Chapitre VII. Le cycle de la révolution culminante des prix (1592-1604). La fin de la seconde fluctuation primaire (1600-1601). De 1602 à 1604
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Texte intégral
11602 constitue, dans le trafic de l’Atlantique espagnol, une date tournante, à plusieurs égards.
21602 marque, tout d’abord, le début d’une importante rupture de prospérité, d’un creux sur le mouvement Allers qu’on ne saurait minimiser. Cette période de marasme relatif s’étend sur six années continues, de 1601 à 1607 inclusivement1, jusqu’à la faillite de 1607 qui va libérer la prospérité de trois années consécutives records, en tout et partie, jamais égalées, du mouvement, 1608, 1609 et 1610.
3Parallèlement à ce mouvement, 1602 marque un tournant non moins important sur les indices des prix espagnols. Entre 1601 et 1602, la rupture sur les indices des prix-argent espagnols globaux est considérable (de l’indice 143,55 à l’indice 138,40). La rupture n’est pas cantonnée à une partie de la péninsule, on la retrouve identique sur tous les espaces géographiques délimités par Hamilton2, sensible, surtout, en Andalousie et en Nouvelle Castille, les deux domaines les plus directement impliqués — on l’a noté souvent — dans la vie de l’Atlantique hispano-américain de Séville. Dans la mesure où l’indice record de 1601 sera, à nouveau, égalé, ou dépassé, c’est à l’inflation qu’on le devra. 1601 marque bien, par conséquent, dans l’histoire des prix les plus directement mêlés à l’histoire Atlantique, la fin d’une période et 1602, le début d’une autre.
4Cette période de marasme, dont 1602 est le point de départ, couvre donc en la dépassant largement, la fin de cette seconde fluctuation primaire, partant, la fin de ce cycle de la révolution culminante des prix. Et 1603, 1604, années charnières entre ce cycle et celui qui vient, participeront — on l’imagine sans peine — des mêmes caractères, à peu de chose près, que l’année 1602.
I. — 1602. UNE PROSPÉRITÉ QUI S’EFFONDRE
5Que 1602 marque la fin d’une prospérité, cela n’apparaît pas, nécessairement, tout de suite. Sans s’y cantonner, il n’en faut pas moins partir, d’abord, de quelques définitions chiffrées.
DÉFINITIONS CHIFFRÉES
6La leçon des chiffres globaux à l’intérieur du découpage annuel devra être suivie, avec prudence. En effet, 1602, pour des raisons qui seront examinées3, est une année de forts retours et de départs défaillants, c’est-à-dire le type du trafic même qui, suivi trop au pied de la lettre, sur la série annuelle Allers et retours, risque d’induire en erreur.
7Le rapport des Retours4 aux globaux Allers et retours s’élève, en 1602, à 53,58 %. Cette proportion, signe d’une anomalie positive des Retours, est vraie pour les tonnages seulement (21 970 toneladas, à l’Aller, 25 377 toneladas au Retour, 24 189 et 27 914,7 tonneaux) mais 89 navires qui rentrent, contre 98 qui partent. Situation qui souligne encore, une fois, le véritable tri qui s’exerce aux Indes en faveur des gros navires, les seuls qui aient tendance à être maintenus en course.
8La proportion des Retours, 53,58 % du tonnage total des Allers et retours — elle compense avec le pourcentage analogue des 55,09 % de 1600, le creux relatif des 23,13 % de 1601 — est très voisine de celle de 1600 (55,09 %) et de 1598 (55,68 %), très proche également de 1603 (51,83 %). On peut encore voir un lien de parenté entre ces proportions et celle quand même beaucoup plus dénivelée de 1598 (62,78 %) expression d’anomalies positives moyennes.
9Cette proportion des Retours est très supérieure à la moyenne, tant à l’intérieur du cycle qu’à l’intérieur de l’histoire une fois et demie séculaire du trafic5. La similitude des équilibres Allers/Retours entre 1595, 1598, 1600, 1602, et 1603 pourra mettre sur le chemin d’une explication.
1. Allers
10De cette situation, il résulte, tout d’abord, une violente chute de potentiel des Allers. Ceux-ci passent, en effet, de 140 unités, 32 032 toneladas, 35 235,2 tonneaux, en 1601, à 98 unités, 21 970 toneladas et 24 189 tonneaux, en 1602. Le décrochement est donc de 30 % exactement, sur l’expression unitaire du mouvement et de 31,4 % en tonnage. Fait significatif d’un certain malaise, le recul quantitatif s’accompagne donc, d’un certain recul qualitatif, puisque le tonnage unitaire moyen des Allers semble se replier légèrement, d’une année sur l’autre, de 228,8 à 224,2 toneladas. Il est plus avisé, en fait, de retenir, étant donné la très mince marge d’incertitude qui subsiste, quand même, sur les tonnages, que, malgré un sensible décrochement quantitatif, le tonnage unitaire moyen de 1602 reste plus proche de 1601, avec qui il fait corps, que des années précédentes, 212,4 toneladas en 1599, 211,2 toneladas en 1600.
11La chute de potentiel du mouvement n’en est pas moins très considérable. Après le point haut de 1601, le mouvement Allers se trouve, désormais, en dessous de 1600, en dessous de 1599, du creux médian. En fait, en dessous de toutes les années précédentes, à l’intérieur du cycle, sauf 1598 et 1595. En tonnage, s’entend, car sur l’expression unitaire du mouvement en unités, le niveau de 1602 (98 navires) est le plus bas de toute la fluctuation cyclique jusqu’à cette date, le plus bas depuis 1591. Autre terme de comparaison, même en tonnage, le niveau de 1602 est inférieur aux niveaux moyens du cycle et au niveau annuel moyen des deux grandes fluctuations 1593-1597, 1600-16046. Il dépasse seulement, et de peu, le niveau moyen du creux médian 1598-15997.
12C’est ce que confirme, également, bien entendu, la comparaison avec la moyenne mobile médiane de 13 ans8, puisqu’on passe, désormais, de 141,04 % à 86,43 % et que l’on restera en dessous du trend, d’une manière continue jusqu’en 1607 (86,43 % en 1602, puis 63,89 % en 1603, 89,80 % en 1604, 96,76 % en 1605, 81,54 % et 35,88 %).
13Étant donné le rôle du mouvement volumétrique Allers, en tant qu’un des meilleurs thermomètres de la conjoncture, il importe d’attribuer à ce facteur toute sa signification.
2. Retours
14a. Analyse. — Le mouvement Retours est, en 1602, on l’a vu déjà9, très indépendant des Allers (le rapport 53,58 % le prouve). Au vrai, suivant plutôt la conjoncture d’hier que celle d’aujourd’hui, il répercute les 140 navires et 32 032 toneladas (35 235,2 tonneaux) des Allers de 1601.
15Par rapport au creux relatif de 1601, sur le mouvement Retours, 1602 fera, sans peine, un vrai bond en avant qui n’est pas, d’ailleurs, tellement significatif, bien qu’il atteigne des chiffres aussi élevés que 122,5 % sur le mouvement unitaire, 163,2 % sur le mouvement en tonnage. On passe, en effet, de 40 navires à 89 navires, de 9 640 toneladas à 24 377 toneladas10.
16Le niveau, pourtant, est élevé, il est, à peine inférieur au niveau-record des Retours de 1600, l’écart est, en effet, en tonnage surtout, inférieur à 10 %, il s’égalise très exactement avec la pointe d’expansion maximale des Retours lors de la première fluctuation primaire, en 159511.
17L’accroissement du tonnage unitaire moyen se précise, on peut parler, du moins, au milieu d’assez larges oscillations d’une tendance assez marquée à la hausse : le tonnage unitaire qui avait fléchi jusqu’à 261 toneladas en 1601 (après une série ainsi constituée : 235,9 toneladas en 1598, 287,15 en 1599, 274,3 en 1600) remonte à 285,1 toneladas en 1602. L’indication à la hausse doit être retenue (en raison de la faible signification des 287,5 toneladas de 159912. Le tonnage unitaire moyen des navires aux Retours en 1602, 285,1 toneladas dépasse largement la moyenne de la fluctuation primaire, soit : 1600-1604, soit 260,7 et, a fortiori, celle du cycle, 237,5 toneladas.
18Par rapport à la moyenne, le caractère exceptionnel des Retours de 1602 est souligné pour les pourcentages suivants : 154,71 % contre 57,19 % pour 1601 et 176,27 % en 1600. 1602 participe, par conséquent, à l’encadrement de la dépression de l’année 1601.
19Quoiqu’il en soit, quel que soit l’angle de prise de vue que l’on prenne sur le mouvement de l’année, 1602 appartient à un gros nœud du mouvement Retours. La moyenne annuelle des Retours, pour l’ensemble biennal 1601-1602 s’élève13, en effet, à 64,5 navires et 17 508,5 toneladas, à 2,5 % près seulement le niveau de la moyenne annuelle exceptionnellement élevée de l’ensemble biennal 1599-1600, soit 65 navires et 18 013,5 toneladas14. La moyenne annuelle des Retours au cours de la période de deux ans, 1602-1603, avec 79 navires et 21 452 toneladas est plus importante encore. De toute manière, 1602 constitue bien, sur le mouvement Retours, un point particulièrement élevé, à l’intérieur d’une période de Retours particulièrement importants.
20b. Les raisons de ce niveau exceptionnel des Retours. — Ainsi précisé, il importe de chercher les raisons de ce niveau exceptionnel des Retours. Elles sont de plusieurs ordres. On peut les classer, ainsi, du moyen terme au plus court terme.
21Le dessin du mouvement Retours est toujours — sauf quelques exceptions qui sont, alors, significatives — décalé d’un à deux ans, par rapport aux Allers. C’est ce qui se passe en 1602. Puisque le corps des Retours de 1602 est formé par les Allers de 1601 (les tableaux de trafic le prouvent15), il est fatal que 1602 répercute, en Retours, le point haut de 1601, en Allers.
22Si on se reporte, d’autre part, aux moyennes sur deux ans, on a vu que ce procédé16 présentait l’avantage d’éliminer, dans une très large mesure, l’accident de mer ou de guerre, on constatera que la moyenne calculée en Retours, sur le couple des années 1602-1603 forme bien le niveau record des Retours, tout au long de la fluctuation cyclique. Par conséquent, si la pointe de la fluctuation et du cycle passe en 1601, sur le mouvement Allers (pour le cycle, vraisemblablement, pour la deuxième fluctuation, sûrement), la pointe de la fluctuation et du cycle passe, sans conteste possible, pour les Retours, entre 1602 et 1603, soit conformément à la loi17, avec un décalage normal moyen de dix-huit mois.
23Le niveau des Retours de 1602 ne peut être compris indépendamment des Retours des années précédentes. 1600 avait bénéficié, on s’en souvient, d’une accélération du mouvement Retours et d’un raccourcissement du rythme de rotation des bateaux, sous l’effet des hautes perspectives du négoce, sur les rives du Guadalquivir, au cours de l’année 1600.
24Entre 1601 et 1602, peut-être en raison de menaces qui pèsent sur la navigation, plus sûrement en raison du ralentissement de la pression conjoncturelle qui s’exerce, en Espagne, sur les rives du Guadalquivir, le rythme de rotation tion18 se ralentit, plus exactement il redevient normal. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter aux tableaux des Retours de 160219. On notera qu’ils sont constitués, avec un minimum d’élimination de petits navires, par les Allers de 1601, Armada de la guardia de la Carrera de Don Luis Faxardo, armada y flota de Terre Ferme de Don Francisco del Corral Toledo, armada y flota de Nouvelle Espagne de Juan Gutierrez de Garibay. Entendez un rythme en gros, normal, pour les deux flottes, un rythme plutôt rapide, un rythme simplement normal pour l'armada, encore, peut-être, qu’un peu lent. Dans l’ensemble, les Retours de 1602 se placent très exactement dans la ligne des Allers de 1601 qui les commandent. On peut dénoter, d’autre part, dès 1601, par le rythme même de l’écoulement un certain ralentissement de la propension du négoce à exporter d’Espagne sur l’Amérique.
3. Allers et retours
25Le haut niveau des Retours de 1602 aura, donc, sous une autre forme, redit, pour l’essentiel, le haut niveau des Allers de l’année précédente.
26Ce décalage tend, naturellement, à brouiller la signification du mouvement global Allers et retours de l’année. Avec 187 navires, 47 347 toneladas (52 103,'tonneaux), il se place exactement en deuxième position, pour le tonnage, du moins, pour l’ensemble du cycle, aussitôt et à peu de distance du niveau Aller ; et retours record, de 160020. L’écart en tonnage entre 1600 et 1602 est relativement faible. Par rapport à 1600, la position de 1602 est en retrait de 6,5 % seulement. Le niveau du mouvement global de l’année, tout comme celui de 1600, à très peu de chose près, dépasse, donc, substantiellement les moyenne ; de toutes les fluctuations possibles du cycle 1593-160421.
27Par rapport à 1601 — le sommet conjoncturel de la période, pourtant — 1602 apparaît très en flèche — en raison uniquement du fort décrochement des Retours. C’est lui que l’on retrouve, ici. De 1601 à 1602, de 180 à 187 navires. le décrochement est très faible, 3,84 % seulement. De 41 672 à 47 347 toneladas, il est beaucoup plus considérable, 13,6 %. L’accroissement du tonnage unitaire qui semble découler de cette confrontation, n’a pas beaucoup d’autre sens que d’accuser la modification de la part respective des Allers et des Retours, dans les globaux, au profit des Retours : de 241,8 et 231,5 toneladas en 1600 et 1601, le tonnage unitaire moyen des Allers et retours passe à 253,2 toneladas en 1602.
28Par rapport au trend, 1602, bénéficiaire, par ricochet, de la poussée conjoncturelle de 1601, se place en bonne position à 112,43 % contre 104,53 % en 160122. 1602 marque, ainsi, le terme d’une période de trois années consécutives placées au-dessus de la moyenne mobile.
29On pourrait superficiellement penser que 1602 marque, par rapport à 1601, une légère reprise avant la grande débandade. En réalité, depuis 1601, depuis la moitié de l’année 1602, surtout, la Carrière des Indes — on l’a vu — s’est résolument engagée sur la voie d’une très importante contraction conjoncturelle. Mais, entre 1601 et 1602 et au cours de 1602, il y a décrochage ; au delà, par contre, c’est de débandade qu’il faudra parler.
LA RÉALITÉ DU TRAFIC
30Pour sa bonne compréhension, il faudrait aller au delà des apparences du mouvement global dans son découpage annuel. On déplorera, une fois de plus, pour y parvenir, la défaillance de la correspondance de la Casa de la Contratación.
31Tableaux et chronologie — en fait, on est réduit à ce seul moyen de connaissance ou presque — tels qu’on a pu les reconstituer23, permettront d’arriver à deux conclusions : le contraste, tout d’abord, entre le maintien d’une conjoncture forte dans la première moitié de l’année et la débandade du second semestre ; le contraste, aussi — cette caractéristique reconnue au trafic, l’année précédente, se trouve encore accentuée ici — entre les deux grands axes essentiels du mouvement, la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme.
1. Chronologie et conjoncture
32Toute l’activité des Allers de l’année 1602 est concentrée au cours du premier semestre. Autant qu’on puisse en juger, tout ce qui devait partir, tout ce qui compte, économiquement, est parti à la date du 15 juin.
33Or, le lourd convoi de Juan Gutierrez de Garibay — on en a vu l’importance : 35 navires, 10 595 toneladas, dont 33 navires et 10 460 toneladas sont, effectivement, destinés à la Nouvelle Espagne24 est parti, sans doute, à la fin juin de l’année précédente.
34Après le départ des deux convois Corral y Toledo et Garibay, il ne pouvait être question d’une troisième flotte en fin d’année. Dans le premier semestre de 1602, on ne pouvait guère s’attendre qu’au départ de l'Armada de la guardia de la Carrera de las Indias, placée, en l’occurrence, sous le commandement de Don Luis de Cordoba25, suivie d’une armada y flota.
35Jusqu’ici, étant donné, le départ un peu tardif de l'armada y flota Garibay, il y a très léger ralentissement du rythme d’écoulement des navires en direction de l’Amérique. Mais la vraie rupture ne se produit pas avant le deuxième semestre de Tannée. La seconde flotte, que Ton était en droit d’attendre, au cours du semestre, n’a pas lieu.
36Or, cette situation ne prend tout son relief qu’en raison de la chronologie des Retours. Les Retours de 1602 s’effectuent en deux gros convois26, la flotte de l'armada de Terre Ferme de Faxardo rentre la première, sans doute, dans la seconde moitié de février, le convoi Garibay, sans doute, à la fin de Tété ou au début de l’automne27. Entre l’arrivée du convoi Faxardo (17 février) et le départ de la flotte de Nouvelle Espagne d’Alonso de Chaves Galindo28, trop peu de temps s’est écoulé pour qu’il y ait pu avoir influence du retour sur le départ. Capitana et almiranta ont franchi la barre, en effet, dès le 28 mai29. La flotte était donc virtuellement prête à la mi-mai, moins de trois mois après le retour de Faxardo. Il faut plus de temps, sauf conditions tout à fait exceptionnelles pour décharger, radouber et refaire les gréements. La composition respective des deux convois permet, d’ailleurs, de trancher. Tous les départs de 1602, armada y flota d’Alonso de Chaves Galindo et, a fortiori, l'Armada, plus précoce, de Don Luis de Córdoha30, se sont produits sous l’influence, encore du faible niveau des Retours de 1601.
