Chapitre VI. Au terme des prospérités faciles du premier XVIe siècle le cycle parfait des premières hésitations de la tendance (1544-1554). La phase ascendante (1544-1550)
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Texte intégral
1Il n’existe pas de fluctuations décennales plus incontestables, plus souverainement dessinées, entre les deux gouffres de 1544 et de 1554, plus parfaitement synchronisées sur les trafics et sur les prix, témoins de transformations plus profondes, tant par les masses mises en œuvre que par les documents désormais maîtrisés, que cette fluctuation de dix ans et, pratiquement, d’une seule et même venue. Six années d’expansion, feu d’artifice du premier xvie siècle, précédent quatre années d’une contraction tellement brutale qu’elle débouche sur la récession intercyclique du milieu du xvie siècle.
I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX
2Pour toutes ces raisons, il importe de consacrer à cette période une étude particulièrement attentive, en en dégageant, d’abord, vigoureusement, les caractères généraux.
MODIFICATIONS PROFONDES DES CONDITIONS DE LA CONNAISSANCE
3C’est — beaucoup plus encore que lors de la fluctuation précédente — au cours de cette période de dix années, que quelques-uns des progrès décisifs ont été accomplis. On peut dire qu’à certains égards, la moitié du chemin, qui séparait le vide documentaire des premières années de la richesse des dernières décades du xvie siècle, a été parcourue.
1. Gonflement des masses
4Il importe, d’abord, — puisque c’est encore la meilleure garantie de la validité de toute construction conjoncturelle — de bien préciser l’importance des masses mises en cause.
5a. Extension de l’espace géographique. — Géographiquement, l’Atlantique a trouvé ses contours. Certes, il reste à la colonisation espagnole d’immenses domaines à parcourir, à saisir, à exploiter. Pour la Nouvelle-Espagne, en 1540, elle ne dépasse pas encore de beaucoup les limites du Mexique humide. En 1550, la pénétration du secteur minier ne fait que commencer1. Le peuplement colonial des terres de l’Amérique centrale, du Guatemala à Panama, est extrêmement ténu, à peine plus de quelques centaines d’hommes. La ventilation du mouvement portuaire le prouve2 : le silence est épais, à l’exception, peut-être, du Honduras, avant 1550. Enfin, la prise de possession de l’Amérique du Sud, est trop proche pour être solide. La côte vénézuélienne a déjà été effleurée par la colonisation allemande3, la Colombie, le cœur de la vieille civilisation chibchas a été saisie, en 1539, par la conjonction fortuite des efforts disparates de Quesada, Federman et Belalcazar4, cinq ans après l’empire incas5.
6Le monde incas, le cœur des plateaux péruano-boliviens des Andes, peut être considéré comme possédé, au-delà de 1540, après la guerre civile. La guerre civile péruvienne n’a-t-elle pas eu comme conséquence la conquête du Chili6 ? Valdivia fonde Santiago en février 1541. Le Chili bourgeonne, au pied oriental des Andes, sur le piedmont, entre Tucumàn et Jujuy. Les conquistadores chiliens, renforcés par les débris de la féodalité pizarrienne écrasée à Xaquixahuana en 1546, pousseront, même avant la défaite de Tucapel (25 décembre 1553), des pointes éphémères jusqu’aux abords du détroit de Magellan. Au-delà, en 1554 et pour longtemps, les positions se stabilisent à la frontière araucane, un peu au Sud de Concepción.
7De l’autre côté des Andes, Buenos Aires fondée en 1536, est abandonnée en 1542, au profit d’Asunciόn. La colonie en terre guaranis végétera jusqu’à la nouvelle fondation de Buenos Aires en 1580. Et encore, Buenos-Aires, même alors, sera-t-elle vraiment morceau de l’Atlantique de Séville ? On peut, on l’a vu7, légitimement en douter.
8Du 23° de latitude Nord au 38° de latitude Sud, l’empire espagnol est bâti à grands traits, en 1550, solidement construit sur l’axe des hautes terres américaines qui longent le Pacifique. Il communique avec le vieux continent par les rivages de la Méditerranée américaine, son mare nostrum. Son espace a été parcouru, repéré, jalonné, ses contours ébauchés : à quelques positions de détail près, ils ne seront plus fondamentalement modifiés.
9Certes, le tissu de la colonisation espagnole est excessivement lâche encore A combien peut-on évaluer le3 hommes qui, plaqués sur le vieux monde indien la représentent, espagnols et métis hispanisés ? Cent mille ( ?)8, peut-être, et derrière eux, dix à quinze millions d’indiens9. Il y aura progrès, certes, au-delà, mais progrès en profondeur, non pas en surface10. L’équilibre qui vient de s’établir entre directions et provenances fondamentales11 et qui, pour l’essentiel, prévaudra, un siècle durant, prouve que, dès la fin de la fluctuation précédente, l’Atlantique espagnol a trouvé son assise.
10b. Accroissement du volume économique. — Le volume économique des mouvements qui animent cet espace est déjà plus proche de la belle époque que des débuts. C’est au cours de la décade et surtout, dans les six premières années de l’expansion, de 1544 à 1550, que le pas décisif e3t franchi. De 1546 à 155012, 504 navires vont d’Andalousie aux Indes, 370 en reviennent, 874 au total. En unités, 4 fois le mouvement de la première demi-décade, 139,87 et 226 navires, deux fois, deux fois et demi le nombre des navires qui vont et viennent entre 1516 et 1530. Seules, les demi-décades 1586-1590, 1591-1595, 1596-1600 et 1606-1610 voient un nombre supérieur de navires sillonner la mer entre l’Espagne et l’Amérique espagnole : de 1545 à 1554, dans le cadre décennal de cette fluctuation, 1 529 navires vont et viennent — 153, l’an, en moyenne. C’est à 10 ou 15 % près, les chiffres que l’on obtient à la charnière des deux siècles à l’apogée du système. Certes, la taille des navires est loin d’être comparable à ce qu’elle sera, soixante ou soixante-dix ans plus tard13. Avec l’entrée en jeu massive de la Nouvelle Espagne, toutefois, et de la Terre Ferme, avec les besoins de la défense, le processus de gonflement du tonnage unitaire et partant, du tonnage global est déclenché.
11Le mouvement de la demi-décade 1546-1550 s’élève à 73 895, 53 385 et 127 280 toneladas14, 5 fois les niveaux de la première demi-décade, 55 % des chiffres de 1606-1610. Compte tenu de la pondération proposée pour obtenir la conversion de la tonelada en unités internationales actuelles de 2,83 m3 et éliminer au maximum tous les facteurs de distorsion, on aboutit aux résultats suivants. Les tonnages mis en cause, au cours de la demi-décade 1546-1550, représentent 5 fois le volume de 1506-1510, 4 fois et demi ceux de 1511 à 1520, trois fois encore les niveaux de 1521 à 1530, un peu plus du tiers du volume record de la demi-décade 1606-1610, 75 % du volume de la dernière décade 1641-1650, 50 % des deux dernières décades du xvie siècle. Les volumes mis en cause, au cours de la phase ascendante de la fluctuation 1544-1554, même sur les séries les plus défavorables, sont désormais plus proches des chiffres de la fin que des chiffres du début.
12Mille séries corroboreront cette constatation rassurante. On aboutit, même, en réincorporant la phase descendante de la fluctuation, à des chiffres considérables : 131 133 toneladas à l’Aller, 93 585 au Retour, 224 718 au global, soit une moyenne annuelle de 22 477 toneladas et 153 navires, et, si on accepte notre grille de conversion15, une moyenne annuelle Allers et retours de 16 854 tonneaux de jauge internationaux de 2,83 m3.
13L’ampleur des progrès accomplis est partiellement masquée par l’étonnant déséquilibre qui sépare la phase ascendante des six premières, années de la phase descendante16 des quatre dernières années de la fluctuation. D’une part, en Allers, de 1545 à 1550, 87 043 toneladas, 601 navires, en retours, 415 navires et 44 090 toneladas au global, 147 358 toneladas et 1 016 navires. D’autre part, de 1551 à 1554, les chiffres ne sont plus respectivement que, 44 090 toneladas et 284 navires, 33 270 toneladas et 231 navires, au total, en Allers et retours, 515 navires et. 7.7 360 toneladas. D’une part, un mouvement annuel moyen en Allers et retours, de 189 navires et 24 829 toneladas, pendant la période d’expansion, pendant la période de contraction, d’autre part, 128 navires et 19 340 toneladas, seulement. Or, les chiffres de la première partie du cycle sont incontestablement, du même ordre de grandeur que ceux des meilleures décades de la Carrera, en ce qui concerne le mouvement unitaire, du moins. La parfaite homogénéité des résultats observés par la comparaison des moyennes mobiles ne surprendra pas dans ces conditions17.
14La comparaison des creux cycliques et plus encore, des pointes d’expansion maxima, confirmera, si besoin est, cette constatation. La pointe de 1550-1551 est une des plus fortes, en chiffres relatifs, sinon toujours en chiffres absolus. En Allers, 133 navires en 1550, 19 620 toneladas, 14 715 tonneaux pour 86 navires, 11 660 toneladas, 8 745 tonneaux, par contre, en 1542. La progression de 1542 à 1550 est de 80 % environ. Elle dépasse 400 %, par rapport à la première pointe d’expansion cyclique de 1508 (45 navires, 4 480 toneladas, 3 136 tonneaux). La pointe de 1550 comparée aux chiffres de 1608, record absolu de l’histoire recensée de l’Atlantique espagnol (202 navires et 45 078 toneladas, 64 095,6 tonneaux), s’élève au tiers des mouvements exprimés en tonneaux pondérés, mais à 60 %, si on tient compte, seulement, du simple décompte des navires. Il en irait de même des mouvements Retours et des globaux, Allers et retours18, d’une manière souvent plus nette encore. En volume, le pas décisif a été franchi, parce que le rythme de l’expansion s’est, au terme de cette première phase longue de croissance du premier xvie siècle, considérablement accru, d’une manière d’autant plus spécifique et méritoire qu’il affecte, désormais, des quantités plus considérables.
