Chapitre III. Le cycle de la révolution culminante des prix (1592-1604). Les débuts de la première fluctuation primaire (1593-1597) : de 1593 à 1595
p. 940-993
Texte intégral
1On ne peut qu’être frappé, de prime abord, par l’importance des liens qui, à certains égards, confondent, dans une atmosphère commune la dernière fluctuation primaire du cycle précédent et la première fluctuation primaire du présent cycle.
2Période de creux relatif, tout d’abord, les mouvements semi-décadaires l’indiquent clairement1 : 1591-1595 constitue le fond du creux sur les Allers, comme sur les Retours et, a fortiori, sur les globaux. Cette première fluctuation primaire doit être placée sous le signe d’une reprise, certes, — les chiffres le prouvent surabondamment — mais d’une reprise qui s’effectue dans une atmosphère de difficultés, qui prolonge tout au long de la période, l’atmosphère des années 1588-1592.
I. — CARACTÉRISTIQUES MAJEURES DU MOUVEMENT DE 1593 À 1597
3Les analogies entre 1593-1597 et 1588-1592 sont frappantes à plus d’un égard.
DÉSÉQUILIBRE DES RETOURS PAR RAPPORT AUX ALLERS
4L’importance du déséquilibre des Retours par rapport aux Allers est, tout d’abord, significative : la situation de 1592-1597 prolonge, dans ce domaine, la situation observée au cours de la fluctuation précédente.
1. Modalités. — Significations : crise de tonnage
5De 1593 à 1597, 701 navires partent, 313 seulement reviennent ; moins de la moitié, 30,8 % seulement du total. Le déséquilibre est un peu moins sensible, tout en restant extrêmement important, si on fait entrer en ligne de compte les tonnages : 128 062 toneladas à l’Aller, 65 559, seulement, aux Retours. Entendez que les Retours ne représentent que 51,2 % du tonnage des Allers et 33,85 % du tonnage total.
6a. La leçon des chiffres.
7Petits navires « al traves ». — Cette légère distorsion indique que ce sont les navires les plus petits, donc, les moins aptes aux exigences de la navigation en convois telle qu’elle se pratique désormais qui ont tendance à rester aux Indes. La marge est suffisante pour que la tendance du résultat ne puisse être faussée par une certaine possibilité de contrebande, sous forme de petits canariens qui, rentrant directement dans l’archipel, en contravention avec la loi, risqueraient de nous échapper.
8On aura, pour combler les énormes destructions des années 1587, 1588 et suivantes, fait appel à une foule de petits navires du dehors. Les navires étrangers à la Carrera sont de petits navires : cette règle est le simple négatif de cette autre règle, souvent avancée et souvent justifiée, de l’énormité, depuis le milieu du xvie siècle, du matériel employé dans la Carrière des Indes. Ces petits navires, souvent, de mauvaise qualité, — la correspondance de la Casa de la Contratación est pleine d’amertume à leur endroit — restent aux Indes, soit pour y être employés au cabotage —, leur faible tirant d’eau leur est, alors, un gain —, soit pour y être démolis et assurer, comme on l’a vu maintes fois, un utile approvisionnement des Indes en biens d'équipement difficiles à se procurer ; la comparaison du tonnage unitaire moyen des Allers et des Retours éclaire ce point de vue : 181,82 toneladas à l’Aller, 209,43 au Retour2.
9b. Unité de la période 1588-1597 par rapport aux périodes qui l’encadrent. — Or, en ce qui concerne les équilibres internes des Allers et des Retours à l’intérieur du mouvement, on ne peut qu’être sensible à l’unité de la période 1588-1597. De 1588 à 1592, en effet, lors de la dernière fluctuation primaire du cycle de l'Invincible Armada — est-il besoin de le rappeler ? — les proportions des Allers et des Retours étaient sensiblement les mêmes déjà, 570 départs, contre 276 Retours, seulement, un peu moins de la moitié, 103 419 toneladas contre 52 384 toneladas. Malgré un léger grossissement du tonnage unitaire au Retour, le tonnage des Retours ne représente, pratiquement, pas plus du tiers du total, 33,7 % contre 33,85 %, dans la période suivante. Le déficit en dix ans des Retours par rapport aux Allers est donc de l’ordre de 113 538 toneladas soit le tonnage de 682 unités.
10Ces chiffres seront utilement comparés au total des navires qui reviennent effectivement des Indes au cours de ces années : 589 unités, 117 943 toneladas. Utile sujet de méditation, également, la mise en regard du tonnage unitaire moyen, au cours de ces dix années, des navires qui bouclent le circuit et de ceux qui finiront leur vie aux Indes : le tonnage unitaire moyen des premiers s’élève à 202,2 toneladas, celui des navires de la seconde catégorie, 166,4 toneladas. Ce niveau exceptionnellement élevé de navires qui restent aux Indes, au cours de ce temps, long d’anomalie négative des Retours, prend toute sa valeur quand il est replacé dans l’encadrement des périodes qui le précèdent et qui le suivent.
11Dans toute la période 1572-1587, au contraire, le niveau Retour aura été exceptionnellement fort, au-dessus de la moyenne, de 1576, surtout, à 1587, les deux mouvements s’équilibrent sensiblement. Sur treize ans, on note 745 navires à l’Aller contre 764 navires au Retour, 204 931 toneladas, d’une part, contre 201 954,5 toneladas, d’autre part. Égalité du tonnage aussi, voire même avec une présomption en faveur d’un tonnage supérieur sur le chemin des Retours. Voilà qui laisse supposer une participation appréciable au cours de cette période, de la construction navale aux Indes. Plus, d’ailleurs, que l’idée d’une inégalité paradoxale dans le sens des Retours, c’est l’idée d’égalité qu’il faut retenir. L’emploi d’un matériel résistant et en bon état permet aux bateaux, de 1576 à 1587, d’effectuer une navigation Allers et retours normale. On invoquera, peut-être, plus hypothétiquement, une grande importance relative des transactions directes entre l’Espagne et l’Amérique qui l’emportent, peut-être, sur le trafic d’Inde en Inde. Enfin, une forte participation, sans conteste possible, toutefois, des Indes à la poussée des années 1584-1587, peut-être même, jusqu’à épuisement des stocks américains en navires de réserve disponibles.
12Entre la période 1576-1587 et la période 1588-1597, une sorte d’équilibre se sera établi, 1588-1597 répare, dans une large mesure, les effets d’une anomalie antérieure. N’a-t-on pas l’impression que les chantiers navals des Indes eux-mêmes ne peuvent bien travailler sans les produits de récupération que leur fournit la démolition des navires européens ? Un trafic équilibré, comme celui des douze années précédentes, exprimerait une sorte d’aisance de l’armement face à la demande du négoce, ou, du moins, la mise en service d’un matériel parfaitement adapté aux besoins et aux conditions du travail qui leur est demandé. Le déséquilibre qu’on note ici, de 1588 à 1597, traduit le malaise d’un armement désorganisé et contraint de mettre en service un matériel inadéquat.
13Au-delà de 1597, on revient à une situation progressivement plus normale. De 1598 à 1599, 218 navires à l’Aller, 119 au Retour, 39 812 toneladas à l’Aller et 30 420 toneladas au Retour, de 1600 à 1604, dans les mêmes conditions, 476 navires et 337 navires, 113 141 toneladas et 82 391 toneladas, soit, en tonnage, pour les Retours, 44,4 % du tonnage global et 42 % du mouvement unitaire. L’écart du tonnage unitaire moyen passe par un maximum de 1598 à 1599 (188,62 toneladas à l’Aller, 255,46 au Retour) revient à une position moins excentrique, de 1600 à 1604, soit 233,5 toneladas à l’Aller contre 260,7 toneladas aux Retours. L’écart entre le volume des Allers et celui des Retours tend à se restreindre encore, dans la grande poussée de 1605-1613, avec une proportion, pour les Retours, de 46,5 % du total3 et un écart normal entre le tonnage unitaire moyen des Allers et le tonnage unitaire moyen des Retours (229,16 toneladas, d’une part, 258,4, d’autre part, pour les Retours).
14La position des Allers et des Retours, dans le mouvement global de 1593 à 1597, incite donc à assimiler cette période à celle qui la précède. De 1588 à 1597, la Carrera baigne dans le drame d’une grave crise de tonnage, en partie accidentelle et qui ne se dissipe que lentement.
15Les marginaux du complexe portuaire constituent, tout compte fait, un bon poste d’observation pour l’étude de cette crise.
2. Crise de tonnage et navires canariens
16a. Modalités du trafic officiel canarien. — De cette situation on trouvera en effet, de nombreux indices. La répartition des départs au sein du complexe portuaire, notamment.
17Le fait que la Carrera reste largement ouverte au départ officiel des navires canariens4. L’apparition ou le départ des navires canariens5 constituent, on le sait, un signe conjoncturel de première valeur, dont l’interprétation n’est pas simple, pourtant. Le trafic canarien est essentiellement un appoint auquel on a recours, soit en période de pénurie de navires, en période d’insuffisance manifeste de l’armement, soit en période d’extrême poussée conjoncturelle, quand, sous l’action d’une extrême croissance de la demande indienne, les forces traditionnelles ne parviennent plus à faire face.
18Que les conditions se modifient, que le stock des navires à la disposition des ports du complexe sévillan-caditain s’accroisse, que la pression du négoce diminue et, contre l’archipel canarien, le barrage de Séville se reforme. Le barrage de Séville n’implique pas nécessairement, d’ailleurs, une exclusion totale. Le barrage semble toutefois beaucoup plus efficace au xvie siècle qu’il ne le sera plus tard au cours des années 20 et 30 du xviie siècle6 On peut donc, estimer, étant donné les silences relatifs de la correspondance de la Casa de la Contrataciôn toujours si anxieuse de défendre les intérêts du négoce monopoleur andalou, que l’exclusive quand elle est jetée, au xvie siècle, entre le commerce canarien est sensiblement mieux respectée qu’elle ne le sera, trente ou quarante années plus tard.
19b. Le problème du trafic canarien vis-à-vis de la Conjoncture. — Ces remarques, au demeurant, assez évidentes et déjà connues, permettent de situer les unes par rapport aux autres, les deux extrémités du cycle, la première et la dernière fluctuation primaire. Le trafic canarien est présent, de 1583 à 1596, puis de 1606 à 1628, mais en nette régression depuis 1619, sous l’effet du barrage de plus en plus efficace et de plus en plus obstiné de Séville.
20Il faut, évidemment, porter la présence des Canariens, de 1583 à 1586 et de 1606 à 1619, au compte d’une forte poussée conjoncturelle, obligeant Séville, impuissante à satisfaire les besoins des Indes, à accepter une aide redoutée. La grosse poussée canarienne, par contre, de 1593 à 1596, comme celle de 1588 à 1592, dont elle ne se sépare pas, 89 navires sur 570 départs (1588-1592), 105 navires sur 570 départs, de 1593 à 1596, est due, pour l’essentiel, à la pénurie de navires dans le Guadalquivir et à Cádiz. En 1597, quand la situation est jugée meilleure, la porte leur est fermée pour dix ans. Mais la proportion des Canariens à l’ensemble des départs de 1588 à 1596, 194 bateaux, 16 130 toneladas sur 1 140 bateaux et 204 283 toneladas pour l’ensemble des départs du complexe andalou canarien vers les Indes, n’en aura pas moins été exceptionnellement élevée, 17 % du nombre de navires, 7,9 % du tonnage. De telles proportions n’auront pratiquement jamais été atteintes sur une aussi longue période, soit, dix ans, sans désemparer.
LES NAVIRES
21Ce que l’on peut recueillir sur le matériel naval employé dans la Carrera corrobore assez bien le diagnostic tiré, tout à l’heure, de la proportion des Canariens.
1. Médiocrité du tonnage unitaire
22La période 1593-1597, — elle fait, sur ce point, le raccord entre la dépression 1588-1592 et la normale de plusieurs décades, — reste encore une époque de petits navires, malgré un retour rapide à un matériel plus important. Cette constatation prouve encore que les conséquences du drame de l'Invincible Armada ne sont pas abolies dans l’ordre, notamment, de l’armement.
23a. Un matériel de crise : situation inchangée par rapport aux années précédentes. — Le tonnage moyen des navires employés dans la Carrera au cours de la première fluctuation primaire (1593-1597) du cycle reste beaucoup plus proche du tonnage moyen des navires dans la dernière fluctuation primaire du cycle précédent (1588-1592) qu’il ne l’était avant 1588, mieux, avant 1583 ou après 1599. Le matériel employé reste encore un matériel de crise.
24Il convient de constater, il est vrai, que cette sérieuse réduction du tonnage unitaire correspond à l’apparition du trafic canarien. L’entrée en ligne de compte des navires canariens est loin d’expliquer tout entière cette réduction. Tout au plus, convient-il d’en tenir compte. L’admission, d’ailleurs, des navires canariens au trafic dans l’Atlantique peut être considérée comme le corollaire de l’appel général aux petits navires, moins bien adaptés, dans l’ensemble, aux exigences nouvelles du trafic, mais nécessaires pour faire face à des difficultés techniques passagères.
25On se rappelle quelle mutation7 du tonnage unitaire la crise de l'invincible et de la guerre hispano-anglaise a entraînée, par suite d’un gros appel à du matériel extérieur, donc plus petit. N’est-on pas passé brusquement d’un tonnage unitaire moyen de 256 toneladas de 1579 à 1587 (Allers et retours), au cours des deux premières fluctuations primaires du cycle de l’argent du Potosí avant la crise de l'Invincible, de 264,14 de 1572 à 1578, lors du cycle précédent du palier relatif, soit pratiquement sur dix-sept ans, de 1572 à 1587, au tonnage moyen de 265 toneladas, avec une pointe entre 1576 et 1583 (293 toneladas de 1576 à 1578, 279 toneladas de 1579 à 1583), à 183 toneladas de 1588 à 1592 et à 190,9 toneladas de 1593 à 15978, après être passé par le creux absolu des années 1590-1592 avec la moyenne de 163,5 toneladas9 ? Il est donc incontestable que le matériel de la première fluctuation primaire du cycle 1593-1604 reste le matériel de remplacement introduit en hâte dans la Carrera, au cours des années tragiques de 1587 à 1592.
26b. Retour aux niveaux anciens à partir de 159810.
27La dernière fluctuation primaire du cycle a renoué, par contre, avec les niveaux anciens : 244,3 toneladas11 (250 1/2 de 1584 à 1587). Compte tenu de la pondération, on peut considérer l’alignement comme virtuellement acquis. La consolidation se maintient au-delà, avec des tonnages unitaires moyens, en globaux Allers et retours, de 243,78 toneladas (1605-1613), 234,4 toneladas (1614-1622), de 288,3 toneladas (1623-1631). Au cours de la dernière fluctuation primaire du cycle 1593-1604, par conséquent, si toutes les séquelles de la crise « physique » du tonnage ne sont pas balayées, il n’en demeure pas moins que la Carrera a récupéré, en gros, la possession du matériel courant, depuis 1580, dans l’Atlantique. C’est donc entre 1597 et 1599, entre la première et la dernière fluctuation primaire que la mutation s’opère.
28C’est un peu, aussi, ce que confirment les tableaux sur les types de navires12. Parmi les types de bateaux pour lesquels on possède des données précises, on peut établir trois catégories, une catégorie des petits13, des moyens14 et des gros15. On obtiendra16, ainsi, les proportions suivantes : 25,8 % de gros navires de 1600 à 1604, contre 22,4 % de 1593 à 1597 et 25,2 % de 1598 à 1599. Cette évolution, notons-le, est parfaitement conforme aux indications qu’on peut recueillir par ailleurs. Elle éclaire l’évolution du tonnage unitaire.
2. Matériel étranger
29La proportion des navires étrangers fournit également des indices de prix.
30Les renseignements obtenus sur la provenance exacte du navire sont un peu trop capricieux pour qu’on puisse leur appliquer, avec grand profit les méthodes sérielles. Mais, on pourra, de toute manière, opposer, sur un point essentiel, les deux fluctuations primaires extrêmes du cycle. L’importance relative des navires « créoles » en provenance d’Amérique, très faible, apparemment, autant que les tables17 permettent d’en juger, au cours de la première fluctuation : beaucoup de navires étrangers mais européens, tandis que la dernière fluctuation — c’est normal, en raison de la remontée proportionnelle des Retours par rapport aux globaux — fait état d’une forte poussée, tout à coup, des navires créoles (32 repérés). Il est appréciable d’être à même, désormais, de vérifier des hypothèses qui ne pouvaient se parer, jusqu’ici, que d’un simple caractère de vraisemblance ou, tout au plus, bénéficier de fortes présomptions.
NAVIGATION : RYTHME, PERTES, VITESSES
31Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le rythme saccadé qu’on a vu s’établir sur le mouvement Retours, surtout, depuis 1587-1588, se poursuivra au cours de la première fluctuation du cycle 1593-1604.
1. Prolongement du rythme biennal et retour progressif au rythme régulier
32A très peu de choses près, il en va, sous cet angle, de la première fluctuation primaire du cycle 1593-1604 comme de la dernière fluctuation du cycle précédent ; un écoulement extrêmement irrégulier avec un niveau normal, seulement, une année sur deux : 1588, demi-retour, seulement, 1589, plein retour, 1590, pratiquement rien, 1591, niveau normal, 1592, rien, 1593, niveau normal, 1594, presque rien, 1595, niveau élevé, 1596, niveau presque normal, — et cela mérite d’être souligné, car c’est la première fois, depuis 1586-1587, que l’on a, deux années de suite, des retours normaux, — 1597, pratiquement rien.
33Face à cette situation, il y a, dans la deuxième moitié du cycle, retour à un écoulement qui n’est pas encore uniforme, certes, toutefois, plus régulier. 1599 et 1601 alternent avec 1598 et 1600, le rapport entre l’année creuse et l’année pleine, dans l’ordre, avant, du simple au décuple, se situe, désormais, dans l’ordre plus rassurant du simple au triple. 1602 et 1603, deux niveaux pleins, puis 1604, nouveau et dernier point effondré (16 unités, 1870 toneladas). Il n’y aura plus, sur les Retours, de chiffres inférieurs à 10 000 toneladas, avant 1628. Une fois de plus, on assiste, sous un angle bien précis, à la liquidation d’une situation héritée de la guerre et de la double ponction des attaques directes anglaises et de la saignée de l'Invincible Armada. Pénurie des navires et incidence militaire ont empêché, de 1587 à 1604, l’écoulement du mouvement Retours de s’effectuer normalement et régulièrement, sans à-coups autres que de conjoncture économique, comme de 1560 à 1586 et de 1604 à 1628. De 1587 à 1604, toutefois, deux périodes : de 1587 à 1598, rythme purement biennal, de 1598 à 1604, atténuation du creux biennal et retour progressif à un niveau presque régulier et normal d’écoulement.