37On aura réussi à mettre sur pied, à peu près, tous les départs de 1602, dans une atmosphère de pénurie relative. Pénurie, non pas d’argent — Faxardo arrive, le 17 février 1602 avec l’argent du négoce et l’argent est plus rapidement mobilisable que ne le sont les bateaux et les cargaisons — mais du moins, de navires.
38Par contre, la mise en service des navires rentrés au bercail ne permet pas le lancement efficace d’une seconde flotte, d’un point de vue technique, elle serait beaucoup plus facile pourtant, en raison de ces entrées que ne l’a été, l’organisation de l'Armada Córdoba et de la flotte Chaves Galindo. Tout est là, il faudra attendre neuf mois après le départ de Chaves Galindo, treize mois après le retour du premier gros convoi de 1602, celui de Don Luis Faxardo et, pratiquement, six mois après le retour du deuxième convoi de 1602, la flotte Gutierrez de Garibay pour aboutir à cette solution bâtarde : le départ d’une demi-flotte squelettique de Terre Ferme31, sous le commandement de Hierónimo de Torres y Portugal.
39Le début de l’année 1602 a vu, par conséquent, se poursuivre, dans la lancée de l’optimisme de 1601, un niveau relativement élevé d’activité, malgré les conditions techniques difficiles. La composition de l'Armada de Luis de Cérdoba traduit en quelque sorte ces difficultés. Armada relativement réduite, de six galions seulement, 8 navires, avec les pataches, 3 170 toneladas. Ces chiffres soutiendront, pourtant, la comparaison avec les 7 galions, 4 pataches, et les 3 787 toneladas de l'Armada de Faxardo, en 1601. Et si on fait entrer en ligne de compte la sous-escadrille qui accompagne l'Armada de Cérdoba32 (3 navires, 235 toneladas), voire même, peut-être, le galion San Matteo33, on appréciera l’ampleur de l’effort fourni dans des conditions très difficiles, soit 12 bateaux et 4 105 toneladas. Relativement robuste, en outre et homogène, la flotte de Chaves Galindo...
40Au-delà de mai-juin, dans les sept derniers mois de l’année, jusqu’en février mars 1603, virtuellement, plus rien. Une telle chute de potentiel, ne peut être imputée, raisonnablement, qu’à une très grave modification de la conjoncture. C’est au milieu de l’année 1602 que le coup de barre est donné.
2. Terre Ferme et Nouvelle Espagne
41Ce coup de barre s’inscrit, aussi, sur tout un arrière-plan géographique. Une fois de plus, il faut constater que la défaillance s’inscrit, au niveau de la Terre Ferme. Il n’est pas douteux qu’une très grave crise affecte la Terre Ferme au cours de ces années, même si la correspondance de la Casa de la Contratación ne permet pas d’en suivre les toutes premières démarches.
42a. Marasme en Terre Ferme. — Bien sûr, la Terre Ferme aura reçu la visite de l'Armada de la Guardia de la Carrera de Don Luis de Córdoba, partie au tout début de Tannée, même avec l’escadrille annexe — cette escadrille annexe34 dont le but est, au tout premier chef, d’approvisionner les parents pauvres de la Terre Ferme, Venezuela, Santa-Marta, Cartagena — cela ne représente guère que onze navires et 3 405 toneladas. Très peu de chose, puisque, à l’exclusion des négriers (dont la fonction, on l'a vu, est moins exclusive que ne l’auraient voulu les juristes de la loi des Indes35), la Terre Ferme n’a pratiquement reçu que l'Armada entre le 29 juin 1601 (date d’arrivée de la flotte del Corral y Toledo à Puerto-Belo36 et le 7 juin 1603 (date d’arrivée de la demi-flotte squelettique de Hierónimo de Torres y Portugal37). Bien maigre provende en deux ans, puisque, dans le même laps de temps, la Nouvelle Espagne recevait les deux grosses flottes lourdement nourries de Garibay et Chaves Galindo.
43b. Hauts niveaux en Nouvelle Espagne Sur la ligne de la Nouvelle Espagne, la situation est toute autre. S’il y a modification brutale de la conjoncture, c’est uniquement à la Terre Ferme que cette situation est imputable.
44Le trafic, au départ de 1601, avait été charpenté, on s’en souvient, autour de deux grands convois, la flotte de Terre Ferme, Capitaine général Francisco del Corral y Toledo, fin mars, début avril, et la flotte de Nouvelle Espagne, Capitaine général Juan Gutierrez de Garibay, fin juin début juillet 1601. On avait vu comment, paradoxalement déjà38, la flotte de Nouvelle Espagne l’emportait en poids, sur celle de Terre Ferme.
45Tout eût laissé à penser, que le premier convoi de 1602 serait destiné à la Terre Ferme. En réalité, la lourde flotte de Chaves Galindo, un an à peine après la dernière flotte de Nouvelle Espagne, va encore en Nouvelle Espagne. La Terre Ferme une fois de plus devra se contenter de ce que lui apporte, aux confins de la légalité, une Armada de la Guardia, que la Carrière des Indes doit assumer, conjointement avec le Roi, comme un service public.
46L’élimination de la Terre Ferme se sera faite, en deux temps. Par la décision de priorité en faveur de la Terre Ferme, d’abord. Par la décision, ensuite, malgré les lourds Retours de 1602, de ne pas envoyer en Terre Ferme, d’autres convois que la demi-flotte squelettique avortée de mars 1603.
47Or, le convoi de Nouvelle Espagne, l’armada y flota d’Alonso de Chaves Galindo constitue, au milieu de l’année, une pièce de premier choix. Au total, très près de 60 % du total de l’année39 : 43 navires, 12 191 toneladas sortant du Guadalquivir et de Càdiz, 47 navires et 12 591 toneladas, en comptant l’apport exceptionnel des Canaries. Soit, encore, après décompte des cinq navires destinés aux îles qui sont empaquetés dans le convoi, 38 navires, représentant 11 241 toneladas sortent du Guadalquivir à destination de la seule Nouvelle Espagne, 42 navires, représentant 11 641 toneladas font de même, non plus pour l’ensemble Guadalquivir/Cádiz, seulement, mais pour tout le complexe portuaire andalou-canarien. Cette masse excède encore celle qui, un an plus tôt, gagna la Nouvelle Espagne40, sous le commandement de Juan Gutierrez de Garibay. On a vu, pourtant, quelle était sa masse et quel était son poids.
48De cette confrontation, il résulte clairement que la brisure conjoncturelle qui affecte la Carrera en 1602 est uniquement imputable à l’espace sud-américain de la Terre Ferme. La Nouvelle Espagne remise de la crise responsable du creux médian des années 1598-1599 continue, en 1602, encore, de mener le trafic à un rythme élevé. Elle ne cède pas avant 1603, l’année suivante. Autre signe de prospérité, enfin, l’analyse détaillée de la composition du convoi41 montrerait la relative homogénéité du matériel allant à la Vera Cruz (Nouvelle Espagne), du moins, comparativement à une hétérogénéité plus grande des convois précédents. Un écrémage s’effectue en faveur, sans conteste, de la Nouvelle Espagne.
3. La ventilation interne du mouvement
49Le recul de 1602 est imputable à une seule grande zone de trafic. L’ampleur de la catastrophe, toutefois, se trouve corroborée par l’analyse de la ventilation des départs au sein du complexe portuaire.
50L’analyse détaillée corroborera, à peu près, la leçon des globaux, qui donne un décrochement de l’ordre de 31,4 % du tonnage global.
51a. Marginaux. — En effet, il y a augmentation, d’une part, des « marginaux » du trafic (et cela doit être interprété, on le sait, comme un indice défavorable). Négriers et Canariens atteignent ensemble 39 unités et 5 290 toneladas. C’est la seule apparition officielle des Canariens entre 1596 et 1606 (4 navires et 400 toneladas). L'excursus est trop limité et le terrain trop mouvant pour que l’on puisse tirer de cette apparition une leçon de quelque envergure. Il est légitime, par contre, de bloquer cette timide apparition des Canariens, exceptionnelle au cours de cette période, avec les négriers. Les deux catégories, à cette hauteur, surtout, s’apparentent étroitement.
52Il y a donc, qu’on lui annexe ou non les épisodiques Canariens, progrès dans la catégorie des négriers. De 32 à 35 navires, de 4 140 à 4 890 toneladas, soit un saut en avant, respectivement de 8,57 % (mouvement unitaire) et de 18,11 % (mouvement en volume) compte non tenu de l’apport des dix Canariens. Si on les fait entrer en ligne de compte, les décrochements seront respectivement de 20 % et 27,7 %. Ce qui est plus important, encore, il y a, par rapport au mouvement annuel, accroissement de la part relative de la catégorie, économiquement, la plus légère, 39,7 % du mouvement unitaire, 24 % du tonnage.
53Or, la catégorie, formée par les éléments de moindre densité économique, s’est considérablement accrue, elle est passée de 12,9 % en 1600 à 24 % en 1602, soit un doublement virtuel. Soit une part relative supérieure à celle42 jugée très forte, pourtant, de 1600, 24 % au lieu, alors, de 22,4 %.
54b. Armada. — Stricto sensu, le matériel d'armada s’élève à 8 navires, 3 170 toneladas43. On a vu que, selon d’autres combinaisons44, on pourrait lui attribuer 11 navires et 3 405 toneladas (en lui annexant la sous-escadrille qui accompagne l’armada), voire jusqu’à 12 unités et 4 105 toneladas avec, en outre, le San Mateo. Quoiqu’il en soit, il y a net recul, par rapport à 1601, dans cette catégorie, de l’ordre, à première vue, de 50 %.
55Mais le corps des armadas était loin de présenter45, en 1601, une homogénéité comparable à celui de 1602, puisqu’il importe de défalquer, dans sa presque totalité des chiffres de 1601, le volume de l'Armada de Barlovent, d'une utilisation économique extrêmement problématique et particulièrement faible.
56Un terme de comparaison est utile, celui qui oppose les 11 navires et les 3 787 toneladas de l'Armada de la Guardia de 1601, aux 8 à 11 unités, 3 170 et 3 405 toneladas de 1602. Tout compte fait, par rapport à 1601, il ne semble pas que le recul de la valeur « économique » plausible du trafic d'armada excède 15 à 20 % au grand maximum.
57Au cours de cette période, le trafic d'armada, seul lien virtuel de la péninsule ibérique avec la Terre Ferme, fait preuve d’une grande constance, il constitue une sorte de volant.
58c. Cádix. — Le comportement des Caditains est, au cours de ces années, en fait, très distinct. Il semble, qu’à la différence du trafic d'armada, qui paraît faire volant, il fasse preuve, au contraire, d’une extrême sensibilité à la conjoncture. Soit que Séville fasse barrage, quand vient la difficulté, soit que Cádiz conserve une possibilité de choix, dans ses activités, que sa rivale du Guadalquivir n’a pas. L’un et l’autre, en fait.
59Par rapport à 1600-1601, 1602 dénote sur le trafic caditain, un recul de près de 50 %. De 10 à 18 unités, de 3 100 à 2 650 toneladas, on tombe à 5 navires, totalisant 1 460 toneladas. Puis, plus rien en 1603. Entre 1598 et 1603-1604 Cádiz suit la démarche conjoncturelle résultante du mouvement, en l’anticipant et en l’amplifiant. C’est pourquoi sa leçon présente, à cette époque, une signification exceptionnelle.
60d. Les marchands de Séville. — Ici, pas de discordance, le retrait du mouvement, à l’Aller, des marchands de Séville calque fidèlement celui des globaux, en l’accentuant, un peu, toutefois. De 81 navires à 46 unités, de 18 815 toneladas à 12 070 toneladas, soit un décrochement, de 43,2 % sur le mouvement unitaire, de 36 % en tonnage. Sur l’ensemble du mouvement46, les reculs respectifs n’étaient que de 30 % et de 31,4 %. Soit 43,2 % au lieu de 30 % sur le mouvement unitaire, 36 % au lieu de 41,4 % sur le mouvement en tonnage.
61Le tonnage unitaire s’est, pourtant, affirmé, dans le même temps, d’une manière d’autant plus significative, que l’on passe, entre 1601 et 1602, de deux à une flotte seulement. Le tonnage unitaire moyen passe de 238,3 toneladas en 1599, 219,2 toneladas en 1600, 232,3 toneladas en 1601 à 262,38 toneladas en 1602. L’écart se sera également accru entre le tonnage global et celui de la seule série des marchands de Séville : en 1601, les tonnages unitaires moyens étaient respectivement pour l’ensemble des Allers, d’une part, les navires marchands de Séville d’autre part, de 228,8 toneladas et de 232,3 toneladas, en 1602, 224,2 toneladas et 262,38 toneladas.
62e. Séville-Cádiz. — Plus probant, encore, l’ensemble des navires mar chands de Séville et Cadiz, puisqu’il s’agit de la partie la plus incontestablement utile. 1602 forme, sous cet angle décisif, un creux bien délimité par rapport non seulement à 1601, ce qui va de soi, mais aussi à 1599 et 1600. Les navires marchands de la catégorie présumée la meilleure totalisent, au départ, 51 navires et 13 530 toneladas, contre 89 navires et 21 465 toneladas en 1601 (décrochement de 42,9 % sur le mouvement unitaire, 37 % en tonnage). Mais le niveau reste légèrement en dessous, encore, de 1600, 60 navires et 14 060 toneladas, de 1599,65 navires et 15 725 toneladas, malgré une légère progression du tonnage unitaire sur la série : 241,9 toneladas en 1599, 234,3 toneladas en 1600, 241,18 toneladas en 1601, 265,29 toneladas en 1602.
63L’affaiblissement des exportations s’accompagne, semble-t-il, sur toutes les séries, les plus riches, surtout, d’un net progrès du gros navire. Hâtons-nous d’ajouter qu’il n’y a pas contradiction entre cet établissement et ce progrès. Le ralentissement du trafic permettant d’exercer, à l’égard de l’armement, un choix plus sévère.
4. Valeurs et prix
64La deuxième conclusion qui se dégage des précédentes analyses tend à faire prendre au sérieux la cassure qui se place à la hauteur de l’année 1602. A la limite, on doit, sans doute, préférer à l’écart tel qu’il apparaît sur les mouvements globaux (— 31,4 %), celui que l’analyse dégage (— 37 %) sur les séries les plus lourdes des navires marchands de Séville et de Cádiz réunis.
65a. Valeurs. — Les valeurs47 fournissent ici, une contre-épreuve utile : d’après le guide fragile de l'avería, le montant officiel présumé des exportations d’Espagne vers l’Amérique passerait de 1601 à 1602 de 1 294 918 942,5 maravedís à 820 211 385, soit un recul de 36,6 %. Recul de 36,6 % des valeurs fiscales, on se rappellera que sur l’axe commercial moteur, celui des navires marchands de Séville et de Cádiz48 le recul de l’expression volumétrique du mouvement était de 37 %. Voilà une parfaite identité. Elle est hautement significative.
66Non pas certes, que les huit cents millions de 1602 expriment plus que le milliard deux cent quatre-vingt-quatorze millions de 1603, le véritable niveau des valeurs des Allers. Toutefois, si ces chiffres, on a vu déjà souvent pourquoi49, trahissent les niveaux absolus, les indications de mouvement à court terme, qu’ils contiennent sont solides, elles peuvent être retenues. L’indication est d’autant plus valable que les conditions susceptibles de distordre les résultats sont les mêmes en 1601 et en 1602. En 1602 comme en 1601, la correspondance de la Casa de la Contratación50 dénote un niveau exceptionnel de fraude ou, si l’on veut encore, une période de basse pression fiscale51. Les faits les plus précis, qui ont pu être recueillis au cours de cette année de pénurie documentaire, ont trait aux Retours. On voit à quel point le système des registres, notamment, a été désorganisé, au Retour. De cette désorganisation de la fiscalité au Retour, on peut induire, sans crainte, une désorganisation analogue de la fiscalité à l’Aller — il y a, du moins, très forte présomption — puisqu’à l’ordinaire, les climats de compression ou décompression fiscale sont des éléments globaux qui affectent le trafic, dans ses lignes de forces fondamentales. D’autre part, rien n’est plus contagieux, dan ; ce domaine, que les mauvaises habitudes. Accordé pour compenser les pertes subies, le relâchement fiscal de 1601 aura gagné 1602. La Casa n’ayant eu ni le vouloir ni le pouvoir de remonter une pente plus ou moins consciemment descendue.
67Dans l’hypothèse, — elle est assez vraisemblable — de marge de tolérance fiscale identique en 1601, 1602 et 1603, on pourrait presque présumer un accroissement de la valeur unitaire des exportations de 1601 à 1602. Puisque si valeur et volume descendent en même temps, et dans les mêmes proportions, la part relative de la Terre Ferme (axe des valeurs les plus grandes) a baissé par rapport à celui de la Nouvelle Espagne, secteur structurel d’exportation de moindre valeur unitaire.
