Chapitre premier. La récession. Amplitude et limites
p. 259-295
Texte intégral
1Un regard sur les courbes représentatives des mouvements semi-décadaires et annuels1 ou sur les moyennes mobiles2 qui en sont tirées, convainc, mieux qu’un long discours, de la réalité du contre-courant, rapide, mais fermement dessiné, qui coupe par son milieu l’allègre expansion de l’Atlantique espagnol.
I. — SCHÉMA
2L’impression qui se dégage des leçons concordantes d’indices aussi expressifs ne saurait tromper. Cette impression, il importe, toutefois, de la fonder, en précisant les limites et à Tintérieur de ces limites, les rapports spécifiques les plus caractéristiques de la grande récession intercyclique du demi-xvie siècle.
L’INHABITUELLE AMPLEUR DU CREUX CYCLIQUE DE 1554
3La plus élémentaire de ces caractéristiques, mais non la moins importante, c’est, sans doute, l’inhabituelle amplitude du creux cyclique de 1554. L’accident est trop grave pour être imputable au seul jeu naturel des forces économiques. L’insécurité politique engendrée par la guerre vient au secours, ici, d’une conjoncture purement économique.
1. Mouvements volumétriques
4On aura recours, d’abord, pour nous guider, aux moins subjectifs des indices d’activité, les mouvements fondamentaux en volume et plus particulière ment, au mouvement conjoncturellement moteur, en temps d’euphorie comme en temps de crise, lors des triomphes, comme au moment de la catastrophe, le mouvement Allers.
5a. Allers. — Sous le seul angle des Allers, l’année 15543 est la plus faible de toutes celles qui furent jamais observées jusqu’à ce jour, la plus faible même de toute la période qui va jusqu’en 15504. Semblable situation ne peut s’expliquer par le seul facteur militaire, puisque, ni l’incendie de Cádiz de 1596, ni l’invincible Armada, ni les pires menaces, qui pesèrent aux moments les plus dramatiques de l’histoire de l’Atlantique espagnol et hispano-américain, n’ont un effet aussi désastreux sur la conjoncture des départs. Pour que semblable conjoncture se produise, il a fallu qu’au simple facteur de l’accidentel politico-militaire vînt s’ajouter un mouvement plus grave de repli économique.
6Les Allers de 1554 accusent 23 navires et 2 260 toneladas (1 695 tonneaux5) Ces chiffres n’avaient pas été égalés depuis le creux cyclique de 15226. Tels quels, ils constituent la moitié, à peine, des creux cycliques moyens des trois précédentes décades. Mais, en fait, en les comparant, sans plus de critique, comme nous le faisons, ici, nous ne comparons pas dés valeurs comparables.
7Antérieurement à 1550, à la seule exception de 1548, les chiffres globaux du mouvement Allers ne comprennent pas les Canaries, mais, uniquement, les navires du Guadalquivir. Il ne s’agit pas de soulever, une fois de plus, le gros problème, si délicat, des modalités de l’entrée des Canaries dans la Carrera et plus particulièrement, de la critique des documents chiffrés de Séville qui laisseraient à penser une émergence trop brutale des Canaries dans l’Atlantique hispano-américain, en 1548 et en 1550. La vérité, on l’a vu7, est, vraisemblablement, entre une acceptation trop naïve et une hypercritique qui n’est autre, non plus, qu’une solution de facilité. En fait, il y a bien eu, facilitée par l’étonnante poussée du milieu du siècle, admission timide de l’archipel canarien dans le système du Monopole. Les Canaries joueront, désormais, un rôle de volant, dans la mesure, notamment, où pendant plusieurs décades, jusque vers 1573-1574, environ, elles assurent, aux Indes, dans des conditions de plus grande facilité, leur approvisionnement en denrées agricoles de luxe dont les besoins n’ont pu être satisfaits, aussi vite, par l’organisation de la production locale, et que l’Espagne ou, plus exactement, les trafics se sont refusés, en fait, à assumer en quantités suffisantes. Une comparaison entre les seuls mouvements de l’Andalousie, à l’exclusion des Canaries, s’impose donc8, parallèlement aux comparaisons classiques sur les séries globales.
8Déduction faite des 20 navires partant de La Palma et de Tenerife9, en. direction des Indes et des 1 600 toneladas qu’on peut leur attribuer, presque à coup sûr, trois navires, seulement, évalués à 660 toneladas, gagnent les Indes. Ce sont des négriers, puisqu’ils passent par le Cap Vert, en se dirigeant, l’un d’entre eux, vers la Vera Cruz, les deux autres, vers Nombre de Dios. Ces chiffres sont les plus faibles de tous ceux qui furent jamais observés, au départ, dans la Carrera10.
9Même compte tenu de l’adjonction aux navires andalous des 20 navires canariens— ce qui ne va pas sans risque— le creux des Allers en 1554 (18,560 % de la moyenne de 13 ans représentative du trend) est le plus accusé de toute l’histoire de la Carrera, jusqu’en 1587, du moins. On s’en aperçoit, par rapport à la pointe d’expansion cyclique la plus proche (1550 est à 164,27 % d’un trend calculé dans les mêmes conditions). Avec 23 navires, au lieu de 133 et 2 260 toneladas, au lieu de 19 620, les Allers de 1554 ne peuvent aligner que 17,3 % du nombre des navires et 11,5 % du tonnage de 1550. Pareille distorsion ne s’était jamais vue, dans l’histoire de l’Atlantique hispano-américain, elle ne se présentera pas avant les années 1586-1587, sous l’influence, alors, évidente de l’incendie de la flotte de Nouvelle-Espagne à Cádiz. Mais si on se cantonne au seul mouvement du complexe portuaire andalou, à certains égards, plus sûr, l’écart des Allers entre le creux cyclique de 1554 (3 navires, 660 toneladas) et la pointe d’expansion cyclique maximale reportée, on a vu pourquoi11, en 1549 (104 navires et 17 525 toneladas pour la seule Andalousie), est proprement unique. Cet écart constitue le record d’un siècle et demi d’histoire recensée de la Carrera. Les niveaux du creux cyclique, ainsi calculés, ne représentent plus, en effet, que 2,88 % du nombre des navires de la pointe d’expansion cyclique précédente et 3,76 % du tonnage.
10Les Allers, on le sait, donnent, généralement, le ton au mouvement. Mais Retours et Allers et retours sont, ici, pleinement solidaires des Allers.
11b. Retours. — Les Retours, 36 navires, seulement et 5180 toneladas (malgré leur rôle exceptionnel, 69,62 % du total, le pourcentage le plus élevé depuis le début du xvie siècle), ne représentent que 40,45 % du sommet cyclique de 1551 par le nombre des navires et 33,9 % par leur tonnage12, puisque, fait lourd de signification et tout à fait aberrant, la chute du tonnage s’accompagne d’une élimination relativement plus grande des gros navires13. Un reflux relativement aussi important ne s’était pas produit, sur le mouvement Retours, depuis 1514-1516. Élimination faite des énormes amplitudes à partir de 1590, dues non à un phénomène conjoncturel — on le verra14 — mais à un rythme biennal, presque structurel, dicté par des conditions de défense, l’écart, qui sépare, ici, le creux du sommet conjoncturel sur les Retours en tonnage est le plus important de toute l’histoire de la Carrera.
12c. Allers et retours. — Les Allers et retours, avec 59 navires et 7 440 toneladas contre 215 navires et 32 355 toneladas en 1550, mieux encore que les Allers et les Retours, pris individuellement, offrent l’exemple le plus incontestable d’écart conjoncturel maximum entre un sommet et un creux cyclique dans toute l’histoire recensée de la Carrera : puisque le creux de 1554 ne représente que 27,4 % du nombre des navires de 1550 et 22,5 % du tonnage15. Compte tenu des navires canariens. Compte non tenu des canariens, l’écart sur le seul mouvement Amérique-Andalousie, est plus considérable encore, on passe de 179 navires et 29 080 toneladas en 1549 aux 39 unités et 5 840 toneladas de 1554, soit 21,8 % du mouvement unitaire de la pointe cyclique antérieure et 20,08 % de sa capacité de chargement. C’est-à-dire, incontestablement, dans un cas comme dans l’autre, le record d’amplitude cyclique du mouvement.
2. Mouvements en valeur
13Le creux existe, également, bien que moins profond, sur le mouvement-valeur. On est moins bien armé, il est vrai, pour l’apprécier ; il faut se contenter des approximations16 que permettent les entrées de marchandises espagnoles à Nombre de Dios et à la Vera Cruz, à travers l’almojarifazgo perçu17. Il est difficile de mesurer avec précision le creux conjoncturel du mouvement-valeur, étant donné la coutume du versement différé de l’almojarifazgo et les chevauchements qui en découlent. A condition, toutefois, de prendre une série suffisamment longue, chevauchements et décalages qui rendent si difficile la lecture des comptes d’almojarifazgo ne sont plus à craindre. Il suffit de calculer, par exemple, dans le cadre de la demi-décade, la moyenne annuelle des valeurs représentées par les marchandises d’Espagne importées, dans les deux grands ports des Indes18. Les moyennes annuelles de Nombre de Dios passent de 382 millions de maravedis, entre 1546 et 1550, à 337 millions, dans les mêmes conditions, de 1551 à 1555. Pour la Vera Cruz, de 168 millions à une approximation grossière vraisemblable et légèrement inférieure à 150 millions19. Le creux formé, globalement dans la marche du mouvement-valeur est tel que le niveau fiscal des exportations présumées, au cours de la demi-décade de 1551-1555, représente 88,5 %, seulement, du niveau de la demi-décade 1546-155020.
14Aussi, le creux conjoncturel de 1554 est, non seulement plus vigoureusement marqué qu’aucun autre et dans tous les domaines, mais la régularité, et l’accélération croissante du mouvement de repli entre la pointe de 1550-'1551 et le creux de 1554 sont particulièrement dignes d’être retenues et militent en faveur de l’importance intrinsèque de l’accident de 1554. On lira, ailleurs, une étude plus détaillée du repli21, mais il suffit, pour juger de la forme parabolique du mouvement et de la vigueur unique de la récession, de se reporter aux représentations sur canevas semi-logarithmique des trafics en volume. Le dessin le plus probant est celui des globaux22 ; celui des Allers23 est extrêmement vigoureux, malgré le très léger crochet de 1552 par rapport à 1551, plus palier, d’ailleurs, que rebroussement. Le dessin des Retours24 est presque parfaitement linéaire sur trois ans. Il est évident qu’il n’existe pas un creux conjoncturel25, aussi parfaitement dessiné dans toute l’histoire de la Carrera.
15Il en va ainsi, parce que la crise, qui a son centre en 1554, n’est pas une simple crise de conjoncture, mais l’amorce d’une modification plus profonde, qui atteint durablement, les structures mêmes du mouvement.
ANALYSE
16Mais pour être en droit de l’affirmer, il importe de recourir à quelques procédés simples d’analyse. On se bornera, comme d’habitude, aux plus élémentaires — ce ne sont pas, nécessairement, les moins efficaces et ce sont sûrement les moins suspects. Au tout premier chef, la série des diverses moyennes mobiles.
1. Moyennes mobiles de 13 ans
17Les moyennes mobiles sont particulièrement instructives et tout d’abord, la moyenne mobile, par excellence, celle de treize ans, la plus susceptible, en raison de sa durée, d’éliminer une fluctuation cyclique largement décennale26. A quelques hésitations mineures près — dues au fait de la non absolue homogénéité du cycle —, toutes les moyennes mobiles de treize ans, depuis ‘leur point de départ, au début du siècle (en 1512, pour les moyennes médianes d’un mouvement continu qui commence en 1506), ont une allure régulièrement ascendante.
18a. Allers.
19Mouvement volumétrique annuel. — La moyenne médiane, pour le mouvement Allers, par exemple, en unités pondérées27, est emmenée dans un mouvement ascensionnel presque linéaire, à force de régularité, de 1512 à 1546. En 34 ans, la valeur de la moyenne mobile a plus que quadruplé, elle est passée de 2 294,92 tonneaux en 1512 à 9 580,7 tonneaux en 1546. Le niveau de 1512 ne représente que 23,9 % de la valeur atteinte en 1546.
20Mais la moyenne hésite à partir de 1546 : descente sensible de 1546 à 1548, de près de 5 %, puis remontée partielle en 1549, creux accentué en 1550, remontée en 1551, qui dépasse, même, avec 9 605,94 tonneaux, de 24,94 tonneaux, soit de 0,27 % le chiffre précédemment record de 1546. De 1546 à 1551, la pente ascendante est brisée, on est en présence d’un palier concave anormal de cinq ans, puis vient la vraie descente, de 1551 à 1558, sur sept ans, la pente descendante est continue. La moyenne n’est plus, en 1558, qu’à 83,5 % de ce qu’elle était en 1551, et à 83,7 % du niveau atteint en 1546, douze ans plus tôt, elle est ramenée au niveau de 1543, quinze années plus tôt. L’accélération de la pente dans le secteur du reflux, de 1551 à 1558, est, par place, symétrique inverse de certains secteurs freinés de la pente ascendante de la même courbe avant 1546. De 1558 à 1563, nouveau secteur d’hésitations, à tendance pourtant à nouveau ascendante qui constitue, sur cinq ans, le symétrique exact de la période 1546-1551. Il a donc fallu dix-sept ans, pour que le trend, par une moyenne mobile médiane de treize ans, exprimé, sur les Allers en unités pondérées, retrouve la valeur qu’il avait atteinte en 1546, Une moyenne mobile arrière calculée dans les mêmes conditions, donnerait les mêmes résultats, mais décalés de six ans, entre 1551 et 156828. Ce dernier cadre chronologique, celui de la moyenne arrière, est préférable, ici, il correspond mieux, en effet, à la réalité, le point de départ de la crise, notamment, y est plus proche de la date vraie de la grande crise tournante des années 1550. La même raison structurelle se retrouve, sans aucun artifice sur le mouvement volumétrique semi-décadaire, en unités pondérées29 ou non pondérées30.
