Chapitre III. Le cycle de la reprise (1559-1571). Les deux fluctuations primaires
p. 445-492
Texte intégral
1Le cycle qu’on a cru pouvoir délimiter entre le creux de 1559 et celui de 1571 a été dénommé, à juste titre, on l’a vu « cycle de la reprise », puisqu’il détermine le début de la seconde phase longue d’expansion, par une montée indiscutable, dans tous les domaines, de l’ensemble des mouvements. Les caractères principaux et les conditions de cette reprise : le retour à la quasi sécurité, avec l’effacement de la France, avant l’apparition de l’Anglais, l’installation définitive, néanmoins, d’un système plus poussé de convois dans la Carrera, le goulot d’étranglement du tonnage, l’envolée du mouvement en valeur, la mutation brusquée du changement de nature des cargaisons, la prédominance toute neuve de la Nouvelle Espagne... ont été analysés précédemment. On en a mesuré les conséquences et les interréactions. On les retrouvera ici, à l’échelle d’une étude annuelle, au sein des deux fluctuations primaires — l’une, presque toute d’expansion, l’autre, de consolidation — qu’on a cru pouvoir distinguer et qui constituent — la première surtout — comme le microcosme du cycle tout entier.
I. — LA PREMIÈRE FLUCTUATION PRIMAIRE (1559-1563).
2De 1559 à 1563-1564, l’ensemble des mouvements dessine une fluctuation parfaitement individualisée. Tous les caractères du cycle de la reprise apparaîtront au cours de ces quatre années décisives — résumé, en quelque sorte, de la fluctuation dans son ensemble.
CONTOURS
3Il est peu de cycles primaires qui soient aussi cohérents, aussi incontestables que cette fluctuation d’un dessin linéaire parfait.
1. Étude annuelle de la phase ascendante
4a. 1559 : le creux. — 1559 est au centre, on l’a vu, d’un creux profond dont une série de circonstances précises rend parfaitement compte1. Certaines de ces circonstances contribuent à expliquer le départ des trafics dès 1560. Ainsi, la sortie — fait entre autres — du grand envoi de Pedro Sánchez de Beneza et de Pedro Menéndez de Avilés, dans l’attente d’une amélioration de la sécurité que pouvait faire espérer la signature, en avril, de la paix de Cateau Cambrésis, fut retardée jusqu’en janvier 1560. Le découpage annuel ne doit donc pas, dans ces conditions, faire trop illusion.
5Le fait essentiel réside, peut-être, dans l’existence d’un unique gros convoi annuel : le gros convoi Beneza-Avilés, par exemple, en janvier 1560, peut être considéré, dans une large mesure, comme coiffant les deux années 1559 et 1560. Ces trois ans : 1558-1559-1560, apparaîtront donc, comme constituant un très net creux relatif des trafics, mieux traduit, peut-être, par des chiffres moyens sur trois ans que par un découpage annuel commandé par des circonstances extra-économiques. On arrive ainsi sur ces trois années, à des chiffres moyens extrêmement bas : de 57 navires 1/3 au départ, représentant 8 966 toneladas 2 3 et de 50 navires, au retour, représentant 8 160 toneladas2. Une seconde constatation s’impose : le faible écart qui sépare les Allers et Retours3 : les Retours sur trois ans constituant 48 % du mouvement global. Cette anormale proportion des Retours est, sans doute, un signe de dépression, en vertu d’un mécanisme dont on a, ailleurs, maintes fois rendu compte, mais ce signe de dépression constitue aussi une des conditions d’une reprise qu’il ne faut peut-être pas faire commencer trop tôt et qui n’est pas vraiment là avant 1561.
6Si l’on suit, mot à mot, pourtant, la leçon du découpage annuel sur les mouvements volumétriques, on aboutit à des certitudes commodes, en Allers, surtout. 1559 marque, avec 47 navires et 7 900 toneladas, le fond de la dépression, par rapport à la moyenne mobile longue de référence, la situation est pire encore que celle, peu brillante déjà, de 1558, 72,348 % contre 77,71 %4. Le progrès, toutefois, serait sensible dès 1560 et ne cesserait sur trois ans, de s’affirmer régulièrement.
7b. 1560 : lente reprise.
8Les chiffres. — 1560, en Allers, met en cause, en effet, un nombre très considérable de navires, 75 navires, pour un tonnage global de 10 690 toneladas, soit un pourcentage d’accroissement de 30 % entre les deux années. Cet accroissement a, toutefois, un caractère très particulier : numérique, plus que volumétrique, il est assumé, à peu près exclusivement, par une adjonction massive de navires canariens5. A telle enseigne qu’entre les deux années, le progrès des seuls navires sévillans est réduit à bien peu de choses, quelques 18 %, et uniquement en tonnages, de 31 navires, 6 070 toneladas à 30 navires et 7 090 toneladas. Le saut en avant est constitué par l’adjonction presque insolite des 45 navires canariens au convoi Beneza et Avilés que nous évaluons à 3 600 toneladas ; 45, au lieu de 13 en 1559, 13 encore en 1558 et 23 en 1557.
9La poussée des navires canariens. — Cette ventilation à la base du mouvement paraît offrir, pour la compréhension de la conjoncture, un intérêt tout particulier. Elle montre, tout d’abord, un négoce sévillan extrêmement peu sensible, encore, aux séductions de la reprise. Dans ces conditions, il pourra sembler raisonnable et légitime, — cette donnée s’ajoutant à la répartition mensuelle des départs au cours de ces trois années6 1558-1560 — de considérer 1560, moins comme la première année de la reprise cyclique que comme la dernière année d’une très profonde dépression cyclique étalée sur trois ans.
10Comment justifier, par contre, cette brusque ascension des Canariens dans l’aventure indienne7 ? Elle est, quand même, incontestablement, un signe de reprise. Ne faut-il pas faire intervenir dans cette reprise en flèche, anticipée, du mouvement indo-canarien, par rapport au mouvement hispano-indien, une plus grande sensibilité peut-être, d’un négoce canarien placé en flanc-garde, qui aurait perçu ou, du moins, pressenti avant l’Espagne, les conditions encourageantes, nouvellement créées aux Indes par les abondantes disponibilités monétaires qu’allait, notamment, dégager, la révolution technique de l’amalgame ? Cette anticipation s’expliquerait, par exemple, dans l’hypothèse d’une précession de la reprise des prix en Nouvelle Espagne par rapport à ceux de la péninsule ibérique. Ne faut-il pas y voir un peu aussi, l’ébauche d’une ventilation intérieure sinon nouvelle, du moins, plus accusée qu’antérieurement, des exportations du Vieux Monde en direction du Nouveau ? Désormais, les Canaries assumeront, de plus en plus, à l’exclusion de la péninsule ibérique, les exportations de produits agricoles, vins surtout, encombrants et de valeur unitaire relativement faible.
11On verrait aisément, dans cette hypothèse, l’origine de ce partage. Il y aurait eu8 des éléments de reprise à Séville, dès 1560, mais le négoce sévillan bloqué par le goulot du tonnage9, se serait replié sur la seule expansion valeur ou, si on préfère, sur une forme d’expansion à composante plus qualitative que quantitative abandonnant le reste aux Canariens, d’autant plus volontiers que les années de la demi-décade 1556-1560 semblent avoir été, si l’on s’en tient à Hamilton, des années de cherté agricole relative dans la péninsule ibérique. On comprend, ainsi, que Séville, contrairement à ses habitudes postérieures, ait laissé faire, sans tenter de la bloquer, cette expansion canarienne légèrement anticipée sur la sienne, parce que plus complémentaire que concurrente et parce que, située, déjà, dans l’euphorie, sinon d’une véritable reprise, du moins, d’une anticipation raisonnable de reprise.
12c. Confirmation de la reprise.
13Les chiffres. — Ces hypothèses fragiles prennent corps, dans la mesure où 1561 accentue et confirme les caractères véritables du mouvement, tel qu’on l’entrevoit en 1560. Entre 1560 et 1561, le progrès est, en effet, des plus substantiels. De 75 unités, on passe à 91, au départ10 ; gain substantiel aussi, sur les tonnages qui demeurent, pourtant, relativement en arrière, de 10 690 toneladas, on passe à 12 380, soit un gain de 15 % seulement, moins net qu’entre 1559 et 1560, sensible, pourtant encore. En pourcentage à la moyenne de treize ans, 1559 était à 72,348 %, 1560 est à 95,89 % et 1561, à 98,150 %.
14Mais ce progrès du mouvement global au départ, est, entre 1560 et 1561, comme il l’avait été entre 1559 et 1560, essentiellement le fait d’un mouvement canarien, pour une fois, moteur. De 45 navires évalués à 3 600 toneladas, on passe à 54 unités et 4 320 toneladas : ces chiffres, fait extrêmement important, ne sont dépassés que deux fois11, en 1571 (année de dépression conjoncturelle) et en 1596. Ce sont donc, une fois de plus, les Canaries, à peu près seules, qui mènent l’expansion conjoncturelle. Une fois encore, le mouvement sévillan seul ne fait preuve que d’un dynamisme limité, une progression infime : de 30 unités à 34, de 7 090 à 7 460 toneladas (soit un progrès de l’ordre de 5 % seulement).
15Confirmation des hypothèses précédentes.—La comparaison, poussée à ce point, prend une signification toute particulière qui cadrera bien avec l’hypothèse précédemment émise. Tout se passe, comme si le mouvement sévillan restait, pour un laps de temps considérable, inexorablement bloqué en dessous même des chiffres de la dépression des années 60. 7 270 toneladas (1558), 6 070 toneladas (1559), 7 090 toneladas (1560), 7 460 toneladas (1561), demeurent à des niveaux comparables aux niveaux de l’ensemble de la décade des années 50.
16Mais le mouvement en valeur — et c’est là le fait capital — tandis que le mouvement des départs sévillans en volume semble énergiquement freiné, continue sa marche en avant à une cadence rapide. Étant donné ce qu’on peut savoir, par ailleurs, des caractères structurels majeurs des exportations canariennes, on se trouve conduit, presque nécessairement, pour rendre compte d’une manière satisfaisante de la distorsion devant laquelle on est placé, à concevoir une espèce de partage du travail.
17En fait, le négoce sévillan — tout le laisse à penser — frappé par les énormes besoins d’un nouveau monde en pleine reprise et saisi d’autre part dans le goulot d’étranglement de l’insuffisance du tonnage a dû, sous l’action de ces forces divergentes, abandonner tout un secteur, celui des pondéraux agricoles, qu’il détenait autrefois..., d’autant plus que son incapacité à répondre à ces besoins était allée plus vite que la résorption naturelle des besoins de l’Amérique. Les deux premières années de cette belle et spectaculaire reprise se sont donc construites de la manière suivante : transformation et concentration du négoce sévillan de plus en plus exclusivement sur les seuls produits d’une grande densité économique, abandon par translation, en quelque sorte, aux Canaries, des produits de moindre intérêt. Sur cet abandon, fait en temps d’euphorie, Séville voudra revenir plus tard, ouvrant, alors, de belles séries de conflits12 qui seront analysés à leur heure.
18d. 1562 : premier ébranlement.
19Les chiffres. — Le mouvement continue en 1562, sur la lancée des années précédentes, sur le mouvement global départ, le rythme ascensionnel des années précédentes est à peine ralenti On passe alors de 12 380 à 13 680 toneladas, soit une progression d’à peine plus de 11 %. Cet accroissement, pourtant, est suffisant pour renverser la position de l’indice par rapport à la moyenne, et le faire passer de 98,150 % à 111,21 %. Le mouvement des départs de 1562 est, néanmoins, très différent de celui des années précédentes : au moment même où le volume total des Allers exprimé en toneladas s’accroît de 11 %, le nombre des navires mis en cause passe curieusement de 91 à 74, soit un reflux de 20 % Cette distorsion étrange n’est pas due à quelque mutation aussi brusque que mystérieuse du tonnage unitaire, mais bien, plutôt, à un new deal dans la ventilation du mouvement au départ du complexe, ou peut-être, plus exactement, au retour à un équilibre ancien.
20Ralentissement du mouvement canarien. — Cette fois, en effet, sur le mouvement des navires marchands sévillans, le saut en avant est de l’ordre de 56 %. Et c’est bien, finalement, pour paradoxal que cela puisse paraître, entre 1561 et 1562 que se situe l’ébranlement conjoncturel majeur. Au même moment, la part des Canaries redevient normale13, par une chute spectaculaire de 54 unités à 17 unités, de 4 320 à 1 360 toneladas. Les canariens sont, peut-être, épuisés par l’effort véritablement démesuré qu’ils viennent de fournir. L’archipel n’a, peut-être plus de navires pour assurer ses trafics vers l’Amérique lointaine. Séville, mieux armée, n’est peut-être plus aussi disposée à abandonner à son auxiliaire concurrent, des broutilles qui lui paraissent, sans doute, désormais moins négligeables. Quant à Cádiz, 3 navires, 600 toneladas, sa part modeste est la même, en 1562, qu’elle ne l’était en 1561.
2. Mouvements dominants
21a. Le mouvement canarien, — On ne saurait trop souligner le rôle moteur insolite et éphémère des Canaries, au cours de la phase ascendante de ce premier cycle primaire d’expansion. Si l’on compare le rythme d’accroissement volumétrique de Séville et celui du complexe portuaire andalou-canarien, on notera un tracé avec concavité vers le bas, pour Séville, d’une part, avec concavité vers le haut pour les Canaries, d’autre part. Cette distorsion est bien la preuve du rôle des Canaries dont l’expansion précède et commande, manifestement, la dynamique du complexe portuaire dans son ensemble.
22b. Prédominance du trafic nouvel-espagnol. — Le rôle respectif des deux grandes directions continentales motrices, dans cette dynamique, offre aussi un intérêt particulier — les îles, désormais, d’importance minime 14, se comportent seulement, ici, comme un volant que l’on peut, pour un temps, laisser de côté. 1559 et 1560 sont encore des années à direction Terre Ferme prédominante — donc, des années de type ancien ou récessif — serait-on tenté d’écrire15, dans la mesure où une des caractéristiques majeures de la récession avait été l’absence relative de la Nouvelle Espagne dans la ventilation entre directions fondamentales. La mutation du mouvement Allers-Nouvelle Espagne se situe à la hauteur de l’année 1561, entre 1560 et 1561. En 1559 et 1560, le volume des départs en direction de la Nouvelle Espagne est, par rapport aux départs vers la Terre Ferme, dans la proportion de 1 à 2 ; en 1561 et 1562, les départs en direction de la Nouvelle Espagne arrivent, pratiquement, à égalité avec la Terre Ferme.
23Voilà un fait qui, après d’autres, inciterait à ne placer le vrai départ de la reprise qu’entre 1560 et 1561 : n’est-ce pas alors que l’on passe, brusquement, du niveau moyen inférieur du creux des années 1558, 1559, 1560, de 57 navires 1/3 jaugeant 8 966 toneladas 2/3 à 91 navires et 12 380 toneladas, soit un coefficient notable, digne d’un démarrage presque spectaculaire, de 38 % ? Un examen, par contre, des approches du mouvement — valeur — 16 cette autre série essentielle, conseille de procéder avec plus de réserve et de ne pas dénier toute signification au passage de l’année 1559 à 1560.
24c. Mouvement en valeur. — Le mouvement-valeur Allers, au cours de ces années n’est représenté que par une seule série annuelle, celle de l’almojarifazgo de Nombre de Dios17. Mais ce n’est là, en vérité, que moindre mal, puisqu’on peut mettre en regard les chiffres du mouvement-volume et que l’on sait très exactement ce que représentent, dans l’ensemble du mouvement, les entrées à Nombre de Dios18. Étant donné, toutefois, que les entrées volumétriques varient très peu19, le mouvement-valeur sera, au cours de ces quatre années, à interpréter, presque intégralement, comme une courbe de la valeur unitaire des marchandises exportées.
25Or, on part — mouvement en valeurs fiscales — de 319 millions20 dans le creux de 1559, venant après les 340 millions de 1558. De ces 319 millions jusqu’aux presque 488 millions de maravedís de 1560, il y a mutation brusque, une mutation qui dépasse légèrement 50 %. Mais la marche en avant se pour suit au delà : même expansion valeur (51,8 %) entre les 488 millions de 1560 et les 738 millions, 7 de 1561, entre ces 738 millions de 1561 et les 932 millions de 1562 l’expansion moindre est de l’ordre encore de 26,3 %. Il y a donc eu, en trois ans, triplement des valeurs mises en cause, un doublement — mais à peine — des volumes.
26Le mouvement-valeur qu’on suit, ici, exclut, pratiquement, — les tables 559 et 58321 le prouvent — les navires canariens. La révolution des valeurs, telle qu’elle ressort d’une mise en parallèle des mouvements-valeur et des mouvements-volume avec l’isthme, n’affecte, apparemment, que les seuls navires sévillans. Elle donne, donc, une certaine consistance à l’hypothèse de la translation fonctionnelle des charges entre Séville et les Canaries.