15Le rythme de l’expansion ralenti au cours du cycle 1522-1532, fortement ranimé au cours de la fluctuation 1532-154419 s’est accentué, encore, au cours de la présente fluctuation cyclique 1544-1554. Pour apprécier cette accélération, on n’a que l’embarras du choix. Une des méthodes les plus sûres consiste à comparer entre elles, deux par deux, les pointes cycliques des moyennes mobiles de cinq ans des mouvements Allers, Retours et Allers et retours20. Expansion d’autant plus extraordinaire, comme les Allers et retours le montrent bien, qu’elle est ramassée sur six années seulement. Ce changement d’échelle du mouvement parfaitement établi ne peut que rassurer.
16c. Amélioration de sa connaissance : tonnage connu et tonnage évalué. — La précision meilleure, avec laquelle on approche, désormais, le mouvement, constitue aussi un facteur positif.
17On se souvient21 de la faible proportion des connus directement et indirectement au cours des périodes précédentes : 0,3 % et 3,7 % sur le mouvement global, Allers et retours, pour le cycle 1510-1522, 1,5 % et 4,5 % pour le cycle 1522-1532, et pour la fluctuation exactement précédente, 0,95 % et 9,55 %. Depuis 1538, on l’a vu, la masse des éléments sûrs s’accroît rapidement. Le progrès s’accentue encore au cours de la présente fluctuation et les conditions de la connaissance en sont totalement modifiées. Pour les Allers, 18 % de connus, 82 % d’évalués, pour les Retours, 22 % et 78 % pour les Allers et retours, 20 et 80 %.
18Avec une proportion désormais plus rassurante de connus directement, et si l’on veut bien considérer que la solidité des grilles d’équivalence22 qui donnent les connus indirectement et permettent les évaluations des tonnages de la dernière catégorie dépend, au premier chef, peut-être, du nombre des connus directement, on appréciera le progrès impliqué dans ces chiffres. Pour le mouvement Allers, par exemple, sur un ensemble de 131133 toneladas, les navires connus directement totalisent 6 538 toneladas, soit un peu moins de 6 %, contre 17 560, connus indirectement (plus de 12 %), et 107 035, évalués (82 %). Ils sont répartis inégalement sur six années seulement, le silence restant encore complet pour 1547, 1548, 1552 et 1554. Pour les Retours, fait assez surprenant, les proportions sont meilleures encore : 4 661 toneladas, connus directement (5 %), contre 16115 toneladas (17 %), connus indirectement sur un total de 93 585 toneladas. Pour le mouvement global, Allers et retours, 11 099 toneladas, connus directement (5 %) et 33 675 toneladas, connus indirectement (15 %) assez également répartis23 sur l’ensemble de la décade.
2. Croissance rapide du tonnage unitaire
19Le tonnage unitaire des navires de la Carrera est en pleine évolution, sa croissance est rapide24, et l’on est, heureusement, à même d’en apprécier assez exactement l’ampleur, grâce à quelques registres et aux premières bribes de la correspondance de la Casa de la Contrataciόn25.
20a. Les indices.
21Tonnage connu et tonnage évalué. — Tous ces facteurs expliquent les 5 % des tonnages connus directement et les 15 % des connus indirectement. La précision globale et la précision unitaire des évaluations en sont accrues d’autant. La précision de la connaissance indirecte du tonnage subit une évolution identique : on commence à utiliser un des modes de connaissance indirecte les plus efficaces : la connaissance du tonnage par l’équipage. De 1544 à 1554, on possède 35 diagrammes d’équipages ; outre l’intérêt de semblables données pour la connaissance des gens de mer et du personnel affectés aux différents types de navigation, les équipages permettent, on a vu pourquoi, une connaissance du tonnage aussi valable, pratiquement, que la connaissance chiffrée directe26.
22Almojarifazgo. — A partir de 154427 le détail navire par navire, de l’almojarifazgo perçu à l’entrée du port de Nombre de Dios constitue, aussi, un complément extrêmement précieux de la mesure volumétrique : 7 navires en 1544, 179 de 1545 à 1550, pendant la phase ascendante du cycle et 71 de 1551 à 1554, pendant la phase descendante, soit, au total, 257 navires28. On dispose donc, désormais, en plus, de la simple mesure quantitative, d’une approche en valeur du mouvement Allers29.
23En outre, la connaissance du tonnage des navires s’en trouve renforcée et contrôlée. A l’Aller, beaucoup plus qu’au Retour, il existe, en effet, un lien entre le tonnage du navire et la valeur fiscale de la cargaison. Le fond des cargaisons est encore constitué par les produits alimentaires pondéreux de l’Andalousie, auxquels vient s’ajouter une fraction quantitativement limitée mais, en valeur, de plus en plus importante, d’étoffes et de manufacturés divers. Dans ces conditions — et l’expérience le prouve —, il existe une liaison étroite entre la grosseur du navire et la valeur de sa cargaison, partant, une corrélation simple, au sein du trafic relativement homogène de l’Espagne en direction de l’Amérique, entre le tonnage du navire et la somme perçue sur sa cargaison par les almojarifes de Nombre de Dios.
24La liaison est assez étroite, pour qu’il soit possible de répartir le matériel de la Carrera en trois catégories. Une catégorie des petits navires constituée par le matériel de type ancien, d’usage courant dans le trafic avec les îles, mais envoyée, aussi, en cas de nécessité, en direction du continent. La catégorie nouvelle des très gros navires, qui annonce, déjà, le matériel courant de la belle époque. A l’intérieur de cette catégorie, la précision, dans certains cas, de l’évaluation est grande. Au sein d’une flotte donnée, pour laquelle on possède un nombre suffisant de tonnages connus directement, on peut se permettre de faire passer quelques navires, pour lesquels on connaît exactement l’almojarifazgo perçu, dans la catégorie des connus indirectement30. Une troisième catégorie, enfin, celle des navires intermédiaires, pour lesquels l’almojarifazgo peut fournir une simple indication, utile, toutefois.
25L’apparition de. l’almojarifazgo, les indications que cet impôt ad valorem permet de recueillir, sur un navire qu’on suit au cours de ses voyages successifs, annoncent déjà, pour l’évaluation du tonnage des navires, la méthode des déductions empiriques, mais sûres, à force de recoupements, qui s’applique, en gros, d’une manière pleinement satisfaisante, à partir de 1585-1586. Certes, on a recours, encore, faute de mieux, aux évaluations géographiques forfaitaires du début31. On entrevoit, heureusement, autre chose, au moment même où une plus grande diversité dans le matériel utilisé rend nécessaire une plus grande sensibilité des instruments d’approche du tonnage.
26L’almojarifazgo fournira, enfin, la première masse considérable de données chronologiques. On possède, de 1544 à 1554, 279 dates de perception de droits sur les navires entrés dans le port de Nombre de Dios en provenance d’Espagne. Or, la date de la perception suit de peu celle de l’entrée dans le port. C’est donc, à peu de choses près, la chronologie du mouvement du port de Nombre de Dios que l’on possède par ce biais. Ces données seront particulièrement précieuses, au moment où — on le verra — de grandes transformations s’opèrent dans la marche des navires, où l’on passe, en gros, de la navigation en petits convois à la navigation en gros convois.
27Tous ces indices nouveaux sont d’autant plus utiles que les transformations les plus importantes et les plus rapides du tonnage unitaire des navires se situent au cours de cette fluctuation, vraisemblablement32. Cette mutation quantitative du tonnage unitaire n’est pas imputablé à l’hétérogénéité de la documentation, puisqu’elle est, évidemment, liée, d’une manière très Concrète, à une donnée certaine, la modification de la taille des convois.
28Exemples tirés de l’histoire de la Carrera. — Certains d’entre eux, comme les tonnages connus, peuvent servir, aussi, de jalons valables dans l’histoire de cette mutation quantitative.
29L’interdiction faite aux navires de moins de 100 toneladas, en 1544, de participer à la vie de la Carrera, est particulièrement symptomatique de cette croissance. L’exclusion des petits navires était liée à l’obligation de naviguer en convois de dix bâtiments, au moins, d’une part, et aux nécessités de la défense, d’autre part33. Ce texte a le mérite d’établir clairement les rapports étroits existant entre l’état d’insécurité presque endémique dû à la guerre et à la course et la navigation en convois. L’un et l’autre ont contribué, sans doute, à uniformiser le matériel par alignement sur les gros34.
30Un état de flotte de 154735 fait mention de deux naos biscaynas de 200 toneladas, d’une caravelle à voile latine de 100 toneles et d’un nao de 90 toneles36. En 1549, une hourque de 200 toneladas — il est vrai, un peu en marge de la Carrera — est donnée comme monnaie courante quant à la taille37. Cette même année, Alvaro de Bazan38, l’inventeur du gros navire, le mot n’est pas trop fort39, a mis déjà ses projets à exécution. La cédule du 15 janvier 1550 lui conférera, pour dix ans, le privilège exclusif de la construction de gros galions qui assureront, désormais, la protection des communications entre l’Espagne et les Indes de Castille. Ces galions de 5 à 600 toneladas40 — matériel, tout à fait nouveau, de dimensions telles qu’on n’en avait pratiquement pas vu depuis la fin du xve41 siècle (10) — sont quatre fois plus gros, environ, que les navires d'armada, couramment en usage quelques dix ans plus tôt. On signale encore, une nao de 500 toneles au large de Puerto Rico42 fait nouveau, compte tenu, même, de l’exagération vraisemblable d’une mesure au jugé43 Elle eût été inconcevable dix ou vingt ans plus tôt.
