Chapitre IV. Essoufflement et adaptation (1571-1578). Caractères généraux
p. 493-526
Texte intégral
1Les problèmes, qui se sont posés dans les dernières années du cycle précédent, sont ceux-là mêmes qui vont donner le ton au mouvement et à la vie de la Carrera, au cours de cette nouvelle fluctuation de sept ans qui part du creux de 1571 et va jusqu’au creux de 1578... En fait, entre l’accident de 1568 et la reprise des années 1580, sur dix ans, la vague de prospérité de la Carrera est coupée par une décade de difficultés et d’adaptation. C’est pourquoi le cycle 1571-1578 présente plus les caractères d’un cycle de contraction que d’expansion. Le modelé, par contre, n’en est pas moins aussi net que vigoureux.
I. — LIMITES. RÉALITÉ. TRACÉ GÉNÉRAL
2On commencera par fixer les limites d’un cycle dont ni les bornes, ni la réalité ne posent de difficultés.
CREUX MAJEURS. PENTES. MOUVEMENTS
3La réalité d’une seule et même fluctuation cyclique, couvrant, dans sa totalité, les douze ans de 1559 à 1571, a, pour être admise, demandé une large part d’interprétation. D’aucuns, peut-être, l’ont estimée excessive. Il n’en ira, certainement pas de même, pour la fluctuation qui se délimite très bien entre le creux de 1571 et le creux de 1578.
4Elle apparaîtra sur nos expressions graphiques1 comme une seule fluctuation, d’une même venue. Son amplitude limitée contraste avec le prodigieux dynamisme de 1544-1554 ou de 1578-1592. Mais le dessin n’en est pas moins sûr.
5A condition de se souvenir, toutefois, des à-coups qui subsistent dans la marche du mouvement avec la Terre Ferme de l’arbitraire du découpage annuel..., on ne risquera pas de se laisser prendre aux apparences d’un mouvement qui pourrait sembler n’obéir qu’à un rythme biennal, voire, au maximum, triennal.
1. Vue générale
6En Allers, si on suivait fidèlement les apparences du découpage annuel, on serait amené à distinguer : une première fluctuation primaire pour les aimées 1571, 1572, 1573, une seconde pour 1573, 1574, 1575, une dernière, enfin, qui partirait du creux de 1575, culminerait en 1576 et descendrait sur deux ans jusqu’en 1578. En Retours, on aurait une première fluctuation ascendante depuis 1569, culminante en 1573, un an plus tard que les Allers — ce qui est normal — se creusant en 1574, puis une seconde fluctuation, avec reprise sur trois ans (1574-1577) et descente courte et brutale de 1577 à 1578. Les Allers et retours, avec une amplitude atténuée, laissent subsister les trois fluctuations primaires observées en Allers, exactement dans les mêmes cadres chronologiques.
7En fait — une analyse plus serrée le fera apparaître — on peut dénier à 1573 sa valeur de creux, même sous l’angle d’une fluctuation conjoncturelle courte. On est, tout au plus, en présence d’une série d’accidents extérieurs à la dynamique économique interne du mouvement. Cette situation invitera donc à distinguer deux fluctuations primaires seulement sur lesquelles toute la fluctuation est virtuellement construite.
2. Chiffres vrais et pourcentages à la moyenne
8La mise en relation des chiffres vrais et des pourcentages d’écart à la moyenne permettra de trouver les véritables articulations conjoncturelles majeures.
91571 et 1578 sont, faits très importants, les seules années dont le pourcentage d’écart soit négatif pour les. Allers, Retours et Allers et retours : 64,046 %, 97,27 % 82,39 % en 1571 ; 71,312 % 81,31 % et 78,03 % en 1578. Cette indication est corroborée par deux autres, au moins. D’une part, 1571 et 1578 constituent sur les globaux (Allers et retours) des points bas, tant en valeurs absolues que relatives. 1571, 143 navires, certes, dont 70 canariens au départ, 23 557 toneladas (88,26 % par rapport à la moyenne), 1578, 95 navires et 24 375 toneladas (78,03 % du trend calculé par moyenne médiane de treize ans2). Or, ni 1573, ni même l’importante articulation secondaire de 1575, n’occupent, ni absolument, ni relativement, une position analogue, 28 563 toneladas pour 1573, 26 236 toneladas pour 1575, soit 98,75 % et 88,26 %.
10D’autre part, les positions respectives de 1571 et 1578 par rapport à l’ensemble des séries, sont beaucoup plus significatives. Le mouvement de 1571 se trouve situé, on l’a vu3 à l’extrémité inclinée d’un plateau descendant de quatre ans, depuis 1568. Beaucoup plus évidente, encore, la position de 1578. Sur la série particulièrement caractéristique des Allers et retours, six ans d’affilée sont en dessous de la moyenne mobile, ce n’est pas avant 1584, en effet, que les chiffres vrais passent à nouveau au-dessus de la moyenne, après une série caractéristique formée des pourcentages suivants : 78,03 %, 91,03 %, 89,62 %, 92,03 %, 91,14 %, et 88,53 %. Les séries en creux interrompues sont un peu moins longues, de cinq ans encore, sur les Allers et sur les Retours.
11On ajoutera, pour finir, que la puissance des creux de 1571 et 15784 est beaucoup plus incontestable, encore, si on la mesure sur le seul mouvement clef des navires marchands : 20 navires, 5 340 toneladas en 1571, 20 navires encore, 6 785 toneladas en 1578. Il n’existe plus rien d’approché, même d’assez loin, entre ces deux limites, ni les 29 navires et 8 650 toneladas de 1573, ni même les 28 navires et 8 540 toneladas de l’articulation médiane de 1575. Il en va ainsi, puisque, fait symptomatique, les deux creux encadrants sont curieusement marqués par des poussées canariennes compensatoires qui sont, signes elles-mêmes, en ces années de tension sévillano-canariennes, d’insuffisance caractéristique au sein du Monopole du groupe dominant de Séville.
12L’encadrement de la période par deux creux majeurs, l’existence, entre les deux, d’un plancher élevé entre 1572 et 1574 (en Allers : pourcentages de 160,26 %, 69,5124 %, 133,61 % (la position de 1573,est en partie accidentelle), en Retours : pourcentages de 98,34 %, 129,10 %, 89,44 %, en Allers et retours : pourcentages de 139,58 %, 98,75 %, 116,06 % donne donc une bonne présomption de fluctuation.
3. Moyennes mobiles
13Les moyennes mobiles, en supprimant bonne part d’un accidentel assez lourd en une période de rodage encore médiocre du système des convois et d’une incidence militaire contraignante, en raison des raids anglais, constituent, pour le cycle, l’épreuve de la vérité. De cette épreuve la fluctuation cyclique sort facilement victorieuse. On a, bien sûr, que l’embarras du choix. Même une moyenne médiane de onze ans sur unités non pondérées donne, situation presque paradoxale, des résultats satisfaisants5
14Mais les moyennes de cinq ans6, par rapport aux treize ans, seront, évidemment, les plus efficaces.
15a. Allers. — En Allers, la moyenne de cinq ans reflue depuis 1568 (1567 : 12 820,4 tonneaux ; 1568 :12 804,64 tonneaux ; 1569 : 12 747,64 tonneaux), en 1570 et en 1571, même, la moyenne courte de cinq ans passe au-dessous de la moyenne longue contracyclique de treize ans. Signe irréfutable, donc du creux conjoncturel. 1572, 1573, 1574 forment, sur cette série, la zone d’expansion maximale, le sommet en plateau du cycle. Au-delà, un creux énorme que toute la suite de l’analyse confirmera. De 1575 à 1583, la moyenne de cinq ans reste en dessous de la moyenne de treize ans. Le cycle sort de ce procédé aussi parfaitement dessiné que possible, et sa localisation ne contredit pas l’évidence qui découle de l’observation des séries de chiffres vrais.
16b. Retours. — Pour les Retours7, le mouvement est légèrement décalé, d’un à deux ans, comme il fallait s’y attendre. Un contre-courant s’établit sur les cinq ans entre 1568 et 1569. 1569, 1570, 1571, 1572 forment un creux plus large qu’il ne le faisait en Allers, en dessous des treize ans. La zone d’expansion s’étale beaucoup plus également — et c’est normal, aussi, en raison de l’inégale ventilation des Retours au cours de la fluctuation — jusqu’à 1577. L’expansion, par ce procédé, donne l’impression, en retour, de durer cinq ans. De 1578 à 1583, pendant six années consécutives, les cinq ans sont, à nouveau, en dessous des treize ans. Six ans d’expansion entre un creux de quatre ans et un creux de six ans — on ne peut rêver meilleur dessin d’une fluctuation qui s’affirme plus par la continuité que par la vigueur.
17c. Allers et retours. — Pour les Allers et retours8, on retrouve une situation aussi clairement établie. Le reflux du mouvement sur les moyennes médianes de cinq ans est rapidement, mais vigoureusement indiqué, entre 1568 et 1569 (de 23 987,84 à 21 869,33 tonneaux). C’est également entre 1568 et 1569 que la moyenne de cinq ans passe en dessous de celle de treize ans. Elle n’y restera qu’un an, toutefois, et va dessiner au-dessus des treize ans un arc d’un dessin très ferme : montée de 1569 à 1572, palier en 1573, sommet normal en 1574. Reflux régulier jusqu’en 1577 creux normal anticipé d’un an sur les chiffres vrais.
18De 1570 à 1575, pendant six années consécutives, la moyenne de cinq ans s’est tenue au-dessus de la moyenne de treize ans. De 1576 à 1583, sur sept ans, ensuite, le creux est bien marqué par une moyenne de cinq ans qui reste sans interruption en dessous de la moyenne de treize ans. Là encore, le cycle est bien dessiné, avec une pointe en 1574, année de l’écart maximal entre les deux moyennes (26 758,92 tonneaux pour la moyenne courte et 24 910,23 tonneaux pour la moyenne longue). L’écart de 7,5 % est beaucoup plus faible que les 17 à 18 % d’écart, qui caractérisaient la position de 1551 et les 20 % d’écart — pratiquement — de 1586. De toutes ces mesures, que l’on pourrait aisément multiplier, la réalité d’un cycle bien dessiné, mais d’amplitude restreinte, s’impose dans les limites qu’on lui a assignées : 1571 et 1578, avec un maximum vraisemblable en 1574, voire même un peu avant.
19Or, la position du maximum cyclique, très tôt, à l’intérieur de la fluctuation, est un indice. On peut hésiter entre 1572 et 1574 : 1574, si on suit le conseil des moyennes mobiles, 1572, même si on s’en tient à la leçon un peu étroite des chiffres vrais. Les écarts à la moyenne de 1572, 160,26 % en Allers, 139,58 % en Allers et retours, ne sont-ils pas les plus importants de toute la fluctuation, parmi les plus forts de tout un siècle ? Cet indice crée une forte présomption de perturbation conjoncturelle plus importante. Il témoigne d’une dissymétrie du cycle à rebours de la dissymétrie courante en temps d’expansion tendancielle. Au cours du cycle 1571-1578, comme en période tendancielle de contraction, la pente longue de la fluctuation est la pente descendante. Il n’est, certes, pas possible de parler de contraction, mais on est, sans conteste possible, en présence d’un palier bien accentué.