34Une fois de plus, on retrouvera l’opposition entre les deux fluctuations primaires initiale et terminale du cycle : les années 1593-1597 font corps, en tous points, avec la période précédente 1588-1592. La décade 1588-1597 est donc, finalement, très homogène. Par suite de la pression que les opérations militaires font peser sur la circulation maritime, plus peut-être, encore par suite de la difficulté à se procurer des navires, la navigation prend cette texture granuleuse, sur l’axe des Retours, si caractéristique de cette période difficile. Mais l’irrégularité des Retours finit par peser, naturellement, sur la structure des Allers et, par ricochet, des Allers et retours. L’approvisionnement irrégulier du Guadalquivir en navires de retour des Indes s’ajoute à d’autres facteurs jouant dans le même sens, au départ, pour empêcher la constitution d’un flot continu. C’est ainsi que la structure granuleuse des Retours finit par s’imposer à l’ensemble du trafic.
35On comprend ainsi l’abondance extraordinaire des points de rebroussement — vrais ou faux, on l’a vu, quatre en Allers et en Allers et retours, cinq en Retours —, la difficile lecture d’un mouvement cyclique masqué, mieux, brouillé par ces vibrations, extérieures, en partie, à la dynamique économique. Ainsi, la première fluctuation 1593-1597, solidaire de la décade 1588-1597, s’oppose à la fluctuation suivante qui ramènera le trafic à une situation normale, dirons-nous, une situation qui ne sera plus commandée par le goulot d’étranglement du stock global des navires.
2. Pertes et Vitesses
36Le tribut payé par les navires à la mer et à la guerre18 — mais les deux vont de pair, la mer est cruelle, car la guerre a éliminé les meilleurs navires et imposé aux autres une surcharge excessive — est plus élevé durant la première partie du cycle que durant la seconde. Là encore, il y a beaucoup de points de contact avec la dernière partie du cycle précédent. La décade 1588-1597, pour des raisons évidentes et déjà exposées19, est une phase de pertes particulièrement lourdes.
37Période de pertes sensibles et, peut-être, en raison du matériel inadéquat et des difficultés de son utilisation, période de relative lenteur20 des convois.
CONJONCTURE ET GRANDS AXES DU MOUVEMENT
38Pour achever de situer dans son contexte la période 1593-1597, il importe de reconnaître dans quelle mesure les grands axes du mouvement participent à sa prospérité. 1593-1597, comme d’ailleurs, l’ensemble du cycle 1593-1604, constitue une période de transition.
1. Les îles
39Il y aurait lente, mais certaine reprise des îles. Depuis le contre-coup de la colonisation du Continent et l’énorme dépression du trafic avec les îles, dont le point bas se situe au cours des années 7021, un trafic médiocre, certes, et relativement constant, à tendance à se reconstituer sur cet axe jadis si important de l’Atlantique de Séville.
40On peut suivre la reprise à long terme, en comparant le pourcentage en tonnage, du trafic des îles, depuis les années 70 jusqu’au cycle record 1605-1613. En Allers22, par exemple, on passe de 5,2 %, pour le cycle 1572-1578, à 6,8 %, pour le cycle 1579-1592,11 % de 1593 à 1604,10,8 % de 1606 à 1613 pour se stabiliser ultérieurement entre 10 et 11 %. Deux mouvements sont à dégager : sous l’angle d’une histoire à long terme, le cycle 1593-1604 ramène le trafic des îles à une position normale. A l’intérieur même de la fluctuation cyclique, dans le cadre, partant, d’une conjoncture plus courte, la première fluctuation primaire (1593-1597) dénote d’une proportion anormalement élevée du trafic des îles (Allers, 13,5 % contre 11 %, moyenne du cycle, Retours, respectivement, 35,7 et 25,4 %, Allers et retours 20,7 % et 16 %). Une fois, encore, la position de la fluctuation primaire 1593-1597, par rapport au cycle auquel elle appartient (1593-1604), est très sensiblement celle, en ce qui concerne le trafic avec les îles, de la fluctuation primaire, 1588-1592 par rapport au cycle 1579-1592, soit, respectivement, pour le tonnage, Allers, Retours, Allers et retours, 9,5 % contre 6,8 %, 30,5 % contre 24,1 %, 16,8 % contre 14,4 %.
41À l’intérieur d’une tendance à une participation plus grande des îles au trafic, une accentuation conjoncturelle de cet aspect à l’intérieur du cycle — sera-t-on tenté de conclure —, peut être regardée comme un signe de difficultés accrues. Serait-ce défaillance de l’intérêt porté aux grandes richesses continentales ? Certainement pas. Plus sûrement, difficultés pour les atteindre23. La réapparition momentanée d’une forte proportion de petits navires, plus aptes à desservir des côtes bordées de haut-fonds et des distances moindres, aura contribué, sans doute, entre plusieurs facteurs, à assumer une prime relative aux îles abondonnées aux beaux jours de facilités révolues.
2. Terre Ferme et Nouvelle Espagne
42Les rapports, au sein du trafic, des deux grands axes fondamentaux, Nouvelle Espagne et Terre Ferme, souligneront, une fois de plus, la solidarité de la première fluctuation de 1593-1597 avec la dernière fluctuation 1588-1592 du cycle précédent.
43Cette décade de difficultés, par rapport aux années qui la précèdent et, plus particulièrement, 1579-1587, par rapport aux années qui la suivent, fluctuation primaire 1600-1604, cycle 1605-1613 et cycle 1614-1622, aura été une décade de poussée relative de la Terre Ferme, par rapport aux hauts niveaux, avant et après, de la Nouvelle Espagne.
44C’est vrai, surtout, si on suppose, sur ce point, non pas 1593-1597 à son encadrement, mais 1593-1599 en y adjoignant les deux années du creux médian du cycle. 1588-1599 aura constitué, dans une phase de Nouvelle Espagne dominante, une courte période de succès relatif de la Terre Ferme24. Il suffit, pour s’en convaincre, de suivre les pourcentages respectifs de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme, à l’intérieur du découpage cyclique et intracyclique.
45Pour la Nouvelle Espagne, par exemple, on notera à l’Aller : 50,9 % et 51,15 % (de 1579 à 1583 et de 1584 à 1587), 38,4 %, 43,6 % et 39,7 % de 1588 à 1592, de 1593 à 1597 et de 1598 à 1599. Contre, un peu plus tard, les proportions respectives de 53,5 %, 49,7 %, 51,5 %, 54 % (de 1600 à 1604), 1605 à 1607, 1608 à 1611, 1611 à 1613, d’autre part. En Retours, il faudrait opposer aux niveaux encadrants, 50 % et 41,4 % (de 1579 à 1583 et de 1584 à 1587), d’une part, 48,2 %, 48,3 %, 51, 2 %, 40,4 %, 41 %, (de 1598 à 1599, 1600 à 1604, 1605 à 1607, 1608 à 1610, 1611 à 1613) d’autre part, le niveau des fluctuations primaires 1588-1592 et de 1593-1597, soit 41,4 % et 37,2 %. En globaux, Allers et retours, même mouvement, bien sûr ; on opposera, cette fois, aux 50,49 %, et 46,5 %, d’une part (de 1579-1583 et 1584-1587), aux 51,3, 50,4, 46,9 et 47,5 % d’autre part (de 1600-1604, 1605-1607, 1608-1610, 1611-1613) les niveaux voisins des fluctuations 1588-1592, 1593-1597 et de la zone intermédiaire 1598-1599, soit 39,4 %, 41,5 et 43,3 %. Dans une période de hauts niveaux de l’axe Nouvelle Espagne-Europe, la décade intercyclique de la guerre hispano-anglaise et de l'Invincible Armada apparaît comme une période de niveau nouvel-espagnol relativement déprimé, au profit d’une légère poussée relative de Terre Ferme25. Cette situation est, peut-être, due, en partie, au fait que la ligne de Terre Ferme a reçu un nombre plus considérable d'armada de défense au très faible pouvoir économique ; elle est, peut-être, imputable aussi à d’autres causes plus sérieuses. Un peu comme si la Terre Ferme avant de céder jetait ses derniers feux.
46Ce dos d’âne de la Terre Ferme est très relatif ; il n’empêche pas, par exemple, que le tonnage unitaire des navires naviguant sur la ligne de la Nouvelle Espagne continue de l’emporter sur celui des navires de la ligne de Terre Ferme, un signe, peut-être, d’une période qui reste placée sous la domination de la Nouvelle Espagne, plus peuplée, à l’économie moins différenciée, fortement appuyée par des communications transpacifiques avec l’Extrême-Orient, alors, à leur apogée26.
VOLUMES ET VALEURS
47Il est tentant d’établir un ben, sans doute, fragile entre cette résistance de la Terre Ferme et les niveaux des mouvements en valeur. On aura été sensible, en effet, au décalage qui existe, au cours de la décade 1588-1597, entre le mouvement volumétrique et le mouvement en valeur27.
48La dernière fluctuation primaire du cycle de l'Invincible, plus particulièrement, le creux en volume des années 1590-1592, représente le secteur de distorsion maximale valeur-volume de toute la Carrière des Indes. La distorsion s’atténue de 1593 à 1597, lors de la première fluctuation primaire du cycle 1593-1604. Pourtant, autant que certaines lacunes permettent d’en augurer, elle subsiste, jusqu’à son terme et, sur ce point, un contraste bien marqué semble opposer la première et la dernière fluctuation du cycle (la zone médiane 1598-1599 s’apparentant davantage à la zone de valeur élevée 1588-1597 qu’à la période de valeur basse 1600-1604).
1. Niveaux en valeur
491593-1597, comme 1588-1592 et pour des raisons analogues déjà exposées28, reste une zone de valeur unitaire élevée du trafic. N’est-ce pas une conséquence de la persistance d’un goulot d’étranglement du tonnage et l’action du retour officiel des énormes trésors dont E.-J. Hamilton fait état29 ? Quoiqu’il en soit, les hauts niveaux atteints par le mouvement en valeur, lors de la décade d’apparentes difficultés dont on s’est efforcé de souligner l’unité, ne semblent guère susceptibles d’être dépassés, que lors de la fluctuation du sommet 1608-1611.
50L’indication mérite, très certainement, d’être retenue. Elle implique beaucoup de choses. Ne serait-ce que de lourds versements à des fins fiscales ou de défense. Le fait qu’ils aient été aisément supportés — ils n’ont pas empêché, en effet, la grande poussée de la décade suivante et des niveaux volumétriques élevés — est déjà, en lui-même, un indice de prospérité.
51Deux facteurs, toutefois, doivent entrer en ligne de compte. La conjoncture politique a son importance. La période 1588-1597 est une période de guerre sur mer, à laquelle, on le sait30, la Carrière des Indes a lourdement contribué. La multiplicité des armadas31 le prouve à sa manière. Au cours de cette période — on a souligné à son heure, le caractère très fictif de l'ad valorem dans la Carrera32 — le rendement de l’impôt aura été particulièrement élevé, les conditions d’un ad valorem véritable, assez proches, peut-être, d’être réalisées, cependant, moins fondamentalement bafoués qu’en d’autres temps. Les hauts niveaux de la période 1588-1597 sont, sans doute, pour une bonne part, des niveaux de fort rendement fiscal. Une énorme poussée de la fraude, à partir de 159733 — la correspondance de la Casa de la Contrataciôn en fait état — ou, ce qui revient au même, un fort relâchement des contrôles fournit, en quelque sorte, le second volet de l’inévitable diptyque. Ce relâchement correspond à une diminution très sensible de la pression militaire anglaise sur les communications Atlantique de Séville, à un besoin de récupération du négoce soumis, dans la période précédente, à de gros efforts et à des frets élevés, il correspond, sans doute, aussi, à l’inévitable contrecoup de la banqueroute d’État de 1596-159734. Les banqueroutes fatalement ressenties par le commerce Atlantique, qui en fait toujours, partiellement les frais, entraînent toujours, on l’a déjà vu35, par compensation, des zones de relâchement fiscal dans la Carrière des Indes.
52Si ce double mouvement, meilleur rendement fiscal dans la première moitié du cycle, poussée de fraude dans la seconde moitié, tend à réduire l’écart du rapport volume-valeur, telle que la statistique fiscale semble l’établir entre la première et la dernière fluctuation primaire du cycle, il est pratiquement exclu, toutefois, que ce mouvement soit suffisant pour annuler l’effet de l’énorme écart attesté par la statistique fiscale. Le stock de navires reconstitué, au-delà de 1597, permet, à nouveau, à des marchandises de moindre prix, de passer. Léger retour, sans doute, sur ce point, à une situation ancienne. Quoiqu’il en soit, il serait dangereux d’accorder trop de crédit aux chiffres non critiqués du mouvement en valeur, surtout lorsqu’ils sont, dans une large mesure, en effet, en contradiction avec les données les moins contestables du mouvement le plus sûr, celui des volumes.
2. Niveaux en volume
53Le cycle 1593-1604 n’est pas une période de progrès croissants et réguliers. Au contraire, l’essentiel de la récupération est chose faite dans les premières années et, à plus d’un égard, la première et la dernière fluctuation alignent des niveaux sensiblement identiques.
54Les masses mises en cause, toutefois, si elles peuvent paraître, d’abord, d’un même ordre, sont loin d’être formées d’éléments de valeur égale. Le mouvement Allers, en contradiction apparente avec les courbes de3 valeurs, semble, de 1593 à 1597, être composé d’éléments de moindre densité que ceux de la fluctuation 1600-1604.
55On observera, tout d’abord, sauf en Retours, une réduction, en cours du cycle, du mouvement unitaire. En Allers, par exemple, le niveau annuel moyen des départs unitaires de 116,2 navires, de 1593 à 1604 dans le cadre du cycle — c’est un chiffre élevé, qu’il suffit de comparer au niveau annuel moyen de 82 3/4 unités du cycle de l'Invincible, 1579-1592, et, a fortiori, aux 53 2/3 unités de la première fluctuation du cycle précédent (1579-1583) passe de 140,2 unités de 1593 à 1597, à 109 unités de 1598 à 1599, puis à 95,2 navires seulement de 1600 à 1604. Le mouvement unitaire tend à se rapprocher des niveaux atteints lors des bonnes périodes de gros navires des cycles précédents (80 1/4 navires, par exemple, lors de la fluctuation sommet 1584-1587).
56En Retours, par contre, la stabilité est remarquable : le mouvement annuel moyen est de 62,33 unités pour le cycle, 62,6 navires de 1593 à 1597, 59,5 unités de 1598 à 1599, 63,2 unités de 1600 à 1604. Elle est d’autant plus surprenante, cette stabilité, qu’il faut la rapporter aux 63 navires du cycle précédent 1579-1592. 63 navires en moyenne, par an, de 1579 à 1592, 62,33 de 1593 à 1604, soit une stabilité du mouvement unitaire moyen, pratiquement absolue sur vingt-cinq ans36.
57En Allers et retours, naturellement, position intermédiaire, il y a décroissance, mais lente décroissance, en partant d’un niveau élevé, — 178,58 navires, niveau annuel moyen, pour l’ensemble du cycle contre 145 3/4 unités seulement de 1579 à 1592, 201,8 navires de 1593 à 1597, 168,5 unités de 1598 à 1599 et 158,4 unités de 1600 à 1604. Cette décroissance, qui place la première fluctuation en position faussement avantageuse et renforce son identité avec la dernière fluctuation du cycle précédent (moyenne unitaire annuelle Allers et retours, de 1588 à 1592, 169,2 navires, dont 114 pour les Allers et 55,2 pour les Retours), est uniquement imputable, on l’a vu, à l’évolution du tonnage unitaire. Cette évolution compense largement la chute du mouvement unitaire. Dans la mesure où elle traduit le retour désormais possible à un matériel normal de gros navires, d’exploitation, dans l’ensemble, plus rentable et l’élimination des fractions marginales du complexe, canariens, surtout, cette réduction du mouvement unitaire peut être considérée, indirectement, pour paradoxal qu’il puisse paraître de prime abord, comme un facteur favorable.
58Exprimé en tonnage, par contre, le niveau des deux fluctuations primaires, celle de la fin et celle du début, s’équilibre sensiblement. En Allers, traduite en unités non pondérées, la tonelada, la première fluctuation primaire semble l’emporter, il y aurait, donc, reflux. Le tonnage annuel moyen des Allers (il est de 23 417,9 toneladas pour l’ensemble du cycle 1593-1604, contre 18 617 1/2 de 1579 à 1592, soit, compte non tenu de la pondération, une augmentation de 26,3 %, plus de 35 % avec la pondération) décroît de 25 612,4 toneladas (1593-1597) à 19 906 toneladas (1598-1599) et à 22 628,2 toneladas (1600-1604). Même l’application de la grille de pondération37 n’abolirait pas totalement cette inégalité.
59Elle est compensée, il est vrai, par l’évolution exactement inverse, on s’en souviendra38 des Retours, dont le niveau annuel moyen est beaucoup plus bas, 14 863,68 toneladas pour le cycle (1593-1604), soit un niveau identique à celui de 1579-1592, 14 980 toneladas, avec progression, par contre, au cours de la fluctuation cyclique moyenne annuelle, 10 476,8 toneladas de 1588 à 1592, 13 111,8 toneladas de 1593 à 1597, 15 210 toneladas, de 1598 à 1599, 16 478,2 toneladas de 1600 à 1604, soit 16 115,85 toneladas, de 1598 à 1604 au lieu de 13 111,8 toneladas, seulement de 1593 à 1597.
60Pour les Allers et retours, les deux tendances s’élimineront — 38 281,6 toneladas (moyenne de 1593 à 1604, contre 35 597,1/2 toneladas de 1579 à 1592), 38 724,2 toneladas de 1593 à 1597, 35 116 toneladas de 1598 à 1599, 39 106,4 toneladas de 1600 à 1604 (37 966,26 toneladas de 1598 à 1604). L’application de la grille de pondération39 ferait ressortir entre la première et la dernière fluctuation du cycle, 1593-1597, d’une part, 1600-1604 d’autre part, une augmentation de près de 10 %.
61De ces différentes approches, il résulte que les deux fluctuations extrêmes, séparées par le creux médian des années 1598 et 1599, s’équilibrent sensiblement en volume, avec un avantage mais bien médiocre pour 1600-1604, puisqu’il est dû, uniquement, aux Retours et aux modifications supposées des méthodes d’arqueamiento des navires.
62Pourtant, la qualité du mouvement paraît beaucoup plus ferme à la fin qu’au début, en Allers surtout. En raison, tout d’abord, du pourcentage moindre des pertes40, de la taille plus grande des navires qui permet, à tonnage égal, le transport de marchandises, en plus grande quantité, en raison, surtout, de la ventilation des départs. Entre le début et la fin du cycle, en effet, le pourcentage des éléments que l’on peut justement, considérer comme économiquement les plus denses, ne cesse de croître au détriment des autres.
