Chapitre VI. Le cycle royal de l’argent du Potosi à l’« invincible » (1578-1592). Caractères généraux
p. 565-608
Texte intégral
1Les quatorze ans, qui sont compris entre le creux de 1578 et celui, plus profond encore, de 1592, constituent une des fluctuations les plus complexes certes, mais les moins contestables du siècle et demi d’histoire de ce premier Atlantique transversal, objet de notre étude. Il est peu d’années, qui soient aussi chargées d’événements, peu d’années, aussi, qui aient vu se nouer, dans un plus inextricable filet, facteurs économiques, politiques, militaires, explicatifs du mouvement, peu de périodes, partant, où il ait été aussi difficile de les faire jaillir distinctement hors d’une vie tout d’une coulée, moins disposée que jamais à se laisser analyser. Mais c’est dans la mesure, précisément, où l’analyse se révèle la plus difficile qu’elle est la plus utile. Un aspect, toutefois, n’offre pas matière à contestation : la réalité de 1578 à 1592 d’une belle et large fluctuation puissamment construite autour de la clef de voûte des années de la grande prospérité d’avant l’Invincible, de 1584 à 1586.
I. — LIMITES
2S’il était besoin de convaincre quelque sceptique impénitent de la réalité objective des ondes cycliques animant la masse économique de l’espace Atlantique hispano-américain, c’est la fluctuation 1578-1592 qu’il faudrait évoquer, avec 1544-15541, 1592-1604 et 1605-16132, comme plus susceptible d’enlever la conviction. Non, bien sûr, que cette réalité soit raisonnablement contestable sur d’autres secteurs et pour d’autres périodes, mais elle est rarement aussi évidente qu’elle ne l’est ici.
3Et pourtant, la seule recherche des points de rebroussement, sans autre préoccupation, donnerait un résultat assez décevant. Observé, sans recul et sans souci de l’importance respective des décrochements, les volumes transportés peuvent donner l’impression d’être animés par une agitation désordonnée. Dirons-nous, un mouvement brownien ? Pas tout à fait, quand même, mais un rythme, en gros, sur trois ans : un creux, une pointe, un creux, une pointe3. Mais ces vibrations, dont plusieurs sont peu sensibles, ne traduisent pas autre chose que les à-coups, inévitables — dans le cadre artificiel du découpage annuel — du système des convois et des interférences de la guerre hispano-anglaise, quand Drake et l’Invincible Armada sont au tout premier plan de l’histoire militaire de l’Atlantique.
4Il est peu de moments où le poids de la guerre, le poids de la grande politique, de tout ce qui en dehors du rythme propre de l’économique, pèse sur le déroulement du trafic, est aussi évident. Les caprices d’un Océan mal dominé et de la guerre... suffisent amplement à rendre compte de ce rythme saccadé en surface. Mais — dans la mesure où tout, apparemment, se ligue, au cours de ces années, pour venir brouiller le jeu normal de la vie économique du grand Océan — si on découvre qu’au-delà de l’accidentel, le rythme familier existe, la démonstration aura d’autant plus de valeur que les conditions, dans lesquelles on l’a fournie, auront été plus difficiles.
LES DEUX CREUX ENCADRANTS DE 1578 ET DE 1592
5Il n’est pas besoin de faire intervenir les procédés les plus élémentaires, même, de l’analyse économique, les seuls, auxquels on se cantonne dans tout ce travail, il n’est pas même besoin de faire intervenir une chronologie4 moins grossière que celle, commode mais factice, du découpage annuel ; il suffit de regarder les séries et les graphiques5, pour que se détachent, à l’œil nu, les vrais accidents.
1. Chiffres vrais
6C’est ainsi qu’on ne peut hésiter sur le choix des deux grands creux encadrants : 1578 et 1592. Tout milite pour conseiller ce choix. Leur équidistance de la clé de voûte manifeste des années 1584-1586 (1578 est à six ans de 1584, sept ans de 1585 ; 1592, à six ans de 1586, sept ans de 1585) est un facteur favorable. Certes, il ne justifie rien en soi, à lui seul. Il donne, du moins, un renseignement valable sur cette fluctuation, sa symétrie.
7Les creux de 1578 et de 1592, outre leur équidistance au sommet évident de la fluctuation, ont pour eux, leur vigueur. 1578 est un point bas (50 navires, 12 185 toneladas, 10 966 tonneaux %, à l’Aller ; 45 navires, 12 190 toneladas, 10 971 tonneaux au Retour ; 95 navires, 24 375 toneladas et 21 937 tonneaux % en Allers et retours) dont on a vu, à son heure, la respectable vigueur par rapport à ce qui précède6 : le creux de cette année est comparable à celui de 15717. Puisque l’importance, tant absolue que relative, de la dépression de 1578 n’est plus, désormais, à démontrer, il suffira de situer 1592, par rapport à cette dernière. Or, le creux de 1592 est beaucoup plus marqué, encore, que celui de 1578. Dans la mesure où les mouvements continuent à s’accroître, dans la mesure où la hauteur de la clé de voûte du système cyclique excède, lors du présent cycle de l’Invincible Armada, très sensiblement celle de la clé de voûte du système précédent, il est incontestable que l’accident de 1592 revêt une importance tout à fait exceptionnelle.
8Sur les Allers, le mouvement passe par un minimum, un an plus tôt, en 1591 et non en 1592, avec 76 navires, 10 250 toneladas8, chiffre très inférieur au niveau creux des Allers de 1578 (50 navires et 12 185 toneladas). C’est le point le plus bas (en volume du moins), à la seule exception, bien sûr, des 31 navires, 2 975 toneladas (tonneaux) de 1587. Mais 1587 est dû à l’incendie de Cádiz et la destruction de la flotte au port9. Il est, d’ailleurs, contrecarré par le chiffre record des Retours (le record absolu, en unités non pondérées, du moins, de toute l’histoire de l’Atlantique) et un niveau élevé, en conséquence, du mouvement global. Le niveau des Allers de 1592 (117 navires, 15 280 toneladas ou tonneaux de jauge) est encore dans un ordre de grandeur assez proche du creux de 1578 (12 185 toneladas), mais surtout, sa position déprimée est valorisée par l’accouplement, sur deux années consécutives, de deux points très bas, 1591 et 1592. Or, il n’existe pas, évidemment, de longtemps, l’équivalent, en Allers, d’un mouvement moyen de 12 765 toneladas sur deux ans, ni à l’intérieur de la fluctuation, ni même autour du creux initial de 1578, que l’on accouple 1578 et 1577 ou 1578 et 157910.
9Mais cette hésitation vite dépassée, n’existe même plus pour les Retours et les globaux. Le niveau de 1592, avec 9 navires, seulement, aux Retours et 740 toneladas, résulte, il est vrai, d’un accident dans le mouvement, mais le niveau du mouvement global Allers et retours, 16 020 toneladas (ou tonneaux) et 126 navires de 1592, est le niveau le plus bas, non pas seulement, bien sûr, dans le cycle, ce qui signifie peu, mais, pratiquement, sur tout un siècle. 1592, en Allers et retours, c’est le niveau le plus bas, en volume, entre 1559 et 1641. Si on joint à cela que les années 1590 et 159111 n’affectaient, elles-mêmes, qu’un volume très faible, on ne sera pas tenté de mettre en cause le caractère record du creux de 1592.
10Les deux grandes dépressions encadrant la fluctuation sont donc tellement marquées qu’elles n’ont besoin, pour apparaître, d’aucun artifice de calcul. Même les procédés les plus élémentaires permettraient, bien sûr, de renforcer cette impression. Les écarts12 en pourcentage des chiffres vrais à la moyenne mobile de treize ans donnent, par exemple, des résultats peu suspects.
2. Écarts à la moyenne
11Pour les Allers, certes, ni le 67,814 % de 1592, ni le 45,73 % de 1591 n’apparaîtront, peut-être, exceptionnellement spectaculaires à l’observateur pressé, bien qu’ils soient très inférieurs aux chiffres de 1578. Mais c’est le rapprochement de deux écarts à la moyenne aussi considérables qui donne à l’incident sa véritable valeur. L’écart conjugué des deux années 1591 et 1592 est, sur le mouvement Allers, un des plus importants qu’on puisse relever : seuls, les creux de 1521-1522 et de 1641-1642 l’emportent et de très peu, en valeurs relatives13. Pour les Retours, l’écart, bien que prodigieusement dessiné14, est, peut-être, moins remarquable, parce que le rythme des Retours est plus saccadé. Très significatif, par contre, l’écart du mouvement Allers et retours, position relative (43,22 % en 1592). Là encore, l’accident est d’une importance relative tout à fait exceptionnelle, puisqu’un tel écart n’est égalé qu’une fois en 1554. Mais, si on tenait compte de la situation globale des trois années 1590, 1591, 159215, on ne trouverait, sur le mouvement synthétique Allers et retours, en volume, aucun groupe de trois ans qui, renforçant un point creux de rebroussement cyclique, constitue une telle anomalie négative du mouvement vrai par rapport à sa moyenne. Rien là, d’ailleurs, qu’une bonne construction graphique n’exprime à coup sûr16.
3. Comparaison des creux et des sommets
12Il existe un autre moyen17 d’apprécier à sa juste valeur l’importance des creux de 1578 et de 1592, c’est de comparer leurs niveaux respectifs aux années d’expansion cyclique maximale, de 1584 à 1586. Sur l’ensemble des mouvements, toutes choses étant égales..., le creux terminal du cycle, autour des années 1590-1592, met en cause des niveaux qui constituent le tiers, à peine, des niveaux du sommet cyclique, tandis que les années du creux cyclique centrées sur 1578 n’atteignent qu’un peu moins de la moitié du sommet médian18.
13Puisqu’il en est ainsi et qu’aucun accident ne peut, à l’intérieur de notre cadre chronologique, lui être comparé, on s’aperçoit combien le choix de ces deux bornes, 1578 et 1592, est justifié pour délimiter cette ample et puissante fluctuation19.
4. Les prix
14Il n’est pas non plus indifférent, a priori, que ces limites soient, en gros, celles du comportement le plus général des prix espagnols20. Pendant presque tout le temps de la fluctuation, la courbe des pourcentages à la moyenne des prix-argent est au-dessus du trend, mais elle est encadrée par deux énormes dépressions des prix qui vont, en gros, de 1576 à 1581 et de 1591 à 1598. On précisera plus tard21 les limites et l’étendue de la corrélation prix-trafic. Il importe, pour le moment, de noter — l’observation en est très certainement précieuse — la concordance, pour ainsi dire, dans des limites identiques, d’une grande fluctuation sur les trafics et sur les prix.
15Mais il est bien évident qu’une fluctuation, dont la présomption se dégage aussi facilement, sans artifice, apparaîtra, dans toute son intrinsèque réalité, si par un procédé, même aussi élémentaire que celui des moyennes mobiles, on s’efforce d’éliminer de la fluctuation vraie, les vibrations extra-économiques que l’on a déjà notées22.
RÉALITÉ OBJECTIVE DE LA FLUCTUATION DÉCENNALE A TRAVERS LES MOYENNES MOBILES
16En partant des moyennes mobiles de treize ans appliquées aux trois séries fondamentales23, on verra, peu à peu, en réduisant la longueur de la moyenne, la fluctuation se dégager. Il n’est pas peu symptomatique que même la moyenne de treize ans24 n’arrive pas à supprimer totalement les traces d’une fluctuation qui se révèle, ici, particulièrement irréductible à cette forme classique de rabotage, partout ailleurs, la plus efficace. Cette impuissance à éliminer toute trace de fluctuation est plus sensible, encore, a fortiori sur les moyennes de onze ans25. On y voit s’affirmer nettement, à l’intérieur du cycle autour de 1587, les deux fluctuations primaires les plus importantes autour de 1587.
17Mais c’est — une fois de plus — la moyenne mobile de cinq ans26 qui se révèle la plus parfaitement apte à dégager, dans sa réalité et dans toute son ampleur, la fluctuation en gros décennale27, telle qu’elle ne l’a fait jamais au même titre, pour aucune autre période, à la seule exception du cycle 1544-1554, cet autre cycle d’une écrasante évidence, à la charnière des deux premières grandes articulations inter-cycliques du xvie siècle28. Que l’on se reporte aux Allers, par exemple : le creux se situe en 1579 (13 287,82 tonneaux), puis la montée est plus que continue jusqu’en 158829. Vient ensuite un creux cahoteux de 1589 à 1593 (18 222,8 ; 20 683,8 ; 19 945,4 ; 21 563,8 ; 19 513,8). Le départ d’une nouvelle fluctuation se prend en 1593. Entre 1579 et 1589, l’écart, malgré un rabotage sur cinq ans, est de plus de 60 %. Entre 1589 et le creux terminal, il est encore de l’ordre de 20 %. La comparaison graphique des deux moyennes mobiles (celle de 13 et celle de 5 ans) corrobore cette impression30. La méthode dégage une présomption de contraction, de 1575 à 158331 inclusivement, tandis que l’expansion durerait de 1584 à.1588 inclusivement32. Pendant six ans, ensuite, sans solution de continuité, la moyenne la plus courte passe, à nouveau, en dessous de la moyenne la plus longue. On voit bien ainsi s’affirmer et sans hésitation possible, la réalité d’une fluctuation longue, de l’ordre de quatorze ans.
1. Mouvement Allers et mouvement Retours
18C’est, pourtant, le mouvement Allers qui se prête le moins facilement à la lecture d’une seule et même fluctuation englobante, en raison de l’importance du creux de 1587. Mais la lecture en est plus aisée sur les Retours et sur les Allers et retours, parce que le phénomène est plus net encore.
19La puissance d’un cycle sur quatorze ans est telle en Retour et la vigueur, notamment, du contre-flux au-delà de 1585, que même une moyenne mobile de treize ans ne parvient pas à l’effacer33. Il est inutile de multiplier les contre épreuves. Le mouvement se dessine d’autant plus vigoureusement qu’on diminue la longueur de la moyenne34. Elle sera évidente, sans équivoque, sur les cinq ans.
20On peut difficilement rêver courbe plus régulièrement et plus vigoureusement dessinée. Le point bas initial se place soit en 1576, soit en 1580, mieux, entre les deux35. De ce plateau bas la montée s’effectue régulièrement sur cinq ans, de 1581 à 1586, et l’expansion par rapport à 1580 est en cinq ans, de l’ordre de 66 % — expansion que l’on peut attribuer au seul phénomène cyclique décennal. De 1586 à 1592, un reflux de 20 196,64 à 8 114 tonneaux, beaucoup plus puissant encore, puisqu’il ramène, en pente régulière36, en six ans, le niveau à plus de 40 %, à peine, du point d’expansion cyclique précédent. Le cycle qui apparaît, ici, accuse une dissymétrie en faveur de la contraction. On est en présence d’une grande articulation du mouvement Retours, à telle enseigne que le point bas de 1592 (8 114 tonneaux) n’avait pas eu son équivalent, de trente ans, depuis 1563, et qu’il ne retrouvera plus son équivalent de 1592 à 1648. Sur une moyenne mobile relativement aussi longue qu’une moyenne de cinq ans — et susceptible, par conséquent, de permettre une très large élimination de tout facteur, soit accidentel, soit imputable à la fluctuation la plus courte — il est hautement symptomatique que l’accident en creux centré autour de l’année 1592, soit le plus marqué, pratiquement, de tout un siècle.