68L’indice est trop fragile, les marges d’incertitude dans le domaine de l’efficacité de l’appréciation fiscale, surtout, pour qu’on en puisse rien déduire. Bien sûr, ce ne serait pas la première fois que52 l’on verrait, lors du creux cyclique des volumes, une certaine augmentation des valeurs unitaires. Faut-il, pour autant, accepter l’indication telle quelle ? Peut-être. Sans doute, même.
69On se rappellera, toutefois, combien les situations superficiellement analogues sont profondément différentes. En effet, le creux de 1590-159253 a été, essentiellement, un goulot technique, physique de l’armement, qui a contraint le négoce plus encore à modifier ses aspects et ses méthodes qu’il ne l’a obligé à réduire ses ambitions. En 1602, par contre, on a la certitude mieux, la preuve d’une chute de potentiel du négoce lui-même, de la propension à exporter vers l’Amérique. Dans ces conditions, le phénomène de gonflement de la valeur unitaire que l’on a décelé paraît quelque peu extraordinaire. La comparaison entre 1602-1604 et 1590-1592 doit, donc, dans ces conditions, être menée avec prudence. Il n’y a pas contradiction absolue, en effet, entre les deux termes en présence.
70Tout en restreignant, volontairement et collectivement, en effet, le volume des exportations vers l’Amérique, les négociants ont pu, sans qu’il y ait contradiction, pour autant, individuellement, chercher à compenser leur manque à gagner par une élévation de la valeur unitaire des exportations. Cela d’autant plus que, face au retrait de la Terre Ferme, certaines habitudes de négoce consacrées dans le secteur de Terre Ferme ont pu être reportées sur le trafic avec la Nouvelle Espagne.
71On peut donc, sans crainte de contradiction, retenir l’indication d’une certaine tendance des valeurs — à se dissocier quand même, lors du creux cyclique des volumes malgré une maladie cyclique profonde. Ces arbres ne doivent pas, pourtant, masquer la forêt. En 1602, ce qui compte, d’abord, au tout premier chef, c’est le repli unanimement confirmé par toutes nos sources. Ce sont les causes de ce recul qu’il faut rappeler pour finir.
72b. Insécurité et prix. — Quelle que puisse être l’évolution générale vers une pacification de l’Atlantique, les ondes provoquées par les secousses de la guerre anglaise (1587-1592) et de l’irruption hollandaise (1599-1600)54 ne sont pas effacées. La guerre a été prétexte, surtout, aux flambées de courses, dont Juan de Monasterios semble avoir été en 1602 une des principales victimes55 Rien ne serait plus inexact, par conséquent, que de négliger ce facteur. Bien sûr, il n’est pas causant..., il n’est pas responsable de la conjoncture fléchissante de 1602, puisque rien n’autorise, au contraire56 à considérer qu’il y a eu aggravation de la situation en 1602, par rapport à l’année précédente. Toutefois, le maintien, à travers l’Atlantique, de vastes zones de demi-insécurité aura pu sensibiliser le trafic aux fléchissements conjoncturaux. L’insécurité ferme un seuil, largement franchi en période de hautes eaux, il est senti et devient alors paralysant quand le niveau se retire. Il n’est donc pas paradoxal de dire qu’à conditions égales, l’insécurité a pu être un problème en 1602, sans l’avoir été en 1601.
73Mais c’est une fois de plus, avec les prix, que la mise en parallèle se sera imposée. C’est entre 1601 et 1602 que se place une des ruptures de pente les plus importantes, de l’histoire des prix espagnols : tassement après la grande aventure de 1598 à 1601. Bien marqué sur les prix-argent (de l’indice 143,55 à l'indice 138,4057 ; par rapport au trend de 107,66 % et à 102,61 %), le décrochement vigoureusement dessiné sur les deux séries géographiques les plus importantes pour l’Atlantique hispano-américain, l’andalouse et la nouvelle-castillane58, de 93,91 à 88,63, de 84,05 à 79,63. En Andalousie, surtout, d’autre part59, les prix des grains passent par un creux d’une extrême vigueur : 95,79, point le plus bas, apparemment, depuis 1585. Une dépression aussi marquée sur un secteur clef, loin d’être un signe heureux comme l’avait été, un an et deux ans auparavant60, la concordance d’indices généraux élevés avec des indices de céréales moyens, doit être interprétée comme un facteur défavorable. Nous ignorerons les causes exactes de cette brusque dépression, récolte trop abondante, brusque descente de blé du Nord, ralentissement de la demande par suite de paralysies locales, quoiqu’il en soit, elle a dû exprimer un brusque malaise dans un important secteur de l’économie andalouse qui, pour être moins liée au trafic transatlantique qu’il ne nous était apparu au début du siècle, n’en est pas totalement autonome.
74On n’en sera pas moins, une fois de plus, frappé par l’extrême promptitude du trafic, au cours de cette fluctuation primaire du cycle 1593-1604, à réagir aux indications des prix. Un peu comme si, le trafic, empêché, peut-être, par divers facteurs extérieurs61 — la persistance des séquelles d’un état belliqueux en voie de liquidation — n’avait pas pu profiter, tout de suite, de la puissante et dernière grande poussée des prix-argent.
II. — 1603. AU CŒUR DU MARASME
75Les difficultés de la Carrière des Indes en 1602 se précisent en s’accentuant en 1603. Elles débouchent, en fait, sur une période de crise et de marasme relatif qui n’est pas dissipé avant l’apparition des années de trafic record en 1608-1609 et 1610, avant ces années qui correspondent, aussi, à l’achèvement d’une œuvre de pacification, menée péniblement avec des hésitations, des travers, des repentirs depuis les années 90 du xvie siècle.
76On aurait pu placer le creux cyclique, frontière entre le cycle de la Révolution des prix-argent et celui de la Révolution des trafics aussi bien en 1603 qu’en 1604. C’est en raison du comportement du trafic retour qu’on aura préféré 1604 à 1603, pour des motifs qui seront exposés à leur heure62.
77En fait, 1603 constitue bien avec 1604 et tout au même titre, l’articulation médiane entre deux fluctuations cycliques, dont la forte originalité, l’une par rapport à l’autre, n’est pas douteuse.
LA LEÇON DES CHIFFRES
78Il y a, entre 1602 et 1603, une très nette détérioration de la situation. Autant que la leçon des chiffres permet de l’affirmer, en l’absence pour deux années encore, des séries principales de la correspondance de la Casa de la Contratación, 1603, très proche, à plus d’un égard, de 1604, paraît en très net retrait par rapport à 1602.
1. L’équilibre Allers et Retours
79Il est un point, toutefois, par lequel la situation de 1603 s’apparente étroitement à celle de 1602, c’est l’équilibre des Allers et des Retours63 à l’intérieur du mouvement global. Avec 69 navires contre 63 à l’Aller, 17 527 toneladas (19 279,7 tonneaux) contre 16 292 toneladas (17 921,2 tonneaux), les Retours représentent 51,83 % du mouvement annuel global. En 1602, leur part, plus forte dans l’absolu, s’élevait, relativement, à un niveau identique, soit 53,58 %. On a vu quelques-unes des conséquences que l’on pouvait induire d’une telle situation64.
80Mais il ne prend sa véritable signification que par sa répétition. Maintenue au même niveau, au demeurant très raisonnable, sur deux ans, la supériorité des Retours sur les Allers est, à la limite, le meilleur gage que l’on ait du renversement de la tendance. Le surcroît des Retours des années 1602 et 1603 liquide la prospérité, à l’Aller, des années 1600-1601. On ne peut plus clairement et plus sûrement traduire un renversement de conjoncture dans un trafic qui reste guidé, dominé par le mouvement des Allers.
2. Allers
81En Allers, le creux s’accentue, encore, par rapport à un niveau de 1602, dont on a vu, assez longuement, tout à l’heure65, la médiocrité.
82De 98 à 63 navires, de 21 970 toneladas (24 189 tonneaux) à 16 292 toneladas (17 991,2 tonneaux), les décrochages sont, respectivement, de 35,7 % et de 25,9 %. Par rapport au point haut de 1601, séparé du creux par deux années seulement, le retrait est de l’ordre des 50 %. Les 63 navires qui partent en 1603 ne représentent que 45 % des 140 navires qui partaient deux années plus tôt, les 16 292 toneladas qu’ils représentent, ne font pas plus de 50,8 % des 32 032 toneladas des départs de 1601.
831603 est en Allers le point le plus bas du cycle, comparable seulement a 1595, — dont on a vu, d’ailleurs, le caractère essentiellement fictif66, commandé par une série d’accidents extérieurs — et à 1592.
84Mais la structure du creux de 1603 est très différente de celle des accidents antérieurs67. Il ne peut être imputable à l’existence d’une nuée de petits navires, comme en 1592 ou en 1595, puisqu’il s’agit, ici, d’un petit nombre de gros, voire de très gros navires (63 navires, 16 292 toneladas). Le creux de 1603, toute modification structurelle de l’armement, un instant, écartée, n’en a que plus de signification en conjoncture. Il ne peut être attribué à une défaillance technique ou à un goulot physique de l’armement68.
85Le tonnage unitaire des navires employés, ne cesse, en effet, d’augmenter : 212,4 toneladas en 1599, 211,2 toneladas en 1600, 228,8 toneladas en 1601, 224,2 toneladas en 1602, puis 258,6 toneladas en 1603, — tonnage unitaire record observé, en Allers, pour l’ensemble de la fluctuation cyclique. Il suffirait, en soi, s’il n’y avait pas d’autres éléments plus probants encore, à bien marquer les distances avec le creux initial du cycle, au cours des années 1591 et 159269. Voilà qui prouve, s’il en est encore besoin, la force de la tendance « structurelle » à l’accroissement du tonnage des navires. Un instant, elle est freinée, voire efficacement contrebattue par l’intrusion massive des facteurs perturbants politiques et militaires, lors des grands conflits impériaux des dernières années 80 et des premières années 90 du xvie siècle finissant. Une fois ce passé aboli, elle reprend sa marche en avant presque parfaitement insensible à la conjoncture du trafic. Insensible à la conjoncture du trafic ? Il vaudrait mieux parler, presque, de corrélation inverse et dire que le rythme de croissance du tonnage unitaire moyen est accéléré, lors des périodes de difficultés conjoncturelles majeures.
86Même indication, en pourcentages à la tendance majeure70 approchée par la moyenne mobile médiane de treize ans. La position relative de 1603 (63,89 %) marque le creux relatif maximal des Allers71, à la fin du cycle de la Révolution des prix et au commencement du cycle de la Révolution des trafics, aussi sûrement que ne l’avait fait, douze ans plus tôt, à la charnière du cycle de l'Invincible Armada et de la prise fluctuation, les 45,73 % de 1591.
3. Retours
87Le comportement des Retours suit, entre 1602 et 1603, très étroitement le mouvement des Allers. La constance du rapport des Retours au total le prouve, soit 51,83 % en 1603 face aux 53,58 % de 1602.
88Important décrochement, par conséquent, par rapport à l’année précédente exactement du même ordre qu’on l’observait tout à l’heure72 sur les Allers. De 89 à 69 navires, de 25 377 toneladas (27 914,7 tonneaux) à 17 527 toneladas (19 279,7 tonneaux), décrochement négatif de 22,5 % sur le mouvement unitaire, de 30,9 % en volume, En Allers, les décrochements négatifs étaient respectivement de 35,7 % et 25,9 %. Le tonnage unitaire fléchit, dans le même temps, très sensiblement ; il passe de 285,1 toneladas en 1602 à 254 toneladas en 1603. Peut-être serait-il imprudent de chercher à tirer des oscillations les plus courtes ici, les oscillations annuelles du tonnage unitaire moyen, au cours de ces années, des conclusions d’une excessive portée. Elles restent, d'ailleurs, limitées, d’une manière très étroite. Si le tonnage unitaire moyen des Retours de 1603 semble raisonnablement inférieur avec ses 254 toneladas aux 285,1 toneladas de 1602, aux 274,3 toneladas de 1600 et aux 287,5 toneladas de 1599, il est pratiquement aligné sur les 261 toneladas de 1601, il excède les 235,9 de 1598.
89Toutefois, pour mince et finalement assez floue que soit l’indication, cette réduction du tonnage unitaire n’est pas dépourvue de signification. Les Retours de 1603 sont constitués dans leur quasi-totalité par les Allers de 1602. Même rapporté, comme il conviendrait mieux de le faire, au niveau des Allers de 1602, dont ils dépendent, directement, les Retours de 1603 sont encore relativement importants. Pourcentage particulièrement intéressant, celui qu’on pourra calculer pour l’ensemble vrai Allers de 1601 et 1602, Retours correspondants de 1602 et 1603. Il est particulièrement élevé : 44,5 % en tonnage : 158 navires sur 238 navires partis retournent en Europe, 42 904 toneladas aux Retours, dans ces conditions, par contre, sur 54 002 toneladas.
90Le décalage entre le tonnage des Retours et celui des Allers oblige à supposer qu'un tri s’effectue aux Indes. Le haut niveau relatif des Retours — signe également, du retournement de la conjoncture — laisse à penser qu’une limitation des possibilités de choix de l’armement, au Retour, donc, d’un fléchissement relatif du tonnage unitaire des Retours. Or c’est bien ce à quoi nous assistons, entendez, un très important fléchissement du tonnage unitaire moyen relatif des Retours. En 1602, le tonnage unitaire moyen des Allers est de 224,2 toneladas, celui des Retours de 285,1 toneladas. En 1603, le hiatus est comble : 258,6 à l’Aller, 254 toneladas au Retour.
91Ce mouvement confirmera raisonnements et schémas explicatifs, précédemment utilisés, il confirmera aussi l’ampleur de la dépression conjoncturelle de 1603. Une anomalie comme celle-ci : un tonnage unitaire moyen73 égal, voire supérieur en Retour, corrobore bien l’ampleur de l’accident.
92Ceci est tellement vrai, d’ailleurs, qu’en 1603, les stocks des Retours sont épuisés. Décalé par rapport aux Allers, se dessine incontestable sur deux ans, 1604 et 1605, un creux vigoureux des Retours.
93Il suffit, pour s’en convraincre, d’avoir recours à un procédé déjà employé74 et dont on a expliqué les raisons plusieurs fois : la substitution aux chiffres vrais d’une moyenne sur deux ans. Ce procédé est plus particulièrement nécessaire75 entre 1604 et 1605, (on verra pourquoi, il n’y a pas des Retours de 1604 et de 1605, mais entre le 30 décembre 1604 et le 2 janvier 1605, un énorme convoi qui constitue la meilleure part des Retours communs aux deux années). Il fait admirablement apparaître, la réalité du coup de buttoir des Retours de 1602 et 1603 (décalé d’un an sur les Allers) entre un creux relatif avant et un trou bien marqué après.
94Ce procédé entre plusieurs, montre bien dans quel sens joue la solidarité du mouvement des Retours. Par opposition à 1601, par opposition surtout à 1604, 1602 et 1603 forment deux années de Retours puissants. C’est, d’ailleurs, ce que montrent les positions relatives à la moyenne76 : la position relative de 1603 (110,75 %) encore assez largement positive s’apparente plus aux 154,81 % de 1602, qu’aux 57,19 % de 1601 et 10,47 % de 160477.
95Les analogies entre les forts Retours de 1603 et ceux de 1602 sont considérables au cours de ces deux années, des Retours se font en deux gros convois78 en 1603, par exemple, vraisemblablement en juin, c’est la flotte Alonso de Chaves Galindo partie d’Andalousie en juin 1602 et l'armada de galcones de Don Luis Fernandez de Córdoba en novembre 1603, grâce à un rythme de rotation particulièrement rapide. Don Luis Fernandez de Córdoba était parti, en effet, au petit printemps 160379. Son périple en quelque huit mois peut être considéré comme virtuellement record.
96Et c’est, peut-être, sous cet angle, celui du rythme de rotation, que les Retours de 1603 se distinguent quelque peu des Retours de 1602. Les rentrées de 1602 sont constituées par les convois partis en 1601 qui ont effectué leur périple atlantique à un rythme normal. Les Retours de 1603, par contre, dont le niveau (étant donné le niveau des Allers de 1602) est relativement plus important que celui des Retours de 1602 (eu égard au niveau des Allers de 1601), bénéficient d’un gros effet d’accélération du rythme de rotation. Cette accélération, c’est l'Armada de Don Luis Fernandez de Córdoba qui la subit. Cette accélération permet de comprendre la position exceptionnellement forte des Retours de 1603. On ne devra pas la perdre de vue, non plus, quand on cherchera à comprendre80 la position véritable du creux passablement artificiel des Retours de 1604.
4. Allers et retours
97Le mouvement des globaux Allers et retours ne risque pas, de trop trahir en 1603 la réalité conjoncturelle. Même si elle donne à l’année un peu plus, peut-être, de dignité qu’elle n’en mérite, en raison de l’homogénéité relativement grande du comportement des éléments constitutifs du mouvement Allers et Retours.