63Au cours de la première fluctuation primaire du cycle, 1593-1597, le pourcentage des navires marchands de Séville, à l’Aller, est très faible ; 45,5 % (en unités), 45,3 % en tonnage, 319 navires, 58 123 toneladas sur un total de 701 navires et 128 062 toneladas, plus faible que pendant l’ensemble de la fluctuation, où elle est, alors, de 51,65 % en tonnage, 48,7 % en unités (147 778 toneladas et 697 bateaux sur 286 088 toneladas et 1410 unités pour l’ensemble des Allers), plus faiblement qu’au cours de la dernière fluctuation la plus défavorisée pourtant, du cycle précédent (305 navires, 59 342 toneladas sur 570 navires et 103 419 toneladas, soit 57 % en tonnage). Le niveau des départs des navires marchands de Séville, lors de la première fluctuation primaire du cycle 1593-1604 est donc très bas, à tous égards, plus faible qu’au cours de la dernière fluctuation du même cycle, avec 273 unités sur 491 navires, 68 130 toneladas sur 116 211 toneladas, ils atteignent alors, de 1600 à 1604, les pourcentages respectifs de 55,6 % (en unités et 58,6 % en tonnage). 1598-1599, la zone intermédiaire se comportant sur ce point comme la première fluctuation, avec un pourcentage des navires marchands de Séville, au départ, de 48,17 % (en unités 105 sur 218) et 51,4 % (en tonnage, 21 525 toneladas sur 41 812 toneladas).
64Le pourcentage de 51,65 % du tonnage marchand sévillan par rapport au tonnage total du complexe de la fluctuation 1593-1597, prend sa valeur face au 70 % du cycle 1579-1592 et au 58,6 % de la dernière fluctuation, 1600-1604, proche mais plus défavorisée, encore, que le 57 % de la fluctuation 1588-1592 avec laquelle, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, 1593-1597 fait corps.
65Mais l’infériorité du mouvement des navires marchands de Séville n’est pas seulement, au cours de cette période, une infériorité relative à l’ensemble des départs, dans le même temps, elle est, aussi, une infériorité, en chiffres absolus, comparés aux niveaux des fluctuations qui précèdent et qui suivent.
66Le mouvement annuel moyen des départs des navires marchands de Séville qui a été de 13 003,4 toneladas de 1579 à 1592, lors du cycle de l’argent du Potosí et de l'Invincible, n’est plus que de 12 314,8 toneladas au cours du cycle suivant (1593-1604), (l’inégalité étant, il est vrai, corrigée par application de la grille de pondération41. Le mouvement annuel moyen des départs marchands de Séville tombe, par contre, à 11 624,6 toneladas de 1593 à 1597, soit à un niveau très voisin encore qu’inférieur à celui de la dernière fluctuation si proche, à tous égards, du cycle précédent, 11 868,4 toneladas (moyenne de 1588 à 1592). La zone intermédiaire 1598-1599 s’aligne, en l’aggravant encore, sur cet aspect du mouvement, avec une moyenne qui tombe à 10 762,5 toneladas. La dernière fluctuation, par contre, avec un niveau annuel moyen de 13 626 toneladas, se détache, sous cet angle, comme sous beaucoup d’angles, de la première fluctuation, toute solidaire qu’elle est de la décade de l’anomalie. 1597-1598. Voilà donc, en fonction de tout ce que nous savons, et de tout ce que nous avons pu observer, un aspect qui joue à l’encontre de la première fluctuation, puisque, au départ, l’élément fondamental normalement le plus riche y est moins bien représenté que lors des fluctuations encadrantes.
67L’analyse des armadas fournirait le négatif de cet aspect du problème. 1593-1597 donne un niveau exceptionnellement élevé pour les armadas, — et pour des armadas qui sont souvent d’une utilité économique particulièrement discutable. Elles figurent beaucoup plus pour mesurer l’effort fourni par la Carrière des Indes que pour exprimer un potentiel économique véritable. Les armadas représentent de 1593 à 1597, 23,7 % du trafic (84 navires, 30 299 toneladas), contre 24,14 % de 1598 à 1599 (30 navires 10 097 toneladas) 17,3 % de 1600 à 1604 (50 navires, 20 201 toneladas), et 21,1 % pour l’ensemble du cycle 1593-1604. Pour apprécier à sa vraie valeur le pourcentage de 23,7 % des armadas au cours de la fluctuation 1593-1597, on le comparera, en outre, au pourcentage analogue de 14,8 %, lors du cycle 1579-1592, et, beaucoup plus significatif encore, aux 17,25 % de la fluctuation 1588-1592.
68Il en irait de même des Canariens, dont le pourcentage considérable de 1593 à 1597 (6,92 % du tonnage des Allers, 8 870 toneladas, 105 navires, 14,97 % du mouvement unitaire Allers) contraste avec les niveaux postérieurs, nul de 1598 à 1599, pratiquement inexistant de 1600 à 1604, 0,81 % du mouvement unitaire, 4 navires, 400 toneladas (0,34 % du tonnage). De l’évolution des caditains, 65 navires, 17 970 toneladas de 1593 à 1597 (9,3 % et 14,03 %), 12 unités et 2 940 toneladas (5,5 % et 7,3 %) de 1598 à 1599 et 32 unités et 10 160 toneladas (6,51 % et 8,7 %) de 1600 à 1604, il y a peu à sortir pour le présent. Les Caditains représentant, à cette époque, un élément qualitativement presque comparable, aux sévillans. Il n’en va pas tout à fait de même, peut-être, des négriers dont la proportion s’accroît, 128 unités, 12 800 toneladas, de 1593 à 1597 (18,28 % et 9,99 %), 71 unités et 7 250 toneladas de 1598 à 1599 (32,25 % et 17,3 %) 132 unités et 17 320 toneladas (26,7 % et 14,9 %) de 1600 à 1604, mais dont l’interprétation est difficile, en raison de la part de convention et des possibilités de fraude qui entrent dans le classement.
69Quoiqu’il en soit, une conclusion certaine se dégage de cette confrontation, entre la première et la dernière fluctuation du cycle, entre 1593-1597 et 1599-1604, tant proportionnellement qu’en chiffres absolus, les éléments du trafic que l’on peut considérer structurellement comme les plus valables se sont accrus plus rapidement que les autres. Cette constatation, qui va à l’encontre des éléments que l’on serait tenté de tirer d’une lecture naïve des impôts ad valorem, va dans le sens des éléments de critique42 que l’on a proposé de leur apporter.
PRIX ET TRÉSORS
70Une fois encore, on notera l’opposition des deux fluctuations primaires principales du cycle : 1593-1597 et 1600-1604 dans les rapports du trafic avec la conjoncture des prix andalous et espagnols.
71En effet, si la covariation prix-trafic est évidente pour la dernière fluctuation primaire du cycle, il n’en va pas de même pour 1593-1597. La fluctuation 1600-1604 du trafic, par contre, est admirablement conforme à la prodigieuse poussée des prix qui commence entre 1596 et 1598 pour culminer en 1601. La poussée des prix, comme il est normal, précède, au départ, de deux ans, la reprise du trafic ; l’écart, en cours de route, tend à diminuer : mouvement Allers et prix culminent en 1601, les Allers et retours en 1600, comme les indices andalous, plus précoces, sur ce point, que les indices des autres secteurs géographiques espagnols. Au plus grand écart cyclique des prix depuis longtemps, — il correspond, aussi, au point culminant d’une tendance sécu laire — correspond un point d’expansion cyclique du trafic, tandis que la retombée cyclique des prix entraîne, dans le même temps, une retombée plus rapide encore des trafics. Tout cela, parfaitement conforme au schéma traditionnel, sera analysé à son heure43, il n’est rappelé ici, que pour mieux souligner l’originalité de la fluctuation 1593-1597, entendez de la première partie du cycle par rapport à la dernière.
72L’analyse de la première fluctuation est beaucoup plus difficile, dans la mesure, précisément, où le poids des événements politiques et militaires vient encore, de 1593 à 1597, comme dans la période exactement précédente, troubler l’enchaînement traditionnel des faits.
73La liaison existe, pourtant, évidente entre prix et trafic, mais pour la localisation du creux cyclique, seulement. 1597-1598-1599 constituent, on s’en souvient, une zone médiane déprimée du trafic, elle comprend le creux terminal de la première fluctuation, 1597 et la zone médiane déprimée de 1598-159944. Or ce creux de trois ans est à mettre en liaison étroite avec un creux comparable de cinq ans45 que les écarts à la moyenne dessinent sur les prix, de 1593 à 1597, avec les deux ans d’anticipation normale des prix par rapport au trafic : soit les positions suivantes sur la ligne des relations des chiffres vrais au trend : 1593, 96,66 %, 1594, 95,739 %, 1595, 93,43 %46, 1596, 94,01 % 1597, 98,25 %.
74Mais où l’on risque d’être déçu, c’est quand on cherche une liaison prixtrafic, à la hauteur de l’expansion cyclique de la première fluctuation, soit en gros de 1593 à 1596.
75En fait, la relation est à chercher, ici, beaucoup plus en arrière. On a vu comment, après le décrochement de 1582-1583, les prix s’étaient virtuellement installés sur un plateau élevé. Plateau élevé en termes relatifs, jusqu’en 1592, au moins. On peut estimer qu’il aurait dû supporter un niveau comparable de trafic, selon le schéma traditionnel jusqu’en 1594, voire même, peut-être, jusqu’en 1595, par simple vitesse acquise. En fait, on l’a vu47, les événements politiques et militaires de ces années empêchent qu’il en aille ainsi ; on peut dire que la coupure des années 1588-1592 et, plus particulièrement, 1590-1592 a été dictée du dehors, par la guerre et ses lourdes conséquences. On est, donc, en présence d’une prospérité artificiellement tronquée ou, plus exactement, différée de deux ou trois ans. Selon cette hypothèse, la demi-prospérité de la première fluctuation, à rattacher au plateau des prix élevés de 1583 à 1592, est une prospérité différée par des événements affectant, on s’en souvient, le stock de navires disponibles. D’où un décalage qui cesse, finalement, à la lueur de cette analyse, d’être surprenant.
76Il est d’autant moins surprenant que la prospérité de cette première fluctuation primaire est, on l’a déjà noté et on aura l’occasion de l’analyser plus en détails, une prospérité plus nuancée qu’on ne pourrait l’imaginer de prime abord, à certains égards, même discutable. On s’efforcera48 de démontrer, enfin, à quel point il y a peu de solution de continuité entre le creux de 1590-1592 et les niveaux volumétriquement bien accusés, plus considérables, de 1593-1596-1597. Il faut, pour s’en convaincre, placer en parallèle courbes du mouvement-volume et courbes du mouvement-valeur. On notera facilement l’opération de triage qui s’est faite, les marchandises les plus denses sont passées les premières, les autres ont attendu des circonstances meilleures. C’est donc, en fait, en présence d’une prospérité diluée et abaissée qu’on se trouve placé, d’une prospérité contrariée et étirée.
77Covariation parfaite prix-trafic, donc, selon les exigences du schéma coutumier, pour la dernière fluctuation 1600-1604 et pour le creux intracyclique médian 1596-1597. Covariation indirecte et différée, seulement, entre le plateau élevé des prix 1583-1592 et la partie d’expansion cyclique relative de 1593-1596.
78Pour se réaliser, enfin, cette période de prospérité mitigée, mais prolongée des années 1593-1596 aura eu à son service une activité extraordinaire des mines américaines. Elle s’exprime dans la courbe des importations officielles d’or et d’argent49 à l’intérieur du complexe portuaire. La demi-décade 1591-1595 est, on s’en souvient, la demi-décade record des importations officielles (trésors publics et trésors privés). Même s’il ne faut peut-être pas, après les quelques réserves que l’on a présentées50, considérer la courbe des importations officielles comme exactement conforme à celle des exportations américaines de métaux précieux, en direction de l’Europe, il n’est pas question de diminuer la signification de la demi-décade 1591-1595. Les importantes masses d’argent jetées sur le marché espagnol51 contribueront, avec quelque trois, quatre ans de retard, à déchaîner la puissante poussée des prix des années 1598-1604.
79Elles auront facilité, d’abord, le maintien, de 1593 à 1596-1597, d’une conjoncture relativement haute, sur les trafics, avant de favoriser la grande poussée finale des prix elle-même, génératrice de conjoncture haute sur les trafics à plus d’un égard. Il est impossible que ces trésors n’aient pas eu une action importante sur la reprise et la reconstruction, quand même, rapide et efficace, de la Carrera.
80La masse de richesses qu’ils représentent est extrêmement considérable. Hamilton en donne une traduction particulièrement concrète52 : « ... au tarif courant de la main-d’œuvre non qualifiée en Andalousie, la moyenne annuelle des importations (j’ajoute « officielles », donc, fatalement inférieures à la réalité, en ce qui concerne les trésors privés) pour 1591-1595 aurait pu payer 21 jours de travail de tous les salariés du pays ». Toujours d’après le même barême, on notera que les seuls trésors privés, directement profitables pour l’essentiel, au négoce de l’Atlantique sévillane représentait plus de quinze jours de tout le travail salarié de l’Espagne..., d’autant plus sûrement, que toute la fraude, toute la marge fatale d’imprécision, que nous croyons pour notre part plus grande que ne le pense Hamilton, porte uniquement sur les seuls trésors privés. Une telle puissance économique mise à la disposition de la Carrera aura eu ses effets à court terme, puis à plus long terme53.
81Dans l’écoulement, sur Séville, par Séville, d’une masse économique aussi prestigieuse, il y a présomption de très gros bénéfices réalisés par le commerce officiel. Ces bénéfices sont, peut-être, à mettre en relations avec les niveaux exceptionnellement élevés des exportations en valeur de 1590 à 159254, eux-mêmes, à mettre en rapport avec le goulot d’étranglement physique des possibilités de l’armement. La pénurie aura, peut-être, provoqué aux Indes des possibilités de marges bénéficiaires exceptionnelles.
82Cette hypothèse faciliterait la compréhension d’un certain nombre d’apparentes anomalies. D’une part, le décalage entre la pointe des trésors et celle des volumes. L’organisation d’une puissante contrebande, en Terre Ferme, dès les premières années du xviie siècle, en réponse à un goulot d’étranglement prolongé, un peu trop, par le négoce sévillan, au gré des intérêts indiens. L’extraordinaire poussée des réflexes de « malthusianisme économique » dans le corps du commerce officiel, dès les premières années du xviie siècle, un peu comme si les étonnantes marges de la période de difficultés des années 90 avaient marqué les esprits d’un signe indélébile. Il sera trop tentant d’imaginer qu’on peut suppléer au volume défaillant par des marges bénéficiaires plus larges. Le coup de prospérité malsaine des années 91-95 aurait, en quelque sorte, si on suit ce raisonnement, les effets les plus désastreux sur les bases mêmes de la prospérité de la Carrera.
83Ces quelques éléments permettent, du moins, de saisir au sein du cycle 1593-1604, l’originalité d’une première fluctuation 1593-1597, par rapport à la période suivante. Elle ferme, à plus d’un égard, on l’a vu, le prolongement naturel des années difficiles de 1588 à 1592, de cette décade des pénibles liquidations d’une guerre démesurée.
II. UNE PROSPÉRITÉ HÉSITANTE (1593-1594)
1593
84C’est bien, en effet, sur le prolongement du climat de difficultés, sinon de marasme, des années 1590-1592, qu’il faudra insister ; en 1593, encore, malgré les apparences trompeuses, peut-être, d’un mouvement chiffré qui pourrait inciter les gens pressés à conclure trop vite en faveur d’une reprise inconditionnelle.
1. L’ampleur apparente d’une reprise
85La chance, à première vue, de 1593, c’est à coup sûr, de se définir par rapport à un terme de référence, 1592, qui est un faux terme de référence, artificiellement déprimé.
86Une série de circonstances, quelque peu extérieures, devaient, en effet, on s’en souvient, creuser d’une manière tout à fait exceptionnelle les mouvements en volume en 1592. La disparition des Retours, par exemple, est due, à une série de circonstances purement extérieures à tout terme de conjoncture économique le plus largement entendu. Cette carence explique, en grande partie, l’importance des Retours en 1593. Mais elle rend plus difficile, donc, plus significative, il est vrai, la masse assez importante des départs de 1593.
87a. Allers. — 1593, si on s’en tient, strictement, aux apparences du découpage annuel du mouvement — et il serait déraisonnable, quand même, de ne pas en tenir compte et de ne pas partir de leurs leçons, — marque avec 1592 une totale rupture. Les chiffres de 1593 placent, en effet, le mouvement de l’année, d’emblée, au tout premier rang des meilleures années du cycle.
88En Allers, par exemple, on passe de 117 navires à 146 unités, de 15 280 toneladas (ou tonneaux) à 27 815 toneladas ou tonneaux soit une progression d’une année sur l’autre, de plus de 82 %. Cette progression est due à une avance sensible du nombre des navires mis en cause, de 24,8 %, mais, beaucoup plus encore, à une nette reprise du tonnage unitaire55. Cette reprise constitue bien, quant à elle, un signe incontestable de modification sensible56 d’atmosphère économique. De 130,7 en 1592, on passe à 190,5 tonneaux en 1543. Dans ce domaine, la modification d’une année sur l’autre dépasse 45 %, c’est elle, donc, qui est responsable, au tout premier chef, du décrochement 1592-1593. Cette brusque modification du matériel naval marque bien l’importance d’une frontière cyclique.
89Les pourcentages par rapport au trend soulignent, de la même manière, cette modification : de 67,71 %, position de 1592, on passe brusquement à 120,62 %, écart qui n’avait pas été égalé ou dépassé depuis 1588 et 1586, qui le sera, trois fois, seulement au cours du cycle (1596, 125,38 % ; 1597, 121,02 % ; 1601, 161,04 %). L’écart serait plus considérable encore, si l’on opposait 1593 à 1591, c’est-à-dire, au creux des Allers. 1592 ayant été choisi, on s’en souvient57, comme frontière cyclique, en raison, entre autres, de sa position en Retours et sur les globaux Allers et retours.
90A ces raisons, il faudrait, comme il est naturel, ajouter encore la brutale mutation du tonnage unitaire.