21Mouvement volumétrique semi-décadaire.— Le volume de la demi-décade 1551-1555 est, en Allers31, inférieur à celui de la demi-décade précédente. Semblable phénomène ne s’était jamais produit32, à cette échelle, du moins. Les valeurs respectives du mouvement Allers en toneladas ou en tonneaux pondérés ne représentent, au cours de la demi-décade 1551-1555, que 80,5 % de la demi-décade précédente. Phénomène unique par son ampleur, mais bien plus encore par sa continuité ; avec 46 870 toneladas, 35 152,5 tonneaux, 1556-1560 ne représente plus que 63 % de 1546-1550 et 79 % de 1551-1555. Le tassement de 1555-1560, par rapport à 1551-1555, est comparable voire même légèrement supérieur au tassement de 1551-1555, par rapport à 1546-1550. On mesurera mieux encore l’ampleur de la catastrophe, si on songe que le volume de 1556-1560 est inférieur à celui de 1541-1545 et, pratiquement, égal à celui, en Allers, de 1536-1540. 1561-1565 n’a pas encore récupéré, puisque, s’il dépasse 1541-1545, voire même 1551-1555, il n’atteint encore que 91,5 % du volume de 1546-1550. Il faut attendre 1566-1570, soit vingt ans, pour obtenir un déclenchement par rapport à la demi-décade 1545-1550 de l’ordre de 10 %, mais inférieur encore au déclenchement de 1546-1550 par rapport à la demi-décade précédente de 1541-1545. Il est donc raisonnable de considérer que la perturbation du mouvement Allers, comme celle, on le verra incessamment, des Retours et Allers et retours, se fait sentir sur vingt ans. Il a fallu deux décades pleines et trois fluctuations cycliques, pour qu’on puisse considérer toutes les conséquences de la récession inter-cyclique comme définitivement effacées et l’expansion renouée sur les, niveaux de la demi-décade 1545-1550.
22Mouvement unitaire. — Cette démonstration a été étayée sur l’expression volumétrique du mouvement, celle qui tient compte, au maximum, de l’accroissement unitaire du tonnage des navires. Si on considérait, en effet, seulement le nombre des navires engagés33, on arriverait, malgré l’entrée en masse de la plèbe des petits navires canariens — elle coincide, on l’a vu34, à peu de choses près, pourtant, avec le déclenchement de la grande récession du demi xvie siècle — à des résultats beaucoup plus spectaculaires encore35. Par rapport aux 504 navires de 1546-1550, les 366 navires de 1551-1555 (sensiblement comparables aux 357 et 351 de 1541-1545 et 1536-1540) ne représentent que 72,7 % du chiffre de la demi-décade précédente (et pourtant, l’adjonction des Canaries est, désormais, régulière36), les 284 navires de 1556-1560, 56,3 % seulement du niveau de 1546-1550 et 42,5 %, si on envisage le seul complexe portuaire andalou et si la situation s’améliore, dans les demi-décades suivantes, 390, 394, 371 navires, soit autour de 75 % du chiffre de 1546-1550, il ne sera pas dépassé avant 1586-1590 (que l’on envisage le seul complexe portuaire andalou, ou l’ensemble andalou canarien). Cinq demi décades, seulement, peuvent, en fin de compte, au départ en direction du Nouveau Monde, aligner un nombre de navires supérieur à celui atteint dès 1546-1550 : 1586-1590, 1591-1595, 1596-1600, 1606-1610, 1616-162037.
23b. Retours. — La force de la récession intercyclique tient au fait qu’elle ne se limite pas à un aspect même fondamental du trafic, mais qu’on la retrouve, pareille à elle-même, à. quelques modalités près, dans toutes les grandes articulations du trafic.
24Mouvement volumétrique annuel. — Pour le mouvement Retours, en effet, exprimé, lui aussi, en unités pondérées, le mouvement est très sensible ment identique. Là aussi, la moyenne médiane de treize ans38 est entraînée dans un mouvement ascensionnel presque linéaire, à force de régularité, de 1512 à 1547. Au-delà de 1547, le rythme ascensionnel est brisé. Le phénomène de la contraction apparaît un peu moins accusé au Retour qu’à l’Aller. Rien de surprenant. Une des caractéristiques, en effet, de cette période de récession intercyclique est donnée par la proportion exceptionnellement forte des Retours dans le mouvement global39. Ces proportions anormalement élevées des Retours sont un signe de contraction de longue durée comme elles sont, au niveau du cycle, un signe de contraction de courte durée. On la retrouvera au passage de la phase A à la phase B, de 1606 au moins à 1625, plus tard encore. Mais la contraction qu’elle soit courte ou, plus sûrement encore, de longue durée, n’est-ce pas, spécifiquement, ici, un temps de ralentissement relatif des investissements d’Espagne en direction des Indes ? Et puisque, entre autres facteurs, le navire al traves constitue le bien d’investissement, par excellence, exporté d’Espagne vers l’Amérique, il est naturel que la chute des Retours ne suive pas plus servilement celle des Allers, en phase longue, qu’elle ne le fait à la hauteur du cycle, en conjoncture courte.
25Le rythme ascensionnel, donc, de la moyenne mobile médiane de 13 ans des Retours exprimés en unités non pondérées, est coupé en 1547 (un an plus tard que les Allers, comme il fallait s’y attendre). Un palier suit, de cinq ans, qui, malgré ses hésitations, reste très légèrement ascendant : 1552 (7 446,403 tonneaux) est à 4,5 % au-dessus de 1547. Le palier correspondant des Allers était horizontal. Puis vient une contre-pente sur sept ans, qui atteint 6 611 tonneaux en 1559, le recul par rapport à 1547 n’est plus que de 7 % et de 11 % par rapport à 1552. Au-delà du creux de 1559, le mouvement ascensionnel reprend et l’altitude de 1547 est atteinte en 1560, celle de 1552, dépassée en 1562. Une moyenne mobile arrière calculée dans les mêmes conditions donnerait les mêmes résultats, dans un cadre chronologique différent, décalé de six ans, allant de 1552 à 1565 et 1567, par l’intermédiaire des points relais de 1558 et de 1564, encadrement en tous points plus conforme à la réalité concrète de la grande récession.
26En règle générale, le phénomène de la récession de longue durée apparaît clairement exprimé, dans les mêmes conditions, sur le mouvement volumétrique Retours et sur les Allers ; la récession est, tout au plus, écourtée de deux ou quatre ans, treize à quinze ans, au lieu de dix-sept tandis que l’amplitude du creux-record se trouve, en gros, réduite de moitié40.
27Mouvement volumétrique semi-décadaire. — Les semi-décadaires, en unités pondérées41 ou non pondérées42, donnent une réponse tout aussi probante et le même son que les Allers.
28Dans toute la première moitié du xvie siècle, chaque demi-décade du mouvement Retours exprimée en toneladas ou en tonneaux de jauge internationaux actuels était en progrès sur le chiffre de la demi-décade précédente, à une seule exception près43. Mais au-delà de 1550, on retrouve exactement sur la même étendue, avec, tout au plus, une amplitude légèrement atténuée, le même phénomène de contre-pente.
291551-1555 est en retrait sur la demi-décade précédente, mais le décrochement est atténué, par rapport aux Allers, en repli de 11 % seulement sur 1546-1546-1550 ; la descente continue à un rythme légèrement ralenti, le décrochement, toutefois, de 1556-1560 est à peine de plus de 9 % par rapport à 1551-1555, soit, au total, 18,5 % par rapport à 1546-1550. Le mouvement Retours a, de 1561 à 1565, récupéré une partie des positions anciennes, mais reste en deçà, encore, du niveau, de 1546-1550. Il faut attendre, comme sur les Allers, 1566-1570, pour que les positions de 1546-1550 soient atteintes et rattrapées. Et par rapport à 1546-1550, la demi-décade 1566-1570 n’est encore en progrès que de 12 %, à peine, soit un déclenchement très inférieur au déclenchement de plus de 40 % qui sépare 1546-1550 de la demi-décade précédente, 1541-1545. Comme sur le mouvement Allers et plus, peut-être encore, il faut compter un bon laps de temps de vingt ans, au moins, pour que soit bien effacé le passage de la grande récession intercyclique du demi xvie siècle.
30Mouvement unitaire.— Le creux est beaucoup plus sensible sur le mouvement unitaire, encore, qu’il ne l’est sur le mouvement exprimé en toneladas ou en tonneaux. Les 290 navires de 1551-1555 ne représentent que 78,4 % des 370 navires de 1546-1550. Les 265 navires de 1556-1560 ne représentent que 71,6 % du niveau record de 1546-1550. Le nombre exceptionnel de navires mis en cause par les Retours n’atteindra et ne dépassera le niveau record des 370 navires de 1546-1550 qu’au cours des deux demi-décades de 1606 à 1610 et de 1611 à 161544. Le caractère exceptionnel de la demi-décade 1546 à 1550 est beaucoup plus sensible encore sur le mouvement Retours que sur les Allers45.
31c. Allers et retours.
32Mouvement volumétrique annuel. — Les globaux Allers et retours sont, sensiblement, la résultante des deux mouvements fondamentaux. Là encore, l’expression la plus sûre de la tendance majeure est donnée sur les moyennes mobiles médianes de 13 ans, calculées en partant du mouvement exprimé en unités pondérées46.
33Une montée tendancielle continue de 1512 à 1547. Il y a plus que quadruplement du niveau de la tendance majeure en trente-cinq ans, puisque le niveau du point initial 3 981,92 tonneaux ne représente que 23,9 % du niveau du point terminal, 16 682,61 de 1547.
34S’opposant à cette montée, un palier concave de quatre ans, entre 1547 et 1551 ; après des hésitations et des repentirs, la courbe, qui a cessé de monter, arrive à 16 938,69 tonneaux, soit à 1,5 % au-dessus à peine, du niveau de 1547.
35Une grande contre pente de sept ans va de 1551 à 1558 ; du niveau de 16 938,69 tonneaux, on passe, d’un mouvement presque linéaire, aux 14 669,92 tonneaux de 1558, soit un creux de 16 % par rapport à 1551 et de 15 % encore par rapport à 1547.
36Puis la reprise s’effectue et le mouvement reprend une marche ascendante, régulière. De 1558 à 1560, la courbe reste en dessous des niveaux atteints en 1547 et 1551. 1561, toutefois, dépasse déjà très légèrement le niveau de 1547, et 1562, celui de 1558. Le rythme reprend, au-delà, avec vigueur, et le lien rompu est progressivement renoué. L’anomalie aura donc duré exactement quinze ans.
37Avec une moyenne arrière, dans les mêmes conditions, on obtiendrait un encadrement plus conforme, peut-être, à la réalité, de 1553 à 1568. Avec une moyenne mobile médiane de 13 ans, mais calculée sur les chiffres en unités non pondérées47, l’anomalie se prolonge jusqu’en 1563, et jusqu’en 1569, avec une moyenne arrière, c’est-à-dire, sur un laps de temps plus long, de seize ans au lieu de quinze ans. Les niveaux de 1547 et de 1551 ne sont pas rattrapés avant 156348.
38Mouvement annuel semi-décadaire. — Cette récession de quinze ans au moins, apparaîtra tout aussi probante sur les semi-décadaires, en unités pondérées49 ou non pondérées50 qu’elle ne l’est, dans les mêmes conditions, sur les mouvements Allers et sur les Retours. Progression régulière51, de demi-décades en demi-décades, depuis 1506-1510 jusqu’en 1546-1550. Il y a entre le premier terme et le dernier, plus que quintuplement. Et, bien sûr, 1551-1555 et 1556-1560 constituent la première anomalie d’un contrecourant aussi violent que continu : premier tassement de 15 %, suivi, entre 1556-1560 et 1551-1555, d’un deuxième tassement de 16 %. A dix ans d’intervalle, entre 1546-1550 et 1556-1560, le tassement a frôlé 30 %. Puis vient la remontée, mais 1561-1565 est encore à 11215 toneladas en contrebas des 127 280 toneladas de 1546-1550 et à 8 %, seulement, au-dessus de 1551-1555. 1566-1570 dépasse de 10 % la demi-décade précédemment record d’il y a vingt ans. Le rythme ascensionnel normal n’est repris qu’avec la demi-décade suivante. On se souviendra, en effet, que le déclenchement entre 1541-1545 et 1546-1550 avait été de l’ordre de 45 %.
39Mouvement unitaire. — Comme dans les deux mouvements précédents, la récession sur le mouvement unitaire est beaucoup plus creusée et beaucoup plus large encore. Les 549 navires de 1556-1560 ne représentent guère que 62,8 % des 874 unités de 1546-1550. Ils ne seront pas égalés avant 1586-1590 (886 navires) et dépassés, nettement, trois fois seulement, en 1591-1595, 1596-1600 et 1606-1610 avec 920, 943 et 965 unités.
2. Moyennes mobiles de cinq ans
40L’étude des moyennes mobiles52 de cinq ans fournit un autre moyen d’approche de la grande récession intercyclique du demi xvie siècle. Elles épurent, on l’a vu, à peu près totalement, la fluctuation décennale, de l’accidentel extra économique et éliminent, à peu près complètement, la fluctuation courte, pour ne conserver que la résultante, en gros, décennale.