27Rien, d’autre part, ne permet de douter, que le mouvement valeur de la Nouvelle Espagne, dont on ne possède pas le détail annuel, ne se comporte de façon analogue. Aussi, peut-on raisonnablement présumer sinon proprement observer, de 1559 à 1562, pour le mouvement Allers, l’homogénéité du mouvement volumétrique et du mouvement en valeur, dans la phase d’expansion d’un cycle primaire admirablement dessiné, à une seule différence près, que le mouvement-valeur dessine une trajectoire beaucoup plus étirée sous l’effet d’une transformation particulièrement importante de la nature des exportations en provenance des ports du Guadalquivir.
3. Retours et globaux. Le terme de la fluctuation (1563-1564)
28a. Retours. — Les Retours, néanmoins, comparativement aux Allers, présentent un caractère aberrant. Ils se dénouent brusquement en 1560. De 35 navires, on passe alors, en effet, à 63 unités, de 4 380 toneladas à 11200 toneladas, soit une expansion volumétrique de 156 %. 1561, avec 60 navires et 11430 toneladas, est sensiblement à égalité (expansion volumétrique de 2 %). Le dynamisme du mouvement Retours est donc plus rapide et la fluctuation atteint son sommet un an plus tôt en chiffres absolus, deux ans, plus tôt, même en chiffres relatifs, puisque on est passé, par rapport, à la moyenne, de 49,69 % en 1559 à 116,83 % en 1560, puis 115,7 % en 156122. Cette importance insolite des Retours, par rapport aux Allers, se traduit dans les pourcentages aux globaux23 : 51,16 % en 1560 et 48 % encore en 1561 deux années consécutives d’incontestable anomalie positive des Retours. Mais, observation importante, le retournement a lieu un an plus tôt que pour les Allers, dès 1562. Avec un repli de 30 %, le mouvement Retours tombe à 46 navires, 8 280 toneladas qui ne font plus à peine que 80,265 % de la moyenne mobile de 13 ans — une dépression, toute en longueur, des Retours, commence, en fait, pour quatre ans, jusqu’en 1566.
29On ne saurait interpréter cette importante masse des Retours, comme on le ferait des Allers. En effet, on est ici, manifestement, en présence de Retours inhibés pour des raisons de sécurité. Il ne faut pas, non plus, perdre de vue la date insolite du départ de Beneza et Avilés24, : une bonne partie des Allers de 1560, auront pu, dans ces conditions, rentrer en 1560. Les Retours de 1560 représentent donc le reliquat des Retours insuffisants de la période précédente — de 1559, notamment25, et les départs de 1560 qui fut, en Allers, une année d’expansion. Aussi, une sécurité meilleure — on ne saurait s’en étonner — se sera fait sentir beaucoup plus vite et d’une façon beaucoup plus sensible, sur le mouvement Retours que sur le mouvement Allers, puisque les communications sont toujours plus menacées au retour : les corsaires ont gros intérêt à intercepter les navires, sur le chemin de Castille, quand la valorisation commerciale a été réalisée et que le produit se présente sous la forme du métal précieux, la marchandise de désirabilité maximale, et la route du retour, plus au Nord, est donc plus facilement exposée à un ennemi qui, 90 fois sur 100, est un ennemi du Nord26.
30L’expansion courte, mais brutale, des Retours s’explique, par l’amélioration attendue de la sécurité et parce que le souvenir de l’embargo s’estompe. Elle apure les comptes du passé et, par les disponibilités qu’elle met entre les mains du commerce sévillan, elle est une des causes de l’expansion des Allers. De même que l’arrêt de cette liquidation et le retour à un processus d’accumulation des navires aux Indes peut être une des causes du trou de 1563, en Allers, un an après les Retours déprimés de 1562.
31b. Globaux. — Le mouvement global combine, naturellement, les caractéristiques des Allers et des Retours.
32Départ brutal entre 1559 et 1560, emprunté aux Retours, de 82 à 138 unités, de 12 280 à 21 890 toneladas, soit une expansion de l’ordre de 80 %. Mouvement ascensionnel ralenti entre 1560 et 1561, parce que soutenu par les seuls Allers, de 138 à 151, de 21 890 à 23 810, moins de 10 %. Point culminant, en 1561, mais le décrochage est faible entre 1561 et 1562, moins de 10 %, à nouveau de 151 à 120, de 23 810 à 21960, puisque Allers et Retours, ici, se contrarient, comme le prouvent les pourcentages relatifs des mouvements Allers et Retours aux totaux27. Par rapport à la tendance majeure, la courbe du mouvement se dessine clairement de 62,216 % au fond du trou de 1559, on passe à 105,56 % et 105,82 %, puis la descente se précise à nouveau avec 97,06 %, 86,31 et 86,40 %28, indices, qui correspondent aux 21 960, 20 540 et 21 055 toneladas d’un creux conjoncturel largement ouvert et bien dessiné.
33c. Le terme de la fluctuation 1563-1564). — Mais le terme de la fluctuation est donné, comme c’est normal, par le mouvement Allers. En 1563, la tension, brusquement, s’effondre par un repli extrêmement net de plus de 20 %, de 74 à 62 unités, de 13 680 à 10 810 toneladas, et le creux couvre deux ans, puisque 1564 reste, sensiblement, à la même altitude, avec 63 navires et 11 255 toneladas, (soit, respectivement, pour 1563 et 1564, 79,514 et 81,658 % de la tendance).
34La descente des années 1563 et 1564 est assumée, à l’intérieur du complexe, par Séville, à l’exclusion des Canaries qui forment volant, depuis la pointe éphémère de 1561. 17 navires et 1 360 toneladas en 1562, 20 unités et 1600 toneladas, en 1563, 13 et 1 040 en 156429. Le « rank and file » des naves marchandes sévillanes, défalcation faite des armadas et des canariens, avec 36 et 37 navires, 7 810 et 8 250 toneladas, s’installent à un niveau sensiblement égal au mouvement sévillan des années 1560 et 1562.
35Enfin, — et c’est une indication de prix — la récession des Allers en 1563 et 1564, n’est pas plus imputable à une direction fondamentale qu’à une autre30. L’anéantissement des îles — dans les départs de Séville ; elles sont encore desservies, par contre, en proportions assez fortes, selon toute vraisemblance, par les navires canariens31 — est une constante ; de toute manière, les îles mettent, désormais, en cause des quantités trop faibles pour avoir pu jouer un rôle dans l’affaire. Par contre, Nouvelle Espagne et Terre Ferme (la première presque égalée, désormais, à la seconde) se suivent de très près. Leurs respirations sont synchrones. On ne peut donc imputer rien, à l’une plutôt qu’à l’autre. Elles sont l’une et l’autre responsables d’un creux dont les causes sont à chercher ailleurs.
36Autre constatation du plus grand poids, la chute du mouvement valeur32, parfaitement synchrone, est beaucoup plus accusée que celle du mouvement volumétrique. Elle prouve donc, qu’un triage des marchandises a eu lieu : triage géographique, d’abord. En 1560 et 1561, les Canaries33 ont assumé vraisemblablement les éléments les moins avantageux. En 1562, elles ne jouent plus ce rôle — pour des raisons qui nous échappent partiellement — et le triage continue, mais, de spatial, il devient temporel34, entre 1562 d’une part, qui se réserve ce qui fait poids dans la balance valeur, et 1563-1564 qui évacue ce qui n’aura pas trouvé grâce, auparavant.
ESSAI D’INTERPRÉTATION
37Cette première fluctuation primaire est intimement liée à l’ensemble du cycle de la reprise. Sa motivation profonde est celle du cycle tout entier35. On tentera seulement, ici, de dégager ce qu’il y a de spécifique, au sein de ces quelques années.
1. 1559-1562
38a. La poussée parallèle des trafics et des prix. —. La liaison particulière prix-trafic va s’imposer avec acuité, au cours de cette fluctuation.
391559 était dans un creux : l’indice 77,86, sur la courbe la plus générale des prix-indices composés, à 96, 218 % du trend correspondant. Puis il y a, à nouveau, expansion, faible entre 1559 et 1560, prodigieuse de 1560 à 1561, de 1561 à 1562, surtout. Mais ce qui importe ici, c’est moins la covariation entre les trafics et les indices composés les plus généraux — elle a pourtant son intérêt —, que la covariation magnifique que l’on peut établir, désormais, entre le mouvement et les prix andalous.
40Le décrochage des prix entre 1559, mieux entre 1560 et 156236, sur le mouvement andalou, est le plus important de tous ceux dont l’étude de Hamilton fait état. N’excède-t-il pas 30 % sur deux ans ?
411559 et 1560 sont, à peu de choses près, dans la même position, c’est-à-dire, la dépression, tant sur les indices généraux que sur les seuls indices andalous : l’imperceptible progrès d’une année sur l’autre reste inférieur à la marche progressive générale de la tendance majeure dans la période37.
42Un mouvement des échanges dans l’Atlantique qui anticiperait trop largement la marche des prix et plus particulièrement, celle des prix andalous, supposés moteurs, constituerait une difficulté péniblement réductible dans l’hypothèse admise à la base de cette construction.
43En fait, on a vu combien, malgré les apparences d’un découpage annuel, les signes de reprise en 1560 étaient minces encore. La date des départs, fin janvier38, le total silence des longs mois qui suivent., puisqu’il n’y a, pratiquement, aucun départ du complexe du 29 janvier-6 février 1560 au 27 février39 de l’année suivante, la faible importance relative de Séville...40. Tous ces facteurs incitent à considérer que 1560 participe à un creux dont le mouvement annuel des Allers a été, en moyenne, de 57 navires 2/3 et de 8 966 toneladas 2,341.
44La véritable expansion des mouvements — le mouvement en valeur, notamment, le prouve — ne commence qu’entre 1560 et 1561. En même temps donc que les prix dont la force ascensionnelle devient, alors, prodigieuse. Ainsi, la poussée du mouvement Allers, en 1561 et en 1562, s’explique sous la double action des Retours extrêmement importants de 1560 et de 1561 et du décrochage qui emporte le mouvement des prix sur un palier supérieur, Il commande — la chose n’est pas douteuse — le processus dynamique du trafic au cours des huit ou neuf ans qui suivent. Le point haut atteint par les prix andalous en 1562 (année de pointe cyclique primaire, par ailleurs, du mouvement Allers) ne sera pas égalé avant vingt ans, soit en 1582. On comprend, sans peine, l’élan prodigieux des forces économiques libérées par un tel saut en avant.
45Une pointe aussi aiguë est due, naturellement, pour beaucoup — pas uniquement, bien sûr42 — à un accident météorologique et à une grande cherté des grains. L’hypothèse est confirmée, ici. D’où, peut-être, l’importance des Canaries et la faible proportion, semble-t-il, des grains, huiles et vins d’Andalousie en direction de l’Amérique, au cours de ces années de toute première expansion.
46Une fois de plus, la concordance prix-trafic se trouve confirmée, à la hauteur du secteur qui reste, pour l’Atlantique, le secteur dominant : Séville. Une concordance qui s’est ramassée sur elle-même, abolissant le laps de temps qui sépare, à l’ordinaire, les prix ancitipant les trafics. On pourrait même, se demander, dans quelle mesure 1’impetus, l’onde de choc économique, ne s’est pas déplacé plus dans le sens trafic vers prix, qu’il ne l’aurait fait, dans le sens que l’on considère implicitement comme normal, c’est-à-dire, prix vers trafic.
47b. Indices conjoncturels.
48Fin de l’insécurité et retard à l’expansion(1559). — Un certain nombre d’indices sont assez révélateurs de la conjoncture de cette courte période et tout particulièrement, de cette décisive et précieuse année 1560. Une année de forte tension économique, d’accumulation de potentialités, qui se concrétiseront bientôt..., mais qui ne se concrétisent pas en 1560, vraisemblablement parce que l’hypothèque de l’insécurité n’apparaît pas suffisamment levée. A quoi bon se hâter, puisqu’on se. croit sûr, désormais, de l’avenir ?
49Pour l’heure, toutefois, l’hypothèque d’une insécurité, séquelle d’un conflit, dont les principales causes sont éteintes, n’est pas totalement levée : témoin, ce navire43 qui, ayant cru pouvoir précéder à Saint-Domingue (afin, selon toute vraisemblance, de bénéficier de meilleures conditions de marché) le convoi Beneza-Avilés, se fit piller par quatre corsaires dieppois allant au Brésil. Les tables des pertes44 permettent de suivre, d’ailleurs, ce retour encore incertain, mais inexorable et progressif, à un état de sécurité meilleure : 5,34 % du total du tonnage des navires perdus en 1560, 3,10 % en 1561, 1,68 % en 1562. Que ce frein se relâche et les facteurs, perceptibles déjà en 1560, joueront à plein.
50Les divers signes d’expansion (1560).— La tolérance de Séville à l’égard des Canaries est, incontestablement, un signe d’expansion. Aucune plainte ne se fait jour, alors. Autre signe, plus sûr encore, la prodigieuse demande de mercure à laquelle le Roi ne peut satisfaire45 : le mercure de contrebande vient prendre la relève et entre aux Indes par quantités telles que le mercure officiel, selon la Casa, rencontre, parfois, quelque difficulté à s’écouler. Les nouvelles de l’isthme et du Pérou sont encore un autre facteur favorable. Les navires de 1560 apportent du Pérou des nouvelles 46 qui inciteront, apparemment, aux forts départs de 156247
51Dernier facteur48 qu’on n’hésitera guère à classer dans la catégorie des facteurs favorables : la fraude intense des Retours de l’année 1560. Fraude sur l’argent, dont une bonne partie, au dire même de la Casa de la Contratación, organe responsable en dernier recours, se dérobe. La Casa, prêchant l’induit, s’entremet et justifie, a posteriori, la fraude qui trouve des excuses toutes prêtes dans la confiscation de 1557. Le négoce fuit beaucoup moins au cours des années qui suivent la crise — et c’est ce qu’il faut bien comprendre — l’impôt dont le taux est raisonnable que le risque de confiscation, dont il a subi, deux ans plus tôt, les cruels dommages. La ponction brutale sur la masse économique du négoce, en 1557, a contribué à l’effondrement radical des années 1558 et 1559.
52La fraude, est dans ces conditions, pour un commerce éprouvé par l’impécuniosité de l’État, une solution de moindre mal, une condition presque obligatoire de la reprise. En l’organisant, en la garantissant, en la maintenant aussi, dans des limites raisonnables qui la protègent contre ses propres excès et partant, contre des réactions violentes du Roi, la Casa aide, sans paradoxe, à la reprise. Aider un secteur économique atteint — atteint, entre autres, ici, par la ponction brutale que l’État lui a fait subir par le détournement de ses forces à des fins politiques —, en le faisant bénéficier d’allègements fiscaux — qu’ils soient obtenus par une diminution du taux ou par, ce qui revient au même, en l’occurence, une quasi autorisation de fraude —, voilà bien la politique de la Casa de la Contratación. N’est-ce pas en d’autres termes, user d’une des armes de l’arsenal contra-cyclique familier aux États de notre temps ?
53Les largesses, dont le négoce a bénéficié pour ses Retours de 1560, grâce à la complaisance de la Casa de la Contratacion, auront constitué, avec le brusque démarrage des prix, un élément capital de reprise. Mais il est naturel, que le négoce sévillan ait voulu attendre les résultats de ce test des Retours de l’automne 1560.
54Les divers signes d’expansion (1561). — Et c’est pourquoi, les signes de reprise se multiplient en 1561, malgré les sequelles évidentes d’une insécurité de type ancien, qui n’est pas totalement épuisée49. La course française et barbaresque se signale de ci, de là. Elle crée plus un état de déception et d’irritation qu’elle ne pèse vraiment. Et pourtant, ses incidences sont lourdes, mais, indirectement, plus au niveau des structures que de la conjoncture. Elle oblige le négoce, malgré son peu d’enthousiasme et les plaintes qui percent, de temps à autre, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, à accepter le maintien du lourd tribut indirect du régime des convois. La diminution des pertes50, preuve de son efficacité, preuve du moins, de l’efficacité des convois contre cette forme, d’insécurité ancienne, que sont les courses françaises et barbaresques, contribuera, sans nul doute, à résigner le négoce à son maintien quelque peu paradoxal après le Cateau Cambrésis.
55Le maintien de certains signes de cette insécurité de nature ancienne explique, sans doute — l’exemple, notamment, d’un navire suelto pillé en 1560 — l’expansion aidant, que le négoce sévillan ait pu accepter, sans trop de difficultés apparentes, en 1561, la mesure la plus catégorique sur la route de l’organisation définitive de la navigation en convoi : l’interdiction de naviguer « suelto y sin flota »51. Les conditions favorables à une telle acceptation sont le maintien d’une insécurité latente, maintien de la pression barbaresque, une particulière sensibilité des Portugais à la pression barbaresque, au moment où la contre-offensive venitio-musulmane se développe victorieusement dans l’Océan Indien contre la nouvelle route du poivre, le besoin, au début d’une systématique des convois, qui se cherche encore, de tous les relais des îles, Açores portugaises comprises. Tout cela, en outre, rend compte, sans doute, de cette vague de collaboration luso-espagnole52, dont quelques signes sont particulièrement évidents en 1561, et dont on a vu, ailleurs, quelques-uns des aspects.