21Ce caractère apparaît encore, plus fortement accentué, si on procède au rapprochement nécessaire entre la représentation approchée de la tendance majeure (moyenne de treize ans) et la représentation approchée de la fluctuation décennale à peu près pure (dégagée par une moyenne de cinq ans). De 1578 à 1583, on notera, sur six ans, une présomption de creux cyclique majeur sur les Retours, mais l’écart est faible ; de 1581 à 1589, sur six ans, à nouveau, une présomption d’expansion cyclique, avec, pendant trois ans, 25 %, au moins, d’écart entre les deux expressions du mouvement (de 1585 à 1587). Soit un écart énorme (25 %), imputable à la seule fluctuation cyclique la plus longue. De 1590 à 1595, sur six ans à nouveau, un creux extrêmement vigoureux, beaucoup plus accusé encore que ne l’est dans son sens la zone d’expansion précédente37.
2. Mouvement global
22Rien de surprenant si l’addition des caractères, en gros convergeants, des deux séries Allers et Retours détermine des caractères analogues pour les Allers et retours. Même impuissance des moyennes (même de treize ans) à donner un rabotage parfait, mais persistance d’un creux médian témoin de l’importance de la respiration centrale du mouvement et de l’ampleur d’une fluctuation, qui — on l’a vu déjà — est de l’ordre de quatorze ans. La moyenne de onze ans, naturellement, parce que plus courte, est déjà plus sensible38. On y perçoit l’ébauche d’une vague puissante qui s’articule en deux rides plus courtes.
23Mais les résultats obtenus sur une moyenne de cinq ans confirment ici à la perfection ce pronostic. On y voit — linéairement tracée — la fluctuation longue totalement décantée de toute impureté et de toute fluctuation plus brève ; elle prend son point de départ dans le point de rebroussement de 1577 (24600,38 tonneaux), puis, s’élève, régulièrement, sur dix ans, sans un seul rebroussement, sans la moindre rugosité, jusqu’au sommet (40 379,72 tonneaux) en 1587. Puis vient, sur cinq ans, une contraction puissante jusqu’en 1592 (29 677,8 tonneaux), avec un creux bien marqué sur trois ans, sous l’influence déterminante, ici, des Retours (1590 : 31160 tonneaux ; 1591 : 31889,6 tonneaux ; 1592 : 29 677,8 tonneaux39. On notera, outre la régularité, l’assymétrie du mouvement, avec une pente longue, côté expansion, courte, côté contraction. L’assymétrie en faveur de l’expansion est calquée sur le comportement des Allers, tandis que l’ampleur du dénivellement final est calquée sur les Retours. On note, enfin et surtout, l’amplitude des dénivellements. 1577 ne représente que 60 % du point haut de 1587 ; 1592, 73 % du même point. La comparaison de cette fluctuation longue à l’état presque pur, telle qu’elle est réalisée dans l’approche de la moyenne de cinq ans comparée au trend du mouvement ébauché par la moyenne longue de treize ans, renforce encore la certitude acquise, lors des précédentes épreuves.
24De 1576 à 1583 inclusivement, sur huit ans, la moyenne mobile de cinq ans se tient en dessous de la moyenne longue de treize ans. C’est le creux cyclique, bien marqué par un écart tout particulièrement substantiel, de l’ordre de 10 % en 1578 et 1581, 13 % en 1580. Puis de 1584 à 1588, sur cinq ans, le phénomène d’expansion cyclique amène le passage de la moyenne courte au-dessus de la moyenne longue, avec, en 1586 et 1587, des écarts extraordinairement considérables, de 22 % en 1586 et de 17 % encore l’année suivante. Puis, de 1589 à 1594 inclusivement, sur six ans, la situation est à nouveau inversée, avec un écart maximal centré sur 1592, non moins important que ne l’avait été, en sens inverse, l’expansion précédente. La contraction des cinq ans par rapport aux treize ans n’atteint-elle pas un ordre de grandeur de 20 % dans la position exceptionnelle de 1592 ?
25On ne peut qu’être frappé par ces constatations de la concordance des comportements des trois séries, des Allers, Retours et globaux. Sur chacune de ces séries, la même fluctuation en gros décennale y est aussi vigoureusement dessinée — dans la mesure, quand même, assez étroite, où la moyenne mobile de cinq ans exprime, ici, par rapport à la moyenne de treize ans la réalité profonde d’une authentique fluctuation de quatorze ans, dégagée de tout ce qui, dans le découpage annuel des séries, risquerait d’en masquer l’incontestable réalité.
3. Prix
26Cette certitude de l’existence, sur l’expression volumétrique des trafics, d’une fluctuation englobante, se retrouve atténuée, sur les prix espagnols, sous la forme d’un gros bombement, plus grossièrement dessiné, certes, et dont la réalité n’est sensible qu’au prix d’un certain effort d’imagination.
27Ce caractère est particulièrement notable sur les prix andalous40 et sur les indices composés pour l’ensemble de l’Espagne41 Pour la série andalouse — celle pour laquelle la corrélation avec le trafic est la plus évidente et la plus compréhensible — ramenée à la tendance majeure séculaire, on aura, en gros, un plateau élevé de 1582 à 1591-1592, encadré entre deux périodes de dépression relative correspondant, à peu près, aux deux charnières qui encadrent, sur le mouvement global (en volume), la pointe séculaire. La marche globale des prix andalous rappelle, en gros avec des écarts très atténués, la marche des moyennes mobiles de cinq ans sur le trafic Allers et retours42. Ce qui tendrait à impliquer que les prix agissent, ici, sinon directement sur le détail du mouvement, du moins indirectement, sur le comportement de la fluctuation plus que décennale.
28La situation est identique pour les composite index numbers of silver prices. On a intérêt, pour en mieux juger, à se reporter directement aux écarts en pourcentages à la moyenne mobile de treize ans43. Elle révélera très bien un mouvement plus que décennal avec deux creux, 1576-1581, 1593-1597, encadrant une partie haute, 1582-1592, culminant en 1584-1585, déclive de 1586 à 1592. Là encore, la corrélation est évidente entre cette expression du prix et les représentations épurées des mouvements44.
GRANDES ARTICULATIONS
29Le caractère contraignant d’une vaste et puissante fluctuation de quatorze ans ne doit pas masquer la réalité de fluctuations plus courtes, dont on situera, sans difficulté, les contours, de 1578 à 1583, de 1583 à 1587, de 1587 à 1592.
30On a vu45 combien il fallait se méfier de ne pas confondre, sur ces morceaux de séries, fluctuations et vibrations46. Le départ est facilement fait et la réalité des trois fluctuations primaires constitutives du cycle s’imposera immédiatement.
1. Première fluctuation primaire
31La première fluctuation primaire 1578-1583 n’est pas douteuse.
32a. Formes. — Elle se présente sous la forme d’un palier fortement déprimé47 sur cinq ans. Elle marque, avec une netteté rarement égalée, la frontière entre les points hauts des années 1570, et ceux du milieu de la décade des années 1580. Le palier des trafics est, aussi, un palier des prix. De 1576 à 1581, avec une anticipation normale de deux ans du prix, sur six pourcentages d’écarts à la moyenne, cinq sont alors négatifs. Un palier des prix à peu près continu sur six ans annonce donc et commande, avec deux ans d’anticipation, le palier des trafics.
33Les limites du palier sont claires, elles se confondent avec celles d’une fluctuation, à l’intérieur du palier : en effet, l’existence d’une fluctuation courte, peu accusée, mais au trait filé sans hésitations, n’est pas douteuse. Un assez fort bombement y est nettement perceptible, entre deux creux incontestables : celui de 1589 et celui de 1579 sur lequel il n’y a pas beu de revenir48. Ayant été choisi, à juste titre, comme point d’arrivée et comme point de départ de deux fluctuations majeures, sa position, dans ce rôle à l’égard d’une fluctuation secondaire, n’est pas douteuse.
34b. Analyse des mouvements. — Parti du creux de 1578, le mouvement Allers s’élève jusqu’en 1582, la progression est régulière, en tonnages absolus, sinon en valeur relative (pourcentages à la moyenne). Partie du même creux, l’ascension des Retours est de moindre durée, mais le rythme de la croissance, puis de la décroissance vraie, sont parfaitement synchrones. Une fluctuation primaire est, donc, sur cinq ans, vigoureusement dessinée, parfaitement détachable, comme le dessin l’atteste49 ; elle est plus courte50 d’un an que son homologue des Allers, mais elle est, par contre, plus accusée. Sur les globaux Allers et retours, une observation superficielle donnerait à penser qu’on est en présence d’un palier légèrement ascendant. C’est du moins ce que donnent les chiffres bruts51.
35Mais si on remplace, comme on est non seulement en droit mais en devoir de le faire, les chiffres bruts par leurs pourcentages à une moyenne mobile de treize ans, on est en présence d’une fluctuation cyclique à peu près parfaite s’exprimant sur six ans, avec trois à quatre ans d’expansion et deux ans de contraction : 78,03 %, 91,03 %, 89,62 %, 92,03 %, 91,14 % et 88,53 %. Cette fluctuation primaire se termine, incontestablement, en 1583.
36c. Le choix de 1583. —Le choix de l’année 1583 ne peut pas faire de doute. En effet en Allers, avec 51 navires, 12 490 toneladas (11865 tonneaux), on est à un niveau comparable à celui des 50 navires, 12 185 toneladas (10 966 tonneaux 1/4) de 1578. En volumes exprimés en valeur absolue, le creux médian de 1583 est exactement comparable au creux de 1578 dont l’importance nous est apparue suffisante pour marquer les limites de deux fluctuations majeures. Le creux des Allers de 1583, compte tenu d’un trend qui, pour ralenti, n’en demeure pas moins ascendant, est plus marqué encore, relativement, que celui de 1578 (67,97 % au lieu de 71,31 %).
37Les Retours connaissent déjà, il est vrai, une très importante reprise, mais on retrouvera, sans peine, par contre, l’année précédente, en 1582, l’accident qui forme, en 1583, charnière en Allers (avec 44 navires, 10 180 toneladas, 9 671 tonneaux), soit en 1582, sur le mouvement Retours, par rapport au trend, une position relative de 62,76 %, exactement comparable à celle de 67,97 % en 1583, pour les Allers. Il est, enfin, un signe non équivoque qui invite à considérer 1583 comme une date d’importance52, le déséquilibre des Allers et des Retours, le mouvement Retours l’emporte (59,80 %) sur celui des Allers formant une vigoureuse anomalie positive des Retours, sans qu’on puisse l’imputer, comme celle de 1587, à un accident d’ordre politique et militaire.
2. Seconde fluctuation primaire
38La deuxième fluctuation primaire constitutive du cycle, part du creux de 1583 jusqu’à l’accident de 1587, qui en marque comme le terme logique.
39a. Le terme de 1587. — 1587, pillage et incendie de Cádiz, 1588, désastre de l’Invincible Armada. Des événements politiques et militaires de cette dimension ne peuvent être exclus d’une conjoncture largement entendue : ils agissent, non seulement sur le volume des échanges de l’année, mais, à plus long terme, nous le verrons53, par la réduction massive du tonnage disponible qu’ils commandent, sur les rapports des forces les plus décisifs dans l’Atlantique hispano-américain. Dans la mesure où il détermine, pour un temps, une réduction importante du tonnage global54, il marque le terme d’une fluctuation primaire qui se caractérise, essentiellement, par l’importance des niveaux rais en cause.
40L’analyse seule des chiffres bruts conduirait à choisir la date de 1587 comme terme d’une seconde fluctuation primaire. Ne serait-ce, bien sûr, que par l’importance de l’accident observé sur le mouvement, conjoncturellement moteur55, des Allers : 31 navires, 2 975 toneladas, seulement, niveau qui, en tonnage, n’atteint, selon notre hypothèse, que 15,24 % seulement du niveau correspondant de la moyenne mobile. Il nous importe peu, lors d’une première approche, présentement, qu’une telle catastrophe résulte de la double action de la guerre hispano-anglaise, qui se manifeste par le raid sur Cádiz directement et, médiatement, dès 1587, par le détournement du tonnage à des fins militaires, entendez les préparatifs à longue haleine de l’Invincible Armada. Il suffit que l’accident existe.
41Sur les Retours, bien sûr, le creux des Allers ne se retrouve pas (le point haut des Retours de 1587 est le reflet logique de la pointe des Allers de 1586), le terme de la fluctuation primaire en Retours est normalement donnée par le creux de 1588 (55 navires, 9 890 tonneaux), soit 79,39 % seulement, par rapport au trend. Les globaux Allers et retours accusent un creux sensible, bien qu’atténué, soit l’accident des Allers contrarié par des Retours exceptionnellement importants commandés, eux-mêmes, par les Allers-records de 1586. Malgré tout et le fait n’en est que plus représentatif, les 94,58 % des 32 504 tonneaux des Allers et retours, qui marquent le seul accident négatif56, sur une série de six ans, suffisent pour qu’on situe, ici, sans hésitation la frontière de deux fluctuations primaires constitutives. Notons, pour finir et toujours sans sortir de l’analyse des seuls mouvements les plus généraux, la présomption de phénomène conjoncturel important constitué par le rapport interne insolite57 des Retours par rapport aux Allers et retours, entendez une anomalie positive prodigieuse, 90,85 % du mouvement total contre 9,15 % seulement pour les Allers. Le déséquilibre est uniquement dans ce sens, comme le graphique permet d’en juger58.
42Tous ces indices concordants conduisent à penser que l’année 1587 constitue bien, sur nos mouvements les plus généraux, une date qu’il faut retenir dans la conjoncture de l’Atlantique, même si cette date peut apparaître commandée par un ensemble politique et militaire dont les racines immédiates ne plongent pas dans la seule causalité d’un économique pur.
43Mais il y a plus qui incite à retenir 1587 comme une frontière de conjoncture intercyclique : un relâchement sensible sur les prix oblige à penser qu’il n’y a pas eu seulement autour de 1587 un phénomène imputable à des facteurs exogènes de conjoncture politique et militaire, mais bien aussi, aux dynamismes propres de la masse économique globale. Que l’on se reporte, en effet, aux écarts à la moyenne des indices composés des prix argent, on notera que, si 1587 apparaît comme occupant sur la série une position légèrement positive (100,71 %), elle est encadrée par deux années, 1586 et 1588, très sensiblement négatives, 97,20 % et 96,69 %, à telle enseigne qu’entre la période 1582-1585 et la période 1589-1591, les années 1586-1588 constituent, sur les prix, un important relief en creux59. Le craquement des mouvements, eh 1587, correspond donc à quelque chose de profond qui plonge ses racines dans un rythme global de l’espace espagnol et atlantique hispano-américain.
44b. Réalité et marche de la fluctuation. — Ces limites solidement marquées, la réalité et la marche du cycle, entre ces deux bornes, ne présentent pas de difficultés ; elle est claire : un gros bombement sur trois ans entre deux creux bien dessinés. En Allers, on verra plus tard60 ce qu’il faut penser du fléchissement en trompe l’œil de 1585. En écarts à la moyenne, on a, compte non tenu du rabotage qui s’impose entre 1585 et 158661, des résultats déjà très suffisants : 67,97 %, 117,91 %, 98,38 %, 180,43 % et 15,24 %. Situation identique, en Allers et retours, d’une fluctuation croissante de 1583 à 1586, décroissante de 1586 à 1587 : 88,53 % en 1583, puis les points hauts, 124,74 %, 109,16 %, 147,21 % et 94,58 % en 1587. Mais la fluctuation du mouvement Retours s’individualise quelque peu, en mordant avant et après sur un an, entre des creux qui sont situés, respectivement, en 1582 et 1588 : on est en présence d’un gros bombement quelque peu bosselé, qui donne, en pourcentages par rapport à la moyenne, la série suivante : 62,76 %, 110,15 %, 131,99 %, 121,24 %, 104,43 %, 197,74 %, 70,39 %.