41Un coup d’œil rapide jeté sur les moyennes mobiles de cinq ans montre que les creux cycliques n’excèdent jamais, après traitement de la série, par ce procédé, dans la première moitié du xvie siècle, un ordre de grandeur d’un peu moins de 10 % par rapport aux pointes conjoncturelles rabotées qui les précèdent. Le creux relatif est même, le plus souvent, dans ces conditions, inférieur à 5 %.Les contre-pentes d’autre part, toujours dans le cadre de ce procédé en moyenne de deux ans à un an, n’atteignent que tout à fait exceptionnellement trois ans (entre 1527 et 1530, par exemple, sur le mouvement global Allers et retours). L’étude de la première partie de la courbe jusqu’en 1550 donne donc l’ordre de grandeur des manifestations des creux cycliques sur les moyennes mobiles de cinq ans.
42La grande récession, par contre, a une toute autre influence sur les moyennes de cinq ans. Le sommet cyclique se place, dans ces conditions, sur les Allers en 1550, avec 12 592,5 tonneaux, en 1549, sur les Retours, avec 8 979,90 tonneaux, en 1550, sur les Allers et retours (21 458,90). Le creux du mouvement Allers se situe en 1556 (6 891 tonneaux), en 1555 pour les Retours (6 249 tonneaux) et en 1555, également, pour les Allers et retours (13 365,85 tonneaux). Le creux cyclique, après rabotage, se situe, désormais, à 45,3 % en contrebas sur le mouvement Allers, à 30,4 % sur celui des Retours et à 37,7 % sur les Allers et retours. Amplitude exceptionnelle du creux.
43Longueur inaccoutumée de la contre-pente continue : elle est de six ans (elle n’avait jamais excédé trois ans, auparavant). Après une période d’hésitations de quatre ans (en Allers et en Retours) et de cinq ans en Allers et retours, le mouvement ascensionnel reprend son cours. Mais le niveau atteint en 1550, sur le mouvement Allers, n’est égalé, puis surpassé, qu’en 1567, soit dix-sept ans après. Sur les Retours, l’égalisation n’a lieu qu’en 1566, dix-sept ans, de même, après le sommet de 1549. Sur les globaux, Allers et retours, dix-sept ans également, entre 1550 et 1567. Une anomalie aussi insolite ne peut être portée à l’actif d’un phénomène cyclique ordinaire. Nous sommes bien en présence d’une récession intercyclique53.
3. Loi de la progression des crêtes
44Enfin, il est fondamental, pour clore ce cycle démonstratif, de se tourner vers les chiffres bruts, réels, indépendamment de tout traitement analytique.
45Une des lois les plus absolues de l’expansion à long terme, on l’a vu au cours de la première phase longue d’expansion, c’est ce que l’on pourrait appeler la loi de la progression des crêtes. Chaque crête cyclique surpasse la crête cyclique de la fluctuation précédente et reste en deçà de la suivante (en tonnage, du moins ; en nombre de navires sur le mouvement unitaire, il peut ne pas en aller de même, où les progrès certains ont été faibles, l’expansion étant assurée, pour plus de moitié, par la progression du tonnage unitaire). Il y a bien eu, parallèlement, un relèvement progressif des creux cycliques mais c’est, essentiellement, par l’alignement des crêtes, sur un parallèle à la tendance majeure, que le progrès s’est fait. Quant aux creux cycliques, au cours de la première phase longue d’expansion, ils interviennent moins directement. Il y a, certes, atténuation relative du creux, mais surtout, leur durée s’abrège. Ainsi, la progression vigoureuse des sommets d’expansion cyclique, et beaucoup plus accessoirement, un raccourcissement du temps de la contraction cyclique ont été les facteurs essentiels de la hausse.
46Or, ces caractères sont modifiés dans le temps de la contraction interdécennale : la période d’expansion cyclique, qui assurait dans la première moitié du xvie siècle — on l’a vu — l’essentiel de la hausse de longue durée, est profondément transformée ; non seulement par tassement, mais plus encore par amincissement du temps de pointe. Sur les Allers, par exemple54, le chiffre de 19 620 toneladas qui marque la pointe cyclique la plus élevée de la première phase en 1550 n’est pas égalé avant 1567, soit après dix-sept ans55. Mais il faut attendre 1572, pour que la pointe cyclique de 1549-1550 soit non seulement égalée, mais incontestablement dépassée56.
47Pour rencontrer, à nouveau, un écart positif proportionnellement aussi important entre une pointe cyclique et la pointe de 1550, qu’entre 1550 et la pointe cyclique précédente de 1540, il faut attendre 1587, avec la pondération et, sans elles, 1608, peut-être. Les pointes, par contre, de 1555, 1557, 1562 et 1565 restent en dessous du record établi en fin de la première phase d’expansion.
48Sur les Retours57, la pointe de 1551 n’est pas égalée avant 1566. Et pour qu’elle soit dépassée aussi nettement que 1551 ne surclassait la pointe précédente de 1541, c’est-à-dire, de quelque 80 %, il faut attendre 1587. Dans le laps de temps de quinze ans, qui séparent 1551 et 1566, ni 1555, ni 1556, ni 1560, ni 1561 n’atteignent, à 20 ou 30 % près, la valeur de 1551.
49Sur les Allers et retours58, ce caractère est beaucoup plus évident. La pointe d’expansion cyclique 1550 n’est pas égalée avant 1572, aussi bien en unités pondérées qu’en unités non pondérées. Encore l’avantage de 1572 est-il faible. Dans le laps de temps de vingt-deux ans qui sépare 1550 et 1572, toutes les pointes, qu’elles appartiennent à la période de contraction ou intercyclique ou déjà, à la seconde phase longue d’expansion, restent inférieures à la pointe d’expansion cyclique maximale précédente de 1549-1550. 1555, 1557, 1561, 1565, 1566, 1567, 1569 sont inférieurs de 10 % au moins, et le plus souvent, de bien davantage.
50On a comparé, jusqu’ici, uniquement des chiffres absolus ; or, pour donner toute sa valeur à la comparaison, il importe de tenir compte de l’épaulement de ces maxima. Les pointes de 1550-1551 sont fortement encadrées par toute une série de points hauts ; c’est particulièrement évident pour les Allers et les globaux Allers et retours. On ne trouvera plus rien de tel avant 1565-1567 sur les Allers et retours, à un niveau très inférieur, en outre. On peut se demander dans quelle mesure, il ne faudrait pas, pour retrouver un épaulement aussi solide, comme base d’une pointe cyclique aussi ubiquitaire que celle de 1550, aller jusqu’en 1608-1610..., c’est-à-dire jusqu’au terme de la seconde demi phase longue d’expansion, au passage de la phase A à la phase B. Ne sommes-nous pas, de même qu’en 1550, à la frontière d’une période longue d’expansion et d’un grand intercycle orienté à la baisse ?
51Tout cela, sans prendre en considération ni ce facteur perturbant qu’est l’adjonction des navires canariens59, ni le mouvement unitaire. On a pris, volontairement, l’expression la plus générale et la moins favorable à la thèse de la grande récession. Une ultime contre-épreuve s’impose, toutefois, sur le mouvement numérique, par exemple60. Pour que les niveaux unitaires de 1550 et 1549 soient atteints et dépassés (133 navires en 1550, canariens inclus, 104 navires, pour le seul mouvement andalou, en 1549), il faut attendre 1586, ses 148 départs andalou-canariens et 140 départs andalous61. Le niveau unitaire des Retours de 1551 (89 navires) n’est pas dépassé avant 1587, et il ne le sera, somme toute, qu’un nombre restreint de fois (8 fois), 1587, 1589, 1591, 1595, 1600, 1610, 1612, 1624, égalé en 1602. Le niveau unitaire des Allers et retours de 1550 (215), lui aussi et plus encore, n’est dépassé qu’un nombre très limité de fois (5 fois), en 1589, 1593, 1595, 1596 et 1608, et jamais avant 1589.
52Toutes ces constatations qu’on pourrait multiplier presque à l’infini62, sans rien ajouter à une cause plaidée, permettent de délimiter une récession étalée sur un peu plus de quinze ans, à cheval sur trois fluctuations, qui coupe par son milieu le mouvement ascensionnel des volumes transportés dans l’Atlantique du xvie siècle.
COVARIATION PRIX-TRAFIC ET MODIFICATIONS STRUCTURELLES
53En présence d’un phénomène d’une telle ampleur, en raison de la covariation prix-trafic qu’on a toujours observée, on se tourne, naturellement, vers les prix espagnols, dans l’espoir de déceler l’existence d’un phénomène analogue. Les prix répondent à l’attente, sinon entièrement, du moins pour l’essentiel.
1. Covariation et anomalies
54On a vu63 quelle fut la violence de la poussée conjoncturelle des prix entre 1548 et 1550. C’est en 1549 que les prix culminent en Nouvelle Castille, et derrière elle, sur l’indice compensé pour l’ensemble de l’Espagne. On s’attend à une dépression particulièrement creusée dans les années qui suivent. On la trouve. Étant donné la faible flexibilité du mouvement des prix-argent, pour l’ensemble de l’Espagne surtout, comparés aux volumes du trafic dans la Carrera, la référence des prix à un trend dégagé par moyennes mobiles s’impose plus particulièrement.
55a. Prix-argent. — Sur la série des prix-argent de E. J. Hamilton traités suivant ce procédé64, on se trouvera, à la charnière de deux phases du trafic, en présence de l’alternance la plus parfaite65 de cinq années au-dessus de la tendance et de quatre ans au-dessous. Cinq ans d’anomalie positive : 1548, 100,5610 %, 1549, 105, 7968 %, 1550, 102,1298 % 1551, 100,3905 %, 1552, 100,7771 %. Viennent, ensuite, quatre années consécutives d’anomalie négative de plus en plus accentuée : 1553, 97,8546 %, 1554, 98,2477 %, 1555, 95,1628 %, 1556, 94,8183 %. Enfin, circonstance qui renforce encore l’impression de contraction, après deux années 1557, 1558, de très faible anomalie positive, 102,47 %, 102,04 %, deux années déprimées fortement en contrebas suivent, à nouveau, 1559 et 1560, 96,218 % et 95,41 %. Même sur un instrument aussi peu sensible que les « index numbres of silver prices », la décade 1551-1560 apparaît, donc, comme une décade au cours de laquelle le rythme d’accélération de la révolution des prix en Espagne est ralenti. Entre 1541 (commencement de la précédente décade) et 1549, point culminant du cycle des prix et sous un certain angle66, du cycle des mouvements, on passe de l’indice 56,02 à l’indice 70,63, soit un coefficient de croissance de 26,08 %. Cet accroissement, en neuf ans, est un accroissement record. L’accroissement du volume des trafics dans la Carrera, dans le même temps, est tout à fait exceptionnel67. De 1549 à 1560, par contre, pour un laps de temps de onze ans, l’indice des prix-argent passe de 70,63 à 79,09, soit un accroissement de 11,9 %, en onze ans, au lieu de 26,08 % en neuf ans, soit un ralentissement substantiel dans la pente des prix. Ce ralentissement des prix, on l’a vu, correspond à une contre-pente accentuée dans le mouvement des trafics dans l’Atlantique espagnol et hispano-américain.
56Le creux du mouvement des prix, sur les indices moyens pour l’ensemble de l’Espagne, se situe en 1556. Le creux des mouvements en volumes se place, soit en 1556, soit en 1559.1559 est, à son tour, en position relativement déprimée sur le mouvement des prix, après un premier ressaut, dont on verra le rôle pour une meilleure compréhension d’une conjoncture courte68, mais juste avant le grand élan qui, entre 1559 et 1562 va mettre, à nouveau, toute la masse du trafic en mouvement.
57b. Prix particuliers. — Ce comportement des prix globaux, conforme à la conjoncture des trafics, semble — c’est une circonstance favorable — essentiellement dicté par les mouvements particuliers des prix d’Andalousie et de Nouvelle Castille, ceux des espaces, précisément, dont la vie est, incontestablement, la plus directement mêlée à la vie de la Carrera. 1550 est, pour les séries, andalouse et nouvelle castillane, en retrait brutal, par rapport à 1549, pour la Nouvelle Castille, par rapport à 1549 et 1548, pour l’Anda l’Andalousie ; les premières années de la décade69 semblent mues par un mouvement de récupération progressive, mais lente, hésitante et incomplète par rapport à 1550, sans rejoindre la position précédemment atteinte en 1548 ou en 1549. Dans cette dépression d’ensemble, un creux béant : 1555-1556 sur la courbé nouvelle-castillane70, 1559-1560 sur la courbe andalouse71. Ces deux creux correspondent, d’une manière troublante, aux deux foyers de la vaste dépression inter décennale dont on s’est efforcé de tracer plus haut les contours sur le mouvement volumétrique de la Carrera. Tout au plus, deux difficultés subsistent, un surcreusement du mouvement en tonnage par rapport au mouvement des prix, un prolongement insolite de la dépression ou, si l’on veut, une lenteur anormale de la reprise des trafics au-delà de celle des prix.
58Il est possible de rendre compte en partie, du moins, de ces anomalies apparentes. Dans l’Atlantique espagnol et hispano-américain, cette crise du demi-xvie siècle est, en réalité, une grave crise de structures au cours de laquelle le tassement des volumes accompagne des transformations profondes d’une importance extrême.
2. Distorsion valeur-volume
59Parmi les facteurs qui permettent de parler de véritables modifications structurelles, à la hauteur de ces années décisives, on retiendra la quasi-indépendance, dans le cadre de la période intercyclique, des expressions volume et valeur du trafic.