56Quoi qu’il en soit, il faut voir en cette collaboration facile un signe d’euphorie propre à l’expansion. Signe d’expansion, aussi, ces énormes besoins de noirs, cette poussée négrière53, qui ouvre grand aux Portugais de larges secteurs de la Carrera. Et quelle meilleure atmosphère que l’atmosphère de cette belle année 1561, en ce début d’un nouveau xvie siècle, où les prix et, avec eux, les profits, montent en flèche, où d’énormes retours donnent au négoce de Séville des facilités presque illimitées, où l’action des ennemis traditionnels semble, grâce à l’organisation efficace des convois, arrivée à ses ultimes soubresauts..., où Séville se décharge, pleine de confiance, sur les Canaries de l’encombrant et du moins rentable, pour n’utiliser le tonnage encore limité, dont elle dispose qu’aux exportations porteuses des plus vastes spéculations !
57Et pourtant, cette première prospérité trop imprévoyante, peut-être, tournera court. Plus vite qu’on ne pouvait s’y attendre.
2. 1562
58a. Signes d’essoufflement.
59Parler d’essoufflement en 1562 a quelque chose de paradoxal. Essoufflement, quand le trafic en Allers, de Séville, plus particulièrement, au sein du complexe portuaire, tant en volume qu’en valeur, atteint quelques points records. Le tout étant porté — à moins qu’il ne la commande — par cette pointe des prix andalous, tels qu’en un siècle et demi ils n’en connaîtront jamais, relativement, du moins, l’équivalent exact... Peut-on parler d’essoufflement, dans ces conditions ? D’autant plus que les signes les plus incontestables d’expansion54 peuvent être relevés..., en dehors même des séries les plus générales : le mercure et les étrangers. Le mercure dont on note les progrès de la demande et dont la Nouvelle Espagne semble maintenant pourvue55. Les étrangers56 que l’on entrevoit, Portugais, en première position... ; on les sent bien présents dans la correspondance de la Casa, en cette année 1562. Un afflux d’étrangers, toutes choses, par ailleurs, étant égales — il va sans dire que la comparaison ne saurait être valable à plusieurs décades de distance — peut être choisi parmi les réactifs de conjoncture haute. Tandis que les mécanismes de la navigation en convois se précisent, témoins, notamment, les avisos dont la présence est, désormais, attestée, avec certitude57
60Le décrochage des retours. — Le volume global des Allers et retours est très légèrement en retrait, par rapport à l’année précédente. Mais ce n’est pas décisif. Plus important, incontestablement, le décrochage des Retours responsables de ce comportement, dont on a vu, ailleurs, l’ampleur. Ce décrochage, en soi, n’est pas surprenant, puisque ces Retours anormalement élevés avaient été, d’abord, des Retours différés. L’équilibre retrouvé, un certain volant de navires s’est constitué aux Indes. D’où, en 1562, à l’intérieur du mouvement global, 42,29 % d’Allers et 57,71 % de Retours, seulement. Par la suite, on retrouve un équilibre normal, soit une proportion de Retours étalés sur trois ans, légèrement supérieure à 40 % en 1563, 1564 et 1565.
61C’est ainsi que chaque réajustement se répercute plusieurs fois, à plusieurs années de distance, avant de s’estomper totalement. Des circonstances particulières58 inhibent sur deux ans les voyages de Retour : un nœud de navires se forme aux Indes, entre 1557 et 1559. 1560 et 1561 liquident ce stock insolite et naturellement, dépassent le point normal d’équilibre. L’équilibre est retrouvé après 1563 qui donne un large excédent d’Allers, puis le mouvement retrouve, entre Allers et Retours, son équilibre normal.
62Mais si la rétention des Retours avait eu, entre 1557 et 1559, un effet dépressif évident sur les Allers, la liquidation du trafic des navires accumulés aux Indes devait avoir à l’opposé une action tonique sur la conjoncture de l’ensemble du trafic. Une étude attentive des courbes conduit à la conviction appuyée sur de très fortes présomptions, qu’il fallait placer à la base de la première fluctuation primaire du cycle de reprise du second xvie siècle, l’action tonique d’une masse anormalement élevée de Retours attendus depuis plusieurs années. Puisque les Retours ont soutenu l’expansion sur deux ans, il était fatal que l’alignement normal des Retours se répercutât l’année suivante, en 1563, sans plus attendre, sur le niveau même des Allers. Les Retours, pour avoir été un facteur quelque peu anormal de hausse, seront, aussi, en 1563, un facteur quelque peu anormal de baisse.
63La rupture des Canaries.— Il est encore un signe qui ne peut manquer d’exprimer ce qu’il y a d’inquiétant dans la situation de 1562 : la brusque rupture des départs canariens. On en ignore les causes exactes et précises, on les devine, tout au plus59. En soi, rien de déterminant. Nombreuses sont, dans la Carrera, les années de conjoncture haute, avec un nombre de départs officiels dérisoire de l’archipel canarien vers l’Amérique. Mais là encore, ce n’est pas tant le niveau en soi qui est significatif, mais son rythme. Or, entre 1561 et 1562, il y a eu débandade du niveau officiel des départs canariens, tout comme il vient d’y avoir débandade des Retours... Même s’il a été voulu et manigancé par le négoce de Séville, le recul des canariens peut être, un an plus tard, pour les timorés, prétexte à hésitations60.
64b. Les prix.
65La conjoncture des prix elle-même, et, plus particulièrement, des prix andalous n’est que partiellement rassurante.
66La pointe de 1562, beaucoup trop brutale, a quelque chose de malsain, à la limite, de déprimant : pour un proche avenir, c’est une pointe de disette..., si on s’en remet aux prix des grains (250 % d’expansion), tels que Hamilton les donne61. Un chemin énorme, pourtant, a été parcouru, depuis les premières décades de la Carrera62, où des pointes, à caractère météorologique marqué, comme celle-ci, donnaient avec les trafics une covariation négative. Que cette pointe-record (absolue jusqu’en 1582 et relative en un siècle et demi), dont l’aspect catastrophe agricole est aussi sensible, soit accompagnée d’une pointe conjoncturelle, même secondaire..., voilà qui fera mesurer, sans équivoque, la route parcourue et la lourde prédominance, désormais des biens « non primaires », dans le négoce nouveau style d’un nouvel Atlantique. S’il en est ainsi, c’est qu’une telle altitude des prix comportait, pour la Carrera, plus d’attraits que de réels handicaps63.
67L’action tonique est, toutefois, moins heureuse que ne serait celle d’un niveau de prix moins élevé, peut-être, mais plus soutenu. Le danger à terme d’une telle situation est, sous l’angle qui nous intéresse, essentiellement psychologique, il réside moins dans un niveau exceptionnel que dans la non possibilité de son maintien intégral. Or, même limité, il est difficile que le réajustement des prix qui suivra ne fasse pas jouer les mécanismes classiques, toujours mis en mouvement par le reflux des prix. La pointe excessive d’expansion de 1562, événement, en soi, plutôt tonique et heureux, du côté de Séville, comporte donc, du fait même de son caractère excessif, certaines limitations. D’une part, le prix excessif et la raréfaction de certaines denrées, surtout, d’autre part, l’impossibilité d’une consolidation intégrale ultérieure des indices. Or, ce qui, dans les prix, importe, comme et, peut-être, plus qu’ailleurs, c’est beaucoup plus le mouvement que le niveau. Pour avoir trop poussé leurs avantages en 1562, les prix andalous devront céder du terrain ultérieurement et ce sera, évidemment, tant pis pour le trafic.
3. 1563-1564
681562 est suivi, on l’a vu, d’une pente d’importance moyenne, modestement creusée, sensible toutefois, sur deux années : 1564 se différenciant, à peine, de 156364.
69a. Les prix. — Plusieurs facteurs explicatifs sont à retenir, ici. L’indépendance des prix andalous, à l’égard des autres séries et des indices composés, est très appréciable. La contre-pente très atténuée, par exemple, sur les prix composés, est prodigieusement claire sur la seule série andalouse : de l’indice 104,42 (en 1562), on retombe à 88,55 (en 1563) et 85,83 (en 1564) 65. Vus avec recul, ces indices constituent, pourtant, la consolidation d’une victoire antérieure, la consolidation à mi-pente, au niveau de 1561. Mais, puisque, selon toute vraisemblance, les prix sur les marchés de Nouvelle Espagne et de Terre Ferme semblent être assez étroitement calqués sur ceux d’Espagne et plus particulièrement d’Andalousie66, on conçoit sans peine l’effet d’un tel décrochement, de l’ordre de 15 à 20 %. Le négoce peut craindre de réaliser, à perte, certaines opérations marginales..., d’où la tentation d’attendre : en larguant, précisément, ces opérations marginales. Et, à ce propos, 1565 comblera partiellement ces espoirs de reprise. A cette perspective peu engageante s’ajoutent les faibles réalisations impliquées par les Retours en retrait de 1562.
70b. Les événements politico-militaires.
71Peut-être n’y aurait-il eu qu’un simple réajustement dans l’expansion, sans l’action de facteurs quelque peu externes au commerce. Par ordre d’importance croissante, deux faits, au moins, les événements de Floride et l’apparition de l’Anglais.
72L’expédition de Floride. — La Carrera supporte le poids de l’expédition de Floride. On se plaint, paradoxalement, en 1564, du manque de navires. 1564 est un creux conjoncturel relatif au cours duquel il semble, comme en période d’expansion, y avoir sur le tonnage, excès de la demande par rapport à l’offre. Cette situation paradoxale s’explique par les énormes prélèvements (douze gros navires) de la grande expédition militaire, qui part au début de 1565 67, mais dont le poids a pesé sur 1564. Ces navires n’ont pas été comptés, avec raison, dans le mouvement de l’année, tandis que l’expédition de ravitaillement de Sancho de Archiniega, en raison de ce qu’elle peut avoir de marginalement commercial, a été prise en compte, par contre, en 1566.
73Hors négoce, certes, ces navires de 1565, prélevés sur les navires disponibles en 1564, ils sont sans signification dans le commerce d’Amérique, mais n’en sortent pas moins du complexe andalou. Ils auront contribué à créer un fret cher, à un moment où, pour repartir, le négoce avait besoin et aurait pu, normalement, escompter un fret bon marché. Le poids des expéditions de Floride semble avoir pesé plus particulièrement sur Séville en 1564. Il n’y a, d’ailleurs, pour autant, aucune contradiction, entre cette affirmation valable pour une conjoncture à souffle très court et l’affirmation précédente qui tendait à faire des événements de Floride, envisagés globalement, un élément moteur de la reprise conjoncturelle à plus long terme. L’expansion espagnole en Floride et tout le long des côtes du golfe du Mexique peut être, elle l’est, un événement — envisagé globalement et comme résultante — entrant dans le complexe causal d’une reprise de longue durée..., tandis qu’un épisode isolé, un effort isolé de cette œuvre, peut, au contraire, avoir, à brève échéance, à un moment donné et sur un secteur donné, des effets dépressifs.
74L’apparition de l’Anglais. — Le second facteur est plus important encore. C’est entre 1562 et 1563 que l’on peut fixer la date de naissance certaine d’une nouvelle composante majeure de la Carrera : la pression anglaise. La course anglaise, bien sûr, ne date pas, pour Séville, du départ, en 1562, de John Hawkins en direction des mers américaines. Mais, tout au long du premier seizième siècle, elle n’avait jamais été autre chose, vue d’Espagne, qu’une ramification de la course française. On l’en distinguait mal, d’ailleurs. En plus du Français des « républiques autonomes de l’Ouest » et du Barbaresque latent, il y aura, désormais, l’Anglais.
75Il ne faudrait pas, d’ailleurs, grossir ce premier épisode... et les premières manifestations de la puissance anglaise, vues sous l’angle de ses prétendues victimes, sont beaucoup moins impressionnantes que l’historiographie anglo-saxonne l’aura toujours prétendu. On ne peut, certes, lui attribuer, intégralement, la grosse recrudescence des pertes sensibles en 156368 : 18,45 % en 1563 contre 1,68 % en 1562 et 13,48 % encore en 1564. Un épisode d’une telle ampleur, joint aux autres difficultés déjà mentionnées, suffit à rendre compte du creux secondaire de ces deux ans. Il fallait même que le climat d’expansion fût assez puissant pour que, nonobstant une telle conjonction, le creux de 1563-1564, simple respiration au milieu d’une phase cyclique longue d’expansion, ne fût plus sensible qu’il ne l’est en réalité.
II — LA SECONDE FLUCTUATION PRIMAIRE (1564-1571)
76Depuis le creux très relatif centré sur les années 1563 et 1564 jusqu’en 1571, les principales séries représentatives des divers aspects du mouvement n’ont plus cette fermeté de dessin observée, lors de la première partie du cycle, de 1559 à 1563. Il n’est pas douteux, toutefois, qu’on soit en présence d’une seule et même fluctuation, mais il faut un effort minimum d’analyse pour le faire apparaître.
RÉALITÉ DE LA FLUCTUATION
1. Une atmosphère nouvelle
77Dans quelle mesure est-on autorisé à considérer les huit ans qui vont du creux relatif de 1563 au creux plus sérieux de 1571, comme ayant assez d’unité pour constituer une même fluctuation primaire ? Les raisons ne manquent pas.
78a. Originalité de la fluctuation par rapport à la fluctuation précédente. — Prises globalement, ces huit années, dans l’unité d’une fluctuation plus vaste, ont une personnalité qui les oppose facilement à la période précédente. La première fluctuation est une fluctuation de croissance, la seconde, de consolidation. De 1555 à 1559, le mouvement global annuel moyen s’élevait à 111 unités et 18 798 toneladas, de 1560 à 1563, à 131 1 2 unités et 22 050 toneladas, de 1564 à 1571, à 134,4 unités et 26 654,5 toneladas. Autre caractéristique : la ventilation entre les principales articulations fondamentales du trafic : l’égalisation des parts respectives de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme est chose faite. On est parti, entre 1556 et 1559, du rapport un à deux, entre la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme, 1560-1563 accusait en Allers, en tonnage, le rapport 41,2 % et 52,2 %, 1564-1571 donne désormais 46,4 % et 49,2 %, tandis que l’élimination des Antilles s’est encore accentuée : 4,4 % seulement de 1564 à 1571 contre 6,6 % de 1560 à 1563.
79b. Mutation du tonnage unitaire. — Cette période est, par contre, celle d’une mutation importante du tonnage unitaire. De 1555-1559 à 1560-1563, le tonnage unitaire des navires utilisés dans la Carrera n’a pas bougé : en Allers et retours, on est passé de 170,9 à 167,6 toneladas. En fait, loin d’y avoir croissance, il y avait eu plutôt tassement ; si on établit la comparaison sur les seuls Allers, on passait d’un tonnage unitaire moyen de 177 à 157,5 toneladas69. Cette situation était due, en partie, à l’introduction dans nos calculs d’une masse beaucoup plus considérable de navires canariens très légers.
80Mais, entre 1560-1563 et 1564-1571, la modification est radicale : de 167,9 toneladas en Allers et retours, on passe à 197,9 toneladas (compte non tenu, pourtant, de toute pondération d’unité, qui tendrait encore à accentuer l’écart). Cette situation doit être portée à l’actif de l’organisation définitive de la navigation en convois, de l’élimination à peu près totale des Antilles des préoccupations du moment, d’une puissante sélection au détriment des petits navires. Cette sélection s’effectue par l’al traves, à telle enseigne que l’ampleur prise par la pratique suscitera, un moment, les craintes du Consejo, voire même de la Casa de la Contratación 70.
81Outre le témoignage non suspect de la Casa de la Contratación, les séries statistiques, elles-mêmes, donnent la preuve de cette mutation par l’élimination progressive des petits navires qui s’en vont mourir dans les chantiers de démolition des Indes, après avoir servi au cabotage local qui préfère, en raison des hauts fonds, les petits navires aux gros. Elles donnent cette preuve, par la disparité du tonnage moyen en Allers et en Retours, de 1564 à 1571 : 188,1 toneladas en Allers, 211 toneladas en Retours. Cette disparité ne peut être imputée aux seules erreurs possibles que causerait le difficile repérage, au Retour, des canariens. Il y a, bien là, une disparité systématique — partant, chargée de signification.
