à 1620, on aura très peu renouvelé le stock des navires. On a vécu sur un capital, compromis une richesse clef de la Carrière des Indes90, grâce à quoi, le taux excessif de rémunération des gens de mer aura pu être, dans une certaine mesure, contrebalancé. À la limite, il y a eu transfert de biens d’investissement en biens de consommation. On vient de voir comment. Vieillissement de l’âge moyen du stock des navires91, de cinq ans en moyenne à sept ans et demi, en un laps de temps de cinq années Ce vieillissement de deux ans et demi en cinq ans supposerait, si les séries étaient suffisamment denses92, que le coefficient de remplacement du capital-navire n’a pas excédé 50 % en période, pourtant, d’expansion cyclique. Un tel résultat, à condition d’accorder à ces 50 % une certaine marge d’erreurs possible, est sûr. Il est sûr et décisif.
137Que représentait le coût vrai du navire dans l’ensemble des circuits d’échange ? On ne le sait pas, évidemment. Une proportion, certainement importante, moins que de nos jours, vraisemblablement, mais importante. Le pourcentage est d’autant plus impossible à calculer qu’il est inversement proportionnel à la valeur des marchandises transportées.
138On ne peut qu’être frappé, toutefois, de l’énorme avantage — avantage périssable, car la vie utile d’un navire dans la Carrière des Indes, n’excède pas beaucoup dix années, et l’on mesure ainsi ce que signifie pour ce stock de navires, un âge moyen de sept ans et demi, entendez un coefficient de vétusté, qui dépasse de beaucoup les 50 % de l’avantage apporté par cette économie de moitié, sur un des postes les plus importants de la comptabilité invisible totale de l’affaire Carrera. Étant bien entendu, une fois pour toutes, qu’un petit jeu de cette nature a ceci de particulier qu’il ne peut être joué qu’une fois. Raisonnement, a priori, mais dont les tables 14 à 17 du tome VI93 fournissent l’irréfutable vérification.
139Jamais, ni de près ni de loin, une telle situation ne se sera produite en un siècle et demi d’histoire de la Carrière des Indes. Jamais, aussi totalement, aussi délibérément, aussi cruellement, la Carrera n’aura accepté de prospérer, au détriment de sa propre substance.
140Dans quelle mesure le trafic en a-t-il profité ? On ne le sait pas très exactement, mais on le reconstitue sans trop de difficultés. La loi de l’offre et de la demande jouait assez librement, on le sait, entre le négoce et l’armement. Il en résulte que la rente qu’un tel désinvestissement a dû produire, n’a pu jouer qu’accessoirement au profit de l’armement. On a vu trop souvent, à travers les notes aux tableaux du tome IV, notamment, les propriétaires de bateaux en position virtuelle de demandeurs, pour que l’on pût supposer, en l’absence même de séries chiffrées continues sur le prix du fret, que la rente n’ait pas profité aux négociants par suite d’un abaissement relatif du prix du fret, corrélativement à l’économie d’exploitation apportée par le coefficient exceptionnellement fort de désinvestissement. Ceci n’explique pas, nécessairement, une baisse nominale du prix du fret, en raison des augmentations de charge représentées par l’anomalie positive de la rémunération du travail94 et par l’allongement des temps de repos forcé au port.
141De ce point de vue, on a, d’ailleurs, une autre preuve indirecte qui montre une crise de l’armement infiniment plus grave encore qu’on pouvait l’imaginer, a priori, l’invasion de la Carrera par le matériel étranger95. Là encore, l’effet cumulatif est véritablement affolant. Considérable croissance de la part des étrangers, au moment où l’introduction des navires neufs baisse de moitié. Cela implique une réduction vraisemblable des deux tiers, au moins, de la production des chantiers du nord de l’Espagne, pour le compte de Séville. Quelque chose d’irréversible s’est produit. Dans ce domaine, à supposer qu’il y ait récupérations, il ne pourra plus y avoir que des récupérations partielles. Le plus grave, la Carrera a perdu la source d’une de ses composantes essentielles. Un navire, de bois, c’est essentiellement de la main-d’œuvre. L’anomalie positive de la rémunération du travail96 : est à l’origine, ce n’est pas douteux, de ce coup d’arrêt sans précédent. L’Espagne vient de s’interdire, par les exigences insensées de sa main-d’œuvre, une activité dans laquelle longtemps elle avait excellé.
142Dans l’immédiat, au prix de destructions terribles et d’une destruction de richesses potentielles irrécupérables, la Carrera est bénéficiaire. La récession ne commence pas tout de suite, d’une manière aussi sensible qu’elle ne l’eût fait, vraisemblablement, sans ce luxe.