UN CYCLE DE PALIER
20Palier, sinon rebroussement, tel est bien le signe sous lequel se place l’ensemble de la période.
1. Le Palier des prix andalous
21C’est bien devant un palier très sensible, que l’on se trouve au cours des années 1571-1578. Et tout d’abord, d’un palier moteur, sans doute, des prix andalous.
22a. Palier moteur. — Le sommet du mouvement Allers et partant, Allers et retours, est situé, on l’a vu, entre 1572 et 1574. Au-delà, on se trouve placé en présence d’une phase lourdement descendante. Les prix andalous passent par un maximum en 1571 (indice 103,41), moins élevé que la pointe folle de 1562, certes, mais plus significative parce que mieux étayée. La pointe solide, à la base largement étalée, donc puissante, tonique et motrice, des prix andalous culmine en 1571. On peut lui attribuer l’impetus qui met en branle une fluctuation cyclique des mouvements volumétriques dans l’Atlantique, dont le plateau se tient entre 1572 et 1574, avec la crête absolue en 1572, soit un an, à peine, après la crête des prix9. Au-delà, les prix cessent de soutenir le trafic Atlantique. Or, si la déroute n’est pas plus rapide et plus profonde, au-delà de 1572, cela tient, peut-être, hypothèse fragile, nous le confessons, au retard des prix de la Nouvelle Castille par rapport aux prix andalous. On a vu, à plusieurs reprises, qu’à défaut des prix andalous, leur action bien estompée n’était pas niable sur le mouvement10. En très lointaine position, les séries vieille-castillane/léonaise et Valencienne11, dont le retard est plus sensible encore, auront pu, peut-être, par leur action diffuse, empêcher un effondrement trop rapide des trafics que l’on aurait pu attendre par seule référence aux séries des prix andalous.
23Au-delà, c’est la débandade, les prix andalous semblent12 passer par un creux étonnamment déprimé qui précède de deux ans, très normalement, en 1576, celui des trafics en 1578. Avec la série Nouvelle-Castille, l’anticipation du creux-prix sur le creux-trafic est pratiquement complètement débordé : 1577 : 96,62 et 1578, 96, 79. Avec les séries annexes de Vieille-Castille-Léon et Valence, le creux en 1577 anticipe d’un an, celui des mouvements, 1578. Au-delà du creux, la remontée des indices, en Andalousie, surtout dans la mesure où on peut trancher, la remontée est très lente. Le point haut de 1571 ne sera pas égalé, ici, avant 1581, dix ans plus tard, et pendant les sept ans presque correspondants à notre cycle des échanges dans l’Atlantique, les prix andalous se sont trouvés à 10 % en contrebas de la pointe motrice de 1571.
24Les indices composés13 vont récapituler tout cela et plus encore, les pourcentages des indices bruts à la tendance dégagée par moyennes mobiles médianes de treize ans. Mais on comprendra, grâce à cela, que les mouvements dans l’Atlantique, non guidés par des prix toniques, se soient rapidement dégradés, au fur et à mesure qu’on s’est éloigné dans le temps de l’impetus reçu au début de la fluctuation en 1571. Le schéma cadre, d’une manière absolument parfaite, à l’échelle du cycle long de conjoncture des mouvements, avec les indices composés des prix et leurs écarts à la moyenne14. Les indices moyens des prix se redressent par rapport à la moyenne depuis 1570. De 1569 à 1570, on passe, en effet, de 95,756 % à 99,1546 %. De 1571 à 1575, pendant cinq ans, les indices vrais sont en dessus du trend (la position des dernières années est due uniquement, d’où leur moindre valeur pour la conjoncture Atlantique, aux séries secondaires non andalouses, aux séries nouvelles-castillanes mais surtout aux séries tout à fait aberrantes de Vieille-Castille-Léon et Valence) : 102,6091 %, 101,948 %, 102,3345 %, 100,5832 % et 105,171 %. Vient ensuite une énorme, brutale et incontestable cuvette, avec 95,7743 %, 93,0693 et 95,9309 %, de 1576 à 1578, un accident positif (104,57 %) violent mais sans lendemain, avec 1579..., la véritable expansion des prix ne recommencera qu’en 1582, ouvrant la voie, alors, sur les prix et sur les trafics, à une nouvelle ère de prospérité et d’expansion, véritablement sans précédent.
25On voit donc à quel point, tant sur les séries andalouses, au tout premier chef, nouvelle-castillane, voire même vieille castillane-valencienne et globale, le même rythme se retrouve, sans peine, sur les prix et les diverses expressions du trafic : l’expansion, d’abord, la contraction ensuite. Une expansion hésitante, de plus en plus compromise au fur et à mesure que l’impetus initial s’estompe, elle fait place à une contraction anormalement importante, signe de difficile adaptation.
26b. Palier absolu. — C’est donc bien, pratiquement, par un palier qu’il faut définir la période. Palier sur les prix, d’abord, on l’a vu. On peut même parler, à cette époque, de palier absolu.
27Sur la série des indices composés, par exemple : 1571 au sommet de la vague qui donne l’impetus, est à l’indice 97,53, 1577 à 94,00, 1578, à mi-pente, déjà, de la reprise à 97,84. La fluctuation tout entière ne se solde donc sur la série des prix par aucun gain valable. Il y a plateau et un plateau à peu près parfaitement horizontal.
28On pourra, sans doute, contester la validité d’une méthode qui conduit à comparer des points qui ne sont pas exactement dans la même position cyclique. Toutefois, 1571-1572 (indices des prix-argent globaux 97,53, 97,32) et 1577-1578 (indices 94,00, 97,84) constituent bien l’encadrement chronologique d’un cycle absolument incontestable des trafics. Quant aux indices globaux des prix-argent, ils représentent une moyenne de quatre séries géographiques différentes, cela leur donne, de toute manière, une grande valeur d’exemple. Il suffit, d’autre part, de comparer les niveaux atteints par les prix entre le commencement et la fin de la fluctuation qui précède, le cycle de la reprise qui va, on s’en souvient, de 1559 à 1571, et le cycle suivant 1578-1592.
29Puisqu’il s’agit là de réalités économiques du mouvement... et que notre analyse ne prétend pas à autre chose qu’à l’explication de cette réalité..., ces comparaisons ont nécessairement une certaine valeur dans l’hypothèse raisonnable qui nous guette d’une large covariation prix-trafics. Entre le début et la fin du cycle court, il est vrai, de sept ans seulement de 1571 à 1578, les prix (indices généraux composés) reculent de 2 % environ, voire, hypothèse la plus favorable, constituent un plateau absolument horizontal.
30Entre 1559-1560 (indices 77,86 et 79,09) et 1570-1571 (indices 93,84, 97,53), 1572 (97,32), la dénivellation sur douze ans est de 18 points environ. Entre 1577, 1578, 1579 (indices 94,00, 97,84, 107,77) et 1591, 1592, 1593 (indices 112, 73, 117, 12, 113, 43) la différence sur quatorze ans est de 15 points environ, au cours du cycle charnière de 1544 à 1554, on opposera aux indices 61,15, 60,09 et 59,49 de 1543, 1544, 1545, les indices 70,24, 71,77, 71,02 de 1553, 1554 et 1555, la dénivellation est donc de l’ordre de 11 points. Sur le cycle de la reprise, l’expansion des prix avait été de l’ordre de 23 % entre le début et la fin de la fluctuation, en douze ans, sur le cycle 1578-1592, de 15 % en quatorze ans, dans le grand cycle charnière de 1544-1554 de 18 % à dix ans.
31Après élimination du facteur durée, on obtient, pour le cycle 1559-1571, une augmentation annuelle des indices composés de 2 %, de 1,1 % pour 1578-1592, de 1,8 % de 1544 à 1554, de 1571 à 1578, par contre, pente nulle, voire même descendante, de l’ordre de 0,15 %. Les trois cycles, qui nous servent ici de termes de comparaison, sont, pour les volumes, des cycles de prodigieuse expansion15 ; de 1571 à 1578, par contre, il n’en est rien, il sera facile de le prouver. Les termes de référence ayant été, dans les quatre cas, choisis de la même manière, on comprend la pleine valeur d’exemple de ces données. Le palier des prix sur les indices composés n’est pas illusoire, pas plus que la présomption d’une covariation positive existant entre la progression générale des prix et celle des volumes.
32D’autant plus que cette situation est beaucoup plus sensible encore sur la série motrice des prix andalous, puisqu’entre le début et la fin du cycle des mouvements16, il y a eu franchement contrepente. De l’ampleur de cet arrêt, auquel on ne peut guère ne pas être sensible, on a comme la preuve, dans cette constatation. La cote atteinte par les prix andalous, lors de la crise cyclique de 1562 (indice 104,42), n’est égalée que dix-neuf ans plus tard en 1581. Entre la pointe cyclique des prix andalous de 1562 et la pointe cyclique de 1584, vingt-deux ans plus tard, la pente n’a été que de 7,8 %, soit une progression annuelle insignifiante de l’ordre de 0,3 % l’an. Entre la pointe cyclique de 1562 et celle de 1592, la pente n’est encore, sur trente ans, que de 10 %, soit 0,3 % de pente annuelle.
33Ce grand ralentissement de l’accélération des prix correspond, sur la marche des volumes, au plateau bas 1568-1571 du cycle de la reprise 1559-1571, à tout le cycle de ce ralentissement et des difficiles adaptations de 1571 à 1578 et à la première fluctuation primaire déprimée 1578-1584, de l’énorme fluctuation de l’Invincible Armada qui va de 1578 à 1592.
2. Le Palier des volumes
34Le palier des volumes qui affecte les grands axes de l’Atlantique n’est pas difficile à démontrer. On le retrouve, en effet, sur toutes les expressions possibles du mouvement.
35a. Chiffres vrais : nombre de navires et tonnage. — Le nombre des navires engagés dans le mouvement, au moment où on est, en fait, en présence — on le verra — d’une grande mutation du tonnage, est, à lui seul, insuffisant. Il donne, néanmoins, à plus d’un égard, des indications utiles. La moyenne annuelle des navires qui vont et viennent, au cours des sept années de la fluctuation cyclique, est en retrait, très sensiblement, par rapport aux cycles précédents et aux cycles postérieurs.
36La moyenne annuelle des navires allant du complexe andalou-canarien en Amérique de 1572 à 1578 s’établit à 62 1/2 unités, elle est, aux Retours, de 57 unités. Elle s’articule, ainsi, 70 1/4 en Allers de 1572 à 1575 et 52 1/3 de 1576 à 1578 et en Retours, 60 1/4 et 52 2/3. En global, 119 1/2 de 1572 à 1578, 135 et 105 de 1572 à 1575 et de 1576 à 1578.