82Enfin, signe absolument irréfutable de l’augmentation du tonnage unitaire des navires au cours de ces années..., les difficultés croissantes rencontrées par les flottes à l’entrée de l’estuaire, à la barre du Guadalquivir. Peut-être y a-t-il, en outre, des fluctuations climatiques qu’il n’est, malheureusement, pas possible d’apprécier ? On peut suivre ces difficultés à travers le texte des notes, aux tableaux du tome III. Désormais, on franchit la barre par petits paquets71. Elle devient, à un rythme qui est un peu mais pas uniquement celui de la croissance du tonnage unitaire, de plus en plus dangereuse ; le tribut que la navigation doit payer à son franchissement le prouve 72. Une augmentation considérable du tirant d’eau des navires — afin de les rendre plus aptes à la bouline — vient conjuguer son action à celle de l’augmentation du tonnage.
83c. Les convois. L’Anglais. — Le fonctionnement, depuis 1564, sous la forme définitive des convois desservant, à l’Aller, l’un, la Terre Ferme, l’autre, la Nouvelle Espagne, et l’incidence contre eux des expéditions anglaises de Hawkins et de Drake expliquent — et c’est en cela, aussi, que la seconde fluctuation s’oppose à la première — les apparentes vibrations irrationnelles qui donnent aux diverses expressions du mouvement cet aspect en dents de scie qui prévaut, souvent, en Retours, plus qu’en Allers et en Allers, plus qu’en Allers et retours. Et c’est pourquoi il est tellement plus difficile de suivre la fluctuation, lors de la deuxième partie du cycle, qu’il ne l’était dans la première.
84Désormais, la Carrera devra compter, enfin, avec un ennemi d’un nouveau type, apparu pour la première fois avec Hawkins, à la charnière des deux fluctuations. primaires, l’Anglais. Et cela, aussi, contribue à modifier l’atmosphère entre 1560-1563 et 1564-1571.
85En 1564, tout ce qui faisait transition encore avec le premier xvie siècle est tranché ; le nouveau xvie siècle est là.
2. Contours
86Quelles que soient les hésitations que l’on puisse avoir sur la marche générale de la fluctuation, on ne peut en avoir sur les termes qui l’encadrent : 1563-1564, d’une part, 1569-1571, d’autre part.
87a. Allers. — On a déjà entrevu le creux qui se place à la charnière des deux périodes. En Allers, aucune hésitation n’est possible : 62 et 63 navires, 10 810 et 11 255 toneladas sont bien encadrés entre les 74 navires et 13 680 toneladas de 1562 et les 100 navires et 19 480 toneladas de 1565. Le creux est même plus réel que ne le laisserait apparaître ce simple découpage annuel, étant donné le caractère tardif des départs de 1565 (l’énorme convoi de Terre Ferme ne part qu’en décembre73 et il groupe plus des trois cinquièmes du mouvement annuel). Le creux de 1566 disparaît donc, pratiquement, épaulé par le mouvement des deux années pointes de 1565 et 1567. Ce qu’il faut donc opposer à un niveau Allers de 62 à 63 navires et de 11 000 toneladas, environ, lors des années 1563-1564, c’est un niveau sur trois ans (1565-1566-1567) de 86 à 87 navires et de 17 150 toneladas.
88A l’autre extrémité, en Allers, il semble injuste également de faire porter sur 1571, seulement, la responsabilité du creux final, car les départs de 1570 sont, eux aussi, des départs tardifs. Ou bien, on envisage, donc, l’existence d’une petite fluctuation autonome et légèrement déprimée, accrochée sur le flanc d’une fluctuation centrale qui va de 1563 à 1568 et constitue une fluctuation satellite de 1568 à 1571, ou bien, par rapport au sommet du mouvement Allers qui va de 1565 à 1567, la période 1567 à 1571 constitue une sorte de plateau descendant de 81 navires en moyenne et 14 767 toneladas. En Allers, l’allure générale de la fluctuation est donnée par une clef de voûte de 17 150 toneladas annuelles sur trois ans, encadrée par un creux de deux ans de 1563 et 1564, de 11000 toneladas annuelles et un creux moindre de quatre ans de 14 767 toneladas annuelles, qui couvre l’ensemble des années 1568, 1569, 1570 et 1571. Le second plateau de la balance est plus élevé que le premier, situation normale, en phase longue d’expansion.
89b. Retours. — Sur les mouvements Retours et Allers et retours, même présence de deux zones déprimées, mais de chronologie différente, une dépression de quatre ans, de 1562 à 1565, dont le niveau moyen est 53 1/4 unités et 9 257 ½ toneladas, une zone terminale, de 1569 à 1570, dont le niveau annuel moyen est de 44 1/2 unités et un peu plus de 10 000 toneladas (10 164 toneladas 1/2), ou si on veut, par raison d’homogénéité, l’étendre sur trois ans de 1569 à 1571, 46 unités 2/3 et 10 982 toneladas. Ces chiffres encadrent une partie haute (1566-1568) qui correspond, avec un décalage normal d’un an, à la partie haute des Allers (1565-1567), avec le même coup de scie médian, en 1566 sur les Allers, en 1567 sur les Retours. Elle se définit par des moyennes annuelles de 59 1/3 navires et 13 189 toneladas.
90Élimination faite, donc, des à-coups dans le rythme des convois inhérents à l’interférence sur le mouvement des accidents causés par la mer et la présence de l’Anglais, le mouvement des Retours se présente comme une masse centrale de trois ans (1566-1568), constituée par une moyenne annuelle de 59 1/3 navires et 13 180 toneladas, épaulée par une première zone basse de quatre ans (moyennes annuelles de 53 unités 1/4 et 9 257 toneladas 1/2), de 1562 à 1565, et par une seconde déprimée de 1569 à 1570, ou de 1569 à 1571, respectivement définies, en unités et en toneladas, par les niveaux annuels moyens de 44 1/2 navires de 1569 à 1570 ou 46 2/3 de 1569 à 1571 ; 10 164 toneladas 1/2 ou 10 982. L’analogie est parfaite, on retrouve les deux plateaux bas inégalement situés à des altitudes différentes, le second plus élevé que le premier, comme il se doit d’être au cours d’une phase longue d’expansion.
91c. Globaux. — En Allers et retours, on bénéficiera, a fortiori, d’une situation analogue. Les points bas vont de 1563 à 1564, d’une part (moyennes annuelles : 121 unités 1/2 et 20 797 ½ toneladas), de 1568 à 1571, d’autre part (moyennes annuelles : 131,5 unités et 26 703 ¾ toneladas). On notera, comme précédemment, la dissymétrie existant entre les deux plateaux de la balance. Ils encadrent le point haut, au centre, des années 1565,1566 et 1567 (moyennes annuelles de 142 1/3 unités et 28 455 toneladas 1/3). L’addition des Allers et des Retours efface certaines aspérités, telle, par exemple, l’accident médian de 1566 en Allers et de 1567 en Retours. Enfin, les bribes qu’on a pu recueillir d’un mouvement valeur74 ne contredisent pas, mais calquent, au contraire, pour les tronçons connus, la leçon tirée des expressions volumétriques du mouvement.
92La réalité d’une seconde fluctuation vraie, de 1563 à 1571, ne saurait faire de doute, il suffit, désormais, d’en étudier, successivement, les principales articulations.
LE CREUX INITIAL (1563-1564)
1. Mouvement
93a. Retours. — La demi-dépression médiane commence, on s’en souvient, en 1562, sur le mouvement Retours. Elle est, donc, essentiellement imputable à l’écoulement, après le rétablissement d’une sécurité relative, du bouchon de navires qui s’était accumulé aux Indes. Le stock écoulé, le niveau des Retours s’est brusquement dégonflé.
94Le décrochage entre 1561 et 1562 est de l’ordre de 30 %. Le creux se prolonge, quatre années d’affilée, jusqu’en 1565. Entre 1565 et 1566, par contre, correspondant exactement au ressaut des Allers entre 1564 et 1565, une brusque expansion de 75 % marque le terme de cette dépression médiane. Le fond de la dépression n’est pas plat, mais bombé : 1562 et 1565 forment deux creux relatifs, avec 46 et 49 navires, 8 280 et 9 220 toneladas entre les niveaux plus hauts 1563 et 1564. Ces dernières années, avec 55 et 63 navires, 9 730 et 9 800 toneladas, se tiennent à 15 % au-dessus du point de 1562, à mi-chemin entre les points de 1560-1561 et le creux de 1562.
95Ces quatre années sont, dans l’ensemble, des années de Retours faibles, comparativement à l’ensemble du mouvement, ou, si on préfère, des années d’anomalie négative des Retours, 1562 et 1565, surtout75, avec 37,71 et 32,13 % seulement de l’indice correspondant du trend... ; 1563 et 1564, par contre, sont mieux équilibrées, les Allers fléchissent, tandis que les Retours s’élèvent, avec 47,37 %, jusqu’à former un commencement d’anomalie positive des Retours. Quoiqu’il en soit, le pourcentage des Retours à l’ensemble est faible, au cours de ces années, comparativement aux moyennes des décades du demi-seizième siècle, 40 % seulement. La fluctuation est donc préparée par une accumulation de navires aux Indes, suivant en cela un mécanisme propre à l’expansion ou mieux, au début de l’expansion. Cette importance des Retours, au cours de ces années, peut être portée également à l’actif d’une rechute d’insécurité76, consécutive à la présence aux Indes, de Hawkins et des Français au Brésil et en Floride. Elle peut être portée, aussi, à l’actif des exigences des expéditions de Floride. Bon nombre de navires allant aux Indes sont, au cours de ces années, happés par les besoins du ravitaillement et de l’approvisionnement des expéditions de Floride. La proportion assez faible des Retours de Nouvelle Espagne constitue même, peut-être, une présomption favorable en faveur de cette hypothèse, les navires allant à la Vera Cruz sont plus vraisemblablement saisis dans une aventure soutenue à partir de la Nouvelle Espagne.
96Du creux des Retours, on passe d’autant plus facilement au creux des Allers que l’un anticipe et engendre, assez vraisemblablement, l’autre.
97b. Allers. — Beaucoup plus limité dans le temps, puisqu’il se borne aux deux années 1563 et 1564, le creux du mouvement Allers est, aussi, plus profond. En 1563 et en 1564, le volume de ce qui va aux Indes n’excède pas, sensiblement, ce qui en vient. En soi, rien que de très normal. Le mouvement Allers n’est-il pas directement influencé par la syncope des prix ? Les deux dépressions, d’ailleurs, s’épaulent et se prolongent. Le creux des Retours est, en partie, responsable, sans doute, de l’amplitude de l’accident sur les Allers ; mais le creux des Allers, dans la mesure même où il a été aggravé par le fléchissement des Retours, commande, à son tour, très certainement, le prolongement du creux des Retours. Le faible volume des Retours de 1565, par exemple, résulte, d’une manière presque évidente, de l’action cumulative de l’insuffisance des Allers de 1563 et de 1564. A tel de point que, à un an juste d’intervalle, l’expansion des Allers de 1565 se retrouve, très exactement, sur les Retours de 1566.
2. Un signe de conjoncture : le conflit Casa-Menéndez (1563)
98Que ces années soient des années de difficultés, le conflit, qui oppose spectaculairement, en 1563, les organes de l’autorité royale, au premier rang desquels semble se placer, pour une fois, la Casa de la Contrataciόn, à la puissante tribu des Menéndez, le prouve.
99a. Renversement de la conjoncture. — Il ne s’agit pas, ici, d’analyser les raisons profondes d’un conflit77 qui vient s’inscrire dans les structures mêmes de la Carrera. Sa localisation dans le temps importe. Or, elle se situe en 1563, entendez, dans le creux du mouvement, à la charnière des deux grandes fluctuations primaires du cycle. Ce conflit a été résumé ailleurs78, on n’en retiendra, pour l’heure, qu’un seul aspect. Il découle de l’hivernage de la flotte de Terre Ferme en 1562-1563. Les marchands auraient versé de l’argent à Bartolomé Menéndez, pour le décider en faveur de cet hivernage, car les ventes — et c’est ce qui compte — ne se sont pas faites au prix escompté et l’hivernage — compensation obtenue, vraisemblablement, par l’achat du général79 — est supposé permettre l’écoulement échelonné des invendus.
100Il importe peu que la Casa se fasse pour une fois, dans cette affaire, défenseur de l’efficacité du système des convois. Il importe, par contre, de voir associer un hivernage, donc un ralentissement du rythme de circulation des navires, avec une conjoncture défavorable, d’observer le mécanisme d’un renversement de conjoncture et les exportations de 1562 en direction de la Terre Ferme80 auront excédé les possibilités d’absorption du marché, au taux escompté. La prévision économique du négoce sévillan se sera trouvée, pour une fois, prise en fraude..., pour avoir extrapolé des prix, anormalement hauts de 1562, une présomption de comportement identique des prix en Terre Ferme. Ce type de distorsion assez exceptionnelle se sera, peut-être, produite, pour deux raisons, parce que la hausse andalouse de 1562, liée, manifestement, à des conditions météorologiques particulières, était une hausse anormale et malsaine, parce que l’effort maximum avait porté sur la Terre Ferme alors que l’impetus venait manifestement d’une Nouvelle Espagne transformée en profondeur par la révolution de l’amalgame.
101On voit, ainsi, par la bande se préciser les mécanismes des événements conjoncturaux de 1563. Une surestimation des possibilités du marché de la Terre Ferme en 1562, année d’expansion cyclique maxima des prix andalous, engorge le marché, aux Indes, plus précisément, à l’isthme... et, engorgeant le marché, paralyse les Retours (il n’y a pas en 1562, pratiquement, de retours de Terre Ferme81. L’insuffisance des Retours de 1562 (elle peut s’expliquer aussi, par l’excès des Retours des deux années précédentes), les mauvaises nouvelles du marché de Terre Ferme82 paralysèrent les départs de 1563 et 1564, que le tassement inévitable des prix métropolitains, consécutif aux folies de l’année précédente ne risque pas d’encourager.
102b. Le conflit. — C’est dans cette atmosphère que se situe le premier acte du grand conflit Casa-Menéndez.
103Il n’est pas indifférent que le conflit ait éclaté lors d’une crise. Elle a — comme toutes les crises — l’énorme avantage de révéler les antagonismes masqués en temps d’euphorie. Les Menéndez semblent solidaires, ici, des groupes marchands engagés, en 1562, dans la trop ambitieuse opération de Terre Ferme. Ils seraient complices, en quelque sorte, très vraisemblablement, parce qu’ils y participent, d’une opération malthusienne, un peu du type de celles auxquelles on aura souvent recours, plus tard. Les cargadores n’ont manifestement pas voulu liquider à perte..., ils font traîner, dans l’espoir d’une remontée des cours. Les Menéndez ont, sans doute, tout simplement des intérêts engagés dans l’opération de Tannée. Gros armateurs, ils sont peu pressés, évidemment, de revenir rapidement, puisque 1563 et 1564 s’avéreront peu favorables pour l’armement et qu’on risque d’essuyer, à Séville, les grosses exigences de la Floride83. Rester aux Indes peut être, à courte échelle, une opération avantageuse. Elle permet de tenir la dragée haute aux marchands peruleros venus de Lima à l’isthme, pour une fois, en position passagère de force, elle permet à l’armement d’atténuer un moment difficile, d’alléger, peut-être, le tribut que l’opération politico-militaire de Floride risque de lui coûter.
104Et les officiers de la Casa, en l’occurrence, cherchent une mauvaise querelle, sous un beau prétexte, à une famille de puissance quasi féodale... Mais sans grand succès à long terme. Ils défendent, peut-être, d’autres intérêts marchands prêts à s’engager en Nouvelle Espagne, pourvu qu’il y ait assez de tonnage disponible à bon compte. Ils songent, peut-être, plus simplement, à la commodité de leur travail...
105Le conflit Menéndez-Casa de 1563 est le type même du conflit potentiel, d’un antagonisme latent qui éclate à une charnière de la conjoncture. C’est pourquoi, il fallait l’évoquer, à propos de ces années tendues de la jointure fragile de deux grandes fluctuations de base du cycle de la reprise.
3. La crise de 1564
106La crise de 1563 se prolonge en 156484. Médiocrement creusée, comme le prouvent les pourcentages aux trends des différents mouvements — elle s’étale en longueur plus qu’en épaisseur, à moins de 14 % des moyennes mobiles85.
107a. Prix andalous et prix aux Indes. — Rien dans les prix andalous ne pouvait encourager à la reprise, puisque l’indice andalou86 de 1564, loin de donner quelques signes d’espoir, recule sensiblement, par rapport à l’indice de l’année précédente : 85,83 au lieu de 88,55 et après les 104,42 de 1562.
108Les prix ne sont pas, toutefois, seuls en cause. Une série de mauvaises nouvelles convergent, cette année, en direction du Guadalquivir. On est parfaitement à même d’apprécier, désormais, par ce biais, l’effondrement des cours sur le marché de l’isthme, à la fin de 1562 ; l’action dépressive de l’incident ne peut que se faire sentir au-delà de 1563.