45Mais la fluctuation primaire 1583-1587 se caractérise, s’individualise vigoureusement, entre les deux autres fluctuations constitutives du cycle, par l’importance exceptionnelle des niveaux mis en cause. Cette réalité, aussi bien les graphiques que le calcul62 la font apparaître. La fluctuation primaire 1583-1587 constitue, avant les niveaux records du début du xviie siècle, le sommet du mouvement ; ses propres sommets ne seront, pratiquement, plus égalés de toute la deuxième moitié du xvie siècle..., ces niveaux records en volume63, on peut les appeler — si on veut — les points hauts d’avant la réduction massive des tonnages, due à la saignée de l’Invincible Armada. Cette situation exceptionnelle est due aux Retours et, a fortiori, aux globaux Allers et retours.
46La deuxième fluctuation primaire constitue une espèce de cap d’exceptionnels volumes, soit en Retours, 82 3/4 navires de moyenne annuelle, représentant 21 340 toneladas contre 55 navires, 14 395 toneladas (1579-1583) et 55,2 navires et 10 477 toneladas de 1588 à 1592, tandis que ce caractère demeure sur les globaux, Allers et retours64, avec 163 navires contre 108 3/4, avant et 169,2 après, mais ce qui importe surtout, 40 847,375 toneladas contre 30 254,6 pour la fluctuation primaire antérieure et 31160,6 toneladas pour la fluctuation postérieure.
47On notera, enfin, au cours de cette fluctuation primaire, une caractéristique qui ne peut que surprendre : le très étonnant rapport (il est unique dans tout le laps de temps de notre étude) qui unit Allers et Retours, sur quatre ans, avec excédent des Retours : moyenne annuelle de 82 3/4 et 21 339,875 toneladas contre 80 1/4 et 19 507 1/2. Le rapport Allers/Retours, au sein du mouvement global, est renversé, autant qu’il est possible de l’être, au cours de la fluctuation ultérieure de 1588 à 159265, mais le laminage des Retours est, ici, presque aussi spécifique que ne l’était leur anormal gonflement au-dessus de la moyenne dans la période précédente.
3. Troisième fluctuation primaire
48Toutes ces raisons et quelques autres — elles trouveront leur place dans l’analyse détaillée de la fluctuation66 — suffisent à donner à la période une très forte personnalité. La troisième fluctuation se définira, en partie, par opposition à la fluctuation primaire antérieure.
49Le creux initial de 1587, qui est aussi, nous l’avons vu67, le creux final de la seconde fluctuation primaire intérieure, n’a pas à être justifié. Il l’a été déjà et fort clairement. Le creux terminal de 1592, lui non plus, ne nécessite pas plus ample effort de justification. Son importance est apparue suffisante pour justifier son choix comme terminus de la fluctuation majeure de 1578 à 1592. Il suffit de rappeler les positions relatives à la moyenne de chacune des séries, Allers, Retours et Allers et retours : 67,814 %, 5,09 %, 43,22 %. Aucun des accidents compris entre 1587 et 1592 ne peut se comparer à 1592. D’autant plus qu’il se retrouve, pratiquement, sur les indices les plus généraux des prix68.
50a. Mouvements. — En Allers, par exemple, le creux très relatif de 1589, facilement explicable69, ne serait-ce, entre autres, que par l’influence de la puissante respiration des Retours en 1588, peut et doit être imputé, on verra pourquoi et comment, à l’actif des simples vibrations purement accidentelles et extra-économiques. Sur les Retours, la guerre a imposé un rythme biennal qui nécessite, pour une lecture plus sûre, l’utilisation d’un procédé d’analyse quelconque.
51Le moyen le plus sûr et le plus efficace pour procéder à cette élimination de l’accidentel, tout comme aux dangers d’un découpage annuel, est, peut-être, ici, l’emploi d’une moyenne mobile arrière de deux ans : elle fait apparaître une puissante fluctuation, prodigieusement dissymétrique et prodigieusement décroissante, étalée sur huit ans, un an d’expansion de 1586 à 1587 et sept ans de contraction de 1587 à 1593.
52Le mouvement en toneladas s’exprime, alors, de la manière suivante :
53Les globaux (Allers et retours) ne présentent aucune de ces difficultés : le creux initial de la fluctuation primaire se trouve, comme précédemment, centré sur 1587, sommet en 1589, creux très secondaire en 1590, creux terminal en 1592. Le crochet de 1590, 1591, ne peut, en aucun cas, être pris pour autre chose qu’une vibration due à l’accidentel et aux hasards du découpage annuel. Sans pousser, ici, une analyse qui aura sa place, ailleurs70, l’anomalie, au demeurant infime, de l’ordre de 12 %, est plus qu’entièrement expliquée par les vibrations aberrantes des Retours. Et le simple remplacement, sans autre modification, des chiffres vrais des Retours par les chiffres de la moyenne mobile arrière de deux ans71, permet d’obtenir une fluctuation continue. Voilà qui prouve, sans hésitation possible que la fluctuation primaire finale a une réalité intrinsèque ; voilà qui prouve, aussi, que la vibration 1590-1591 n’a pas de réalité en soi. La fluctuation ainsi restituée peut paraître un peu plus courte. On peut préférer, comme point final, 1591 à 1592, 1591 qui, circonstance non négligeable, offre un déséquilibre assez sensible entre les Allers et les Retours, au profit des Retours (94,96 % pour les Retours, 100 navires 19 003 toneladas, contre 76 navires et 10 250 toneladas à l’Aller).
54b. Caractères majeurs. — Cette troisième et dernière fluctuation primaire, enfin, se caractérise — ce qui est plus important, encore — par quelques traits majeurs qui achèvent d’en accuser la personnalité.
55Le caractère d’un reflux tournant à la débandade, dont on a vu déjà l’ampleur72, par comparaison des moyennes annuelles entre chacune des trois fluctuations primaires constitutives, sur le mouvement Retours, du moins, et Allers retours. Le déséquilibre total qui résulte d’une quasi-disparition des Retours par rapport aux Allers, 10 476,8 toneladas contre 20 083,8, en moyenne, de 1588 à 1592. Il prend toute sa valeur, comparé à la situation de 1584-1587, soit 19 507 1/2 toneladas pour les Allers et 21 339,875 toneladas pour les Retours. La débandade, plus grande encore, des communications avec la Nouvelle Espagne73. L’effacement, dans le trafic global, de la Nouvelle Espagne, par rapport, notamment à la Terre Ferme.
56La subdivision de la fluctuation 1578-1592 en trois grands cycles fondamentaux de 5,4 et 5 ans ne peut guère, dans ces circonstances, faire de doute.
II. — L’ACCÉLÉRATION DU MOUVEMENT
57La juxtaposition de ces trois cycles primaires, aussi totalement différents et pourtant, aussi indiscutablement fiés, donne un cycle résultant, particulièrement puissant, mais dont l’appréciation exacte du rôle dans la phase longue d’expansion n’est pas facile, en raison, précisément, de l’importance de la contrepente finale et de l’indépendance respective des Allers et des Retours.
58La simple comparaison des points d’expansion et de contraction cyclique se révélera, ici, particulièrement dangereuse. Tout au plus, peut-elle servir de procédé de contrôle. Les moyennes mobiles, heureusement, permettront d’en juger plus sainement. Un élément supplémentaire de difficulté d’appréciation est dû aux méthodes de mesure des navires, à l’unité employée à cette fin, la tonelada. Un divorce74 va se creuser entre les séries en toneladas et celles en unités pondérées. On n’a jamais cherché à nier75 la part considérable d’arbitraire qu’il y avait, nécessairement, dans cette représentation des choses. Les certitudes sont aux deux bouts des séries, petite tonelada d’avant 1550, tonelada lourde du xviie siècle engagé. Entre les deux, le dégradé de la table 12976 est, fatalement, arbitraire. Tout ce que l’on peut affirmer, avec une forte présomption de vérité, c’est que les chiffres pondérés sont, même à cette date, plus proches de la réalité que ne le sont les chiffres non pondérés : pour plus de sécurité, des appréciations de la pente du mouvement doivent faire entrer en ligne de compte les deux séries chiffrées exprimées en unités brutes et en unités pondérées77.
L’ACCÉLÉRATION DES TRAFICS
59Une chose est, pourtant, absolument hors de question : la fluctuation 1578-1592, comparativement au palier qui la précède (1571-1578), constitue bien une période de forte accélération, disons, du moins, qu’elle retrouve un rythme que les mouvements avaient perdu, depuis plus d’une décade, une pente, finalement, très voisine de la pente moyenne de la demi-phase longue d’expansion du second xvie siècle.
1. Pointes cycliques
60a. Allers. — Sur le mouvement Allers, une simple comparaison de quelques pointes cycliques le montre assez bien78. En prenant soin de faire toujours les comparaisons sur les deux séries, en unités pondérées et en unités non pondérées. La pointe cyclique de 1586 ne donne-t-elle pas 148 navires et 33 270 toneladas (soit aussi 33 270 tonneaux), contre 116 navires, seulement et 26 838 toneladas (soit 22 819,30 tonneaux) en 1573 ? En fait, l’écart est même beaucoup plus important qu’il n’apparaît, d’abord, car la position de 1573 est beaucoup plus imputable à un concours de circonstances extra-économiques que ne l’est 1586. Entre le sommet cyclique brut de 1586 et celui du cycle précédent, la dénivellation d’un tiers marque un grand changement de niveau, d’autant plus qu’elle ne résulte pas seulement de l’accroissement du tonnage, mais d’un accroissement concomitant du nombre des navires, de 116 à 148 unités.
61La comparaison entre la pointe record cyclique des Allers de 1586 et celles équivalentes des deux dernières fluctuations de la phase d’expansion du trafic permet de mieux mesurer encore, dans une large part, la véritable situation du niveau atteint. En toneladas, la pointe de 1586 égale, dépasse même, celle de 1601 (140 navires, 32 032 toneladas contre 148 unités et 33 270 toneladas en 1586), il est vrai plus solidement encadré. Même en tonneaux de jauge, supposés constants une quasi égalité demeure, 35 235,2 tonneaux en 1601, contre 33 270 tonneaux en 1586. Seule, l’année de pointe record, 1608, dépasse la pointe de 1586 et de moitié, avec ses 202 navires, 45 078 toneladas, 54 093,6 tonneaux. 1608 résulte, il est vrai, d’une conjonction particulièrement favorable d’éléments non uniquement imputables à la conjoncture économique et d’une série de circonstances assez particulières79. Il n’en demeure pas moins que la pointe cyclique de 1586 ne sera plus vraiment égalée avant la pointe record de 1608, dont le caractère exceptionnel, insolite et presque anormal n’a pas besoin d’être souligné. On peut dire, au prix, peut-être, d’une certaine simplification, que le cycle 1572-1592 est celui qui porte les pointes du mouvement Allers au niveau des records de la charnière des deux siècles. Si le niveau moyen du mouvement n’est pas encore — dans ces derniers temps de la grande prospérité d’avant l’Invincible — tout ce qu’il sera plus tard, dans la grande prospérité charnière des deux premières décades du xviie siècle, l’égalisation des sommets d’expansion cyclique est déjà presque acquise. Cela ne peut manquer de constituer, en soi, une caractéristique majeure de ces années d’avant le grand drame du tonnage espagnol. Or, d’un cycle à l’autre — et toutes choses étant égales — l’accroissement a été, en expansion cyclique maximale, de l’ordre de 30 %. Sous cet angle, le cycle 1578-1592 s’apparente beaucoup plus à la première fluctuation, violemment redressée, 1559-1571, qu’à celle de ralentissement relatif qui la précède.
62Il importe de voir dans quelle mesure cette impression de reprise n’est pas limitée aux seules pointes cycliques du mouvement Allers, mais s’étend bien à toute la masse du mouvement dans son ensemble.
63b. Retours. — L’analyse du mouvement Retours est plus difficile. En effet — l’expérience l’aura prouvé — les Retours plus exposés à la convoitise de l’ennemi, sont beaucoup plus sensibles que les Allers aux interférences du monde, extérieur, sur la dynamique économique interne du seul trafic. 1587 constitue, sans conteste possible, la pointe du présent cycle avec 98 navires, 29 529 toneladas (que l’on suppose équivalents, ici, à 29 529 tonneaux80. Il faut observer qu’elle arrive au terme d’une série croissante. On peut l’accepter, donc, sans trop de craintes des effets cumulatifs dus au report partiel d’un trafic d’une année sur l’autre. Or c’est, incontestablement, à cette hauteur que s’opère la mutation brute dominante du trafic Retours. Si on exclut, en effet, la pondération de la tonelada, 1587, avec 29 529 toneladas, est le sommet absolu du mouvement Retours81. Ce sommet est approché plusieurs fois, en 1596 (101 navires, 25 397 toneladas)82, en 1600 (102 navires, 27 977 toneladas83 et en 1610, le sommet cyclique Retours, à la fin d’une série longue de termes très élevés84, un peu analogue à celle de 1587, avec 95 navires, 27 311 toneladas, est le seul sommet cyclique du mouvement Retours qui puisse être comparé au sommet de 1587. La variation de la tonelada et les modifications apportées aux méthodes de mesure des navires, par contre, dorment sinon à 1600 dont la supériorité reste douteuse, mais à 1610 (32 773,2 tonneaux) et à 1630 (34 677,6 tonneaux)85, des positions, en gros, analogues à celles de 1587. Un fait demeure, du moins, pour l’appréciation de l’accélération du mouvement Retours : c’est au cours du cycle incriminé, de 1578 à 1592, que le record cyclique absolu d’un siècle et demi d’histoire est virtuellement atteint, en 1587. De la pointe cyclique précédente, celle du cycle 1572-1578 (soit 1573, soit 1577) à la pointe du cycle de 1578-1592, le saut en avant est de l’ordre de 100 % ; il n’était pas de 10 % entre 1559-1572 et 1572-1578.
64Le mouvement Retours présente, il est vrai, dans la phase ascendante du cycle, une pente ascensionnelle telle qu’elle n’a jamais été égalée dans la seconde moitié de la demi-phase longue d’expansion. Pour retrouver une accélération analogue86, moindre, pourtant, il faudrait se reporter, quarante ans en arrière, à l’accélération de la ligne supérieure de crête des Retours de 1541 à 1551, entre les cycles 1532-1544 et 1544-1554. A telle enseigne, que les records cycliques Retours de la décade des années 80 seront, quelquefois, égalés mais jamais dépassés dans toute l’histoire de l’Atlantique espagnol et hispano-américain. Avant de s’inscrire sur un palier long et hésitant, le mouvement Retours, largement anticipé sur le mouvement Allers, se cabre..., sans lendemain.
65c. Allers et retours. — Le comportement des Allers et retours sera intermédiaire entre le dynamisme des Allers et la relative placidité des Retours. L’accélération moins rapide, certes, que pour les seuls Retours, est, quand même, si on compare les pointes d’expansion cyclique des fluctuations 1559-1571, 1571-1578, 1578-1592, en progrès sensible. Le sommet cyclique de la fluctuation 1578-1592 se place en 1586, avec 213 navires, et 48 555 toneladas (48 555 tonneaux). La comparaison avec 1572 (180 navires, 39 958 toneladas, 33 964,30 tonneaux) ne peut être immédiate. On a vu pourquoi87 la position de 1572, même en Allers et retours, bénéficiait d’un concours particulier de circonstances. Il serait, peut-être, plus juste, ces circonstances éliminées, de parler d’un niveau vrai de quelque 35 000 toneladas, ou 30 000 tonneaux. C’est aussi la raison pour laquelle le niveau annuel de 1576, avec ses 114 navires, ses 36 119 toneladas, 32 507,1 tonneaux, peu suspects, parce que bien ancrés au milieu de niveaux également élevés, peut être préféré, comme position cyclique record de référence, à l’intérieur du cycle précédent 1571-1578. D’une pointe cyclique majeure à l’autre, le progrès sur le mouvement Allers et retours est donc de 25 % en quelque dix ans. Certes, on peut trouver, notamment en fin de la première demi-phase longue d’expansion, des pentes supérieures et des accélérations plus vigoureuses, mais les pentes et les accélérations de ces années ne seront jamais plus égalées, avant le renversement, autour de 1608, de la tendance majeure88.