37Ces chiffres sont, naturellement, très inférieurs aux niveaux du cycle précédent. En Allers, 75 1/2 unités de 1560 à 1563, 81 de 1564 à 1571, 71, encore, de 1551 à 1554 ; en Retours, il y a égalité, 56 de 1560 à 1563, 54 de 1564 à 1571, 57 1/2 de 1551 à 1554. En Allers et retours, à nouveau, une large infériorité : 1311/2 et 134 1/2 de 1560 à 1563 et de 1564 à 1571, 128 1/2 encore de 1551 à 1554. Cette infériorité est plus grande encore, si on établit la comparaison avec les niveaux du cycle suivant, c’est-à-dire 82 3/4 unités en Allers, 63, en Retours et 145 3/4 en Allers et retours, de 1579 à 1592. Pour trouver, numériquement, un niveau comparable, il faut se placer délibérément de 1555 à 1559 (58,2, 52,8 et 111 navires), lors du cycle déprimé de la grande récession. Les niveaux numériques moyens du cycle 1572-1578 sont donc, en gros, inférieurs de 12 et 21 % par rapport aux niveaux numériques des cycles exactement antérieur et postérieur.
38Le ralentissement de la montée des volumes transportés est beaucoup moins sensible, compte tenu du tonnage des navires. Du fait du prodigieux recul des Canariens, des sueltos, d’une mutation extraordinaire du tonnage unitaire des navires, il y a progrès, quand même, selon toute apparence, des volumes globaux transportés. Le tonnage annuel des Allers, sur sept ans, est de 17 040,4 toneladas de 1572 à 1578, contre 14 105 1/3 de 1560 à 1571, et 18 617 1/2 toneladas de 1579 à 1592 ; en Retours, 14 544 1-2 contre 11 014 1/3 toneladas de 1560 à 1571 et 14 980 toneladas de 1579 à 1592 ; en Allers et retours, 31 585,1 contre 26 119 2/3 et 34 597 1/2 toneladas.
39Il est vrai que le choix d’un autre terme de référence, celui, par exemple, de 1564-1571,15 213 toneladas, moyenne annuelle des Allers, 11441,5, moyenne des Retours et 26 654,5 toneladas, moyenne des Allers et retours, réduirait considérablement, rendrait beaucoup plus incertain le progrès du mouvement dans la décade des années 70 par rapport aux années de la décade exactement précédente. Le niveau du cycle est, à très peu de choses près, celui déjà atteint, lors des trois années hautes du cycle précédent de 1565 à 1567. Le progrès, car il y a, quand même, progrès, est obtenu moins par la surélévation des pointes que par celle des creux, par un gonflement du mouvement Retours, aussi, qui arrive pratiquement et paradoxalement à égaler le mouvement Allers.
40b. Moyennes mobiles. — Mais, en réalité, ce procédé trop élémentaire ne peut permettre à lui seul d’apprécier à sa vraie valeur, le ralentissement de la montée du mouvement. C’est alors que le procédé des moyennes mobiles peut rendre d’appréciables services. Les moyennes de treize ans ou de onze ans sont un peu longues, pour être sensibles à un ralentissement, qui ne déborde pas sensiblement le cadre d’une fluctuation de sept ans17.
41Beaucoup plus valable, en l’occurrence, la moyenne de cinq ans qui respecte en l’épurant la fluctuation conjoncturelle majeure. La pente véritable des différents mouvements pourra être calculée par des comparaisons entre les points et les creux cycliques des mouvements pris sur la moyenne mobile médiane de cinq ans.
42Les comparaisons établies sur les moyennes de cinq ans ont l’avantage de permettre d’apprécier, d’une manière extrêmement précise, les variations de la pente des mouvements d’un espace cyclique à l’autre18.
43c. Conclusions. — A condition de multiplier les preuves, comme on a tenté de le faire dans l’annexe I (p. 523-525), plusieurs conclusions se dégagent de ces calculs :
441o Comparé à la pente du premier cycle de la deuxième phase d’expansion (1559-1571), le rythme ascensionnel se ralentit très considérablement au cours du second cycle (1572-1578). Ce jugement était impliqué, déjà, dans tout ce qui précède. On peut, désormais, le préciser, d’une manière chiffrée. Les trois méthodes permettent d’opposer, pour le mouvement global Allers et retours, toutes choses étant égales, des pentes annuelles moyennes de 5,9 %, 5,59 % et 8,945 % au cours de la première fluctuation 1559-1571 et de 0,357 %, 1,618 % et 1,657 %, au cours de la seconde fluctuation 1571-1578. La pente nous apparaîtra en gros, réduite des 4/5.
452o La pente calculée par les trois procédés précisés dans l’annexe I reste très inférieure à la pente des mouvements de la troisième fluctuation (1579-1592), malgré le handicap qu’une durée beaucoup plus grande constitue, sous cet angle, pour le troisième cycle. Toujours pour se limiter aux seuls Allers et retours, les trois méthodes permettent d’opposer des pentes de 0,357 %, 1,618 % et 1,657 %, d’une part à 1,14 %, 1,62 % et 3,77 %, d’autre part. La pente ascensionnelle moyenne des mouvements est donc, en gros, double de 1579 à 1592 de ce qu’elle est de 1572 à 1578, toutes corrections étant faites. On peut donc conclure que les trois cycles 1559-1571, 1571-1578, 1578-1592, ont des pentes ascensionnelles annuelles — toutes choses étant égales — qui sont respectivement dans le rapport de 5, 1 et 2. Le ralentissement, que l’on avait ressenti lors d’autres approches, est mesuré, ainsi, d’une manière indiscutable.
463o Le ralentissement du mouvement ascensionnel, lors du cycle 1571-1578, est beaucoup plus sensible, quel que soit le terme de référence choisi, 1559-1571 ou 1578-1592, sur le mouvement Allers qu’il ne l’est pour les Retours.
47L’interprétation des chiffres des Retours est difficile, étant donné la prodigieuse dépression qui marque, autour de 1590, la fin du cycle. La première méthode et la deuxième ne font plus, dans ce cas particulier, pratiquement qu’une même démarche. Et il n’y a guère, de ce fait, que la méthode des pentes calculées entre les pointes rabotées d’expansion cyclique maximale, qui soit valable. On aboutit à la conclusion, que le ralentissement de l’accélération valable pour les Allers et les globaux, ne l’est pas pour le mouvement Retours. Cet important phénomène, sur lequel on aura l’occasion de revenir, est, en soi, déjà, un signe de contraction. Puisque, en contraction, on a eu l’occasion souvent déjà de le montrer, les Indes donnent l’impression de se délester d’un volant accumulé en expansion au détriment de l’Europe.
484o Le freinage de l’expansion s’exerce plus sur les pointes d’expansion cyclique que sur les creux de contraction. Le mouvement présente, au cours de ce cycle, un caractère relativement trapu qui s’accentuera, encore, au cours de la première fluctuation primaire constitutive (1578-1583) du cycle suivant 1578-1592.
49Ainsi se présente, largement esquissé, le cycle de 1571-1578, ce cycle de palier, dirons-nous, de ralentissement, car c’est bien là son caractère original. Ce ralentissement de l’expansion, particulièrement sensible, par rapport au cycle précédent, sensible encore, par rapport au cycle suivant est beaucoup plus net en Allers qu’en Retours. Mais, par de là ce signe le plus général de (a période, des caractères profonds, des facteurs extérieurs interviennent largement. Il importe d’en faire le tour.
II. — CARACTÈRES INTERNES
50Le ralentissement de l’expansion, au cours de ce cycle 1571-1578, est dû uniquement, on l’a vu, à une baisse draconienne du nombre des navires mis en cause, à chaque voyage. Il s’effectue, malgré une révolution du tonnage dont il ne faudrait pas sous-estimer l’importance.
LE PROBLÈME DU TONNAGE
1. Gonflement du tonnage
51On assiste, en effet, entre 1571 et 1578 — les chiffres sont particulièrement éloquents — à une prodigieuse modification du tonnage unitaire des navires.
52De 1572 à 1578, les tonnages unitaires des navires, en Allers, Retours et Allers et retours, s’élèvent, respectivement, en effet, aux niveaux suivants : 272 toneladas 1/3, 255,1 et 164,14. Le progrès s’accentue, d’ailleurs, entre la première partie de la fluctuation (1572-1575) et la seconde (1576-1578), puisque le tonnage moyen passe, en Allers de 254,3 à 303,8 toneladas, en Retours, de 237 1/3 à 282,4, en Allers et retours, de 246,7 à 293 toneladas.
53Or, pour donner à ces chiffres leur entière valeur, il faut les comparer avec les chiffres des fluctuations précédentes et à ceux, aussi, des fluctuations suivantes. A partir des cycles précédents ou de leurs articulations majeures, le saut en avant est prodigieux. Il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais plus, exactement comparable. Le tonnage unitaire moyen des navires, en Allers, par exemple, évolue en toneladas (compte non tenu de la pondération19) de la manière suivante, de 155, 2 de 1552 à 1554, à 177 toneladas de 1555 à 1559, 157,5 toneladas de 1560 à 1563 et 188,1 toneladas de 1564 à 1571, puis brusquement à 272,1/3 toneladas de 1572 à 1578 (s’articulant ainsi : 254,7 de 1572 à 1575 et 303,8 de 1576 à 1578). C’est donc bien, à cette hauteur, que se situe la mutation fondamentale. Même mouvement, en gros, en Retours, avec 164,4, 160, 181,9 et 211 toneladas, en Allers et retours 159, 170,9, 167,9 et 197,9, contre respectivement 255,1 et 264,14 toneladas.
54Le tonnage unitaire moyen des Retours passe, désormais, paradoxalement au-dessus du tonnage unitaire des Allers... voilà qui peut, en partie, être imputable aux marges d’imprécision des évaluations, dues, notamment, à la présence sporadique du contingent canarien20, mais il marque aussi un décalage réel du mouvement Retours par rapport aux Allers. Ce sont des navires accumulés aux Indes pendant la phase précédente d’expansion qui reviennent, d’où, aux Retours, une plus forte proportion de petits navires par rapport aux Allers... La sélection qui se faisait en temps normal au détriment des petits navires, n’aura pu, de ce fait, s’effectuer, étant donné la proportion anormalement forte, très voisine de 50 % des Retours par rapport à l’ensemble du mouvement global, Allers et retours.
55Mais c’est surtout vis-à-vis du cycle suivant que le niveau du tonnage unitaire prend, au cours de cette fluctuation, sa vraie valeur. Il y a, en effet, rupture dans la ligne du gonflement à peu près régulier dans toute l’histoire de la Carrera du tonnage unitaire. Sinon, pour la première fois, du moins, pour la première fois, sur une telle échelle, il y a tassement, d’un cycle à l’autre, du tonnage unitaire des navires, tassement du tonnage exprimé en toneladas, mais tassement, aussi, du tonnage, toutes corrections faites, exprimé en tonneaux de jauge uniformes et pondérés.