60a. Analyse. — La principale difficulté réside dans l’approche, toujours chanceuse, des valeurs.72 — La distorsion flagrante qui anime, au de là de 1556, la marche du mouvement volume et celle du mouvement valeur, n’en est pas moins évidente. L’approximation, à laquelle on arrive, n’est qu’une approximation extrêmement grossière. Ces chiffres sont censés représenter 80 %, environ, du mouvement en valeur des importations aux Indes de marchandises espagnoles et européennes. Ils sont certainement inférieurs à la réalité, car les marchandises ne sont jamais appréciées, ni à Séville, ni moins encore aux Indes à leur véritable valeur. Ce que l’on peut espérer, toutefois, c’est que la marche de cette série reste conforme73 bien qu’en deçà, à la marche véritable du mouvement. Toutes ces précautions prises, la marche du mouvement des importations d’Espagne en Amérique doit être assez vraisemblablement proportionnelle à la série suivante : 1541-1545, 290 ; 1546-1550, 660 ; 1551-1555, 572 ; 1556-1560, 800 ; 1561-1565, 1020 (moyenne annuelle vraisemblable des importations d’Espagne en Amérique, en millions de maravedis)74.
61Tout au cours de cette période, une grande transformation s’opère dans la nature des marchandises, puisque la valeur en croît beaucoup plus rapidement que les volumes.
62Entre 1541-1545 et 1561-1565, l’accroissement en volume du mouvement Allers est de Tordre de 132 %75, l’accroissement en valeur dans le même temps est de 352 %. Compte tenu de la révolution concomitante des prix, il reste encore une belle marge d’avance76, de l’ordre de 234 %. Il y a donc, en vingt-cinq ans — toutes choses étant égales – doublement intrinsèque de la valeur unitaire des marchandises exportées d’Espagne en Amérique à travers l’Atlantique. Cette constatation apparemment anodine est, en réalité, lourde de conséquences.
63b. Signification structurelle.
64Elle confirme, d’une part, l’expulsion progressive des produits agricoles andalous77 des exportations de l’Europe en direction d’Amérique, au profit des produits manufacturés chers venus d’Espagne et surtout — de plus en plus — d’Europe. C’est à cette expulsion qu’il faut attribuer l’admission officielle sur une plus grande échelle, dans la Carrera, de l’archipel des Canaries, exportateurs de produits alimentaires. Elle relativise considérablement, d’autre part, l’importance de la contraction intercyclique — en la replaçant dans son optique véritable, celle d’une période d’accommodation.
65La transformation de la nature des cargaisons commencée — on l’a vu — depuis la fin des années 3078, au moins, se poursuit, en fait, pendant la plus grande partie de la récession intercyclique. Entre la première et la seconde moitié de la cinquième décade du xvie siècle, le volume des exportations augmente de près de 50 %, tandis que la valeur fait plus que doubler ; après élimination de la croissance des prix, entendez qu’elle double. La transformation de la nature des cargaisons et leur gonflement en valeur semble avoir été rapide, au cours de cette période d’expansion du cycle 1544-1554. C’est donc, à tous égards, une expansion record.
66Mais le phénomène paraît stoppé au cours de la période suivante, en effet, tandis que le volume des exportations recule de 20 % environ, leur valeur se replie dans une proportion sensiblement égale ; de 13,3 %, alors que le niveau des prix entre les deux demi-décades est très peu différent. A l’échelle de la précision de nos mesures79, on peut considérer que pendant cinq ans, le phénomène presque structurel de l’accroissement unitaire des valeurs des marchandises transportées est, pratiquement, stoppé, au cours de la première phase de la contraction. C’est alors que se place, véritablement et incontestablement, la récession intercyclique, puisqu’elle est assez forte pour stopper, un instant, une évolution aussi profonde que celle-là même qui conduit à la modification de la nature des cargaisons. Il est à noter, on l’a vu que c’est, précisément, sur ce palier que le mouvement des prix cadre le mieux avec la dépression générale. Si la récession des valeurs ne dépasse pas cette période, le principal obstacle à l’établissement d’une co-variation positive simple prix-trafic dans le cadre chronologique de la récession intercyclique disparaît.
67C’est bien ce qui se produit. Arrêté un moment, seulement, le gonflement des valeurs reprend sa course, en dépit de la contraction volumétrique qui continue. Elle s’accentue, entre 1551-1555 et 1556-1560. Les exportations d’Espagne, au cours de la demi-décade 1556-1560, ne représentent plus que 79.5 % de celles de la demi-décade précédente de 1551 à 1555. En valeur, toutefois, elles représentent plus de 139 % du niveau de la demi-décade 1551-1555. Dans le même laps de temps, l’accroissement des prix est de l’ordre de 10 %80, ce qui assure, quand même, en prix constants, une augmentation de la valeur du mouvement, de l’ordre de 126 % par rapport à la demi-décade précédente. Soit, à volumes constants, une augmentation de la valeur unitaire du mouvement, de l’ordre de 158,5 %, entendez, finalement, un accroissement unitaire supérieur, même, à celui qu’on a pu calculer, entre la première et la deuxième demi-décade et la cinquième décennie du xvie siècle (133 %)81. Entre 1556-1560 et 1561-1565, la progression volumétrique reprend. Le déclenchement, sur le seul mouvement Allers, est de l’ordre de 44,2 %. Il y a progrès, aussi, en valeur, mais il n’est plus que de 27,5 %, et les prix s’accroissent, dans l’intervalle, de près de 13 %. Le progrès en valeur (après élimination de la croissance des prix), n’est plus que de 13 à 14 %. Le gonflement du mouvement en volume, au cours de cette période, dépasse le rythme de croissance du mouvement en valeur. D’énormes progrès viennent d’être réalisés dans ce domaine, au cours des demi-décades 1546-1550 et 1556-1560. L’ascension se poursuit, mais, cette fois, en volume. On comprend que la reprise ait été en partie assurée, par un apport plus important de marchandises de moindre valeur.
3. Modifications profondes des structures du trafic
68La grande récession intercyclique — c’est ce qui résulte de ces distorsions — correspond, donc, à une grande crise d’adaptation des structures du trafic. Dissolution de structures anciennes arrivées à leur terme, reconstruction de structures nouvelles et, entre les deux, facilitant les adaptations, ménageant les raccords, un fléchissement des volumes.
69Cette modification profonde de la nature du trafic tend à atténuer un paradoxe des toutes premières décades de la colonisation, celui d’une société coloniale américaine, vivant de l’importation, à travers l’Océan, de quelques-uns des aliments de base de l’humanité méditerranéenne.
70Cette évolution a commencé très tôt. Elle s’est déroulée à un rythme différent, suivant les époques et les secteurs de colonisation. L’allongement considérable des distances, après la découverte et l’exploitation du continent82, y a contribué. L’implantation sur le sol plus propice du continent et l’acclimatement progressif de certaines plantes européennes, l’accoutumance des nouvelles générations nées aux Indes, élevées par des femmes indigènes à une alimentation issue de la civilisation du maïs, l’épuisement des premières richesses les plus facilement acquises, ou, si on préfère, l’épuisement des richesses démographiques indiennes fossiles qui permettaient de les obtenir, tous ces facteurs ont contribué à une sélection naturelle au sein de la masse des produits importés d’Europe. Mais il apparaît clairement, désormais, que cette évolution s’est considérablement accentuée, sous l’action de la part plus grande prise par le continent (Nouvelle Espagne - Terre Ferme), par rapport aux îles. C’est, entre 1546-1550, on l’a vu83, que l’équilibre îles continent s’établit autour d’un point dont il ne s’écartera plus, fondamentalement. Au même moment, toutes pondérations effectuées, la valeur unitaire des importations des marchandises d’Europe en Amérique s’accroît de 133 %, tandis que double la valeur totale pondérée de leur masse globale.
71Dans les cinq ans qui suivent 1550, un sérieux temps d’arrêt est marqué : non seulement le volume global décroît, mais la valeur unitaire des importations n’augmente plus. Ce temps d’arrêt correspond au temps d’arrêt le plus sérieux dans la poussée des prix. C’est alors — et alors seulement — que vient s’inscrire la grande récession du demi xvie siècle.
72Mais c’est au-delà de 1556qu’intervient la plus importante anomalie : les prix se redressent, et pourtant, les volumes dessinent le creux le plus important, l'accélération de la pente décroissante des volumes s’accentue même. L’évolution de la valeur unitaire des importations, non seulement reprend, mais atteint son maximum de rapidité et d’efficacité. Au moment où le volume transporté baisse de 20 %, la valeur globale des exportations s’accroît de 27,5 %, elle dépasse la valeur, précédemment, record de la demi-décade 1546-1550, par une augmentation unitaire moyenne record de 58,5 % en cinq ans. Le rythme de la croissance spécifique a été tel que la demi-décade suivante — la demi-décade 1561-1565 de la reprise volumétrique — ne pourra consolider les progrès réalisés au cours du laps de temps précédant par la valeur unitaire du mouvement.
73Si l’adaptation du continent à la colonisation rend compte, structurellement, de l’accroissement continu de la valeur intrinsèque de l’unité d’importation aux Indes, il resterait à en expliquer le rythme particulier. C’est chose, sans doute, relativement aisée : la guerre, qui fait rage, avec une intensité toute particulière, au cours d’une décade marquant, à la veille du Cateau-Cambrésis, la fin des guerres d’Italie et de la première manche de la rivalité franco-espagnole, semble en être le facteur décisif84.
74Le rythme particulier des demi-décades 1546-1550 et 1551-1555 ne pose pas de problèmes délicats. Il est, tout entier, justifié, par la conjoncture décennale des prix, en fonction d’une corrélation positive simple prix-trafic souvent éprouvée. La corrélation prix-trafic est plus évidente encore, si on fait intervenir la valeur des importations en Amérique, à côté de leur volume : la corrélation indices des prix espagnols, valeur du trafic est plus astreignante encore que la corrélation classique prix-volume du trafic. Deux facteurs viennent renforcer l’action de la conjoncture décennale des prix et agissent dans le même sens : la guerre particulièrement lourde85, comme en témoigne le volume tout à fait exceptionnel des pertes86, la fin de la première flambée de la conquête en Terre Ferme. On a vu87 la masse du trafic avec la Terre Ferme se replier proportionnellement plus vite que la masse globale du mouvement : la Terre Ferme subit, maintenant, le recul d’adaptation que la Nouvelle Espagne, conquise plus tôt, a connu, quinze ans plus tôt. Le premier cycle d’économie purement destructive est clos, l’ère approche, où il faut créer la richesse dont on veut bénéficier. A la guerre, s’ajoute, par conséquent, l’effet récessif des adaptations de l’espace Pérou-Terre Ferme qui reprend souffle, après une première poussée motrice d’expansion.
75Après 1554, un nouveau cycle commence, bientôt entraîné par des prix qui, après un repos de cinq ans, reprennent leur marche, par un puissant bond en avant. Mais la guerre vient, alors, freiner l’expansion volumétrique : l’expansion qui ne peut s’effectuer en volume, se fraie passage par une véritable mutation de la valeur unitaire des cargaisons. L’ouverture, ici, des ciseaux volume-valeur des importations d’Espagne en Amérique, doit être considérée comme une réponse au défi de la guerre.., à telle enseigne qu’au-delà de 1560, quand les effets du Cateau-Cambrésis se font sentir, l’expansion qui a porté, d’abord, uniquement sur la valeur de la cargaison, porte, un temps, à la recherche d’un équilibre, uniquement sur le volume.
76Voici, grossièrement posé, le schéma de la grande récession.
77Même atténuée, même réduite par la prise en compte du mouvement valeur, une récession existe : elle doit être interprétée, avant tout, comme la grande crise structurelle de la Carrera, à mi-chemin de sa construction au cours du xvie siècle. On l’appellerait, volontiers, la crise de la fin de la Conquista, ou, si l’on veut, la crise de « la fin de la frontière ». En 1550, l’Amérique espagnole a trouvé ses limites. Elle a été parcourue et saisie dans son immensité88, superficiellement saisie, mais les grands axes en sont définis. L’ère fabuleuse de la Conquista à la Cortès ou à la Pizarro est close. La pénétration devra, désormais, changer de méthode. Au raid de pillage, à la capture pure et simple, l’exploitation se substitue. La barrière,, bien sûr, n’est pas infranchissable, il y aura encore de folles aventures après 1550 — moins rentables et moins faciles, toutefois89 — ; l’exploitation. Coloniale — mine, pêcherie ou plantation — est antérieure à 1550. Mais 1550 marque bien le véritable tournant.
78La récession du demi xvie siècle est donc, essentiellement, l’expression, dans l’Atlantique espagnol, de cette importante crise d’adaptation de la colonisation des Indes : la fin du monde ouvert de la conquête et son remplacement par un univers clos, le passage d’un monde largement ouvert à un monde partiellement clos. Cette crise aurait pu se produire un peu plus tôt, un peu plus tard. N’est-elle pas assez sensiblement décalée par rapport au terme vrai de l’exponentielle conquête ? C’est alors qu’intervient la grande poussée belliqueuse de la fin des guerres de la Renaissance en Europe. Par rapport à la grande récession, elle est moins facteur causant que simple élément de fixation dans le temps.
II — ÉBAUCHE D’UNE DIVISION CYCLIQUE
79L’existence d’une grande récession n’exclut pas — cela va sans dire — l’existence de toute une série de fluctuations plus courtes, sous-jacentes, fluctuations en gros décennales et intra-décennales. La récession n’est autre que la résultante à la baisse d’une série de fluctuations plus courtes.
DIFFICULTÉS
80La chronologie n’en est pas facile à fixer, dans la mesure où, sous l’influence, entre autres, du facteur de défense — n’oublions pas à quel point la guerre a pu faire rage tout au long des années 50 — le grand, le lourd système des convois s’installe — réplique, bientôt immuable, à un danger qui, pratiquement, ne se relâchera plus. La mise en route n’en est pas facile, les grands convois sont, d’abord, trop lourds pour les possibilités économiques de la Carrera du demi-siècle, encore mal remise de sa longue crise d’adaptation. Le système, avant qu’il ne soit rôdé, avant, aussi, que les volumes mis en cause n’aient suffisamment augmenté, pour lui permettre l’écoulement d’un flux annuel régulier, va condamner les Allers à une vibration grossièrement biennale. Il faut bien deux ans, au début, pour mettre sur pied un système de gros convois défensifs. Or, cette vibration extra-économique risque, sur le mouvement Allers, surtout, de brouiller le dessin des deux fluctuations, la décennale et intradécennale, qu’on est accoutumé de lire. Il en résulte que les fluctuations économiques normales sont beaucoup plus lisibles sur le mouvement global Allers et retours que sur le mouvement Allers — en soi, rien de surprenant — mais plus, peut-être, encore, sur le mouvement des séries Retours, ce qui est, par rapport à la réalité du premier demi xvie siècle, assez paradoxal.