2. Moyennes mobiles
66On dispose, heureusement, pour mesurer plus sûrement l’accélération du mouvement — ou plutôt la reprise de cette accélération — particulièrement évidente, dans la phase ascendante de la deuxième fluctuation primaire du cycle des moyennes mobiles. Celles-ci, donnent assez bien le rythme vrai d’une croissance. Or, les résultats d’une analyse même rapide89, permettent de dégager la conclusion suivante.
67Les progrès réalisés sur les séries des volumes mis en cause dans l’Atlantique hispano-américain, au cours de la partie ascendante du présent cycle, sont, en pourcentage à la masse au départ, supérieurs, en quelque dix ans, à ceux qui seront réalisés dans les mêmes conditions, au cours des quelque vingt ans qui séparent le présent cycle des sommets, entre 1608 et 1610, du mouvement au point de rebroussement de la tendance majeure. Et cela, malgré le lourd handicap que constitue, pour cette période, la pondération, sur nos grilles90, de l’évolution supposée de la tonelada et des méthodes darqueamiento.
68a. Allers. — En Allers, par exemple, la tendance majeure en quatorze, quinze ans, passe, en gros, d’un niveau annuel moyen de l’ordre de 15 000 tonneaux environ à un niveau annuel moyen de l’ordre de 23 000 tonneaux environ, soit un écart de 8 000 tonneaux annuels sur l’expression annuelle du mouvement, quelles que soient, d’ailleurs, les positions cycliques équivalentes que l’on met en parallèle entre la présente fluctuation et celle qui la précède immédiatement. Le changement de niveau se traduit, donc, grossièrement, par une pente de 50 % en quinze ans. La tendance majeure91 continue à s’élever pendant un peu plus de vingt années, encore, jusqu’au rebroussement de la deuxième décade du xviie siècle. Le niveau passera, en gros, de 23 000 à 29 000 tonneaux. Un pas en avant de 8 000 tonneaux d’un côté, de 6 000 tonneaux, de l’autre, même en simple croissance absolue, un pas décisif a été franchi.
69Il va sans dire, qu’en croissance relative (en dynamique économique, toujours la plus intéressante), la comparaison tournera beaucoup plus clairement encore en faveur du rythme du cycle de l’Invincible Armada, puisqu’en face d’un accroissement des Allers, de 50 % sur un laps de temps de quatorze, quinze ans, on aura, entre cette fluctuation et le sommet du mouvement, au rebroussement de la tendance, un accroissement de l’ordre de 25 % seulement en un peu plus de vingt aimées. D’un côté, donc, toutes choses étant égales, une pente annuelle de 3,3 %, de l’autre, une pente de 1,2 à 1,25 %. L’accélération de la croissance des Allers est, à la hauteur du cycle de l’Invincible Armada triple, de ce qu’elle sera, ultérieurement, dans les vingt dernières années de la phase ascendante du mouvement.
70On pourrait se demander dans quelle mesure, à la lueur des résultats de la série du mouvement Allers, isolée de son contexte, le cycle de l’Invincible Armada ne marque pas le terme, en quelque sorte, de la seconde phase longue d’expansion, pour s’ouvrir sur un grand plafond bombé de quelque trente ans et plus, qui irait de 1592 à 1622.
71b. Retours et globaux. — Or, cette constatation est pleinement corroborée par l’analyse parallèle des séries Retours et Allers et retours. En Retours, par exemple, avec le passage (sur les moyennes de treize ans) du niveau 13 000 tonneaux au niveau 16 000 tonneaux, en six ans. Ces six ans correspondent à la prodigieuse pente ascendante des Retours, au début de la fluctuation, qui atteint alors un rythme annuel de croissance de 3,66 %92. Il faut opposer à ce rythme de 3,66 %, un rythme global, dans les trente-cinq années suivantes, jusqu’au renversement de la tendance majeure, de 1,1, 1,2 % seulement. Même rapport donc, avec le 3,66 % du présent cycle, que pour les Allers. Le découpage seul varie quelquefois.
72La relative indépendance des séries Allers et Retours et le découpage dissemblable qui en découle... expliquent la différence d’accélération entre la période du cycle de l’Invincible Armada et le grand plateau qui termine, jusqu’au renversement de la tendance majeure, la grande demi-phase longue d’expansion. Ces accélérations, pour se placer dans le même sens, sont, en effet, très dissemblables. Le niveau de base passe, d’un côté, de 26 000 à 37 000 en treize ans (accroissement relatif de 40 %, accroissement absolu de 11 000 tonneaux) et de l’autre, de 37 000 à 53 000 en vingt-cinq ans (accroissement relatif de 40 %, accroissement absolu de 16 000 tonneaux). D’un côté, à la hauteur du cycle, l’accroissement en pleine reprise d’accélération est, en moyenne, annuellement de 3,1 %, de l’autre côté, la pente, réduite de moitié, n’est plus, globalement, que de 1,6 %.
73On pourrait pousser plus loin la démonstration... ce serait inutile. Le cycle de la grande Armada des années 80 a un rythme de croissance exceptionnellement élevé par rapport à la fluctuation précédente de consolidation et de ralentissement des années 70. Plus, peut-être, encore, par rapport au cycle suivant qu’il faudra se résigner, peut-être, à séparer de la phase ascendante du trafic, tant les ruptures de pente et les ralentissements des rythmes d’accélération sont évidents, au-delà de 1590, dans presque tous les domaines.
L’ACCÉLÉRATION DU MOUVEMENT SUR D’AUTRES SÉRIES
74Le comportement des trafics dans l’Atlantique n’est pas un fait isolé. Deux, voire même trois séries d’éléments suivent une démarche analogue.
1. Trésors93
75On a déjà observé, à plusieurs reprises94, qu’il existait un parallélisme certain entre les arrivées des trésors américains en Espagne, telles que Hamilton les a calculées, et les expressions volumétriques du trafic, telles que nous avons cru les atteindre.
76Il y a toujours, ici, corrélation entre trésors et mouvements volumétriques, mais le sens du décalage entre les deux ordres de phénomènes s’est modifié. On a vu95 combien à la charnière, entre la première demi-phase longue d’expansion et la récession du demi-siècle, il y avait retard, décalage dans le temps entre la courbe des importations officielles des trésors et celle en volume des Allers en direction de l’Amérique : l’activité de la mine était apparue un peu comme une résultante : l’importance des Retours, comme étant commandée par le dynamisme des Allers de la demi-décade 1545-1550.
77A la hauteur des années 80, il n’en va plus de même : le synchronisme entre le rythme du volume du mouvement et celui des trésors96 est à peu près parfait, avec, peut-être, anticipation d’un à deux ans des trésors sur le mouvement.
78A la demi-décade exceptionnelle 1581-1585 des trésors correspond la prodigieuse montée du trafic de 1582,1583-1586. On notera l’analogie entre la légère anticipation des Retours sur les Allers et l’anticipation analogue de la pointe des trésors sur celle des séries du mouvement en Allers. Cette anticipation97 tend à accréditer l’opinion, qu’à partir de la fin du xvie siècle, du moins, un rôle important doit être attribué à l’Amérique, sinon uniquement à son économie minière, mais à l’ensemble de son économie, comme génératrice du rythme profond de la conjoncture.
79Mais l’analyse des conséquences, qui peuvent être déduites de cette anticipation, ne constitue pas, pour l’heure, le centre de nos préoccupations. Nous nous bornerons à noter une relation qui, avec ou sans un léger décalage chronologique d’un de ses membres par rapport à l’autre, nous paraît capitale. Le progrès le plus décisif qui ait jamais été fait sur la courbe des importations des métaux précieux en Espagne — cette courbe traduit étroitement encore, à cette époque, la réalité de la production de l’argent et peut-être, même, d’assez près, la tonique de toute l’économie coloniale des Indes de Castille — se place entre les demi-décades 1576-1580 et 1581-1585.
80Tout d’abord, le volume des trésors : 29 374 612 pesos à 450 maravedís, est, à très peu de choses près, désormais, celui que E. J. Hamilton considère comme le niveau record. Il n’est dépassé que pour quatre demi-décades : 1591-1595, 1596-1600, 1606-1610 et 1616-1620. Entre les niveaux de ces vingt ans (35 millions, 34 millions 1/2, 31 millions 1/2 et 30 millions’98 et celui de 1581 1585, la différence est faible, elle va de 3 à 20 %, à peine.
81Aucun déclenchement, par contre, n’est comparable à celui qui sépare les niveaux respectifs des deux demi-décades, 1576-1580 et 1581-1585. Ne met-il pas en cause un accroissement de richesse énorme, de plus de douze millions de pesos, un accroissement relatif de 70 % par rapport à la demi-décade précédente ? Un tel pourcentage est égalé deux fois seulement entre 1531-1535 et 1536-1540, d’une part, 1546-1550 et 1551-1555, d’autre part, mais les niveaux mis en cause, partant, les masses ajoutées sont trois fois ou dix fois moindres. On songera, par exemple, que le seul accroissement, par rapport à la demi-décade précédente, des trésors rapportés d’Amérique en Espagne, de 1581 à 1585, dépasse la masse globale des trésors rapportés au cours de la demi-décade 1561-1565, excède la masse totale des trésors exportés, officiellement, des Indes en direction de l’Espagne au cours des quarante premières années de la conquête.
82Il y a donc bien, à l’entrée de la fluctuation cyclique qui nous intéresse, dans la masse des richesses créées un changement de niveau tel qu’il implique presque un changement de nature. De 1581 à 1630, le niveau des trésors dépassera toujours 24 millions de pesos. La coupure est nette, elle ne permet pas l’hésitation, elle s’impose, d’elle-même, sur la représentation graphique que E. J. Hamilton donne de la sériel99. Le décrochement est plus sensible encore sur la seule marche des trésors particuliers.
83Or cette dernière série est, évidemment, la plus importante : n’est-ce pas cette catégorie de trésors, qui est la plus directement engagée dans la vie économique de l’Espagne et plus particulièrement dans celle de l’Atlantique ? De 10 602 262,5 pesos on passe, avec un accroissement de 11 221 745,5 pesos, à 450 maravedís, à 21 824 008 pesos. L’accroissement est de 106 % entre 1576-1580 et 1581-1585. Le décrochage est égal, une fois seulement, dans toute la série, en valeur relative, de 1531-1535 à 1536-1540, mais jamais ni de près ni de loin en valeur absolue.
84Le volume des trésors privés — économiquement, les plus importants pour l’étude du trafic — arrivés au cours de cette première demi-décade du cycle, celle qui correspond merveilleusement bien dans nos séries à la phase d’expansion cyclique des volumes, ne sera égalé ou dépassé que pendant vingt ans, au cours des quatre demi-décades : 1591-1595,1596-1600,1606-1610 et 1616-1620.
85Entre 1581-1585 et 1616-1620, qui représente, le point le plus haut des arrivées des trésors privés100, l’écart n’est que de 3 940 664 pesos, soit de l’ordre seulement de 18 %101. La première moitié de la décade des années 80 nous place, plus encore, pour les trésors privés qu’elle ne le fait pour l’ensemble des trésors (trésors privés ensemble et trésors publics), sur un palier de cinquante ans qui se détache vigoureusement de l’ensemble. Le comportement des trésors calque, donc, en l’exagérant, celui des trafics globaux. Dans le même temps, le procédé d’extraction de l’argent par amalgame s’est implanté au Pérou et la part de l’argent du Pérou102 passe, en dix ans, de 38 % (1571-1575) à 65 % (1576-1580), soit de quelque 300 000 pesos à plus de 19 millions. Ce déclenchement de l’ordre quasiment de 360 % en dix ans, dans un secteur aussi capital que celui de la production d’argent du Pérou, ne peut être, en aucun cas, surestimé. Il est à l’arrière-plan du déclenchement des trafics déjà mentionné.
2. Prix
86Un tel phénomène ne va pas sans répercussions sur la marche des prix espagnols103. La série des prix andalous104 est particulièrement sensible. De 93,99 en 1576, on passe à 111,48 en 1582, soit un déclenchement de 18 % en six ans (112,68, même en 1584). Au-delà, les prix andalous — on en connaît le caractère moteur— s’installent sur un long palier, à peu près absolument horizontal... sur onze ans, de 1584 à 1595.
87Ce déclenchement n’est pas le seul de cette importance, au cours de la seconde demi-phase longue d’expansion. Il s’apparente, à beaucoup d’égards, malgré de grandes [originalités105 à ceux des premières années 60 et de la dernière demi-décade du xvie siècle, par l’importance, du moins, des progrès réalisés. Le fait même, que l’ascension des prix suivie d’un palier est plus lente ici (huit ans, de 1576 à 1584) que dans les deux autres exemples comparables de la deuxième demi-phase longue d’expansion, loin d’en diminuer la signification, paraît, tout au contraire, lui conférer un poids plus grand. Dans la puissante montée des prix andalous qui va de 1576 à 1584, commandant avec deux ans d’anticipation la non moins puissante montée des trafics, précédemment analysée106, il n’y a rien, de ce fait, que l’on puisse attribuer à l’accident d’une série de mauvaises récoltes, à quelque phénomène de conjoncture purement négative. La pente ascendante des prix, en corrélation avec la poussée des trafics, participe à la définition du gros changement de niveau de la puissante reprise d’accélération qui a semblé constituer une des caractéristiques majeures de la période 1578-1592.
3. Vitesse de rotation des convois
88La vitesse de rotation des convois est un troisième facteur plus contestable, peut-être, d’interprétation délicate, en raison de la faiblesse numérique relative des données et de la complexité des éléments multiples susceptibles d’entrer en ligne de compte. Seul, il n’aurait, bien sûr, aucune valeur démonstrative. Mais faut-il, une fois rattaché à tout un contexte, l’écarter en raison du caractère relativement ténu de l’indice ? On ne le pensera pas.
89Le problème vaut la peine, du moins, d’être posé. Il peut faire l’objet d’un examen en structures. L’analyse des temps de traversée107 dégage, on s’en souvient et d’une manière incontestable, une double tendance : tout d’abord, en gros, jusqu’au début du xviie siècle, une tendance à la diminution de la durée des temps des voyages, sous l’action d’une meilleure connaissance de la mer..., de ce qu’on serait tenté d’appeler, bravant l’impropriété latente du concept et du mot, le progrès technique. Puis une seconde tendance majeure qui joue, en gros, dans le sens d’un allongement de la durée des voyages, sou3 l’action, sans doute, d’un facteur technique (ou économico-technique), l’accroissement du tonnage unitaire, l’accroissement, plus encore, du tirant d’eau... et partant, l’étirement des temps de chargement et de déchargement.
90Ces deux grandes tendances majeures de l’évolution des navires et de la navigation s’établissent, en outre, en corrélation troublante avec la marche la plus générale des mouvements — cela pour l’ensemble de la période, mais, à l’intérieur, d’autres relations sont évidentes. Même si, et c’est incontestable, en dehors d’une action directe de l’économique, d’autres éléments devaient entrer en ligne de compte, la corrélation existant entre la conjoncture économique et la vitesse de rotation des convois, s’explique facilement, toutes choses étant égales, par le fait que les échanges étant plus rapides, en période d’expansion, les temps d’arrêt aux escales sont moindres. Mais le facteur conjoncturel sur le mouvement des navires n’a vraiment de chance de se faire sentir que sur les parcours les plus longs qui, allant d’une extrémité à l’autre de l’Atlantique, incorporent nombre d’escales.