98Par rapport à 1602, le décrochement est considérable, 1603 aligne, pratiquement, le mouvement, avec ses 132 navires, 33 819 toneladas (37 200,9 tonneaux sur les points les plus bas de la fluctuation cyclique81 : 1597 (158 navires, 30 498 toneladas) ou 1599 (141 navires, 32 055 toneladas). Quant au nombre de navires mis en cause, il est le plus bas depuis le creux initial de 1592. Par rapport au point relativement haut encore, on a vu pourquoi, de 160282 1603 est, évidemment, en très net retrait. Les chiffres de 1603 n’arrivent guère qu’aux 2/3 de ceux de 1602. De 187 unités on passe à 132 navires, de 47 347 toneladas à 31 819 toneladas, le décrochement est donc de l’ordre, respectivement, de 29,4 % et de 28 %. On notera également un ralentissement sensible dans l’accroissement du tonnage unitaire moyen, de 253,2 toneladas en 1602 le tonnage unitaire moyen passe à 256 toneladas en 1603, contre 241,8 toneladas et 231,5 toneladas en 1600 et 1601. Cette très légère courbure, non du tonnage unitaire lui-même, mais de son accélération, ne fait guère que traduire l’accident du tonnage unitaire des Retours dont on a vu les raisons et la signification83.
99Par rapport au trend (approché par les moyennes mobiles médianes de treize ans84, la position de 1603 s’est modifiée du tout au tout, puisqu’on passe des pourcentages positifs des trois années du plateau des Allers et retours, 128,59 % 104,53 % et 112,43 % à 79,10 %. Apparemment, 1603 est à mi-chemin sur la pente descendante entre 1602 et 1604 (pourcentages à la moyenne, 112,43 %, 79,10 % et 55,45 %). En fait, on peut affirmer que 1603 est un peu favorisé par l’importance des Retours85, due à la brusque accélération du rythme de rotation de l'Armada du capitaine général Don Luis Fernandez de Córdoba, il est incontestable, d’autre part, que la position de 160486 en Allers et retours, on le verra, est artificiellement déprimée tout comme celle de 1605, artificiellement grossie.
100Par rapport aux trois années de trafic élevé de 1600 à 1602, 1603 ouvre la porte à une période de trois ans (1603 à 1605) en contre-bas du trend, très exactement symétrique de la période précédente au dessus du trend.
101Ces approches concordantes permettent, donc, d’arriver à la présomption d’une importante dépression qui marque vigoureusement la limite de deux cycles, cycle de la Révolution des prix et cycle de la Révolution du trafic. Une analyse plus poussée confirme ce jugement.
LA RÉALITÉ DE LA DÉPRESSION
1021603 est bien une année de vrai marasme. Le niveau même des Retours de 1602 en est une preuve, entre autres.
2. Les retours de 1602
103U peut y avoir, de prime abord, quelque chose de paradoxal, dans cette affirmation. Et pourtant, quand on y réfléchit, elle est parfaitement logique. 11 n’y a pas à revenir sur le caractère exceptionnel du niveau des Retours de 160287. N’arrive-t-il pas, à très peu de chose près, à la hauteur du niveau record de 1600 ?
104Mais, alors que les Retours de 1600 (102 navires, 27 977 toneladas) ont été intégralement réinvestis dans le niveau record des Allers de 1601 (140 navires, 32 032 toneladas), alors bien plus que le niveau très bas des Retours de 1601 (40 navires, 9640 toneladas) n’a pas empêché une masse presque correcte à l’Aller de 1602 (98 navires, 21 970 toneladas), la masse énorme, pourtant, des Retours de 1602 (89 navires, 25 377 roneladas, écart à la moyenne 154,8 %) est restée virtuellement sans effet, sur les Allers de 1603 (63 navires, 16 292 toneladas). On ne peut donc, face aux 25 377 toneladas des Retours de 1602, balancées par les 16 292 toneladas, seulement, des Allers de 1603, évoquer, pour expliquer cette crise, le manque de tonnage, la défaillance de l’armement.
105Cette situation a, du moins, l’avantage de faire retomber intégralement sur le négoce la responsabilité de la grave défaillance des Allers de 1603. D’autant plus qu’on l’aura vu, tous les départs de 160288 avaient été donnés au cours du premier semestre de l’année, sans avoir pu réutiliser aucun navire des énormes Retours qui ont déferlé sur le Guadalquivir. La situation de 1602-1603 est donc un peu celle de la Montagne qui accouche d’une souris. A la base de toute explication de la conjoncture de 1603, il faut placer en premier cette volatilisation des Retours de 1602. Puisque les négociants et les armateurs du Guadalquivir ont eu, pour animer les départs de l’année, la totalité des navires, des cargaisons et virtuellement des bénéfices rentrés de 1602. Mieux, le retour relativement précoce, vraisemblablement, en juin 1603, de l'armada y flota de Nouvelle Espagne, Capitaine général Don Alfonso de Chaves Galindo89, aurait pu constituer un autre facteur favorable, permettant, si le désir ou le besoin s’en étaient fait sentir, le départ d’une seconde flotte à place entière, soit à la fin de l’année, soit au tout début de 1604.
106Or, il n’en va pas ainsi, puisque, entre le départ le 28 juin 1603 de Cádiz de l'armada y flota de Don Fulgencio de Meneses et Juan Perez de Portu90 et celui, le 4 juillet, de l’année suivante, en 1604, de la flotte de Juan Gutierrez de Garibay, en direction toujours de la Nouvelle Espagne, rien, pratiquement, ne filtre, si ce n’est l'Armada Don Luis Fernandez de Córdoba, qui assure, avec les liaisons Péninsule-Amérique, le service public de la défense et de la police de l’océan.
107Le symptomatique, n’est-ce pas que la masse énorme des Retours de 1602 et de 1603 ait été impuissante à animer autre chose, au départ, que les squelettiques Allers de 1603 et ceux, à peine meilleurs, de 1604 ? Soit finalement, une niasse totale de Retours de 158 navires et 40 904 toneladas qui ne se concrétisent, à l’Aller, ou, si l’on veut, qui ne rentrent dans le circuit, que dans la proportion de 130 bateaux et 34 329 toneladas.
108Le caractère insolite de cette situation tient dans deux chiffres ou séries de chiffres : le pourcentage des Retours dans le couple Allers et retours, vrai : il est de 54 %. Ces 54 % prennent toute leur valeur, rapportés aux 43 % que représente, en moyenne, le mouvement Retours dans l’ensemble de la Carrera, plus encore, par rapport aux proportions de 42 % pour la fluctuation primaire 1600-1604 et 38,83 % pour le cycle 1593-1604. Que la part des Allers ne représente que 46 % au lieu de 57 % à 58 % qui constitue la normale, voilà qui est décisif, le déséquilibre montre bien où se place et quelle est l’amplitude de la défaillance.
109Presque aussi décisif, également, la comparaison des tonnages unitaires moyens sur les axes fondamentaux du trafic. Les Retours de 1602-1603 ont un tonnage unitaire moyen de 258,8 toneladas, les Allers de 1603-1604, un tonnage unitaire moyen de 264,07 toneladas. Cette proportion est insolite. Le tonnage moyen des Retours étant toujours, pour des raisons qui ont été souvent exposées, supérieur au tonnage unitaire des Allers91. Le décalage d’un an des Allers sur les Retours peut être, pratiquement, négligé. Cette rupture d’équilibre ou si l’on veut ce renversement de déséquilibre montre que le tri habituel n’a pu s’effectuer aux Indes, en faveur des Retours (puisque toutes les ressources des Indes en bâtiments ont été virtuellement mobilisées). Le tri, dans la mesure où il y a eu tri parmi les bâtiments, a dû, par contre, se faire, de l’autre côté, à l’Aller.
110Qu’est-ce, si ce n’est proclamer la défaillance du négoce au cours de ces années 1603, d’abord, 1604 ensuite ?
2. La structure du trafic
111Cette défaillance du négoce était déjà perceptible en 1602, mais avec des modalités différentes. En 1602, en effet, la défaillance du négoce92 nous était apparue doublement localisée, dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, elle semblait épargner le premier semestre de l’année au profit des six derniers mois seulement. Ces six derniers mois dont l’atmosphère annonçait déjà l’atmosphère de 1603. Dans l’espace, elle n’affectait guère, encore, que la Terre Ferme. L’axe de trafic avec la Nouvelle Espagne restait, par contre, prospère. Enfin, on pouvait encore, à l’extrême rigueur, invoquer, pour expliquer le marasme de 1602, faire appel à la défaillance des Retours de 1601 — encore que cet argument ne résiste guère (en ce qui concerne, du moins, les deux derniers trimestres de l’année) à une analyse serrée de la réalité du mouvement.
112En 1603, c’est, à peu de chose près, d’uniformité dans la médiocrité qu’il faut parler. Si on se reporte, en effet, à la ventilation à l’Aller entre les trois directions fondamentales93, on constate qu’il y a, cette fois, quasi-égalisation par le bas entre les deux axes fondamentaux du trafic avec le continent américain : 21 navires, 6 015 toneladas vers la Nouvelle Espagne, 28 navires, 8 607 toneladas vers la Terre Ferme.
113a. Médiocrité de la Terre Ferme. — Depuis la grande flotte de Don Francisco del Corral y Toledo94 qui avait quitté le Guadalquivir à la tête d’un convoi considérable95, à la fin mars ou au début avril 1601, la Terre Ferme a été, on s’en souvient96, à peu près totalement négligée. Puisque, à part un nombre très restreint d’avisos, sueltos et négriers, elle n’a reçu que le service public de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias-— soit en 1602, le médiocre convoi de Don Luis de Córdoba97. Or, si l'Armada, par la force des choses, finit bien toujours par transporter dans ses cales, une quantité toujours plus considérable de marchandises, elle n’est, quand même, à cette époque, surtout, tant que subsiste encore les flottes de Terre Ferme, qu’un expédient. Les navires d'armada, service public de défense et de police de la mer, ne sont que, très partiellement, utilisés à des fins économiques. L’alignement ne saurait être réalisé, de toute manière, à tonnage égal, avec les navires de flotte, dont l’utilisation à des fins économiques se fait dans de bien meilleures conditions.
114Partie à la fin mars 1601, le grand, l’excessif convoi de Don Francisco del Corral y Toledo, est rentré en 1602, sous la protection de Luis Faxardo98. Dans l’intervalle, deux flottes, deux lourdes flottes de Nouvelle Espagne99 sont parties, celle de Juan Gutierrez de Garibay et celle d’Alonso de Chaves Galindo, en direction de la Nouvelle Espagne. La flotte de Juan Gutierrez de Garibay, en deuxième position, celle d’Alonso de Chaves Galindo, en unique convoi de l’année.
115C’est alors seulement, parce qu’il n’est plus possible de tergiverser et de retarder, que l’on aura eu recours à une flotte de Terre Ferme. Bien que la correspondance de la Casa de la Contratación continue à nous faire en grande partie défaut100, on peut penser que le négoce et l’armement de Séville n’en sont venus à l’exécution de cette décision, la mise en place d’une flotte de Terre Ferme, que sur les instances et pour répondre aux pressions des services du Consejo101, après deux ans d’une attente qu’aucune condition technique ne justifiait. Cette attente est donc, à porter, tout entière, au passif de la dépression conjoncturelle du négoce.
116Mais la réponse aux pressions du Consejo est beaucoup plus intéressante encore. L'armada y flota du capitaine général Hieronimo de Torres y Portugal102 — seize navires, dont trois pataches, 4 820 toneladas, entendez, pas tout à fait la moitié de ce que l’on peut considérer comme la moyenne des flottes, au cours des précédentes années, soit entre 10 et 12 000 toneladas, est d’ailleurs moins une réponse, qu’un faux-fuyant.
117On manque, sans doute, de renseignements sur les conditions de sa mise en place, sur les modalités de ses préparatifs. Sa composition (telle qu’elle est fournie dans les tableaux du tome IV), laisse à penser qu’il s’agit bien uniquement d’une défaillance, au départ, du négoce. L’homogénéité — on peut affirmer cette homogénéité, sans risque, malgré trois tonnages évalués103 sur seize — la qualité du matériel en donne la preuve. Cette qualité, rarement égalée, est attestée par la taille des navires, leur homogénéité et leur biscaynité. Le tonnage unitaire moyen, très supérieur à la normale, atteint 301,25 toneladas, pataches comprises et 364,6 toneladas, comme il est plus judicieux de le calculer, pataches exclues. Beaucoup mieux, encore, sur 13 navires qui composent la flotte, onze sont connus comme navires biscayens, tous les treize le sont, d’ailleurs, vraisemblablement.
118Pour comprendre ce que signifie, cette quasi-perfection du matériel mis à la disposition du négoce par l’armement, il suffit de comparer la situation de 1603 à celle de la précédente flotte de Terre Ferme, la flotte de Don Francisco del Corral y Toledo104 en 1601. Avec ses 47 navires, ses 9 630 toneladas, elle frappait par l’hétérogénéité, la médiocrité, la petitesse (tonnage unitaire moyen 205 toneladas, seulement) de son matériel, mais sa masse globale n’en était que plus impressionnante.
119En 1601, le commerce, gêné par le manque de navire, passe outre ; il met sur pied, une flotte, en utilisant tout ce qui lui tombe sous la main. En 1603, on dispose d’un important volant de navires de qualité. La flotte de 1603, pourtant, n’aligne pas la moitié du tonnage mis péniblement sur pied, deux ans, très exactement plus tôt, dans des circonstances combien plus difficiles. La flotte de Terre Ferme, en effet, n’a pas reçu en 1603, une existence autonome, puisqu’elle va, en compagnie et sous la protection renforcée de l'Armada de galeones de la Guardia de la Carrera de las Indias105.
120En soi, la situation n’est pas nouvelle, en 1601, déjà106, l'armada y flota Don Francisco del Corral y Toledo était partie sous la protection et en compagnie de l'Armada de la Guardia de Don Luis Faxardo. Bien sûr, il faudrait une certaine naïveté pour penser que l'Armada de Don Luis Fernandez de Córdoba, comme celle de Luis Faxardo, jadis, s’est cantonnée, uniquement dans son rôle défensif, parce qu’en 1603, à la différence de 1602, elle était accompagnée d’une flotte de navires marchands.
121En réalité, on peut raisonnablement le penser, le coefficient de chargement des navires d'armada, varie suivant que l’année comporte une flotte de Terre Ferme — c’est le cas, de 1601 et de 1603 — ou qu’elle n’en comporte pas. Malgré tout, on ne peut négliger l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, pas plus en 1603 qu’en 1601107. A cette Armada de la Guardia, il importe d’ajouter, d’ailleurs, les cinq navires de l’escadrille annexe destinée aux îles, 5 navires dont 1 felibote108 (5 bateaux, 650 toneladas, dont un seul de 120 toneladas109, destinés à Santa Marta, entrent, d’après notre nomenclature, dans la catégorie de la Terre Ferme). La petite escadrille, élément secondaire et autonome, peut être différemment rattachée, d’ailleurs, soit à l'Armada de la Guardia, soit à la flotte de Hierónimo de Torres y Portugal.
122Quoi qu’il en soit, il suffit de comparer très exactement la situation du convoi de 1603, une Armada de la Guardia assez réduite, 7 galions (3627 toneladas), 3 pataches (180 toneladas) une flotte de 13 naves biscayennes et 3 pataches (4 820 toneladas), plus, à la rigueur, la petite nave Concepción de Juan Diaz de Aguia, vraisemblablement de 120 toneladas, environ, après deux ans, de silence à peu près total sur l’axe Europe-Espagne/Amérique-Terre Ferme, à celle de 1601, 7 galions et 4 pataches d'armada, 3 787 toneladas, 47 navires 9 630 toneladas de flotte.
123Autrement dit, en dépit des apparences du découpage annuel global entre grandes directions fondamentales110, on assiste à un affaissement progressif de la conjoncture du trafic avec la Terre Ferme. Réduction en chiffres absolus depuis le point haut de 1601, — point haut de 1601 pour l’ensemble du trafic Allers —, réduction en importance relative, depuis le point haut à contre courant de 1598.
124Or, fait décisif, ce convoi médiocre, dont le contenu aurait dû s’écouler facilement à bon prix, après une aussi longue défaillance des exportations, a donné des sérieux mécomptes à ceux, peu nombreux, qui en avaient pris le risque111. C’est, du moins, ce qui semble se dégager, à travers les documents qui sont parvenus.
125Mais à la différence de 1602 et, à plus forte raison de 1601, l’accident conjoncturel n’est pas limité, ici, à la seule Terre Ferme, il en déborde le cadre largement et mord sur la Nouvelle Espagne.
126b. La crise du trafic nouvel-espagnol. — Malgré les apparences, on ne peut parler d’amélioration même légère en direction de la Terre Ferme. Mais, la Nouvelle Espagne constitue, sous l’angle qui nous intéresse, un bien meilleur test. En effet, le trafic avec la Nouvelle Espagne — on l’a vu — a entrainé tout le mouvement, depuis le terme du creux médian, de 1600 à 1604. Cette caractéristique sera la dominante, on le sait déjà112, de tout un quart de siècle d’histoire Atlantique. Une défaillance, dans ces conditions, du trafic avec la Nouvelle-Espagne n’en sera que plus symptomatique.
127Or, cette défaillance n’est pas douteuse. Elle est même, tout compte fait, l’élément dominant de l’année113. La ventilation des globaux entre les directions fondamentales114 montre, en effet, que de 1599 inclusivement à 1602, les Allers en direction de la Nouvelle Espagne ont fait volant, avec 53 navire-, en 1599, 70 navires en 1600, 47 navires en 1601 et 55 navires en 1602 et respectivement, 14 755 toneladas, 14 855 toneladas, 12 160 toneladas et 13 665 toneladas. La période 1604-1605 donne le symétrique, avec 12 850 toneladas et 15 125 toneladas. Entre les deux, les Allers en direction de la Nouvelle Espagne ne dépassent pas 21 unités et 6 015 toneladas.