DÉTERMINATION DE TROIS FLUCTUATIONS
81La division cyclique de la période n’est pourtant pas douteuse.
821550-1554 constitue la phase descendante de la précédente fluctuation décennale : fluctuation décennale à l’état pur, qui se trouve placée à la charnière de deux périodes opposées de longue durée.
831554-1559 constitue la fluctuation déprimée, par excellence. Elle donne le ton, elle entraîne la récession intercyclique du demi-siècle. Elle est, bien que très courte (cinq ans), parfaitement indépendante de toute autre fluctuation. On peut la considérer comme résultant en quelque sorte, de deux fluctuations primaires accolées : en Allers, 1554-1555-1556 et 1556-1557-1559, en Retours, 1554-1556-1557 et 1557-1558-1559, Allers et retours, 1554-1555-1556 et 1556-1557-1559. Soit, au total, trois années de contraction en Allers et en Allers et retours, contre deux ans seulement d’expansion.. Cette disparité est caractéristique de la récession à long terme. Mais on peut mettre en doute la signification économique profonde de ces petites fluctuations accolées. Le caractère accidentel en apparaît clairement, si on soumet les séries à des moyennes mobiles de trois ans. La moyenne mobile fait apparaître une continuité qui correspond à l’existence d’une véritable fluctuation économique indépendante de l’accidentel (cf. Annexe, p. 295). Fluctuation fortement dissymétrique, également,-où la contraction l’emporte sur l’expansion, dans le rapport de trois contre un.
841559-1571. — A cette fluctuation anormalement courte, mais relativement bien dessinée, fait suite une fluctuation de douze ans, anormalement longue90 et assez faiblement dessinée. C’est la fluctuation de la reprise qui fait transition entre la grande récession intercyclique et la deuxième grande étape ascendante du xvie siècle.
85Cette fluctuation s’articule, sans hésitation, en deux parties nettement définies : une première fluctuation de quatre ans et une deuxième période plus complexe de huit années : elles sont tellement bien dessinées qu’on peut hésiter à les lier.
86La première fluctuation primaire part du creux absolu de 1559, vigoureusement enfoncé sur les trois courbes des Allers, des Retours et des Allers et retours ; elle passe par un maximum, après deux ans, en Retours et Allers et retours, après trois ans, en Allers, et par un minimum relatif après un an sur les Allers et sur les Retours et deux ans sur les Allers et retours. 1563 marques, virtuellement, le terme de cette récession passagère.
87La deuxième période de huit ans est beaucoup plus profondément articulée : trois sous-fluctuations en Allers, trois également, en Retours, deux, seulement en Allers et retours91. Les vibrations qui agitent le mouvement sont, impuissantes à masquer, même sur la série brute92 la réalité d’une fluctuation qui jette un pont sur l’ensemble de la période, qui part du creux de 1563 et va jusqu’en 1571. Cette fluctuation sur huit ans, la moyenne mobile de trois ans offre l’avantage d’en faire saillir la réalité dégagée, cette fois, de l’accidentel de mer et de guerre ; partie du creux relatif de 1563, elle culmine en 1566, après trois ans d’expansion, plafonne et redescend lentement jusqu’à un creux que la moyenne médiane avance d’un an et que la moyenne arrière place, conformément à la réalité, en 157193. Il convient, pour finir, à l’appui de ce découpage conjoncturel, de rappeler qu’il s’inscrit en covariation positive, d’une manière satisfaisante, avec les diverses séries des prix espagnols de EJ. Hamilton. Soit, donc, pour l’ensemble de la récession, deux ou trois fluctuations principales, suivant que l’on fera ou non la jonction entre 1559-1561-1563 et 1563-1566-1571.
III. — LES BASES DOCUMENTAIRES
88Les progrès réalisés, au cours de cette période, dans la précision de la mesure du trafic, doivent être estimés à leur juste valeur, ni exagérés, ni minimisés. Ils sont dus à la meilleure conservation des sources, au perfectionnement du travail préstatistique de base effectué par l’administration de la Casa de la Contratación et ses services. Les premières séries continues de la correspondance de la Casa de la Contratación commencent, timidement d’abord en 1550, effectivement, dans toute leur richesse, en 155594. On y puisera la plus grande partie des données sur le tonnage, toutes les données sur le matériel naval utilisé, toute la chronologie des mouvements ou presque, sans parler du précieux reflet de l’attitude collective des hommes devant la conjoncture qu’ils font. L’approche de la conjoncture pourra cesser d’être purement chiffrée et se parer d’un reflet de chaleur humaine. Dans le domaine des séries comptables, avant l’apparition, à la fin de la période, en 156695, des premiers comptes de l’avería, il faudra s’en tenir, comme à la fin de la période précédente, aux données souvent lacunaires des almojarifazgos des Indes.
89Dans ces conditions, la base de la mesure demeure le mouvement volumétrique, le nombre des navires, leur tonnage et la gamme de ses articulations. La qualité de la mesure dépend encore, pour l’essentiel, de la précision avec laquelle le volume a été mesuré, le tonnage, approché. Les progrès réalisés dans ce domaine sont considérables. Parce que les documents qui permettent la connaissance directe ou indirecte du tonnage sont, désormais, plus nombreux, et surtout, parce que la masse des indices qui permettent une évaluation solide et sensible du tonnage de chaque navire96 s’est accrue, d’une manière fondamentale, avec les modifications du Livre de Registres et la connaissance, désormais, à la seule exception des canariens, des directions et provenances.
LE MOUVEMENT VOLUMÉTRIQUE
90On peut situer l’amélioration globale acquise dans la précision et la certitude avec laquelle on saisit, désormais, le mouvement volumétrique-clef, quoiqu’il arrive, de tous raisonnements.
1. Connus et évalués
91Pour la mesurer à sa juste valeur, il suffit de comparer les proportions de cette période avec celles des cycles précédents97 et des périodes suivantes98, on verra ainsi le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir. Pour le mouvement Allers, de 1551 à 1571, au cours des vingt-et-une années que l’on peut attribuer, dans l’hypothèse la plus favorable, à la grande récession intercyclique : 1524 navires, représentant 264 934 toneladas. Sur ces 264 934 toneladas, 79 284 toneladas entrent dans la catégorie des connus, soit 29,94 %, 185 650 dans les évalués99 (70,06 %) 10 329 sont des connus directement, 3,9 %100, 66 955, des connus indirectement, soit 26,04 % du total101, Pour les Retours, au cours de ces vingt-et-un ans, sur 1149 navires et 212 238 toneladas, les proportions sont sensiblement égales, 54 288 toneladas pour les connus, 25,57 %, soit un peu moins qu’à l’Aller, une proportion un peu plus forte de connus directement, toutefois, 9 148 toneladas, soit, progrès appréciable, 4,3 % de l’ensemble et 21,57 % seulement102 de connus indirectement (21,27 %). Les évalués, 167 950 toneladas représentent 74,43 % de l’ensemble des Retours. Sur le mouvement global, Allers et retours, 2 673 navires, 477 172 toneladas, les proportions sont, respectivement, de 133 572 toneladas pour les connus (28 %), 353 600 pour les évalués (72 %), 19 477 et 114 095 toneladas pour les connus directement et indirectement, soit, respectivement 4,08 % et 23,9 %. Le progrès, d’autre part, est à l’exception d’un certain ralentissement entre 1558 et 1564 un progrès continu, il suffit pour cela de comparer au sein de la période le rapport entre les trois catégories : connus directement, connus indirectement et évalués, au cours par exemple, des quatre articulations conjoncturelles : 1551-1554 la phase descendante du grand cycle charnière, 1555-1559, la petite fluctuation de la dépression, 1560-1563 et 1564-1571, les deux grandes unités de la longue fluctuation de la reprise103. On notera l’accroissement presque continu, au cours de ces vingt-et-une années, de la proportion des connus par rapport aux évalués.
92La proportion des connus indirectement est particulièrement impressionnante, grâce, entre autres facteurs, aux grandes séries, de l’almojarifazgo dans les principaux ports des Indes104. Mais, et c’est aussi un facteur extrêmement favorable, la précision de la mesure d’ensemble ne s’accroît pas seulement par la proportion, en soi, des connus, mais surtout, par la précision plus grande de l’appréciation que cette proportion permet. L’appréciation devient une réalité, non plus une valeur approximative au sein d’une période et au milieu d’un ensemble, mais le résultat d’échafaudages de raisonnements établis pour chaque navire pris individuellement. Les facteurs qui permettent de cerner de plus en plus fréquemment et sûrement chaque cas particulier sont de plus en plus nombreux et plus sûrs. Ne serait-ce, par exemple, que la ventilation au départ, au sein du complexe portuaire105. Toute une catégorie, celle en bloc, des canariens, par exemple, est facile à saisir. On sait qu’il s’agit de tout petits navires, survivance « géologique » à travers les diverses époques de l’histoire de la Carrera du tout premier matériel de la Conquista. Mais, de tous les facteurs, le plus décisif est, naturellement, la possession, désormais, complète, depuis 1548, de la ventilation géographique du mouvement avec les Indes, à l’Aller comme au Retour. On a vu à quel point106, à l’Aller, surtout, la connaissance du port desservi constituait une indication précieuse sur la taille du navire, surtout quand il y a régularité, au cours de plusieurs voyages, partant, probabilité d’une affectation fonctionnelle.
2. Ventilation géographique
93Or, sur ce point, le progrès décisif est accompli. Depuis 1548, en effet, le Livre de Registres retient dans sa totalité la ventilation géographique du mouvement. En 1541-1545 et 1546-1550, la proportion des Indias non spécifiés restait appréciable encore : 34,28, 16,86 % (Allers), 30,70, 14,36 % (Retours), 32,74, 15,81 % (Allers et retours)107. Au-delà, à quelques omissions matérielles près, sans conséquence, la courbe des Indias non spécifiés — pratiquement limités aux seuls Allers — recoupe, exactement, celle des navires du groupe canarien. Or, là, fort heureusement, la non-spécification de la direction et de la provenance ne porte pas, en ce qui concerne la précision de la mesure, à conséquence grave, étant donné l’homogénéité, de toute manière, du matériel canarien et les renseignements que, par ailleurs, on peut avoir sur lui. Il ne faut pas, dans ces conditions, céder à l’illusion d’optique de chiffres, qui peuvent masquer la réalité108. Il n’en demeure pas moins que, même après l’adjonction des navires canariens, le progrès reste sensible : de 1551 à 1571, la proportion en tonnage des navires, dont la direction n’est pas connue, en Allers, n’est plus que de 17,2 % (44 570 toneladas sur 254 934). Les provenances inconnues, en Retours, 0,4 % (520 toneladas sur 212 238), 4 navires sur 1149, soit 0,3 %), donnent ce que serait la proportion des directions et provenances inconnues, sans l’adjonction des canariens. Les navires canariens sont, en effet, on le sait, fondus dans la masse du mouvement, en Retour. Pour l’ensemble du mouvement, avec 45 090 toneladas sur 477 172, la proportion des non spécifiés intermédiaire, soit 9,3 %109.
94Au cours de l’ensemble de la période, cette proportion démarque exactement le mouvement canarien110. En Allers, 81 navires de directions inconnues, 6480 toneladas (81 navires canariens, 6 480 toneladas) et 14,7 % de l’ensemble, de 1551 à 1554 ; de 1555 à 1559,48 navires et 3 840 toneladas, 16,4 et 7,5 % de 1560 à 1563, avec une poussée canarienne parallèle 145 navires et 12 680 toneladas, 48,01 % et 26,6 % de 1564 à 1571, 268 navires et 21 570 toneladas qui font 41,4 % et 17,6 % de l’ensemble. Proportion inexistante, en Retours, de 1551 à 1554, 0,4 % net, 0,6 %, de 1560 à 1563, 1 %. Sur les Allers et retours : 1 % et 7,9 % de 1551 à 1554, 8,65 % et 4,08 % de 1555 à 1559, 28,1 % et 14,9 % de 1560 à 1563, 24,8 % et 10,1 % de 1564 à 1571.
95A la seule exception près des canariens, la ventilation géographique du mouvement est, donc, intégralement connue : elle continue à faire apparaître la part écrasante de la Terre Ferme, soit, en volume, de 1551 à 1571, 53,49 % du tonnage global et 48,6 % du nombre des navires, contre 38,6 % et 37,2 % aux différents ports de la Nouvelle Espagne, 7,9 et 12,67 % aux îles111. On peut, désormais, considérer le volume du mouvement comme très efficacement saisi.