91De 76 à 146 navires, soit un progrès sur le mouvement unitaire de 92,1 %, au lieu de 24,8 % seulement de 1592 à 1593, de 10 250 à 27 815 tonneaux, toneladas, soit une expansion de 171,4 % au lieu de 82 %. Avec, sensiblement, la même part imputable à la variation du tonnage unitaire moyen, puisque, de 1591 à 1593, le tonnage unitaire passe de 134 toneladas (tonneaux) à 190,5, contre une mutation de 130,7 à 190,5 toneladas du même tonnage unitaire moyen entre 1592 et 159358 A l’échelle de la précision de nos mesures, on peut conclure à l’identité du tonnage unitaire moyen, donc du matériel naval entre 1591 et 1592, au creux de la vague et à la cassure au terme de la fluctuation.
92b. Retours. — Le décrochement, infiniment plus brutal encore sur l’axe des Retours, est, sans conteste, beaucoup moins significatif, pourtant. En effet, il s’agit, manifestement, d’un accident dû à la biennalité du mouvement. À cet égard, donc, le brusque saut de 9 à 73 unités (progression de 711 %), de 740 tonneaux toneladas à 17 227 tonneaux toneladas (progression de 2 227 %), ne signifie pas grand chose. Pas plus que, par rapport au trend, le passage de 5,09 % à 122,79 %.
93Pour que la comparaison soit valable, il faudrait l’établir entre deux couples (creux et bosse), par exemple, 1591-1592, d’une part, 1593-1594, d’autre part. On opposerait ainsi aux 109 navires et 19 743 tonneaux de 1591-1592, les 98 navires et 19 617 tonneaux de 1593-1594. 1593 perdrait, alors, tous ses apparents avantages et semblerait même, à la limite, en légère perte de vitesse, dans la mesure où la précision de l’approche qu’il ne faut pas surestimer, permet d’en juger. Le mouvement Retours est, en réalité, étale, sur un niveau très bas, de 1590 à 1594 et la véritable reprise ne se produit pas avant 1595. Il n’est pas sans intérêt de constater, à cet effet, comment les demi-décades records des importations « officielles » des trésors d’Amérique à Séville59 correspondent (1591-1595) d’une manière particulièrement troublante avec le creux (1590-1594), le plus profond en soixante ans du mouvement Retours. Au cours de ce long étranglement du trafic, l’Amérique aura dû, plus encore que de coutume recourir, pour solder ses besoins, au produit d’exportation le plus facilement transportable. On peut, du moins, l’imaginer et expliquer ainsi l’anomalie positive des trésors.
94Le départ du mouvement des Retours ne se situe pas, donc, avant 1594-1595. U en découle que les hauts niveaux des Allers de 1593 à 1594 sont d’autant plus significatifs qu’ils ont dû se dérouler en période de grave crise de tonnage et sans le volant d’importants retours susceptibles de mettre sinon en capitaux60 du moins en navires et en facilités techniques, des moyens matériels à la disposition du négoce.
95c. Allers et retours. — La signification du décrochement hautement spectaculaire61, qui oppose 1592 et 1593, perd, du fait de la biennalité des Retours, une partie de sa signification profonde. Tel quel, il n’est pas moins impressionnant et on ne peut nier qu’il traduit une réalité physique de la vie de Séville et de l’Amérique.
96De 1592 à 1593, en effet, le mouvement passe de 126 à 219 unités (progression de 73,8 %), de 16 020 tonneaux à 45 042 (progression de 181,2 %). La différence entre l’écart positif de 73,8 % d’une part, sur l’expression unitaire du mouvement et les 181,2 %, d’autre part, sur l’expression volumétrique du mouvement, réside dans la mutation du tonnage unitaire, perceptible, ici, comme en Allers. De 127,1 tonneaux (moyenne pour 1592 ; 166,2 tonneaux pour 1591), on passe à un tonnage unitaire de 205,9 tonneaux. Il y a, là encore, dès 1593, mutation dans le matériel et retour à un type de navire plus normal (soit 205,9 toneladas, moyenne Allers et retours de 1593, contre 124,3 toneladas pour le cycle 1593-1604, et 190,9 toneladas seulement pour la fluctuation 1593-1597). L’accroissement du tonnage unitaire, entre le creux conjoncturel de 1592 et le départ de 1593, aura donc été de l’ordre de 62 %. Cette brusque croissance marque nettement une frontière, avec l’entrée en jeu d’un matériel naval nouveau, conçu essentiellement, sur le modèle du matériel d’avant la crise. Et c’est là, peut-être, plus encore que dans des décrochements dont on soulignera la large part d’illusion, qu’il faut chercher le véritable plan de clivage, d’un cycle à l’autre.
97Certes, tous les caractères de la dernière fluctuation du précédent cycle, hérités des massacres de l'Invincible Armada ne se sont pas effacés en 1593, — il faudra cinq ans, encore, toute la première fluctuation, pour qu’on puisse les considérer comme dépassés — mais la réapparition d’un type de navires prédominant, considéré comme normal dans la Carrera, suffit, à lui seul, à tracer la frontière entre les deux cycles. Par rapport à la moyenne, le soubresaut de 1593, par rapport à 1592, sera, naturellement, très vigoureusement marqué par le passage de 43,22 % (écart négatif qui n’a été égalé et dépassé qu’une seule fois, en 1554 ; ce qui souligne assez bien l’ampleur et le caractère tout à fait exceptionnel du creux de 1592, expliqué à son heure62) à 124,98 % (ce qui, pour les Allers et retours constitue bien un écart positif appréciable).
98Le décrochement du mouvement Allers et retours, la mutation de la taille des navires incitaient à placer la frontière cyclique en 1593. Mais il y a aussi d’autres raisons qui incitaient à le faire. Les prix pourraient en être.
99d. Les prix. — C’est très exactement, en effet, entre 1592 et 1593, que la position des prix en Espagne et, plus particulièrement, en Andalousie se modifie. Depuis 1582, depuis onze ans, nous étions virtuellement sur un plateau haut, faiblement dressé, d’ailleurs, au-dessus de la moyenne mais avec constance et décision ; c’est entre 1592 et 1593, que cette situation se modifie.
100Pour une période de cinq années consécutives, les prix se tiennent, désormais, en dessous de la moyenne63. De 101,70 %, on passe à 96,66 % en 1593, puis 95,73 %, 93,43 %, au fond du creux de 1595, puis 94,01 % en 1596 et 98,25 % en 1597. 1593 est, donc, de ce simple fait, au seuil d’une modification importante des coordonnées du trafic. En soi, le passage d’une position haute à une position basse des prix ne constitue pas, nécessairement, dans l’immédiat, un facteur défavorable. L’expérience du mouvement aura fourni la preuve, du contraire, à plusieurs reprises64, cela peut être, comme il est facile de l’établir théoriquement dans certaines limites et à court terme, un facteur favorable. Il n’est besoin, ici, d’une analyse particulière, sur un problème que l’on s’est efforcé déjà, d’éclaircir65. La corrélation existe dans les faits ou, du moins, une apparence de corrélation, entre une prospérité relative et une dépression persistante des prix. Il suffit, présentement, de la constater.
101Toutes ces raisons sont suffisantes, pour faire de 1593 le meilleur plan de clivage possible d’un cycle à l’autre. Elles ne doivent pas, toutefois, faire perdre de vue les points de jonction.
2. Les limites d’une révolution
102Il faut, en effet, une certaine naïveté pour opposer tout d’une pièce, en Allers, par exemple66, les niveaux globaux de 1593 à ceux de 1592. Les éléments qui composent les mouvements respectifs de ces deux années consécutives sont loin d’être de valeur économique semblable.
103a. L'Armada Coloma-Faxardo, — L’Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias67, capitaine général Don Francisco Coloma, amiral Don Luis Faxardo, représente, évidemment, le gros problème. Son poids économique infime, son rôle à peu près exclusivement militaire et défensif fait qu’elle doit être portée, presque exclusivement, dans la colonne du passif, des entraves et des charges68. Il n’y a aucune comparaison entre une Armada de la Guardia de cet ordre et celles qui, au xviie siècle, ne sont plus, à la limite, que de simples substituts des flottes de Terre Ferme défaillantes. Son rôle se borne, pratiquement, à assainir les abords de ce qu’il est commode d’appeler « la Méditerranée Atlantique » et de convoyer l’argent que Don Luis Alfonso de Flores, insuffisamment armé, avec ses légères frégates-pataches69 a dû entreposer à la Tercera. C’est à ce titre, mais combien indirect, que l'Armada de Don Francisco Coloma appartient, par l’extrémité de la bande, au commerce de Terre Ferme. Son apparition est loin, pourtant, d’être négligeable, elle prouve que la Carrera dispose, à nouveau, d’un puissant corps de bataille et d’un important volant de gros navires. Elle marque un pas décisif vers une situation plus normale. Elle contribue, donc, à fortifier notre point de vue : faire passer entre 1592 et 1593 le plan de clivage cyclique. Économiquement, pourtant, ces quatorze navires et ces 7 818 toneladas sont pratiquement à soustraire, tant aux Allers qu’aux Retours à retrancher deux fois du total des Allers et retours.
104Il aurait été presque aussi justifié, à la limite, plus, même, sous le seul angle du négoce-armement au sens strict, d’opposer aux 117 navires et 15 280 toneladas de 1592 un mouvement de 1593 qui alignerait non plus 157 navires mais 132 navires, non plus 27 815 toneladas mais 19 997 toneladas seulement ; aux Retours, le contraste ne serait plus entre 9 et 73 navires, 740 et 17 227 tonneaux, mais 9 et 59 unités, 730 et 9 409 tonneaux, et en Allers et retours, au lieu d’opposer 126 à 219 navires et 16 020 tonneaux à 45 043, on pourrait tout aussi bien placer en parallèle 126 et 191 unités, 16 020 et 29 406 tonneaux, soit des masses exactement comparables, à bien peu de choses près, aux niveaux de 1590 ou de 1591, considérés comme appartenant à une zone déprimée. Il est vrai qu’il y avait, dans l’année 1592 même, des éléments d’intérêt économique inégal, des armadas (7 navires, 540 toneladas), mais évidemment pas un déchet comparable à celui de 1593.
105C’est pourquoi, il importe, pour écarter le risque d’arbitraire, de tenir compte, quand même, d’abord et en premier chef, des chiffres globaux, mais en les critiquant comme on le fait. Une bonne contre-épreuve et parfaitement objective, cette fois peut être fournie par les navires marchands de Séville, au départ70.
106b. Ventilation des départs. —Ces séries peuvent être considérées comme donnant une assez bonne approche sur le niveau de prospérité du trafic. C’est, du moins, un bon test. Or, la série « marchands de Séville » n’accuse, entre 1592 et 1593, qu’un décrochement assez minime, de 58 à 68 navires, soit, de l’ordre seulement de 17,2 %, de 9 950 toneladas à 11 415 toneladas, soit un décrochement sensiblement du même ordre de 15 %. Amélioration sensible, certes, d’autant plus qu’elle suit une autre amélioration, celle de 1592 par rapport à 1591 (de 35 à 58 navires, de 6 010 à 9 950 toneladas).
107Mais elle ne s’accompagne plus d’une mutation du tonnage unitaire, comme précédemment, sur les globaux. Tout au contraire, le tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville reste constant avec une tendance même assez sensible à l’amenuisement de 1590 à 1593. De 193 toneladas pour les navires marchands partant de Séville en 1590, le tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville passe à 171,8 en 1591, 171,5 toneladas en 1592 et à 167,9 toneladas en 1593. C’est très lentement seulement que la croissance reprend, puis se développe à nouveau. La reprise du tonnage unitaire se sera donc effectuée, d’abord, selon le schéma suivant : réintroduction par le biais, d’un corps de bataille protecteur, l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, d’un stock de gros navires71, lente introduction de ces navires dans une fonction économique au cours des aimées à venir. Tel est le pro cessus, parfaitement logique, d’abord. On a vu, souvent, en effet, comment, dans la Carrera, les navires passaient indifféremment de la fonction marchande à la fonction militaire. Lors du grand drame de l’Invincible, l’osmose s’est effectuée dans le sens marchand vers armada, à partir de 1593, elle s’effectuera, de préférence, dans l’autre sens, depuis l’entrée dans le jeu de la Carrera du corps de bataille, reconstitué en Biscaye et à Lisbonne, au cours de l’année 159272 et placé sous le commandement de Francisco Coloma et Luis Faxardo. L'armada est appelée à diffuser ses gros navires dans le corps de l’appareil économique de la Carrière des Indes.
108Presque toute la différence de niveau entre 1592 et 1593 est, donc, imputable à la mutation des armadas, en fait, à l’entrée en ligne de compte de la nouvelle Armada de la Guardia de la Carrera, dans ce secteur, le coefficient d’expansion est de l’ordre, pratiquement, de 150 % (croissance presque sans signification économique, dans l’immédiat). Le passage, par contre, du niveau des Caditains de 6 à 17 navires et, surtout, de 830 à 4 270 toneladas, représente certainement un gain pour le trafic, non pas seulement quantitatif, mais également qualitatif, puisque le tonnage unitaire, dans ce secteur, passe de 138,3 toneladas à 251,2 toneladas passant d’une position très inférieure à celle de Séville à une position de 50 % supérieure. Quant à l’ensemble canariens-négriers, il fait pratiquement volant73.
109On peut obtenir un autre test sur la différence de niveau entre 1592 et 1593, en comparant d’une année sur l’autre, soit l’ensemble Séville-Cádiz, soit l’ensemble Séville-Cádiz-négriers. La première combinaison opposera 90 navires (1592) et 12 510 toneladas d’une part, 102 navires (1593) et 14 445 toneladas, d’autre part. Avec les négriers en plus, 104 navires et 13 910 toneladas pour 1592 et pour 1593, 115 navires et 15 795 toneladas... Le décrochement reste sensiblement le même que dans le cas du seul mouvement des marchands de Séville, de l’ordre de 15 %, seulement, sans modification appréciable non plus, du tonnage unitaire, qui passe, dans ce cas, de 133,7 à 137,3 toneladas.
110Cette première restriction ramène, donc, à de plus justes proportions le décrochement des Allers de 1593.
111c. Retours. — Pour les Retours, une analyse minutieuse risque d’avoir des répercussions plus lourdes encore, puisque, on s’en souvient, ce n’est pas 1593 qu’il faut opposer à 1592, mais l’ensemble biennal 1593-1594 à 1591-1592. D’une présomption d’égalité, on passerait, compte non tenu, au Retour, de l'Armada de Francisco de Coloma et Luis Faxardo, à une nette présomption de recul. L’élimination de l'Armada Coloma-Faxardo renforce l’importance du grand creux du mouvement Retours à la hauteur de 1593-1594. Tout compte fait, par conséquent, l’étude détaillée des niveaux des entrées et des sorties de navires, indique certes, un renforcement du potentiel naval et du tonnage disponible mais un volume économique d’échanges à peu près comparable à celui des années précédentes. Amélioration des moyens, peut-être, mais volume d’utilisation identique.
112d. Un seul convoi. — D’autres preuves seraient encore susceptibles d’allonger la liste des identités entre 1593 et les années antérieures du creux 1590-1592. Élimination faite de l'Armada de Don Francisco Coloma, qu’on ne peut porter, sans abus, au compte du commerce, 1593, pas plus que 1592, 1591 ou 1590, ne parvient à mettre en train plus d’un grand convoi. En 1592, ce fut le tour de la Terre Ferme négligée, depuis deux ans, d’être visitée ; en 1593, il s’agit à nouveau, comme en 1590 et 1591, d’une flotte et d’une seule grande flotte, celle du capitaine général Marcos de Aramburu, en direction de la Nouvelle-Espagne. Il faut attendre 159474 — ce sera la première fois depuis huit ans — pour que deux flottes normalement constituées quittent le Guadalquivir, dans la même année, comme la loi des Indes le prescrit. En 1593, on en est encore, comme dans toute la dépression, au régime du convoi unique.
113Le convoi de Marcos de Aramburu part, certes, à la date normale (de San Lucar, le 7 mai, de Cádiz, le 10 mai 159375), mais c’est un convoi différé de 1592 : une série de difficultés et de goulots d’étranglement ont empêché de le réaliser à la date prévue. A la limite, on peut avancer que 1593, au lieu des deux flottes que, légalement, on pouvait en attendre, n’a été capable de mettre sur pied qu’une seule flotte, celle de Nouvelle-Espagne prévue pour 1592.
114e. Les pénuries maintenues.
115La Casa de la Contrataciôn, pour s’excuser de cette défaillance, fournit un tableau de situation sur lequel il n’y a pas à revenir76, puisqu’un compte rendu suffisant en a été donné déjà dans les notes afférentes au mouvement Allers de 1593.
116On peut le résumer sous le terme de persistance des goulots d’étranglement, consécutifs à la grande ponction des années de la guerre et de l’invincible.
117Disette de gros navires. — A propos de la pénurie des navires de fort tonnage, le calcul entérinera, une fois de plus, les jugements bien étayés des agents de la Casa. Il suffit de se reporter au tonnage moyen des navires en partance, à l’exclusion de Yarmada, 167,9 toneladas pour les navires marchands partant de Séville, 251,2 toneladas, pour les Caditains et 137,3 toneladas, négiers compris, à l’exclusion seulement des armadas et des Canariens. Ces niveaux, comparés à ceux du passé et d’un proche avenir, comparés plus encore aux chiffres du creux des années 1590-1592, corroborent bien le maintien de cette pénurie de gros navires, entendez de ces navires commodes et d’exploitation rentable dont parle la Casa de la Contratación. 1593 marque une simple étape dans le domaine de l’approvisionnement en matériel naval. Le besoin le plus urgent est, désormais, pourvu. L’Armada de la Guardia, le corps de bataille protecteur annexé à sa défense, a, désormais, repris sa forme habituelle, recouvré son efficacité passée ; en ce qui concerne, par contre, le commerce, la pénurie subsiste et elle est, à juste titre, ressentie et dénoncée.
118Manque de marins. — Le manque de marins constitue un second goulot d’étranglement qui n’est pas prêt d’être dépassé77.
119Plus encore que le manque de navires satisfaisants (on peut, à la rigueur, utiliser des navires non satisfaisants qui requièrent, il est vrai, proportionnellement, des équipages plus nombreux), cette pénurie renforce entre le niveau des Allers de l’année et celui des Retours de l’année précédente, le lien étroit de dépendance qui a été observé. Les besoins de Y Armada Coloma auront eu une incidence sur le départ de la flotte de Nouvelle Espagne de Marcos de Aramburu. Armada et flota, État et particuliers se livrent, au cours de cette année, à une compétition terrible, autour de marins devenus exigeants, en grande partie des étrangers.