56Cette situation apparaît dans le découpage semi-décadaire21, tout comme dans le découpage cyclique. Aux 272 1/3, 255 et 264,14 toneladas de 1572-1578, mieux, aux 303,8, 282,4 et 293 toneladas de 1576-1578, s’opposent, en effet, respectivement pour les Allers, Retours et globaux Allers et retours, les niveaux moyens du cycle 1579-1592, soit 225, 237 3/4 et 235 toneladas. Le hiatus, dans ce sens, beaucoup plus imprévu, est, aussi, beaucoup plus significatif que dans l’autre, puisque à contre-courant. Qu’une anomalie unique de cette dimension n’ait pu empêcher une récession relative de se faire sentir sur les mouvements, voilà qui milite fortement en faveur de la réalité profonde, indubitable de cette récession.
2. Facteurs
57a. Recul des navires canariens. — Cette modification s’explique, en partie, peut-être par le recul des canariens. Il est lui-même la conséquence d’une tension plus grande au sein des groupes monopoleurs où Séville l’emporte ; la conséquence, aussi, du recul continu et particulièrement rapide, alors, au cours des années hautes du cycle, des produits agricoles dont les Canaries sont un grand centre d’exportation.
58De 1572 à 1578, au cours des sept ans du second cycle, les Canaries ne totalisent plus, désormais, par rapport à l’ensemble du mouvement Allers, 83 navires et 6 640 toneladas, soit 18,9 % du nombre total des navires allant en Amérique et 5,4 % du tonnage seulement22. Ainsi, le tonnage unitaire des navires canariens ne s’élève qu’à 30 % seulement du tonnage moyen de l’ensemble, à 25,4 % des navires marchands qui sortent de Séville et de San Lúcar. Le recul des canariens aura contribué grandement à ce gonflement du tonnage unitaire, mais ce n’est qu’un facteur, entre autres, peut-être même ne vient-il pas au premier plan.
59b. Recul du trafic des îles. — La débandade des îles peut aussi expliquer cet insolite gonflement. On est, virtuellement, cette fois, au fond du repli des îles. Jamais les îles n’auront joué, les séries le prouvent23, un rôle aussi effacé. En Allers, 11,2 % du nombre total des navires, 5,2 % du tonnage, en Retours, 45 % et 24,7 %, en global, Allers et retours, 29,2 % et 14,7 %. Pour l’ensemble de la période 1551-1571, les proportions respectives étaient, par contre, de 12,67 % et 7,9 %, 51,9 % et 36,3 %, 33,5 % et 21 %. Même par rapport aux deux fluctuations primaires du cycle antérieur, le recul des îles est sensible, en Allers et retours, par exemple, 1560-1563, et 1564-1571, alignent respectivement au lieu de 29,2 % et 14,7 % ; 34,7 % et 23,8o o ; 39 % et 35,7 %.
60Plus tard, les îles se resaisissent, un matériel léger devra se reconstituer pour desservir leurs ports médiocres. Le matériel léger semble avoir, pour l’heure, pratiquement disparu. Ce cycle de 1572 à 1578 est celui, sans conteste, de la grande descente, sur la Carrera, du matériel lourd biscayen.
61c. Matériel biscayen. — On dispose, désormais, pour le mesurer, d’un matériel statistique presque suffisant24. Sur 837 navires qui vont et viennent au cours du cycle 1571-1578, 81 sont d’un type connu avec précision, soit pratiquement 10 %, un peu moins de 10 % de 1572 à 1575, 44 sur 522, un peu plus de 10 % de 1576 à 1578,37 sur 315. Les séries sont presque assez fournies, désormais, pour permettre des conclusions utiles pour l’ensemble de la période. Si l’on classe les navires de type connu en deux catégories seulement, celle des petits et celle des gros, on arrive à la répartition symptomatique suivante : 25 petits et 56 gros, sur un total de 81, soit 30,9 % pour les petits et 69,1 % pour les gros. Cette première constatation corrobore bien les conclusions précédemment dégagées des chiffres.
62Une seconde conclusion se présente comme un corollaire de la précédente : le nombre infime des navires étrangers. Sur 81 navires, 3 portugais et 78 navires qui se présentent, ici, avec certitude, du moins avec une forte présomption d’hispanité et voire même de biscaynité. Il y a donc des présomptions sérieuses pour que la proportion des navires étrangers pour l’ensemble ne s’éloigne pas sensiblement des 3,7 %, calculables sur la série des navires de type connu. Il y a de fortes présomptions pour que les navires originaires du Nord de l’Espagne représentent 90 % du total. Cette montée du tonnage unitaire est réalisée, en fait, par la descente massive en direction de Séville des lourdes naves biscayennes.
63La nave biscayenne fournit, désormais, un matériel qui répond aux besoins de la nouvelle Carrera, celle du continent, de l’insécurité due à l’Anglais et des convois.
3. Conséquences : Incidence sur la vitesse des convois
64Cette transformation comporte, la chose va sans dire, des conséquences : au premier chef, sans doute, la plus grande vitesse des convois. Elle s’est considérablement accrue, presque toutes les tables le montrent25, entre la décade 1561-1570 ou la période de quinze ans de 1555 à 1570 et la décade 1571-1580.
65Or cette modification va à l’encontre de la relation conjoncturelle, telle qu’on a pu l’établir pour la fin du xvie et la première moitié du xviie siècle..., puisque conjoncturellement, la décade des années 70 est, par rapport à la décade des années 60, une décade de contraction relative. S’il en va, paradoxalement, ainsi, entendez une accélération du rythme de rotation au lieu du ralentissement conjoncturellement attendu, c’est qu’à l’échelle très imprécise de notre mesure, la fluctuation de conjoncture est ici masquée par une modification structurelle majeure. Meilleure domination des conditions géographiques de la navigation, meilleure domination des techniques du convoi..., mais au tout premier chef, très certainement, mutation du tonnage. La vitesse limitée d’un navire est fonction, on le sait, de sa longueur..., la vitesse limite26 d’un navire risquera donc d’être grossièrement fonction de son tonnage.
66Puisque, en convois, le plus rapide s’aligne sur le plus lent..., l’élimination des plus petits, partant des plus lents, aura, sur la rapidité des convois, une action tonique certaine. La rapidité est, peut-être, d’autant plus précieuse que plus lourdes en sont les entraves qui jouent contre elle. Le légitime désir de redonner à la navigation dans l’Atlantique, une vélocité que le système des convois lui avait fait perdre a, peut-être, parmi d’autres facteurs, joué en faveur de l’adoption de plus gros navires et de l’élimination des petits navires. La plus grande rapidité des convois, conjoncturellement paradoxale de 1571 à 1580 est une conséquence, entre autres, de la domination, désormais, presque exclusive des gros navires. Le besoin de lutter contre la lenteur spécifique de la navigation en convois aura été un facteur décisif de l’élimination du matériel léger.
67Voilà qui montre, dans cette histoire complexe, l’impossibilité d’isoler le moindre élément de son contexte global.
LE COUPLE VOLUMES-VALEURS
68Il existe une distorsion certaine, une fois de plus, entre le mouvement en valeur et son expression volumétrique... On peut affirmer27, chiffres à l’appui, que c’est au cours de la fluctuation 1571-1578 que la valeur unitaire des marchandises transportées à l’Aller passe virtuellement, par un maximum.
69Les séries exprimant le mouvement en valeur, bien que toujours fragmentaires, permettent, en effet, des comparaisons fructueuses. La valeur présumée des marchandises allant aux Indes est connue, au départ d’Espagne, grâce à l’averίa, pour quatre années, puis cinq années consécutives, de 1566 à 1569 et de 1572 à 1576. Certes, il n’est pas douteux que les valeurs fiscales sont inférieures aux valeurs sérielles. Mais on n’a aucune raison de penser que marges de tolérance et pourcentages de fraude aient sensiblement varié. De ce fait, la comparaison est pleinement valable.
70Les deux tronçons de ce mouvement — autre circonstance favorable — occupent des positions, conjoncturellement, à peu près identiques28. A peu près seulement : 1572-1576 est, peut-être, plus axé, exclusivement, sur la partie haute de la fluctuation que 1566-1569, son terme de référence (il faudra en tenir compte).
71L’ascension des valeurs n’est pas interrompue par la récession relative des volumes. De 1566 à 1569, l’averίa laisse supposer, en effet, une valeur fiscale moyenne des départs de 745 3/4 millions de maravedís par an (pour 75 1/2 navires et 15 466 1/4 toneladas), de 1572 à 1576, la valeur moyenne des départs s’aligne sur les anciens points hauts avec une valeur fiscale annuelle moyenne de 923 1/2 millions de maravedís (pour 68,6 navires et 20 525,6 toneladas). Il y a donc eu croissance apparente du mouvement valeur, d’un cycle à l’autre, de plus de 23 %. De prime abord, il ne semble pas que cette croissance excède, sensiblement, celle enregistrée, dans des conditions analogues, sur les volumes. Elle implique, toutefois, que l’expansion en valeur continue, que le nouvel équilibre des marchandises exportées, signalé déjà, est confirmé et consolidé tout au long de la fluctuation29.
72Si, à côté de la leçon de l’averίa, on tient compte, aussi, de celle des almojarifazgos, on aboutit à la conviction que la densité économique des marchandises transportées a continué à s’accroître, au point d’atteindre virtuellement une position proche du sommet.
73La récession relative des volumes n’entraîne pas, conclusion capitale, loin de là, une récession des valeurs..., d’autant plus, d’ailleurs, que le décrochage des navires canariens signifie le décrochage d’une masse dont la densité ou, si l’on veut, la valeur unitaire, est très inférieure à la moyenne du mouvement. Tassement relatif des volumes, certes, mais au prix d’un triage qualitatif. Reste à voir comment tassement et triage se sont effectués.
LES GRANDES TENDANCES DE LA PÉRIODE. TERRE FERME ET NOUVELLE ESPAGNE
74Une étude attentive de la répartition du mouvement entre les différentes articulations géographiques majeures nous mettra, peut-être, sur la voie d’une interprétation.
1. Mouvements prédominants
75a. Chute du trafic antillais. — On assiste à une diminution tant relative qu’absolue, du mouvement avec les îles30, désormais au plus profond du creux. Le niveau Allers de la demi-décade 1566-1570 ne sera jamais plus égalé, les niveaux de 1571-1575, 1576-1580 sont, en valeurs absolues, les plus bas qu’on ne rencontrera jamais plus avant la décade des années 1640. En Allers et retours, le chiffre de 1576-1580, 16 290 toneladas, est le chiffre le plus bas jamais atteint avant 1641-1645 et 1646-1650.