31L'armada d’Alonso Pexon fournit un autre témoignage : en 1552, elle est composée de quatre bateaux respectivement de 643, 280, 138 et 280 toneladas44. En 1553, on envisage de la renforcer avec 2 naos de 250 à 300 toneladas et 2 caravelles anormalement fortes de 100 toneladas45. En 1554, l’Armada, destinée à la protection du tronçon de route qui va des Açores au Guadalquivir, doit comprendre quatre grosses naves de 3 000 toneladas au total46. Ces monstres, bien sûr, n’ont pas encore franchi les portes de la Carrera.., ils ne dépassent pas les Açores, et ils n’ont pas à être incorporés dans les tableaux et les tables. Leur présence est, néanmoins, significative. Un seul pas reste à franchir. Ils seront bientôt admis et en plus grand nombre, dans la Carrera, jusqu’au jour où ils auront, dans le mouvement avec le continent, presque éliminé tout autre matériel. On s’est efforcé de suivre, au plus près, toutes ces transformations47.
32Type de navires. — Le navire lui-même, clef de voûte de notre système, au moment où le matériel naval se diversifie et se complique, sort peu à peu, de l’ombre.
33On a vu comment apparaissent48 les premiers diagrammes d’équipage, quelquefois incomplets, d’ailleurs, 35 en onze ans, 26 pendant la fluctuation décennale. Aucune mention, toutefois, encore, de l’âge. Si ce n’est quelques mesures législatives utilisables pour des appréciations purement qualitatives sur le stock d’ensemble du matériel49.
34Les types de navires, par contre, pour lesquels on a des précisions qui dépassent ce que l’on peut attendre de la simple alternance des termes naos et navίos du Livre de Registres, sont sensiblement plus nombreux50. Leur nombre évalué à 6,8 % de l’ensemble au cours de la fluctuation précédente est, désormais, de près de 11 % : 148 navires sur un mouvement global de 1389 unités. Plus tard, une telle augmentation serait imputable essentiellement à une plus grande hétérogénéité du matériel. Semblable explication n’est peut-être, pas totalement à exclure51, mais il faut, surtout, y voir une augmentation sensible des prises de la connaissance.
35Cette augmentation n’est, d’ailleurs, pas régulière — 111 navires d’un type différent spécifié, de 1545 à 1550, sur 874 voyages (504 d’Aller, 370 de Retour), soit 12,5 %, au cours de la phase ascendante de la fluctuation, 37 sur 515 voyages, de 1551 à 1554, pendant la phase descendante, soit 7 % environ. Cette opposition corrobore simplement un fait observable sous plusieurs angles à la fois : les données sont relativement plus abondantes, au cours de la première phase ascendante du cycle qu’au cours de la seconde. On pourrait, aussi, en tirer une indication seconde de plus grande portée : au cours de la période 1545-1550, entendez au cours de la phase ascendante du cycle, le matériel est plus hétérogène ; au cours de la seconde période, 1551-1554, phase descendante, de contraction, il serait relativement plus homogène, par contre, par élimination vraisemblable des éléments marginaux les moins désirés(2).
36La composition interne du matériel spécifié52 s’ordonne de la manière suivante : de 1545 à 1550, sur 111 navires connus : 53 caravelles, dont une dite à voile latine, contre 48 galions, 3 barques, 25 hourques et 2 naves (on peut considérer, avec certitude, hourques et naves, comme des navires étrangers). De 1551 à 1554, 13 caravelles, 18 galions, 2 naves et 4 hourques.
37Le rapport-clef est, en l’occurrence, le rapport caravelles-galions : 53 contre 48, d’une part, 13 contre 18, d’autre part, il traduit expressément le rapport des plus petits et des plus gros navires : les non spécifiés pouvant être classés, avec le plus de vraisemblance, parmi les navires moyens53. Il faut y voir, encore, un signe de l’accroissement rapide du tonnage, au cours de la période, par l’intrusion, d’abord minime, puis de plus en plus massive, des gros navires.., le remplacement progressif des petits naves, à bout de course, par de gros navires.
38Justificatifs.
39b. Distances, volume économique. — Or cet accroissement — le grand fait de la période — se déroule, au cours de cette fluctuation décennale, à une rapidité encore inconnue. On ne s’en étonnera pas. Tout d’abord l’allongement des distances a joué.
40Le continent, bien sûr, n’est plus à découvrir : en 1544, Nouvelle Espagne et Terre Ferme sont entrées, définitivement, dans la Carrera. Il a fallu, toutefois, attendre la fin de la guerre civile au Pérou, pour en tirer tous les avantages. La part du continent s’accroît au cours de cette période54, d’une manière décisive et c’est seulement pendant la phase d’expansion du cycle 1544-1554, que le continent américain trouve, dans l’ensemble de la Carrera, sa véritable signification. Une augmentation considérable des distances55 en découle et des volumes économiques. L’augmentation du volume économique du trafic n’est-elle pas la conséquence logique de l’entrée en scène d’espaces nouvellement acquis ?
41Il y a, désormais, derrière la mince pellicule humaine de la colonisation, la seule, qui soit partie prenante dans l’économie d’échange de l’espace Atlantique, une dizaine de millions d’hommes, un peu plus, peut-être, la réserve des plateaux du Nord et du Sud. Cette pellicule d’humanité coloniale dispose, désormais, de grands ports : la Vera Cruz et Nombre de Dios, un appareil économique qui justifie et rend possible l’utilisation du plus gros tonnage, comme il le fait, en Europe, entre les Flandres et l’Italie du Nord, par exemple. Non, cette augmentation du volume économique n’est pas seulement vraisemblable, elle ne découle pas de quelque pétition de principe56, d’une appréciation supérieure des navires qu’on aurait déduit, trop vite, d’exemples insuffisants.
42Tous les facteurs convergent pour corroborer le point de vue d’une accélération de la croissance du tonnage unitaire et notamment, test de grand prix, les mouvements-valeur nouvellement acquis. On se reportera, par exemple, aux valeurs des entrées à la Vera Cruz et à Nombre de Dios57 et on notera, sans peine, depuis 1540, à la Vera Cruz, depuis 1544, à Nombre de Dios, un accroissement beaucoup plus rapide que celui qu’on eût été en droit d’attendre, s’il avait été simplement proportionnel à l’accroissement du mouvement unitaire, compte tenu même de l’augmentation des prix et d’une certaine évolution des cargaisons. Cet accroissement ne peut s’expliquer pleinement que par l’augmentation du tonnage unitaire des navires58, prouvé et mesuré, on l’a vu, par tant d’autres indices59. L’évolution des valeurs dans les grands ports des Indes, renforce donc, parfaitement, nos hypothèses. sur les tonnages.
43Guerre, convois et difficultés techniques. — L’insécurité due à la guerre et à la course, qui s’installe définitivement en parasite dans l’Atlantique espagnol, aura été aussi un facteur décisif. Elle a entraîné l’obligation, pour chaque navire, de transporter de l’artillerie et de voyager en groupe. Il est de plus en plus difficile d’échapper aux convois, il vaudrait mieux dire, d’échapper aux gros convois. On passe du petit au grand convoi, au cours de cette décade. La chronologie des entrées dans le port de Nombre de Dios, d’après les comptes de la caisse de Panama60, permet d’en suivre annuellement les progrès. Or, les convois excluent, on s’en souvient, les tout petits navires61.
44L’évolution générale du mouvement, son accroissement rapide, n’ont pas contribué, seuls, à restreindre l’emploi des petits navires et à favoriser l’usage de la navigation en convois. Certaines difficultés techniques ont joué. Les plaintes, contre le manque de pilotes qualifiés, et plus simplement, de marins, s’élèvent, de plus en plus, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps et que l’expansion s’accélère ; plaintes grossièrement proportionnelles en véhémence au volume et à l’accroissement du trafic62. Une Espagne, démographiquement limitée, ne peut faire face à tout. Or, le système des convois est une réponse, tout comme l’emploi du gros navire, qu’il appelle63. Pour conduire le convoi, il suffit d’un nombre très restreint de pilotes expérimentés. Un navire de 500 toneladas nécessite moins de marins que cinq navires de 100 toneladas64 L’emploi de la navigation en gros convois et son. indissociable corollaire, l’emploi des gros navires, à l’origine simple riposte au défi de la guerre, de la course de l’insécurité ambiante, s’est trouvé constituer, à l’épreuve, la meilleure réponse à l’accroissement trop rapide du trafic et à l’insuffisance chronique du personnel maritime qualifié. Peut-être, la solution du gros convoi et des gros navires a-t-elle favorisé, d’abord, l’accroissement du trafic. Tout comme elle l’entravera, plus tard, en ralentissant, au-delà du gain perçu, le rythme de rotation des convois, immobilisant les hommes, stérilisant le capital d’armement, lorsqu’on aura, insensiblement et inconsciemment, dépassé l'optimum dimensionnel des convois. Créé pour les besoins de la défense, de la croissance économique et du continent, il est vraisemblable, aussi, que le système des convois n’aura pas peu contribué à réduire, le rôle des îles, sinon à les éliminer du trafic.
45La réduction du mouvement des îles, on-est mieux à même de l’apprécier, avec l’apparition de cette grande acquisition, intimement associée à ces transformations : la ventilation du mouvement d’après les ports des Indes et ceux du complexe portuaire andalou-canarien.