120Dans cette compétition, difficilement traduisible en termes de salaires monétaires — on est, ne l’oublions pas, au cours de ces premières années de la décade 1590, en période de grande anomalie positive du prix de la main-d’œuvre par rapport au niveau général des prix78 — l’employeur joue surtout, semble-t-il, pour attirer le marin-roi, sur les secteurs les plus difficilement saisissables du salaire, les formes multiples du salaire indirect. Bien que le Roi ait, à juste raison, la renommée d’être mauvais payeur, les marins, à la fin de 1592 et au début de 1593, sont attirés par l'Armada, plus que par un convoi marchand, selon les témoignages peu suspects de Pedro de Castillo (23 décembre 1592) et de Francisco Duarte (31 janvier 1593)79. Pourquoi cette paradoxale préférence ? En raison des possibilités beaucoup plu3 grandes que l'Armada offre aux marins pour le transport rémunérateur de la pacotille.
121Cette indication revêt un intérêt tout à fait exceptionnel, à plusieurs égards : elle montre l’importance de la pacotille dans la rémunération du marin, partant, la part de fraude qu’elle représente. Cette part est telle — elle est éclairée, à d’autres époques, par maints textes littéraires80 — que son appât peut l’emporter, à certains moments, sur leur méfiance à l’égard du plus mauvais payeur de tous les armateurs, le Roi. Il n’en ira pas toujours de même. On verra souvent au xviie siècle81) (, une situation diamétralement inverse.
122On comprend que les possibilités de chargement de pacotille soient plus grandes sur des navires de guerre que sur des navires marchands. L’inverse surprendrait. Et pourtant, la comparaison de l’attitude des marins des années 1592-1593 avec celle des marins des premières décades du xviie siècle est fort intéressante, par ce qu’elle laisse entrevoir ou, du moins, par ce qu’elle confirme82. Les Armadas de 1592-1593, et, plus particulièrement, celle de Coloma-Faxardo ne doivent pas encore être trop chargées..., certainement beaucoup moins que les Armadas de la Guardia de la Carrera de las Indias des années 20, comme les convois de l’époque de Matanzas83, ces proies faciles avec leurs sabords sous l’eau. Malgré quelques signes de fatigue — tel, entre autres, cette trop grande latitude laissée aux marins de charger à bord, avec tous ses dangers et ses ferments d’anarchie, le système a conservé, en cette fin du xvie siècle, un minimum de cohérence et de tenue. Plus tard, les Armadas surchargées, par ordre d’en haut, n’offrirent plus ces retraites sûres pour les humbles, pour les gagne-petits de la fraude.
123Les perspectives de bénéfice, enfin, devaient être, en 1592-1593, pour diverses raisons déjà exposées84, particulièrement fructueuses, beaucoup plus séduisantes, très certainement, qu’elles ne l’apparaîtront, plus tard. Telles sont les indications qu’il est facile de tirer des remarques de Francisco Duarte et surtout de Pedro del Castillo ; elles ont leur prix.
124Le cuivre. — Une autre pénurie aura pesé assez lourdement en cette fin du xvie siècle — on la verra réapparaître, plus tard, aussitôt après la rupture de la Trêve de Douze ans, tout au long des années 20 du xviie siècle85, beaucoup plus inhibitrice, beaucoup plus contraignante encore — ce que l’on pourrait appeler le goulot d’étranglement des matières stratégiques-clefs de la construction navale.
125Parmi ces matières premières indispensables, le cuivre vient en tête. Il y aurait à écrire toute une histoire du cuivre. On manquera d’artillerie par manque de cuivre. Métal très ancien, le plus anciennement travaillé par l’homme, avec l’or auquel il s’apparente par sa couleur, son point de fusion relativement bas, sa maniabilité. Métal militaire, aux usages multiples, il entre dans le bronze des cloches et des canons, il fait face à d’humbles besoins ménagers mais incoercibles, il fait place, de plus en plus, à la fin du xvie et tout au long du xviie siècle, comme Fernand Braudel et Frank C. Spooner l’ont si vigoureusement montré, à de très lourds besoins monétaires. Les économies anciennes, beaucoup plus encore que nos économies modernes86, mais pour d’autres raisons, se sont constamment heurtées à l’insuffisance de la production de quelques matières premières de base. Le plus évident de ces goulots — de ces taquets à l’expansion, — c’est celui de la production vivrière, qui, avec ses faibles rendements et ses caprices, limite les possibilités de transfert de main-d’œuvre dans les secteurs non vivriers du « secondaire » et du « tertiaire », limite enfin, ce qui est beaucoup plus grave, encore, le volume global des hommes, la seule vraie richesse. Dans le domaine industriel, le goulot du cuivre, autant qu’on en puisse juger, aura été particulièrement grave.
126La pénurie de cuivre aura été particulièrement grave dans la Carrière des Indes, à deux reprises, au cours des années 90 du xvie siècle et surtout des années 20 et 30 du xviie. Des efforts seront faits, alors, pour améliorer, à Cuba, notamment, le rendement de la production du cuivre à l’intérieur de l’espace même de la Carrera. Cette pénurie est particulièrement intéressante : selon les raisons exprimées par la Casa, elle-même87, elle doit être, en dernier ressort, attribuée à la perte par l’Espagne de la liberté de ses communications maritimes : corsaires qui entravent l’importation du cuivre hongrois et impérial, fermeture du marché d’approvisionnement anglais. Tout cela peut se résumer dans le fait que, sous les coups combinés des Hollandais, et surtout des Anglais, l’Espagne a perdu sa liberté de navigation dans l’Atlantique-Nord et les mers bordières de l’Europe du Nord, si elle reste maîtresse toujours du grand polygone de l’Atlantique tropical de la Carrière des Indes.
127A ces raisons, il faudrait, vraisemblablement, en ajouter d’autres, l’extraordinaire pression, notamment, exercée, depuis peu, par les besoins monétaires sur le marché du cuivre88. Ne sommes-nous pas, dans toute l’Europe, aux origines de ce que Fernand Braudel a proposé d’appeler l’ère monétaire du cuivre ? 1592-1593, n’est-ce pas un des records, en France, selon Frank C. Spooner, de la frappe du métal pauvre89 ? On notera — la corrélation n’est pas sans intérêt — que les grandes pénuries du cuivre dans la Carrera, à des fins utilitaires, militaires et maritimes (1592-1593... 1620-1630 et au-delà) correspondent, aussi, outre à des périodes de difficultés politiques et militaires sur les grands axes d’approvisionnement maritime de la Péninsule, à des poussées, soit européenne et française (1592-1593), soit européenne encore, mais espagnole surtout (années 20 et 30 du xviie siècle), d’inflation billonniste. La corrélation valait, sans doute, la peine d’être notée. Elle a, l’avantage, de montrer du moins, l’extrême sensibilité de la Carrera, à tous les échos du vaste monde.
128Ces pénuries prouvent, par contre, le maintien, à travers l’année 1593, de situations antérieures qu’on aura tort d’imaginer d’un coup dissipées. Elles accusent la solidarité longuement dénoncée de 1593 avec le creux des années qui suivent la double catastrophe de Câdiz et de l'Invincible.
129f. Le fret. — A ces pénuries anciennes, faut-il en ajouter une autre, derrière la Casa de la Contrataciôn : une pénurie de fret90 ? Si elle était retenue, elle impliquerait une modification de la conjoncture dans un sens apparemment opposé à celui des volumes. A l’automne 1592, il semble qu’on manque, un moment, du fret nécessaire pour remplir les navires de la flotte de Marcos de Aramburu. Faut-il donc parler de pénurie de fret ?
130Non, mais de difficile mobilisation du fret. Le gros problème est celui du vin qu’on ne peut faire parvenir à quai, en raison de l’état des routes et, notamment, du manque de cercles de fer de Biscaye, pour les tonneaux.
131Certes, l’ouverture de la flotte aux vins andalous, pour une assez large quantité, comme cela semble être le cas, n’est pas un signe uniformément favorable. Elle indique, toutefois, le retour à une situation plus normale, la remise en service d’une partie du matériel-navire. Cette tendance se trouve, d’ailleurs, confirmée, par l’évolution du mouvement des exportations exprimées en valeur91. L’exportation d’une assez petite quantité de vin en Amérique constitue donc un signe à double tranchant. Il témoigne de l’amélioration des conditions de l’armement, d’une part, d’un très léger relâchement de la pression conjoncturelle, d’autre part.
132Second point du rapport de la Casa : le vin attendu à l’automne 1592 arrive lentement et mal. Faut-il, pour autant, parler d’une insuffisance du négoce, d’un ralentissement conjoncturel d’importance ? Certes pas, la situation de l’automne, puis de l’hiver 1592-1593 révèle simplement une caractéristique structurelle des échanges dans l’ancien Guadalquivir. La mauvaise saison venue, les communications terrestres deviennent extraordinairement difficiles. La flotte de Marcos de Aramburu, dans la mesure où, pour des raisons évidentes92, elle n’a pas pu partir avant la fin de l’été 1592, était pratiquement condamnée à ne quitter le Guadalquivir qu’au printemps 1593 après hivernage. Les difficultés d’acheminement des vins à travers les routes en bordure de l’Andalousie, ne constituent pas autre chose qu’un exemple entre plusieurs, de la quasi impossibilité technique à laquelle on se heurte quand on veut mettre sur pied un convoi pendant la mauvaise saison.
133On peut, donc, en juger, on ne peut parler de crise conjoncturelle de fret, tout au plus de difficultés techniques, de goulot d’étranglement physique sur un point précis de l’approvisionnement des navires. La difficile reprise de cette année 1593 vient, une fois de plus, comme la crise du cuivre, administrer la preuve de la persistance et de l’étroitesse des goulots d’étranglement dans l’économie ancienne. Le champ de manœuvre de la conjoncture reste, dans ces conditions, toujours étroitement limité par une lourde chaîne d’impossibilités physiques.
134g. Les Valeurs. — Tous ces facteurs mis bout à bout tendent à donner de l’année 1593 une impression nuancée, qui tend à la détacher beaucoup moins du creux apparent de 1592 qu’on aurait pu le penser de prime abord.
135Un dernier mais décisif renfort sera fourni par les évaluations des exportations en valeur tirées de l'avería93. On passe, en effet, de 2 696 833 977 maravedís (1592) à 1636 488 638 maravedís en 159394. Il y a donc substantiel recul de la valeur globale et de la valeur unitaire des marchandises exportées en direction du Nouveau Monde.
1361 636 500 000 maravedís constituent, sans aucun doute, il suffit pour s’en convaincre de se reporter à l’ensemble de la série, un niveau très acceptable, un peu au-dessus de la moyenne, d’une large période, certes, mais très inférieure, pourtant, de plus d’un milliard, de près de 40 % au niveau précédent. Ce comportement de la courbe des valeurs est, évidemment, en totale contradiction avec celui de la courbe des volumes95. La distorsion s’atténue, toutefois, si on procède, comme il convient de le faire96, l’élimination de l'Armada de Francisco Coloma et Luis Faxardo. Elle reste, toutefois, considérable, impliquant une réduction de la valeur unitaire des exportations de l’ordre de 45 %.
137Semblable indication, si elle était prise au pied de la lettre, risquerait de condamner la coupure conjoncturelle que nous avons proposée.
138Elle est, en fait, à interpréter. On s’est longuement expliqué, au début de la construction statistique préalable sur les mécanismes de l'avería97. Les chiffres de la table 226 portent une indication ferme concernant le poids fiscal, une simple présomption d’ordre de grandeur concernant le mouvement en valeur. Le décrochement de la valeur unitaire des exportations et, a fortiori, de la valeur globale des exportations est bien moindre que les séries de la table 226 et suivantes ne le laisseraient à penser. La lourde contribution des marchands de la Carrera, au fond de la crise, ira progressivement en se réduisant au fur et à mesure que se reconstitue l’appareil d’échanges de l’Atlantique de Séville. Il y aurait incompatibilité entre une lourde fiscalité — que la distension progressive de la guerre rendrait inutile, d’ailleurs — et le gros effort d’investissement nécessaire à la reconstitution du matériel détruit à son niveau ancien.
139Ces éléments nécessaires d’une critique ne tendent pas à détruire le sens de l’indication contenue dans la distorsion des courbes volume, valeur, elles les ramènent, tout au plus, à leur juste proportion.
140Certes, et le problème des exportations des vins de l’automne 1592 le rappelle98, 1593 a vu le rétablissement de conditions de trafic plus normales. Ses exportations sont, en fait, inséparables de celles du creux 1590-1592, de celles de 1592, surtout. L’accroissement encore modeste du stock de navires disponibles aura permis l’exportation de pondéreux, indispensables, pourtant ; au premier chef, le vin, dont le goulot technique de 1592 avait contraint de reporter l’embarquement et le départ. Sans un fléchissement consécutif de la valeur unitaire des exportations en 1593, la pointe de 1592 serait impensable.
141Mais l’augmentation même limitée — 15 %, au lieu de 80 % — des volumes exportés, mais le passage en flotte de quelques lourds chargements de vin, à nouveau, admis, même s’ils se sont soldés par une légère baisse de la valeur globale des exportations99, peut et doit être interprétée comme un signe de reprise conjoncturelle. 1593 se raccorde donc, aisément, sur 1592, les signes de reprise que l’on distinguait déjà, au fond du creux en 1592, se sont précisés en 1593. La remontée est lente — le haut niveau des pertes100 notamment, le prouve — hésitante, mais sûre. Les caractéristiques reconnues en 1593 vont aller se précisant encore, au cours de l’année 1594.
1594
142La conjoncture de l’année 1594, tout comme 1593 et pour des raisons identiques, n’est pas facile à démêler. Dans la mesure où, à plus d’un égard, l’atmosphère101 de la crise structurelle grave des années de l’incendie de Cádiz et de la destruction de l'Invincible Armada continue, dans la mesure où la navigation n’est pas libérée des nombreux goulots techniques qui entravent un écoulement régulier, comme jadis, du flot du négoce à travers l’Atlantique, il faut prendre à l’égard de l’analyse simplement quantitative dans le cadre surtout du découpage annuel, un minimum de précautions. Il n’en importe pas moins de commencer, d’abord, par elle, puisqu’elle fournit la base quand même la moins subjective.
1. Les Allers et retours : positions sur le mouvement d’ensemble
143On interrogera, tout d’abord, les Allers, les seuls qui puissent, en raison de la biennalité des Retours, donner des résultats valables, directement interprétables.
144a. Allers. — 1594, si on s’en tient toujours aux apparences, marque, par rapport à la position vivement redressée de 1593, une amélioration minime, certes, mais qui fait effet de significative consolidation.
145Contrastant avec les 76 navires de 1591, les 117 navires de 1592, qui totalisaient, respectivement, 10 250 et 15 280 tonneaux toneladas, 1594 est en progrès, encore, par rapport aux 146 unités et 27 815 tonneaux-toneladas de 1593 ; elle aligne désormais 150 unités (progression de 2,74 %) additionnant, apparemment, 26 164 tonneaux-toneladas (progression de 4,8 %).
146Certes, de tels progrès sont minimes, face aux 24,8 % et aux 82 % de 1593 par rapport à 1592. Mais la Carrera — et c’est ce qui importe pour le moment, — est parvenue, au cours de l’année 1594, par le volume global du tonnage qu’elle a réussi à mobiliser, à se maintenir au niveau élevé de l’année précédente. Et c’est bien cette juxtaposition de deux niveaux très élevés qui confère à 1594 (comme, d’ailleurs, un peu aussi à 1593), sa signification. La consolidation du niveau global des Allers en 1594, c’est bien, peut-être, la raison la plus sérieuse qui pouvait inciter à faire passer entre 1592 et 1593, le plan de clivage cyclique102.
147Cette consolidation est due, pour l’essentiel, au maintien du mouvement de reconstitution du tonnage unitaire, voire à une très légère amélioration, encore, du tonnage unitaire des navires, 194,4 tonneaux en 1594 contre 190,5 en 1593, contre 130,7 tonneaux en 1592. Il y aura donc eu, également, consolidation du tonnage unitaire. En raison du maintien, dans le circuit, on le verra, de l'Armada de la Guardia de Francisco Coloma et de Luis Faxardo, avec son stock de gros navires, mais en raison, aussi, de l’amélioration sensible et plus significative du tonnage moyen des navires marchands partant de Séville : pour cette dernière catégorie, 183,43 tonneaux-toneladas en 1594, contre 167,9 tonneaux en 1593, 171,5 tonneaux en 1592, 171,8 tonneaux en 1591, le niveau de 1590 est presque retrouvé, 183,43 tonneaux en 1594 contre 193 tonneaux en 1590. Quoiqu’il en soit, ce tonnage unitaire est plutôt élevé103.
148Si on compare, par exemple, comme il pourrait paraître légitime, le niveau moyen de 1593-1594 au niveau moyen du creux 1591-1592, on verrait, à quel point, en dehors de tout risque d’illusion, il y a bien eu une mutation fondamentale de la taille des navires. La moyenne annuelle sur deux ans est passée, en effet, du niveau annuel moyen des Allers du creux 1591-1592 au niveau annuel moyen des Allers de la période d’expansion relative 1593-1594, de 96,5 navires à 148, de 12 765 tonneaux-toneladas à 28 489,5 toneladas, soit une progression respective de 53,5 % sur le mouvement unitaire et de plus de 123 % sur le mouvement en tonnage. Une telle marge, sur des moyennes et sur une période de quatre ans, met parfaitement à l’abri du danger de distorsion systématique. Quelque chose de considérable s’est produit, mieux est en est train de se produire, dans la Carrera, de 1593 à 1594.
149On possède une autre possibilité de contre-épreuve : la comparaison des chiffres bruts de 1594 aux niveaux des années suivantes à l’intérieur du cycle et en dehors du cycle. Les chiffres bruts de 1594 constituent un niveau très rarement atteint. Le mouvement unitaire (150 bateaux) n’est égalé en un siècle et demi, à l’Aller, qu’une fois (151 bateaux en 1596), dépassé, une seule fois, (202 navires en 1608). En tonnage, exprimé en toneladas, 1594, est dépassé quatre fois, seulement en 1586 et en 1588 (mais uniquement en raison de la défaillance du mouvement en 1587 : des moyennes courtes de deux ans laisseraient un gros avantage à 1594 sur les termes de référence précédents de 1586 et de 1587) en 1601 et en 1608. On risque, difficilement d’être trompé, par conséquent, sur la position de 1594 en expansion, en Allers, sur le sens du mouvement qu’on peut considérer, à cette date encore, comme conjoncturellement moteur.