76Les Antilles se sont complètement vidées, alors au profit de l’aventure continentale. Les placers, faute d’hommes, sont totalement abandonnés31. L’économie de plantation qui fera, plus tard, la fortune de certaines d’entre elles — hors de la domination politique de l’Espagne, d’ailleurs — n’est pas encore en place. Les îles sont, pour un temps, abandonnées par le commerce direct de l’Espagne. Cet abandon favorise l’implantation des boucaniers, sur les arrières de la Méditerranée hispano-américaine et la perte, au milieu du xviie siècle, des premiers lambeaux antillais32. Mais ce mouvement n’est pas spécifique de cette fluctuation 1571-1578 plutôt que de telle autre de ce demi-siècle. Dans la mesure où elle traduit une accélération particulièrement rapide du développement d’une économie extravertie complémentaire de celle de l’Espagne dans les espaces continentaux du Nouveau Monde, on peut même considérer qu’elle est un signe de prospérité.
77b. Montée motrice de la Nouvelle Espagne et palier de la Terre Ferme jusqu’en 1575. — L’essentiel doit être cherché ailleurs, dans l’équilibre, désormais, vital : Nouvelle Espagne/Terre Ferme.
78Depuis le creux de la récession intercyclique du demi xvie siècle, on a assisté à un gonflement constant, tant relatif qu’absolu, du mouvement de la Nouvelle Espagne. Un simple rapprochement entre les tables 178 et 17933 montre combien la reprise a été, jusqu’en 1575, essentiellement conduite par la masse motrice croissante de la Nouvelle Espagne, tandis que la Terre Ferme constituait une masse lourde, en palier, faisant volant. Les records du mouvement de la Terre Ferme établis au cours de la demi-décade 1546-1550, à la fin de la grande vague d’expansion du premier xvie siècle, ne sont égalés, puis dépassés, et encore, bien timidement, qu’à partir de la demi-décade 1576-1580.
79c. 1575 : le renversement des deux tendances. — 1576-1578 est constitué par le passage au sommet d’une vague de Nouvelle Espagne et la reprise encore bien timide d’une Terre Ferme qui vient de passer par un creux. Prenons, en effet, l’évolution des Allers en direction de la Nouvelle Espagne, à partir du creux de la récession : de 1551 à 1554, 33,1 %, de 1555 à 1559, 27,9 %, de 1560 à 1563, 41,2 % de 1564 à 1571, 46,4 % (38,6 % de 1551 à 1571), 49 % de 1572 à 1578. Le reflux, toutefois, a commencé, à peu près au milieu de la décade et au milieu de la fluctuation 1572-157834.
80La Terre Ferme, pour la première fois depuis vingt ans — le fait a, aussi, son importance — est nettement en dessous du trafic de la Nouvelle Espagne. C’est donc en direction de la Nouvelle Espagne que le plus gros effort économique de transformation a été fait : les navires, qui desservent la ligne de Nouvelle Espagne, sont — autant que la précision de la mesure permette de l’affirmer35 — sensiblement plus gros que ceux qui desservent la Terre Ferme.
81Mais, surtout, et c’est là l’élément décisif, depuis 1555-1559, la fluctuation déprimée de la grande récession du demi-siècle, la part relative de la Terre Ferme dans le mouvement global n’a cessé de décroître, pour passer par un point bas, autour de 1575, à la charnière des deux fluctuations primaires du cycle 1571-1578. C’est ainsi qu’en tonnage, la part de la Terre Ferme est passée, respectivement, en Allers, Retours et Allers et retours : de 1551 à 1554,51,6 %, 37 % et 44,5 %, de 1555 à 1559, 44,9 %, 31,7 % et 39,4 % de 1560 à 1563, 52,2,29,5 et 40,9 %, de 1564 à 1571,49,2 %, 31,1 et 41,01 %, pour l’ensemble de la récession, lato sensu, 1551-1571, 53,4 %, 49 % 32 % et 43,2 %, contre 45,3 %, 28 et 37,5 % de 1572 à 1578. Le creux étant atteint avant 1575, puisque, aux pourcentages respectifs de 43 %, 24,38 % et 34,3 % pour la première fluctuation, 1572-1575, s’oppose les 48,3 %, 33 % ou 41,2 % de la seconde fluctuation primaire de 1576-1578.
2. Leur rôle dans la récession relative du cycle
82Or, c’est vraisemblablement ici que réside la cause d’une récession — toute relative d’ailleurs — qui a été dénoncée et délimitée à son heure36.
83a. Fatigue de la Nouvelle Espagne et relève de la Terre Ferme. — La récession est due à une prise en relais qui se fait mal, en position motrice dominante du trafic. La Nouvelle Espagne essoufflée est incomplètement relayée par la Terre Ferme. Qu’ü y ait fatigue de la Nouvelle Espagne, c’est certain. Il n’est pas question, bien sûr, de considérer naïvement que toute l’économie d’échange des Indes s’explique par la production des métaux précieux. Il serait plus exact de considérer, sans doute, que cette production, ses avances, ses hésitations, ses reculs sont un bon signe clinique de santé ou de fatigue. La mine, pas plus que la fièvre, n’est la cause d’un mal ; ses avances et ses reculs, dans les structures hispano-indo-atlantiques du xvie siècle, n’en sont pas moins extrêmement parlantes.
84b. Mercure et amalgame péruviens. — Or, on peut considérer qu’entre 1572 et 1578, l’impetus causé par l’adoption dans les mines de Nouvelle Espagne du procédé d’extraction par amalgame, va singulièrement en se dégradant..., tandis que la Terre Ferme s’apprête dans ce domaine à prendre la relève. C’est en août 157137, en effet, que, cédant aux instances de Fernández de Velasco, le vice-roi fait réaliser la première expérience concluante, en partant du minerai du fameux cerro de Potosi et du mercure du Huancavelica. Mais ce serait faire preuve d’une grande naïveté et commettre une grave erreur que de considérer que l’expérience d’août 1571 a porté immédiatement ses fruits. Encore que l’effort d’investissement soit moindre, alors, que de nos jours, le temps, qui sépare l’invention, voire même, comme c’est le cas, ici, la simple adaptation d’une technique et la généralisation de cette technique, est nécessairement long. Faiblesse des capitaux disponibles, lenteur des moyens de transport et plus encore, des moyens de diffusion de la pensée, faiblesse de l’outillage, faible densité des hommes et faiblesse relative, infiniment plus grande encore, de la main-d’œuvre disponible, susceptible d’être distraite d’un appareil de production alimentaire singulièrement dispendieux et dévoreur de forces humaines... tout cela explique une lenteur de diffusion dont nous avons, une fois de plus, la preuve.
85De toute manière, puisqu’on ne pouvait raisonnablement compter d’abord que sur le mercure nouvellement exploité de Huancavelica38 pour que du mercure d’Europe servant au travail d’extraction de l’argent parvînt en tant qu’appoint appréciable d’Europe au Pérou39, il fallait, d’abord, que les installations récentes des mines de mercure du Pérou fussent capables de fournir, un temps, aux besoins nouveaux. A travers les vicissitudes d’une production péruvienne de mercure que Lohmann Villena a eu l’inappréciable mérite de bien mesurer — et de mesurer d’une manière beaucoup plus efficace, beaucoup moins suspecte qu’on ne pourra jamais espérer mesurer une production d’argent — on peut saisir, d’une manière indirecte, mais d’autant plus valable qu’elle est indirecte, les vicissitudes de la production d’argent péruvien.
86Un examen attentif des statistiques de Guillermo Lohmann Villena40 conduit à placer entre 1576 et 1577, mieux encore, entre 1577 et 1578, ou, d’une manière moins précise mais plus sûre, entre 1576 et 1579, la grande révolution technique de l’amalgame péruvien. C’est à cette époque en effet, que se produit la grande mutation dans la production du mercure de Huancavelica. Jusqu’en 1576, la production s’établissait sur un niveau de 2 000 quintales (de 46 kilogrammes) par an. De 2 000, on passe brusquement à 3 500 en 1577, de 3 500 à 5 000 en 1578, puis à 7 000 en 1579... Le niveau sera maintenu pendant le cours de plusieurs décades, sans exclure, pour autant, la chose va sans dire, d’importantes fluctuations interannuelles.
87Les statistiques du mercure de Huancavelica, telles que les a établies Guillermo Lohmann Villena, sont parfaitement confirmées par l’élaboration statistique d’E. J. Hamilton41 sur les séries absolument indépendantes des arrivées d’argent dans le Guadalquivir, à travers les contrôles de la Casa de la Contratación. Entre 1571-1575 et 1576-1580, le pourcentage d’argent en provenance de la Terre Ferme sur la statistique des arrivées officielles à Séville passe de 39 à 58 %, le pourcentage de l’argent en provenance de la Nouvelle Espagne, de 61 % à 42 %. De 1581 à 1585, l’avantage de la Terre Ferme sera encore consolidé, 65 % contre 35 % seulement pour la Nouvelle Espagne ; désormais, la part officielle de la Terre Ferme ne descendra jamais au-dessous de 60 %, ayant atteint un moment même entre 1626 et 1630, 79,5 % contre 20,5 %, seulement pour la Nouvelle Espagne.
88Ce synchronisme est d’autant plus significatif qu’il a été établi sur des séries totalement différentes, sans aucune interférence possible, par des chercheurs qui s’ignoraient.
89c. Période intermédiaire et chute de tension. — Le drame de la demi-récession du cycle de ralentissement de 1571 à 1578, qu’on lit sur les volumes mis en cause dans l’Atlantique et sur les prix espagnols, doit, donc, essentiellement être mis en parallèle avec ce commencement de transfert de puissance. Un premier cycle nouvel-espagnol décline, un nouveau cycle sud-américain se dessine. Qu’entre les deux il y ait relâchement de la tension économique dans l’ensemble de l’espace Atlantique, dans ces conditions, rien là que de très naturel. Étant bien entendu, une fois encore, qu’on ne saurait prétendre pour autant trancher d’un problème de causalité. On a établi une concomitance et, pour l’heure, cela suffit. Le retard des mines du Pérou à prendre la relève des mines de Nouvelle Espagne peut n’être pas autre chose qu’une expression particulière d’une chute générale de tension qui affecterait l’ensemble de l’espace Atlantique envisagé.
III. — FACTEURS EXTERNES
90Au cours de ces années, des facteurs extérieurs sont venus se joindre à ces transformations en profondeur du trafic Espagne-Amérique : ceux — entre autres — de la course... Une course nouvelle dans ses techniques et, à n’en pas douter, d’une efficacité nouvelle.
UNE INSÉCURITÉ CROISSANTE : UNE NOUVELLE COURSE, L’ANGLAIS
91Aucun facteur extérieur n’est susceptible, à long terme, de contrarier la dynamique du mouvement. C’est vrai de la course. Elle peut, c’est le cas, ici, pourtant, révéler des tendances latentes, des tendances, en l’occurrence, à la contraction. D’autant, d’ailleurs, que la course offre, désormais, un visage de plus en plus inhabituel.
1. La course française en voie de disparition
92La course française, cette fois, est manifestement rejetée au second plan. Certes, elle n’a pas disparu, d’emblée. Sa structure « pulvérulente » la protégeait aussi bien contre une disparition instantanée qu’elle lui interdisait, en présence d’un système de convois bien organisé, de franchir un certain seuil d’efficacité.