3. Les volants : les valeurs
143Tout ce qu’on vient de dire des navires, on pourrait le dire un peu, aussi, des richesses déversées, quand même, sur l’Espagne, au cours des trente dernières années de la grande prospérité : celles qui sont restées à Séville, celles, il y en a, qui ne l’ont pas désertée.
144Il y a aussi les hommes, les marins, les pilotes, en nombre insuffisant, peut-être, pour la grande prospérité, tout un monde d’habitudes, des circuits tout prêts, toute l’énorme machine et ses facilités, quand on renonce au plein emploi..., avec les délices d’une « cueillette » intérieure de l’utilisation de ces richesses suivant les pentes les plus commodes.
1451614-1622, en profondeur, c’est déjà la grande dépression. Les structures de la décroissance sont en place dans l’Atlantique de Séville, très tôt, dès le début du xviie siècle. De là, elles s’imposent à l’Espagne... qui, engagée dans l’aventure, était prête à les recevoir.
146Mais leurs effets ne sont pas visibles, tout de suite, grâce à l’énorme volant d’une longue croissance. Le mouvement se soutient, un temps encore, de sa propre substance, au prix d’une phase de désinvestissement. 1614-1622 marque, sans doute, sans qu’il n’en filtre rien, la période la plus destructrice de la Carrera97. L’ampleur des lésions internes, des cheminements lents en pro fondeur, sera révélée, bientôt, à la rude épreuve de la guerre. C’est alors seulement, quand la guerre les aura dégagées de la gangue qui les masque encore, que ces structures de la décroissance s’imposeront au reste de l’Europe.
147Séville, pour l’heure, s’apprête à goûter, avec inquiétude, les honteux plaisirs des demi-victoires, des récupérations partielles, des consentements médiocres et des lâches sécurités.
Notes de bas de page
1 Cf. t. VII, p. 4445 (tonnage) et p. 4647 (nombre de navires).
2 Cf. t. I, p. 15-19.
3 Cf. t. VI2, tables 669-759, p. 980-1035.
4 Cf. t. I, p. 294-323.
5 Dans l’ensemble, toutefois, la connaissance est meilleure à l’intérieur de la première fluctuation 1614-1618, qu’elle ne l’est pour la seconde 1619-1622. Pour les connus directement, on passe, en Allers, Retours et Allers et retours de 1614-1618 à 1619-1622, de 74,2 % à 55,9 %, de 67,7 % à 52,2 % et de 70,5 % à 54,3 % et pour l’ensemble des connus (directement ou indirectement), l’évolution porte respectivement, sur les trois axes essentiels, de 88,7 % à 79,9 %, de 76,7 % à 76,3 %, de 83,4 à 78,3 %.
6 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216, p. 358-389.
7 Tome VII, Allers + Retours, Allers et Retours, en tonnage, mouvement unitaire, p. 44-45 et p. 46-47.
8 Cf. ci-dessus, p. 1383-1397.
9 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
10 Cf. t. VII, p. 45.
11 T. VII, p. 51.
12 Cf. t. VI1, table 152, p. 349, t. VII, p. 50-51.
13 Cf. t. VI1, table 155, p. 352, t. VII, p. 50-51.
14 Cf. t. VI1, table 158, p. 355, et t. VII, p. 50-51.
15 Cf. t. VI1, table 158, p. 355 et table 218-219, p. 467.
16 Cf. t. VL, table 132, p. 330.
17 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 et table 138, p. 336.