150La comparaison de ces niveaux au trend104 confirmera le maintien, en 1594, des positions de 1593 (117,78 % face, il est vrai, aux 120,62 % de 1593, en raison d’un brusque relèvement de la moyenne, sans grande conséquence). La position de 1594 par rapport au trend doit être considérée comme largement équivalente aux meilleures, 1593, 1596, 1597, à la seule exception de 1601 qui la surclasse. Et sur cette série comme sur les autres, c’est, encore, la position du couple 1593-1594 qui, face au couple 1591-1592, doit être considérée. D’une part 45,73 % et 67,81 %, en 1591-1592, d’autre part, 120,62 et 117,78 %, en 1593-1594. Voilà bien qui justifie le passage d’un cycle à un autre. La Carrera, pour maintenir ses positions par rapport à 1593, aura bénéficié, en 1594, des niveaux relativement élevés des Retours de 1593105. D’autant plus que, malgré quelques malheurs106, l’Armada Coloma-Faxardo sera intégralement saisie, cette fois, dans un mouvement qui ne s’arrêtera plus aux Açores, mais conduira l'Armada jusqu’au terme normal de son voyage, la Terre Ferme.
151b. En Retours. — Le recul sur le mouvement Retours, de 73 navires à 25 navires (recul de 66 %), de 17 227 tonneaux-toneladas à 2 390 tonneaux toneladas (recul de 86 %) s’accompagne d’un important repli accidentel du tonnage unitaire, de 236 à 95,6 toneladas107. Une telle évolution est normale. L’hivernage ayant été décidé, à la Havane, en 1594, le convoi de 1593 ne reviendra que l’année suivante en 1595, avec le convoi de 1594. Il n’y a, aux Retours de 1594108, que des navires sueltos. L’effondrement du tonnage unitaire des Retours en 1594 ne fait pas autre chose, donc, qu’illustrer cette vérité structurelle : le dénivellement du tonnage unitaire moyen, des navires allant en convoi et des autres (ceux qu’on a appelé, en d’autres circonstances, les perce-blocus).
152Les Retours de 1594 ne permettent de rien conclure de la conjoncture de l’année : voilà qui est l’évidence même, en vertu de tout ce qui précède. Retours biennaux, avons-nous dit ; née de3 catastrophes de l'Invincible, la secousse se sera propagée, depuis son épicentre de 1590. Les raisons profondes qui ont amené la décision d’hivernage de Marcos de Aramburu ne nous sont pas parfaitement connues. Elles sont, selon toute vraisemblance, pour beaucoup, d’ordre technique et n’éclairent que très imparfaitement la conjoncture, celle de Séville, surtout, en 1594. Mais si elle n’exprime guère quant à la situation à Séville en 1594, elle n’en commande pas moins beaucoup de la conjoncture de Séville en 1595. Elle aura, sans doute, beaucoup entravé en 1595 la constitution d’un niveau élevé de départs, en ravivant des pénuries mal cicatrisées.
153Pour 1594, seule pourrait avoir une signification, une comparaison deux ans par deux ans. On a vu ce que donnait la comparaison du niveau des Retours de 1591-1592 avec celui de 1593-1594109. Elle ne tourne pas précisément, compte tenu surtout du cas très particulier de l'Armada Francisco Coloma, Don Luis Faxardo, en faveur de 1593-1594. On est vraiment au fond du grand creux des Retours qui va de 1590 à 1594.
154Pourtant, si la comparaison 1594-1593 n’est pas valable, il pourrait être intéressant de comparer le creux de 1594 à celui de3 positions comparables du mouvement Retours en 1592 et en 1590. On notera une assez sensible atténuation du creux. Par rapport à l’accident de 1590, il y a eu doublement, 25 navires en 1594 au lieu de 12 navires, 2 390 tonneaux au lieu de 1 210 tonneaux en 1590, par rapport au creux de 1592, c’est, en fait, un triplement du nombre des navires, de 9 navires en 1592 à 25 en 1594 et du tonnage, de 740 toneladas à 2 390 toneladas110. Le creux de 1594 fait donc transition avec les creux légèrement atténués de 1597, 1599, 1601, quand, sorti de son extrême marasme, le mouvement des Retours sera en passe de recouvrer la régularité d’antan.
155C’est la raison pour laquelle les sauts du chiffre vrai, de part et d’autre du trend111, ne signifieront pas grand chose : de 122,79 % à 16,920 %. Beaucoup plus fructueuse, par contre, là aussi, la comparaison de 1594 avec des creux analogues : 16,920 % en 1594, au lieu de 7,89 % en 1590 et 5,09 % en 1592. La transition est faite entre les effondrements des années 1590 et 1592 et les accidents plus atténués de 1597, 1599 et 1601 qui ne sont plus, respectivement, qu’à 22,61 %, 52,86 % et 57,19 % de leurs moyennes respectives.
156Sur les Retours, le creux de la vague n’exclut pas, donc, des signes encore bien fragiles, d’une amélioration future. Le mouvement Retours, quoi qu’il en soit, est manifestement décalé de deux années pleines, voire même trois, par rapport aux Allers. C’est, entre 1594 et 1595, seulement, que se situe le plan de clivage, qu’on a placé entre 1592 et 1593, pour tenir compte des exigences de l’ensemble du mouvement, mais qu’on placerait, peut-être, entre 1591 et 1592, si on se référait aux seules exigences de l’expression volumétrique et de l’expression-valeur du mouvement Allers.
157c. Allers et retours. — Il est difficile, en raison de la situation du mouvement Retours, d’interpréter directement la position exacte, de l’année en conjoncture, sur les Allers et retours dans le découpage annuel. Alourdie par la quasi disparition fortuite des Retours, la tendance des globaux Allers et retours semble fortement rétractée par rapport à 1593.
1581594, toujours sur les apparences des globaux, se trouverait en situation très exactement intermédiaire entre le creux de 1592 et la pointe 1593.175 unités contre 224 unités en 1593 et 126 unités en 1592. Soit un recul du mouvement unitaire de près de 21,9 %, 49 navires de moins qu’en 1593, 49 de plus qu’en 1592. 31 554 tonneaux-toneladas, au lieu de 45 042 tonneaux en 1593 et 16 020 tonneaux en 1592, soit un repli de 29 % par rapport à l’année précédente. Quant au tonnage unitaire, en contraste avec celui de 1591 et 1592, il se tient très près, par contre, malgré ce laminage du tonnage unitaire des Retours, du tonnage unitaire moyen de 1593. 172,1 tonneaux, moyenne de 1592, 166,2 tonneaux en 1591, 205,9 tonneaux en 1592 et 180,3 tonneaux en 1594112. Le passage, par rapport au trend, des Allers et retours113, de 124,98 % (1593) à 83,40 % (1594), contre 71,49 %, 80,16 % à 43,22 % en 1590, 1591, 1592, ne signifie pas davantage. Il illustre au premier chef, le jeu de la biennalité des Retours.
159Mais si on voulait, dépassant les apparences, aller au fond des choses, il faudrait, comme pour les Retours, établir une comparaison entre la moyenne annuelle des Allers et retours de 1591 et 1592 d’une part, et celle, d’autre part, de 1593-1594. On aurait, face, alors et en toute validité114, à une moyenne annuelle de 151 navires et 22 636,5 tonneaux (pour la période 1591-1592), 197 navires et 38 298 tonneaux (pour la période 1593-1594)115, soit un décrochement positif de près de 30,5 % sur le mouvement unitaire et de 70 % en tonnage. Le décrochement s’accompagne d’une mutation brusque et soutenue du tonnage unitaire des navires : de 149,9 tonneaux (tonnage unitaire moyen) entre 1591 et 1592, il passe à 194,2 tonneaux de 1593 à 1594 (le tonnage unitaire moyen des Allers et retours, rappelons-le, à titre de référence, est de 214,3 de 1593 à 1604 et de 190,9 de 1593 à 1597).
160Ces niveaux moyens ont, en outre, l’avantage de permettre de mieux apprécier la position exacte de cette première phase ascendante de cette fluctuation primaire du cycle 1593-1604 par rapport à sa partie haute, 1595-1596. On verra, alors, qu’avec 38 000 tonneaux mouvement volumétrique annuel moyen de 1593 à 1594 entre 26 600 tonneaux de 1591-1592 et 43 000 tonneaux de 1595-1596, le trafic a parcouru, au cours de ces deux années, les 3/4 du chemin qui séparait le creux incontestable des années 1591-1592 du sommet relatif des années 1595-1596.
161La pondération faite pour éliminer l’anomalie des Retours de 1594, le mouvement de l’année retrouve sa vraie valeur, celle qu’il a, en Allers, entendez d’un palier haut solidaire de 1593 et en position sensiblement améliorée même par rapport à l’année précédente. Les mouvements respectifs de 1593 et de 1594 ne prennent leur vraie valeur, précisément, que les uns par rapport aux autres.
162d. Les prix. — On retrouvera, une fois encore, la même solidarité sur les prix andalous et espagnols, entre 1593 et 1594. Par rapport au trend, le creux se précise. C’est entre 1592 et 1593 que d’une décade de prix légèrement au-dessus de la moyenne, on allait passer à un creux profond sur cinq ans. En 1594, le creux relatif116 se précise, de 96,66, on passe à 95,73 %, malgré un léger crochet sur la série andalouse117, sans lendemain, sinon sans conséquence118. On a vu dans quel schéma119 évolution du trafic et évolution des prix pouvaient être réconciliées. Pour l’heure, un seul fait importe, la solidarité qui unit, sous cet angle, comme sous d’autres angles, la conjoncture des années 1593 et 1594.
163Toutes ces raisons et quelques autres contribuent à faire de ces deux années un premier plateau ascendant de la fluctuation primaire 1592-1597.
2. Vers une analyse plus poussée du mouvement
164— Tout comme en 1593, il importe, dépassant les apparences du mouvement global, de serrer un peu plus près, la valeur réelle du trafic qui a animé l’Atlantique de Séville.
165Plus encore qu’en 1593, ce sont les articulations intérieures du mouvement qui donneront le véritable tonus de la conjoncture, en raison de l’insignifiance fortuite du mouvement Retours. On sera frappé, d’entrée de jeu, de l’importance des modifications survenues, d’une année sur l’autre. À telle enseigne que la démarche suivie en 1594 peut paraître diamétralement opposée à celle de 1593. En 1593, la mise en parallèle des chiffres globaux avec ceux de 1592, terme de référence nécessaire, conduisait à un point de vue très optimiste de la conjoncture de l’année, dont il avait fallu, presque aussitôt, rabattre, devant l’analyse attentive du détail du mouvement, à la lueur de la correspondance de la Casa de la Contratación. En 1594, au contraire, l’appréciation médiocre du début — par la mise en parallèle, il fallait commencer par là, des chiffres globaux de 1594 avec ceux de 1593 et de 1592 — risque, à la lueur d’une analyse plus détaillée, de sortir singulièrement valorisée.
166a. L’Armada Francisco Colorna, Don Luis Faxardo. — Rentrée à Cádiz, le 24 juillet 1593120, l' armada Francisco Coloma, Don Luis Faxardo contribue d’une manière décisive (pour près de moitié) à nourrir les Retours de 1593121 : l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias quitte, à nouveau, le complexe portuaire andalou, le 25 février 1594122, en compagnie de la flotte de Sancho Osorio123. Quelque peu réduite (9 navires, 6 809 tonneaux124, au lieu de 14 unités et 7 750 tonneaux), Y Armada de la Guardia n’en constitue pas moins, comme l’année précédente, un des éléments les plus importants du mouvement. Elle contribue, comme l’année précédente, à relever le tonnage unitaire moyen125. Elle traduit la rentrée en ligne de compte des gros navires bannis depuis la sombre ponction de la grande et malencontreuse ponction en direction des mers du Nord. Tout ce qui a été dit126, pour justifier la prise en compte de l'Armada Coloma — Faxardo en 1593, est, a fortiori, valable en 1594.
167Mais là s’arrête l’analogie, pour tourner brusquement à l’avantage de 1594. Si la lourde armada de facture biscayenne (témoin d’une puissance militaire navale et d’un style retrouvé) ne faisait en 1593, toute fraîche émoulue de la Cantabrique, qu’une timide incursion dans les eaux de la Carrera, dans les limites de la « Méditerranée atlantique », entre les Açores et la côte..., elle est, sans remords, en 1594, annexée à la vie de l’Atlantique. Corps de bataille redoutable mis au service de Séville, elle accompagne jusqu’à l’isthme, dans les fonctions authentiques d’une Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, la flotte de Pardo Osorio.
168Son rôle économique ne fait pas de doute. Certes, rendue à son sens étymologique d'Armada de la Guardia, elle accompagne une puissante flotte de Terre Ferme, qui, elle, transporte le gros de la marchandise, elle n’est pas comme, tard dans le cours du xviie siècle, un simple substitut pratique d’une flotte de Terre Ferme défaillante. On peut, donc (il le faut) considérer que son potentiel de transport n’aura été que, partiellement, — à 30, 40, 50 ou 60 % — utilisé à des fins économiques127... Toutefois, par rapport à la situation de 1593, l’annexion de l'Armada Coloma-Faxardo représente un gain net de l’ordre, peut-être, de 3 500 à 4 000 toneladas (d’utilisation marchande) par rapport aux chiffres économiquement valables, c’est-à-dire dépouillés de l'Armada Coloma-Faxardo.
169En vertu de quoi, pour obtenir une meilleure traduction de la réalité économique, il importerait, sur le mouvement Allers, de substituer aux mises en parallèle des chiffres globaux de 1594 à ceux de 1593128, la mise en parallèle de chiffres corrigés en potentiel de transport économique. Soit opposer, pratiquement, à 132 navires et 20 000 tonneaux129 — le potentiel de transport économique aux Indes pour l’année 1593 — un potentiel de transport pour 1594, de l’ordre de 150 bateaux et de 27 à 28 000 tonneaux. Le décrochement ne serait plus de l’ordre de 2,74 à 4,8 %, mais bien de l’ordre de 35 à 40 %.
170En raison de l’intégration économique aux circuits du trafic transatlantique de la grosse Armada Coloma-Faxardo c’est à 35 ou 40 % que l’on doit raisonnablement évaluer l’accroissement du potentiel économique de transport à l’Aller, de l’Europe sur l’Amérique, de la Carrera, entre 1594 et 1593.
171Corollaire et confirmation, on notera avec quelle rapidité, l’énorme masse tentante de l'Armada Coloma-Faxardo aura été absorbée, en vertu d’un processus presque aussi vieux que l’Atlantique de Séville, par l’appareil économique-marchand. D’autant plus irrésistiblement, que son tonnage unitaire moyen énorme (845 tonneaux pour les seuls galions, à l’exclusion de la ou des pataches d’accompagnement), en faisait un pôle irrésistible d’attraction.
172À la limite, on pourrait donc constater que sur la ligne — extrêmement importante pour une analyse conjoncturelle130 du tonnage unitaire moyen — 1594 constitue un plan de clivage important. Si on envisage l’ensemble du matériel naval de la Carrera, compte non tenu de son utilisation à des fins essentiellement économiques ou essentiellement militaires (ou du moins, de protection pure131), ce plan de clivage du tonnage (entre un matériel de 130 et un matériel de 190 tonneaux) passe entre 1592 et 1593. Si—et cette conception peut sembler, à la limite, la plus raisonnable, — on se borne à considérer le matériel effectivement utilisé à des fins économiques bien précises, le vrai plan de clivage, avec tout ce qu’il porte de signification en conjoncture économique, du tonnage unitaire moyen des navires utilisés dans la Carrera, passe beaucoup plus légitimement entre 1593 et 1594, D’une part, avant 1593, le paradoxal maintien d’un matériel petit, de l’ordre de 130 tonneaux (il s’agit d’une moyenne, donc, d’une fiction, en raison de la grande dispersion de la série), au-delà, par l’hypocrite phagocytage de la belle Armada Coloma-Faxardo, le retour à un matériel plus logique, plus rentable, en tout point plus proche de la taille de désirabilité maximale, de l’ordre de 190 tonneaux, (avec la même remarque que précédemment concernant l’extrême dispersion de la série d’où la moyenne est tirée).
173Il suffit, pour obtenir une confirmation de ces points de vue, de se reporter à la ventilation interne des départs et de replacer, sous cet angle, l’année 1594, dans la prospection générale encadrante de la série.
174b. La Ventilation des Allers132.— L’incorporation de l'Armada Coloma-Faxardo au trafic — même s’il ne s’agit, encore, comme on l’a souligné, que d’une incorporation partielle — constitue, évidemment, le grand événement qui modifie, très sensiblement, l’interprétation du mouvement.
175Apparemment, la catégorie des navires d’armada ne présente que peu ou pas de changement, par rapport à l’année précédente : on passe de 14 à 15 navires, de 7 750 à 7 269 tonneaux-toneladas. Quantitativement, donc, le niveau de cette catégorie de moindre valeur économique reste constant. En fait, une énorme mutation s’est produite. Les navires d'armada de 1593 n’avaient, pratiquement, aucun rôle économique, ceux de 1594 ont, pour ainsi dire, un pôle presque égal à celui des navires marchands de Séville (à l’exception, peut-être, — et encore, — des petites frégates de Rodrigo de Soto133 460 toneladas, seulement, quantité presque négligeable). C’est donc, paradoxalement, dans cette catégorie où il semble, quantitativement, n’y avoir aucun changement, d’une année sur l’autre, que se produit en faveur de 1594 la modification la plus importante.
176Le comportement des Canariens-Négriers est un second facteur favorable.
177L’ensemble des navires Canariens et Négriers — on s’acheminera, peu à peu, vers la situation qui prévaudra lors de la seconde partie du cycle, quand il y aura disparition des Canaries, — aligne en 1594, 36 navires et 3 250 tonneaux contre 47 navires et 4 380 tonneaux en 1593,46 unités et 3 960 tonneaux en 1592. Recul sensible de l’ordre d’un quart, dans un domaine où on peut considérer un recul comme un élément favorable.
178Sur l’axe caditain, la situation est étale : légère augmentation du nombre des navires, léger recul du tonnage global : de 17 navires on passe à 20 unités, de 4 270 à 4 050 tonneaux-toneladas. Sensibles modifications qui n’ont pas grande signification : on peut, en raison de la relative imprécision de la mesure, les considérer comme négligeables.
179Toutes les modifications affecteront, de ce fait, la série la plus importante, celle des navires-marchands de Séville, celle qui, traditionnellement, est considérée, avec de justes raisons, comme la série économiquement la plus importante, de 68 navires en 1593, elle passe, désormais, à 79 unités en 1594, de 11 415 tonneaux-toneladas, elle s’élève à 14 595 tonneaux-toneladas, en 1594, soit une progression respective de 16,2 % et de 27,3 %. Cette progression décisive est accompagnée d’un accroissement non négligeable, aussi, du tonnage unitaire de la série. Elle a — pas décisif — pratiquement rattrapé le tonnage de l’année et celui, dans la série, des années très antérieures : 184,8 tonneaux, tonnage moyen des marchands de Séville en 1594 contre 183,43 tonneaux pour le tonnage moyen de l’ensemble des départs de l’année134 et sur la série des marchands de Séville : 167,9 toneladas en 1593, 171,5 en 1592, 171,8 en 1591, 193 toneladas en 1590. Non seulement il y a, donc, significative reprise sur la série des marchands de Séville, mais cette reprise est accompagnée d’une modification substantielle du tonnage unitaire moyen dans cette série fondamentale. On peut suivre, ainsi, le progressif effacement des traces de la catastrophe.