128Or le creux — et c’est là une preuve de plus — ne peut être imputable à un accident technique, voire même à un propos délibéré d’effacer une fausse manœuvre, comme ce fut le cas en 1598115. En 1603, en effet, comme l’année précédente et comme l’année suivante, il y a une flotte de Nouvelle Espagne dont la date de départ est normale, le 29 juin, de Cádiz116. Le convoi — flotte dérisoire, commandée par le Capitaine général Don Fulgencio de Meneses et par l’Amiral Juan Ferez de Portu — groupe 22 navires totalisant 6 265 toneladas. Six navires (800 toneladas) suivent le convoi, mais vont aux îles, trois Saint-Domingue117, un à la Havane118, un à Puerto Rico119, un à Rio de la Hacha120, parent pauvre de la Terre Ferme qu’on peut assimiler aux îles, soit, si on se limite à la seule armature du convoi qui va en Nouvel Espagne, la flotte Fulgencio de Meneses/Perez de Portu — 16 navires et 5 465 toneladas. La flotte Alonso de Chaves Galindo121 partie sensiblement à la même période de l’année (15 juin au lieu de 29 juin) groupait 47 navires totalisant 12 591 toneladas, en conjoncture basse, la flotte de Juan Gutierrez de Garibay122, en conjoncture haute, il est vrai, mais en seconde position après l’énorme convoi combiné de 14 000 toneladas de Faxardo-Osorio, groupait, encore, 35 navires et 10 595 toneladas (voire 33 et 10 460 toneladas, suivant la combinaison adoptée).
129Ce maigre convoi, la Casa a dû le payer, selon toute apparence, de quelques grosses concessions dans le domaine, comme toujours, de la fiscalité. Le départ des registres des navires123 sur les avisos N. S. de la Vitoria et N. S. de la Regla a lieu après la flotte. On sait quelles facilités, semblable combinaison fournit aux fraudeurs124. Le système n’est pas encore totalement passé dans les mœurs. Plus tard, il participera, en quelque sorte, aux structures fiscales de la Carrera décadente, pour le moment, dans la mesure où il est, encore, exceptionnel, le départ des registres, après coup, a une signification conjoncturelle. Il exprime une détente fiscale.
130En effet, la chronologie et l’importance minime des Allers interdisent d’attribuer le départ tardif des registres à quelques causes matérielles, comme il a pu arriver quelquefois lors de la mise sur pied particulièrement rapide et d’une ampleur exceptionnelle. Le départ de la « demi-flotte » de Nouvelle Espagne de Don Fulgencio Meneses et Juan Perez de Portu a lieu, douze mois et demi après la flotte précédente de Alonso de Chaves Galindo, quatre mois après la flottille de Terre Ferme. Elle n’a pu être, de ce fait, vraiment gênée par les départs précédents. Il ne faut pas prendre trop au sérieux, en effet, ce que disait le trésorier de la Casa, Francisco Tello125, en juin 1603, ou, plutôt, il faut savoir l’interpréter.
131En effet, Francisco Tello, officier délégué à l’expédition du convoi, cherche comme il est normal, à couvrir et à excuser le cas échéant des difficultés et des retards. Son propos dans son contexte ne doit pas être trop pris au sérieux. Qu’exprime-t-il, en outre, une abondance momentanée de fret par rapport au tonnage ? Manière d’excuser les inévitables retards, d’aller au devant même des inévitables ennuis d’une dernière heure toujours grosse de désillusions dans ce sens.
132D’autre part, il n’y a pas contradiction entre un excès de fret, à un moment donné, au dernier moment surtout, juste à la veille du départ et une dépression conjoncturelle s’exprimant par une surabondance de navires. D’autant moins que la lettre de Tello date, précisément, de juin, donc, de la veille du départ. La décision de réduction du convoi — on a vu qu’elle est de l’ordre de 50 %126 — a été prise, en fonction de perspectives jugées peu favorables entre la fin de 1602 et le tout début de 1603.
133Mais une fois la texture de la flotte arrêtée et d’une manière telle qu’on ne puisse plus revenir sur les grandes lignes, du moins, de sa composition, la décision de réduction brutale constitue, tout au contraire, un facteur favorable, dans un cadre, bien sûr, très étroit. D’où, en présence de perspectives brusquement redressées, un petit rush sans lendemain et sans importance excessive. Il s’agira, tout au plus, d’une fluctuation très courte dans le cadre des derniers instants qui précèdent le départ.
134Les Retours de 1602 ont été assez forts pour que la non-mise à la disposition immédiate, pour les Allers, des Retours de 1603 ne constitue pas un obstacle à retenir, encore qu’il soit évoqué dans la lettre de Tello. Il est tout à fait hors de cause, en année normale, que les Retours de l’année servent aux Allers. Le schéma donné par Tello, donc, reste vrai, en gros. Mais l’explication qu’il implique doit être écartée. Un léger excédent de l’offre de fret, après une brutale réduction du volume des départs est tout à fait normale. Le crochet est trop faible, pour qu’on puisse en tirer, quant à une éventuelle modification importante de la conjoncture du négoce, la moindre conclusion. Tout au contraire, on peut, sans crainte, conclure, au maintien du marasme tout au long de l’année. Puisqu’il affecte l’axe jusqu’ici abrité des communications Péninsule ibérique/Nouvelle Espagne.
3. Ventilation interne des départs. Valeurs et Prix
135Une contre-épreuve solide de ce marasme est fournie par la répartition des navires, comme toujours, à l’intérieur du complexe portuaire au départ127.
136a. Ventilation.
137Par rapport à 1602, il n’y a pas tant détérioration, d’ailleurs, que maintien du marasme. Cela suffit amplement, puisque le véritable décrochement se sera produit un an plus tôt, entre 1601 et 1602. Le maintien sur deux ans d’une situation aussi mauvaise, mieux, son maintien, virtuellement, sur trois années en y incluant 1604128, suffit amplement pour que l’on puisse parler de catastrophe.
138Le recul à l’Aller, de 25,9 %129 en tonnage sur les globaux ne se répartit pas d’une manière homogène sur les différents ordres du trafic.
139Marchands de Séville. — Il y a statu quo sur la série clef des marchands de Séville : 49 navires, en 1603, contre 46 navires en 1602,12 085 toneladas contre 12 070 toneladas (très léger fléchissement du tonnage unitaire moyen sur cet axe capital, il passe de 262,38 toneladas en 1602 à 246,6 toneladas en 1603). L’écart du tonnage unitaire des Sévillans à l’ensemble du mouvement est inverse de l’ordre considéré justement comme habituel130, 224,2 toneladas pour l’ensemble du mouvement et 262,38 toneladas, pour les navires marchands de Séville en 1602, l’avantage est substantiellement en faveur des marchands de Séville. En 1603, par contre, on est en présence d’une anomalie négative du tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville, 258,6 toneladas pour l’ensemble des Allers et 246,6 toneladas seulement, pour les seuls marchands de Séville.
140Marginaux du trafic. — Cette évolution curieuse du tonnage unitaire est due à une autre caractéristique de l’année 1603 et par-delà, de l’ensemble 1603-1605. La brutale disparition où, plus exactement, le radical laminage des marginaux du trafic, en entendant par là, les Canariens et les négriers envisagés globalement pour les besoins de la cause. De 39 navires et 5 290 toneladas en 1602, on passe en 1603, pour l’ensemble marginal ainsi défini à 4 navires et 580 toneladas, soit une chute de près de 90 %. On sera d’autant moins tenté de n’y voir un accident seulement que ces chiffres se rapprochent de la moyenne très basse de l’ensemble sur trois ans des négriers-Canariens, soit dix navires et 1 350 toneladas (pour le mouvement moyen au départ de 1603 à 1605, des Canariens et des négriers, à l’Aller). L’écart, en effet, est moindre, des 4 navires et des 580 toneladas de 1603 aux 10 navires et 1 350 toneladas de la moyenne sur trois ans 1603-1604-1605 des dits marginaux du trafic, qu’il ne l’est, par exemple, de 1603, pour cette catégorie, aux niveaux de 1600-1601-1602, 41 navires et 5 100 toneladas en 1600, 32 et 4 140 en 1601 ou 39 navires et 5 290 toneladas en 1602.
141Ce comportement sur trois ans, assez bien marqué, ne contredit pas la crise que tant d’indices permettent d’affirmer. On notera, tout d’abord, un décalage d’un an par rapport aux autres indices du trafic, le phénomène de la dépression négrière se place entre 1603 et 1605, ailleurs, le relief en creux s’établit plus tôt, à l’Aller, de 1602 à 1604. Mais ce décalage, aussi, est normal. Au début quand les axes essentiels du trafic cèdent le pas, il peut y avoir prolifération des marginaux en bouche-trou. Mais très rapidement, quand Séville a bien pris conscience de l’accident du trafic, il est naturel qu’elle s’efforce de colmater les fuites, de faire barrage à l’encontre des marginaux du trafic qu’elle ressent particulièrement en tant que concurrent en période de difficultés.
142C’est pourquoi, ce schéma, loin de renfermer des éléments contradictoires est, au contraire, formé d’éléments complémentaires. Certes, le laminage proportionnellement beaucoup plus élevé des marginaux du trafic, atténue un peu la signification du creux cyclique qui sépare le cycle de la révolution des prix du cycle de la révolution des trafics (il est, d’ailleurs, assez bien marqué, par ailleurs, pour n’avoir que faire de ce renfort). Pourtant, la brutale déroute et l’élimination des marginaux expriment un état de tension que mille indices corroborent : une tension qui n’est pas exclusive, au demeurant, d’une avant-volonté de reprise.
143Armadas. — Le niveau des armadas n’a virtuellement pas bougé, par contre, depuis le décrochement de 1602 par rapport à 1601.10 navires au lieu de 8 unités, 3 627 toneladas au lieu de 3 170 toneladas en 1602. Il reste étale sur trois ans, de 1602 à 1604 et correspond à un certain type d'Armada de la Guardia réduite. Le comportement sur ce point des armadas se rapproche assez de celui des navires marchands de Séville, dont le mouvement, aussi, reste étale sur trois ans.
144Caditains. — On sera sensible, par contre, à la disparition des Caditains. Anémiés en 1602, ils disparaissent totalement en 1603. Le niveau des Caditains reste faible, tout au long du creux post-cyclique de 1602 à 1604 : un niveau annuel moyen de 4 navires 2/3 et 1 470 toneladas, seulement, soit un niveau assez sensiblement inférieur au niveau encadrant des Caditains. Ce fléchissement de Cádiz — il est particulièrement évident au début du creux, sur une moyenne établie sur deux ans, de 1602 à 1603 (2 navires 1/2 et 730 toneladas) doit, dans nos contextes, être interprété comme un signe de grosse défaillance du négoce. Soit que Séville ait pouvoir de barrer, en période de difficultés, son principal concurrent : Cádiz, soit, tout aussi vraisemblablement, que Cádiz ait en encore à cette date des possibilités de remplacement, de fuite et de substitution que Séville ne connaissait pas. Cádiz semble avoir, au cours de cette période, accentué les écarts de conjoncture tandis qu’elle donne l’impression d’en anticiper le rythme. A la différence, sur ce point, des marginaux qui les accusent, aussi, mais comme en en calquant le rythme avec retard. Cette différence de comportement est pleine de signification. Elle tend à renforcer une présomption de passivité pour les marginaux du trafic, éliminés, en quelque sorte, sous une pression venue du dehors (ce serait le cas du complexe, Canariens-négriers). Elle tend à impliquer, par contre, de la part du groupe des Caditains, une plus grande autonomie de mouvement, un peu comme si armateurs et négociants de Cádiz avaient agi plus en anticipant qu’en subissant les événements.
145De toute manière et sous l’angle étroit de la conjoncture annuelle, la chute de Cádiz doit être considérée comme un signe certain de grosses difficultés.
146Séville et Cádiz. — En raison même de la disparition des Caditains, l’ensemble des navires marchands de Séville et de Cádiz présentera un sensible recul, d’autant plus lourd de sens qu’il s’agit, bien sûr, de l’élément clef du trafic.
147Les navires marchands des deux grands ports du complexe pris globalement accusent un recul de 10,7 % en tonnage, passant de 51 à 49 unités, de 13 530,6 à 12 085 toneladas. Il n’y a donc pas contradiction, entre un tel résultat et celui observé sur les Allers globaux. Décrochement atténué, certes, mais dans le même sens, de 10,7 % pour l’ensemble marchands Séville-Cádiz, au lieu de 25,9 % pour les globaux.
148b. Les Valeurs. — Il n’y a pas contradiction, non plus, entre ces données et les présomptions que l’on peut avoir du mouvement-valeur131.
149On continue à traverser, d’une part, et cela depuis 1601, une période de relaxation fiscale. Il faut en tenir compte pour ne pas être tenté d’interpréter comme indications de valeur absolue de simples ordres de grandeur. On peut retenir, toutefois, le sens des indications de variations d’une année sur l’autre, de 1602 à 1603, notamment, puisqu’on se trouve dans une période, autant qu’on en puisse juger, de faible exigence fiscale.
150On peut accepter, par conséquent, l’indication d’un rapport dans l’ordre de 820 211 385 à 1 031 288 368 maravedís de 1602 à 1603, soit un accroissement de 25 % environ.
151Cet accroissement en valeur de l’ordre de 25 % contraste, de prime abord, curieusement, avec un recul de 25,9 % du tonnage global au départ, dans le même temps. Sans qu’il y ait nécessairement contradiction, d’ailleurs, tout au contraire, dans ces mouvements contraires.
152Il faut faire intervenir l’aplatissement longuement décrit des « marginaux du complexe portuaire »132 et surtout, le rôle respectif des grands axes du trafic, Nouvelle Espagne et Terre Ferme133. De 1602 à 1603 la Nouvelle Espagne marque un recul de près de 50 % et la Terre-Ferme134, un progrès de plus de 40 %. Cette simple permutation suffit à expliquer, pour l’essentiel, le mouvement divergent du volume global et des valeurs tandis qu’une fois de plus, se vérifiera le poids exceptionnel du trafic avec la Terre Ferme à l’intérieur de l’Atlantique de la Carrière des Indes. La situation des valeurs en 1603 est d’autant plus aisément compréhensible que le trafic en direction de la Terre-Ferme est représenté, pour la meilleure part, en 1603, par un convoi marchands, une flotte, dans la proportion de 16 navires, 4 820 toneladas sur un total de 28 unités et de 8 607 toneladas135. Mais on ne saurait, la chose va sans dire, tirer le moindre argument de la formation, en 1603, d’une flotte de Terre Ferme. Elle est due, uniquement, à l’échéance d’un rythme pratique ment inévitable. On a vu que l’on pouvait, tout au contraire, tirer argument de ses retards et de se3 dimensions anormalement réduites136.
153c. Les prix. — Le parallélisme entre la marche du mouvement et les prix en Espagne137 se précise encore en 1603. Le reflux commencé en 1602 est plus sensible encore en 1603. L’indice 138,70 qui vient, après l’indice 138,40 de 1602 confirme le verdict de net reflux qu’on a cru lire en 1602, après les 143,55 record de 1601. Les pourcentages relatifs à une moyenne mobile médiane de 13 ans corroborent le mouvement et confirment la baisse : avec 102,18 % en 1603 contre 102,62 % en 1602 et naturellement 107,66 % en 1601. 1603 apparaîtra, donc, comme constituant, avec 1602 et plus, peut-être encore que 1602 dans une certaine mesure, le creux de la contrepente du cycle de la fin du xvie siècle.
154Cet incident sur la courbe des prix permet de comprendre la localisation du creux du trafic. Il ne suffit pas, toutefois, à en expliquer l’ampleur. Le tassement du mouvement, entre 1602 et 1604, s’explique, sans doute, de lui-même, par le choc en retour des années de haut trafic, par l’embouteillage progressif du marché de Terre Ferme.
155Ces années ont été, au tout premier chef, des années difficiles dans l’Atlantique. Le mouvement des arrivées des trésors138, entre autres, le laisse à penser.
156Les arrivées officielles — on l’a vu — culminent entre 1591 et 1600 — avec une présomption en faveur de la première demi-décade 1591-1595, 35 184 862,5 pesos contre 34 128 500,5 pesos, simple présomption, avions-nous pensé139, elle n’exclut pas la possibilité d’un léger progrès masqué par une fraude plus importante de 1596-1600 par rapport à 1591-1595.
157Le niveau d’importation des trésors — on peut l’avancer, sans crainte d’erreur — passe par un point haut entre 1591 et 1600, dans la dernière décade du xvie siècle avec un niveau semi-décadaire moyen de 35 millions de pesos. La différence de 2 % que les calculs sur déclarations officielles font apparaître à l’intérieur de la période entre la première et la seconde partie de la décennie, est de l'ordre de celles qu’il est, quelquefois, prudent, à l’échelle de nos mesures, de renoncer à interpréter. Le décrochement de 30 %, par contre, qui oppose la moyenne de toute une décade, 1591-1600, à celle de la demi-décade 1601-1605 est de ceux qui ne peuvent être portés au compte d’une variation de la fraude. Il est d’autant moins contestable — dans l’hypothèse raisonnable, en tous points, d’une fraude assez régulièrement croissante tout au long du xviie siècle — que le niveau de 1601-1605 ne cesse d’être dépassé, par contre, pendant un laps de temps de vingt-cinq ans, sans solution de continuité140.