3. Les nouvelles acquisitions et leur rôle fondamental pour une analyse de l’économie dominante
46a. Différenciation au sein du complexe portuaire : directions et provenances.— On distinguait, jusqu’ici, au sein du complexe portuaire, au départ des navires d’Espagne, navires marchands et navires d'armada65 ; depuis 1548, il est possible d’introduire une articulation nouvelle : les navires canariens66.
47Mais le gain essentiel est aux Indes. Toute notre approche de la conjoncture va s’en trouver radicalement modifiée. Au cours de la première décade, l’île « Espagnole », notre Saint-Domingue, constituait à elle seule presque toutes les Indes, les scribes de la Casa de la Contrataciόn n’éprouvèrent donc pas le besoin de mentionner la direction ou la provenance. Mais le Nouveau Monde s’agrandit rapidement, après l’espace, de plus en plus diversifié des îles, le continent, la Nouvelle Espagne..., puis la Terre Ferme et le Pérou, mais par vitesse acquise, par habitude prise et souci de moindre effort, le Livre de Registres se tait67. Jusqu’en 1544. En 1544, pour la première fois68, le Livre de Registres donnait les directions. L’expérience n’est pas suivie. Mais en 154869, directions et provenances sont à nouveau portées ; elles le seront, désormais, sans interruption. Certes, il subsistera, encore, de-ci de-là, quelques lacunes sporadiques, dues à la négligence d’un agent d’exécution. Ces négligences vont rapidement en s’espaçant, au fur et à mesure que s’instaurent des règles de travail plus strictes et que l’intérêt d’une connaissance précise de la direction et de la provenance est mieux appréciée par les services de la Casa. Seule lacune systématique, pendant longtemps, les Canaries70, et, dans une certaine mesure, les négriers, quelques centaines de navires, au total, mais toujours — c’est évidemment le cas des Canariens et des négriers — sur les bords du Monopole.
48La modification profonde, apportée à notre connaissance du mouvement par cette modeste adjonction aux renseignements du Livre de Registres, apparaît d’elle-même. On a dit, à propos des fluctuations antérieures71, quelle part d’arbitraire subsistait dans l’appréciation de la ventilation du mouvement entre les principales directions et provenances, en raison, de la forte proportion des irréductibles : 93,37 % de 1531 à 1535, 61,86 % de 1536 à 1540, 34,28 % de 1541 à 1545. De 1532 à 1544, le pourcentage des directions et provenances connues à l’ensemble du mouvement ne dépassait pas encore 40 %. Quel progrès, pourtant, par rapport au cycle 1522-1532. Au cours de la fluctuation 1545-1554, le pas décisif est franchi, les irréductibles représentent, sur le mouvement Allers et retours, 15 % seulement. Pour 85 % du tonnage, par contre, la direction et la provenance sont connues avec précision. Au cours des six premières années de la phase ascendante du cycle, de 1545 à 1550, les proportions sont respectivement : 18,4 % pour les directions et provenances irréductibles, et 81,6 % pour les connues ; de 1551 à 1554, les proportions s’améliorent encore, 8,5 % seulement pour les directions et provenances non connues, 91,5 % pour les autres. Ces proportions se maintiennent jusqu’aux alentours de 1580, pour tomber ensuite aux environs, voire même, en dessous de 1 %, pour les non-connues.
49b. Un nouvel équilibre entre les trois masses géographiques fondamentales de l’empire espagnol. — Élimination faite des inconnues72 — c’est avec de telles proportions, une opération plus parfaitement légitime — les grandes masses du mouvement sont facilement dégagées. La répartition du mouvement entre les trois grandes masses géographiques fondamentales : îles, Nouvelle Espagne, Terre Ferme, est déjà pratiquement celle qui prévaudra un siècle durant, elle s’est sensiblement rapprochée de la normale séculaire.
50Sur le mouvement Allers et retours, au cours de l’ensemble de la fluctuation 1545-155473, la Nouvelle Espagne représente 23,55 %, les îles 26,6 %, et la Terre Ferme, 50,85 %. Les pourcentages respectifs étaient au cours de la phase ascendante 1545-155074 : 23 % pour la Nouvelle Espagne, 24 % pour les îles et 53 % pour la Terre Ferme. Voilà qui donne la première preuve de cette impression mille fois corroborée ultérieurement : au cours de cette décade, c’est la Terre Ferme qui entraîne dans son mouvement la conjoncture ascendante75. En phase descendante, par contre, de 1551 à 1554, la Nouvelle Espagne et les îles forment volant76 : 26 % pour la Nouvelle Espagne, 27 % pour les îles, et 47 % seulement pour la Terre Ferme.
51Mais la ventilation sur le mouvement Allers et retours, pour paradoxal que cela puisse paraître, n’est pas la meilleure expression possible de la réalité : elle exagère la part des îles : beaucoup plus de navires sont censés revenir de3 îles qu’il n’en est parti77. Les îles — c’est une illusion — paraissent envoyer sur l’Europe beaucoup plus de navires qu’elles n’en reçoivent. Les Retours des îles sont, au cours de la présente fluctuation, trois fois et demi supérieurs aux Allers. Distorsion lourde de signification : les exportations des îles, dont les trésors sont épuisés, sont constituées par des pondéreux..., les navires qui vont en Nouvelle Espagne et en Terre Ferme cabotent, souvent, sur le chemin du Retour et viennent prendre du fret dans les îles, on a vu comment78. Saint-Domingue reste encore, au cours de ces années, le centre de ralliement, le centre de formation des convois, au Retour, avant que Cuba ne se substitue à elle dans ce rôle79. Le plus grand nombre de navires portés, donc, sur les listes du Livre de Registres — ces listes sont, pour l’essentiel, les nôtres — comme revenant de Saint Domingue, reviennent, en réalité, du continent via les îles. Leurs cargaisons elles-mêmes ne sont que partiellement, voire très partiellement, des cargaisons des îles. C’est pourquoi, on peut préférer le mouvement Allers aux Allers et retours comme plus représentatif de l’importance relative réelle des différents espaces américains dans le trafic de Séville80.
52Pour l’ensemble de la décade 1545-1554, sur les Allers seuls81, élimination faite des directions inconnues, la Nouvelle Espagne représente 28,5 % du mouvement global, les îles, 15,5 % et la Terre Ferme 56 %. Là aussi, c’est la Terre Ferme qui emporte le mouvement, plus nettement — et pour cause — que sur les globaux Allers et retours. Constatation plus valable, peut-être, encore, c’est la Terre Ferme qui emporte le mouvement à la hausse, tandis que la résistance des îles et, plus curieusement encore, de la Nouvelle Espagne freine la contraction en faisant volant. De 1545 à 155082, en effet, les pourcentages respectifs de la Nouvelle Espagne, des îles et de la Terre Ferme sont de : 27 %, 15 % et 58 % ; de 1551 à 155483, pendant la contraction, par contre, les pourcentages sont, respectivement, 33 %, 15,4 % et 51,6 %.
53Peu importe, la ventilation du mouvement entre le complexe portuaire et les différents ports des Indes — et c’est là l’essentiel — est, désormais, suffisamment connue. Il est possible de distinguer, parmi les différents mouvements dont la résultante constitue le mouvement général, quels sont ceux qui, momentanément, commandent la conjoncture, de faire le départ entre ce qui va dans le sens et ce qui, à l’opposé, marche à contre courant.
54c. Mouvements en valeur et prix. — A côté du mouvement en volume, aucune série complète encore de marchandises ; il faut attendre pour cela les comptes de l'avería, c’est-à-dire, au plus tôt, 156084. On possède, par contre, les premières séries partielles du mouvement en valeur, grâce à l’almojarifazgo perçu dans les deux principaux ports des Indes. La Vera Cruz et Nombre de Dios totalisent alors les 7/10e, environ, du mouvement en volume avec l’Espagne — plus encore, en valeur. L’almojarifazgo donne des renseignements pour la Vera Cruz, à partir du 13 octobre 1540, pour Nombre de Dios, à partir de 154485.
55Pour les prix espagnols, qui jouent dans la construction conjoncturelle le rôle que l’on sait, progrès sensible, également. Les séries géographiques de Nouvelle Castille, Vieille-Castille-Léon et Valence sont, désormais, continues de 1545 à 155486. La précieuse série andalouse réapparaît, sporadiquement encore, avec 4 chiffres indiciels pour 4 ans (1548, 1549, 1551, 1554, puis 1555, 1557, 1558, 1559, 1560, etc.). Les bases, sur lesquelles ces indices sont calculés, sont également très sensiblement améliorées, au-delà de 1550, surtout87. On appréciera le chemin parcouru par comparaison avec les fluctuations précédentes88.
PHYSIONOMIE DE LA PÉRIODE
56Ainsi pourvu, on en est que mieux à l’aise pour tracer les contours d’une fluctuation exactement décennale qui va du creux de 1544 à celui de 1554.
1. Limites
57Sa personnalité est extrêmement puissante : il n’y a pas, en effet, dans toute l’histoire de la Carrera, une fluctuation décennale dont les contours soient aussi nets, aussi indiscutables, d’une seule et même venue sur toutes les séries, sur toutes les articulations du mouvement. Cette quatrième fluctuation constitue le type même de la fluctuation cyclique décennale parfaite. A telle enseigne que, de 1544 à 1554, les fluctuations primaires plus courtes sont virtuellement effacées des mouvements et noyées dans le flux dominant de la fluctuation décennale.
58a. Le creux de 1544-1545. Amplitude. — 1544, sur l’ensemble des mouvements, constitue une dépression dont on a apprécié, ailleurs, la vigueur89.
59C’est un point de départ incontesté : 29 navires en Allers et 5 005 toneladas, 50 navires en Retours et 6 770 toneladas, 79 navires et 11 775 toneladas en Allers et retours. En chiffres absolus, le creux de 1544 est un des plus vigoureux du demi-siècle ; en Allers, surtout.