93La course française était, pour l’essentiel, réformée. La Saint-Barthélemy est de 1572 : le gros des forces protestantes françaises de l’Ouest beaucoup trop profondément engagé dans une lutte dont sa survie dépend, ne peut peser encore, comme auparavant, sur l’Atlantique de la Carrière des Indes. La course française opérait d’autre part, en ordre dispersé. C’est contre elle que le lourd Système de convois — on sait son retentissement profond sur la vie de la Carrera — fut conçu et mis en place. L’efficacité, contre elle, des convois n’est, certes, pas douteuse, dans la mesure où elle continue à se présenter en ordre dispersé.
2. Ampleur vraie de l’action anglaise
94Il en va autrement de la course anglaise. Les Anglais, avec les grandes expéditions, les raids dévastateurs de Hawkins et de Drake..., marquent, dans la technique de l’attaque de la Carrera, le début d’une ère nouvelle. Les tables des pertes42 ne donnent peut-être pas une exacte notion de l’incidence de cette guerre de forme nouvelle. La paralysie, l’inhibition, que les craintes qu’elle a suscitées ont pu déclencher, vont, vraisemblablement, au-delà des pertes physiques exactement computables et mesurables.
95On ne saurait sous-estimer, par exemple, l’effet exercé par le raid fameux de Drake sur Panama en 1572, dont le passif est ordinairement évalué43 à 200 000 pesos. Les 90 millions dé maravedis de ce raid record paraîtront dérisoires, à côté des 900 millions de maravedis de la valeur fiscale des moyennes annuelles des exportations d’Espagne. Or, si les 90 millions procèdent d’une évaluation généreuse, certainement trop généreuse, les 900 millions ou le milliard et demi de marchandises, valeur aux Indes, constituent, par contre, une approche incontestablement inférieure à la réalité. On peut estimer que les pertes occasionnées par le raid de Drake sur Panama ont représenté, en gros, le vingtième, au maximum, du global des exportations de l’Espagne vers les Indes. Cette constatation permettra de ramener à sa juste valeur l’ampleur de la course anglaise. On ne dira jamais assez à quel point l’historiographie britannique aura gonflé démesurément l’amplitude et l’efficacité des raids des grands écumeurs élisabéthains.
3. Incidence psychologique
96Mais il serait tout aussi inexact de mesurer l’incidence vraie de cette nouvelle forme de l’intervention étrangère dans les affaires de la Carrera, en se bornant aux indications de mesures de richesses effectivement prises ou détruites par l’action de l’ennemi44. En réalité, une action extérieure, la présence au sein de la Carrera d’un germe pathogène, avant que l’anticorps ne soit formé, l’anticorps ici, c’est l’accoutumance — a constitué un frein qu’on ne saurait sous-estimer. Ce qui est particulièrement destructeur et paralysant, c’est l’angoisse d’un danger nouveau, contre lequel on se sait mal protégé.
97C’est ainsi que l’action de Drake — et plus particulièrement, l’attaque de Panama — a certainement pesé beaucoup et contribué indirectement à creuser la dépression relative du cycle 1571-1578. En paralysant, peu à peu les communications le long de la côte Pacifique des Indes, du Callao à Panama, en entravant le mécanisme régulier des forces de l’isthme, en allongeant les cycles d’échanges commerciaux, en immobilisant, longtemps, inutilement et improductivement, marchandises, hommes et capitaux, en portant un coup à un optimisme nécessaire à la croissance de toute économie.
98L’appréciation d’un tel facteur — les pertes indirectes dues à la présence d’un ennemi nouveau — n’est pas facile à mesurer, à chiffrer. Les pertes indirectes ont été, sans doute, trois fois, quatre fois... plus lourdes que les pertes directes. On en a la preuve dans le mouvement avec la Terre Ferme, de 1572 à 1575, au cours des quatre ans de la première fluctuation primaire du cycle, notamment, dans l’énorme creux des Allers de 157345 ; le mouvement avec la Terre Ferme, de 1572 à 1575, atteint46, avec 43 % en Allers, 24,38 % en Retours et 34,3 % en Allers et retours, une dépression relative particulièrement profonde : c’est, en partie, sans aucun doute, une conséquence dû rude coup frappé par Drake dans des circonstances maintes fois relatées. Or, la dépression de la Terre Ferme n’est-elle pas (dans une proportion qu’il est difficile d’apprécier) responsable de la récession relative qui nous est apparue constituer la caractéristique majeure de la fluctuation cyclique des années 1572 à 1578 ?
LES FACTEURS POLITIQUES ET MILITAIRES. L’EFFET CUMULATIF DES CONFLITS
99L’assaut, sous une forme inusitée, d’un ennemi plus redoutable se trouve renforcé par l’effet cumulatif de conflits qui, depuis peu, s’ajoutent dangereusement aux tâches toujours plus lourdes d’un héritage disproportionné aux forces réelles de l’Espagne, malgré ses prestiges et ses vraies richesses.
100Ces conflits, au nombre de trois, au moins, sont beaucoup plus imbriqués, sans nul doute, qu’il n’apparaît de prime abord.
1. Les Morisques
101La grande révolte morisque, qui débute en 1565, se termine par une sanglante défaite en 1571, malgré les diversions de l’Islam, qui aboutissent à Lépante.
102Écrasement — mais au prix de combien de richesses — des Morisques révoltés, effort démesuré de Lépante. Ces deux facteurs auront certainement pesé — pas tout de suite, bien sûr, comme on pourrait superficiellement s’y attendre — mais à la longue. Le très sensible ralentissement des prix — des prix andalous, surtout — au cours des années 70 et, peut-être, le ralentissement des pentes ascensionnelles des trafics dans l’Atlantique, sont dus, en partie, sans doute — des rapprochements chronologiques, qui ne sont pas que fortuits, tendraient à l’impliquer — aux pertes de richesses consécutives à cette fatale guerre civile qui se déroule toute proche de l’espace-moteur de l’Atlantique de la Carrera. Il y a là — on peut, du moins, le supposer — un facteur non négligeable à inclure dans un complexe de concomitances explicatives.
2. Le Turc
103La guerre contre le Turc, qui culmine à Lépante, est essentiellement maritime et méditerranéenne. Aussi a-t-elle pesé d’un poids tout particulier sur la Carrière des Indes. Elle aura contribué, comme plus tard, l’effort démesuré et, cette fois, malheureux de l’invincible Armada, à porter un coup sensible au stock de navires de la Carrera. Les prélèvements de matériel pour Lépante auront provoqué, tels ceux de 1588, un ralentissement de la pente des mouvements. Mais la sélection de Lépante est différente de celle de l’invincible. Campagne du Ponant, campagne de l’Atlantique et du Nord, l’expédition contre les îles britanniques soustraira à la Carrera, comme l’évolution de tonnage unitaire le prouve, ses plus gros navires. La saignée de Lépante, moins considérable, en vue d’une campagne méditerranéenne, portera essentiellement sur les petits navires47.
104Elle aura donc contribué, peut-être, d’une manière non négligeable, à deux des transformations déjà signalées : la brusque mutation du tonnage, telle qu’elle ne pourra être intégralement consolidée dans les décades suivantes, le renforcement de la valeur unitaire du mouvement. Elle rend intelligible cette distorsion signalée du mouvement volumétrique et du mouvement-valeur. L’expulsion des petits navires aura été, ici — comme plus tard, celle des gros, au lendemain de l’invincible — psychologique, autant que physique. Si la guerre en Méditerranée appelle le petit navire — on sait combien le Roi est mauvais payeur et, de toute manière, l’usage dans la Carrera est plus avantageux — on construira, plus volontiers, de gros navires.
3. Les Pays-Bas
105Les évènements de Méditerranée ne prennent toute leur signification qu’à condition d’être mis en rapport — comme ils l’ont été, en fait — avec les événements de Flandre.
106Il est difficile de situer exactement le point de crise, dans ce long pourrissement où, insensiblement, les Pays-Bas, travaillés en profondeur par les vagues déferlantes des deux Réformes — la seconde, la calviniste, la plus virulente surtout — ont été conduits d’une domination de fait sur le monde ibérique du début du siècle au joug espagnol, puis au schisme et à la guerre.
107Fernand Braudel n’hésite pas à situer ce point de rebroussement, le passage de l’hostilité latente à la phase juste préliminaire à la grande guerre ouverte, au cœur des années 1566-156848. Or, 1568 est, pour nous, aux propylées d’une période de ralentissement, sur douze ans, de l’activité dans l’Atlantique hispano-américain. En 1570, l’Espagne de Philippe II, face à l’Islam et face à la Réforme, est aux prises, désormais, avec les tâches impériales démesurées du « leadership » d’une catholicité qui jaillit, toute neuve, du processus dialectique de la Réforme, amputée et chargée, des officines de Trente. Le palier des accélérations dans l’Atlantique est à mettre en relation, tout à fait secondairement, bien sûr, avec l’incidence du poids brusquement accru de la grande politique mondiale de l’Espagne. Cette incidence est certaine : il faut s’adapter à un renforcement du poids de l’État, une telle adaptation demande bien dix ans.
108La banqueroute de 157549, survenue dix-huit ans après celle de 1557, exprime bien la gêne consécutive à un alourdissement général des charges de l’État. Elle se place à la charnière de la fluctuation, elle commande la deuxième fluctuation primaire effondrée dé 1576 à 1578. Tout comme, dix-huit ans plus tôt, la banqueroute de 1557 se trouvait au milieu du cycle déprimé de la grande récession. La banqueroute de 1575, comme celle de 1557, vient après des périodes où le poids de l’État s’est révélé particulièrement lourd et pénible. Il est significatif que ces périodes soient marquées par des reculs absolus ou relatifs des mouvements dans l’Atlantique.
L’ÉPIDÉMIE DE 1576
109Mais pour conclure cette recherche des causes, il est un élément qu’il ne faut pas manquer de rappeler, bien qu’il dépasse largement l’immédiat et que les conséquences s’en fassent sentir, plus d’un siècle durant.
110C’est, en 1576, en effet, qu’éclate, sur les plateaux du Mexique humide et indien, cette prodigieuse explosion de matlazahualt50 qui allait, suivant certaines estimations vraisemblables, détruire de 40 à 50 % de la population indienne.
111Les répercussions à longue haleine d’un tel événement ne nous intéressent pas immédiatement. Elles commandent — c’est évident — le repli, sur deux décades, de la Nouvelle-Espagne, sensible, surtout, lors des demi-décades 1576-1580, 1586-159051 Ce repli est, d’ailleurs, moins sensible qu’on ne s’y attendrait, d’après l’ampleur du désastre et sa répercussion vraisemblable sur les mines. Pour deux raisons, au moins, sans doute, parce que la masse indienne n’est que très indirectement impliquée dans les relations transatlantiques et, surtout, parce qu’à partir des années 1580, le commerce des Philippines et l’arrière plan d’Extrême Orient, qu’il permet d’atteindre, vient constituer, pour le négoce de la Carrera, un substantiel aliment.