158Cet accident dans les exportations des trésors d’Amérique (on sait à quel point leur mouvement est chargé de signification) montre bien que la défaillance du négoce transatlantique, au milieu de laquelle 1603 vient s'inscrire, revêt une ampleur d’une particulière importance.
III. — 1604. LE MARASME CONTINUE
159La situation que l’on vient de décrire déborde le cadre de 1603 et se prolonge, en fait, sur toute l’année 1604.
160Une fois de plus, il y aura une certaine part d’arbitraire à assigner à telle année plutôt qu’à telle autre, la mission de se constituer en frontière entre deux grandes fluctuations cycliques du trafic. En réalité, si on s’en tenait a la seule leçon des Allers, la plus valable, quand même, sous l’angle qui est le nôtre, moins qu’un creux, on parlerait d’un plateau déprimé qu’il faudrait conduire sur cinq à six années, de 1602 à 1607. A l’interieur de ce plateau, on peut hésiter à placer le terme de la dépression et les premiers signes de la reprise, soit en 1603, soit en 1604 (1604 est apparu, finalement, mais de peu, préférable141).
161De ce choix, la leçon des chiffres bruts globaux fournira, tout d’abord, l’esquisse d’une justification.
LA LEÇON DES CHIFFRES
1621601 constitue, sous cet angle, une année doublement difficile. En raison, tout d’abord, du déséquilibre interne des Allers et des Retours, d’une part, du caractère très particulier, des Allers, d’autre part, avec la présence de la flotte fantôme de Terre Ferme.
1. L’équilibre Allers et retours
163L’année 1604 se caractérise, d’abord, par un raté des Retours, selon un schéma habituel, mais qui ramène de nombreuses années en arrière. On pense à la situation de 1597, de 1594, voire de 1592 ou 1590142. On serait en présence d’un raté accidentel, dans le mouvement Retours, comme il s’en produit souvent. Accidentel, car il n’affecte pas profondément le volume total des Retours qui est en pleine croissance absolue et relative depuis 1598 jusqu’en 1607, voire même, dans une large mesure, de 1598 jusqu’en 1613.
164Cet accident, comme toujours, a moins de conséquences immédiates qu’il n’en a, à plus longue échéance. Il faudra en tenir compte pour apprécier à leur juste valeur les niveaux des Allers, dans les années qui viennent en 1605 et en 1606143. Dans l’immédiat, il sera responsable, mais d’une manière assez formelle, du creux des globaux Allers et retours, de la proportion respective des Allers et des Retours dans l’ensemble du mouvement annuel.
165Quel que soit le chiffre des Allers que l’on choisisse, soit le chiffre faible (67 navires et 18 037 toneladas, compte non tenu de la flotte de Terre Ferme avortée du Capitaine général Don Francisco del Corral y Toledo), soit le chiffre fort (82 navires et 23 087 toneladas)144, la proportion des Retours par rapport aux globaux est insignifiante, de l’ordre de 10 % dans le premier cas, de 7,5 % dans le deuxième cas. L’équilibre interne (mieux le déséquilibre interne du mouvement) s’apparente à la situation tourmentée du creux des années 1590-1594.
166Il ne faudra pas perdre de vue ce déséquilibre pour interpréter correctement la leçon des chiffres globaux.
2. Allers
167L’interprétation des Allers bute, de toute manière, contre une première difficulté. Certes, il existe toujours une distorsion entre le total des navires et des marchandises qui partent et le total de ceux qui arrivent. On n’a jamais cherché à esquiver le problème, c’est pourquoi, dans la mesure où la documentation l’a permis, on a toujours distingué, dans les tableaux145 et dans les tables du tome VI146, entre navires et cargaisons au départ et ceux et celles qui arrivèrent effectivement. En règle générale, on aura utilisé, au premier chef, le volume au départ. Parce qu’il permet d’apprécier, indépendamment de ses résultats, l’effort exact qui a été fourni, d’une part, parce qu’il peut être connu, toujours, avec une précision très supérieure (il n’y a pas ici, la légère incertitude qui pèse toujours sur le dénombrement des pertes) et, d’une manière beaucoup plus homogène. C’est pourquoi, la série des volumes des départs a paru la meilleure. C’est sur elle qu’on a fait fond. Autre avantage, enfin, la différence entre départs et arrivées est, en général, très faible... de l’ordre, tout au plus, de quelques pour cent.
168Très différente, par contre, la situation de 1604, ici, chiffres des départs et chiffres des arrivées sont séparés par un écart considérable ; 67 navires, 18 037 toneladas, 82 navires, 23 087 toneladas. La différence ne représente pas des navires coulés en cours de route, mais l’avortement, dans le complexe portuaire, d’un projet — l’incendie en est cause. Les pertes ne sont, d’ailleurs, que partielles. La destruction d’une partie seulement des navires de la flotte de Don Francisco del Corral y Toledo a suffi à rendre le projet irréalisable en 1604 ; on le verra concrétisé, sous une forme différente, l’année suivante, avec la flotte de Francisco del Corral y Toledo147, partie de Cádiz, le 5 mai 1605.
169Dans ces conditions, les chiffres de 82 navires et 23 087 toneladas constituent, sans conteste, une évaluation beaucoup trop forte. Pour plusieurs raisons, rien ne prouve, en effet148, que les navires étaient pleins au moment de leur destruction, on ne peut même pas assurer qu’ils eussent bien pris leur départ149, sans l’incendie. Il est presque certain, d’autre part, que, dans cette défaillance de 1604, le niveau du trafic de 1605 n’aurait pas été ce qu’il fut. Il y a donc une grande part d’arbitraire à compter, deux fois, en 1604, puis en 1605, une flotte de Francisco del Corral y Toledo qui n’est partie qu’une fois, en mai 1605. Les chiffres de 82 unités et 23 087 toneladas constituent le terminus asymptotique, au dessous duquel on a la certitude que la réalité du mouvement à l’Aller était effectivement cantonnée.
170La seconde solution — 67 navires et 18 037 toneladas — par contre, trahit aussi la réalité. Ces chiffres s’ils expriment bien ce que l’Amérique a reçu du commerce du Monopole, ne traduisent pas l’effort effectivement fourni, qu’ils minimisent. On ne peut serrer, avec quelque chance, la réalité du mouvement qu’à condition, comme nous l’avons fait, de considérer les deux chiffres.
171Ainsi, la position de 1604, suivant l’angle qu’on aura choisi, paraîtra plus ou moins en progrès, par rapport à 1603. De 63 à 67 navires, de 16 292 à 18 037 toneladas, le décrochement est, respectivement, de 6,35 % et de 10,6 %. Peu de chose, finalement, suivant cette définition du mouvement. Le progrès, très faible, est assuré par l’accroissement régulier et rapide du tonnage unitaire, 228,8 toneladas en 1601, 224,2 toneladas en 1602,258,6 toneladas en 1603, 269 toneladas en 1604.
172Cet accroissement est d’autant moins une illusion, qu’il sera plus marqué, encore, dans la seconde hypothèse, en incluant la flotte avortée de Francisco del Corral y Toledo ; le tonnage unitaire moyen est, alors, de 293,6 toneladas au lieu de 269 toneladas. Par ce rapport à la moyenne150, la position du mouvement Allers ne s’est pas beaucoup améliorée. De 63,89 % on est passé à 70,15 %. Tout ce qu’on a pu écrire sur la médiocrité du niveau des Allers de 1603151 reste valable, de ce fait et dans cette hypothèse, pour 1604. Avec, circonstance aggravante, le fait que 1604 se place à presque égalité, après une année d’une extrême médiocrité. Cette position constitue un argument qui peut inciter à considérer la position de 1604 comme plus mauvaise encore, sur les seuls Allers, que celle de 1603 dont la médiocrité n’est pas à démontrer.
173Tout cela, avec cette restriction, bien sûr, qu’il y a la flotte de Francisco del Corral y Toledo. Si on décidait de la prendre en compte152, ce n’est plus entre 1604 et 1605 qu’il faudrait placer la cassure mais entre 1603 et 1604. Sans que le mouvement de 1604, à l’Aller, sorte, même dans cette hypothèse trop favorable, pourtant, de sa relative médiocrité. De 1603 à 1604, on passerait alors de 63 à 82 navires, de 16 292 à 23 047 toneladas, le saut en avant serait respectivement de 30 % (mouvement unitaire) et de 41,4 % (en tonnage), bien que la position par rapport à la moyenne demeure négative : de 63,89 % à 89,80 %, au lieu de 70,15 % dans la première hypothèse (si on ne prend pas en compte la flotte de Terre Ferme, Francisco del Corral y Toledo, détruite au port153.
174Pour apprécier la vraie position du négoce, à l’Aller, en 1604, il faudrait, sans doute, établir un moyen terme entre ces deux comparaisons, le chiffre bas étant plus fidèle, sans doute, parce que plus conforme à la réalité économique du trafic que le chiffre haut.
175La simple analyse des chiffres globaux du mouvement Allers tend à placer 1604 dans le prolongement de 1603. Le marasme continue, et dans la mesure où il se prolonge, on peut affirmer qu’il s’aggrave. Il s’aggrave d’autant plus que négoce et armement ont eu à leur disposition les énormes retours accumulés sur deux ans, en 1602 et 1603154.
3. Retours
176Le raté des Retours contribue à renforcer le tableau pessimiste qui se dégage des Allers.
177Le raté des Retours ne signifie pas grand-chose en soi. La position de 1604, avec ses 16 navires de 1 870 toneladas, est évidement accidentelle entre les niveaux élevés de 1602-1603 et ceux de 1605-1606.
178Mais on peut même constater la signification d’un creux qui n’a guère de consistance que dans le cadre nécessaire-meni artificiel du découpage annuel. Ne sont portés en 1604 que les habituels sueltos (16 navires, 1 870 toneladas, tonnage moyen très faible, par conséquent, de 118 toneladas). Il y a moins un hivernage avec report classique au printemps qu’un retard et un étirement insolite du voyage de Retour. C’est ainsi que la flotte de Juan Perez de Portu et l'Armada de Don Luis Fernandez de Córdoba, quelques 11 000 toneladas arrivés fin décembre 1604-début janvier 1605155, auraient pu presque aussi bien être portées à l’actif de 1604 que de 1605.
179Dans ces conditions, le décrochement négatif de 76,7 % entre le niveau des Retours (mouvement unitaire) de 1604 et celui de 1603 et de 90 % pour les tonnages, n’a guère de signification. Pas plus, d’ailleurs, que l’énorme écart à la moyenne (l’écart négatif de 89,53 %, soit une position relative de 10,47 % seulement, entre les 110,75 % de 1603 et les 137,55 % de 1605).
180Beaucoup plus encore que pour les années précédentes, il est tout à fait justifié, pour mieux serrer la réalité du mouvement, de préférer aux niveaux du cadre chronologique annuel des moyennes sur deux ans. Comparé aux périodes qui précèdent et à celles qui suivent, 1604 apparaîtra bien comme un creux des Retours, dans une phase de Retours élevés. Soit un niveau annuel moyen du mouvement Retours, de 48 unités et 14 351,7 toneladas, pour 1604 et 1605, contre 71 et 79 bateaux, 18 808,5 et 20 457 toneladas pour 1600-1601 et 1602-1603 et 67 navires et 17 879,5 toneladas pour 1606-1607156.
181La défaillance des Retours, pour parfaitement objective qu’elle soit, n’en prend pas moins, ce qui est rassurant, un caractère beaucoup plus raisonnable, soit un recul de l’ordre de 30 % par rapport au niveau des quatre années précédentes. Il faudra tenir compte de ce fléchissement157 (simple phénomène de compensation, peut-être, par rapport aux forts niveaux précédents) pour interpréter correctement la défaillance des Allers qui se poursuit pendant toute la première fluctuation du cycle record 1605-1613158.
4. Allers et retours
182Cette situation particulière des Allers et des Retours risque de rendre doublement délicate l’interprétation des chiffres du mouvement global.
183Si on accepte — il est difficile, évidemment, ne serait-ce que pour des raisons d’homogénéité, de faire autrement — les données du découpage annuel pour les Retours, on aura autour de 1604, un niveau du mouvement global particulièrement déprimé. En rupture par rapport à 1603, en dessous de la moyenne déjà, pourtant, puisqu’on passera de 132 à 97 navires, de 33 819 toneladas (37 200,9 tonneaux) à 24 907 toneladas (27 452,7 tonneaux). Soit un décrochement, le plus fort dans ce sens, et pour cause, depuis 1596-1597, de 26,5 % (mouvement unitaire) et de 26,4 % (en tonnage), tandis que le tonnage unitaire semble, en raison de la composition des Retours, où n’apparaissent que des sueltos à l’exclusion des navires de flotte et d'armada, s’être maintenu étale (254,15 toneladas contre 256,2 toneladas en 1603 et 253,2 toneladas en 1604). Par rapport au trend, il y a apparemment, du moins, brusque rupture, de 128,59 %, 104,53 % 112,43 % (1600-1602), puis 79,10 % (1603), on enfonce brutalement jusqu’à 55,45 %, en 1604.
184Cette situation constitue, finalement, un argument, quand même, en faveur du choix sur 1604, du terme de la fluctuation cyclique de la Révolution des prix ibériques. En effet, la position de 1604 est la plus faible de beaucoup de toute la fluctuation tant en chiffres absolus qu’en pourcentages relatifs au trend. A l’exclusion de 1607159, le creux de 1604, même dans l’hypothèse — il y en a d’autres et celle-là n’est pas la plus faible — de 97 navires et 24 907 toneladas (27 452,7 tonneaux), est le plus marqué de toute la période de plafonnement du trafic entre les termes déprimés de 1592 et de 1622.
185Mais les chiffres de 97 navires et 24 907 toneladas 27 452,7 tonneaux), ceux là qui ont été, finalement, retenus dans les tableaux correspondants du tome VI160, ne constituent qu’une approche de la réalité : les chiffres qu’ils incorporent trop forts pour les Allers, sont, peut-être, trop faibles pour les Retours.
186Si on exclut161, en effet, comme il est raisonnable (si on cherche moins à mesurer l’effort, entendez une intention qu’une réalité objective, un résultat), la flotte avortée de Francisco del Corral y Toledo, il faudra substituer aux 97 unités et 23 907 toneladas de tout à l’heure, les 83 navires, 19 907 toneladas (21 897,7 tonneaux) effectivement entrés et sortis des ports du complexe portuaire. Le décrochement est alors beaucoup plus considérable, respectivement (de 132 à 83 navires, de 33 819 à 19 907 toneladas) 37,1 % et 41,15 % au lieu de 26,5 % et 26,4 %. Par rapport à la moyenne on sera à peine plus de 45 % au lieu de 55,45 %.
187Un écart relatif, tel qu’il égalerait les deux plus grands écarts négatifs d’un siècle et demi d’histoire, ceux de 1554 et de 1592.
188Une telle solution a, par contre, l’inconvénient de ne pas tenir compte de la chronologie particulière des Retours des années 1604-1605162. C’est pourquoi si l’on voulait obtenir un indice d’activité plus fidèle, il faudrait, vraisemblablement, substituer aux niveaux vrais des Retours, les moyennes annuelles sur deux années. On serait amené, ainsi, à établir des comparaisons sur une série où le niveau du mouvement Allers et retours s’établirait de la manière suivante :
1891602 : 177 navires 42 427 toneladas,
1901603 : 142 navires 36 749 toneladas,
1911604 : 115 navires 32 388,2 toneladas163,
1921605 : 129 navires 39 313,2 toneladas.
193Le creux est ainsi parfaitement établi et régularisé. Pour avoir un indice d'activité, parfaitement balancé, on pourrait, en comptant la flotte fantôme Francisco del Corral y Toledo à 40-50 % de son volume, remplacer le niveau de 1604, encore un peu faible, par 120, 123 navires, 34-35 000 toneladas. La vraie position de 1604, sur l’expression chiffrée la plus synthétique du trafic vient donc s’inscrire, — tout bien pesé — légèrement en retrait par rapport au niveau médiocre déjà de 1603, bien en creux, par rapport à 1605. On arrive ainsi par un cheminement nouveau, à cette conclusion déjà entrevue une première fois : entre 1603 et 1604, quelles que puissent être certaines apparences, la conjoncture du négoce s’est encore détériorée.
LE MARASME SE PRÉCISE
194Le marasme se précise, bien que l’on manque, cette année encore, d’éléments, en raison de la défaillance des meilleures séries de la correspondance de la Casa de la Contratación. Le marasme, il s’exprime, dans les chiffres globaux que l’on vient d’étudier. Il faut l’attribuer à une défaillance spécifique du négoce, en raison du volume des Retours au cours des années précédentes.
1. Les Retours de 1602 et 1603
195Toutes les conclusions qu’on a pu tirer précédemment, pour une meilleure compréhension de la conjoncture de 1603, du niveau des Retours de 1602164, sont, a fortiori, plus valables encore pour les Retours de 1602 et 1603, par rapport à la conjoncture des Allers de 1604.