60Le tonnage des départs de 1544 ne dépasse pas 40 % du chiffre d’expansion cyclique de 1542, mieux, le mouvement unitaire, 29 navires au lieu de 86, n’est plus qu’à 34 % du précédent record. Le creux de 1544, en tonnage, est à peine supérieur au creux décennal de 1532, un peu moins de 4 % de différence (5 005 toneladas au lieu de 4 840). Le creux est plus sensible, encore, sur le mouvement unitaire. Pour descendre en dessous de 29 navires, il faut remonter jusqu’en 1522 (18 unités seulement). On apprécie, indirectement, l’importance du facteur, gonflement du tonnage unitaire des navires. 1544, comparé au sommet cyclique suivant de 1550, dont il est séparé par six années seulement, le creux cyclique de 1544 ne fait que 27 % du tonnage (5 005 et 19 620 toneladas), 18,5 % du mouvement unitaire : quatre fois et demi plus de navires, quatre fois plus de tonnage en 1550 qu’en 1544 au départ vers l’Amérique, voilà qui permet d’apprécier l’ampleur du creux initial de 1544, relativement beaucoup plus accentué qu’aucun des creux des fluctuations précédentes.
61Comparé au niveau correspondant de la moyenne mobile de 13 ans, le tonnage des Allers de 1544 ne dépasse pas 42,99 %90. En Allers, une anomalie négative comparable ne s’est produite encore qu’une fois, en 1522, avec un niveau relatif, plus bas 33,82 %. Entre 1544 et 1550, entre les deux extrémités de l’expansion cyclique, les distances à la moyenne sont aussi diamétralement opposées que possible91. 1544 peut être considéré, aussi, comme l’emportant même sur 1522 dans son rôle de creux cyclique.
62Sur les Retours exprimés en volume, on retrouve le même creux en 1544, mais un peu moins accusé, 50 navires et 6 770 toneladas. C’est le creux absolu exprimé en tonnage, toneladas ou tonneaux pondérés92 ; sur le mouvement unitaire, par contre, le niveau de 1545, avec 45 unités, est de 10 % inférieur au chiffre de 1544 ; 1545 est plus creusée, aussi, en tonnage relatif, par rapport à la moyenne93 : 75,519 % en 1545, 81,0155 % en 1544. Le niveau des Retours, en 1544, est à quelque 77 %, seulement, du tonnage de 1541 (6 770 en 1544 au lieu de 8 800 toneladas et 50 navires au lieu de 69). Soit une contraction relative minime par rapport à celle des Allers. Le mouvement Retours de 1544 ne représente-t-il pas, au vrai, 57,50 % du mouvement global Allers et retours94. Par rapport à la pointe d’expansion cyclique maximale des Retours de 155195, 1544 est à moins de 40 % en tonnage et à moins de 60 % en unités.
63Le mouvement Allers et retours, a emprunté au mouvement Allers l’essentiel de sa nervosité. Avec 79 navires et 11 775 toneladas, on est à un peu plus de 50 % de 1542 (146 navires et 19 470 toneladas) et à 33 % de 1550 (215 navires et 32 355 toneladas). Par rapport à la moyenne de 13 ans, 58,954 % contre les 110,12 % de 1542 et 148,98 % de 1550.
64Pour les trois mouvements, Allers, Retours, Allers et retours, l’espacement des chiffres du creux de contraction cyclique maximale de 1544-1545 à la moyenne comparé à l’espacement symétriquement opposé du sommet d’expansion cyclique maximale de 1550-1551 est le plus grand que l’on puisse noter, au cours du premier demi-siècle, entre le point de départ d’une fluctuation cyclique et son sommet.
65Correctifs. — Ces données ont besoin, toutefois, d’être en partie corrigées.
661544 se présente, en effet, sur le mouvement Allers et, par voie normale de conséquence, sur les Allers et retours, comme un vigoureux coup de scie. En Allers, notamment, les 29 navires et les 5 005 toneladas de 1544 sont encastrés entre les 75 navires et les 10 685 toneladas de 1543 et les 97 navires et 13 148 toneladas de 1545, niveaux qui les dépassent, respectivement, de 105 % et 160 %. Le chiffre anormalement bas de 154496 paraît imputable à la situation politico-militaire de l’Atlantique espagnol. 1545 a récupéré une partie des départs qui auraient dû se faire en 1544. Si on ventile, sur deux ans, les départs de 1544 et de 1545, ces deux années, avec, chacune, 63 navires et 9 078 toneladas, forment ce creux assez peu accusé, mais largement étalé et bien établi entre les niveaux respectifs de 86 et 75 navires, 11660 et 10 685 toneladas de 1542-1543, d’une part, 79 et 84 navires, 10 640 et 11 320 toneladas de 1546-1547, d’autre part. Même résultat, on l’a vu, sur le mouvement global, Allers et retours. 1542 : 146 navires, 19 470 toneladas ; 1543 : 132 navires, 18 215 toneladas ; 1544 : 113 navires, 15 848 toneladas (le repli n’est plus alors que de 19 %) ; 1545 : 108 navires, 16 008 toneladas ; 1546 :144 navires, 19 400 toneladas ; 1547 : 159 navires et 21 895 toneladas.
67Le coup de scie accidentel de 1544 est, alors, remplacé par un creux étalé et continu, moins accentué, peut-être, mais beaucoup plus significatif.
68L’existence intrinsèque du creux de 1544-1545, élimination faite de l’accidentel de mer et de guerre, est plus scientifiquement établie97 par la comparaison des moyennes de 5 ans et de 13 ans. Les moyennes mobiles médianes de 5 ans en unités pondérées passent au-dessous des moyennes de 13 ans, pour le mouvement-Allers, entre 1541 et 1542, elles gardent cette position jusqu’en 1547, soit pendant cinq années consécutives ; le plus grand écart se situe en 154598. En établissant, de la manière la plus indiscutable, la réalité — l’étendue et l’unité du creux relatif centré sur 1544 — cette méthode légitime, dans une large mesure, le rabotage purement empirique auquel nous avons procédé99. 1545 n’est pas un signe de richesse et il est bien le centre d’une vaste dépression relative.
69Même phénomène mais avec une amplitude réduite sur les Retours, entre 1542 et 1548, pendant six ans, consécutives, au lieu de cinq seulement. L’écart maximal, toutefois, qui se situe, aussi, en 1545, est atténué, il n’est plus que de 12 % au lieu de 20 % sur les Allers dans les mêmes conditions100.
70Sur les Allers et retours, l’écart négatif pendant 5 ans de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue 1542 à 1547 est sensible. Il passe par un maximum, à la même date en 1545, avec une amplitude intermédiaire de 17 à 18 %101.
71b. Le creux de 1554. Amplitude. — A l’autre extrémité de la fluctuation, le creux de 1554 est aussi vigoureusement dessiné. Les analogies entre les deux dépressions sont nombreuses et frappantes.
72Sur le mouvement Allers, même démarche saccadée, beaucoup plus nette encore : elle est due à la guerre, au lourd système des convois qu’elle commande, des bouchons se forment. On ne joint guère le continent que de deux ans en deux ans.
73De toute manière, le creux de 1554 est en Allers un creux record : 23 navires, seulement et 2 260 toneladas, dont 3 dans le Guadalquivir et 20 caravelles des Canaries, autant dire, sans le volant canarien peu sensible ou sensible à sa manière à la conjoncture mondiale, rien. Interprété, stricto sensu, le creux de 1554 sur le mouvement Allers peut être considéré comme le plus accusé de l’ensemble de la période102. Il l’est même sans conteste. Il l’est surtout si on exclut du mouvement les navires des Canaries comme il peut, à plus d’un égard, sembler raisonnable de le faire103 : 3 navires, seulement, 660 toneladas, silence à peu près total.
74En fait, même si on s’en tient seulement à une conjoncture dégagée de l’accidentel grossier, si on tient compte du fait104 que les départs de 1555 sont, en partie, des départs de 1554 différés — il en va de même, entre 1556 et 1557105 — 1554 reste dans un creux, un creux moins marqué, mais plus étalé sur deux ans, le trafic pendant deux ans n’atteint pas à l’Aller, 45 % de la pointe de 1550.
75Sur le mouvement Retours, le creux de 1554 est bien marqué : 36 navires, 5 180 toneladas. La correction, ici, s’est faite d’elle-même, il y a eu étalement naturel du creux entre 1553 et 1554. Le mouvement de 1554 se signale en outre, à l’attention, par le signe presque infaillible du creux conjoncturel et du renversement, au fond de la contraction de la conjoncture cyclique, l’anomalie positive des Retours. Les Retours de 1554 représentent 69,02 % du mouvement annuel global106, bien qu’ils ne constituent plus guère que 34 % du sommet conjoncturel des Retours en 1551. Certes, le creux de 1554 est égalé, voire même dépassé, un certain nombre de fois au cours du siècle à venir, mais il peut, par son ampleur, se comparer avantageusement aux autres creux conjoncturels de mouvement Retours.
76L’étonnante vigueur du creux conjoncturel, sur la courbe du mouvement global Allers et retours (59 navires et 7 440 toneladas) s’explique par la puissance conjuguée du creux des Allers et du creux des Retours. Il ne sera jamais dépassé, ni même égalé, jusqu’à la fin du siècle, tant en niveaux absolus que relatifs. Le volume du trafic, en 1554, ne représente que 22 % du volume conjoncturel record de 1550. Même si l’on cherche à éliminer le facteur guerrier, pour s’approcher d’un conjoncturel économique pur et que l’on substitue au chiffre des Allers vrais celui des Allers corrigés107, 88 navires et 14 010 toneladas, on a encore le chiffre le plus bas du siècle avant 1650, à 43,3 % du niveau conjoncturel maximal de 1550108.