91Or, deux facteurs techniques, en partie issus de la conjoncture économique, au sens le plus large, sont entrés en ligne de compte, en exerçant leur action dans le sens de cette conjoncture..., au début, le progrès technique favorisé par l’expansion et grâce, en partie, à la masse toujours plus grande du trafic, l’accroissement du tonnage moyen des navires..., jusqu’à un optimum, au-delà duquel, l’allongement démesuré des temps de chargement, de déchargement, la complication des manœuvres au port108 annule — largement — les gains de temps qu’a pu apporter la vitesse plus grande des navires, fonction, jusqu’à un certain point, de la longueur de la coque.
92Puis, quand vient la contraction, l’accroissement démesuré des navires et des tirants d’eau, au-delà de l’optimum de vitesse (en partie, peut-être, sous l’action de la pénurie des gens de mer, proportionnellement moins nombreux, à tonnage égal, sur des gros navires que sur un tonnage équivalent de petits navires), joue dans le sens du ralentissement, tout comme l’interférence toujours plus importante d’un réseau ennemi toujours plus nombreux. Il n’en demeure pas moins, que soit, par le jeu d’une liaison directe, soit, plus ou moins médiatement, la corrélation existe entre les tendances majeures les plus générales du mouvement et la durée des voyages... brefs en expansion, plus longs en contraction.
93Puisque cette corrélation existe à l’échelle séculaire, on est tenté de la rechercher, aussi, au niveau inférieur de la fluctuation décennale. Ou dans le cas d’une corrélation assez étroite pour jouer à court terme et, dans l’hypothèse d’une liaison identique à court terme et à long terme, entre la vitesse de la rotation et la conjoncture, telle qu’on peut la présumer a priori, on peut s’attendre à ce que la grande accélération des volumes de la fluctuation cyclique 1578-1592 se marque par une certaine accélération concomitante du rythme des convois... Si la corrélation est assez étroite, pour être sensible, malgré l’extrême ténuité des séries. En gros, à-condition de se borner à une relation assez générale, l’attente ne sera pas déçue.
94En effet, on se reportera, par exemple, à la série des temps de parcours de San Lúcar à la Vera Cruz109, une des plus caractéristiques (beaucoup plus intéressante pour notre propos, que la série Cádiz-la Vera Cruz110, dans la mesure où, en incluant très souvent le temps des séjours à Cádiz, elle est plus soumise, entre autres, à un facteur particulièrement sensible de conjoncture économique, la rapidité plus ou moins grande des chargements complémentaires dans le port caditain. 1561-1570 était au-dessus du temps moyen pour l’ensemble de la période 1504-1650 : 98,75 jours contre 91,325 jours. L’accélération des rythmes de rotation, par contre, va en s’accentuant, nettement, de 1561-1570 à 1571-1580 qui incorpore déjà l’extrême fin du cycle et plus encore, de 1571-1580 à 1581-1590, avec, respectivement, les temps de traversée 90,28 jours et 87,125 jours. Bien sûr, l’analyse n’est pas parfaitement probante, elle reste grossière, faute de pouvoir commodément dégager le rythme dû à la fluctuation conjoncturelle courte du mouvement long certain qui tend, manifestement, à la réduction du temps de parcours.
95Tant de facteurs, d’autre part, peuvent interférer, le temps, les hasards de la mer et de la guerre, sur des séries, quand même, trop peu nourries111, pour qu’on puisse porter sur elles, un jugement ferme et simple. Il est pourtant satisfaisant de constater que la variation s’opère dans le sens qu’on pouvait — conjoncturellement, les choses étant ce que nous supposons qu’elles sont — prévoir a priori112.
96Sur les séries des Retours113, on trouvera une présomption du même ordre. De la Vera Cruz en Espagne, sur le chemin des Retours, par exemple114(, 1581-1590 constitue une période de temps de parcours relativement courts entre deux périodes de parcours de temps, plus longs115(. De Nombre de Dios en Espagne116, toujours sur le chemin des Retours, même rythme, mais avec une amplitude de beaucoup plus accusée, 109 jours en moyenne, de 1581 à 1590, contre 130,6 jours de 1571 à 1580 et 215 jours de 1591 à 1595. Et cela reste vrai, en gros, encore, de Carthagène à Cádiz, San Lúcar et Séville117. Chaque série, en soi, ne permettrait pas de conclure : mais la concordance des comportements sur l’ensemble des séries dans le sens prévu, a priori,, par le schéma explicatif constitue, par contre, un signe qu’on ne saurait raisonnablement exclure. Les séries sont suffisantes pour permettre d’affirmer toutes ensemble — toutes choses étant égales — une accélération du rythme de rotation des convois pendant la décade de conjoncture haute (1581 à 1590). Cette accélération — comme dans nos économies modernes118 — coïncide avec les dernières poussées brutales d’accroissement des volumes. La liaison est établie : elle a sa valeur.
4. Age moyen du matériel naval
97Il est un dernier indice qu’il faut retenir encore pour bien saisir, dans son ensemble, cette fluctuation qui se place sous le signe d’une reprise d’accélération manifeste : l’âge moyen du matériel en usage dans la Carrera119(. Il était de huit ans, pour 49 navires d’âge connu de 1576 à 1580. Cette valeur est pleinement corroborée par l’état de flotte de 1581 qui se place dans la zone déprimée séparant la fin du cycle précédent 1571-1578 et le début du présent cycle 1578-1592.
98Cet âge est élevé, il dépasse les 6 ans 1/3 qui nous sont apparus constituer l’âge moyen des navires120, pour l’ensemble de la période où l’âge des navires est mesurable121. Cet âge élevé — établi sur cinq ans sur une série suffisante (49 voyages dont l’âge du navire est connu sur 512)-— correspond, conformément à nos prévisions, à une décade de ralentissement relatif de la pente ascensionnelle des mouvements volumétriques. La demi-décade 1576-1580 comprend, en effet, la fluctuation de pente atténuée 1571-1578 et le palier creux 1578-1580. Au cours des périodes de contraction relative, dans la mesure où la pression exercée par le négoce sur l’armement se relâche, le nombre des navires nouveaux, par rapport au stock ancien, par conséquent, vieillissant, est moins important qu’il ne l’est en temps d’expansion.
99Il semble — autre indice — sous toutes réserves de séries encore insuffisamment étoffées par place, que le vieillissement s’accentue, au fur et à mesure que l’on s’avance dans la demi-décade. Les navires, qui effectuent le retour en 1580 (leur âge est connu pour 19 d’entre eux sur 54, proportion suffisante pour éliminer un risque sérieux d’erreur), sont nettement plus âgés que ceux des années précédentes. Or, le vieillissement, au sein même du cadre chronologique de la demi-décade, son accentuation, en cette fin de demi-décade (elle correspond au creux cyclique final du cycle 1571-1578 et au creux cyclique initial du cycle 1578-1592), est l’indicatif spécifique d’une période cyclique de contraction. On notera à quel point la méthode de l’étude statistique des âges moyens des navires s’est révélée sensible, en cette occasion, puisqu’elle permet de suivre, dans son propre mouvement, le vieillissement entraîné par le prolongement, sur dix ans, d’une contraction toute relative, jusqu’à l’accentuation finale d’un creux rapide et purement cyclique.
100Tout au long de la décade des années 80, la méthode va révéler sa valeur et sa sensibilité, confirmant, a fortiori, le caractère combien impérieux, dans tous les domaines, de l’accentuation de l’accélération à partir de la seconde fluctuation primaire constitutive du cycle 1578-1592. L’âge moyen du stock des navires, en circulation dans la Carrera, ne passe-t-il pas de 8 ans en 1576-1580 à 6,9 ans de 1581 à 1585, puis à 4,7 ans en 1586-1590 ? Si la première demi décade est encore légèrement au-dessus de l’âge moyen (pour la période 1576-1650), la seconde lui est très nettement inférieure. C’est donc, bien au cours du cycle 1578-1592 qu’il y a renversement, dans ce domaine, de la tendance majeure. Or, les séries sont, désormais, très suffisamment nourries (92 voyages pour lesquels l’âge des navires est connu sur 655 de 1581 à 1585, 116 sur 886 de 1586 à 1590) pour qu’on puisse considérer l’âge moyen calculé comme pleinement représentatif d’une réalité. On peut, pratiquement, suivre, au cours de ces dix ans, le rajeunissement général du stock des navires par l’entrée dans la Carrera de bateaux neufs. Le renouvellement du stock est, d’abord, un fait de la conjoncture. L’armement ne peut faire face à la demande croissante du négoce que par l’adjonction de bateaux neufs. Les chantiers de construction navale travaillent à plein.
101Le décalage le plus net se situe, non pas entre les demi-décades 1576-1580 et 1581-1585, mais entre 1581-1585 et 1586-1590. Un seuil est franchi, le stock des navires est renouvelé ; il se tient, pendant vingt ans, autour de quatre ans d’âge en moyenne. Or cette mutation n’est pas le fait du seul facteur conjoncturel (le point haut de 1586 et les points hauts, encore, de 1588 et 1589) — même si ce facteur a été décisif — il est le fait, aussi, de la grande ponction du tonnage effectuée par l’Armada et la grande guerre anglaise, sur le tonnage de la Carrera. Par la suite, de 1596 à 1600, notamment, le maintien ou la reprise d’une conjoncture élevée, joint aux effets non encore effacés de la grande ponction des désastres de la demi-décade 1586-1590, se fait sentir par le triomphe record du jeune navire (avec un âge moyen particulièrement bas de 3,8 ans). Il nous a suffi, pour l’heure, de constater que, même par ce biais, l’opposition entre le tassement du cycle précédent et la poussée de la présente fluctuation constituait bien une des lignes de force majeures de la période.
III. — LA PRÉCISION DE LA MESURE
102C’est, peut-être, sous ce nouvel angle — celui des progrès dans la précision de l’approche quantitative — que le cycle 1578-1592 se distingue, le plus manifestement encore, du temps qui le précède. On se trouve, ici, à une charnière, à la hauteur d’une mutation : la limite entre un niveau d’approximation dans la précision de la construction statistique qui est celui d’une seconde période allant, en gros, de 1540 à 1580 et un niveau nettement supérieur, celui qui va, malgré de très grandes modifications, de 1580-1590 à 1650.
103Cette mutation capitale pour la connaissance médiate de l’historien, est due, bien sûr, pour l’essentiel, au hasard de la conservation des Archives, à la densité, au tout premier plan, des registres conservés122. Mais est-ce pur hasard ? Sa correspondance avec une accélération sensible de la courbe du trafic n’est pas totalement fortuite. La Casa n’a-t-elle pas mis plus de soins à la conservation de ses Archives, à partir de cette fin du xvie sièclè ? C’est une question à laquelle il n’est pas facile de répondre d’une manière absolument certaine. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à cette « mutation » dans la qualité du travail de gestion des services de la Casa, la croissance des masses contrôlées, la croissance, plus rapide encore, des valeurs contrôlées. Le poids accru, dans des proportions incomparables au cours de ces années, de la guerre étrangère, au paroxysme du conflit hispano-anglais dans cette dernière phase décisive des règnes de Philippe II et d’Élisabeth. Plus, peut être, encore, pour paradoxal que cela puisse paraître, le glissement de la Casa des mains de l’État vers d’autres obédiences123. Dans la mesure où la Casa de la Contrataciόn est sollicitée à jouer de plus en plus un rôle d’arbitre toujours écouté entre les forces nécessairement divergentes qui constituent la Carrera de Indias, elle devra renforcer ses méthodes de contrôle et de mesure, car il n’est, peut-être, pas extravagant d’affirmer que marchands et armateurs de Séville exigent plus de travail et de précision de leur syndic virtuel que l’État de son agent essentiel. C’est pourquoi, il est peut-être prudent de ne pas attribuer au seul hasard cette mutation brusque dans la richesse de la construction statistique, à laquelle on peut, grâce au travail préparatoire des services de la Casa de la Contrataciόn, espérer parvenir.
1. Mouvements volumétriques
104Même à cette époque, la connaissance du mouvement volumétrique saisi à travers la jauge des navires continue d’être la trame de toute approche.
105Or, pour la première fois, fait décisif, le pourcentage du volume des navires connus l’emporte largement sur celui des évalués, 59,4 %, 49,2 % et 53,6 % (cf. Annexe, p. 607-608), tandis qu’au sein même des connus, les connus directement surclassent très largement les connus indirectement, dans le rapport de 3,5 à 1. Étant donné, il n’est pas besoin de le rappeler, que la rigueur des grilles qui servent124 aux évaluations dépend essentiellement de l’importance des séries de connus, que la rigueur des équivalences, pour les connus indirectement, dépend beaucoup du volume initial des connus directement, le gain réalisé par la connaissance du mouvement excède largement ce que laisserait penser une simple comparaison entre eux des pourcentages bruts. Or, pour réaliser l’ampleur de la mutation qui s’effectue dans notre connaissance volumétrique des mouvements, d’un cycle à l’autre, il suffit de rapprocher au pourcentage des connus directement en Allers, par exemple, de 1572-1578,celui de 1579-1592, soit 12,5 % contre 43,4 %, en Retours, 10,4 % au lieu de 37,5 %, en Allers et retours, 11,5 % et 39,8 %. Ce sont les chiffres les plus probants. Il n’y a plus, désormais, aucune mesure, entre la manière dont le mouvement est saisi avant 1578 et après. Ces chiffres marquent bien l’emplacement d’une mutation.
106Le progrès, dans l’ensemble, s’accentue à l’intérieur même du cadre de la fluctuation. Les proportions sont meilleures, au cours de la fluctuation primaire 1588-1592, qu’elles ne le sont en 1579-1583, malgré un sensible recul après la ponction causée par l’Invincible Armada. C’est, en effet, au cours de la fluctuation primaire 1584-1587 que l’on possède la connaissance la plus précise du volume des navires125.
2. Le matériel naval
107Corollaire à peu près indissociable du précédent, parallèlement à une meilleure connaissance du volume des bateaux, on aboutit à une meilleure connaissance de la nature et de la nationalité d’origine des navires — et à des fortes présomptions, a posteriori, quant au monde de l’armement et aux équipages. De 1579 à 1592, on possède des renseignements précis126 pour 294 navires sur 2 040 voyages, soit 14,4 %. Le progrès est évident, si on se reporte aux proportions atteintes dans les cycles antérieurs127. Là encore, on note un décrochement sensible, la densité des renseignements obtenus sur le matériel aura doublé en l’espace d’un peu plus de dix ans.
108Ces données, relativement ténues, sont, désormais, suffisantes pour pouvoir contribuer, dans une certaine mesure, à préciser les caractères de la fluctuation présente. Si on cherche à définir réciproquement, en effet, l’un face à l’autre, le stock respectif des navires de la fluctuation 1579-1592 par rapport à celui de la fluctuation 1572-1578, deux constatations ne peuvent pas ne pas s’imposer : l’importance, brusquement accrue, des petits navires par rapport au stock global, l’importance des étrangers par rapport à l’ensemble des navires de nationalité espagnole pure, les biscayens.
109De 1579 à 1592, par exemple, on dénombrera sur les 294 navires isolés128, à coup sûr129, 52 bateaux de la catégorie des barques, 63 caravelles, 25 galères, 42 galions, 22 felibotes et 7 hourques et 78 bateaux mentionnés comme étrangers. Parmi les étrangers de provenance connue : 11 portugais, 5 andalous, 5 méditerranéens, 8 français et 11 navires en provenance des Iles britanniques.