109b. Les pertes. — L’insécurité a été un facteur tout aussi décisif. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter aux différents calculs des pertes87. En Allers, 10,63 % en 1563, en Retours, 27,13 % en 1563 et 28,97 % en 1564, en Allers et retours, respectivement 18,45 % et 13,48 %. Toute une conjonction de facteurs en sont responsables, le temps, l’ennemi, la course, les difficultés économiques. Si les pertes sont lourdes, l’Anglais en porte la grosse responsabilité et, au-delà même de ce qu’on est en droit de lui attribuer directement. La présence de l’ennemi, par exemple, en gênant la circulation normale des convois, les expose à des avaries, parce qu’elle les déroute et parce qu’elle les retarde. Et, sur ce point, on l’a vu, la conjoncture économique agit de même en retardant et condamnant à l’hivernage... n’a-t-elle pas la responsabilité de l’hivernage de 1562-1563, dont la Casa fit durement grief à la redoutable gens des Menéndez ? Les Retours de 156388, que ce soit le fait de l’ennemi ou d’une conjoncture défavorable, ont été désorganisés, retardés, anormalement situés ; la lourdeur des pertes au Retour en est un peu la conséquence89.
110Il s’ensuit, donc, un perpétuel rebondissement des phénomènes pris dans une chaîne sans fin : la lourdeur des pertes est, en partie, le fruit d’une conjoncture, un moment, difficile ; ces pertes contribuent, à leur tour, à gêner la reprise. On a indirectement la preuve de cet enchaînement et de ces contradictions dans la correspondance de la Casa de la Contratación 90. Elle révèle, en effet, en dépit de la leçon des chiffres, des indices non équivoques de dynamisme, des indices qui montrent bien qu’il n’y a aucun ralentissement important de longue durée du mordant du trafic. L’Espagne, par exemple, ne peut faire face aux besoins des Indes, c’est le cas du mercure91, dont Séville ne parvient pas à couvrir la demande pour les mines mexicaines.
111c. Les obstacles de la reprise : insuffisance du tonnage et cherté du fret. — Cette année, enfin, présente un caractère curieux, cumulant, en phase A, un ralentissement conjoncturel et des signes non ambigus d’insuffisance de l’armement face aux besoins du négoce. A plusieurs reprises, la Casa, dans sa correspondance, se fait l’écho des griefs des marchands qui se plaignent de manquer de navires. On manque de navires, le fret est élevé et la lourdeur des pertes, l’expédition de Floride, les besoins politiques et militaires fournissent la réponse. Et l’expulsion des Français de la péninsule, si elle a été une opération nécessaire et rentable à plus ou moins brève échéance, — ce n’est pas douteux — s’est soldée aussi, dans l’immédiat, pour la Carrera, par un assez lourd passif.
112Mais on comprend mieux le caractère propre de cette curieuse crise étalée : la reprise aura tardé à se manifester, entre autres facteurs, parce que le négoce n’aura pas rencontré, ce qui lui favorise d’ordinaire la tâche, au cours de la dépression, ce fléchissement des cours du fret, qui est un élément appréciable de la relance.
113Différée, la relance économique ne s’en produira pas moins,...avec une force d’autant plus accrue qu’elle aura été retardée davantage.
L’EXPANSION 1565-1567-1568
114C’est entre 1564 et 1565 que l’on passe résolument de la dépression momentanée à une expansion bien accusée.
1. Le décrochage
1151565 est, pourtant encore, de conjoncture quelque peu hésitante. En fait, le véritable renversement conjoncturel ne se place pas avant la fin de l’année. En effet, l’énorme convoi de Cristόbal de Eraso et Pedro de Gamboa qui constitue l’essentiel de l’effort de l’année, beaucoup plus de la moitié, ne part, en définitive, de Cádiz que le 2 décembre92. On peut donc estimer que la dépression se poursuit pendant tout le premier semestre de l’année et que l’expansion ne commence, vraiment, qu’avec le second semestre. Un fait le prouve. Les Retours ne témoignent encore, en 1565, d’aucune velléité de reprise. Loin de là. Ils marquent un fléchissement sensible de 63 à 49 navires, de 9 800 à 9 220 toneladas (de 7 350 à 6 915 tonneaux) et traduisent le retard cumulé des années 1563 et 1564, en Allers.
116a. Brusque expansion durant le second semestre 1565.— Sur le mouvement volumétrique Allers, par contre, l’expansion est claire, par rapport à la moyenne représentative de la tendance, on passe de 81,658 % à 137,661 de 63 à 100 navires, de 11 255 à 19 480 toneladas (8 4411/2 à 14 610 tonneaux). L’expansion vue sous cet angle est de près de 80 %. Mais si on plaçait l’armada de Floride à sa véritable place, c’est-à-dire en 1565, le dénivellement en serait considérablement accru, passant de 52 à 111 navires, de 9 890 toneladas à 20 845 toneladas, soit une expansion de près de 115 %.
117Mais les résultats du découpage annuel font un peu illusion : la plus grosse partie des départs de 1565 se placent en décembre de cette année, la bosse de 1565 et le creux de 1566 sont artificiels. En réalité, la conjoncture haute se place à partir de la mi-année 1565 et dure à peu près sans opposition jusqu’à la fin de 1568. Un fait permet de bien situer, quand même, l’ampleur du phénomène : la poussée presque parallèle des Canaries93. D’un niveau moyen de 17 départs pendant les trois ans précédents, le mouvement canarien passe brusquement à 34 navires, soit 2 720 toneladas et plus spécialement, de 13 unités (1 040 toneladas) en 1564 à 34 unités (2 720 toneladas) en 1565.
118Mais c’est surtout sur les départs des navires marchands de Séville (ceux dont la densité et dont la-signification économique est la plus valable et la plus forte) qu’il faut lire le progrès et le saut en avant de 37 à 66 navires, de 8 250 à 16 760 toneladas. De même que la débandade de 1563 est, en partie imputable à un accident dont la Terre Ferme94 avait été le théâtre, de même que la poussée insolite des Allers de 1562 lui était imputable, c’est encore la Terre Ferme qui est motrice de la brusque montée de 156595. Il est vrai que cette masse énorme vaut pour deux ans (il n’y aura pas de départ en flotte pour la Terre Ferme en 1566). La Terre Ferme semble être responsable de l’expansion, puisque, malgré le creux de 1566, le volume des Allers connus en Terre Ferme au cours des trois ans de l’expansion de 1565 à 1567 s’élève à 22 620 toneladas contre 19 496 toneladas, seulement, dans le même temps, pour la Nouvelle Espagne. La Terre Ferme, à nouveau, paraît donner le rythme, tandis que la Nouvelle Espagne, dont la prospérité croissante st ferme et sans histoire, constitue la toile de fond et le régulateur.
119b. Le mouvement-valeur. — On trouve le même ressaut à l’expansion, dans le mouvement-valeur96 : aux 7 090 toneladas de 1562 correspondaient es 932 376 936,6 maravedís valeur fiscale, à l’entrée de Nombre de Dios, d’après l’almojarifazgo. Puis, c’est la chute, près de deux fois plus profonde en valeur qu’en volume. De 7 090 toneladas, on passe à 4 150 et à 4 320 toneladas et à des valeurs présumées de 254 099 903,2 et 316 409 811,5 maravedís seulement. L’effort disproportionné correspondant aux 932 millions a contribué — il ne faut pas l’oublier — à déclencher l’accident de 1563. On comprend, dans ces conditions, la prudence des années suivantes. Semblable distorsion traduit très certainement, une substantielle modification qualitative des exportations en direction de la Terre Ferme, elle doit exprimer, en outre, un affaiblissement du contrôle lors du passage de la difficulté. Si bien que la réalité de la chute qualitative est, peut-être, moins profonde, que la brutale juxtaposition des chiffres ne permettrait de le croire.
120Les 857 560 maravedis de 1565 ne tiennent pas compte bien sûr, de l’énorme convoi de Cristobal de Eraso et Pedro de Gamboa ; il n’arrive pas avant 1566. Les 11 800 toneladas de 1565 sont responsables des 892 452 935 maravedis de 1566 à Nombre de Dios. Aux 10 720 toneladas de 1567, par contre (flotte Diego Flόres de Valdes, arrivant début juillet à l’isthme97, correspondent les 643 127 482,4 maravedis de la même année. Ces chiffres font apparaître un recul très sensible de la valeur unitaire des marchandises transportées par rapport à celle des années exceptionnelles 1561 et 1562, recul de près de 50 % qui l’apparente, assez sensiblement, aux valeurs unitaires de la dépression de 1563-1564. Peut-être, parce que la fraude est demeurée élevée et l’efficacité des contrôles, moindre qu’au début du cycle. Les mauvaises habitudes de la contraction se seraient maintenues, au-delà de la. contraction elle-même. Cet élément là aura joué.
121Mais cette importante dénivellation correspond, d’abord et essentiellement, à une réalité profonde. En valeur unitaire, le mouvement — en direction de la Terre Ferme plus spécialement — n’a pu conserver la prodigieuse densité qui était la sienne en ces années 1561-1562, pointe de la première fluctuation du cycle de la reprise. Cette densité était-elle liée au triage des exportations entre le Guadalquivir et les Canaries, à une époque où la part canarienne était plus forte qu’elle ne le sera plus tard, au moment où le goulot de l’armement — en ce début de reprise — obligeait en quelque sorte, l’expansion à se développer essentiellement, dans le sens d’un « rush » vers la valeur, beaucoup plus que vers un accroissement du volume impossible à réaliser.
122Il n’est pas douteux qu’il n’y ait eu tassement de la valeur unitaire des exportations en direction de la Terre Ferme, et le décrochage entre 1564 et le début de 1565, d’une part, la fin de 1565 et 1566-1567 d’autre part, est chose certaine. Le soubresaut de 300 % excède légèrement, quand même, le saut correspondant des volumes allant en Terre Ferme. Il y a donc eu brusque expansion à la hauteur du dernier semestre de 1565 et cette expansion en valeur est plus forte encore que ne l’est l’expansion en volume.
2. Causes
123Ce brusque saut du volume, à l’Aller, largement égal au saut plus brusque encore des valeurs, à la fin de 1565, demande explication.
124a. Parallélisme du trafic et des prix. — En première ligne, on fera intervenir la concomitance prix andalous-trafic. C’est bien entre 1564 et 156598, en effet, que se situe un décrochage des prix andalous comparable au décrochage 1561-1562. Il est moins spectaculaire, certes. De l’indice 85,83 à l’indice 99,33, l’écart n’est plus guère que de l’ordre de 15 %. Il n’en est, peut-être, que plus moteur pour une dynamique générale des mouvements. D’autant plus qu’il est moins uniquement imputable à un simple accident météorologique, moins exclusivement lié au seul espace andalou (le comportement des séries Vieille Castille-Léon le montre99 ; plus sûrement, peut-être, encore, les écarts à la moyenne sur les séries générales100. D’autant plus, enfin, que le contreflux, qui suit fatalement, est moins profond que dans le terme précédent de référence. Il y a donc meilleure consolidation de la conquête et l’on se trouve, immédiatement après, en présence d’une phase lente et assez régulière d’ascension propice, pour un temps au moins, à conserver aux trafics le bénéfice d’un impetus reçu lors de la secousse de 1564-1565.
125La concordance est, même, d’autant plus frappante, que le choc des prix précède clairement celui des mouvements. Le renversement de la conjoncture du mouvement Allers se situe, on l’a vu101, assez tard, dans le cours du second semestre de 1565... les prix précèdent donc le mouvement de six mois environ. Et le rôle moteur des prix hispano-andalous sur le mouvement Allers dans la Carrera est, une fois de plus, établi. A travers les Retours gonflés de 1566, qui sont commandés par la pointe du second semestre Allers de 1565, l’impetus des prix espagnols de la fin 1564 et du début 1565 se retrouve, tout comme il se prolonge sur trois ans : en Allers, de 1565 à 1567 et sur les Retours de 1566 à 1568.
126b. Réorganisation du système des convois. — La réorganisation, en 1564, du système des convois a pu — autre facteur — sinon causer, du moins favoriser la formation du plateau 1565-1567-1568. Le système définitif des deux convois, répartis suivant un ordre géographique : un vers la Nouvelle Espagne, l’autre vers la Terre Ferme, succède aux énormes convois mixtes, d’une lourdeur telle qu’il était pratiquement impossible d’en faire deux par an.
127On est intelligent en période de contraction et ce n’est pas, par hasard, que cette solution logique trouvée, bien avant, mais toujours écartée, a été adoptée, finalement, en 1564, c’est-à-dire, au plus profond du creux inter-cyclique médian du cycle de la reprise. Le négoce pouvait craindre que cette solution n’entrainât un alourdissement considérable du poids de la défense. N’allait-elle pas, pratiquement, sinon doubler, du moins accroître de quelque 150 % le nombre des navires de protection ? Désormais, deux convois, chaque année, nécessiteraient, naturellement, deux capitanas et deux almirantas Dans le régime antérieur, par contre, il n’y avait, sauf exception, qu’un convoi, donc une seule capitana et une seule almiranta. Et un nombre plus grand de navires allaient hors convoi... Les marchands ont reçu, ainsi, en réponse à leurs demandes d’abandon du système des convois, un renforcement décisif du système des convois. Le fait est là. Il pourra sembler bien paradoxal de présenter cet handicap comme un facteur propice à l’expansion. Il l’est pourtant, pour deux raisons, au moins.
128Parce que, d’une part, le système est plus souple. Il permet d’étaler davantage les Retours sur un cycle de six mois et non plus d’un an. Il diminue la tension que représente l’obligation de disposer d’un important capital de roulement. Il semble incontestable, surtout, que le système ait apporté, tout d’abord, une amélioration très sensible de la sécurité dans l’Atlantique espagnol et hispano-américain.
129Les convois ne bénéficient-ils pas, désormais, depuis le départ jusqu’à l’arrivée, d’une protection entière ? Dans l’ancien système, sur toute la partie antillaise du parcours, — une des plus dangereuses, sans aucun doute — il n’y avait plus qu’une protection réduite. Une plus grande partie des trafics, depuis qu’il n’y a plus, annuellement, un seul, mais deux convois, se fait sous convois. La réduction concomitante de la navigation « suelta » ne pouvait qu’entraîner une réduction importante du risque humain, imputable à la piraterie, la course ou la guerre.
130La courbe des pertes connue et leur rapport surtout au mouvement global — prouve clairement la très belle amélioration de la sécurité entre 1564 et 1565. 18,45 % du mouvement global en 1563, 13,48 % encore en 1564102, et ce qui est plus grave, peut-être, étant donné le caractère, d’ordinaire, beaucoup plus préservé du mouvement à l’Aller qu’au Retour103, 10,63 % de pertes à l'Aller en 1563104, contre 0 % en 1564,1,02 en 1565 et 0 à nouveau en 1566. C’est, incontestablement, sous l’énorme tension de ces pertes particulièrement lourdes, que le convoi nouveau style aura été adopté. De son efficacité, sous cet angle, les chiffres ne permettent guère de douter, encore qu’il ne faille pas attribuer à la seule modification du style des convois, ce très spectaculaire renversement des positions. D’autres facteurs sont intervenus. Mais la concomitance nouveau style— amélioration de la sécurité— aura largement joué en faveur du nouveau style de navigation, même s’il y a eu, dans une large part, difficile à préciser, erreur d’imputation.
131Le nouveau style et le relâchement de la pression extérieure, l’allégement des pertes subies par la navigation — que cet allégement soit ou non imputable à la modification sus-mentionnée de la navigation en convois — leur incidence psychologique sur le peuple marchand de Séville jointe à l’action tonique des prix..., voici quelques-uns des éléments qui rendent vraisemblablement assez bien compte de la modification des volumes et des valeurs mises en cause dans la Carrera entre 1564 et 1565.
3. Le sommet du cycle
132Ainsi mise en branle, la conjoncture du mouvement reste haute de 1564 à 1567. Les pourcentages à la moyenne sur le mouvement Allers et retours105 l’attestent : 114,38 %, 109,13 %, 106,51 % — et en 1568, mais sur les seuls Retours (126 % encore). Beau toit, très légèrement descendant, comme l’éloignement de l’impetus supposé entre 1564 et 1565 le laissait prévoir.
133Cette conjoncture haute triomphante semble se rire, d’abord, de la contingence politique, entendez le début de la guerre morisque en 1565 — elle durera sept ans — et en 1566, le départ vers l’Ouest de la grande expédition Drake-Hawkins.