77Correctifs. — L’existence intrinsèque du creux conjoncturel encadrant la fluctuation et centré sur l’année 1554, élimination faite de l’accidentel de mer ou de guerre, est pour 1554, comme pour son symétrique de 1544, scientifiquement établie par la comparaison des moyennes mobiles de cinq ans et de treize ans.
78Sur le mouvement Allers109, par exemple, la moyenne mobile médiane de cinq ans en unités pondérées plonge en dessous de la moyenne mobile médiane de treize ans, entre 1552 et 1553, elle reste au-dessous jusqu’en 1559 — elle fait, alors, une rapide incursion d’un an au-dessus de la moyenne longue et repasse à nouveau, en dessous jusqu’en 1565. Pendant douze ans consécutifs, à la faible exception de 1559, la moyenne de 5 ans se tient donc au-dessous de la moyenne de treize ans110. Or, c’est bien en 1544 que l’écart est le plus fort : 1969, 9 tonneaux, soit un fléchissement relatif de 21,5 % de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue de treize ans111.
79Sur le mouvement Retours112, la moyenne mobile médiane de cinq ans en unités pondérées plonge en dessous de la moyenne mobile de treize ans également, entre 1552 et 1553, elle y reste onze ans113 d’affilée, sans aucune solution de continuité. Dans l’ensemble, l’écart entre les deux moyennes est, tant en valeur absolue qu’en valeur relative, plus faible sur les Retours qu’il ne l’est sur les Allers. L’écart maximal entre les deux moyennes médianes se situe en 1555, avec 14,7 % ; en 1554, il n’était que de 7 %.
80Mais c’est, peut-être, sur les Allers et retours, que l’écart des deux moyennes (médianes de 5 et 13 ans) en unités pondérées114 est le plus net, puisqu’il joint à l’étendue la continuité : dix années, presque sans discontinuité115, de 1553 inclusivement à 1563 exclusivement, avec des écarts appréciables de 15,2 % en 1554, de 18,1 % en 1555 et de 15,9 % en 1556.
81Le creux de 1554 est tout aussi bien marqué sur les pourcentages116 des chiffres vrais à la tendance dégagée par les moyennes mobiles de treize ans : en Allers, 18,560 %, soit le creux cyclique le plus accentué du siècle et demi d’histoire qui se déroule sous nos yeux117, 53,735 % sur les Retours, soit le creux le plus accusé entre 1524 et 1590118. Sur le mouvement global Allers et retours, 34,102 % est, comme le creux des Allers, mais plus significatif que lui, parce que, naturellement, plus épuré d’accidentel, le creux record du siècle et demi d’histoire d’un mouvement qui va de 1504 à 1650.
2. Allure générale
82Entre ces deux creux admirablement dessinés, la fluctuation 1544-1554 est celle de la continuité la plus parfaite, même si, au prix d’une accommodation excessive, le mouvement semble se diviser en deux ou trois fluctuations secondaires.
83a. Niveaux absolus. — Sur les Allers, par exemple, il y a, apparemment, une première fluctuation de 1544 à 1546, avec montée de 1544 à 1545, puis repli de 1545 à 1546119. Repli notable, puisque 1547 (84 navires, 11 320 toneladas) n’a pas encore récupéré, intégralement, la position de 1545. Par rapport à 1545, le niveau volumétrique Allers en 1547 est encore en retrait de 13,8 %, après récupération partielle seulement du contreflux récessif de 19,5 % de 1546 par rapport à 1545.
84Une seconde fluctuation marquée par une reprise hésitante depuis 1547, certaine depuis 1548, entraîne les Allers vers le point culminant de 1550, suivi d’une descente en 1551120. Enfin, une troisième fluctuation descendante irait de 1551 à 1554, avec un léger crochet 1551-1552 et une pente presque verticale 1552-1554. En réalité, le rebroussement de 1552 est infime, marqué par une reprise de 1 075 toneladas, soit de 7 % seulement, tandis que la pente exprimée en unités est continue121.
85Mais cette esquisse n’est qu’apparente. On a déjà dit et l’on verra, bientôt, plus clairement122 ce qu’il fallait penser de la pointe de 1545 en Allers. L’hypothèse de l’accidentel militaire admise, les chiffres vrais de 1544 et 1545 remplacés par leurs chiffres restitués, on est en présence d’un creux conjoncturel baquet en 1544 et 1545, avec 63 navires et 9 078 toneladas, deux ans de suite, sur lequel la pente vient normalement se greffer — 1546 : 79 navires, 10 640 toneladas, 1547 : 84 navires, 11320 toneladas, 1548 : 104 navires, 14 790 toneladas ; 1549 : 104 navires et 17 525 toneladas, 1550 : 133 navires et 19 620 toneladas. Le rabotage, ici, va de soi. Quant au crochet de 1551-1552, il est tellement faible — contredit, d’autre part, par le mouvement unitaire — qu’on peut, légitimement, le négliger ou l’interpréter, comme un palier, au demeurant, conforme à la conjoncture des prix. Le mouvement Allers peut être considéré, par conséquent, au prix du strict minimum de convention, comme parfaitement linéaire, de 1544 à 1554.
86Le mouvement Retours offre d’étranges similitudes123 avec les Allers. Il se décompose, apparemment, en deux fluctuations : l’une, avec une longue montée de 1544 à 1547, puis un léger et bref repli de 1547 à 1548, l’autre, de 1548 à 1554, est d’une seule venue : ascendante, de 1548 à 1551, descendante, au-delà, de 1551 à 1554. On notera, d’emblée, entre la pointe absolue de 1551 et celle, à l’aller, de 1550, un décalage normal d’un an. Mais le reflux 1547-1548 est très faible, presque imperceptible sur le mouvement unitaire, plus faible encore qu’en tonnage (1547 : 75 navires ; 1548 : 73 navires ; 1547 : 10 575 toneladas, 1548 : 9 760 toneladas). Puis l’ascension reprend, de 1549 à 1551, un peu plus accentuée en tonnage mais faible encore (1548 : 73 navires et 9 760 toneladas, 1549 : 75 navires, 11 555 toneladas, 1550 : 82 navires, 12 735 toneladas, 1551 : 89 navires, 15 241 toneladas). Le creux de 1548, en tonnage-Retours, par rapport à 1547, n’est que de 7,7 %. Ce repli est donc beaucoup plus faible que le repli correspondant de 1546 en Allers (19,5 %), Il n’est pas impossible — on le verra —124 que cet accident de 1548 soit dilué et décalé de deux ans — ce décalage est normal —, la répercussion, sur les Retours, de l’accroc secondaire du mouvement Allers en 1546. Le mouvement du trafic Retours est, donc, de 1544 à 1554, linéaire ou virtuellement tel, sept années d’ascension et trois ans de contraction, mouvement analogue, mais d’amplitude sensiblement atténuée par rapport aux Allers.
87Le mouvement global, Allers et retours125, se résoud plus simplement encore. On ne peut guère prendre en considération, en effet, le crochet 1545-1546, tant il est atténué : 142 navires et 20 078 toneladas, 144 navires et 19 400 toneladas, soit une récession de l’ordre de 3 % seulement, tandis que le mouvement en unités est continu. Toute hésitation disparaît, naturellement, quand on substitue au mouvement vrai le mouvement obtenu par addition aux Retours du mouvement corrigé des Allers126. On obtient alors pour les Allers et retours, élimination faite du report anormal des Allers de 1544 sur 1545, le mouvement suivant : 1544 : 113 navires, 16 848 toneladas ; 1545 : 108 navires, 17 008 toneladas ; 1546 : 144 navires, 19 400 toneladas ; 1547 :159 navires, 21 895 toneladas ; 1548 : 177 navires, 24 550 toneladas ; 1549 : 179 navires, 29 080 toneladas ; 1550 : 215 navires, 32 355 toneladas. Plus aucune solution de continuité jusqu’au creux de 1554, avec ses 59 navires et 7 440 toneladas. Que l’on retienne ou non la correction proposée pour 1544 et 1545, le mouvement Allers et retours de 1545 à 1554 se présente d’une manière parfaitement linéaire, avec six ans d’expansion et quatre de contraction.
88b. Niveaux relatifs. — La perfection de cette fluctuation décennale, telle qu’aucune autre ne peut lui être comparée — à l’exception peut-être et, incomplètement, de la fluctuation 1579-1592 — est confirmée par le calcul. Pourcentages des chiffres vrais à la tendance majeure, obtenue par les moyennes mobiles de 13 ans, comparaison, plus encore, des moyennes de cinq ans et des moyennes mobiles de treize ans. Les pourcentages d’écart à la moyenne de treize ans127, dessinent une courbe conforme à l’interprétation proposée. On retrouve, par ce procédé, la fluctuation continue que les chiffres vrais ont imposée. En Allers, par exemple, de 1544 à 1550, l’écart — sauf à la hauteur de 1545 — est continu : 42,99 %, 107,82 %, 83,292 %, 88,93 %, 121,3 %, 140,4 %, 164,27 %. L’anomalie des 107,82 % est facilement résorbée, si on accepte, comme on l’a fait pour le mouvement vrai128, la correction qu’impose l’hypothèse inévitable des départs différés de 1544. En Retours : 81,0155 %, 75,519 %, 92,429 %, 110,457 %, 105 %, 121,930 %, 129,534 %. Sur les globaux, Allers et retours, 58,954 %, 94,20 %, 87,41 %, 98,43 %, 114,566 %, 132,80 %, 148,98 %, la continuité est presque parfaite, comme sur les Retours. Le crochet très atténué de 1545 est totalement éliminé, à condition d’accepter comme il faut le faire129, l’hypothèse des départs différés de 1544.