3. Accroissement du tonnage unitaire
96Cette grande précision de l’approche permet de suivre, en outre, la progression du tonnage unitaire des navires utilisés dans la Carrera. Elle s’accélère avec le déplacement, toujours plus à l’Ouest, du centre de gravité des Indes : le tonnage unitaire du mouvement est de 173,7 toneladas à l’Aller, 184,8 toneladas au Retour et 178 toneladas en Allers et retours112. Or, la progression est régulière de 1551 à 1571, à un léger tassement près, entre la fin de la décade des années 50 et celle des années 60. En Allers, Retours et Allers et retours, le tonnage unitaire (en toneladas non pondérées) des navires de la Carrera, est, de 155,2,164,4 et 159 toneladas de 1551 à 1554, de 177,160,5 et 170,9 toneladas de 1555 à 1559, de 157,5,181,9 et de 167,9 toneladas de 1560 à 1563, de 188,1,212,197,9 toneladas de 1564 à 1571. Au moment où l’accroissement du tonnage unitaire joue un rôle si considérable, on comprend à quel point une bonne saisie du tonnage des navires est précieuse pour l’exacte appréciation du mouvement volumétrique. D’autant plus qu’au cours de la grande récession, comme toujours, le mouvement volumétrique demeure la mesure la plus précieuse et la plus précise dont on dispose sur le volume des échanges qui empruntent le canal de la Carrera.
MOUVEMENT EN VALEUR
97La possession d’une ou plusieurs séries du mouvement en valeur, et on a pu apprécier déjà combien cette adjonction était fructueuse113, enrichit, désormais, nos possibilités.
1. Les almojarifazgos
98Il faut, jusqu’en 1565, se contenter des seules séries des almojarifazgos aux Indes. Malheureusement, la Vera Cruz, dont la série était fort dense dans la précédente décade, se fait très irrégulière114, Nombre de Dios, par contre, présente, de 1551 à 1572, les avantages d’une série continue115. Ce n’est pas, toutefois, avant 1566, que l'averia116 commence pour le mouvement Allers117, avec tous les avantages de la série continue, avec l’avantage, aussi, de donner une contre-approximation des valeurs au départ du Guadalquivir et non plus seulement à leur arrivée aux Indes, de donner une approximation de la valeur globale du mouvement et non plus seulement d’une fraction même dominante du mouvement. La comparaison des deux approches, valeur aux Indes à l’entrée des grands ports et valeur globale au départ, risque, entre autres, d’être particulièrement fructueuse. Pour les Retours, par contre, on reste encore dépourvu, réduit pratiquement, aux seules valeurs des trésors de EJ. Hamilton118, les séries continues des averías-Retours ne commencent pas, en effet, avant 1570, à l’exception d’une valeur isolée en 1560119.
2. Premières données sur les marchandises
99Outre, le mouvement-valeur — dont la présence, seule, n’est rien, mais qui prend tout son relief, si on le critique et le compare aux données sûres du mouvement volumétrique — apparaissent, à la fin de la récession, les premières bribes du détail des marchandises120. L’importation-clef de la cochenille121, par exemple, saisie en 1562 et en 1564, apparaît, en tronçons importants de séries continues, à partir de 1568. Tout cela demeure encore un peu chaotique, pour une conjoncture à court terme, suffisant, toutefois, pour apporter aux autres moyens de connaissance des précisions valables.
MATÉRIEL NAVAL
100Le matériel naval de la Carrera n’est pas exclu, lui-même, de l’enrichissement général des données dont on peut, désormais, se réjouir. Des indications, certes, bien peu nombreuses sur l’âge des navires. — (4 au cours de la récession), mais ce sont les premières122. Des diagrammes d’équipages, des indications, de plus en plus nombreuses, de propriétaires et de fiadores.
101Enfin — et ce dernier élément est lourd d’importance123 — la masse des renseignements dont on dispose sur la catégorie des navires. — s’est considérablement accrue : 189 indications précises124 sur 2 673 voyages (en dehors des indications classiques de naos, navíos, biscayens spécifiés ou non), soit une proportion de 7,07 %125 : 44 caravelles, dont deux sont précisées portugaises, 3 corchapines, 1 patache, 6 chaloupes, 4 naos étrangères, dont 3 françaises, 59 galions, 7 galeazas, 4 zabras, 61 hourques, dont une spécifiée hollandaise. C’est la grande poussée des hourques, sensible, surtout, lors de la reprise, en fin de période, qui ne manquera pas de frapper.
102Si on classe les navires en deux catégories, d’une part, les petits, de l’autre, les gros, on pourra suivre, par un autre moyen que le calcul, le progrès au cours de la période du matériel lourd, par rapport au matériel léger. Dans le matériel spécifiquement connu, les petits représentent 35 % et les gros, 65 % de 1551 à 1554,-32 % et 68 % de 1555 à 1559, 28 % et 72 % de 1560 à 1563, 25 % et 75 % de 1563 à 1571. Cette évolution corrobore parfaitement ce que l’on peut savoir par ailleurs.
103La vitesse des convois, enfin, à condition — on le verra ultérieurement126 — de posséder des séries assez nourries — est une donnée extrêmement précieuse. La vitesse de rotation des navires constitue, en effet, une sûre expression de la santé conjoncturelle de l’espace Atlantique. Or, les premiers éléments qu’on possède se situent entre 1551 et 1554127, leur densité est faible, encore, pour se prêter d’une manière probante aux exigences de la méthode statistique. Il est impossible, toutefois, de ne pas tenir compte de leur leçon.
PRIX
104Il est un dernier élément, enfin, sur lequel nos prises sont meilleures, de 1551 à 1571 : les prix, dans l’espace si important, pour nous, de l’Espagne. Cet enrichissement concomitant tend à donner sa signification, dans les archives espagnoles, au tournant documentaire de 1550.
1. Enrichissement des séries
105L’ampleur immense du progrès réalisé est visible, d’emblée, quand on se reporte aux indices d’Hamilton128 : désormais, plus aucune lacune dans les « index numbers » des espaces géographiques vieux castillan-léonais, valencien et, ce qui est précieux, nouveau castillan. Le nombre de produits incorporés dans chaque chiffre-indice, s’accroît régulièrement : pour la Vieille Castille-Léon, cinquante en moyenne, de 1551 à 1571129, pour le royaume de Valence130, entre vingt-cinq et trente produits, mais aucune lacune sur le blé, le vin et l’huile, les trois directions maîtresses d’une économie méditerranéenne d’Ancien Régime. Beaucoup plus importants, les progrès de l’espace nouveau castillan. Les indices de Nouvelle Castille, calculés sur moins de dix produits, en moyenne, dans la période antérieure131, sont calculés, désormais, sur un volume prodigieusement accru de marchandises qui s’élève, régulièrement, de 35, en 1552, à 64, en 1562 et se maintient au-dessus de 60 au-delà de cette date132. Le blé, certes, n’y est pas régulièrement représenté, au début, du moins : quinze années, seulement, sur vingt-et-une, aucune défection, par contre, pour le vin, cet autre produit clef, beaucoup plus encore que le blé pour la conjoncture de l’Atlantique hispano-américain.
2. Amélioration de la série andalouse
106Mais la modification capitale survenue dans la connaissance des prix utiles, se situe au niveau des séries andalouses. D’une part, la série andalouse133, endémiquement la plus faible (15 index-numbers au cours des cinquante ans du premier xvie siècle, avec entre 1520 et 1529 par exemple, des zones de silence de dix ans), s’est radicalement améliorée : 16 navires connus sur 21,5 trous seulement, 1552, 1553, 1556, 1568 et 1570.
107D’autre part, le volume et la variété des marchandises incorporées dans chaque chiffre indiciel s’est accru : 41, en 1551, 43, en 1555, en moyenne, entré 25 et 30 articles134. Enfin, acquisition, sans conteste, essentielle, le blé est présent, sporadiquement encore (10 ans sur 16) mais sa présence est décisive.
108Cette amélioration de la série andalouse facilitera grandement la tâche, en soi, par sa seule présence et indirectement, par ses répercussions sur les indices généraux, « composite index numbers of silver prices », infiniment plus proches, désormais, d’une réalité qui concerne l’espace Atlantique espagnol et hispano-américain, qu’ils ne l’étaient, auparavant.
109Les principaux linéaments statistiques qui permettent, dans la deuxième phase d’expansion et au-delà de 1595, surtout, de construire, sur des bases toujours plus sûres, une conjoncture plus complexe, apparaissent, les uns après les autres — trop faiblement pour être toujours utilisables — entre 1551 et 1571, au cours de la grande récession du demi-siècle.
Annexe
ANNEXE. MOUVEMENTS VOLUMÉTRIQUES GLOBAUX EN UNITÉS NON PONDÉRÉES
Voici ce que donne une moyenne mobile de trois ans calculée sur les chiffres du mouvement Allers et retours, en unités non pondérées. Les creux communs aux deux fluctuations décennale et intra décennale primaire sont marqués du signe ━, les pointes communes aux deux fluctuations décennale et intra décennale du signe ✚ ; les creux propres à la seule fluctuation primaire intra décennale, du signe — ; les pointes propres à la seule fluctuation primaire intra décennale, du signe + (la colonne de la gauche indique les années correspondant au niveau, dans le cas d’une moyenne médiane, et sur la droite, dans celui d’une moyenne arrière).
Notes de bas de page
1 Cf. t. VII, p. 42-45.
2 Cf. t. VII, p. 50-51.
3 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
4 Le plus faible depuis 1506, compte tenu du mouvement unitaire du seul Guadalquivir par exemple t. VI1, table 181-182, p. 380-387.
5 Cf. t. VI1, table 131 et 141, p. 329 et 339.
6 Cf. t. VI1, table 130, p. 130 et encore avec des réserves, cf. t. VI1, tables 181-182, p. 380-387.
7 Cf. ci-dessus t. VIII1, P- 392-397 et ibid., p. 235.
8 Pour cela, recourir non aux tables 130-131-132 (t. VI1, p. 328-330), mais aux tables 181-182-183-184 (ibid, p. 380-395) et additionner les données des colonnes Séville et Guadalquivir (navires marchands), Armadas du Bas Guadalquivir, Cádiz et éventuellement, négriers.
9 Cf. t. II, p. 508-509 et t. VI1, table 182, p. 387.
10 A l’exception de trois navires de 1504, que nous plaçons dans nos séries par souci de continuité, mais sur lesquels on l’a vu (cf. ci-dessus p. 71) il n’est pas question de faire fond.
11 Cf. ci-dessus p. 235 et t. VI1, tables 181-182, p. 380-387.
12 Sur les écarts à la moyenne on passe de 155,88 % en 1550 à 53,735 % en 1554, t. VI1 tables 162-163, p. 365-366 et t. VII, p. 52-53.
13 Cet allègement, tout à fait exceptionnel du tonnage unitaire, dans la mesure où il implique une action conjoncturelle sélective, au détriment des plus gros navires, ceux qui traduisent dans la Carrera une certaine santé économique, peut être mis, lui aussi, au compte de la gravité, tout à fait exceptionnelle, de la dépression de 1554.
14 Cf. ci-dessous p. 808 sq. et t. VII, p. 52-53.
15 Sur la série des écarts à la moyenne, on passe de 148,98 % en 1550 à 34,102 % en 1554 t. VI1, tables 162-163, p. 365-366 ; t. VII, p. 52-53.
16 Cf. ci-dessous p. 300, 306, 311, 328....
17 Utiliser successivement pour Nombre de Dios, t. VI1, tables 544 à 554, p. 690 à 733, puis t. VI1, tables 212-213, p. 440-444 ; pour la Vera Cruz, t. VI1, table 209 A et B, p. 434437.
18 En recourant, en cas de besoin, à l’extrapolation, pour les années défaillantes.
19 Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de valeurs fiscales, bien entendu, avec toutes les réserves que cela comporte.
20 Il est à noter, constatation rassurante, que l’ordre de grandeur du repli, entre 1546-1550 et 1551-1555, se retrouve sur le mouvement semi-décadaire volume (cf. t. VI1, table 139, p. 337). Tant sur les Allers, les Retours que les Allers et Retours, il varie entre 85 et 84,5 %. Au début de la récession, du moins, le mouvement valeur suit, à très peu de choses près, à peine insensiblement atténué, le mouvement-volume. On verra qu’il n’en va pas toujours de même, lors, notamment, de la seconde partie de la récession intercyclique (cf. ci-dessous p. 328-329).
21 Cf. ci-dessous p. 297-317.
22 Cf. t. VII, p. 54-55, Allers + Retours.
23 Ibid., Allers.
24 Ibid., Retours.
25 Cf. ci-dessous p. 313-317.
26 A l’exception, peut-être et sur une échelle beaucoup plus réduite — sur les Allers et retours seulement —, du creux qui suit le sommet de 1608, le creux de 1613, dont le rôle, au passage de la phase A à la phase B du mouvement, est sensiblement analogue.
27 Cf. t. VI1, tables 150 et 151, p. 347-348.
28 En unités non pondérées, en Allers, sur une moyenne de 11 ans (cf. t. V1, table 144, p. 342), on obtiendrait des résultats analogues. La prudence veut, en effet, que la démonstration soit donnée avec le plus de variantes possibles. La non pondération de l’unité de tonnage peut être préférée, si on veut écarter le reproche d’arbitraire inhérent à tout système de pondération — situation analogue, donc, avec l’unité brute : un creux de 17 ans. Point culminant, en 1547 (13 309,8 toneladas), période d’hésitation de 5 ans, palier biconcave, 1550 égalant 1547 (13 321,1 et 13 309,8 toneladas) et 1552 s’en approchant (12 974,09 toneladas), puis vient la contrepente de 6 ans, de 1552 à 1558. La moyenne étant plus courte, le creux est plus vigoureux, 1558 n’est plus qu’à 75,9 % de 1550, à 76 % de 1547. Au-delà de 1558, remontée encore hésitante quelque peu cahoteuse pendant cinq ans. Mais c’est seulement en 1564, soit 6 ans après le point bas de 1558 et 17 ans après le renversement de 1547, que les points hauts de 1547 et de 1550 sont à nouveau atteints, égalés, puis, au-delà, dépassés. Une moyenne mobile arrière, que d’aucuns préfèrent, donnerait les mêmes résultats de 1551 à 1568, c’est-à-dire dans le même cadre exactement que la moyenne de 13 ans.
29 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.
30 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.