180c. L’atmosphère de Vannée 1594.
181Mais il y a, en faveur d’une modification importante à la hauteur de l’année 1594, des arguments beaucoup plus décisifs.
182Les deux flottes. — L’argument clef réside, incontestablement, dans le départ de deux flottes. J’ajouterai, circonstance combien aggravante, de deux flottes plus une Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias accompagnant jusqu’à l’isthme la flotte de Terre Ferme et doublant, pratiquement, cette dernière dans sa fonction économique135. Semblable conjoncture — elle n’est autre, finalement, que le schéma classique, légal, traditionnel, repris de la Recopilación dans les bons livres et si rarement réalisé — ne s’était pas produite depuis huit années pleines, soit depuis 1586. Pour souligner l’exceptionnelle signification d’une telle conjoncture, il suffit de rappeler qu’elle ne se reproduira pas avant sept nouvelles années, en 1602136. Sur le point de se réaliser en 1596, elle en sera empêchée par le raid anglais sur Cádiz, le 2 juillet 1596 qui détruisit, on s’en souvient, la flotte de Nouvelle Espagne de Don Luis Alvaro de Flores137.
183Bien sûr, un tel tour de force n’ira pas sans quelques concessions et sans quelques difficultés. Tout d’abord, une certaine réduction des convois, qui n’atteignent pas tout à fait à la dimension habituelle, une trentaine de navires, et quelque neuf mille tonneaux en moyenne, l’un dans l’autre, cet allégement est sensible surtout sur la flotte de Nouvelle Espagne, surtout. La réduction, à bien peu de choses, une douzaine de tout petits navires, seulement, des départs hors convoi138. Le dédoublement du convoi n’a pas entraîné un doublement pur et simple du tonnage global des départs.
184La chronologie des départs. — La chronologie des départs, elle-même, est instructive : c’est l’extrême précocité139 du départ de l'Armada y flota de Sancho Pardo Osorio, pour la Terre Ferme et de l'Armada de la Guardia de la Carrera de Indias de Francisco Coloma/Luis Faxardo, le 25 février 1594140. Un coup d’œil sur les tableaux chronologiques annexés aux tables 18, 19, 20, 21, le montre aisément. Un départ dans la seconde moitié de février de la flotte de Terre Ferme suppose pratiquement des préparatifs échelonnés sur plus d’un an et un départ différé l’année précédente. C’est exactement la situation de 1594. L'Armada y flota qui gagne la Terre Ferme, en février 1594, sous le commandement de Sancho Pardo Osorio n’est autre, finalement, « théoriquement, du moins, » que la flotte d’automne 1593141, retardée et différée, d’avatars en avatars. Le départ, pourtant normal142 dans la première moitié de mai de la flotte de Nouvelle Espagne de Marcos de Aramburu143 n’aura pas permis le départ légal, à l’automne, du second convoi, destiné à la Terre Ferme144. Pour qu’une telle conjoncture se produise, il faut, outre une forte pression conjoncturelle, plus forte, vraisemblablement qu’en 1593, un premier départ moins lourd, moins encombré que celui de Marcos de Aramburu vers la Nouvelle Espagne et un départ plus précoce en mars ou en avril145. Ces considérations soulignent, certes, le caractère exceptionnel du double, voire du triple gros départ de 1594. Sans en diminuer la valeur en tant que signe, traduction d’une conjoncture — étant donné, qu’à de très rares exceptions, seules, des conditions exceptionnelles auront permis la réalisation des deux convois prévus par la Loi des Indes.
185d. Signes favorables et signes moins favorables.
186C’est la raison pour laquelle il ne faudrait pas prendre trop au pied de la lettre les excuses que la Casa de la Contrataciôn adresse au Consejo146 pour justifier le non-départ, à l’automne 1593, d’une flotte de Terre Ferme dont personne ne croyait qu’il fût possible avant 1594. Le départ d’un nouveau convoi à l’automne était impossible ; son départ, le 25 février 1594, témoigne d’une conjoncture élevée.
187Crise des subsistances. — Parmi les excuses évoquées, la petite crise des subsistances de l’automne 1593 mérite d’être retenue.
188Signalée, le 21 octobre, elle pèse, tout particulièrement, à en croire la Casa, sur le départ du convoi. Il s’agit, en l’occurrence, d’une grande cherté du biscuit. L’incident relativement minime, peut-être, exagéré par la Casa, est, portant, assez révélateur des conditions de fonctionnement de la Carrière des Indes.
189La cherté de l’automne 1593, aura été, si on se reporte à Hamilton147, un épisode d’assez mince importance. Déclenchée, sans doute, par un accident météorologique assez localisé, puisqu’il n’a pas de répercussions sur le prix des grains dans le reste de l’Espagne, il est, en outre, même en Andalousie, d’importance assez limitée. L’indice 157,5 ne tranche pas tellement — pour une série aussi sensible — sur son encadrement : 140,8 en 1591, 144,0 en 1592, 126,6 en 1594 et 125,6 en 1595. Cet indice élevé, certes, du prix des grains en Andalousie avait été dépassé deux fois déjà, au moins, autant que permettent d’en juger des séries fragmentaires en 1589 (indice 197,3) et en 1584 (indice 165,0), et très vigoureusement, bientôt, en 1598 et en 1599 (indice 228,2 et indice 194,4).
190Ce qu’il faut retenir, c’est l’ampleur des répercussions d’un épisode assez mince sur la vie de la Carrera, à en croire, du moins, la Casa de la Contrataciôn. L’incident montre, entre autres, l’ampleur des liens de dépendance de la Carrera à l’égard de la production andalouse pour son ravitaillement en biscuit. Le dépendance est tellement étroite, que l’on manque, semble-t-il, de sources étrangères de remplacement en cas de besoin. Les besoins de la Carrière des Indes jouent, d’autre part, le rôle d’amplificateur. Une reprise sensible des échanges avec l’Amérique, un plus grand besoin de biscuit, un petit accident météorologique assez étroitement localisé, et voilà des perturbations dont on imagine mal, a priori, l’ampleur. En ce monde étouffé, en ce monde étranglé, un rien perturbe des équilibres, paradoxalement obtenus.
191La difficile jonction avec l'Europe. — On notera, parmi les autres facteurs que la Casa souligne dans son plaidoyer, en faveur des gens de mer et du négoce, les retards des arrivages de Biscaye. France, Flandre et Italie. Un tel aveu ne risque pas d’être surestimé. Il est la reconnaissance officielle d’un fait qui va croissant : l’Espagne exporte moins qu’elle ne réexporte. La fiction n’est même plus maintenue. Cet aveu, par sa franchise, par sa netteté, un des permiers, montre l’ampleur des transformations subies par la Carrera au sortir de la grande crise d’étranglement. L’évolution bien commencée ira, désormais, en s’accentuant, chaque jour, un peu plus. Elle est appelée à modifier de fond en comble les conditions du commerce et à l’intérieur du complexe, l’équilibre Séville-Cádiz, au détriment de Séville, port d’estuaire, à l’avantage de Cádiz, le vieil emporium phénicien largement ouvert sur la mer. En 1594, la Carrera apparaît toujours aussi dépendante des récoltes andalouses pour le ravitaillement en mer de ses marins, mais de plus en plus dépendante du dehors pour ses exportations aux Indes.
192Au fur et à mesure que cette situation ira s’affermissant, la jonction, à Séville, des convois arrivant de Méditerranée et surtout du Nord, avec le départ des flottes, deviendra une grande, bientôt, la grande affaire, on devine combien difficile, dans cette texture granuleuse de l’ancienne navigation.
193Amnistie et expansion.— L’attitude de la Casa de la Contrataciôn, au milieu de ces circonstances, est intéressante. Elle met tout en œuvre, à sa manière, pour faciliter la reprise qui se dessine, malgré les apparences. Ne la voit-on pas s’entremettre148 dans une affaire de contrebande où elle prend, selon son habitude, assez clairement, presque plus clairement encore que de coutume, le parti des fraudeurs. Il s’agit, tout simplement, de faire rentrer le plus vite possible dans le circuit économique des Indes, des marchandises saisies par les services des patrouilles de l'Armada Coloma. Les marchandises européennes, au vrai, affluent de toutes parts en direction de l’Amérique, mais à condition de payer le moins possible à la lourde fiscalité officielle.
194C’est la première fois depuis longtemps que l’on trouve la Casa aussi nettement engagée dans cette action... qui n’a qu’un but : diminuer la pression fiscale, ouvrir les Indes aux marchandises étrangères, à la seule condition qu’elles acceptent de faire le crochet par Séville et le canal officiel de la Carrera. L’indication est à retenir — elle constitue, en soi, un facteur favorable — grâce à la complicité efficace — comme toujours, — de la Casa de la Contratacián, le négoce de Séville aura obtenu, au moment de la « reconstruction » de l’ancienne splendeur de l’Atlantique traditionnel, le secours sérieux d’un gros relâchement fiscal. Il importe peu qu’il se traduise non par une réduction de l'ad valorem, mais selon ses modalités propres149. Quels que furent les mobiles, peut-être, terre à terre, qui l’inspirèrent, il faut reconnaître à cette politique le mérite de l’efficacité « à court terme » et, peut-être, de l’intelligence.
195Maintien et atténuation des « goulots » anciens. — Cette politique était d’autant plus utile qu’il serait faux d’imaginer que toutes les anciennes limites sont, désormais, dépassées. Le trafic ne reprend qu’au prix d’une extrême tension. Une lecture attentive de la correspondance de la Casa permet de conclure à la survie des anciens soucis150, mais, si on en juge par la place moindre qui leur est dédiée et le caractère plus sommaire des propos qui leur sont consacrés, ils ont cessé ou sont en passe de n’être plus au premier plan des préoccupations. On leur fait un sort un peu par tradition et pour justifier l’essentiel, les dégrèvements, en fait, attendus.
196Il semble qu’on ait eu encore quelques difficultés à se procurer les marins nécessaires au départ d’un lourd convoi de quelque 16 000 toneladas151. Difficultés, certes, mais sans commune mesure avec celles des années précédentes.
197Au moment des préparatifs du second convoi, l'Armada y flota de Nouvelle Espagne, capitaine général Luis Alfonso de Flores — elle quitte le Guadalquivir plus de quatre mois, à peine, après l’énorme double convoi de Pardo Osorio-Francisco Coloma152, — une ancienne pénurie est évoquée, celle des navires et, plus particulièrement, des gros navires153. On notera, d’une part, la persistance d’une pénurie de gros tonnages, — elle n’est pas surprenante : le tonnage unitaire moyen, par exemple, n’a pas recouvré encore son niveau ancien154 —, d’une pénurie dont le rôle aura été si important depuis 1588. On notera, surtout, qu’elle est évoquée, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, au moment, seulement, des préparatifs du second convoi, entendez à un moment où l’effort extraordinaire155 demandé à l’armement rend presque fatale la réapparition d’un mal très imparfaitement guéri. En 1597, la pénurie de l’armement peut réapparaître, un instant, en un moment particulièrement difficile, elle ne domine plus au premier rang des préoccupations des gens de Séville. L’effort fourni a porté.
198Au dernier rang, enfin, des legs d’un passé récent : une certaine séquelle d’insécurité156, d’insécurité plus psychologique, encore, que réelle. C’est, en février 1594, la nouvelle apportée par l’aviso de Nouvelle Espagne, entendez la présence de corsaires anglais dans les eaux de la Méditerranée américaine, dans les eaux de la Marguerite, de Cumana et de Caracas. Elle suffit, pour jeter un instant de flottement, dans le convoi de Sancho Osorio. Un instant, seulement, puisque le départ a lieu, quand même, le 25 février et que la lourde présence du puissant corps de bataille de l'Armada de la Guardia de Francisco Coloma et Luis Faxardo est suffisante pour rallier les hésitants.
199Insécurité plus psychologique que réelle, il suffit, de s’en tenir aux tableaux des pertes157. Ils accusent en 1594 un niveau exceptionnellement bas. Ce niveau prouve, après coup, qu’un grand tournant a été pris.
200Le climat des années difficiles du grand creux de l’incendie de Cádiz et de l’invincible n’est pas totalement dispersé dans tous les esprits ; il n’en demeure pas moins que les pénuries et les limitations anciennes tendent à n’être plus guère que des souvenirs.
201e. Le problème du fret.—Au fur et à mesure, par contre, que les anciennes pénuries se résorbent, on peut se demander si de nouveaux goulots ne sont pas en passe de se constituer. C’est ainsi, que, lors des préparatifs de la deuxième flotte de l’année, le convoi de Nouvelle Espagne sous le commandement de Luis Alfonso de Flores, on voit réapparaître, assez discrètement, certes, pour la troisième fois en un an, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, une nouvelle pénurie qu’on pourrait appeler pénurie de fret.
202Une première fois, on avait signalé le manque de fer pour les futailles et les difficultés d’acheminer le vin nouveau, c’était à l’automne 1592158, une seconde fois, à l’automne 1593159, on avait ressenti les difficultés d’approvisionnement en grains pour le biscuit de mer, à nouveau, les fers de futaille sont mis en cause160 et rendus responsables, entre avril et juin 1594, des retards successifs, dans le départ du convoi.
203Il faudrait une certaine naïveté, pour accorder au vin et aux futailles, une trop lourde responsabilité dans la date de départ, en juillet, de la flotte de Luis Alfonso de Flores. Toute l’histoire de la Carrera enseigne, en effet, que le temps écoulé entre le départ des deux convois, le double et énorme convoi de Sancho Pardo Osorio et Francisco de Coloma-Luis Faxardo, le 25 février et celui de Luis Alfonso de Flores, le 20 juillet 1594, constitue un minimum de moins de cinq mois, au-dessus duquel on est bien peu souvent descendu.
204Cette histoire de futailles est intéressante, par contre, à un triple point de vue. Elle confirme, tout d’abord, la tendance perçue déjà, à l’automne 1592, à la réintroduction dans la liste des exportations, en proportion considérable, des pondéreux agricoles, alimentaires. Elle précise le maintien des difficultés, consécutives à l’état de guerre avec l’Angleterre, qui continuent à gêner les communications maritimes entre les deux Espagnes-atlantiques. Elle révèle, enfin, l’extrême étroitesse physique de toute cette économie, pratiquement, sans volant, sensible au moindre à-coup, à la moindre difficulté d’ordre matériel, où l’état de crise est presque structurel. Loin d’interpréter, ce genre de crise de fret comme un signe de ralentissement conjoncturel du trafic, on pourrait presque les considérer comme des signes de prospérité. Il prouve que la production et les transports terrestres et maritimes de cabotage n’arrivent pas à répondre, facilement et à tout moment, à l’effort que le négoce attend d’eux. La crise de fret, qu’engendre, ainsi, un goulot physique de la production, traduit une situation conjoncturelle diamétralement opposée à la crise de fret causée par le refus du négoce de charger.
205f. Les Parents pauvres.— Un peu du même ordre, cet autre signe de pénurie relative que traduit la correspondance de la Casa : les difficultés à pourvoir les secteurs marginaux, ceux que nous avons appelés les parents pauvres de la Carrera. C’est le cas, en 1594, du Honduras161. Pour satisfaire des besoins évalués à 4 à 5 bateaux de 150 toneladas, on ne trouve, d’abord, qu’un seul bateau de cette dimension. Finalement et non sans lutte, on alignera162 trois petits navires de 400 toneladas, soit les deux tiers environ, des besoins. Le sacrifice des « parents pauvres », entendez des axes secondaires les moins lucratifs du trafic, peut et doit être considéré, aussi, comme un signe d’expansion relative.
206g. Volume et Valeur. — Une dernière question complète, pour finir, le tableau plutôt optimiste que l’on tire de la Carrera au cours du deuxième semestre de l’année 1594 : le mouvement valeur163.
207L'avería donne aux Allers de 1594, à quelque 8 millions de maravedis près, la même valeur qu’aux exportations de 1593 : 1 628 478 357 maravedis en 1594 contre 1 636 488 638 en 1593. Prise au pied de la lettre, cette égalité pourrait être interprétée comme l’accentuation d’un repli de la valeur unitaire des exportations, en raison, nous l’avons vu, de la substantielle augmentation du volume de ces dernières.
208Bien sûr, 1594 (l’exportation des vins le prouve) confirme, comme 1593, la tendance nouvelle à une réapparition des pondéreux alimentaires. Toutefois, s’il y a modification sensible sur ce point par rapport au creux des années 1590-1592, il n’en va pas vraisemblablement de même par rapport à 1593. La mutation, si mutation il y a, se situe plus tôt, entre 1592 et 1593.
209Nous venons d’avoir l’explication de cette apparente contradiction : l’augmentation, au cours de ces années de récupération pour le négoce et l’armement, des marges de tolérance fiscale164. L’égalité même des sommes versées en 1593 et 1594 traduit une sorte d’accord tacite, une espèce de somme globale forfaitaire, susceptible d’encourager le négoce à augmenter le niveau de ses affaires.
210De cette série d’indices, il est légitime de conclure. Entre 1593 et 1594, la valeur unitaire du mouvement s’est maintenue, sans atteindre les positions records de 1592. La valeur globale et le volume global des exportations ont substantiellement augmenté. Au cours de ces deux années, 1593 et 1594, la Carrera a virtuellement récupéré ses anciennes positions.
211Un pas important a été franchi vers de nouvelles conquêtes.
Annexe
ANNEXE. RÉPARTITION ENTRE DIRECTIONS ET PROVENANCES FONDAMENTALES À L’INTÉRIEUR DU DÉCOUPAGE CHRONOLOGIQUE DU CYCLE ET DE LA FLUCTUATION
ANNEXE (Suite)
Notes de bas de page
1 Cf. t. VI1, tables 139, 143, p. 337 et p. 341 ; t. VII, p. 44-45.
2 Ce tableau — s’empressera-t-on d’ajouter — est vrai, à des niveaux différents, pour les différentes fluctuations du cycle, l’écart s’accroît même de 1598 à 1599, le tonnage unitaire annuel moyen des Allers est de 182,62 toneladas contre 255,46 toneladas, il s’atténue de 1600 à 1604, 233,5 toneladas contre 260,7 toneladas. Ce qui est aussi un signe d’équilibre et prouve que la liquidation du matériel bouche-trou de la Carrière des Indes, pendant la crise de l'Invincible est en bonne voie.