18 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
19 Cf. t. VI1, tables 218-219, p. 467.
20 Cf. t. VI1, tables 164, p. 364, Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
21 Cf. t. VI1, table 138, p. 336.
22 Cf. t. VI1, table 227, p. 473, tables 217 a et 217 b, p. 462-465.
23 Cf. ci-dessus, p. 186-317.
24 T. VIII1, p. 336-343, 458-461, 484, note 3.
25 Cf. notamment t. VII, p. 44-45.
26 Cf. tableaux des tomes IV et V.
27 Cf. ci-dessus, p. 1176-1180.
28 Cf. t.VI2, tables 601-668, p.861-974.
29 Au tout début du xviie siècle notamment, cf. ci-dessus, p.940-1251.
30 Cf. t. VI1, table 129, p. 327.
31 Cf. t. VII, p. 50-51, et p. 54-55.
32 Cf. ci-dessus, p. 259-280.
33 A ce propos, les moyennes mobiles peuvent donner d’utiles indications. On peut affirmer, en effet, que la certitude est acquise par des contemporains même sans équipement statistique (c’est le cas des négociants de Séville au début du xviie s.), d’un renversement de tendance d’un mouvement, quand pour nous une moyenne mobile arrière, susceptible de couvrir la fluctuation la plus importante, commence à rétrograder. Ici, c’est la moyenne mobile arrière de onze ans (à préférer à celles de treize, en raison du raccourcissement du cycle) qui donnera le signal. Il suffira de se reporter aux moyennes médianes et de les décaler de cinq ou six ans, pour obtenir la lecture. Le test est conforme à ce qu’on pouvait en attendre : 1618, en Allers et retours, avec la moyenne de onze ans (t. VI1, table 149, p. 346), 1620, en Allers et retours avec la moyenne de treize ans (t. VI1, ibid.), 1619 pour les Allers (avec 11 ans, t. VI1, table 144, p. 342), 1615 ou plus sûrement 1619, pour les Retours (avec 11 ans, t. VI1, table 145, p. 343). S’il en va ainsi, c’est bien qu’il existe, chez les contemporains de l’Ancien Régime économique, une conscience diffuse de k fluctuation décennale. Au terme du temps normal de la fluctuation cyclique majeure, si les niveaux antérieurs ne sont pas atteints et dépassés, c’est donc bien que quelque chose s’est brisé.
34 Cf. t. VI1, tables 198 à 229, p. 414 à 974, cf. plus particulièrement tables 228 et 229 p. 474.
35 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34.
36 Entre 1614-1622 et 1605-1613, il n’y a aucune raison de supposer un accroissement déterminant des proportions de trésors échappant aux contrôles de la Casa de la Contratación... le passage de la guerre à la paix a largement compensé le facteur de la lente usure structurelle du système fiscal, donc de contrôle. A la différence de ce qui nous a paru s’être produit entre le cycle 1605-1613 et 1592-1604. Toutes les réserves qui ont été faites sur l’ampleur du décrochement qui oppose dans les calculs de Hamilton 1591-1600 à 1601-1610, ou, si l’on veut, le cycle 1593-1604 à 1605-1613, restent valables, a fortiori, entre 1614-1622, d’une part et 1592-1604 d’autre part. S’il y a opposition, mutation dans l’importance de la fraude, elle se situe... entre 1592-1604 et 1605-1622.
37 Cf. ci-dessus, p. 1406.
38 Entendons bien qu’il s’agit du rendement, sous l’angle strict, de la Métropole, les remises de l’administration des Indes en numéraire dans les caisses royales centrales.
39 Cf. t. VIII1 p. 495-510, 528-534, 685-683, 802-809.
40 Cf. ci-dessus, p. 386-394, 916-919.
41 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p.. 34 et 35.
42 Tout invite à le penser, ne serait-ce que l’impossibilité d’imaginer une modification aussi radicale de rapport trésors, marchandises au sein des importations des Indes, dans le même laps de temps (cf. t. VI1, table 228, 4e colonne, p. 474), les marchandises passent dans le même temps de 2 400 millions de maravedís à 5 800 millions de maravedís.
43 Sans doute et à titre d’hypothèse étayée par quelques sondages (cf. t. VIII1, p. 760-767) dans la comptabilité officielle des caisses indiennes, il y a beaucoup moins baisse du rendement de l’impôt que plus large usage de l’argent sur place par l’administration des Indes. Tout compte fait, le mouvement est bénéfique.
44 Cf. ci-dessus, p. 1405-1407.
45 Pour les fluctuations antérieures, on ne peut se prononcer qu’avec prudence, en raison des facteurs multiples qui interviennent : variation à long terme, dans le temps du pourcentage de la fraude sur les importations de trésors privés, variation des tonnages, variation des prix. La présomption des plus forts rendements unitaires se situe, au premier chef pour la période à cheval entre la fin du cycle 1579-1592 et le début du cycle 1593-1604, immédiatement après, pour le cycle 1614-1622.
46 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 134.
47 Cf. t. I, p. 97-sq.
48 Cf. t. I, p. 87-88.
49 Cf. t. I, p. 97 sq.
50 Suma de tratos y contratos, op. cit., 1571.
51 Cf. t. I, p. 249-250.
52 Cf. t. VI1, tables 228-229, p. 474.
53 Cf. t. VI1, table 229, 2e colonne, p. 474.
54 Cf. t. VI1, table 229, 4e colonne, p. 474.
55 En attendant que les recherches d’histoire des prix pour l’espace de l’Amérique espagnole coloniale n’aboutissent, et ne contredisent nos hypothèses, cette comparaison grossière reste la meilleure méthode — la moins mauvaise dont nous disposions — pour obtenir une approche quantitative des dénivellations des prix entre Espagne et Amérique.