134Le creux, en Allers, de 1566 ne peut guère être imputé à l’attaque anglaise, dont les effets ne se font pratiquement pas sentir d’une manière valable avant deux ans106. Le creux de 1566, on l’a vu, est purement fictif. Il est dû à un découpage particulier de la chronologie des flottes. Entre décembre 1565 et la fin d’avril 1567, il n’y a pas eu de convois allant vers la Terre Ferme. Il semble difficile de faire jouer, ici, l’attaque contre Rio de la Hacha (mai 1565) : les dates cadrent mal. Ce creux peut s’expliquer par l’énorme effort tardif de 1566. Pour une raison qu’il n’est, d’ailleurs, pas très facile à élucider, tout simplement, peut-être, parce que le retour de Terre Ferme est, généralement, plus difficile et plus long107 que celui de Nouvelle Espagne, le mouvement Allers avec la Terre Ferme108 s’est plié avec peine au rythme annuel, à la différence des Allers de Nouvelle Espagne, beaucoup plus souples.
135Les signes d’expansion l’emportent, cette année là encore. Telle, la montée presque linéaire des exportations de mercure109, ou l’énorme tension qui, en 1566, plus, peut-être, encore qu’en 1565, s’exerce sur le marché de cette main-d’œuvre spécialisée, difficile à trouver, que sont les gens de mer. A tel point, qu’il a fallu — fait sans précédent — autoriser, le 11 mai 1566110, le recrutement d’étrangers dans les équipages — malgré le risque énorme qu’une telle mesure comportait, en pleine Réforme montante111.
136Cette euphorie sur la Carrera, en dépit du tassement des prix, perceptible en 1565 et 1566, n’est pas pourtant une euphorie sans mélange. L’absence des canariens ne peut être négligée, elle est compensée, au vrai, par les assez forts contingents de 1565 et 1567. Cette absence peut s’expliquer, dans une très large mesure, par le fait qu’il n’y a pas eu, en 1566, de convois destinés à la Terre Ferme. Pour des raisons qu’il n’est pas commode de préciser, les navires canariens ont coutume de s’accrocher, plus volontiers, aux convois allant en Terre Ferme qu’à ceux allant en Nouvelle Espagne.
137Cet indice n’est pas, toutefois, totalement dépourvu de signification dans le cadre d’une conjoncture plus courte. En effet, parallèlement à l’absence des navires canariens, la correspondance de la Casa de la Contrataciόn fait état de plaintes dirigées contre le négoce de l’archipel. Ces plaintes semblent même avoir abouti à un résultat positif : l’établissement légal à 120 toneladas112 d’un plafond supérieur du tonnage unitaire canarien. On en viendra bientôt... à un numerus clausus 113.
138Il ne s’agit pas, pour l’heure, d’apprécier, à son exacte mesure, la valeur de la cédule du 4 décembre 1564114. On fera seulement un rapprochement. 1564 était une année de difficultés et le même thème est repris en 1566. On assiste, dans les rapports Séville-Canaries, au sein du complexe, faisant contraste avec la détente des années précédentes, à une brusque tension. Cette tension — un traitement sériel de la correspondance de la Casa de la Contrataciόn le révèle sans peine — se manifeste plus particulièrement en temps de moindre euphorie.... Peut-être est-ce le cas, une fois déjà, en 1564 ; la position de l’année a été suffisamment bien définie pour qu’il soit inutile d’y revenir, c’est également le cas en 1566, avec l’espacement des départs pour la Terre Ferme, sur un intervalle de dix-sept mois. La sensibilisation du complexe andalou à l’égard des Canaries est un élément de poids hautement révélateur, toujours, d’une gêne. N’en a-t-on pas la preuve, ici ? Si la gêne n’est pas immédiatement sensible, en effet, sur la marche des volumes, elle l’est, par contre, sur celle des valeurs.
139La baisse survenue dans la valeur unitaire des marchandises transportées en direction de l’Amérique115, révèle une gêne relative dans les conditions du négoce : partant, une revendication, à nouveau, de Séville, sur les secteurs de négoce de moindre importance. D’où une tension accrue avec l’archipel canarien.
140On comprendra mieux, dans ces conditions, puisqu’il y a présomption de repli partiel, du moins, du commerce de Séville sur les produits agricoles de moindre valeur, qu’il y ait eu, à nouveau, tension à l’intérieur du complexe entre le pôle canarien et le pôle sévillan. On peut poser comme règle : les périodes d’expansion en valeur accélérée peuvent être considérées, comme des périodes de bonne entente conjoncturelle entre Séville et l’archipel. C’était le cas, lors de la première fluctuation primaire. On aura donc, dans une analyse attentive des couples de tension au sein du complexe entre Séville et l’archipel, une nouvelle possibilité d’approche de la fluctuation. Entre une période d’expansion non accompagnée de tension Séville-Canaries et une période d’expansion volumétrique avec tension entre les deux pôles du complexe, on peut, raisonnablement, faire une très grande différence. La première est plus forte que la seconde, elle implique, par-dessus le marché, une modification et une augmentation en valeur unitaire des marchandises exportées. Ce n’est, évidemment, pas le cas en 1566. L’année ressortit au schéma du second type.
141S’il y a ralentissement de la poussée conjoncturelle à l’Aller, il n’en va pas de même, au Retour. Le mouvement Retours se dénoue brusquement en 1566, une masse énorme fait sa rentrée dans les ports du complexe : convoi démesuré, convoi exposé, convoi éprouvé116. A la mi-septembre, on est en présence d’une masse de plus de cinquante bateaux... que grossiront, jusqu’en décembre, navires rescapés et gens de Floride117. C’est le début de l’expansion des Retours. Les 76 navires du mouvement Indes-Espagne, leurs 16 290 toneladas (13 032 tonneaux), constituent 57,62 % du mouvement annuel total118 : la Terre Ferme donne le ton, tout comme elle l’avait fait à l’Aller, l’année précédente.
142En 1567, le rapport des Allers et des Retours à l’ensemble va se trouver totalement renversé. Ce sont, à nouveau, les exportations en direction de l’Amérique qui donnent le ton. 70,38 % du mouvement total Allers et retours. A l’Aller, tous les records sont battus, avec 94 navires contre 100, certes, en 1565, mais 19 986 toneladas contre 19 480, en 1565, soit compte tenu de la pondération119, 15 988,8 tonneaux contre 14 610 ; dans le même temps, les Retours baissent de moitié passant de 13 032 à 6 728 tonneaux, de 76 à 43 bateaux.
143Voici un bel exemple de conjoncture par onde de choc. En 1567, l’impetus donné par les prix andalous120 en 1565 faiblit : après l’indice 89,87 en 1566, on remonte, certes, à 91,18, en 1567, mais on reste loin encore de l’indice 99,33 de 1565. Sur les indices compensés, le tassement est plus net, encore121, 92,38 en 1565, mais 90,29 en 1566 et 90,91 en 1567 ; par rapport au trend, la position relative de l’indice vrai se détériore de 103,4258 % à 99,4164 % et 98,44 %. Mais le mouvement du trafic se maintient à un niveau très élevé toutefois, à l’Aller, par l’excitation de la masse énorme des Retours de 1566, d’autant plus tonique qu’elle est plus tardive et que le gros des départs de 1567 est plus précoce122. Le nombre des navires marchands partant de Séville est exactement identique à celui de 1565 (66 en 1565, 66 en 1567), très proche en volume (16 760 toneladas en 1565, 17 616 toneladas en 1567) du terme précédent de référence. Les navires canariens, loin d’atteindre le niveau de l’euphorie du premier cycle, avec 28 unités et 2 370 toneladas, font du moins leur réapparition après l’éclipse de 1566.
144La conjoncture élevée des Allers de 1567, dans des proportions moins écrasantes, toutefois, qu’en 1565, est, essentiellement, due aux besoins de la Terre Ferme. Ils semblent, en cette période, commander la fluctuation. Les à-coups du rythme de la Terre Ferme s’expliquent, assez bien, d’ailleurs, par le fait que le mouvement subit également, ici, un autre rythme, celui de la navigation Pacifique. Elle a ses exigences particulières et la jonction à l’isthme n’est pas toujours aisée.
145Un creux sur les Retours correspond, par contre, à ce gonflement des Allers. Tout comme les Retours exceptionnellement élevés de 1566 ont contribué à maintenir à un niveau élevé le trafic des Allers de 1567..., le creux accidentel des Allers de 1566 se répercute sur les Retours en 1567. 6 728 tonneaux supposés en unités pondérées (8 410 toneladas), 43 unités en 1567, contre 13 032 tonneaux (16 290 toneladas), 76 unités, l’année précédente. Semblable décrochement de 50 % est, évidemment, imputable, pour l’essentiel, aux à-coups normaux d’un lourd système de convois nécessairement condamné, dans les premières années, à se chercher encore. Un simple coup d’œil sur les tables 166 et 169 du tome VI123 suffit à le démontrer. Au creux absolu des Allers en direction de la Terre Ferme de 1566 (2 navires, 100 toneladas), correspond un creux à peu près comparable des Retours de la Terre Ferme en 1567 (3 navires, 850 toneladas). Comment douter que la défaillance accidentelle des Allers de 1566 est bien responsable de la défaillance accidentelle des Retours de 1567 ? Les mécanismes d’épaulement d’un axe du mouvement par l’autre, continuent, d’ailleurs, au-delà de 1568, comme on le verra plus en détail, le moment venu. En effet, alors qu’il se produit, manifestement, un accident conjoncturel sérieux à la hauteur de l’année 1568, cet accident est impuissant à affecter le mouvement Retours, qui constitue 58,33 % du mouvement global de l’année. L’épaulement des Retours de 1568 par les Allers de 1567 masque, donc, en 1568, l’effet de ralentissement conjoncturel sur le mouvement Retours.
146Mais tout ceci n’affecte en rien, jusqu’en 1568, la conjoncture de l’Atlantique espagnol. Les signes d’expansion l’emportent, manifestement, sur les signes de contraction. Le pourcentage des pertes ne varie pas sensiblement et il reste modéré124. Les transports de mercure continuent de suivre un rythme croissant125. La présence d’une course française et des accrochages avec les Barbaresques126 de-ci, de là, constituent un danger pleinement assimilé, partant, bien supporté. Le système des convois n’a-t-il pas été conçu et mis en place — au prix de quelles perturbations, on l’a vu — précisément pour « faire face » ? Et l’on n’est pas encore tout à fait sensibilisé à l’Anglais127.
147Tout au long de la correspondance de la Casa de la Contratación, au cours de ces trois années, on retrouvera, par contre, les mêmes signes non équivoques de l’expansion, un manque cruel de marins et de bateaux..., à telle enseigne qu’il a fallu ouvrir, officiellement, en 1566 — car, officieusement, la chose était faite depuis longtemps — la Carrera aux étrangers. Cette mesure prend toute sa signification, quand on sait le souci presque maladif de maintenir dans les formes la « limpieza de sangre », dans la mesure où elle est la meilleure garantie de la « pureza de la fe » aux Indes128.
148Pendant ce temps et depuis 1565, la révolte des Morisques, toute proche, fait rage, sans qu’elle ait, apparemment, d’incidence notable sur la conjoncture haute de l’Atlantique. Au début, du moins. Peut-être aura-t-elle contribué, par effet cumulatif, à partir de 1568 seulement, à peser sur le mouvement, elle constituerait un élément susceptible d’influencer cette conjoncture plongeante, que nous avons cru déceler à partir de 1568.
LA CONTRACTION (1568-1571)
149La révolte des Morisques a pu avoir, à la longue, une incidence sur la Carrière des Indes, très indirectement et très tardivement, mais il importe, avant d’analyser les causes d’une contraction qui ne va pas parfaitement de soi, de la justifier et d’en limiter exactement les termes et l’ampleur.
1. La réalité de la dépression
150Il est incontestable que, dans la dernière partie du cycle, les signes de difficultés se multiplient. Les niveaux moyens calculés sur quatre ans sont inférieurs, on l’a vu, quelle que soit la forme d’expression volumétrique du mouvement que l’on choisisse, à ceux de la période antérieure. Mais — c’est-évidemment, le reproche que l’on peut faire — un tel procédé n’est-il pas arbitraire ? Il ne semble pas. Pour deux raisons, au moins. Parce que les tendances dégagées par moyennes mobiles sont sensibles à la récession. Parce que l’accident de l’année 1568 n’est en rien comparable à l’incident de 1566, par exemple.
151a. Chute du mouvement-Allers. — Le drame de 1568 —-si on peut parler de drame — se situe, ce qui est grave, à la hauteur des Allers. Cette localisation tend à faire présumer un accident sérieux... Beaucoup plus sérieux, peut-être, qu’il n’y paraît de prime abord. II. n’y a aucune possibilité d’attribuer l’incident à une anomalie chronologique, il n’y a aucune raison de ventiler, par exemple, entre 1567 et 1568, la masse globale des Allers,... il serait plus juste de le faire, par contre, en raison de la chronologie des départs, entre 1568 et 1569. Une telle solution laisse pleinement subsister l’anomalie négative, en l’étalant chronologiquement, elle renforce, au contraire, sa signification profonde.
152La sortie du dernier convoi de 1567, entendez l’Armada y flota de Nouvelle Espagne, capitaine général Cristόbal de Eraso, se place le 9 juillet 1567129. Du 9 juillet 1567 au début de juillet 1568130, aucun départ en convoi, à l’exception de deux avisos et d’un suelto sûr131 ; le vide est complet. Le premier grand convoi de 1569, par contre, se situe, d’une manière assez prématurée, au début mars132. De la fin avril 1567, au début mars 1568, sur vingt-deux mois et demi, il n’y a pas eu de départ en direction de la Terre Ferme, et cette lacune a sa signification.
153La ventilation des départs à l’intérieur du complexe incitera à penser qu’il se passe quelque chose, à la hauteur de 1568. La chute, entre 1567 et 1568, du mouvement Allers est déjà très considérable sur le mouvement global, de l’ordre presque ce 50 % en tonnage (de 19 986 à 10 620 toneladas) d’un tiers, seulement, en unités (94 à 61 navires) : le pourcentage à la moyenne donne le ton, ne passe-t-on pas de 132,78 % à 66,691 % ? La chute est infiniment plus sensible encore sur les départs économiquement les plus denses des navires marchands du Guadalquivir — sur le rôle desquels il n’est pas besoin de revenir. Le décrochage est, très exactement, des deux tiers en tonnage (de 17 616 à 6 190 toneladas)133, des trois quarts en unités (de 66 à 16 navires). Or, sur les totaux, ce comportement essentiel est en partie masqué par le mouvement à contre-courant des départs canariens : 28 navires, 2 370 toneladas (évaluation minima) en 1567, 41 navires, 3 280 toneladas en 1568.
154b. Poussée des navires canariens et des navires « sueltos ». — Les six années, qui viennent, constituent, en effet, de 1567 à 1572, un formidable cycle d’expansion des Canaries. Or, la presque disparition, postérieurement, des canariens — leur présence est très sporadique entre 1572 et 1589134 — oblige à considérer la poussée canarienne de la période 1567-1572 d’une manière très différente de celle de la période correspondant, en gros, à la première fluctuation primaire d’expansion du cycle.
155On avait pu interpréter la précédente bouffée canarienne135 comme un signe de santé cyclique : la demande indienne dépassant les possibilités volumétriques du Guadalquivir, il y avait eu ventilation interne et division du travail. Il n’en va plus de même, ici. A une poussée canarienne de temps d’expansion, on voit se substituer une poussée canarienne de temps de contraction. Les deux années, où cette situation est la plus claire, sont 1568 et, plus encore, 1571, l’année du creux cyclique, que l’on a choisie pour marquer la frontière de deux fluctuations décennales. L’appoint canarien y est, une fois de plus, un bouche trou, le palliatif médiocre d’une insuffisance. Les Canaries profiteraient d’un assez mystérieux retrait de Séville qui serait commandé — on est assez tenté, en présence d’une telle analyse, de le supposer — plus par des raisons proprement sévillanes que par des raisons proprement indiennes. Les Canaries profitant, en quelque sorte, de la distorsion grandissante entre l’offre sévillane et la demande américaine136.
156Ainsi le creux de 1568-1571, à partir du seul mouvement Allers des navires sortant du complexe portuaire andalou 137, est beaucoup plus sensible encore et beaucoup moins douteux qu’il ne l’est sur le mouvement global Allers. C’est bien, à plus forte raison, en 1568, qu’il faut placer le début d’un changement important de comportement conjoncturel. Pour trouver, en effet, un chiffre aussi bas en toneladas, il faut remonter jusqu’en 1559 et sur le mouvement unitaire, il faut aller jusqu’à l’année 1554138, dont on a signalé, à son heure, le caractère exceptionnellement dépressif.
157Le nombre de sueltos, — et non pas tant leur nombre que leurs dimensions : 700, 400, 700 139 toneladas — contribue aussi à renforcer le caractère insolite du mouvement de cette année. Cette curieuse contre-attaque de l’Ancien Régime de la navigation à l’égard du régime des convois montre que le régime des flottes est encore mal accepté..., mais, au-delà, la localisation de cette contre-attaque en 1568 traduit un état de trouble au cours de cette année. Quelque chose ne va plus, ou ne va pas, sinon un tel relâchement eût été impossible.