196Certes, les Retours de 1603 sont un peu moins importants par la masse du tonnage rendu disponible dans le Guadalquivir que ceux de 1602. Ils n’en dépassent pas moins, avec 69 unités, 17 527 toneladas (19 279,7 tonneaux), substantiellement la moyenne médiane correspondante de treize ans (110,75 %) mais surtout, puisque les Allers de 1603 n’ont pu épuiser les Retours de 1602 (63 navires, 16 292 toneladas à l’Aller, face à 89 navires et 25 377 toneladas pour les Retours de 1602, alors que le rapport normal qui prévaut en un siècle et demi d’histoire de la Carrière des Indes est un rapport inverse), un volant de Retours excédentaires se sera constitué (d’autant plus qu'il est structurellement normal que les Allers soient excédentaires dans le rapport de 57 % à 43 % du total).
197En 1604, le négoce dispose d’une masse considérable de navires. Entre 1602 et 1603, une masse insolite, 158 bateaux, 40 904 toneladas, sont rentrés au port (il s’agit de la masse la plus considérable jamais rentrée depuis les origines de la Carrière des Indes, sur un laps de temps de deux années consécutives, égalée, voire légèrement dépassée, deux fois, seulement, en 1595-1596 et en 1586-1587). Il y a effondrement conjoncturel du trafic, dans la mesure où cette masse n’est pas contrebalancée par les Allers des deux années correspondantes, 1603 et 1604, soit 130 navires et 34 329 toneladas. Elle ne le serait pas sensiblement mieux, si on incorporait la flotte avortée de Francisco del Corral y Toledo, soit 145 navires et 39 329 toneladas. Alors qu’en conjoncture moyenne, en faisant intervenir les rapports normaux, on pourrait s’attendre à 200-220 navires, au moins, totalisant 50 000 toneladas, environ.
198L’évolution des tonnages unitaires est plus probante encore. Le tonnage unitaire moyen des navires au Retour est, on l’a vu bien souvent, structurellement plus fort que celui des Allers. Dans le cadre du cycle 1593-1604, le tonnage unitaire moyen est de 201,4 toneladas à l’Aller, de 237,5 toneladas au Retour ; de 1605 à 1613, 229,16 toneladas, à l’Aller et 258,4 toneladas au Retour. Ici, une fois de plus, le rapport est inversé ; au Retour pour la période 1602-1603 : 258,8 toneladas, à l’Aller, 264 toneladas (sans la flotte fantôme Francisco del Corral y Toledo), voire 271,2 toneladas, si on incorpore aux Allers la flotte del Corral y Toledo détruite au port. L’observation valait déjà, l’année précédente. Bien qu’on soit en période de tonnage unitaire, rapidement croissant, le décalage d’un an du terme de comparaison Aller par rapport au terme Retour ne suffit pas à atténuer une anomalie dont on ne saurait trop souligner l’importance. Le choix, — il s’effectue toujours au profit des gros navires et au détriment des petits —, au lieu de s’exercer, aux Indes, avant le voyage de retour en direction de l’Espagne, sera exercé à l’Aller, en Espagne, avant le départ pour les Indes. Un tel comportement, tout à fait inhabituel, montre qu’il y a, en 1604, comme en 1603, excès de l’offre d’armement et défaillance dans la demande du négoce. Signe irrécusable d’une crise imputable au négoce.
2. La structure du trafic
199Cette crise, l’analyse de la structure du trafic la fera apparaître.
200a. Chronologie. — Trafic médiocre à rythme lent. Le trafic de l’année 1604 n’est pas sans présenter quelques analogies avec celui de 1603, de 1602.
201Les départs de 1603 avaient été massés, dans la première partie de l’année : armada et demi-flotte de Terre Ferme, parties, de Cádiz, le 5 mars165, armada y flota de Nouvelle Espagne partie de Cádiz, encore, le 29 juin. Il faudra plus d’un an pour qu’une vraie flotte se forme et prenne la mer. Juan Gutierrez de Garibay ne quitte pas Cádiz avant le 4 juillet 1604166. Dans l’intervalle, hormis quelques « sueltos et négriers », particulièrement peu nombreux en 1603167, quatre seulement, hormis 3 avisos et les 3 sueltos du premier semestre 1604168 (au total, 10 navires, 1 020 toneladas, en un an, au départ), la seule sortie en groupe est celle, tout à fait régulière, de l'Armada, service-public, de la Guardia de la Carrera de las Indias, sous le commandement de Don Luis Fernández de Cordoba169, au début d’avril (date vraisemblable du départ que l’on peut déduire, de la date certaine d’arrivée à Porto Belo : 21 juin 1604).
202Les chiffres diront éloquemment la médiocrité du trafic. Tout ce que l’on retiendra, c’est la médiocrité de l'Armada, 6 galions, 3 pataches, 3 327 toneladas, seul viatique, pratiquement, reçu, en deux ans, par la Terre Ferme.
203Cette chronologie est lourde de signification. Elle montre qu’en un an malgré le formidable coup d’épaule des Retours du 1er janvier 1604, la Carrière des Indes n’a rien mis sur pied. Beaucoup plus grave, elle jette un doute sur la solidité du projet de flotte de Terre Ferme. Étant donné la date de départ (5 juillet, seulement) de la flotte de Nouvelle Espagne, on peut presque douter des possibilités de départ de la flotte de Don Francisco del Corral, en août certainement pas, à l’automne, mais, de toute manière, tardivement et à l’extrême rigueur.
204b. La Terre Ferme. — Quelle sera, une fois encore, la part respective des deux axes fondamentaux du trafic ? La conjoncture de 1603 semble avoir résulté d’une défaillance générale170 bien que, malgré certaines apparences, la zone la plus touchée reste, en 1603, comme dans toute cette période, la Terre Ferme, à la différence de 1602, où la Terre Ferme constituait bien sans hésitation, par prédilection, la grande zone malade.
2051604 se rapproche, sous cet angle, plus encore, de 1602 que de 1603. A l’Aller, le trafic de la Terre Ferme, 19 navires, 4 567 toneladas atteint le niveau le plus faible, depuis 1595, pour le tonnage, depuis 1587, pour le mouvement unitaire. Défalcation faite, bien entendu, de La flotte fantôme de Don Francisco del Corral y Toledo. Cette défaillance est d’autant plus significative qu’elle vient, on s’en souvient, s’ajouter, au grand silence de la Terre Ferme, au cours des précédentes années, depuis 1601, bien mal colmaté par la demi-flotte de Hierónimo de Torres y Portugal en 1603171.
206La Terre Ferme ne recevra, finalement, qu’une armada de la guardia plus médiocre, encore, que celle de 1603 : 6 galions, 3 147 toneladas, 3 pataches, 180 toneladas, au total 9 unités et 3 327 toneladas contre 3 447 toneladas, un galion de plus, 1 80 et 3 807 toneladas en 1603, un peu plus forts qu'on 1602 (3 176 toneladas), mais plus faible qu’en 1601 (3 787 toneladas). La différence dix navires, quelques douze cents toneladas, est assurée, par une simple broutille, sans grande signification économique.
207La défaillance des Allers — on se borne à prendre en considération bascula navires effectivement partis ou arrivés — aura été totale. Compte tenu de l’effet cumulatif d’une démission survenue après trois années pleines d’absentéisme consécutif, sur cette ligne172.
208Reste, bien sûr, la question de la flotte Don Francisco del Corral y Toledo173 qui prise en considération, aurait amené les Allers de Terre Ferme174 à un niveau inférieur à celui de la Nouvelle-Espagne, certes, mais relativement correct, au sein, toutefois, d’une série déprimée.
209Or, la chronologie de l’année175 invite à considérer l’événement avec beaucoup de méfiance. Selon l’expérience des années encadrantes, tant en 1601 qu’en 1603, ou en 1605, le convoi marchand de Terre Ferme, quelle que soit sa dimension, quand il a été autre chose qu’un projet, aura précédé la flotte de Nouvelle Espagne, ayant lieu tantôt en même temps et sous la protection de l'Armada de la guardia, — c’est le cas de la demi-flotte avortée de 1603 — tantôt un peu après elle en 1601 et en 1602 par exemple. Il eût pu en être de même encore, en 1604, en admettant comme certaines apparences le laisseraient croire, que la Carrera avait, cette année là, la ferme intention d’une flotte de Terre Ferme.
210La flotte précédente de Nouvelle Espagne était sortie de Cádiz le 29 juin 1603, la demi-flotte de Terre Ferme, le 5 mars, quatre mois plus tôt. En 1604, il en va tout autrement. C’est la précaution prise de préparer, d’abord, une flotte de Nouvelle Espagne, c’est la non-utilisation, au début d’avril 1604, du départ régulier de l'Armada de la Guardia pour accompagner la flotte de Terre Ferme, — tous ces indices laissent à supposer que les intentions du négoce étaient restées, en ce qui concerne l’approvisionnement de la Terre Ferme par flotte, extrêmement floues. On ajoutera la lenteur des préparatifs d’une grosse flotte de Nouvelle Espagne, la flotte de Terre Ferme est, peut-être, restée, pour 1604, dans le domaine des restrictions de conscience subordonnées à l’arrivée de bonnes nouvelles qui ne seraient peut-être pas vaines. Et l’incendie176 aura aidé, tout simplement, à réaliser un vœu latent non exprimé, le rejet à l’année prochaine. Les documents, sans doute, font défaut, mais une forte présomption demeure en faveur d’une dépression conjoncturelle particulièrement axée sur la Terre Ferme, atteinte d’une manière préférentielle.
211Une chose, de toute manière, est certaine, la flotte Francisco del Corral y Toledo assignée à 1604, il serait impossible d’imputer à 1605 une nouvelle flotte Francisco del Corral y Toledo — puisque reconstituée, réparée, reformée, prolongée, elle n’est que le projet de 1604. Dans ce cas, 1605 se retrouverait, quant à la Terre Ferme, dans une situation pire que 1604.
212C’est, d’abord, au tout premier chef, le brusque retournement de la conjoncture de Terre Ferme qui est responsable de l’accident du creux du trafic Allers en 1604, comme il est responsable, d’une manière plus large, de tout le creux qui se profile sur les mouvements globaux, entre les termes de 1601 et de 1608.
213c. La Nouvelle Espagne. — La situation du trafic avec la Nouvelle Espagne, par contre, est sensiblement différente. Par rapport au creux qui atteignait, même, le secteur abrité de la Nouvelle Espagne, en 1603, il y a, en 160-1, plus que doublement du trafic, dans cette direction, de 1603 à 1604177 De 21 navires à 42 navires, de 6 015 toneladas à 12 850 toneladas, avec augmentation proportionnellement très forte du tonnage unitaire.
214Ce bond en avant ne doit pourtant, pas faire trop illusion. Il implique très simplement, le retour à la normale ou à une presque normale : 42 navires, 12 850 toneladas, contre 55 navires et 13 665 toneladas en 1602, 47 navires et 12 160 toneladas en 1601, 70 navires et 14 855 toneladas, 53 navires et 14 755 toneladas en 1600 et 1599.
215Pourtant, la composition du trafic en direction de la Nouvelle Espagne rappelle assez celle des bonnes années : 32 navires, 11 510 toneladas, dont 23 navires et 8 530 toneladas pour Séville, 9 et 2 980 toneladas pour Cádiz (dont trois navires à destinations multiples178 et un petit qui s’arrête à Puerto-Rico179), constituent la flotte de Nouvelle Espagne. Là-dessus. 11 000 toneladas au moins, sont bien au service des différents éléments qui constituent l’espace nouvel-espagnol... le reste, un peu moins du dixième de l’ensemble, un peu plus de 1 000 toneladas, est formé par des éléments de deuxième plan, sueltos et négriers.
216Le convoi de Juan Gutierrez de Garibay fait très belle figure, à côté de la flotte dérisoire de Don Fulgencio de Menesse et Juan de Portu, de moitié inférieure : 22 navires et 6 268 toneladas ; 5 468 toneladas, seulement, si on se limite aux seuls ports de la Nouvelle Espagne. Il peut s’aligner sensiblement, par contre, avec la flotte d’Alonso Chaves Galindo, partie le 15 juin 1602 encore qu’un peu inférieure (32 navires au lieu de 47, 11 510 ou 11 000 toneladas au lieu de 12 591 toneladas), un peu supérieure, même, à la flotte précédente de Juan Gutierrez de Garibay celle de 1601 (35 à 33 navires, 10 595 à 10 460 toneladas). Le précédent convoi de Gutierrez de Garibay — on s’empressera de le rappeler — avait été précédé de peu par l’énorme convoi combiné de Faxardo Corral y Toledo, avec ses 14 000 toneladas. La position du trafic de Nouvelle Espagne apparaîtra donc, en 1604, à mi-chemin entre la situation brillante des années 1601-1602 et la situation catastrophique de 1603, plus proche des premières, toutefois, que de la dernière. Sous l’angle du trafic avec la Nouvelle Espagne, du moins, il y aurait déjà quelques signe ? non équivoques de reprise. Le point le plus bas semble dépassé, pour un peu de temps, du moins.
217On peut d’autant plus faire fond sur ces données, qu’un laps de temps normal sépare la seconde flotte Garibay, un peu plus d’un an, du précédent convoi destiné à la Nouvelle Espagne, de même qu’un peu plus d’un an plus tard, une nouvelle flotte, celle d’Alonso de Chaves Galindo180 sera à meme de prendre la mer, dans la même direction.
218La situation, en 1604, sur l’axe nouvel-espagnol, le volant stabilisateur du trafic, à ce moment, n’est pas encore tout à fait normal, elle n’en reprend pas moins sa marche vers la normale.
3. Ventilation interne du trafic. — Valeurs et prix
219Mais la Nouvelle Espagne, est-ce tout le trafic ? Si elle l’emporte alors par le volume des échanges, il n’en va pas de même, pour les valeurs.
220a. Ventilation interne du mouvement au départ. — La répartition entre les différents secteurs du complexe portuaire rappelle la médiocre portée de quelques gains plus apparents que réels ces gains sont largement compensés et contrebalancés par ailleurs.
221Entre 1603 et 1604181, il y a, selon toute apparence, brusque prolifération des négriers : de 4 unités et 580 toneladas à 20 navires et 2 610 toneladas, soit, pratiquement, quintuplement. Quel que soit le terme de référence choisi pour les globaux — avec ou sans la flotte avortée —, la proportion de l’élément faible du trafic à l’ensemble s’est accrue, elle s’est tout simplement rapprochée d’une normale dont elle s’était en 1603, beaucoup éloignée. De 3 % du trafic en 1603, les négriers représentent maintenant, soit 11 %, soit 15 %, selon que l’on compte, ou non, dans le total, la flotte avortée de Terre-Ferme. On est, pratiquement revenu, sur ce point, à la normale (13,06 % du tonnage négrier, de 1593 à 1604, 14,9 % de 1600 à 1604).
222Le volume des armadas est sensiblement étale, en très légère baisse, de 1603 à 1604 (de 10 à 6 navires, de 3 627 à 3 327 toneladas), mais sa composition est rigoureusement identique. Il s’agit d’une Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, partie à la même date, en 1603 et en 1604, et dont la destination, le rôle, la signification économique doivent être très proches.
223L’augmentation de la proportion des négriers au total a fourni une première présomption défavorable, une seconde, — il s’agit, un peu, du négatif du premier signe — est donnée par le trafic clef de la navigation des navires marchands de Séville.
224Si on comptait la flotte fantôme de Don Francisco del Corral y Toledo, il y aurait un léger accroissement du tonnage (de 12 085 toneladas en 1603, 12 070 toneladas en 1602, à 14 200 toneladas en 1604), de l’ordre de 15 %, sinon du mouvement unitaire (de 49 bateaux en 1603, à 47 navires en 1604). Mais, si on l’élimine, comme il faut le faire, la chute est brutale. De 46 navires et 49 navires, de 12 070 à 12 085 toneladas en 1602, et 1603, on passera à 32 unités et 9 200 toneladas en 1604, soit un incontestable reflux d’un quart, par rapport à une moyenne déjà médiocre sur deux ans. Il faudrait, pour retrouver un niveau aussi bas, sur la ligne essentielle du trafic à l’Aller, remonter jusqu’en 1598 pour le tonnage, jusqu’en 1587 pour le mouvement unitaire. Cette grosse défaillance doit être prise, naturellement, très au sérieux, puisqu’elle affecte une ligne essentielle du trafic. Elle aboutit, en ce qui concerne, du moins, les navires marchands en convoi de Séville, à placer 1604 en position d’infériorité vis-à-vis de 1603 dont on a vu, pourtant, longuement, la médiocrité182.
225Cet effet est, en partie, contrebalancé par la réapparition des Caditains, à un fort niveau : 9 navires, 2 950 toneladas, contre une absence totale en 1603, soit un niveau double de 1602 (5 navires, 1 460 toneladas), supérieur à 1601 encore, (8 navires, 2 650 toneladas). Tout au cours du cycle, le niveau caditain de 1604 n’aura été dépassé que cinq fois, en 1600, 1597, 1596, 1594 et 1593.