112Néanmoins, l’épidémie de 1576 — en rendant difficile l’approvisionnement en main d’œuvre d’une activité particulièrement dévoreuse d’hommes — aura contribué à provoquer cette diminution relative des arrivées d’argent mexicain à Séville, qu’on a, derrière Hamilton, signalée ailleurs52. De 1571-1575 à 1576-1580, la part de la Nouvelle Espagne n’est-elle pas passée de 61 à 42 %, puis à 35 %, de 1581 à 1585 ? De 1572-1575 à 1576-1578, de la première fluctuation primaire, partie haute du cycle, à la seconde fluctuation primaire, partie déprimée du cycle, la part de la Nouvelle Espagne, dans l’ensemble du mouvement, n’est-elle pas passée, respectivement, en Allers, Retours et Allers et retours, de 52,4 % à 45,2 %’, de 48,27 % à 48,2 %, de 49,7 % à 46,7 % ?
113Tels sont, rapidement énumérés, quelques-uns des traits les plus saillants et des facteurs les plus remarquables d’une fluctuation cyclique dont le caractère de respiration conjoncturelle prolongée est parfaitement évident.
IV. — LA PRÉCISION DE LA MESURE
114On est d’autant plus à l’aise pour l’affirmer, qu’on possède sur cette période des données statistiques d’une précision suffisante. Non, certes, qu’après les substantielles améliorations des décades précédentes, il faille s’attendre, désormais, à des mutations importantes avant la demi-décade 1586-1590. Les sources ne cessent, toutefois, de progresser en précision et en abondance.
1. Le tonnage
115La proportion des tonnages connus par rapport aux évalués, notamment, ne cesse de croître.
116Au cours de la fluctuation, par exemple, la proportion des navires, dont le tonnage est connu53, s’est encore accrue par rapport à l’ensemble et aux simples évalués. Or, la précision de l’évaluation individuelle — on s’en souvient — est essentiellement fonction du nombre des tonnages connus, le gain, partant, est indirect, plus, peut-être, encore que direct. La proportion des connus est, désormais, au cours du cycle, de 35,5 % en Allers, 33,4 % en Retours et 34,5 % en Allers et retours. Si le gain est important par rapport à 1560-157154 et à plus forte raison, par rapport aux grands cycles ou articulations conjoncturelles de 1551-155455, 1555-155956, 1560-156357, il pourrait sembler, d’abord, qu’il y a, léger recul58, partout, sauf sur les Retours, par rapport à la seconde fluctuation du cycle précédent (1564-1571).
117En fait, il n’en est rien et le progrès, beaucoup plus substantiel, même, qu’il n’apparaît, du fait des modifications, au sein des connus, de la part respective des connus directement et indirectement. Au lieu d’une proportion de 6,5 %, 6,1 % et 6,2 % de connus directement de 1564 à 1571, c’est bien 12,5 %, 10,4 % et 11,5 % des Allers, Retours et Allers et retours que forment respectivement les tonnages connus directement de 1572 à 1578. Le progrès, par rapport aux articulations conjoncturelles antérieures, est infiniment plus sensible encore59.
2. Le navire
118a. Type. — La connaissance du matériel utilisé dans la Carrera a progressé aussi, parallèlement à la catégorie des tonnages, connus directement, soit 81 navires dont on connaît le type et l’origine avec précision sur 837 pour l’ensemble de la période, 44 sur 522 de 1572 à 1575, 37 sur 315 de 1576 à 1578.
119b. Age. — On commence à posséder, en nombre suffisant pour permettre une utilisation sérielle, des renseignements touchant l’âge des navires60. Rien de 1572 à 1575, 8 de 1576 à 1578 : cela reste insignifiant, bien sûr, pour 315 voyages Allers et retours..., mais le tournant est pris ; n’a-t-on pas relevé et intégré 41 indications d’âge pour 197 voyages en deux ans, seulement, de 1579 à 1580 ? Cette richesse qui s’esquisse sera bientôt utilisable pour une étude de conjoncture.
120Elle est déjà suffisante pour permettre une constatation de prix. Au cours des dernières années de la fluctuation 1571-1578 et des deux premières années de la grande fluctuation suivante 1578-1592, on est en pleine contraction. Or, rarement, le stock des navires utilisés dans la Carrera ne nous est apparu constitué de navires aussi vieux. L’âge moyen pourrait, après divers calculs et équivalences, être évalué à huit ans. R faut, pour trouver un tel vieillissement, descendre jusqu’au milieu de la grande récession, à l’époque du vieillissement maximal, avant l’usure totale du matériel de la grande prospérité, c’est-à-dire 1626-163061, avec 8 ans, 4 et 1631-1635, 1636-164062, avec, respectivement, 9 ans, 75 et 8 ans, 6. Au-delà de la longue respiration (1568-1580), le stock des navires s’accroît et se modifie, comme le net rajeunissement du matériel utilisé en témoigne.
121Ces indications encore peu nombreuses présentent, donc, un intérêt d’autant plus sensible qu’elles fournissent, à une époque conjoncturellement décisive, un précieux terme de référence pour l’avenir.
3. Ventilation géographique. Valeur. Correspondance de la Casa de la Contratación
122La répartition géographique du mouvement est, désormais, connue d’une façon à peu près parfaite. Elle est à mettre en parallèle avec la diminution, au cours de cette période, de la part des Canaries dans le mouvement total. De 1572 à 1578, la part des Indias( ?) tombe, en Allers, à 16,8 % quant au nombre, à 5,5 % quant au tonnage ; elle est de 0 %, en Retours, de 9 % et 3 %, en Allers et retours63. Il en va de même de la ventilation au sein du complexe portuaire64.
123Les séries-valeur continuent aussi, à s’accroître. On dispose, à l’Aller, des chiffres pour cinq années consécutives grâce à l’averia, sur sept, de 1572 à 157665, de cinq années d’almojarifazgo à l’entrée de Nombre de Dios, de 1573 à 1575, 1577 et 1578. Au retour, quatre ans consécutifs, en partie grâce à l’averia66. On commence à posséder, enfin, pour les Retours, un nombre substantiel de détails de marchandises. Ces données, encore imparfaites, sont, néanmoins, suffisantes, grâce à une trame volumétrique impeccable qui permet de les situer.
124Enfin, les séries de la correspondance de la Casa de la Contratación aidant à l’interprétation, tout en fournissant bon nombre de données chiffrées, permettent de rendre plus sûre l’analyse conjoncturelle.
125Un progrès analogue est sensible sur les séries parallèles des prix espagnols67.
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126Ainsi pourvus, nous pourrons procéder à l’analyse détaillée des différents éléments de la période. La fluctuation s’articule parfaitement — et l’analyse minutieuse le prouvera — en deux périodes autonomes, fortement caractérisées, autour du creux médian de 1575. Un premier cycle, relativement plus élevé, un second cycle, nettement en contrebas, esquissant un palier prolongé qui mord très avant sur le cycle suivant de 1578-1592, jusqu’en 1583, au moins.
Annexe
ANNEXE. COMPARAISONS SUR LES MOYENNES MÉDIANES DE CINQ ANS (UNITÉS PONDÉRÉES) DE LA PENTE ANNUELLE DES MOUVEMENTS VOLUMÉTRIQUES, AU COURS DES CYCLES 1559-1571, 1571-1578, 1578-1592.
PREMIÈRE MÉTHODE
On prend les chiffres des années frontières des cycles, 1559, 1571, 1578, 1592. On établit la différence d’une année de référence sur l’autre, on en calcule le pourcentage d’accroissement positif ou négatif, puis on divise par le nombre d’armées d’écart : 12 ans, 7 ans et 14 ans, pour obtenir le pourcentage d’accroissement annuel.
SECONDE MÉTHODE
Elle consiste à comparer entre eux les points bas à l’intérieur de chaque cycle, les points tels qu’ils sont localisés sur les moyennes médianes de 5 ans. Il s’agit, en l’occurrence, de comparer, en Allers, les années 1558, 1569, 1577 et 1593 et de calculer, ensuite, le pourcentage d’accroissement, en tenant compte d’espacements relatifs de 11,8 et 16 ans.
En Retours et en Allers et retours, même méthode, mais avec des années de référence et des espacements relatifs distincts, soit 1559, 1569, 1580 et 1592 pour les retours avec des écarts de 10, 11 et 12 ans, soit 1558, 1569, 1577 et 1590, avec des écarts de 11, 8 et 13 ans.
TROISIÈME MÉTHODE
On compare, cette fois, les pointes conjoncturelles à l’intérieur de chaque cycle, tels qu’ils sont localisés sur les moyennes médianes de 5 ans.
Il s’agit de comparer, en Allers, quatre années, 1557, 1567, 1574, 1588 et de calculer ensuite, le pourcentage d’accroissement annuel, en tenant compte d’espacements relatifs de 10, 8 et 14 ans.
En Retours et Allers et retours, même méthode, mais avec des années de référence et des espacements relatifs distincts, soit 1558, 1508, 1575 et 1585, d’une part, pour les Retours, avec des écarts de 10, 8 et 10 ans, soit 1557, 1568, 1574 et 1587, d’autre part, avec des écarts de 11, 7 et 13 ans.
Notes de bas de page
1 T. VII, p. 50-51.
2 Cf. t. VI1, tables 137 et 163, p. 335 et p. 362.
3 Cf. ci-dessus p. 484-492.
4 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
5 En Allers, par exemple (t. VI1, table 144, p. 342), un premier bombement entre 1568 et 1573, suivi d’un second bombement très net entre 1573 et 1578. Comportement qui a l’avantage de montrer la liaison existant entre le plateau de la fin du cycle précédent (1568-1571) et la fluctuation présente. En Allers et retours (t. VI1, table 148, p. 345), on voit subsister un bombement assez net entre les deux encoches de 1572 et 1577.
6 Cf. t. VI1, table 151, p. 348.
7 Cf. t. VI1, table 154, p. 351.
8 Cf. t. VI1, table 157, p. 354.
9 Les prix nouveaux-castillans ont un comportement un peu différent. La crête de 1571 se trouve située, ici, en 1573. Au-delà, même creux, même dépression, dont le centre est exactement placé à la hauteur du creux des trafics entre 1577 et 1578 (indices respectifs 96, 62 et 96,79). La reprise est plus rapide, toutefois, et plus accentuée, dès 1579 (indice 113,35), juste au terme de ce que nous avons considéré comme marquant la limite de la fluctuation. Mais il faut convenir que la marche des indices des prix pour la Nouvelle-Castille cadre parfaitement, quand même, avec ce que nous savons des trafics.
10 Cf. ci-dessus 1re et 2e parties.
11 Ici (cf. E. J. Hamilton. 1501-1650, op. cit., p. 198), le mouvement est ascendant jusqu’en 1575.
12 Dans la mesure où la série fragmentaire à ce niveau permet d’en juger. Les indices de 1574,1575, 1577, 1578, 1579 manquent sur la série des indices des prix andalous (ibid., p. 198).