31 Tout ce qui va suivre est vrai, également, avec, tout au plus, quelques modalités particulières, on le verra (cf. ci-dessous p. 267-272), pour les mouvements Retours et globaux Allers et retours. Il importe de souligner, tout de suite, l’admirable synchronisme des trois mouvements fondamentaux.
32 1511-1515 était, il est vrai, en Allers, seulement, légèrement en retrait par rapport à 1506-1510. Même nombre de navires, mais 130 toneladas en moins. Mais rien là de comparable au contre flux du demi-siècle, on a vu, outre la marge d’imprécision énorme, alors, de l’évaluation (cf. ci-dessus p. 85) qu’il s’agissait, simplement, d’une position particulière des deux demi-décades correspondant en gros aux deux phases opposées de la fluctuation cyclique. Même phénomène entre 1521-1525 et 1516-1520 (cf. ci-dessus p. 109-130). Mais, là encore, la situation est très différente, le pourcentage de retrait est faible et l’accident ne trouve qu’un écho bien atténué sur le mouvement Retours et Allers et retours. Tout au plus, alléguerait-on le repli de 10 % de 1521-1525, par rapport à 1516-1520, compensé et au-delà, par le magnifique essor relatif de 1526-1530. Se reporter, de préférence, aux graphiques, pour une appréciation visuelle immédiate : cf. t. VII, p. 45, pour le tonnage en unités pondérées et en toneladas brutes, p. 47, pour le mouvement unitaire.
33 Cf. t. VI1, table 139, p. 337 ; t. VII, p. 47.
34 Cf. ci-dessus p. 233-235.
35 Il faut les signaler, et pas seulement à titre uniquement anecdotique, car une modification aussi importante du nombre des navires mis en œuvre implique des modifications structurelles importantes. Les gros navires supposent une conception et un fonctionnement différent du commerce, moins de personnel qualifié pour la navigation au long cours, une concentration plus grande du négoce à terre... et bien d’autres conditions qui ont été analysées au cours de l’exposé (cf. ci-dessus p. 244-253).
36 Un petit calcul extrêmement facile effectué sur les données de la table 184 du t. VI1 nous donne le mouvement numérique, du complexe portuaire andalou, moins les Canaries. Le creux du contre-courant du demi-xvie siècle, en navires, nous apparaîtra beaucoup plus profond encore, puisque l’on passe de 357 navires en 1541-1545 à 447 en 1546-1550, puis 274 et 190, dans les deux demi-décades suivantes. Le nombre des navires sortis du complexe portuaire andalou, au fond de la grande récession intercyclique, ne représente plus que 42,5 % de ceux qui sortirent du même complexe entre 1546 et 1550. Puis on remonte, ensuite, mais lentement, 252, 260 (1561-1565,1566-1570) et le niveau numérique du complexe n’est dépassé, et de peu, qu’à partir de 1586-1590, au cours de six périodes de cinq ans, dont cinq consécutives, 1586-1590,493 navires ; 1591-1595,502 navires ; 1596-1600,593 navires ; 1601-1605,460 navires ; 1606-1610, 508 navires ; 1616-1620, 457 navires.
37 Cette constatation rappelle, une fois de plus, à quelles distorsions systématiques on aboutirait, à ne considérer que le mouvement unitaire, sans tenir compte du tonnage croissant des navires ; ce que montrent les graphiques blancs et noirs contrastés, t. VII, p. 46-47.
38 Cf. t. VI1, tables 153-154, p. 350-352.
39 Cf. t. VI1, tables 159 et 160, p. 356-357. La demi-décade 1551-1555 44,6 %, 1556-1560, 48,1 %, entre le 41,9 % de 1546-1550 et le 41,8 % de 1561-1565. La grande récession est donc, globalement, une période d’anomalie positive des Retours.
40 A titre de contre-épreuve et pour plus de certitude, il est possible de se reporter au mouvement volumétrique — Retours exprimés en unités non pondérées, la tonelada, traitée par les moyennes mobiles médianes de 11 ans (cf. t. VI2, table 145, p. 343). La période d’hésitation se retrouve après le point haut de 1547. Palier, d’abord, concave, puis à nouveau, légèrement ascendant jusqu’en 1551 (10 304,6 toneladas contre 9 777,3 en 1547). Puis, longue pente descendante de sept ans jusqu’en 1558 (8 669 toneladas) qui est à 12 % en dessous de 1547 et à 17 % en dessous de 1551. Puis, à nouveau, phase ascendante, mais pleine encore de repentir, et le cap n’est vraiment doublé qu’en 1564 (1563, avec 10 227,8, dépassait 1547 mais non1551).
Cette contre-pente est d’autant plus probante que la première section montante de la moyenne mobile avait été plus régulièrement ascendante. En trente-six ans, de 1511 à 1547, la moyenne avait atteint une valeur telle que 1511 (2 150 toneladas) ne représente que 22 % des 9 777,3 atteint en 1547. Le mouvement Retours, dont l’ascension a été plus rapide encore que celle des Allers, s’était accru de plus de 450 % en l’espace de trente-six ans. Seule, la référence constante à cette première phase ascendante permet d’apprécier, à sa juste valeur, l’importance de la contrepente du creux interdécennal des Retours.
41 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.
42 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.
43 Assez sensible, il est vrai, 1521-1525 est de 20 % en retrait, par rapport à 1516-1520, plus marqué que l’accident analogue du mouvement Allers. Cette contrepente est, par contre, la seule de toute la première période longue d’expansion et on en a rendu compte à son heure (cf. ci-dessus, p. 109-110). Comparer les graphiques Allers et Retours, mouvements semi-décadaires en tonneaux et en toneladas, t. VII, p. 45.
44 Le niveau record n’est dépassé que de très peu, avec 384 et 382 navires, de l’ordre de 4 et 3 %.
45 Cela apparaît très bien sur les graphiques. Comparer (t. VII, p. 47) le graphique semi-décadaire Allers et le graphique semi-décadaire Retours.
46 Cf. t. VI1, tables 156 et 157, p. 353-354. On pourrait faire exactement les mêmes constatations, en partant de chiffres à peine différents, sur les moyennes mobiles en unités non pondérées (cf. t. VI1, tables 146, 147 et 148, p. 344-345). Cela se comprend facilement, puisque l’indice de pondération, qui donne le passage d’une unité dans l’autre, ne varie pas, de 1526 à 1565 (cf. t. VI 2, table 129, p. 327).
47 T. VI1, tables 146, 147, 148, 149, p. 344-346.
48 La contre-épreuve de la moyenne de onze ans est tout aussi intéressante, ici, qu’elle ne l’était dans les deux cas précédents des mouvements Allers et Retours. On trouvera t. VI1 (tables 146-147 et 148, p. 344-345, 4e col.), le tronçon des moyennes mobiles médianes de onze ans en unités non pondérées. Montée régulière de 1511 à 1547, de 5 015,45 à 22 469 toneladas, l’expansion est encore de 440 %. Puis palier concave jusqu’en 1551 : 22 769,63 toneladas dépasse très légèrement (de 1,3 %) le niveau de 1547. Descente régulière jusqu’en 1558, avec un niveau de 18 799,54 toneladas, plus creusé, puisque la moyenne est plus courte, de 18 %, en contre-bas, puis remontée. Le niveau de 1547 est dépassé en 1562, celui de 1551, en 1564 seulement. Avec une moyenne arrière, l’anomalie se présenterait dans les mêmes conditions, de 1552 à 1567 ou 1569, soit une durée de quinze à dix-sept ans.
49 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.
50 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.
51 A. la seule exception, comme sur les Retours, de 1521-1525, qui est en retrait de près de 9 % sur 1516-1520. La courbe est, dans l’ensemble, beaucoup plus régulière (t. VII, p. 45), en raison du rabotage naturel qu’apporte la simple addition de deux mouvements fondamentaux.
52 Moyennes mobiles médianes de cinq ans calculées sur les mouvements exprimés en unités pondérées, tonneaux de jauge internationaux.
Cf. t. VI1, mouvement Allers, tables 150, 151, 152, p. 347, 348, 349, 4e colonne, Retours, tables 153, 154, 155, p. 350, 351, 352, 4e colonne. Allers et retours, tables 156, 157, 158, p. 353, 354, 355, 4e colonne.
53 Les caractères de la récession intercyclique sont parfaitement définis par C.E. Labrousse, pour l’économie française de la deuxième moitié du xviiie siècle, dans La crise de l’économie française à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution.
54 Cf. t. VI1, tables 130-131, p. 328-329, mouvement en toneladas et en unités ; tables 140. 141, p. 338-339, mouvement en unités pondérées, tonneaux de jauge internationaux.
55 Ce laps de dix-sept ans a bien une authentique signification, puisqu’on le retrouve sur toutes les moyennes mobiles (cf. p. 265, 267, 270) : 19 620 toneladas en 1550 et 19 986 toneladas en 1567, 14 715 tonneaux en 1550,15 988,8 tonneaux en 1567, compte tenu de la modification du taux de pondération (cf. t. VI1, table 129, p. 327).
56 26 838 toneladas, 22 819,30 tonneaux en 1572, au lieu de 19 620 toneladas et 14 715 tonneaux en 1550.
57 Cf. t. VI1, table 133-134 et 140-141, p. 331-332 et p. 338-339.
58 Cf. t. VI1, tables 136-137 et 140-141, p. 334-335 et p. 338-339.
59 Toute la démonstration que l’on vient de donner en partant du mouvement de l’ensemble du complexe andalou-canarien avec l’Amérique, serait, a fortiori et à plus forte raison — on s’en est déjà abondamment expliqué (cf. ci-dessus p. 242-244), valable, en partant du seul mouvement du complexe andalou — avec l’Amérique, à l’exclusion de l’apport canarien. En se reportant aux tables 181 à 184 (t. VI1, p. 380 à 395), on verra combien les proportions et les laps de temps sont plus grands, encore, quand on a exclu du global le mouvement canarien. Il n’intervient guère qu’à partir de la récession intercyclique qu’il est impuissant, pourtant, à masquer.
60 T. VII, p. 4647.
61 Ce niveau de 133 départs ne sera dépassé qu’un nombre limité de fois, en 1586, 1588, 1593, 1594, 1596, 1601, 1608 et 1609 (8 fois).
62 Il va sans dire que toutes ces démonstrations, pourraient être faites à nouveau sur chacune des directions et provenances fondamentales, en tonnage, unités pondérées et non pondérées, et sur les mouvements unitaires correspondants. On démontrerait, sans peine, qu’à l’exception du mouvement des îles — qui est en perte de vitesse intrinsèque extra-conjoncturelle, eu quelque sorte et qui joue, en gros, un rôle de volant trè3 peu sensible aux respirations de la conjoncture générale, quand il n’est pas en opposition avec elle — les mouvements avec la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme, qui sont, la Terre Ferme surtout, les mouvements moteurs de la conjoncture, dessinent au-delà de la crise de 1550 une contrepente au moins comparable à la contrepente de mouvement global. Chaque mouvement particulier, les plus importants, du moins, à la seule exception des « parents pauvres » (cf. t. VIII1, p. 517-679), permettrait semblable analyse.
63 Cf. ci-dessus, p. 224-225 : 230-231.
64 Cf. t. VI1 tables 162 et 163, p. 361 et 362 ; t. VII, p. 52.
65 On trouve une situation un peu analogue, toutefois, entre 1529 et 1537.
66 Cf. ci-dessus, p. 230-246.
67 Cf. ci-dessus, p. 210-215.
68 Cf. ci-dessous, p. 325-227.
69 Cf. E.-J. Hamilton, op. cit, 1501-1650, p. 198. Une petite difficulté naît du changement d’indices entre 1550 et 1551, faute de connaître l’équivalence d’un système dans l’autre, 1551, dans le système base 100 = 1521-1530, ou 1550 dans le système base 100 = 1571-1580. On y parvient, au prix de quelques tâtonnements, en s’inspirant de la série continue de la p. 403.
70 E.-J. Hamilton, op. cit, 1501-1650, p. 198 : 59,85 et 61,85 (1555-1556) entre 71,16, 65,47, 63,46 (1553-1554-1555) et 72,15, 72,12, 72,67, 80,42 (1557-1560).
71 EJ. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 198 : 76,18, 75,50 (1557-1558) et 85,86, 104,42 (1561-1562) encadrent les indices 71,65 et 72,79 de 1559 et 1560.
72 Que les approches possibles du mouvement valeur soient, de toute manière, des approches extraordinairement sujettes à caution, la chose est certaine — le dossier a été plaidé, ailleurs, (cf. t. I, p. 88-124). Il est plus particulièrement risqué de s’aventurer dans une approximation du mouvement-valeur, au cours de ces années, de 1546 à 1565, alors qu’on ne dispose — les séries de l’averia ne commençant pas avant 1556 — que des séries de l’almojarifazgo de la Vera Cruz et de Nombre de Dios.
Les entrées dans ces deux ports constituent la quasi-totalité des exportations d’Espagne sur l’Amérique, — ce n’est pas douteux et ce n’est pas là que réside le danger. Ces séries, chose plus gravé, ne sont pas tout à fait continues, il faut avoir recours à un petit nombre d’extrapolations. On doit renoncer, dans ces conditions, à une évaluation annuelle du mouvement en valeurs fiscales, pour se contenter d’une évaluation semi-décadaire. En partant des tables 209,212 et 544 à 565 (t. VI1, p. 434-437, p. 446-447 et t. VI2, p. 690-777), on peut arriver aux évaluations suivantes. Elles n’ont d’autre3 prétentions que de calquer la marche du mouvement, sans pouvoir saisir un véritable ordre de grandeur (car l’ampleur des marges de tolérance nous échappe), on se borne donc à des valeurs fiscales et au prix d’une extrapolation dangereuse sur ie mouvement de la Nouvelle Espagne. En millions de maravedis..., on peut évaluer, de 1546 à 1565, les importations dans les ports de la Vera Cruz et de Nombre de Dios, de la manière suivante :
73 Rien, en effet, n’autorise à supposer — le pourcentage de l’ad valorem reste constant et raisonnable, 5 % — de graves modifications dans les marges de tolérance et de fraude. Dans ces conditions, la distorsion systématique, à condition qu’elle soit à peu prè3 constante, n’est pas dangereuse. Elle n’enlève rien à la vigueur du raisonnement.