110Dans une telle série, la proportion des petits navires130 n’est pas difficile à préciser, la proportion des gros navires est beaucoup plus faible qu’elle ne l’était précédemment. Suivant que l’on incorpore ou non les felibotes dans la catégorie des gros navires131, les proportions entre les gros et les petits sont, respectivement, de 33,6 pour les gros et 66,4 % pour les petits ou même de 25,9 % et 74,1 %. Tandis que les proportions étaient justement inverses dans les périodes antérieures : 71, 4 % et 28,6 % de 1551 à 1571 d’une part, 69,2 et 30,8 % de 1572 à 1578 d’autre part.
111Quelle conclusion peut-on espérer sortir de cette constatation, puisqu’un tel écart peut être escamoté et attribué à d’autres causes qu’à une importante modification de la nature du stock des navires de la Carrerai Cette importante modification était ébauchée dès la seconde fluctuation primaire (1576-1578) du cycle précédent132. Il ne s’agit aucunement d’une illusion. A 1’intérieur de la tendance majeure qui porte à l’accroissement régulier et constant du tonnage unitaire des navires133, on assiste, depuis la demi-décade 1576-1580, à une contre-pente notable134. Bien sûr, cette contre-pente est due, en partie, à la disparition provisoire et partiellement suspecte, on l’a vu135, des navires canariens au départ, au cours de la fluctuation précédente 1572-1578.
112Ceci étant et la réalité objective de la puissante récurrence des petits navires ne pouvant être mise véritablement en doute, on peut en déduire un certain nombre de conclusions : la première est presque un fait de structure. Il semble bien qu’après la brutale disparition des îles au profit du continent, un nouvel équilibre s’établisse, qui ramène le balancier des îles et des parents pauvres, très loin de sa position première, certes, mais un peu plus avant que le grand raz de marée dévastateur des cycles précédents ne l’avait, un moment, porté. Mais avant tout, on peut estimer que la politique du trop gros navire un peu trop uniformément utilisé, aura fait faillite, cédant ainsi le pas à une division qui ne cessera plus de prévaloir jusqu’au bout, entendez l’emploi simultané, pour les îles et les parents pauvres, d’un continent bardé de hauts fonds, de petits navires tout proches de ceux de la conquête et de gros navires de plus en plus gros pour les grands ports de la Vera Cruz, de Carthagène et de l’isthme, avec, à l’arrière plan, les masses économiques énormes du continent.
113Le retour à une plus forte proportion de petits navires à côté d’une majorité de gros navires de tonnage croissant, entre la fin du cycle précédent 1571-1578 et le début du présent cycle 1578-1592, autrement dit, le fait que c’est bien là, à cette charnière, que doit se placer la mise en place d’une ventilation intérieure du tonnage des navires, nous conduit — argument supplémentaire — à placer à la jointure de ces deux cycles un événement conjoncturel d’importance telle qu’il fait pressentir une modification perceptible des structures. Premier signe avant-coureur, pourquoi pas, qui annoncerait le passage de la deuxième demi-phase longue d’expansion, à une nouvelle demi-phase longue, celle qu’on peut être tenté d’appeler, de 1592 à 1622, la demi-phase du plafonnement des mouvements et du renversement des tendances. Les grandes lignes de force de la composition du matériel naval de la Carrera sont, désormais, fixées pour un siècle, par la conjonction de deux matériels distincts.
114Mais ce retour en force d’un petit matériel136, conjointement au stock de gros navires de plus en plus gros, est à lier, sans aucun doute, également avec un fait de conjoncture : ce n’est pas un fait purement accidentel, si cette importante mutation se place entre un cycle de contraction relative et un cycle d’expansion d’une incontestable vigueur. La réintroduction d’un petit matériel de moindre choix, destiné, en partie, à alimenter les îles... traduit une position de force de l’armement en face du négoce, une utilisation à plein des possibilités du stock naval, elle ne peut être le fait, donc, que d’une période de conjoncture vigoureusement ascendante, prodigieusement redressée par rapport au trend. Ce qu’est bien, on l’a vu, sans conteste possible, le cas de la fluctuation cyclique 1578-1592.
115Une seconde conclusion s’imposera, enfin, d’une observation même rapide de la composition du matériel naval, à la lueur des séries incomplètes dont nous disposons : la part insolite des navires étrangers. En effet, il suffit de comparer les proportions de la période 1579-1592 à celles des périodes précédentes137. De 1551 à 1571, par exemple, 189 navires retenus, pour lesquels on possède des renseignements précis, soit 7,07 % du total. Là dessus, 7 navires étrangers (2 portugais, 3 français, 1 hollandais, 1 étranger sans plus), soit 3 %, seulement de la série sur laquelle porte le raisonnement. La part des étrangers se situe donc, au cours de cette période, entre 3 %, terminus post quem et 0,2 % du total138 : sans aucun doute, beaucoup plus près des 3 % que des 0,2 %, 1,5 à 2 %, sans doute. Telle serait, entre la récession intercyclique et le début de la deuxième demi-phase d’expansion, la part très faible des navires étrangers dans la Carrière des Indes. Il serait, peut-être, imprudent d’affirmer que cette proportion (1,5 à 2 %) des navires qui s’avouent étrangers correspond bien à la proportion des navires effectivement étrangers, ou d’origine étrangère. Il faut veiller, en effet, à ne pas heurter de front les interdits légaux. Mais le faible aveu, expression d’un interdit légal, a, lui-même, sa pleine valeur. Il révèle un armement national assez fort pour faire barrage contre la concurrence d’un armement étranger.
116La situation est identique encore de 1572 à 1578, 3 étrangers (tous portugais) sur 78 repérés (moins de 4 % des navires repérés, 0,4 % du total). On peut en déduire que la proportion des navires étrangers compris entre ces deux termes, autour de 3 ou 2,5 %, est la même, à très peu de chose près, lors du cycle 1571-1578 qu’au cours des trois fluctuations précédentes.
117Or, nos séries établissent, sans conteste, que le tournant est pris, dans ce domaine, entre le cycle de palier relatif 1571-1578 et le cycle de conjoncture haute, à nouveau, de 1578 à 1592. Mieux, ce n’est pas tant à la charnière des deux cycles que se place le changement d’attitude à l’égard des navires étrangers, qu’à la charnière des fluctuations primaires 1579-1583 et 1584-1587, c’est-à-dire, au moment du véritable changement du tonus conjoncturel. La première fluctuation comte 1579-1583 prolonge encore, dans une certaine mesure, le marasme du cycle précédent. Or, la proportion des étrangers y est à peine supérieure à la normale des temps antérieurs. A partir de 1584, par contre, elle sera constamment accrue, au cours des deux dernières fluctuations primaires constitutives et vient, désormais, s’inscrire entre les deux termes, 2,6 % et 3,8 %, par rapport à l’ensemble des navires qui franchissent l’Atlantique, c’est-à-dire, si on accepte nos critères, vraisemblablement près d’un cinquième de l’ensemble... et seulement pour les étrangers qui s’avouent.
118Le tournant est pris et les vagues se succèdent, avec un contingent toujours plus fort de britanniques. Chronologiquement, l’évasion se situe, d’abord, avec l’expansion des années 1584, 1585 et 1586, puis avec le grand creux causé par la guerre hispano-anglaise et la saignée de l’Invincible Armada. Pour suivre la marche extraordinairement ascendante du mouvement, puis, pour combler les vides causés par la guerre et l’invincible, la Carrera a dû s’ouvrir aux étrangers. Là aussi, on est en présence d’un phénomène qui, par son ampleur et par sa durée, est à cheval entre structures et conjoncture. Le rôle des navires étrangers — non biscayens — dans la Carrera, à partir de 1580, est un fait de structures, dans la mesure où il constitue un aspect d’un Atlantique qui commence, à l’intérieur même du Monopole, à échapper à l’Espagne, mais c’est un fait de conjoncture, par contre, par sa localisation exacte dans le temps. Ce n’est, certainement, pas simple fait de hasard, si cette cassure se situe bien là, à la jonction de ces deux cycles. Et ce fait, on ne peut manquer de le rapprocher d’autres faits, de préciser le climat de ce cycle à la fois d’expansion brutale et de plateau.
3. Vitesse. Valeur. Marchandises. Prix
119Pour tous les autres facteurs qu’on s’est efforcé de saisir et qu’on a cru utile de soumettre aux méthodes statistiques en vue d’une approche sérielle, il y a progrès sensible au cours de la fluctuation 1578-1592. Progrès dans la connaissance des vitesses139, la densité des séries ne sera pas vraiment dépassée dans ce domaine, avant la deuxième décade du xviie siècle, progrès sur le détail des marchandises, au Retour, dont la ventilation se précise140, progrès dans la manière dont les pertes sont saisies141, progrès de la connaissance parallèle des prix espagnols.
120Pour le mouvement en valeurs142 — dernier facteur dont il faut beaucoup tenir compte143 — on dispose, désormais, de séries encore fragmentaires, suffisantes toutefois, surtout en ce qui concerne les Retours, pour qu’on puisse doubler les résultats obtenus sur les volumes par une approche sur les expressions du mouvement en valeur. Ces résultats confirment pleinement la constatation dégagée, précédemment, déjà, des autres séries : la brusque accélération du mouvement.
121Sur le seul mouvement valeur Allers144, entre les fluctuations 1571-1578 et 1578-1592, la différence du niveau valeur est de l’ordre au moins, du simple au double, l’accroissement dépasse 100 %145 l’accroissement en volume, compte même tenu des variations de la tonelada, étant au maximum de l’ordre de 40 %, 30 à 35 % en unités nominales. L’accroissement du niveau des prix, dans le même laps de temps, de 15 à 20 %, ne saurait suffire, en aucun cas, à expliquer semblable distorsion. 1578-1592, par rapport à la fluctuation qui la précède, est, en moyenne, sur le mouvement Allers en volume, à 135, 140 % du terme de référence, et, en valeur, élimination faite de la hausse des prix, à 170, 180 %. Une telle différence ne peut, en aucun cas, être imputée à une variation du rendement de l’ad valorem Rien ne permet de le supposer. Une analyse attentive de la situation permettrait, au contraire, de présumer un mouvement inverse..., en raison du renforcement des taux, sous le poids croissant de la guerre. Les risques accrus, que le négoce doit supporter, l’amènent à se défendre avec une âpreté rare146.
122Une semblable distorsion, si elle se retrouve aux Retours, permettra de conclure en faveur d’une grave modification des cargaisons dans le sens d’une évolution déjà souvent soulignée. En fait, c’est bien ce qui se produit également, à peu de choses près du moins147. L’accroissement entre le niveau moyen des valeurs, au cours du cycle 1571-1578 et du cycle 1578-1592, est de l’ordre de 80 % du niveau de base, compte tenu de l’accroissement des prix, en pouvoir d’achat constant, il reste de l’ordre de 60 à 65 % au moins. Il est vrai que, dans le même temps, l’accroissement du volume des Retours reste très en deçà de l’accroissement des Allers, à peine plus de 20 % en unités constantes (toneladas), 30 %, environ, en unités modernes pondérées. Il en résulte que, sur les Retours, la distorsion entre le mouvement en valeur et le mouvement en volume reste du même ordre que dans le cas précédent des Allers, et qu’a fortiori, comme on peut l’établir sans peine, par rapprochement des séries valeurs et volumes correspondantes, la situation est identique pour les globaux Allers et retours.
123Aussi, la modification, maintes fois signalée, de la nature des cargaisons dans le sens, comme toujours, d’un enrichissement de celles-ci — enrichissement intrinsèque et non imputable à une conséquence de la révolution des prix’— continue, tout au long, pratiquement, de cette fluctuation 1578-1592. Sous cet angle, la fluctuation se distingue clairement de celle qui la précède, où, comme on l’a vu148, la distorsion entre l’accélération des mouvements volumétriques et en valeur est très faible. Là encore, par conséquent, les caractères de la fluctuation semblent présenter une grande homogénéité : le dénivellement du mouvement volumétrique se retrouve en valeur. A la reprise d’accélération sur la première série correspond une reprise d’accélération sur la seconde série.
124Mieux, alors qu’en période de pente ralentie149, les courbes valeur et volume montent, pratiquement, au même rythme, sans que la pente ascensionnelle des valeurs l’emporte sensiblement sur celle des volumes, en période d’expansion rapide, les valeurs anticipent les volumes. C’est le cas, de 1578 à 1592. Les chiffres cadrent parfaitement avec le modèle qu’on a pu être tenté de leur imposer. L’élimination progressive des pondéreux, au détriment des marchandises chères, porteuses de grosse quantité de travail humain, est une caractéristique majeure du trafic dans l’Atlantique espagnol et hispano-américain. Elle n’a pas besoin, en elle-même, d’être justifiée puisqu’elle ramène insensiblement le trafic dans l’Atlantique espagnol à ce qu’on peut considérer comme constituant la normale des trafics maritimes, dans le cadre de l’Ancien Régime économique.
125La seule anomalie qu’il faille expliquer, c’est celle, au vrai, des premiers temps, l’anomalie des pondéreux du premier trafic et du premier xvie siècle150, tout le reste ne constituant pas autre chose qu’un long retour séculaire à la normale. Mais ce retour s’effectue à un rythme inégal suivant le temps conjoncturel, rapide en expansion, beaucoup plus lent en contraction. On comprend aisément suivant quels mécanismes. Les périodes d’expansion sont des périodes de fret cher, au cours desquelles un triage s’effectue en faveur des marchandises les plus précieuses, au détriment des pondéreux que techniques et conditions économiques normales de l’Ancien Régime tendent, déjà, d’elles-mêmes, à éliminer.
126Une mise en parallèle, même grossière, des séries représentatives des mouvements en volume et en valeur aura permis de vérifier cette loi, à l’échelle des cycles opposés 1571-1578, 1578-1592.
127Et l’on aura ainsi fait, très brièvement, le tour de cette crise de croissance du cycle de la reprise, si importante qu’elle semble ne rien respecter, affectant même ce qui, dans l’Atlantique, est le moins sensible au rythme du temps. Les structures en sortent marquées... du moins, en surface.
Annexe
ANNEXE. PROGRÈS DE L’APPROCHE VOLUMÉTRIQUE DU MOUVEMENT
Colonne I. — Indication des années correspondantes.
Colonne II. — Caractère du mouvement : A, Allers ; R, Retours ; A & R, Allers et retours.
Colonne III. — Nombre de navires.
Colonne IV. — Tonnage global (en toneladas, imités non pondérées).
Colonne V. — Tonnage connu directement (cf. t. I, p. 294 et suiv.).
Colonne VI. — Tonnage connu indirectement (cf. t. I, p. 302).
Colonne VII. — Tonnage connu (directement et indirectement).
Colonne VIII. — Tonnage évalué.
Colonne IX. — Pourcentage du tonnage connu directement par rapport au ton. nage global.
Colonne X. — Pourcentage du tonnage connu indirectement par rapport au tonnage global.
Colonne XI. — Pourcentage du tonnage connu (directement et indirectement) par rapport au tonnage global.
Colonne XII. — Pourcentage, du tonnage évalué par rapport au tonnage global.