13 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403 et t. VI1, table 163, p. 362.
14 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
15 Cf. ci-dessus p. 186-253, p. 415-492 et ci-dessous p. 673-840.
16 Cf. E. J. Hamilton. 1501-1650, op. cit., p. 198.
17 Le phénomène a pourtant assez d’ampleur pour qu’il soit sensible sur ces moyennes, comme le montre le dessin même des courbes (cf. t. VI1, tables 144, 145, 148, 151, 154, 157, p. 342, 343, 345, 348, 351, 354 et t. VII, p. 50-51, 52-53, 54-55.
18 On a opéré de la manière suivante : on se reporte aux moyennes mobiles médianes de cinq ans calculées en partant des unités pondérées (t. VI1, tables 151, 154, 157, p. 348, 351,354) et on comparera la pente annuelle des mouvements au cours des trois cycles 1559-1572, 1571-1578, 1578-1592. Le principal problème qui se pose est celui du choix des années de référence (cf. annexe I, p. 523-525).
19 Cf. t. I, p. 141 à 146 et t. VI1, table 129, p. 327.
20 Le trafic canarien constitue, sans conteste, le point faible du système pour Séville dans tout effort de reconstruction statistique.
21 Cf. t. VI1, table 13, p. 168. En toneladas, le tonnage unitaire moyen atteint entre 1576 et 1580 (296,9 toneladas) ne sera égalé et dépassé qu’entre 1626 et 1630, 1641 et 1650. Compte tenu du taux de pondération proposé pour passer de la tonelada au tonneau de jauge, les 267,2 tonneaux de 1576-1580 ne seront pas égalés et dépassés avant 1601-1605 et au-delà.
22 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
23 Cf. t. VI1, tables 166, 169, 172, 174, 175, p. 365, 368, 371, 373, 374.
24 Cf. t. VI1, tables 1 à 12E, p. 114 à p. 166.
25 Cf. t. VI1, tables 18 à 128, p. 178 à 316.
26 Il est vrai, pratiquement, jamais atteinte dans l’ancienne navigation à voile.
27 Cf. t. VI1, table 226, p. 471, notamment.
28 Ceci n’implique pas, toutefois, que, volumétriquement, les deux tronçons soient exactement comparables. De 1566 à 1569, le niveau moyen des sorties est de 75 1/2 navires et 15 466 1/4 toneladas. De 1572 à 1575, le niveau unitaire moyen des sorties est moindre (68,6 navires), mais, en toneladas, supérieur (20 525,6 toneladas).
29 D’autant plus qu’un pointage minutieux (cf. t. VI1, table 226, p. 471, etc.) des valeurs entrées à Nombre de Dios, comparées aux volumes qu’elles représentent, tend à impliquer plus clairement peut-être encore qu’il y. a bien croissance de la valeur unitaire des marchandises transportées. Par exemple, si on compare les valeurs perçues à Nombre de Dios en 1566 et 1578, elles correspondent, en gros, aux volumes de 1565 et de 1577. On a, d’un côté, 11 800 toneladas (38 navires) = 892 millions de maravedís à l’arrivée, de l’autre côté, 8 630 toneladas — 1235 millions de maravedís, toutes choses étant égales.
30 Cf. t. VI1, tables 165 sq., p. 364 sq.
31 Les derniers arrivages de métaux précieux des îles repérables à Séville se situent dans la demi-décade 1561-1565 (E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43).
32 Cf. t. VIII1, p. 485-490.
33 Cf. t. VI1, p. 377-378.
34 Même évolution, en gros, pour les Retours, 19,8 % (1551-1554), 25,7 % (1555-1559), 32,7 % (1560-1563), 39 % (1564-1571), 31,7 % pour l’ensemble 1551-1571, par contre, énorme progrès, 47,3 % de 1572 à 1578 (proportions identiques en 1572-1575 et 1576-1578). Et, a fortiori, même évolution en Allers et retours, 26,5 % (1551-1554), 26,8 % (1555-1559), 23,4 % (1560-1563), 42 % (1564-1571), 35,8 % pour l’ensemble 1551-1571, 48,8 % de 1572 à 1578...
Mais avec un maximum atteint dans la première partie de la fluctuation : 49,7 o/o de 1572 à 1575 et 46,7 % de 1576 à 1580.
35 En Allers et retours, pour l’ensemble de la fluctuation, les tonnages unitaires moyens s’élèvent à : 347,3 toneladas pour les navires de Nouvelle Espagne, 342 pour ceux de Terre Ferme. Pour la première fluctuation primaire : 336,5 toneladas, d’une part, 332,9, d’autre part (1572-1575), pour la seconde (1576-1578), 364,1 pour la Nouvelle Espagne, 352,4 pour la Terre Ferme.
36 Cf. ci-dessus p. 497-503.
37 Guillermo Lohmann Villena. Las minas de Huancavelica en los siglos XVI y XVII (Séville, in-8o, xvi-465 pages), p. 55.
38 Découvert entre 1559 et 1563 (Guillermo Lohmann Villena, op. cit., p. 14 sq.), le mercure des mines péruviennes de Huancavelica commence à produire d’une manière appréciable à partir de 1571, comme l’attestent les séries statistiques de Lohmann Villena (op. cit., p. 452 sq. et cf. t. VIII2, Appendice, p. 1958-1978). Mais il sert, d’abord, à la Nouvelle Espagne, avant d’être utilisé, sur une grande échelle, pour traiter le minerai du Cerro du Potosi.
39 Cf. t. VIII2, Appendice, p. 1958-1978.
40 Guillermo Lohmann Villena, op. cit, p. 452 et 453. t. VIII2, Appendice, p. 1958-1978.
41 E. J. Hamilton, op. cit., p. 43.
42 Cf. t. VI2, tables 601 à table 618, p. 861 à 878.
43 Cl. H. Haring, op. cit., ed. esp., p. 230.
44 Outre que, dans l’état actuel de nos moyens — et, plus irrévocablement, en raison des lacunes documentaires présumables — ces ordres de grandeur sont très difficiles à apprécier.
45 Cf. t. VI1, tables 166, 169,172, p. 365, 368, 371.
46 Cf. ci-dessus p. 510-511.
47 L’appel n’est pas direct, puisqu’il s’agit, au combat, d’un matériel différent, mais le prélèvement se sera opéré pour le ravitaillement, pour grossir ce que nous appellerions, volontiers le soutien logistique des opérations.
48 Fernand Braudel, Méditerranée, op, cil, p. 877 sq.
49 Ibid., p. 411.
50 Woodrow Borah, New Spain’s Century of dépression, Ibero Americana no 35, Berkeley, 1951, in-8o, 58 p. — Sherbume F. Cook and Lesley Byrd Simpson, The Population of Central Mexico in the Sixteenth Century, Ibero Americana, no 31, Berkeley, 1948, in-8o, VI-242 pages. Cf. t. VIII1, p. 802-809.
51 Cf. t. VI1, tables 174, 175, 176, p. 373-375.
52 Cf. ci-dessus p. 489. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43.
53 Sur la signification méthodologique de ces classifications, cf. t. I, p. 294-322.
54 29,94 % 25,57 % et 28 %.
55 14,8 %, 21,5 %, 18 %.
56 23,9 %, 12 %, 18,7 %.
57 22,7 %, 26 %, 24,8 %.
58 39,9 %, 33 % et 36,7 %.
59 Pour 1551-1554, 1555-1559, 1560-1563, respectivement et en Allers, Retours et Allers retours, les proportions à mettre en regard des chiffres cités sont : 2,8 % (1551-1554), 2,2 % (1555-1559) et 0 % (1560 à 1563) pour les Allers, 7,6 %, 1 % et 0 % pour les Retours ; 4,8 % 1,8 % et 0 % pour les Allers et retours.
60 Cf. t. VI1, table 14, p. 170.
61 Cf. t. VI1, table 16, p. 174.
62 Cf. t. VI1, table 17, p. 176.
63 Contre, termes utiles de référence, respectivement en Allers, Retours et Allers et retours, les pourcentages suivants en nombre et en tonnage. Pour l’ensemble 1551-1571 : 34 %, 0,3 %, 20,4 % et tonnage, 17,2 %, 0,4 %, 9,3 %.
Pour 1564-1571 : 41,4 %, 0 %, 24,8 % et tonnage, 17,6 %, 0 %, 10,1 %, pour 1560-1563, 48,01 %, 1 %, 28,1 %, tonnage, 26,6 %, 1 %, 14,9 % pour 1555-1559, 16,4 %, 0 %, 8,65 %, tonnage, 7,5 %, 0 %, 4,08 %, pour 1551-1554,21,5 %, 0,4 %, 12,08 %, tonnage, 14,7 %, 0,6 %, 7,9 %.
64 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
On sait, avec une précision utile, comment les bateaux, au départ, se répartissent, au sein du complexe portuaire, entre quatre grandes articulations, tant organiques que géographiques ; les navires marchands de Séville et du Guadalquivir, les navires d’armada du Guadalquivir, Cádiz, les Canaries. Pour l’ensemble de la fluctuation 1572-1578, pour 438 bâtiments au départ et 119 283 toneladas : les flottes de Séville et du Guadalquivir, avec 267 navires et 84 210 toneladas représentent, respectivement, 60,9 % du nombre des navires et 71,2 % de leur tonnage ; pour les Armadas, 50 navires et 19 358 toneladas font 11,4 % et 16,1 % ; pour Cádiz, 38 navires et 9 075 toneladas, 8,8 % et 7,4 % ; et pour les Canaries, avec 83 imités et 6 640 toneladas, 18,9 % et 5,4 %. Ces données se ventilent, ainsi, entre les deux fluctuations primaires constitutives fondamentales : pour les flottes de Séville, 155 navires sur 281 et 46 806 toneladas sur 71579, pour les Armadas 24 imités et 11 678 toneladas, pour Cádiz, 33 unités et 7 575 toneladas et les Canaries 69 unités et 5 520 toneladas, de 1572 à 1575. Et de 1576 à 1578, sur un total de 157 navires et 47 704 toneladas pour les flottes de Séville, les Armadas, Cádiz et les Canaries, 112 navires et 37 404 toneladas, 26 et 7 680,5 et 1540,14 et 1120 toneladas seulement pour les Canaries.
65 Cf. t. VI1, table 218, p. 466.
66 Cf. t. VI1, tables 218, 226, p. 466, 471.
67 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198. Les trois séries d’indices géographiques de la Nouvelle-Castille, de Vieille-Castille/Léon et de Valence sont complètes. Il y aura quelques grosses lacunes encore, sur les séries andalouses, où manquent 1574, 1575, 1577 et 1578.
On note, aussi, une amélioration sensible des séries qui ont servi au calcul des indices, bien que le blé fasse encore défaut aux indices andalous pour 1573 et 1576 (cf. ibid., p. 337 ; p. 342-342-345 ; p. 350-351 ; p. 354-357).
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