74 Les valeurs ainsi obtenues cadrent, en gros, avec les chiffres que E.J. Hamilton propose pour le mouvement des trésors en Retours. Ces importations étant, pour l’essentiel, payées en métal monétaire, cette constatation est rassurante. Les chiffres que nous obtenons sont même un peu plus forts que ceux des trésors de Hamilton. Cela est, aussi, une constatation rassurante. Dans l’ensemble, il y a eu léger déphasage entre les deux séries.
75 49 738 toneladas, d’une part, 67 605 d’autre part. Le volume de 1541-1545 représente 73,5 % de celui de 1561-1565.
76 L’indice global des prix-argent se tient autour de 60 entre 1541-1545 et autour de 90 entre 1561-1565.
77 Cette substitution dont nous avons maintes preuves et que la modification, notamment, de la nature des corrélations prix-trafic nous laissait pressentir, nous la devinons, une fois de plus, par ce biais. Elle est la seule hypothèse, en effet, susceptible de réconcilier les comportements différents des séries.
78 Cf. ci-dessus, p. 177-180.
79 Celle des valeurs, surtout, dont la précision est très inférieure à celle des volumes.
80 Le plancher moyen des indices des prix-argent passes de 70,75 à 77,98.
81 Pourcentages de la valeur unitaire des marchandises transportées par rapport à la valeur unitaire de la demi-décade précédente — élimination faite de la variation des prix :
1541-1545.
1546-1550,133 %.
1551-1555, 100 %.
1556-1560, 158,5 %.
1561-1565, 80 %.
82 Cf. ci-dessus, p. 147-148.
83 Cf. ci-dessus, p. 202-204 et t. VI, tables 174,175 et 176, p. 373-375. A l’Aller (table 174, p. 373), ce qui importe.
84 On pourra en apprécier, notamment, l’importance, en suivant dans les tables 601 à 668 (t. VI1, p. 861-975) le rythme des pertes — sur lesquelles on possède, désormais, des renseignements plus complets (cf. notamment t. VI1, table 610, p. 870).
85 Cf., entre autres, t. II, p. 466 à 599, notes aux tableaux.
86 Cf. t. VI1, tables 609-610, p. 869-870. Pourcentage des pertes par rapport au mouvement volumétrique Allers et retours 1549 : 1,37 % ; 1550 : 6,84 % ; 1551 : 5,40 % ; 1552 : 8,85 % ; 1553 : 18 % ; 1554 : 23,99 % ; 1555 : 8,13 % ; 1556 : 10,20 % ; 1557 : 0,95 %.
87 Cf. ci-dessus, p. 252.
88 Seule adjonction majeure, les Philippines, au-delà de 1564.
89 Moins rentable et moins facile, l’aventure Urdaneta-Legazpi aux Philippines en est un exemple. Le seuil de la rentabilité maximale de la conquista est franchi.
90 Une troisième est sensible en non pondérés, mais disparaît en unités pondérées (cf. t. VI, tables 137 et 141, p. 335 et 339).
91 Il y a, entre elles, un effet de compensation.
92 T. VII, p. 54-55.
93 Cf. ci-dessus, p. 295, annexe I.
94 Cf. t. I, p. 252 et suiv.
95 Cf. t. VI1, table 198, p. 414-415, t. I, p. 169 et suiv.
96 Cf. t. I, p. 313-322.
97 Cf. ci-dessus, p. 63-64, 85, 114-115, 146-149, 191-192.
98 Cf. ci-dessous, p. 409-411 sq.
99 Cf. t. I, p. 313-322.
100 Cf. t. I, p. 294-301.
101 Cf. t. I, p. 302-312.
102 Cette différence s’explique par le fait qu’une source importante de connaissance indirecte du tonnage, l’almojarifazgo à l’entrée des ports des Indes, ne joue qu’à l’Aller et non au Retour. Elle ne joue, sur le mouvement Retours, que par ricochet (cf. t I, p. 296 et 313) autant seulement, par conséquent, qu’une identification certaine est possible.
103 1551-1554, la phase descendante du grand cycle charnière met en cause en Allers, 284 navires et 44 090 toneladas, en Retours, 229 unités et 37 656 toneladas, en Allers et retours, 513 navires et 81 746 toneladas, pour lesquels les connus et les évalués représentent, 7 540 et 36 550, 8 076 et 29 480, 15 616 et 66 130 toneladas, soit, respectivement, 14,8 % et 85,2 %, 21,5 % et 78,5 %, 18 et 82 %. Au sein des connus, les chiffres des connus directement et indirectement, sont de 1 245 et 6 295 toneladas, en Allers (à noter que les connus directement sont en recul sensible par rapport aux années qui précèdent le maximum de la fin de la décade précédente), 2 866 et 5 210 toneladas pour les Retours (les Retours bénéficiant, ici, de la forte proportion des connus directement des années qui précèdent la pointe de 1550), soit des proportions relativement à l’ensemble de 2,8 % et. 12 % en Allers, de 7,6 % et de 13,9 % en Retours. Pour le mouvement global Allers et retours, les connus directement forment avec 4 111 toneladas, 4,8 % de l’ensemble et les connus indirectement, 11 505 toneladas avec 13.2 %.
De 1555 à 1559, au cours du cycle de la dépression, le progrès dans la connaissance n’est pas continu. 291 navires en Allers, et 51 580 toneladas, 264 navires et 42 410 toneladas en Retours, 555 navires et 93 990 toneladas en Allers et retours. Le volume des connus directement diminue en Allers, 1170 toneladas et 2,2 %, en Retours, surtout, où il y a débandade, 430 toneladas ne représentent plus que 1 % du total et, en Allers et retours, 1600 toneladas ne représentent plus que 1,8 %, au lieu, on s’en souveint, de 4,8 % pour la demi-décade précédente de contraction. Il y a croissance, par contre, sauf en Retours des connus indirectement, en Allers, 11140 toneladas et 21,7 %, 4 520 toneladas et 11 % en Retours, 15 650 toneladas et 16,9 % en Allers et retours. Un léger progrès en résulte, pour la masse globale des connus par rapport aux évalués, 12 310, 4 950 et 17 260 toneladas qui représentent, respectivement, 23,9 %, 12 % et 18,7 % des mouvements Allers, Retours et Allers et retours contre 86,1 %, 88 % et 81,3 % pour les évalués.
De 1560 à 1563, au cours du premier cycle de la reprise, la marche en avant de la connaissance est stoppée — 302 navires à l’Aller, 224 au Retour, 526 en Allers et retours, 47 560, 40 640 et 88 200 toneladas. Là-dessus, plus de connus directement, mais uniquement des connus indirectement, dont la masse globale se confond, d’ailleurs, de ce fait, avec celle de l’ensemble des connus, léger recul en Allers, 10 790 toneladas, qui représentent 22,7 % du total, contre 77.3 % pour les évalués ; progrès sensible pour les Retours, 10 890 toneladas, soit 26 %, contre 74 % seulement pour les évalués (on retrouve en Retours, ici, les fortes proportions des connus indirectement des Allers de 1555 à 1559). Pour le mouvement global, Allers et retours, le progrès reste sensible, avec 21680 toneladas, soit 24,8 % pour les connus indirectement et les connus globaux, contre 75,2 % pour les évalués.
C’est au cours de la période de 1564-1571, deuxième élément constitutif du cycle de la reprise, que s’opèrent les progrès les plus substantiels sur toute la ligne : connus directement, indirectement et ensemble des connus — 647 navires à l’Aller, 432 au Retour, 1 079 en Allers et retours, représentent 121 704 toneladas, 91 532 toneladas et 213.236 toneladas, en Allers, Retours et Allers et retours. L’ensemble des connus représente respectivement, avec 48 644, 30 372 et 79 016 toneladas, 39,9, 33, 36,7 % contre 60,1, 67 et 63,3 % pour les évalués, avec un net progrès des connus directement, 7 914 toneladas en Allers, 5 852 toneladas en Retours, 13 766 toneladas en Allers et retours, soit 6,5 %, 6,1 % et 6,2 % de l’ensemble du mouvement. Quant aux connus indirectement, fis constituent avec 40 730, 24 520 et 65 850 toneladas, 33,4, 26,9 et 30,5 % du mouvement global. Ces chiffres permettent d’apprécier à leur juste valeur, l’ampleur des progrès réalisés, au cours de cette période dans la mesure du mouvement volumétrique.
104 Pour la nature de cette liaison, cf. t. Ier, p. 320-321.
105 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
106 Cf. t. Ier, p. 318-319.
107 Cf. t. VI1, tables 174, 175, 176, p. 373-375. Pourcentages calculés sur les chiffres, des tonnages.
108 On a vu, en effet, que le mouvement canarien apparaissait pour la première fois en 1548, puis, d’une manière à peu prè3 continue, en 1550.. et puisque la ventilation des canariens n’est pas connue avant la dernière décade du xvie siècle, leur présence risque d’atténuer exagérément la réalité de la grande cassure dans la connaissance du mouvement constituée par l’adjonction des directions et provenances en 1548. Si on calculait les proportions sur le seul mouvement des ports de l’embouchure du Guadalquivir et de Cádiz, on aboutirait, pour les directions et provenances connues quatre ans sur cinq, à la proportion de 100 %.
109 Si on ne fait entrer en ligne de compte que le nombre des navires, les proportions, et pour cause, seront différentes, puisque les navires de directions inconnues, étant des canariens, sont de tout petits navires. A l’Aller, 522 navires sur 1 524, en Allers et retours, 546 sur 2 673 soit 34 et 20,4 % au lieu de 17,2 et 9,3 % en tonnage.
110 Cf. t. VI1, tables 181-183, p. 380-391.
111 Aux Retours, il y a déplacement, on a vu pourquoi, en faveur des îles : en volume, 36,3 % pour les îles, 32 % pour la Terre Ferme et 31,7 % pour la Nouvelle Espagne (en imités, nombre de bateaux, 51,9 %, 23,7 % et 24,39 %). Sur les Allers et retours, par contre, la prédominance des ports de la Terre Ferme réapparaît : en tonnage, 42,2 % pour la Terre Ferme, 35,8 % pour la Nouvelle Espagne, 21 % pour les îles, en unités, 35,5 %, 30 % et 33,5 %.
112 Cette différence entre le volume des navires à l’Aller et au Retour est due, peut-être, en partie, au fait qu’une fraction des Canariens, qui ne dépassent pas l’archipel, au Retour, nous échappent. Elle traduit, certainement, aussi, une autre vérité : les navires qui, usés, restent aux Indes, comme al traves, mines de biens d’investissement, sont sans doute, en plus forte proportion, de plus petits navires, ou si l’on veut, des navires plus petits que la moyenne. Ce qui, finalement se comprend, sans peine : en période de tonnage croissant, les vieux navires, ceux qui ne reviennent pas, sont aussi les plus petits navires. Les petits navires moins désirables, au Retour surtout, peuvent être plus volontiers éliminés. Leur écoulement aux Indes doit être, enfin, plus facile. Un petit navire forme un moindre stock à négocier d’un coup ; Mais surtout, l’al traves n’est pas, nécessairement, promis, immédiatement, à la démolition, un petit navire trouve plus facile emploi dans le cabotage, le trafic d’Inde en Inde, auquel sont souvent promis les navires qui ne reviennent pas. Et il en faut... en raison d’un déséquilibre inhérent, on l’a vu, à la nature des échanges entre l’Europe et l’Amérique.
113 Cf. ci-dessus p. 277-280... 288.
114 Cf. t. VI1, tables 209 A et B, p. 434437.
115 Cf. t. VI2, tables 551 à 572, p. 714 à 805.
116 Cf. t I, p. 169 sq.
117 Cf. t. VI1, table 198, p. 414-415.
118 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 34-35.
119 Cf. t. VI1, table 200, p. 418-419.
120 Cf. t. VI2, tables 669-759, p. 980-1035.
121 Cf. t. VI2, table 669, p. 980-981.
122 Cf. t. VI2, table 14, p. 170-171.
123 Ne serait-ce, entre autres, que dans la mesure où il permet une bien meilleure approche de la mesure du tonnage.
124 Cf. t. VI1, tables 3, 4 et 5, p. 118 à 128.
125 Le progrès dans la connaissance du matériel n’est pas linéaire de 1551 à 1571 : les 37 navires dont la catégorie est spécifiée d’une manière précise représentent 7,2 % de l’ensemble de 1551 à 1554 ; 5,58 % seulement de 1555 à 1559 (31 sur 555), moins encore de 1560 à 1563, 4,7 % (25 sur 526), 8,9 %, par contre, de 1564 à 1571 (96 sur 1 079).
126 Cf. ci-dessous p. 408,592-593, etc.
127 Cf. t. VI1, tables 18 à 128, p. 178 à 319.
128 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 198.
129 A une exception près, la mauvaise année de 1568, par exemple, établie sur 19 produits seulement (cf. op. cité, p. 348-350). Le blé, par contre, apparaît, 19 ans sur 21. A titre de comparaison, se reporter aux chiffres du début du siècle (ci-dessous p. 68-71).
130 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 354-355. A titre de comparaison, voir pour les périodes antérieures, p. 328 à 334.
131 Cf. ci-dessus p. 68-71.
132 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 340-343.
133 Ibid., p. 189 et 198.
134 Ibid., p. 335-337.
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