Notes de bas de page
1 Cf. ci-dessus, p. 186-253 et p. 297-317.
2 Cf. ci-dessous, p. 920-1157 et p. 1158-1397.
3 Ce n’est pas vrai, immédiatement. Puisque, nous verrons ce qu’il faut en penser, Allers, Retours et Allers et retours ; commencent déjà par un palier, dont la pente très faible est pourtant continue. C’est en fait, à partir de 1583 (raison, entre autres, de conférer à cette date une signification particulière) que les mouvements changent d’aspect et prennent un rythme binaire, dans le cadre du découpage annuel. En Allers, après une longue pente continue, 1578-1582, on distingue les fluctuations suivantes : 1578-1582-1583, 1583-1584-1585, 1585-1586-1587, 1587-1588-1589, 1589-1590-1591. Soit cinq vibrations sur treize ans, et mieux, quatre sur neuf ans à partir de 1583
Situation sensiblement analogue, en Retours, où le rythme binaire apparaît même plus tôt, à partir de 1582 (1578-1580-1582, en unités non pondérées ; 1578-1581-1582, en imités pondérées) puis 1582-1584-1586, 1586-1587-1588, 1588-1589-1590,1590-1591-1592. Bien que le rythme en soit moins précipité, on aura encore, ce qui est considérable, cinq vibrations — dans le cadre du découpage annuel — sur quatorze ans, et quatre, à partir de 1582, sur onze ans. Même nombre de vibrations donc, mais à étaler, respectivement, sur un an et deux ans de plus.
Les Allers et retours n’atténuent pas sensiblement le rythme de la vibration. A s’en tenir aux apparences, on aura, en unités non pondérées, 1578-1581-1582 (comme sur les retours), puis 1582-1584-1585, 1585-1586-1587, 1587-1589-1590, 1590-1591-1592, soit, grossièrement, comme pour les Retours, cinq et quatre vibrations respectivement sur quatorze et onze ans... d’une manière purement formelle, s’entend. En unités pondérées, par contre, 1578-1584-1585, 1585-1586-1587, 1587-1589-1590, 1590-1591-1592, ce qui s’approche plus de la réalité concrète, quatre vibrations seulement. De 1585 à 1592, avec trois vibrations en huit ans, on retrouve un rythme exactement comparable à celui des Retours dans le même laps de temps..
4 Comme il est possible de le faire en partant des tableaux du t. III et comme on le tentera, plus tard (cf. ci-dessous, p. 575-840), au cours de l’analyse plus minutieuse de chacune des fluctuations primaire du cycle.
5 Cf. t. VII, tables 131, 134, 137, 141, p. 329, 332, 335, 339, et t. VII, p. 4445, 54-55.
6 Cf. ci-dessus, p. 551-564.
7 En fait, il est même plus accusé, encore, 24 375 toneladas en 1578, contre 23 557 pour 1571 (Allers et retours), mais 95 navires, seulement, par contre, contre 143 navires dans le premier cas, en 1571, si on fait entrer en ligne de compte la notion, quand même non négligeable, du mouvement unitaire. - -
8 Que l’on peut considérer à cette époque comme sensiblement équivalents aux tonneaux de jauge internationaux, en usage de nos jours.
9 Cf. t. III, p. 398400.
10 Compte non tenu, toutefois, de la pondération et du mouvement en valeur (cf. ci-dessous, p. 609-672) dont la démarche est — on le verra — tout à fait différente.
11 Les volumes de 1590 et 1591 ne dépassent que de très peu le niveau du creux de 1578. Aucune année, à partir de 1580, n’avait mis en cause un volume aussi faible.
12 Cf. t. VI1, tables 162, 163 et 164, p. 361-363.
13 45,73 % et 67,814 %, d’une part pour 1591 et 1592 ; d’autre part, 71,19 % et 33,82 % 1521-1522), 21,085 % et 57,178 % (1641-1642).
14 5,0950 %..., jamais égalé, dépassé une fois en 1638.
15 Les écarts respectifs sont alors, 71,49 %, 80,16 % et 43,22 %.
16 Cf. t. VII, p. 52-53.
17 Il y en a un autre, enfin, celui qui consiste à comparer ces creux majeurs que nous avons choisis, en raison, entre autres, de leur importance, avec les creux secondaires que l’on retient, pour marquer les grandes articulations à l’intérieur du cycle. On recourt à ce procédé, au cours de l’analyse ultérieure détaillée des séries.
18 En Allers, 1586 atteint 33 270 tonneaux, les trois années 1584-1586 ont encore un niveau annuel de 24 300 tonneaux. Le creux de 1591 (10 250 tonneaux) ne fait que 30,8 % du tonnage de 1586. Mais il est, sans doute, plus raisonnable de comparer le chiffre de 12 756, moyenne annuelle sur deux ans des départs de 1591-1592 aux 24 300 toneladas (moyenne annuelle sur trois ans) du sommet 1584-1586, la zone de contraction cyclique ne se situe encore par ce procédé sûr qu’à 50 %, au plus du sommet, soit une situation à peu près comparable à celle, par rapport à la clé de voûte cyclique des années du creux initial centré sur 1578 — compte tenu de la pondération appliquée aux chiffres en toneladas. Pour les Retours, les comparaisons sont plus difficiles, de toute manière, elles ne sont pas aussi immédiates. Que les 740 tonneaux de 1592 ne représentent que 2,5 % des 29 529 tonneaux de 1587, c’est une indication, certes, mais elle ne suffit pas à elle seule. On est bien en présence, pourtant, d’un creux cyclique (pris sur trois ans, 1590-1591-1592), qui représente un niveau d’un quart à peine des niveaux moyens de 1585 à 1587. Ces deux chiffres expriment assez bien la réalité, largement dégagée de tout facteur contingent, d’une expansion cyclique médiane de l’ordre de 220 %, par rapport au creux cyclique initial et de 300 % par rapport à la dépression conjoncturelle de 1592.
19 On pourrait pousser la justification des creux encadrants, plus loin encore et noter, par exemple, qu’il y a fléchissement, à cette hauteur, sur la série capitale des exportations de mercure (t. VIII2, Appendice, p. 1958-1961). C’est le cas, d’une manière très sensible, pour 1578 : 1 702,5 quintales de mercure partent, cette année, pour la Nouvelle Espagne, contre 3 396 en 1577 et 3 795 quintales en 1579. On pourrait rapprocher, d’ailleurs, le niveau très faible de 1578 et celui, plus faible encore, comme un écho, de 1580 et de 1581 (1-232,13 et 999 quintales). Même situation, sensiblement, en 1592 et 1593.1999,3 et 1 506 quintales entre les 6 017, 6 809 et 3 201 quintales de 1588, 1589 et 1591, d’une part, 4 039,5 quintales de 1594, d’autre part.
20 Les prix argent (indices composés, E. J. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 403 et t. VI1, table 163, colonne IV, p. 362)’.
21 Cf. ci-dessous p. 609-672.
22 Cf. ci-dessus p. 566-568.
23 Allers, Retours ; Allers et retours,
24 Préférée au cours de ce travail, parce qu’en raison de la longueur (la fluctuation cyclique la plus importante), elle est particulièrement efficace parce qu’enveloppante..., enveloppante, sauf quand on est, comme c’est le cas ici, de 1578 à 1592, en présence d’une fluctuation d’une ampleur exceptionnelle.
25 Cf. t. VI1, tables 144, 145 et 148, p. 342, 343, 345.
26 Cf. t. VI1, tables 150 à 158, p. 347-355.
27 Une moyenne mobile plus courte de trois ans, par exemple, y parviendrait tout aussi bien, mieux encore même. Elle donnerait une ligne plus rigoureuse et une fluctuation d’une amplitude plus grande encore.
28 Cf. ci-dessus p. 186-253 ; 297-317.
29 A la seule exception du coup de scie de 1585 et de l’hésitation de 1587, qui témoignent de l’importance effective du grand accident, à l’Aller, de 1587.
30 Cf. tome VII, p. 50-51.
31 Au cours de ces dix ans, en effet, la moyenne de cinq ans se tient en dessous de celle de treize ans. L’écart maximum se situant entre 1579 et 1580.
32 Soit, sur quatre ans, compte tenu du creux brusque de 1582.
33 Cf. t. VI1, table 154, p. 351. Le point haut de la moyenne (16 023 tonneaux) atteint en 1583 n’est pas égalé, ensuite, avant 1597 (16 060 tonneaux.)
34 Sur des moyennes de onze ans, par exemple, établies, il est vrai, sur des chiffres non pondérés cf. (t. VI, table 145, p. 343,) on aboutit à des faits troublants par leur ampleur. Le point culminant des Retours est, ici, 1584 (16 793,7 toneladas,) la moyenne descend presque régulièrement jusquen’1594 (12 1754, toneladas) et le niveau de 1584 n’est pas dépassé avant 1603 (17 125 toneladas.)
35 Cf. t. VI1, table 154, p. 351, 12 608,84, tonneaux et 12 052,38 tonneaux. Aucun point entre les deux n’atteint les 13 329,8 de 1575, soit un plateau marqué par les niveaux 12 975,4, 13 1839, 13 2436, tonneaux.
36 A quelques très faibles rebroussements près, 1586, 1588, 1590, mais ce sont là dés rugosités insignifiantes, de l’ordre de quelque 5 % au maximum.
37 En 1592, par exemple, ce que l’on peut considérer comme l’écart du « cycle de Juglar » au trend est de 40 % (14 523,907 et 8 114 tonneaux). C’est énorme..., le plus fort écart observable sur tout le mouvement.
38 Cf. t. VI1, table 148, p. 345. Le point haut de 1585 (36 040,72 toneladas) ne sera pas dépassé avant douze ans (1596 : 36 358,36 toneladas).
39 Avec une rugosité, donc, mais absolument insignifiante.
40 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200... Visible, malgré quelques lacunes dans la série.
41 Ibid., p. 403 et t. VI1, table 163, p. 362.
42 Cf. t. VI1, table 157, p. 354.
43 t. VI1, table 163, p. 362 et t. VII, p. 52-53.
44 Telles que les donnent les moyennes mobiles de cinq ans.
45 Cf. ci-dessus p. 566-568.
46 De 1578 à 1592, la méthode des points de rebroussement délimite 5 vibrations en Allers, 5 en Retours, et 4 en Allers et retours (5, en fait, compte tenu de la tendance majeure, qui permet de considérer 1582 comme un creux relatif), soit donc : 1578, 1582 ; 1582, 1584 ; 1584, 1586 ; 1586, 1590 ; 1590-1592.
47 La réalité de la dépression n’est guère douteuse. Si on se reporte (cf. t. VI1, table 163, p. 362) aux pourcentages d’écarts des chiffres vrais à la moyenne, on notera que pour six ans de 1578 à 1583 inclusivement, le 100 % n’est jamais atteint en Allers et retours, le pourcentage variant entre 78,03 % et 92,03 %, tandis qu’il en va de même en Allers et en Retours, cinq années sur six, soit pour la totalité de la série, à l’exception d’un 112,29 % en 1582 (Allers), répercuté en 1583 (Retours) avec un 110,15 %.
48 Cf. ci-dessus p. 566-570.
49 Cf. t. VII, p. 44-45.
50 Le point haut qui correspond en 1583 sur les Retours au point bas des Allers n’a rien de surprenant, il est avec ses 74 navires et ses 18 580 toneladas, commandé par les Allers anormalement importants de 1582, avec leurs 73 navires et 20 440 toneladas.
51 95, 99, 98, 103, 117, 125 unités, 28 645, 30 061, 30 777, 30 620, 31 070 toneladas, ou mieux encore, en tonneaux obtenus en partant de notre grille : 21 937,5, 25 780,5, 27 054,9, 29.238,5, 29 089 et 29 516.
52 Cf. t. VI2, table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
53 Cf. ci-dessous p. 767-8M).
54 On mesurera ultérieurement l’ampleur d’une telle réduction.
55 On a vu, maintes fois, qu’il en allait ainsi.
56 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
57 Cf.t. VI1, table 159, p. 356.
58 Cf. t. VII, p. 52-53.
59 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
60 Cf. ci-dessous, p. 722-735.
61 t. VI1, table 159, p. 356.
62 Ces calculs (cf. plus loin, p. 579-581 et 673.766) renforcent encore la position de notre thèse des trois fluctuations primaires constitutives. Cf. t. VII, p. 44-45, p. 50-51, 52-53 et 54-55.
63 En volume, il importe de le souligner et non nécessairement en valeur, puisqu’une des conséquences de l’invincible sur l’Atlantique consistera à renforcer la valeur unitaire des produits transportés entre l’Europe et l’Amérique.
64 Mais les Allers, on le verra plus loin, se comportent, d’une manière un peu différente. Certes, il y a bien opposition très sensible de niveau entre la seconde et la première fluctuation constitutive du cycle, soit 80 1/4 navires et 19 507 1/2 toneladas pour le mouvement annuel moyen des départs de 1584 à 1587 contre, respectivement 53 2/3 unités et 15 839,4 toneladas de 1579 à 1583. Par contre, un progrès beaucoup plus faible mais encore sensible est notable entre 1588-1592 et 1584-1587, avec des moyennes respectives de 114 navires et 20 683,8 toneladas, au lieu de 80 1/4 unités et 19 507 1/2 toneladas, seulement.
65 Ici, ce n’est plus le sens du rapport qui est anormal mais l’ordre respectif des masses : 114 navires et 20 683,8 toneladas, en moyenne de 1588 à 1592, pour les Allers et 55,2 navires et 10 476,8 toneladas pour les Retours dans le même laps de temps.
66 Cf. ci-dessous p. 767-840.
67 Cf. ci-dessus p. 577-580.
68 1592 est à 101,70 %, certes, mais entre un 99,29 % en 1591 et une série en creux de plus en plus profonde, de 1593 à 1597, 96,66 %, 95,734 %, 93,4316 %, 94,009 % et 98,253 % en 1537.
69 Cf. ci-dessus p. 800-808.
70 Cf. ci-dessous p. 753-840.
71 On obtient, alors, et au prix d’une modification qui se borne à éliminer une partie des à-coups les plus criants, les plus évidemment extra-économiques sur le seul mouvement des Retours, la série rabotée suivante, un peu plus courte, avec un creux initial en 1587, une pointe en 1588 et un creux terminal en 1591, mieux, si on veut, un moment d’hésitation entre 1591 et 1592.
Soit en toneladas pour les Allers et retours :
1586 : 50 824 ; 1589 : 36 987 1/2 ; 1592 : 25 001 1/2 ;
1587 : 25 382 ; 1590 : 36 685 1/2 ; 1593 : 36 908 1/2 ;
1588 : 51 216 1/2 ; 1591 : 20 256 1/2 ; 1594 : 39 912 1/2.
72 Cf. ci-dessous p. 580-581.
73 En Mers, 38,4 % de 1588 à 1592 contre 51,15 % de 1584, 87, 50,9 % de 1579 à 1583. En Retours, 41,4 % contre respectivement 41,4 % et 50 %. En Mers et retours, 39,4 % contre 46,5 et 50,49 %.
74 Cf. t. VI1, table 129, p. 327.
75 Cf. t. I, p. 144 sq. et t. VI, p. 44-45.
76 Cf. t. VI1, p. 327.
77 On retiendra seulement des conclusions applicables aux deux séries.
78 Ces comparaisons ne peuvent être faites — est-il besoin de le rappeler — qu’au prix d’une certaine approximation ou d’un examen très attentif, car il faut se méfier et du découpage annuel et des reports de trafic d’une année sur l’autre. Il suffit pour se préserver de ce danger de se reporter à l’analyse particulière consacrée aux événements et à la situation de l’année.