89De 1550 à 1554, la continuité est presque meilleure encore : en Allers, mis à part, le très léger incident de 1552, la continuité est excellente : 164,27 %, 120,7 %, 133 %, 80,28 %, 18 560 % ; en Retours : 129,534 %, 155,88 %, 99,560 %, 76,629 %, 53,735 % (aucune discontinuité). Aucune discontinuité, non plus, sur les globaux, Allers et retours ; 148,98 %, 135,97 %, 118,17 %, 78,67 %, 34,102 %.
90On notera, par rapport à la tendance, la parfaite similitude de comportement, des trois articulations fondamentales du mouvement : 1544, 1545 1546, 1547, 1548130, se tiennent au-dessous de la moyenne de 13 ans, 1549, 1550, 1551, 1552131, au-dessus. De même que les trois mouvements franchissent presque simultanément la moyenne dans la phase d’expansion cyclique, ils la repassent, quatre ans plus tard, entre 1552 et 1553. Le mouvement des Retours malgré un décalage arrière du maximum d’expansion est légèrement en avance sur les mouvements Allers et Allers et retours. Quatre années au-dessus de la moyenne et six ans au-dessous, une symétrie presque parfaite des trois mouvements.
91Cette symétrie et ce comportement — on le saisira sans peine — se retrouvent plus valablement encore sur les séries épurées des moyennes de cinq ans comparées aux moyennes de treize ans des trois mouvements Allers, Retours et Allers et retours132. De 1542 à 1547133, exclusivement, pendant cinq ans, la moyenne mobile courte de cinq ans se tient sans discontinuité au-dessous de la moyenne de treize ans. Le saut de la contraction à l’expansion sur le mouvement épuré se fait un an plus tôt que dans le cas précédent (chiffres vrais et non plus moyenne de cinq ans par rapport à la moyenne de treize ans).L’écart en 1545 a atteint près de 20 %134. De 1547 à 1552 inclusivement, soit pendant six ans — au lieu de quatre années seulement, dans le cas précédent, de la comparaison du chiffre vrai à la tendance dégagée par les moyennes de treize ans — les moyennes de cinq ans sont au-dessus des moyennes longues de treize ans. Beau type de courbe en cloche, l’écart en phase d’expansion s’accentue sur quatre ans : 567 tonneaux, d’anomalie positive de la moyenne courte en 1547, 1941 en 1548, 2 449 en 1549, 3 635 en 1550, puis reflux sur deux ans, 2 241 en 1551, 230 en 1552. L’écart, en 1550, passe par un maximum de 29 %, dont il importe de bien noter l’extraordinaire amplitude.
92La situation est analogue pour le mouvement Retours — on en appréciera la symétrie. De 1542 à 1547, inclusivement, six années durant, la moyenne de cinq ans se tient au-dessous de la moyenne de treize ans, seule différence avec les Allers, 1547 est au-dessous alors que dans le premier cas, il est déjà au-dessus. Le passage au-dessus de la tendance se fait donc pour la moyenne mobile médiane courte de cinq ans du mouvement Retours, exactement au même moment que pour le mouvement en chiffres vrais. Cette particularité, entre autres, fait ressortir la plus grande régularité du mouvement Retours, dans la première partie de l’histoire de la Carrera. Les Retours qui lors de l’organisation finale du système des convois feront, preuve d’une hypersensibilité à l’accidentel de mer et de guerre, paraissent encore, au milieu du xvie siècle, beaucoup plus dégagés de cet accidentel que ne le sont les Allers. L’écart maximal entre les deux courbes se situe en 1545, il n’est, pourtant, que de 12 %135 au lieu de 20 % observés en Allers, dans les mêmes circonstances. Au-delà de 1548, la courbe représentative des moyennes mobiles de cinq ans se tient régulièrement au-dessus de la tendance, jusqu’en 1552 inclusivement, soit pendant cinq ans sans solution de continuité. On notera encore l’exacte similitude du passage de la série courte sous la tendance entre 1552 et 1553. Le sommet, par contre, de la moyenne courte des Retours et partant, l’anomalie positive de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue précède d’un an son homologue des Allers et de deux ans, l’écart maximal des chiffres vrais des Retours à la tendance dégagée par moyennes mobiles de 13 ans, il précède de deux ans, aussi, le sommet absolu du mouvement et se place en 1549. Les écarts croissent pendant deux ans : 1548, 1 036 tonneaux, 1549, au sommet, 1 872 tonneaux (soit un écart relatif positif de 20,8 % par rapport à la moyenne de 13 ans prise comme base de référence), puis décroissent, régulièrement, au-delà de 1552, la moyenne courte plonge au-dessous de celle des 13 ans, on a vu qu’elle y restera onze ans durant136. Même symétrie que pour les Allers.
93Il n’est pas surprenant de retrouver la même symétrie encore pour les Allers et retours interrogés par le même procédé137. De 1542 à 1547 exclusivement, soit pendant cinq ans, sans solution de continuité, la courbe des moyennes de cinq se tient, comme celle des Allers, au-dessous des moyennes de treize ans. Le creux record des écarts se situe en 1545, avec une amplitude de 17,5 %, intermédiaire entre celle des Allers et celle des Retours138. De 1547 à 1552 inclusivement, six ans durant, la moyenne courte des cinq ans se tient au-dessus de la moyenne longue de treize ans. Il en va pour les Allers et retours comme pour les Allers, deux ans plus tôt et deux ans139 de plus que les chiffres vrais ne le font par rapport aux moyennes de treize ans.
94De 1547 à 1552, la moyenne de cinq ans passe au-dessus de la tendance dégagée par les moyennes de treize ans, l’écart positif de la moyenne courte s’accentue pendant quatre ans, jusqu’en 1550, comme pour les Allers, de 568 tonneaux en 1547, 3 021 en 1548, de 4 366 en 1549, à 5 181 tonneaux en 1550 (soit 28,7 % du niveau correspondant de la moyenne longue de référence, à très peu de chose près, l’écart relatif des Allers, dans les mêmes conditions), puis diminue, 3 423 en 1551, 342 en 1552. Entre 1552 et 1553, la moyenne de cinq ans passe à nouveau, au-dessous de la tendance, elle y reste presque sans exception, on a vu comment140, jusqu’en 1562. Même symétrie141, donc, tout aussi parfaite, pour les globaux Allers et retours, que pour les Allers et les Retours.
95Cette symétrie se retrouve, aussi, dans le mouvement en valeur, tel qu’on peut l’apercevoir grâce aux almojarifazgos perçus à la Vera Cruz142 et à Nombre de Dios143, qui, sont tous deux, semble-t-il, construits autour du mouvement en valeur, apparemment, record de 1549.
96Ajoutons qu’une longue fluctuation analogue, construite autour de l’axe d’expansion-record de 1549, se retrouve, aussi, sur les prix, entre le creux de 1545 et celui de 1556144.
97Le plan de cette étude s’impose, donc, sans hésitation : de 1544 à 1550, une phase d’expansion. Au-delà, une prodigieuse plongée, dont la signification dépasse celle d’une simple contraction cyclique, mais ébauche déjà, ce grand intercycle de contraction qui coupe en deux phases égales l’allègre montée du xvie siècle.
II. — L’EXPANSION
98La période d’expansion de cinq ans, au moins, de six ans, au plus, qui marque le terme de la demi-phase longue du premier xvie siècle est celle d’une accélération fébrile du rythme et des masses.
LA DÉPRESSION DE 1544-1545
99Elle le doit, tant à l’importance des apports nouveaux qu’à l’amplitude, dans une moindre mesure, de la dépression initiale.
1. 1544. La corrélation des trafics et des prix
100Amplitude de la dépression initiale. L’incontestable creux de 1544 est vrai sur les trafics et sur les prix ; il lie mouvements dans l’Atlantique hispano-américain et prix dans la péninsule, par les liens très solides d’une corrélation positive simple.
101a. Trafics. — On a vu sur tous les mouvements, l’importance du creux de 1544 ; en Allers145, 29 navires, 5 005 toneladas (3 753 tonneaux), 45 % seulement des Allers de 1543, et 42 % des Allers de la pointe conjoncturelle de 1542, et quelques 27 % du tonnage de la pointe conjoncturelle suivante de 1550 (22 % seulement du nombre des navires). Moins accentué sur les Retours, le creux existe146, creux absolu exprimé en toneladas (6 770 toneladas, 5 077 tonneaux, 5), creux relatif seulement quant au nombre des navires (50, contre 45 en1545) et quant à l’écart à la moyenne mobile de treize ans (81,0155 % contre 75,519 %). La réalité du creux conjoncturel initial s’exprime, on l’a vu, par le rapport anormal des Retours à l’ensemble du mouvement147 : 57,50 %. Quant aux Allers et retours, avec 79 navires, 11 775 toneladas148, 8 831 tonneaux, 25, 60 % de la pointe de 1542, 35 % de la pointe de 1550, leur réceptivité à la contraction est plus proche de celle des Allers que de la relative rigidité des Retours.
102b. Prix. — Cette dépression, on la retrouve, sur le mouvement des prix. Indices pondérés d’abord149. L’indice global de 1544 est en nette régression par rapport à celui de 1543 : le recul est, alors de 2 %, avec repli de l’indice de 61,15, en 1543, à 60,09, en 1544. Il est plus sensible, encore, sur la courbe, pour nous capitale, des prix, faute de mieux, de Nouvelle Castille (119,43 contre 123,91 en 1543 et 127,45 en 1542). Par rapport à la moyenne, l’indice combiné des prix-argent plus rigides, pourtant, est à 97,3748 % seulement, donc, en nette régression150. Covariation positive ? Il faut bien l’admettre, même s’il peut paraître surprenant, de prime abord, qu’une aussi faible dépression du mouvement des prix entraîne une régression aussi accentuée du mouvement en volume du trafic Allers.