3 Ce qui constitue, même, par rapport à la moyenne plus que séculaire de la relation, un cas assez sensible d’anomalie positive.
4 Cf. t. VI1, tables 182-183, p. 384-388.
5 Étant entendu qu’il s’agit, à plus proprement parler, d’une prise en compte officielle. La prise en compte par les services de la Casa de la Contratación a, de notre point de vue, la grande signification de l’aveu d’une reconnaissance officielle.
6 Car, utile contre-épreuve, à ce moment-là, la correspondance de la Casa de la Contratación est loin d’être silencieuse sur le non-respect de la règle.
7 Cf. ci-dessous, p. 767-840.
8 Soit 181,82 toneladas à l’Aller et 209,43 toneladas au Retour.
9 Tous ces raisonnements sont établis, compte non tenu de la pondération. Valable, nous l’avons dit, pour interpréter des phénomènes d’ensemble dont elle donne la tendance, il est préférable d’y recourir, avec prudence, dans le détail des mouvements. Sa prise en considération compliquerait inutilement les calculs, sans modifier des résultats, qui sont valables par rapport à une tendance..., la tendance, en l’occurrence, de tout un siècle d’histoire atlantique, au grossissement du tonnage unitaire des navires.
10 La période 1598-1599 que nous plaçons, en charnière, sur ce point comme en beaucoup d'autres, fait transition : tonnage unitaire moyen, Allers, 182,62 toneladas, Retours, 255,46 tone ladas, globaux Allers et retours, 208,4 toneladas.
11 Allers : 233,5 toneladas, Retours : 260,7 toneladas.
12 Cf. t. VI1, tables 6, 7, 8 ; 12 C, 12 D, et 12 E, p. 130-141 ; p. 162-165 ; p. 166-167.
13 Groupant les colonnes 3, 4, 5 et 6 des tableaux récapitulatifs, t. VI1, tables 12 C, 12 D et 12 E, p. 162-166.
14 Groupant les colonnes 7 et 9 des tableaux récapitulatifs précédemment cités.
15 Groupant les colonnes 8 et 10 des tableaux récapitulatifs précédemment cités.
16 On peut construire, alors, le petit tableau suivant :
17 Cf. t. VI1, tables 6, 7, 8,12 C, 12 D et 12 E, p. 130-141, p. 162-167.
18 Cf. t. VI1, tables 610-611, p. 870-871.
19 Cf. ci-dessus, p. 767-840.
20 Cf. t. VI1, tables 18, 19, 20, 21, p. 178-182.
21 De 1572 à 1578, les îles n’ont aligné que 5,2 % de tonnage Allers, 24,7 % des Retours, 14,7 % des Allers et retours.
22 Pour connaître du trafic des îles, mieux vaut interroger les Allers seuls, les Retours incorporant, en effet, une majorité de navires pour lesquels le passage par les îles n’a été qu’une simple escale.
23 Compte tenu moins des distances que de la difficulté relative de la navigation.
24 On verra (Annexe, p. 992-993) ce que donne, dans le cadre des fluctuations primaires et du cycle, en chiffres absolus (nombre de navires et tonnage en toneladas) et en pourcentage (nombre de navires et tonnage), pour les Allers, Retours et Allers et retours, la répartition entre directions et provenances fondamentales.
25 Poussée relative de la Terre Ferme, pendant la décade de difficultés.
En Allers, en effet, face aux 43,6 % et 39,8 % de 1579-1583 et 1584-1587, d’une part, aux 34,1 %, 43,4 %, 36,2 et 36,1 % de 1600-1604, 1605-1607, 1608-1610, 1611-1613, d’autre part, on peut aligner les 52,06 %, les 38,6 % et 55,6 % de 1588-1592,1593-1597 et 1598-1599.
En Allers et retours, la dénivellation est moindre, en raison des perturbations du mouvement aux Retours, elle subsiste pourtant. Face aux 37,05 % et 39,7 % des fluctuations 1579-1583 et 1584-1587, d’une part, face aux 33,3 % de 1600-1604, aux 37,5 %, 33,4 % et 31,1 % de 1605-1607, 1608-1610, 1611-1614, les niveaux relatifs du trafic de Terre Ferme plus hauts de 1588-1592, 1593-1597 et 1598-1599, atteignent respectivement, 43,8 %,34,7 % et 44,5 % du total.
26 Les Philippines et le Pacifique des Ibériques.
27 Cf. ci-dessus, p. 826-827 et t. VI2, tables 226-227, p. 471-473.
28 Cf. ci-dessus, p. 808-840.
29 Cf. ci-dessus, p. 945 et Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34-35.
30 Cf. t. III, p. 412-569, t. IV, p. 8-49.
31 Cf. t. III, t. IV, t. VI, tables 182-183.
32 C. t. I, p. 88 sq.
33 Cf. t. IV, p. 42 sq.
34 F. Braudel, Méditerranée, op. cit., p. 397 ; F. C. Spooner, Économie mondiale, op. cit., p. 177.
35 Cf. ci-dessus, p. 550-551.
36 Elle prend toute sa valeur, comparée aux niveaux, quand même, sensiblement différents, cette fois, des cycles encadrants : 57 navires, pour la moyenne annuelle de 1572 à 1578,78 navires pour la moyenne annuelle de 1605 à 1613.
37 T. VI1, table 129, p. 327.
38 Cf. ci-dessus, p. 942-943.
39 T. VI1, table 129, p. 327.
40 T. VI1, tables 603 sq., p. 863 sq.
41 T. VI1, table 129, p. 327
42 Cf. ci-dessus, p. 826-827 ; 952-953.. et p. 1035-1037.. 1072.
43 Cf. ci-dessous, p. 1070-1212.
44 Cf., notamment, le tonnage moyen du mouvement au cours de cette période, cf. ci-dessous, p. 992-993.
45 Cf. t. VI1, tables 163, p. 362.
46 Après 1512, 1535, 1577, 1626 et 1642, le sixième par l’importance des écarts cycliques sur les prix.
47 Cf. ci-dessus, p. 767-840.
48 Cf. ci-dessous, p. 961-1037.
49 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34-35.
50 Cf. ci-dessus, p. 906-909.
51 35 184 862,5 pesos à 450 maravedís, au total, soit, « officiellement », le chiffre le plus élevé jamais enregistré, dont 25 161 514 pesos, pour les trésors privés, ceux qui affectent directement le trafic. Ce niveau des importations des trésors privés ne sera dépassé qu’une fois et de peu, de 1616 à 1620, avec 25 764 672 pesos.
52 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 35.
53 Cf. notamment 1607-1613.
54 Cf. ci-dessus, p. 826-827 et t. VI1, faille 226, p. 471.
55 Cf. t. VI1, tables 131, 134, 137, 141, p. 329, 332, 335 et 339.
56 On notera le brusque alignement du tonnage unitaire sur celui de l’ensemble de la période, tonnage unitaire moyen du cycle à l’Aller (1593-1604), 201,4 toneladas, tonnage unitaire moyen de la première fluctuation, 1593-1597, 181,82 toneladas.
57 Cf. ci-dessus, p. 830-840.
58 Par rapport à la moyenne, entre 1591 et 1593, on passe, en Allers, de 45,73 % à 120,62 % contre 67,81 % et 120,62 % de 1592 à 1593.
59 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34-35.
60 Le niveau des importations « officielles » des trésors prouve, au contraire, qu’ils sont venus en abondance.
61 Un des plus importants, sinon le plus important, en Allers et retours, des décrochements positifs, comparable seulement, par son ampleur, à celui qui oppose un peu plus tard, 1607 et
62 Cf. ci-dessus, p. 833-840.
63 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
64 Cf. ci-dessous, p. 994 sq.,.. 1257 sq..
65 Cf. ci-dessus, p. 177-180.
66 Et c’est là, seulement, on a déjà soulevé la question (cf. ci-dessus, p. 961-962), que se pose le problème.
67 Cf. t. III, p. 504-505 et 522-523.
68 Nous l’avons fait figurer dans les tableaux, ce qui n’est pas contestable, puisqu elle sort des ports du complexe, qu’elle est au service, à la charge et faite de la « chair » même de la Carrera, elle a été portée, toujours, pour la même raison d’homogénéité, dans les colonnes correspondantes du t. VI et, plus particulièrement, dans la grande ventilation (t. VI1, tables 166-169-172, p. 365, 368 et 371) au compte de la Terre Ferme, parce qu’elle va chercher jusqu’aux Açores, seulement, de l’argent de Terre Ferme.
69 Cf. t. III, p. 490-491.
70 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.
71 Dont certains, tel le San Felipe, par exemple (t. III, p. 504, Add. (I) a), avec ses 1 259 toneladas, est un des plus gros navires jamais employés dans la Carrera.
72 Cf. t. III, p. 504.
73 Avec 46 navires et 3 960 toneladas en 1592 et 47 navires et 4 380 toneladas en 1593.
74 Cf. t. III, p. 526 et 530.
75 Cf. t. III, p. 504.
76 Cf. t. III, p. 504 et p. 512-514, notes 12 à 15.
77 Cf. t. III, p. 513, note 13.
78 E. J. Hamilton, op. cit., p. 271, 273, 403. — Calculé suivant les mêmes hases, les prix dorment 113,43 et les salaires 121,45 en 1593.
79 Cf. t. III, p. 513, note 13.
80 Irving A. Leonard, Los libros del conquistador, p. 129-144.
81 Cf. t. IV et V, notes aux tableaux.
82 On ne reçoit jamais trop de ces confirmations, tant il est vrai que les aspects les plus importants de ce monde complexe ne sont pas ceux qui sont révélés en clair. Dans ce monde, plein de précautions, d’arrière-pensées, de demi-mots, si déroutant pour l’homme du dehors, le plus important est souvent à deviner, d’attitudes ou de simples modifications d’attitude... C’est le cas, notamment, ici.
83 Cf. t. V, p. 168-169.
84 En raison, surtout, du faible niveau volumétrique des départs des années précédentes. Cf. ci-dessus, p. 803-840.
85 Cf. ci-dessous, p. 1522-1523.
86 Dans nos économies à rythme de croissance particulièrement élevé, il s’agit de retards momentanés, d’insuffisantes adaptations passagères, ou plus exactement, d’une brutale mutation des progrès techniques dans un autre secteur qui provoque, tout à coup, un accroissement localisé de la demande, difficile à satisfaire. Nos pénuries, nos goulots d’étranglement sont dus, pour l’essentiel, à des emballements du progrès, dans certains domaines. Les pénuries, les goulots d’étranglement de l’ancien système, sont, à la fois, plus graves et plus stables, car ils sont dus ide véritables insuffisances physiques, qu’il est virtuellement impossible de surmonter.
87 Cf. t. III, p. 513, note 14 ; Ct. 5169, Lib. IX, f° 170,15 avril 1593.
88 Fernand Braudel, Méditerranée, op. cit., p. 415-420. Frank C. Spooner, L’économie mondiale et les frappes monétaires en France (1493-1680), op. cit., p. 248.
89 Un des records, sinon en valeur, du moins, en poids. En poids, il n'est pas dépassé avant 1656-1657.
90 Cf. t. III, p. 513-514, note 15.
91 Cf. t. VI2, table 226, p. 471 et ci-dessus, p. 952-953.
92 T. III, p. 496 et 512-513.
93 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
94 Dans le même sens que le mouvement des valeurs fiscales d’après l'avería, on notera celui, aussi, des exportations du mercure (t. VIII2bis, Appendice, p. 1958-1978). Les exportations du mercure européen vers l’Amérique partent du point haut commun aux années 1588-1589 et, de là, décroissent régulièrement jusqu’en 1593, inclusivement.
Le départ cyclique de l’indice d’activité mercuriel se situe un peu plus tard, entre 1593 et 1594 seulement.
Il y a donc beaucoup de bonnes raisons pour n’attribuer encore, en 1593, qu’une conjoncture hésitante.
Le vrai départ se situe plus tard, en 1594, par exemple.
95 Cf. ci-dessus, p. 961-963.
96 Cf. ci-dessus, p. 963-966.
97 Cf. t. I, p. 169-221.
98 Cf. ci-dessus, p. 972.
99 Cette baisse se trouve confondue, en fait, dans l’opération bénéfique d’un relâchement considérable de la pression fiscale, conséquence elle-même d’une amélioration des conditions politiques et militaires de la navigation dans l’Atlantique de Séville.
100 On a une preuve encore de la persistance, en 1593, de l’atmosphère des années du creux cyclique qui ne se dissipe que lentement : la proportion des pertes reconnues (cf. t. VI2, table 610, p. 870), 14 navires, 3 190 tonneaux, 7,08 % de l’ensemble. C’est un minimum et c’est beaucoup. Il faut l’attribuer au maintien en service du matériel inadéquat et vétuste des années difficiles, dont le remplacement ne se fera que lentement, au fur et à mesure des possibilités. En 1594, par contre, une sensible amélioration aura été acquise.
101 Elle dure toute une décade, on l’a vu, cf. ci-dessus, p. 753 sq.
102 Cf. ci-dessus, p. 964-965.
103 Inférieur, encore, à celui des Allers de l’ensemble du cycle (1593-1604), 201,4 tonneaux, mais supérieur, par contre, à celui des premières fluctuations du cycle, 181,82 tonneaux pour 1593-1597 et 182,62 tonneaux pour 1598-1599.
104 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
105 Cf. ci-dessus, p. 967-968.
106 Cf. t. III, p. 528.
107 On rappellera, à titre de comparaison superficielle, les moyennes du tonnage unitaire à l’intérieur du cycle sur le mouvement Retours — il excède celui des Allers, on a vu pourquoi (cf. ci-dessus, p. 920-930) — 237,51 toneladas de 1593 à 1604, 209,43 toneladas de 1593 1597, 255,46 toneladas de 1598 à 1599, 260,7 toneladas de 1599 à 1604.
108 Cf. t. III, p. 542-543.
109 Cf. ci-dessus, p. 962-963 ; 967-968.
110 Le tonnage unitaire au cours de ces creux, à travers lesquels seuls réussissent à passer quelques navires sueltos, perce-blocus, on sera sensible à l’étonnante constance du tonnage unitaire moyen, autour de 90 tonneaux : 100,8 tonneaux en 1590, 82,2 tonneaux en 1592, 95,6 tonneaux en 1594.
111 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.
112 A titre de comparaison, rappelons les tonnages unitaires moyens à l’intérieur du cycle : 214,3 toneladas de 1593 à 1604, 190,9 toneladas de 1593 à 1597, de 208,4 toneladas de 1598-1599 et de 244, 3 toneladas de 1600 à 1604.
113 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.
114 Chaque période de deux ans, incorporant un creux et une pointe des Retours, les deux temps de la vague perturbée du rythme biennal des Retours.
115 Pour donner leur vraie valeur à ces chiffres, il faut les comparer aux moyennes cycliques et intracycliques sur les Allers et retours, 178,58 bateaux de 1593 à 1604 et 38 281,6 toneladas, 201,8 unités et 38 724,2 toneladas de 1593 à 1597.
116 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.
117 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200.
118 Cf. ci-dessus, p. 964.
119 Cf. ci-dessus, p. 958-959.
120 Cf. t. III, p. 522.
121 C. ci-dessus, p. 967-968.
122 Cf. t. III, p. 528.
123 Cf. t. III, p. 526.
124 Cf. t. III, p. 529.
125 8 bateaux ont un tonnage moyen « astronomique » de 845 tonneaux.
126 Cf. ci-dessus, p. 965-966.
127 Nous connaissons trop les mœurs de la Carrera pour être tenté de minimiser la portion de l'Armada qui aura été utilisée à des fins de négoce... d’autant plus que privé de flotte depuis deux ans, très mal approvisionné depuis plusieurs années, le marché de la Terre Ferme se présentait, à Séville, sous les aspects trompeurs d’un inépuisable pactole, en 1594.
128 Cf. ci-dessus, p. 975-977.
129 Cf. ci-dessus, p. 965-967.
130 Dans la mesure où il faut considérer que, depuis la mise en exploitation rationnelle du trafic avec le continent américain, depuis le dernier tiers du xvie siècle au moins, un gros tonnage unitaire moyen du matériel utilisé par la Carrera dans son trafic dominant avec le continent américain, est un facteur décisif de rentabilité.
Facteur de rentabilité d’autant plus décisif, en l’occurrence, qu’on se trouve, on a vu comment en 1593 (cf. ci-dessus, p. 969-970) devant les exigences folles de la main d’œuvre maritime, en plein goulot d’étranglement dû à l'insuffisant approvisionnement en gens de mer.
131 L’acheminement des trésors de la Tercera vers Séville entre dans cette catégorie. Le volume des navires utilisés à des fins économiques pour le transport de l’or et, dans une large mesure, aussi, de l’argent est virtuellement négligeable.
132 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.
133 Cf. t. III, p. 528-529.
134 Moyenne de la fluctuation (1593-1597) : 181,82 toneladas ; moyenne du cycle (1593-1604) : 201,4 toneladas.
135 Cf. ci-dessus, p. 981-982.
136 Cf. t. IV, p. 116 sq.
137 Cf. t. IV, p. 12 sq.
138 Cf. t. III, p. 534-535.
139 Cf. t. III, p. 526 et 528.
140 Cf. t. VI1, tables 18, 19, 20, 21, p. 180 et 184
141 Cf. t. III, p. 536, note 2.
142 Cf. t. VI1, tables 18-19, p. 180.
143 Cf. t. III, p. 504.
144 Cf. t. VI1, tables 20, 21, p. 184.
145 Cf. t. VI1, tables 18-19, p. 180.
146 Elles sont résumées dans la note 2, p. 530 du t. III.
147 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit. p. 391.
148 Cf. t. III, p. 536, n. 2.
149 Entendez une appréciation fictive au départ, cf. t. I, p. 88-94, notamment.
150 Cf. ci-dessus, p. 963-973.
151 Ct. 5110, San Lúcar, 1er février 1594, Francisco Tello à C.C., cité par t. III, p. 536, note 2.
152 Cf. t. III, p. 530-531.
153 Cf. t. III, p. 538, note 49.
154 Cf. ci-dessus, p. 975-977.
155 Extraordinaire, puisque la conjoncture des deux flottes et de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias ne s’est pas produite (cf. ci-dessus, p. 984-985), depuis 1586.
156 Cf. t. III, p. 536, note 2.
157 Cf. t. VI2, tables 601 à 668, p. 861 à 975 et, plus spécialement, table 610, p. 870.
158 Cf. ci-dessus, p. 971.
159 Cf. ci-dessus, p. 986-987.
160 Cf. t. III, p. 538, note 49.
161 Cf. t. III, p. 538, note 49.
162 Cf. t. III, p. 530-531.
163 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
164 Cf. t. III, p. 536, note 2 et ci-dessus, p. 827 et 990.
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