79 Cf. ci-dessous p. 1282-1296.
80 Sans conteste, puisqu’au-delà le volume des Retours se contracte, et qu’après le raid dévastateur sur Cádiz le mouvement Retours devient à nouveau manifestement biennal. Le chiffre de 1587 en raison des niveaux élevés qui le précèdent représente bien le niveau réel de l’année. 1589 et 1591 sont supérieures à 1587 par le nombre des unités mises en cause (100 au lieu de 98), très inférieures, il est vrai, à 1587, pour les tonnages, 21 541 et 19 003 toneladas. Mais un simple coup d’œil sur les années qui les encadrent prouve clairement que ces chiffres apparemment très élevés résultent, en fait, tout simplement de départs différés, de nœuds formés par la guerre et son poids dans un Atlantique transversal d’Ouest en Est plus sensible que son corollaire d’Est en Ouest, aux incidents extérieurs.
81 Cf. t. VI1, tables 134-135, p. 332-333, t. VII, p. 42-45, 4448, 4647.
82 Mais d’une manière douteuse, cf. ci-dessous, 1595 résultant manifestement du contrebas de l’année précédente.
83 Là encore, la position entre deux creux relatifs est moins incontestable que celle de 1587
84 Cf. t. VI1, tables 141, 142, p. 339-340.
85 Chiffre qu’on ne peut qu’avec précaution introduire dans notre comparaison, en raison de la position en creux de 1628,1629 et 1631.
86 Cf. t. VII, p. 54-55.
87 Cf. ci-dessous p. 534-541.
88 Cf. ci-dessous p. 1213-1352.
89 Il est loisible à chacun de pousser plus loin la démonstration que l’on se borne à esquisser ; en partant, entre autres, des données contenues dans les tables de moyennes mobiles du t. VI2 (cf. tables 146 à 158, p. 344-355).
90 Cf. t. VI2, table 129, p. 327.
91 Telle qu’elle est donnée, aussi dépouillée que possible de toutes traces d’influences cycliques, par la moyenne de treize ans, mais on obtiendrait avec d’autres moyennes des résultats très sensiblement analogues.
92 De 16 000 tonneaux à 23 000 tonneaux, soit un progrès de 7 000 tonneaux du niveau des Retours et une accélération en trente-cinq ans d’à peine plus de 1 % annuellement. De 13 000 à 16 000, dans les six premières années de la fluctuation, l’accroissement de 3 000 tonneaux, dorme un rythme de croissance de 3,2/3 %, trois fois et demi plus grand.
93 E. J. Hamilton, 1507-1650, op. cit., p. 34-35.
94 Cf. ci-dessus p. 483-490.
95 Cf. ci-dessus p. 377-380.
96 A cette corrélation, il importe d’en ajouter une autre, non moins essentielle, celle qui unit la production de l’argent (telle que nous l’entrevoyons, décalée et brouillée, dans les importations officielles à Séville) et la consommation globale du mercure (telle qu’elle résulte des importations américaines d’Almadén et de la production locale de Huancavelica, t. VIII2, Appendice, p. 1958-1978). La mutation fondamentale des importations d’argent se place entre 1576 et 1580 et 1581-1585 (décrochement absolu relatif et maximal de 17,25 à 29,37 millions de pesos) ; la mutation fondamentale de la consommation présumée du mercure se situe, cinq ans plus tôt, de 1571-1575 à 1576-1580 (décrochement absolu et relatif maximal de 18 464 à 38 000 quintales, grâce à l’entrée en ligne de compte de la production locale de Huancavelica). Un peu plus tard, entre 1581-1585 et 1586-1590, mutation secondaire dans la consommation du mercure (de 41860 à 52 612 quintales), qui commande, normalement, à cinq an3 de distance, de 1586-1590 à 1591-1595, une mutation importante dans les importations officielles, d’argent (de 23,8 à 35,2 millions de pesos, le sommet absolu apparent).
97 Sur laquelle, le découpage semi-décadaire, par conséquent, assez rigide, de Hamilton, ne permet pas de se prononcer avec certitude. On ne pourra, par conséquent, trop fonder sur elle.
98 Si on tient aux chiffres bruts de Hamilton qui méritent, sans doute, d’ailleurs, quelques retouches (cf. ci-dessous p. 909-919) ; ces retouches sont insuffisantes, suivant toute vraisemblance, pour affecter sensiblement le raisonnement édifié sur ces données non pondérées. L’évolution va grossièrement dans le sens d’une fraude croissante. Il faudrait faire entrer en ligne de compte, dans l’autre sens, la chute du pouvoir d’achat de l’argent qui se poursuit encore, au rythme de la révolution des prix.
99 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p, 35.
100 Dans le calcul officiel, bien sûr, et les réserves présentées dans la n. 1. p. 590, sont, a fortiori, valables, plus encore, quand les trésors privés sont seuls en cause..., puisque la fraude n’a joué que sur eux seuls et que les trésors d’État sont à prendre au pied de la lettre, mais le raisonnement demeure valable sur les chiffres bruts, quelle que soit la pondération proposée.
101 Compte non tenu, par contre, dans l’autre sens, de la révolution des prix qui se poursuit (cf. t. VI2, tables 163-164, p. 362-363, col. II et III).
102 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43.
103 Suivant une relation qu’E. J. Hamilton s’est attaché à établir, tout au cours d’un siècle et demi d’histoire, avec beaucoup de raisons excellentes, tout au plus, une insistance excessive, une fidélité, que certains jugeront trop grande, aux théories trop étroitement quantitatives de la monnaie.
104 Ibid., p. 107-108.
105 Dans l’ensemble, les déclenchements des années 60 et des années 1596-1600 se caractérisent sur le mouvement des indices andalous, non pas par un progrès plus considérable, mais par le fait que la montée y est plus rapide et comme plus accidentelle.
106 Cf. ci-dessus p. 570-575.
107 Cf. t. VI1, tables 18 à 128, p. 178 à 316.
108 Sans parier des difficultés techniques qui font frein et, notamment, le problème du bois d’œuvre.
On peut s’expliquer, ainsi, la gravité de la crise qui frappe un peu partout en Europe, entre 1590 et 1610, la construction navale, à la seule exception, peut-être, de la Hollande, secteur miraculeusement protégé, grâce à l’acheminement commode des bois de Norvège.
Cette crise, M. M. Malovist (L’approvisionnement des ports de la Baltique en produits forestiers pour les constructions navales aux XVe et XVIe siècles. Colloque d’histoire maritime du 30 mai 1958, à paraître au S.E.V.P.E.N. dans la Bibliothèque générale de l’École pratique des Hautes Études) la montre dans la Pologne de la charnière des XVIe et XVIIe siècles. Nous le retrouvons, grâce à Hamilton et grâce à la correspondance de la Casa de la Contratación, dans les chantiers espagnols (Espagne du Nord surtout), où on peut affirmer qu’elle est due à une croissance sélective des prix du matériel de la construction navale, croissance plus rapide que celle des indices généraux. Il faut lier cette difficulté à la croissance du tonnage unitaire qui appelle un bois de qualité plus haute. Là où un chêne de trente à quarante ans pouvait faire affaire, un chêne de quatre-vingts ans suffit à peine. Cet appel à un matériel de qualité ajoute ses effets au phénomène beaucoup plus long de la déforestation que bien d’autres facteurs commandent. La difficulté à se procurer du bois de grande taille a pu faire frein, avec beaucoup d’autres facteurs, à la tendance normale de l’Atlantique hispano-américain à la croissance du tonnage unitaire.
109 Cf. t. VI1, table 18, p. 178.
110 Cf. t. VI1, table 19, p. 178.
111 40 voyages ou 39 voyages (t. VI1, tables 18 et 19, p. 178) de San Lúcar à la Vera Cruz, 6 voyages de 1561 à 1570, 6 de 1571 à 1580, 8 de 1581 à 1590, etc.
112 Sur les séries beaucoup moins étoffées, par contre, de la Terre Ferme (De San Lúcar à Nombre de Dios-Puerto Belo, t. VI, table 20, p. 182. De Cádiz à Nombre de Dios-Puerto Belo, table 21, p. 182), la réduction des temps s’opère, normalement, de 1555-1570 à 1571-1580, on notera, toutefois, une anomalie de 1581 à 1590, mais sur une série tellement mince (2 convois, ibid., table 20, p. 182, 3 convois, ibid., table 21, p. 188), qu’on ne peut en tirer argument pour infirmer le raisonnement. Sur des séries aussi courtes, la part de l’accidentel — un accidentel de guerre surtout — peut être énorme.
113 Cf. t. VI1, tables 87 à 128, p. 256 à 316.
114 Cf. t. VI1, table 87, p. 256.
115 132,3 jours pour la période 1581-1590, entre 135 jours (1571-1580) et 208,5 jours (1591-1595).
116 Cf. t. VI1, table 127, p. 316.
117 Cf. t. VI1, table 128, p. 316.
118 On songe, dans nos économies modernes, au rythme de rotation des wagons, que les statisticiens utilisent, à juste titre, comme un excellent baromètre à conjoncture.
119 Cf. t. VI1, tables 14 et 15, p. 170-172.
120 Cf. t. VI1, table 17, p. 176.
121 C’est-à-dire, avec certitude, de 1576 à 1650.
122 Cf. t. I, p. 85 et suiv.
123 Cf. t. I, p. 111-114.
124 Cf. t. I, p. 144.
125 Cf. annexe, p. 607-608, 60,1 % au lieu de 59,4 %, pour les Allers, 52,8 %, au lieu de49,2 %, pour les Retours, 56,45 % au lieu de 53,6 %, pour les Allers et retours.
126 L’évolution dans le temps, au cours de la fluctuation 1579-1592, est un peu différente de celle qu’on a notée pour le degré de précision de la connaissance des volumes. Certes, il y a progrès, mais le progrès ici, est pratiquement linéaire : 64 connus sur 542 de 1579 à 1583, 70 sur 652 de 1584 à 1587, 160 sur 846 de 1588-1592, avec un léger fléchissement, toutefois, à la hauteur de 1584-1587. A peine supérieure à 10 % au début, la proportion des connus atteint presque 20 % dans la dernière fluctuation primaire. — Cf. t. VI1, table I, p. 114, tables 5, 6, 7, p. 126-134, et tables 12 A et 12 C, p. 159 et 162.
127 Proportion qui était singulièrement constante depuis 1551, 7,07 % de 1551 à 1571 (7,2 de 1551 à 1554 ; 5,88 % de 1555 à 1559 ; 4,7 % de 1560 à 1563 ; 8,90 % de 1564 à 1571) ; 9,3 % de 1572 à 1578.
128 Il est bon, toutefois, de ne pas se dissimuler l’ambiguïté de ces raisonnements. Cette ambiguïté procède des critères de partage entre la catégorie des navires retenus comme de nature connue et les autres. En effet, 294 ne correspond pas exactement au nombre de navires pour lesquels on a eu des renseignements précis sur la nature et l’origine. Ce nombre est supérieur, sans toutefois, il s’en faut de beaucoup, englober l’ensemble. Seuls, sont entrés dans la catégorie des navires ultérieurement analysés, les navires pour lesquels on avait des renseignements et des renseignements qui permettaient de les exclure de la normalité entendez, la catégorie des nao, navio, naves biscayennes (biscaynité spécifiée ou présumée). Nous sommes en présence, donc, d’un double empêchement et d’une double limite, empêchement et limite dus au hasard capricieux de la conservation ou non-conservation des documents et à l’imprécision du langage de nos témoins. Cette ambiguïté ne suffit pas, toutefois, à condamner notre effort, il ne permet pas, pourtant, de dépasser le stade des sondages concluants et des fortes présomptions.
129 Ces données se répartissent, ainsi, entre les trois fluctuations primaires : 1579-1583,1584-1587 et 1588-1592.
De 1579 à 1583, 64 connus sur 542 voyages, 3 dans la catégorie des barques, 17 caravelles, 9 galères, 1 galion ; 34 étrangers, dont 1 français.
De 1584 à 1587, 70 connus sur 652, 5 barques, 14 caravelles, 7 galères, 26 galions et une hourque. Sur 12 étrangers, 1 fiançais, 3 méditerranéens, 2 britanniques.
De 1588 à 1592,160 connus sur 846, 44 barques, 32 caravelles, 9 galères, 15 galions, 22 felibotes, 6 hourques et sur 32 étrangers, 11 portugais, 5 andalous, 2 méditerranéens, 7 fiançais et 9 britanniques.
130 En plaçant dans la catégorie des petits navires ceux qui sont nécessairement en dessous de la moyenne, les barques, caravelles et galères. Dans la seconde catégorie des gros, hourques et galions, sans hésitation... et à la rigueur, les felibotes.
131 Il est plus juste de ne pas les incorporer. Ce ne sont, certes pas de petits navires, mais leur tonnage, égal ou légèrement supérieur à 200 toneladas, se tient même un peu en dessous du tonnage moyen, tel que cela appert de la comparaison entre les tables du t. III et la table 13 du t. VI1 (p. 168).
132 Avec 16 gros navires connus contre 21 petits.
133 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.
134 Tellement importante qu’en toneladas, le niveau de 1576-1580 n’est pas égalé et dépassé avant 1626-1630 et, en unités pondérées, avant 1601-1605 (cf. t. VI1, table 13, p. 168).
135 Cf. ci-dessus p. 493-564.
136 Petit matériel qui, au vrai, n’a jamais été absent, à aucune époque.
137 Cf. t. VI1, table 12C, p. 162.
138 La proportion (en l’occurrence, ici, le rapport de 3 %) calculée sur le total des navires pour lesquels on possède un renseignement précis, n’est pas exactement extrapolable à l’ensemble, puisqu’il y a danger de distorsion systématique et que ces navires pour lesquels on n’a rien sont plus volontiers présumables espagnols.
139 Cf. t. VI1, tables 18 à 128, p. 178 à 316.
140 Cf. t. VI2, tables 669 et suiv., p. 980 et suiv.
141 Certes, la série des indices andalous de E. J. Hamilton (1501-1650, op. cit., p. 198-200) n’est pas encore complète : sur quatorze ans, cinq manquent, mais les trois autres séries géographiques sont complètes.
Si on se reporte, d’autre part (Ibid., p. 337 et suiv.), aux séries de marchandises sur lesquelles ces indices sont calculés, on notera une densité beaucoup plus grande qu’auparavant. Pour les indices andalous, par exemple, 50 marchandises en 1580,51 en 1582,55 en 1584, 55 en 1585, 51 en 1587 et en 1588, 55 en 1589 et 56 en 1591 et 1592... Avec, fait nouveau et essentiel, des séries, blé, vin, huile d’olive, à peu près complètes, soit respectivement pour chacune de ces séries clefs, jadis si déficientes, une présence huit ans sur neuf.
Il y a progrès, également, pour les autres séries, tout au plus est-il moins sensible, parce que ces séries, la série de Nouvelle-Castille, surtout, qui supplée commodément en cas de carence, à celle d’Andalousie, partent d’un niveau très supérieur dans les périodes précédentes.
De ce fait, les parallélismes qu’on sera susceptible d’établir entre les volumes, les valeurs et les prix, seront plus solides et plus poussés.
142 T. VI 2, tables 601 à 668, p. 861 à 874.
143 Cf. notamment t. VI1, tables 218 et 226, p. 466 et 471.
144 Les prises sur les valeurs mises en cause dans l’Atlantique sont médiocres. On verra ultérieurement quelle utilisation on peut en attendre dans l’étude détaillée des mouvements au niveau d’une micro-conjoncture grossière comme nos moyens (cf. ci-dessous, p. 609-840).
145 Cf. t. VI1, plus particulièrement, tables 226, 228, 229, p. 471 et 474.
146 Cf. t. III, notes aux tableaux, p. 266 à 503.
147 Cf. t. VI1, tables 229, p. 474.
148 Cf. ci-dessus, p. 493-564.
149 C’est le cas, en gros, nous l’avons vu, de la fluctuation 1571-1578.
150 Cf. ci-dessus, p. 177-180.
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