158c. Poussée des navires « al traves ». — Un assez sérieux accrochage — autre signe, encore — oppose, au cours de l’année, les marchands au fisc, tandis qu’à travers la correspondance de la Casa de la Contratación, on perçoit les véhéments appels des cargadores contre un armement défaitiste, accusé d’exporter massivement de vieilles carcasses de navires voués aux chantiers de démolition des Indes 140, partant, de raréfier un matériel nautique, de toute manière, insuffisant. En fait, on notera à quel point les cargadores apparaissent parfaitement au courant des intentions vraies de l’armement. Le pourcentage des Retours dans le mouvement global de 1569 à 1571 et surtout, de 1569 à 1570, est nettement inférieur à la moyenne du cycle. Le négoce aurait été comme informé de l’anomalie négative des Retours qui vient. Le ton de la récession est plus sensible, fait notable, sur les Retours, qu’il ne l’est à l’Aller et en Allers et retours.
159Voilà un fait, dont on ne risque pas de surestimer l’importance... En soi, la poussée d’al traves peut traduire, ou bien une forte usine du matériel naval arrivé par gros paquets, à bout de course, ou bien une brusque insuffisance du négoce, incapable d’utiliser à plein la capacité de transport de l’armement. En fait, les deux aspects sont difficilement dissociables et constituent un bon signe clinique de la contraction... l’usure des navires, toutefois, étant plus le signe de la fin que le signe du début de la contraction. Il peut y avoir, encore, il est vrai, indépendamment de la contraction, un autre facteur qui appelle vers les chantiers de démolition des Indes une grande masse de navires plus ou moins usés : une grande demande en Amérique de biens d’investissement que seuls, pratiquement, des chantiers de démolition bien approvisionnés peuvent fournir. Une grosse [demande de cabotage peut jouer également, mais ce ne semble pas avoir été le cas, présentement. En fait, ce sont bien les facteurs de contraction qui l’auront emporté ici. La grande poussée d’al traves dénoncée dès 1568, par un négoce hypersensible aux menaces qui viennent, est prouvée par les chiffres dans les années qui suivent.
160d. Pessimisme et réticences des « cargadores ». — Le peu d’enthousiasme, enfin, des cargadores à charger en direction de la Nouvelle Espagne — la Casa de la Contrataciόn en porte témoignage141 —, traduit assez bien l’ampleur du malaise en 1568. Le fait apparaît d’autant plus significatif, qu’il n’y a pas, cette année là, de possibilités de chargement dans une autre direction — le creux de 1568 étant constitué tout d’abord, par l’absence, en soi, moins insolite, de convoi en direction de la Terre Ferme — et que la Nouvelle Espagne, chose communément admise, joue sur les départs, à cette époque, le rôle de volant142. Il y a donc en 1568, un fléchissement particulièrement symptomatique du volant même de la Nouvelle Espagne, en relation, vraisemblablement, avec la présence de l’Anglais dans la Méditerranée américaine143 et les combats de la Vera Cruz. Malgré les appels pressants de la Casa, les cargadores sévillans se dérobent. Ils ont besoin, pour charger, de renseignements plus précis qui leur font défaut.
2. Causes du changement
161L’épuisement des facteurs d’expansion arrivés à bout de course est, sans doute, la cause première de cette situation.
162a. Les prix. — Cet épuisement est clair, surtout pour les prix. Les prix andalous sont installés jusqu’en 1571 sur un plateau essoufflé144, le choc de 1571 mettant en mouvement, à partir de 1572, une nouvelle fluctuation. Cet essoufflement est bien visible sur les indices composés des prix argent145 et sur les écarts en pourcentage à la moyenne mobile. Le creux relatif le plus important se place en 1569, entre l’indice vrai 90,18 et l’indice raboté sur treize ans par moyenne mobile médiane de 94,176. L’indice brut n’est plus, dors, qu’à 95,756 % du trend. Or, entre 1561 et 1565, sur cinq ans consécutifs, le pourcentage de l’indice vrai à la moyenne de treize ans dépasse 100 %, atteignant même 106,9 % en 1562 et encore 103,4 % en 1565. Pour cinq années consécutives, de 1566 à 1570, le rapport reste en-dessous de 100 %, le creux de la vague se situe en 1569. Signe de reprise dès 1570, certitude de la reprise en 1571. Si on admet un décalage normal de près de deux ans entre l’indice des prix espagnols et le mouvement Aller..., on comprend que l’effet dépressif des prix se fasse sentir dès 1568 et, régulièrement, jusqu’à la reprise de 1572 entraînée par le déclenchement des prix, entre 1570 et 1571.
163b. Fin des répercussions de l’amalgame sur la production et les entrées d’argent de Nouvelle Espagne. — La fin ou le ralentissement de l’impetus donné — voici bientôt dix ans — par la très rapide application, aux minerais d’argent de la Nouvelle Espagne, des techniques de l’amalgame, est aussi un facteur dont il faudra tenir compte. Son action est beaucoup plus à long terme encore, que celle des prix, puisqu’on sera obligé de la placer au centre d’une explication de la récession relative qui va se faire sentir, lors du prochain cycle.
164Un nouveau choc sera donné, plus tard, à la hauteur des années 1580, par l’extension du procédé au Pérou. On sait à quel point la durée des cycles d’échanges permet de présumer un décalage entre les retours d’argent, tels qu’ils sont saisis par Hamilton146, et la production même de l’argent. Autrement dit, la répercussion sur les entrées d’argent américain en Espagne de la production en Amérique — elle ne se répercute qu’avec deux ou trois ans au moins de retard —, a épuisé, désormais, son action. Et si l’on admet que la production d’argent — à supposer une mesure assez précise, ou du moins, c’est la seule chose qui importe, sans distorsion soudaine, sans gauchissement brusque des marges de fraude ; on peut estimer qu’entre 1560 et 1590, les calculs d’Hamilton s’approchent sensiblement de cette situation — constitue un bon indice d’activité et de prospérité générale, pour l’ensemble des Indes, partant, pour le commerce Atlantique, dans le cadre restreint de structures données, entendez l’économie extravertie encore, à forte composante minière, de cette période, les indices, que l’on peut tirer des calculs d’Hamilton, cadrent bien avec la thèse du double impetus minier, à vingt ans d’intervalle.
165c. Mécanisme du ralentissement. — En effet, si on fait commencer en 1568, comme le mouvement volumétrique invite à le faire, une période de ralentissement cyclique sur lequel viendrait se greffer le ralentissement relatif du prochain cycle décennal, il est naturel d’attendre un ralentissement de l’expansion des importations officielles d’argent entre la demi-décade 1566-1570, traduction de la situation de 1563-1567 environ et celle de 1571-1575, traductrice, en très gros, de la situation de 1568-1572.
166On sera comblé, au-delà de toute espérance : entre les deux demi-décades, non seulement il y a ralentissement de rythme de croissance, mais un décrochage hautement significatif, de 14141215,5 pesos à 450 maravedís, on passerait à 11 906 609,0, un peu moins de douze millions, soit, à peu de choses près, ce qu’avait reçu 1561-1565, soit 11 207 538,5147.
167Or, cette baisse presque insolite est imputable à la Terre Ferme148. En effet, entre les deux demi-décades envisagées, il y a légère hausse encore des arrivées de Nouvelle Espagne, dont la part passe, respectivement, de 50 à 62 % du total149, hausse infime, pourtant, de 7 millions à 7,2 millions, mais véritable effondrement des arrivées de Terre Ferme. Ces dernières passent de plus de 7 millions à moins de 4,8 millions. Aussi, à partir de 1568, avec les deux à trois ans d’anticipation sur les exportations, il y a présomption, sur cinq ans, de ralentissement relatif dans l’expansion seulement de l’activité minière, expression d’activité générale. Les difficultés, à la hauteur de 1568, seraient à mettre un peu à l’actif et de l’épuisement des filons riches superficiels du Pérou150, et du ralentissement des progrès dus à l’amalgame en Nouvelle Espagne. Voilà, en quelque sorte, pour la modification des facteurs d’expansion sur une assez longue échelle.
168Mais si l’essoufflement se sensibilise à la hauteur de 1568, c’est, vraisemblablement, à des facteurs à court terme qu’il faut l’attribuer..., deux, au moins : effet cumulatif de la révolte des Morisques, poussée d’attaque anglaise, concrétisée par l’attaque sur la Vera Cruz. Ce dernier facteur, surtout, s’ajoutant aux autres, aura été déterminant.
3. Déroulement de la contraction
169Il suffit de suivre très rapidement l’évolution des mouvements jusqu’au terme évident du cycle, le creux de 1571.
1701569 et 1570 pourront, en Allers encore, donner une impression de vigueur. 1569, par exemple, arrive presque à égalité avec les pointes absolues de 1565 et de 1567, 82 navires, 19 279 toneladas (15 423,2 tonneaux), 1570, 92 navires, 18 164 toneladas (14 531,2 tonneaux). Est-il raisonnable, dans ces conditions, de parier de récession ? Oui, dans une large mesure, pour plusieurs raisons.
171a. Chronologie des départs. — A cause de la chronologie même des départs, elle incite, en effet, à ventiler en une moyenne sur deux ans, le mouvement de 1568 et 1569. L’unique convoi de 1568 est à 12 et 16 mois de ses prédécesseurs de 1567, il n’est plus qu’à 8 et 13 mois des départs de 1569. Pour 1570, si on fait exception des 4 galions (d’armada) allant à Carthagène, le dernier départ de 1569 est à 13 et 14 mois des départs de 1570. Les départs de 1570 ne sont plus, par contre, qu’à 10 et 11 mois de ceux de 1571.
172Cette chronologie particulière invite à considérer globalement les quatre ans — 1568 a bien marqué un gros temps d’arrêt. 1568-1569 et 1570-1571 forment deux plateaux, à peu près égaux et sensiblement inférieurs au niveau des années de la pointe cyclique. Il ne faut donc pas se laisser obnubiler par le décalage chronologique. Il y a bien un profond coup de scie entre la mi-1567 et la mi-1568, mais ce coup de scie se borne à séparer deux plateaux : le plateau 1565-1567, et le premier plateau constitutif de ce double plateau 1568-1571, de 10 % environ en contrebas, par rapport au terme de référence de l’expansion cyclique maximale 1565-1567.
173b. Comportement canarien et comportement sévillan. — Mais l’hypothèse d’une dépression étalée se trouve renforcée par toute une série de facteurs adjacents. On a considéré, ici, en effet, le tonnage global, en supposant implicitement la même valeur, quelle que soit son origine dans le complexe portuaire. Or, le comportement très particulier d’une poussée canarienne à contre-courant, dont on s’est efforcé, ailleurs151, de rendre compte, y masque en partie la dépression152. Sur le seul mouvement des navires marchands du Guadalquivir153, la réalité de la dépression ne peut plus faire l’ombre d’un doute. En face, des 191 navires au départ entre 1565 et 1567, représentant 46 946 toneladas, pour trois ans, des chiffres très inférieurs pour quatre années pleines : 137 navires contre 191,40 749 toneladas au lieu de 46 946 toneladas.
174On ne pourra objecter, dans ces conditions, un découpage arbitraire : devant des faits d’une telle éloquence, l’argument ne tiendrait pas. Et si, à plus forte raison, on a recours à une moyenne annuelle, ce qui est, quand même, légitime, on aboutira à des faits d’une bien plus grande brutalité, dans leur opposition : en unités, 34 1/4 navires de 1568 à 1571, au lieu de 62 2/3 de 1565 à 1567, 10 187 ¼ toneladas, au lieu de 15 648 toneladas dans la période précédente. Étant donné la plus grande densité du trafic directement issu de Séville et du Guadalquivir, ces chiffres représentent, tout problème de trend écarté, une approche non négligeable de la réalité. L’intervention de la tendance majeure comparée aux chiffres vrais ferait apparaître cette réalité tout aussi vigoureusement encore. En Allers, l’ensemble 1568-1571 est nettement en-dessous du trend : 66,691 %, 121,27 %, 102,57 %, 64,046 % contre 137,66 %, 80 452 % et 132,78 % de 1565 à 1567154.
175c. Retours. — Enfin, il importe de bien comprendre le mécanisme de ces chiffres : 1569, est, manifestement, relancé par les Retours élevés de 1568. Le creux des Retours est évident de 1569 à 1570, sur deux ans. Et la reprise ne sera pas paradoxalement commandée par le comportement d’un mouvement Retours, qui, pour une fois, anticipe les Allers. 79,845 %, 80,3695 % de 1569 à 1570, mais 97,77 % et 98,34 % en 1571 et 1572, 129,10 % en 1573. Les pourcentages des Retours au mouvement global155, montrent bien l’existence d’une reprise qui paraît commandée par les Retours. Le blocage des Retours sur deux ans, de 1569 à 1570, doit être responsable, pour beaucoup, du creux des Allers de 1571. On notera, enfin, combien la pente est parfaitement décroissante sur les seuls navires marchands des ports du Guadalquivir, sans que jamais les chiffres de 1565-1567 ne soient atteints : 59,42 et 20 navires, 16 329, 12 890 et 5 340 toneladas.
176Le creux de 1571, absolument inséparable de l’étude de la reprise, d’une ampleur absolument exceptionnelle, est masqué par plusieurs facteurs : le facteur Retours, le facteur canarien, le facteur Terre Ferme.
177La reprise anticipée des Retours brouille la lecture des globaux.
178Les Allers sont gonflés par une masse fantastique de départs canariens, le record intrinsèque des canariens, jamais égalé dans toute la Carrera, avec 70 départs. Cette insolite et prodigieuse distorsion, en 1571, des départs de Séville et des Canaries, 20 unités, d’un côté, 70 unités de l’autre, peut, semble-t-il, être mise à l’actif de l’énorme effort accompli en Méditerranée en direction de la guerre turque qui culmine à Lépante, tandis que les Canaries se hâtent d’aller combler, aux Indes, le vide béant laissé par la défaillance de Séville et du Guadalquivir.
179Un coup d’œil rapide, enfin, sur la ventilation des Allers156, montrera à quel point la fausse bosse de 1569-1570 est essentiellement imputable aux fluctuations des départs pour la Terre Ferme, en face de la stabilité légèrement plongeante de la Nouvelle Espagne. En effet, la navigation en convoi en direction de la Terre Ferme, n’a pas pu encore se régler sur un rythme annuel, qui ne sera réalisé qu’ultérieurement et au cours d’un laps de temps relativement limité.
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180L’analyse conjoncturelle imparfaite et incomplète qu’on s’est efforcé d’ébaucher sur les deux fluctuations primaires qui constituent ce cycle anormalement long de la reprise, touche à son terme, avec la dépression relative de l’année 1571. Mais cette dépression — et c’est là son intérêt — appartient déjà, par bien des côtés, au cycle suivant — ce cycle de crise qui nous conduira de 1571/1572 à 1578.
Notes de bas de page
1 Cf. ci-dessus p. 345-349.
2 Ces chiffres sont très bas, comme le prouve, entre autres, la comparaison entre ces niveaux et les moyennes mobiles de onze ans calculées sur séries en imités non pondérées (Cf. t. VI1, tables 144 et 145, p. 342-343). En Allers, 8 966 2/3 à mettre en regard de 10 110,45, 10 241,3, 11806,8 (1558 à 1560). En Retours, 8160 à 8 669 toneladas face aux 8 911,8, 9 279 (1558 à 1560).
3 Cf. t. VI, tables 159 et 160, p. 356-357.
4 Cf. t. VI, table 163, p. 362.
5 Cf. t. VI, table 182, p. 384.
6 Cf. t. II, p. 562, 576, 584.
7 Étant supposée exclue l’hypothèse véritablement improbable d’une brusque amélioration radicale des moyens de contrôle d’un mouvement canarien qui nous aurait échappé par exemple, dans une proportion beaucoup plus considérable, dans les années antérieures.
8 Cette hypothèse trouve quelques éléments de vraisemblance dans le fait que, de 1559 à 1560, la reprise est fort sensible sur la branche, encore la plus importante, de beaucoup, du mouvement valeur connu, les exportations en direction de la Terre Ferme (Cf. t. VI1, table 226, p. 471). L’expansion se serait donc marquée pour le négoce sévillan dans la seule concentration en valeur d’un mouvement qui aurait abandonné le pondéreux agricole aux Canaries.
9 Cf. ci-dessus p. 348.
10 Chiffre qui s’égale aux plus importants de la fluctuation (cf. t. VI1, table 131, p. 329) : 91 navires en 1561, 100 en 1565, 94 en 1567, 92 en 1570.
11 Cf. t. VI1, tables 181 à 183, p. 380-388.
12 Cf. ci-dessous, p. 528..., 1475..., 1497-1498,... 1551-1552,....
13 T.VI1, table 182, p. 384-387.
14 Cf. t. VI1, table 166, p. 365. On peut penser, toutefois, que, parmi les navires canariens dont la direction est inconnue, la proportion des directions insulaires était beaucoup plus forte. On a virtuellement la preuve de ceci... en consultant, par exemple, les entrées des canariens à Nombre de Dios (t. VI2, tables 559 à 563, p. 750-766).