Au moment où nous relisons, nous constatons que les études des prix hispano-américains que nous appelions de nos vœux au début de ce travail, commencent à porter leurs premiers fruits. C’est ce que prouve la parution, en mai 1958, de la remarquable étude de Woodrow Borah et Sherburne F. Cook. Price trends of some basic commodities in Central Mexico (1531-1570), Berkeley, Ibero Americana, no 40, 89 pages.
56 Cf. t. VI1, table 229, p. 474, 2e colonne.
57 Cf. ci-dessous, p. 1763-1963.
58 Trésors des particuliers, cf. ci-dessus, p. 1410-1411.
59 Cf. t. VI1, table 228, 4e colonne, p. 474.
60 Cf. t. VI1, table 228, 2° colonne, p. 474.
61 Cf. t. VI1, table 229, 4e colonne, p. 474.
62 Cf. ci-dessus, p. 1302-1304,1319-1329, 1338-1339,1353-1355,1371-1372, 1385, 1383.
63 Cf. t. VI1, table 159. p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
64 Cf. t. VII, p. 46-47.
65 Cf. t. VI1, tables 1 à 12 c, p. 114-167 et t. VII, p. 36-37.
66 Cf. ci-dessus, p. 1384.
67 Cf. t. VI1, table 18-128, p. 178-319.
68 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 279-279 et ci-dessus, p. 1261-1265.
69 Cf. t. VII, p. 36-37.
70 Cf. t. VI1, tables 15-16, p. 172-175.
71 Cf. t. VII, p. 46-47.
72 De 1614 à 1618, en Allers, Retours, Allers et retours, proportions un peu plus faibles à cause d’un petit nombre d’indéterminés (11 navires, 4 230 toneladas), soit 47,3 % et 50 % ; 31.1 % et 41,1 % ; 40,8 et 46,4 %, de 1619 à 1622, 50,2 % et 52,2 % ; 36,4 % et 46,9 %, 45.1 % et 49,8 %.
73 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.
74 Cf. ci-dessus, p. 1411-1413.
75 Cf. t. VI1, table 164, colonne III, p. 363.
76 Cf. ci-dessus p. 1407.
77 E. J. Hamilton, op. cit., p. 215-216.
78 Cf. t. VIII1, p. 251-254.
79 Cf. ci-dessus, p. 1420-1421.
80 Cf. t. VIII1, p. 495-510, 528-534, 685-683, 802-809.
81 On se reportera, sur ce point, aux démonstrations d’Henri Lapeyre, dans sa Géographie de l’Espagne morisque, op. cit.
82 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.
83 Cf. ci-dessus, p. 1261-1264.
84 Cf. ci-dessous, p. 1589-1643.
85 Cf. ci-dessus, p. 1208-1212, 1276-1352.
86 Cf. ci-dessus, p. 1419-1422.
87 Cf. tout récemment encore Tulio Halperin Donghi. Le s Morisques du Royaume de Valence, Annales E.S.C. 1956, no 2, p. 154-182.
88 Cf. ci-dessus, p. 1260, 1367-1370.
89 Cf. ci-dessus, p. 1176-1180.
90 Cf. ci-dessus, p. 1415-1417.
91 Cf. t. VI1, tables 15 et 16, p. 172-175.
92 On notera, pourtant, la forte proportion des navires d’âge connu. Sur 826 voyages de 1611 à 1615, 153 âges connus d’une manière jugée assez précise pour avoir été prise en compte, de 1616 à 1620, 156 navires sur 867 voyages, soit respectivement : 18,52 % de connus de 1611 à 1615 et pratiquement 18 % encore de 1616 à 1620. Ces pourcentages sont suffisants pour que l’on puisse avancer en toute certitude. D’autant plus qu’il n’y a pas de risque sensible de distorsion systématique.
93 Cf. t. VI1, p. 170 à 177.
94 E. J. Hamilton, 1501-1650, op cit., p. 278-279 et ci-dessus, p. 1261-1264.
95 Cf. t. VI1, table 12 F, p. 166-167 ; t. VII, p. 36-37.
96 E. J. Hamilton, op. cit., p. 278-279. '
97 Si l’on ne craignait pas de succomber aux facilités de l’analogie superficielle, entre termes non comparables, on évoquerait l’économie française qui a subi sensiblement autant de pertes de substance, pendant les neuf années de la récession (1930-1939) qu’au cours de la guerre elle-même de 1939-1945.
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