226Etant donné la nature du trafic marchand de Cádiz, le seul que l’on puisse aligner presque sur le trafic marchand de Séville, 1604 arrive, ainsi, à égaler, approximativement, celui de 1603. En 1603, 49 navires et 12 085 toneladas, 41 unités et 12 150 toneladas en 1604, Cádiz compense la défaillance de Séville.
227Qu’est-ce à dire, si ce n’est que l’extrême marasme de 1603 se prolonge en 1604 ? Il est difficile d’établir une hiérarchie entre les deux années. Elles participent à une longue et même disgrâce, étalée sur deux ans, mais dont les répercussions se feront longtemps sentir.
228b. Les Valeurs. — Cette disgrâce est bien corroborée, autant qu’on en puisse juger, par les indications du mouvement valeur183. L'avería nous fait défaut. L’almojarifazgo de la Vera Cruz est probant, pourtant, il laisserait à penser une réduction des valeurs de moitié184, malgré un doublement du volume dans le même temps185. 1604 donnerait, en conséquence, une dépression qualitative particulièrement bien marquée. D’autant plus marquée, que nous n’avons pas, en 1604, les mêmes raisons qu’en 1603 de nous méfier de la fiscalité... On ne trouve pas, notamment, ce quasi signe clinique d’une fraude exceptionnellement importante, le départ des registres après coup.
229En présence de données, quand même, assez vagues, on peut, tout au plus, penser que, sur l’axe du trafic de Nouvelle Espagne, le creux aura été vigoureusement marqué, deux années consécutives. En 1603, creux surtout quantitatif, en 1604, un creux qualitatif, en raison d’un triage des exportations entre les deux années, selon un schéma bien connu.
230c. Les prix. — Le prolongement du marasme ne peut surprendre. Il est conforme à la leçon des prix en Espagne. En effet, si les prix décollent en 1504, par rapport à 1603186 (sur les indices les plus généraux, de l’indice 138,70 à l’indice 140,38, en pourcentage à la moyenne, de 102,18 % à 103,02 % ; sur la série andalouse, de l’indice 93,68 à l’indice 99,23... et partout, ainsi, mais d’une manière moins prononcée, sauf à Valence), l’action tonique de cette reprise hésitante ne peut se faire sentir immédiatement. Tout au plus, ajoute-t-elle une difficulté supplémentaire à tant d’autres difficultés, suivant le schéma, maintes fois, employé.
231Et, tout compte fait, malgré certaines apparences de 1605, ce n’est pas encore le moment d’une reprise. Elle se manifestera seulement — avec quelle puissance187 — au cours des années triomphantes de 1608 à 1610. Mais cela nous conduit vers une toute autre période : le cycle de l’apogée des volumes et du retournement de la tendance.
Notes de bas de page
1 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et t. VII, p. 52-53. Au cours de ces six années, les chiffres vrais du trafic Allers restent toujours en dessous du trend 86,43 %, 63,8 %, 89,80 %, 96,76 %, 81,54 %, 35,88 %.
2 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
3 Cf. ci-dessous, p. 1112-1113.
4 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
5 38,83 %, pour le cycle 1593-1604, 42 % pour la fluctuation primaire 1600-1604, 43 % pour l’ensemble 1504-1650.
6 23,417, 9 toneladas, 25 612,4 et 22 638,2 toneladas, contre 21 970 toneladas en 1602.
7 14 906 toneladas au lieu de 21 970 toneladas.
8 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
9 Cf. ci-dessus, p. 1109-1110.
10 Cf. ci-dessus, p. 1094-1098.
11 Soit 89 navires contre 101 en 1593, mais 25 377 toneladas et, selon notre hypothèse, 27 919,7 tonneaux contre 25 397 tonneaux.
12 Parce que sur une série courte de 28 navires, seulement.
13 Cf. ci-dessus, p. 1074.
14 Plus proche des points hauts, 18 013,5 toneladas (moyenne 1599-1600) et 21 082,5 toneladas (moyenne 1595-1596) que des points bas : 9 371,5 toneladas (1591-1592), 9703,5 toneladas (1593-1594), 12 335 toneladas (1597-1598) et 8 698,5 toneladas (1603-1604).
15 Cf. t. IV, p. 112-121, et 144-151.
16 Cf. ci-dessus, p. 301,615, etc.
17 Elle s’établit tant a priori qu’a posteriori, par déduction que par induction sur les courbes.
18 Cf. ci-dessus, p. 1092-1112.
19 Cf. t. IV, p. 144-151.
20 Cf. ci-dessus, p. 1080.
21 39 106,4 toneladas pour la fluctuation 1600-1604 ; 35 116 toneladas pour le creux médian 1598-1599 ; 37 966,26 toneladas pour la fluctuation délimitée de 1598 à 1604, 38 724,2 toneladas pour la première fluctuation 1593-1597 et 38 281,6 toneladas pour l’ensemble du cycle 1592-1604.
22 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
23 Cf. t. IV, p. 134-141.
24 Ibid., p. 116 sq. et ci-dessus p. 214.
25 Cf. t. IV, p. 134-135.
26 Ibid., p. 144-153.
27 Ibid., p. 150, notes 1 et 2 ; p. 151, note 24.
28 Ibid., p. 141, note 14,
29 Ibid., p. 134-135.
30 Ibid., p. 154-155.
31 Ibid., p. 112-133.
32 Ibid., p. 134-135, navires nos 6, 7 et 8.
33 Ibid., navire no 5.
34 Cf. t. IV, p. 134135, navires nos 6, 7 et 8.
35 Compte tenu des négriers, des avisos…, la Terre Ferme aura reçu, au total, 30 navires, 5 955 toneladas contre 55 navires et 13 665 toneladas à k Nouvelle Espagne, au minimum (sans doute, même, en y incluant les 3 canariens qui lui sont assez vraisemblablement destinés, 53 navires et 13 965 toneladas cf. (t. VI1, tables 166, 167, p. 365-366). L’infériorité quantitative se double, donc, ici, d'une infériorité qualitative, puisque les tonnages unitaires moyens sont, respectivement, sur les deux axes de 1985, toneladas Terre (Ferme) et 248,5 toneladas (Nouvelle Espagne).
36 Cf. t. IV, p. 112.
37 Ibid,. p. 154.
38 Cf. ci-dessus, p. 1101-1104.
39 Cf. t. IV, p. 134-139.
40 Cf. ci-dessus, p. 1102.
41 Cf. t. IV, p. 134-139.
42 Cf. ci-dessus, p. 1038-1090.
43 Cf. t. VI1, table 184, p. 392.
44 Cf. ci-dessus, p. 1116.
45 Cf. ci-dessus, p. 1104-1105.
46 Cf. ci-dessus, p. 1110-1111.
47 Cf. t. VI1, tables 226-227, p. 471-473.
48 Cf. ci-dessus, p. 1120.
49 Cf. ci-dessus, p. 902-903, 1035-1037, 1072-1073, 1106.
50 Cf. t. IV, p. 150 à 153.
51 Ibid., p. 157.
52 Cf. surtout la période 1590-1592.
53 Cf. ci-dessus, p. 808-840.
54 Cf. ci-dessus, p. 1062-1065.
55 Cf. t. IV, p. 142, note 42.
56 Cf. t. VI2, tables 610-611, p. 870-871.
57 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403.
58 Ibid., p. 215.
59 Ibid., p. 392.
60 Cf. ci-dessus, p. 1090-1091, 1107-1103.
61 Cf. ci-dessus, p. 1056-1068.
62 Cf. ci-dessous, p. 1143-1157 et t. IV, p. 158 et 176.
63 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
64 Cf. ci-dessus, p. 1111-1113.
65 Cf. ci-dessus, p. 1110-1111.
66 Cf. ci-dessus, p. 995-997. 1102-1104.
67 117 bateaux et 15 280 toneladas en 1592, 123 navires et 15 060 toneladas en 1595.
68 Il n’est pas compensé, d’ailleurs, comme l’était 1592, surtout, par un comportement original et contradictoire du mouvement-valeur. Cf. ci-dessus, p. 821-826 et t. VI1, tables 226-227, p. 471-473.
69 Cf. ci-dessus, p. 821-840.
70 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363 ; t. VII, p. 52-53.
71 Exclusion étant faite, pour des raisons susmentionnées (cf. ci-dessus, p. 996), de l’accident de 1595.
72 Cf. ci-dessus, p. 1125.
73 On comparera, à titre de rappel, les tonnages unitaires moyens à l’Aller et au Retour à l'intérieur du cycle 1593-1604 :
74 Cf. ci-dessus, p. 1351-1352,1037-1038.
75 Cf. ci-dessous, p. 1143-1158, 1189-1210.
76 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
77 10,47 % (cf. ci-dessous, p. 1147), sur lequel il y a pas mal à dire. L'écart doit être critiqué, étant donné la chronologie des Retours de 1604-1605, il vaudrait mieux substituer un 75 % sur deux ans, 1604 et 1605, soit un écart négatif biennal de 25 %.
78 Cf. t. IV, p. 144-146 ; 162-164.
79 Soit, sans doute, au début mars (t. IV, p. 154)
80 Cf. ci-dessous, p. 1146-1148, 1150.
81 On peut exclure 1594 (cf. ci-dessous, p. 979) dont on a vu le caractère purement artificiel du creux en Allers et retours, puisqu’il résulte, pour l’essentiel, d’un caprice de l’écoulement des Retours.
82 Cf. ci-dessus, p. 1114.
83 Cf. ci-dessus, p. 1127.
84 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
85 Cf. ci-dessus, p. 1126-1129.
86 Cf. ci-dessous, p. 1148, 1211-1212.
87 Cf. ci-dessus, p. 1112.
88 Cf. ci-dessus, p. 1110,1115-1117.
89 Cf. t. IV, p. 162.
90 Cf. t. IV, p. 156.
91 Cf. en guise de termes de référence à l’intérieur du cycle 1593-1604, ci-dessus, p. 1127, note 1.
92 Cf. ci-dessus, p. 1114-1118.
93 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.
94 Cf. t. IV, p. 112 sq.
95 Cf. ci-dessus, p. 1101-1103, 1117.
96 Cf. t. IV, p. 135-136 et ci-dessus, p. 1117.
97 Cf. t. IV, p. 134-135.
98 Cf. t. IV, p. 112-115 et p. 144-147.
99 Cf. ci-dessus, p. 1108-1109 et p. 1118. Cf. t. IV, p. 116-119, p. 134-139.
100 Cf. t. IV, p. 158, note 1.
101 On n’en a pas, et pour cause, la preuve documentaire dans le cas présent, en raison de la pénurie documentaire déjà signalée, mais on peut, sans risque, les induire de situations analogues.
102 Cf. t. IV, p. 154-155.
103 Cf. t. I, p. 313 sq. Trois tonnages sur seize : le risque de distorsion est infime.
104 Cf. t. IV, p. 112-119 et ci-dessus, p. 1101-1102.
105 Cf. t. IV, p. 154-157.
106 Ibid., p. 112-117.
107 C’est la raison pour laquelle nous avons toujours fait entrer dans nos calculs, le tonnage des armadas et naturellement, au tout premier chef et sans hésiter, le tonnage des Armadas de la Guardia (cf. notamment t. VI1, table 167, p. 366) ; avec 28 navires 8 607 toneladas qui sont portes en direction de Terre Ferme, le chiffre de 1 603 incorpore l'armada en plus de la flotte.
108 Cf. t. IV, p. 156-157.
109 Ibid., navire no 17, le N.S. de la Concepciôn de Juan Diaz de Aguiar.
110 D après t. VI1, table 167, p. 366, 68 navires, 19 432 toneladas en 1601, 30 navires 5955 toneladas en 1602, 23 navires, 8 607 toneladas en 1603.
111 Cf. t. IV, p. 158-159, note 1.
112 Cf. ci-dessus, p. 871-875.
113 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
114 Cf. ci-dessus, p. 1058-1052, 1087, 1101-1104, 1117-1119.
115 Cf. ci-desuis, p. 1038-1052.
116 Cf. t. IV, p. 156-157.
117 Ibid., navires no° 37 à 39.
118 Cf. t. IV, p. 158-159, navire no 12.
119 Ibid., navire no 43.
120 Ibid., navire no 44.
121 Ibid., p. 131
122 Cf. ci-dessus, p. 1099-1104.
123 Cf. t. IV, p. 158 et 159 ; cf. les avisos N.S. de la Vitoria et N.S. de la Regla, patach de Cristobal Guerra et Roque Lara.
124 Cf. t. I, p.99 à l02.
125 Cf. t. IV, p. 160, note 16.
126 Cf. ci-dessus p. 1134-1135.
127 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
128 Cf. ci-dessous, p. 1143-1158.
129 Cf. ci-dessus, p. 1110-1111.
130 T. VII, p. 72-73.
131 Cf. t. VI1, tables 226-227, p. 471-473.
132 Cf. ci-dessus, p. 1139-1140.
133 Cf. ci-dessus, p. 1133-1138.
134 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
135 En 1602, par contre, les 30 unités et 5 955 toneladas allant en Terre Ferme étaient formées uniquement par des navires d'armada ou des négriers.
136 Cf. ci-dessus, p. 1133-1136.
137 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, t. VII, p. 52-53, et E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 403.
138 Ibid., p. 34-35.
139 Cf. ci-dessus, p. 900-919.
140 Avec, en pesos à 450 maravedís : 24 403 328 (1601-1605) bien en creux entre les 35 184 862,5 (1591-1595) et les 34 428 500,5 (1596-1600) d’une part et les 31 405 307,0 (1606-1610), 24 528 120,5 (1611-1615), 30 112 460,0 (1616-1620), 27 010 678,5 (1621-1625), 24 954 526,5 (1626-1630) d’autre part.
141 Cf. ci-dessous p.1149-1157.
142 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
143 Cf. ci-dessous p. 1202-1204, 1213-1220.
144 Cf. t. VI1, table 132, p. 330.
145 Cf. t. II à V.
146 Cf. tables 230 à 543, p. 487-687.
147 Cf. t. IV, p. 184.
148 On est, une fois de plus entravé par la défaillance des séries principales de la correspondance de la Casa de la Contratación.
149 Encore que leur présence à Cádiz crée, dans ce sens, une très forte présomption.
150 A calculer en se reportant au niveau des moyennes mobiles médianes de treize ans, t. VI1, table 152, p. 349.
151 Cf. ci-dessus p. 1124-1142.
152 Cf. t. IV, p. 172-173 et p. 178-179.
153 T. IV, p. 172-173, 178-179 et t. VI1, table 132, p. 330.
154 C’est, on le verra, cette différence dans le niveau des Retours, qui conduit à préférer 1605 à 1604, comme point de départ d’une reprise conjoncturelle.
155 Cf. t. IV, p. 196-203 et t. VI1, table 135, p. 333.
156 Dans une autre combinaison (beaucoup plus artificielle), le système des moyennes accolées ferait apparaître un creux identique mais plus accusé :
157 Cf. ci-dessous p. 1191-1193.
158 De 1605 à 1607 (en toneladas, unités non pondérées, il est vrai), la moyenne des Allers est de 72 navires, 17 506,6 toneladas, seulement, contre 116,2 navires et 23 417,9 toneladas pour le cycle 1593-1604 et 141,12 navires et 23 193 toneladas pour le cycle 1605-1613, soit un niveau inférieur à celui des trois fluctuations primaires du cycle précédent ; 140,2 navires et 25,612,4 toneladas de 1593 à 1597,109 navires et 19 906 toneladas de 1598 à 1599, 92,5 navires et 22 628,2 toneladas de 1600 à 1604.
159 Cf. ci-dessous p. 1235-1251.
160 Cf. t. VI1, table 138 et 142, p. 336 et 340.
161 Cf. ci-dessus, p. 1144-1146.
162 Cf. ci-dessous, p. 1199-1202.
163 En réintroduisant la flotte fantôme Francisco del Corral y Toledo, on aurait une nouvelle variante, avec 130 navires et 37 388,2 toneladas en 1604.
164 Cf. ci-dessus p. 1130-1132.
165 Cf. t. IV, p. 154 et p. 156.
166 Ibid.,p. 170.
167 Ibid., p. 158-159, bateaux nos 50 à 53.
168 Ibid., p. 170-171, bateaux nos 1 à 6.
169 Cf. t. IV, p. 170-171, note 3.
170 Cf. ci-dessus p. 1124-1142.
171 Cf. ci-dessus p. 1133-1136.
172 Cf. t. VI1, tanles 107. p. 360.
173 Cf. t. IV, p. 172-173.
174 Cf. t. VI1, table 107, p. 360.
175 Cf. ci-dessus p. 1151-1152 et t. IV, p. 170-179
176 Cf. t. IV, p. 179-179. note 55.
177 Cf. t. VI1, table 166 et 167, p. 365-366.
178 Cf. t. IV, p. 172-173, navires nos 18, 22, 25.
179 Ibid., navire no 26.
180 Cf. t. IV, p. 186.
181 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 ; t. VII, p. 72-73.
182 Cf. ci-dessus p. 1124-1142.
183 Cf. t. VI, table 227, p. 473.
184 Moins de 275 millions de maravedís contre plus de 425 millions, l’année passée.
185 Cf. ci-dessus, p. 1154-1155.
186 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403 et 215, cf. t. VI1, table 164, p. 363.
187 Cf. ci-dessous p. 1252-1334.
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