15 D’une manière un peu simplifiée, puisque la prédominance de la Terre Ferme caractérisait également les dix dernières années de la demi-phase longue d’expansion.
16 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
17 On possède bien, en effet, des chiffres pour la Vera Cruz, mais ce sont des globaux qui ne permettent pas autre chose, que le calcul d’une moyenne sur quatre ans, entre 1560 et 1563, et cette moyenne donne, on l’a vu, une présomption d’entrée de 500 millions de maravedís, annuellement, environ.
18 D’où cet intérêt que nous avons souligné, souvent, d’un mouvement continu, irréfutable, toile de fond, qui permet, ensuite, de situer des tronçons les uns par rapport aux autres.
19 Se reporter simultanément aux tables 166, 363 et 553 à 563 (t. VIl, p. 365, t. VI2, p. 584, p. 726 à 769).
20 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
21 Cf. t. VI2, p. 750-766.
22 T. VI1, table 163, p. 362, p. 52-53.
23 T. VI1, table 159, p. 356, p. 52-53.
24 Cf. t. II, p. 584 et 590.
25 35,67 % des Retours par rapport à l’ensemble. Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
26 Les tables des pertes (t. VI2, tables 601 à 668, p. 861-974) le montrent statistiquement.
27 En 1562, les Retours ne font plus que 37,71 % du total, contre 48 et 51,16 %, les années précédentes. Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
28 Pour une représentation graphique, cf. t. VII, p. 52.
29 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
30 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.
31 Comme le prouve la faible proportion des entrées canariennes, à Nombre de Dios. Cf. t. VI2, tables 560-565, p. 754-774.
32 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
33 Cf. ci-dessous p. 447-448.
34 Suivant un schéma qu’on a vu s’appliquer déjà... entre 1549 et 1550, notamment, cf. ci-dessus p. 230-253.
35 Cf. ci-dessus p. 415-444.
36 E. J. Hamilton, 1501-1650, op.cit., p. 198 et 200.
37 Une tendance majeure affectée, pourtant, par la grande récession.
38 Elle fut retardée, en partie, pour des raisons extra-économiques et purement fortuites, le fait, notamment, que le convoi Beneza-Aviles ait dû attendre, pour le prendre à bord, le Vice-Roi du Pérou..., sans cet incident, il serait peut-être parti en décembre, modifiant ainsi du tout au tout la répartition annuelle. Ajoutons qu’à l’ordinaire, le découpage annuel est plus solide, puisque les mois d’hiver sont des mois de relative tranquillité.
39 Cf. t. II, p. 584, et t. III, p. 6.
40 Cf. ci-dessus p. 446-447.
41 Cf. ci-dessus p. 446.
42 Cf. EJ. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 335-336.
43 Cf. t. II, p. 586.
44 Cf., plus particulièrement, t. VI2, table 610, p. 870.
45 Cf. t. II, p. 587, t. VIII2bis, Appendice, p. 1958-1978. On sera sensible, en outre, à la courbe officielle — inférieure, à cette époque, à la réalité — des exportations du mercure d’Almadén vers la Nouvelle-Espagne, presque triplement de 1559 (264 quintales) à 1560 (627 quintales).
46 Cf. t. II, p. 596-597.
47 Cf. t. VI1, table 166, p. 365, 28 navires, 7 090 toneladas, à l’exclusion des Canariens.
48 Cf. t. II, p. 596.
49 Cf. t. III, p. 8.
50 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
51 Cf. t. III, p. 11.
52 Cf. t. III, p. 13-14.
53 Cf. t. III, p. 13.
54 Par extrapolation, notamment, ces situations réalisées lors de la période d’expansion du cycle 1544-1554.
55 Cf. t. III, p. 27. Mais le mercure fournit des indications qui prêtent, en conjoncture, à des interprétations contradictoires. D’une part, signes évidents d’approvisionnement abondant par contrebande. D’autre part, fléchissement depuis le point exceptionnellement haut de 1560, de l’approvisionnement officiel (cf. t. VIII2, Appendice, p. 1950). On a vu (cf. ci-dessus p. 457, note 3) comment avait été atteint le point haut de 1560 (687 quintales) ; depuis, il y a recul du rythme d’approvisionnement, 498 et 325 quintales en 1561 et 1562. La vraie reprise est de deux ans postérieure. Non entre 1562 et 1563 (325 quintales en 1562 et 417 quintales en 1563), mais entre 1563 et 1564 (417 à 785 quintales), puis 1565 installe le mouvement sur le palier des 900 quintales. A cet égard, donc, il y a anticipation du cycle du mercure sur l’ensemble de la conjoncture. Indication précieuse qui tend à donner à la conjoncture du mercure une présomption de position motrice.
56 Cf. t. III, p. 42.
57 Cf. t. III, p. 28.
58 Cf. ci-dessus p. 345-349 ; 440.
59 Cf. ci-dessus p. 450.
60 Les marchands de Séville — dans l’hypothèse, nullement prouvée, la moins bonne pour notre thèse, qu’ils en ont été les agents — prenant peur, en quelque sorte, de leur propre victoire. Les contradictions formelles sont, on le sait, un aliment courant du psychisme collectif.
61 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 335, 336, 337.
62 Cf. ci-dessus p. 174-180 et p. 111-112.
63 On concédera, du moins, et c’est déjà quelque chose, que ce comportement prouve, au moins, une très réelle indépendance à l’égard de l’accident météorologique majeur.
64 Cf. ci-dessus p. 454. On a vu, alors, l’importance relative et absolue d’un creux bien visible sur les graphiques et suffisant pour être très discrètement notable, même sur les expressions les plus courantes de tendance... adoptées.
65 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 198.
66 Sans cette hypothèse toujours sous-jacente, le comportement du négoce du Monopole serait incompréhensible. Plus ou moins partiellement vérifiée, l’hypothèse a été directrice, tout au long de sa recherche.
67 Cf. t. III, 1564 A., note 1, p. 59.
68 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
69 En Retours, par contre, l’évolution est inverse, dans le même laps de temps : de 160,5 à 181,9 toneladas. Cette disparité s’explique parce qu’entre 1560 et 1563, reviennent bon nombre de navires des années précédentes, en 1560 et 1561, surtout, on l’a vu. Et, parce que ce sont des navires légers, condamnés par l’évolution, qui restent plus volontiers aux Indes. Le tonnage, plus fort au Retour qu’à l’Aller, est une marque aussi, de la croissance unitaire du tonnage..., puisque c’est à l’encontre des petits que s’exerce la sélection de l’al traves. On concédera que la disparité a, peut-être, été exagérée par le non-repérage éventuel, en Retour, des navires canariens, disparité exagérée, peut-être, soit par la surévaluation plus vraisemblable du tonnage unitaire des Retours, soit par une sous-évaluation du tonnage unitaire des Allers.
70 Cf. t. III, p. 119.
71 Cf. t. III, p. 39 et suiv.
72 Cf. t. VI2, table 657, p. 960.
73 Cf. t. III, p. 70.
74 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
75 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
76 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
77 Cf. t. I, p. 114 et suiv. Il pose, en structures, un problème très important, celui des rapports de la Casa et des généraux. Pour le comprendre parfaitement, il faudrait poursuivre très loin des recherches sur le milieu. Ces études sont possibles et souhaitables, mais il ne faut pas se dissimuler leur ampleur et leurs difficultés.
78 Cf. t. III, p. 4849.
79 Hypothèse de la vénalité, que rend vraisemblable la mise en accusation.
80 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.
81 Cf. t. VI1, table 169, p. 368.
82 Au cours de ces deux ans (1563 et 1564), le volume total des départs pour la Terre Ferme est même légèrement inférieur à celui de la Nouvelle-Espagne. Preuve, s’il en est, que la crise a bien ses racines en Terre Ferme.
83 Le Roi mauvais payeur. Il paye peu et mai. D’où la crainte, en temps normal, de la réquisition dans une opération d'armada.
84 Cf. t. VI1, table 163, p. 362. Particulièrement symptomatiques, les pourcentages à la moyenne en Allers, Retours, Allers et retours, de ces deux ans : 79,514 %, 95,4545 %, 86,31 %, en 1563 ; 81,66 %, 93,1096 et 86,40 % en 1564.
85 On notera, d’ailleurs, que la solution adoptée dans les calculs des mouvements globaux est particulièrement généreuse pour une année 1564 qu’on peut même, à certains égards, considérer comme en retrait par rapport à 1563. En effet, on a porté à son actif, avec raison, sans doute, 11 navires, 1 365 toneladas d’une expédition en Floride commandée par Pedro Menéndez, qui ne partira qu’en 1565. On l’a portée à l’actif de l’année, parce qu’elle aurait dû partir en 1564, si elle n’avait été retenue, in extremis, par des circonstances particulières et parce qu’elle a pesé, en fait, sur 1564. Mais une expédition de cet ordre — il valait mieux, certes, la compter que l’omettre et la passer sous silence — ne peut être envisagée, à tonnage égal, au même titre qu’une flotte de Nouvelle-Espagne. Sa valeur économique n’est pas nulle, certes, mais elle n’est pas alignable, telle qu’elle, sur un convoi normal. Le volume économique véritable des Allers de 1564 se trouve donc ramené, avec une vraisemblance égale, à moins de 10 000 toneladas.
86 Cf. E. J. Hamilton, op. cit, p. 198.
87 Cf., plus spécialement, t. VI2, tables 602, 606, 610, p. 862, p. 866, p. 870.
88 Cf. t. III, p. 44.
89 Signe de conjoncture, aussi, la forte proportion des arrivées hors du Rio, aux Açores (cf. t. III, p. 65, notes 2 et 3) à Lisbonne (Ibid., notes 6, 7, 8, 9, 10, 11...) aux Canaries, etc. Certes, le mauvais temps n’est pas hors de cause, mais il est difficile d’exclure toute complaisance. Les arrivées massives hors du Rio ne peuvent être attribuées au seul hasard. Il est bien évident qu’en période de difficulté, on se sent mieux disposé à prendre, éventuellement, de gros risques, pour diminuer une pression fiscale qui apparaît, alors, particulièrement pénible.
90 Cf. t. III, p. 54-55.
91 Cf. ci-dessus p. 460 et t. VIII2, Appendice, p. 1958-1978. La grande reprise des exportations de mercure se place entre 1563 et 1564, mieux, de 1563 à 1565, le niveau officiel des exportations d’Almadén vers la Nouvelle-Espagne passe de 417 à 785 1/2 et 977 quintales.
92 Cf. t. III, p. 70.
93 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
94 Cf. ci-dessus p. 471.
95 Cf. t. VI1, table 166, p. 365. Les canariens étant hors de cause, 38 navires sur 66 directions connues, 11 800 toneladas contre 4 960 toneladas pour l’ensemble Nouvelle Espagne-Antilles.
96 Cf. t. VI1, tables 166 et 226, p. 325 et p. 471.
97 Cf. t. III, p. 98.
98 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200.
99 Ibid., p. 198-200.
100 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
101 Cf. ci-dessus p. 474-475.
102 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
103 Cf. t. VIII1, p. 118-121.
104 Cf. t. VI2, table 606, p. 866.
105 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
106 Ne semble avoir occasionné que des pertes assez minces : (t. VI2, table 610, p. 869).
107 Cf. t. VI1, tables 87, 121 et 128 B, surtout p. 256, p. 304, p. 321.
108 Cf. t. VI1, table 166, p. 363. Alors qu’il faut attendre 1587 pour trouver une année sans convoi vers la Nouvelle-Espagne, le rythme avec la Terre Ferme est, d’emblée, sporadique, beaucoup plus haché : un convoi en 1565, mais rien en 1566, un énorme convoi à nouveau en 1567, mais rien en 1568, puis rien, à nouveau en 1571, 1573, 1575, 1583, 1585, etc. Très tôt, dans le xviie siècle, la même distorsion apparaît (cf. t. VI1, table 167, p. 366). Virtuellement, dès 1610, sûrement dès 1620, on peut considérer le rythme des départs en convois vers la Terre Ferme, comme biennale.
109 Depuis 1565, les exportations officielles de mercure, sont sur le plancher élevé des 900 quintales. T. VIII2, Appendice, p. 1958.
110 Cf. t. III, p. 84.
111 On sait le souci extrême du gouvernement espagnol, sous le roi Prudent et ses successeurs, d’éviter la contamination des Indes par la foi réformée. Les procès d’inquisition aux Indes font écho, un peu plus tard, dès les années 1569-1570 (cf. notamment, José Toribio Medina, Historia de la Inquisiciόn de Lima., etc.) à cette crainte.
112 Cf. t. III, p. 85.
113 C’est la pratique du xviie siècle. Elle s’étale dans les notes aux tableaux (t. IV et V).
114 Nous avons, pour notre part, apprécié, toujours ou presque, les canariens à 80 toneladas. Il s’agit là d’une évaluation moyenne.
Il est vraisemblable que, lors de la grande poussée canarienne de la première fluctuation vraie, de beaucoup plus gros navires ont dû quitter les Canaries en direction de l’Amérique ; d’où la cédule du 4 décembre 1564. Il était difficile d’en tenir compte dans l’évaluation, sous peine d’encourir le risque de créer, par une pondération des chiffres, artificiellement, le phénomène que nous voulions analyser.
Mais il faut voir dans la cédule du 4 décembre, pour le temps qui la précède et partant, l’inspire, et pour le temps qui la suit, à plus ou moins longues échéance, une indication valable, pour orienter une sémiologie de la fraude.
115 Cf. ci-dessus p. 475-476.
Cette baisse est mesurable, aussi, grâce aux séries pratiquement continues de 1’avería (tome VI1 table 226, p. 471) à partir de 1566. La comparaison brutale des chiffres est délicate, car la valeur des marchandises, à Nombre de Dios et à la Vera Cruz, est beaucoup plus forte qu’elle ne l’est à Séville et les almojarifazgos en tiennent partiellement compte, à cette époque, du moins.
Quelle que puisse être la difficulté du raccord des valeurs déduites des almojarifazgos des Indes sur les valeurs tirées de 1’avería, il est difficile de ne pas admettre qu’il y a eu une certaine baisse de la valeur unitaire des marchandises exportées aux Indes, entre la première et la seconde fluctuation vraie de ce cycle.
116 Cf. t. III, p. 88 et suiv. et notes afférentes.
117 Cf. t. III, p. 92 et suiv.
118 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
119 Cf. t. VI1, table 141, p. 339.
120 E. J. Hamilton, 1601-1650, op. cit., p. 198-200.
121 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
122 A la fin avril. Cf. t. III, p. 98 et suiv.
123 T. VI1, p. 365-368.
124 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
125 Ou, du moins, depuis 1565, sur un plateau élevé, la mutation fondamentale se place entre 1568 et 1572. T. VIII2, appendice, p. 1958-1978.
126 Cf. t. III, p. 84 et p. 102.
127 Cf. t. III, p. 105.
128 Cf., notamment, t. III, p. 84, 103-104.
129 Cf. t. III, p. 100.
130 Cf. t. III, p. 116.
131 Cf. t. III, p. 102-103, n° 62,65, 66.
132 Cf. t. III, p. 128.
133 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
134 Cf. t. VI1, table 182, p. 384 et t. VII, p. 64-65.
135 Cf. ci-dessus, p. 447-448.
136 Simple hypothèse entre plusieurs hypothèses possibles. A supposer, notamment, que les fragiles séries canariennes ne nous trahissent pas.
137 T. VI1, table 182, p. 386-391.
138 Cf. ci-dessus p. 313-319.
139 Cf. t. III, p. 118.
140 Cf. t. III, p. 119.
141 Cf. t. III, p. 118.
142 Cf. ci-dessus p. 450451.
143 Cf. t. III, p. 116.
144 E. J. Hamilton, p. 198.
145 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
146 E. J. Hamilton, op. cit., p. 34-35.
147 Soit, compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat de l’argent, une puissance économique moindre que le montant des importations officielles de 1561 à 1565.
148 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43.
149 Cette hausse — on entre dans la zone des rendements décroissants — est acquise au prix d’un énorme effort d’exportation de mercure : 5 747,5 quintales de 1566 à 1570, 9 464 quintales de 1571 à 1575, 13 023,63 de 1576 à 1580. Cf. t. VIII2, appendice, p. 1958-1978.
150 C’est dans un climat de difficultés que jaillit l’invention technique de l’adaptation péruvienne de l’amalgame.
151 Cf. ci-dessus p. 485.
152 D’autant plus que la valeur unitaire des exportations canariennes n’a rien à voir avec la valeur unitaire des exportations du complexe andalou.
153 Cf. t. VI1, table 182, p. 384.
154 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
155 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
156 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.
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