2. 1545. La distorsion du trafic Allers et des prix
103En fait, les prix continuent à baisser en Espagne au-delà de 1544 jusqu’en 1545. C’est en 1545, que se situe le creux de la vague : sur les indices combinés rigides des prix-argent, 1545, avec l’indice 59,49, est encore en retrait de 0,75 % sur l’année précédente, ce qui donne par rapport à 1543, un repli de 2,7 %, et amène l’indice vrai à 94,9409 %, à 5 % seulement de la moyenne, pour les prix-argent, le creux conjoncturel le plus accentué depuis dix ans (1535) et le plus marqué avant onze ans (1556). Ce comportement est d’autant plus significatif qu’il est dû aux séries les plus influentes sur le commerce dans l’Atlantique hispano-américain, qu’il y a distorsion, en effet, des prix valenciens aberrants et que la baisse est beaucoup plus sensible sur les séries Vieille Castille-Leon et surtout, sur les prix de Nouvelle Castille151.
104Or, le mouvement, en 1545, se redresse violemment, en Allers, du moins, 97 navires au lieu de 29, 13 148 toneladas (9 861 tonneaux) au lieu de 5 005 toneladas (3 753,75 tonneaux). Il y a, donc, distorsion flagrante, entre la remontée des départs et la baisse des prix qui se poursuit — ce serait une grosse erreur, toutefois, de voir dans cette situation, soit un argument contre la covariation prix-trafic, dans son ensemble, soit un argument en faveur d’un retour momentané, à la covariation négative qui a prévalu, si clairement, au cours des premières décades de la Carrera.
105a. Un phénomène de récupération. Nécessité d’un correctif. — On a vu déjà, implicitement, pourquoi cette argumentation ne pouvait l’emporter. La permutation 1544-1545, sur laquelle elle semble s’appuyer procède en réalité d’un effet de guerre. La menace que la guerre française fait peser sur la Carrera atteint son paroxysme en 1544152. L’ennemi, précisément, dans les derniers temps qui précèdent la paix de Crépy du 18 septembre 1544, a fait un gros effort pour profiter au mieux des derniers mois de conflit dont on sent le terme proche. Mais la paix, en raison de la lenteur du cheminement des nouvelles — lenteur dont on sait jouer quand il y va de son intérêt — n’a pu faire sentir réellement ses effets dans l’Atlantique avant le début de 1545, ou tout au moins, l’extrême fin de 1544.
106Pour apprécier la lourdeur du fait de guerre, on dispose, bien entendu, essentiellement, des sources littéraires. On en a incorporé un certain nombre dans les notes aux tableaux, elles confirment ce point de vue. Mais les tables des pertes elles-mêmes ne sont pas sans intérêt153. On sait qu’elles sont très incomplètes dans toute la première moitié du siècle. Néanmoins, il existe, suivant toute vraisemblance et malgré l’extrême médiocrité de nos moyens, une relation entre les pertes décomptées et les pertes effectivement subies. Or, 1541, 1542, 1543, 1544 surtout, sont des années de pourcentage de pertes anormalement élevé. Ce pourcentage baisse en 1545, devient très faible en 1546, s’annule en 1547 et en 1548. Il est impossible de ne pas tenir compte de ces indications.
107Le négoce sévillan aura retardé de plusieurs mois, voire même d’un an, ses départs en 1544, dans l’attente non totalement frustrée de conditions meilleures. Les départs de 1545 ne sont, en grande partie, que des départs de 1544 différés. C’est pourquoi, on exprime mieux une réalité conjoncturelle économique pure, dégagée de l’accidentel de guerre, en substituant au mouvement Allers, vrai, un mouvement Allers ventilé sur deux ans : soit pour 1544 et 1545154, 63 navires et 9 078 toneladas. On serait peut-être plus près encore de la réalité économique pure, en accordant un indice — tonnage un peu plus élevé à 1544 qu’à 1545. Telle serait, peut-être, sous-jacente la conjoncture économique dégagée de l’accident de la paix de Crépy-en-Valois. La covariation positive prix-trafic évidente, est, dans ces conditions, entre le prix et le trafic sur pondéré, expurgé de l’interférence politique la plus parfaite : du creux 1544-1545 à la pointe de 1542, le repli du mouvement Allers corrigé est de 22 %, le reflux des prix de Nouvelle Castille, de l’ordre de près de 20 %.
108b. Une preuve : le mouvement avec la Terre Ferme. — La répartition du mouvement tend à confirmer ce point de vue. Le trafic qui est atteint au cœur du creux de 1544, c’est, essentiellement, le mouvement lointain avec le continent155, celui qui risque d’être le plus exposé aux coups de la course qui guette le trafic espagnol dans la Méditerranée américaine, celui qui met en cause les plus grandes valeurs. Il est possible de le prouver. Grâce aux comptes détaillés de l’almojarifazgo de Nombre de Dios, on possède, en fait, dès cette époque, avec certitude, la totalité du mouvement avec la Terre Ferme156.
109Le mouvement avec la Terre Ferme, au départ de 1544, ne représente donc guère, plus que les 9 navires relevés, 7 allant à Nombre de Dios, avec des cargaisons qui ne devaient pas représenter plus du tiers des 142 777 320 maravedίs auxquels l’almojarifazgo évalue les marchandises importées d’Espagne. L’année suivante, par contre, en 1545, les départs pour la Terre Ferme excèdent, certainement, les 50 navires qui sont, effectivement, connus comme prenant cette direction. Entre les années 1544 et 1545, le rapport des départs en direction d’une Terre Ferme véritablement maîtresse de la conjoncture est de l’ordre très précis de 9 à 50 navires, sur les séries du mouvement unitaire de 1 100 toneladas à 7 025 toneladas, soit dans le rapport de 1 à 6,5 sur les séries moins précises, mais plus expressives, du mouvement en tonnage. Les départs en direction des îles s’élèvent, vraisemblablement, à 7 (4 sûrs et 3 probables). Le mouvement de 1545 est constitué, par contre, essentiellement, par la reprise de la Terre Ferme. Tandis que la Nouvelle Espagne double et que les îles triplent, la Terre Ferme sextuple157. Ainsi, la rétention des départs en 1544 s’est effectuée, surtout, au détriment de la Terre Ferme.
110La Nouvelle Espagne et les îles auront, d’après ce qu’on peut entrevoir à travers les séries-volumes étayées par les séries-valeurs, constitué un volant stabilisateur. Que ce soit le mouvement le plus important, celui de la Terre Ferme — jeune et particulièrement sensible — que l’on ait voulu mettre à l’abri en 1544, rien là de surprenant. Cette constatation confirme, en outre, notre interprétation qui ne veut voir dans le mouvement de l’année 1545 qu’une récupération du mouvement perdu de 1544.
111Elle s’effectue, presque exclusivement, sur la Terre Ferme — et notamment, sur l’isthme. Entre mars 1544 et juin 1545, 8 navires seulement font leur entrée, venant d’Espagne, dans le port de Nombre de Dios158. C’est bien là que se place le grand silence dû à la guerre, avant Crépy et après Crépy, quand la paix n’a pu encore faire son œuvre. Il faut, pratiquement attendre la fin mars et le début d’avril 1545, pour que le négoce de Séville fasse prendre la mer au gros de ses navires et de ses cargaisons, quand il estime la sécurité revenue. D’où le bouchon dénoncé : c’est lui, et sur le seul trafic avec la Terre Ferme, le responsable de l’inversion du trafic 1544-1545. Oh ne saurait donc parier entre prix et trafic de covariation négative. Les Retours, d’ailleurs, donnent le rythme normal. Tout au plus, les prix anormalement bas de 1545 auront-ils favorisé la permutation, en permettant de se procurer à meilleur compte la marchandise à exporter. Facteur second et problématique, le creux des prix, ici, ne confirme ni n’infirme.
112c. La distorsion n’existe pas pour le mouvement Retours. — Le comportement des Retours, par contre, est bien différent.
113Ils ne semblent pas avoir été affectés par autre chose que par la conjoncture des prix. Leur reflux, très lent, précède d’un an celui des prix. Il en suit, bientôt, étroitement la pente, pour déboucher sur le creux étalé sur deux ans, de 1544 et 1545. La différence entre le niveau de 1544 et celui de 1545 est trop faible, pour qu’on puisse, à l’échelle de la précision de nos mesures, préférer l’un à l’autre ; une quasi-certitude, toutefois, avec 45 navires, les Retours de 1545 sont inférieurs à ceux de 1544, 50 navires. Une assez forte variation du tonnage unitaire masque-t-elle ce glissement ? En tonnage, en effet, 1545 semble même l’emporter légèrement, avec 6 930 toneladas, au lieu de 6 770 toneladas en 1544. Mais rien de moins sûr, à l’échelle de nos moyens, et il n’est peut-être même pas exclu que les Retours de 1545 soient bien, en fait, légèrement en retrait par rapport à 1544159, conformément à l’indication du mouvement unitaire. La conjoncture des Retours adhère, donc, étonnamment, désormais, à la conjoncture des Allers rectifiés160 ; la grande anomalie du rapport Allers Retours s’estompe : les Retours de 1544 à 1545, considérés globalement, par rapport au mouvement total des deux années, ne représentent que 43 % et les Allers, 57 % du total. La proportion des Retours reste légèrement plus forte que la proportion moyenne des Retours aux Allers et retours, au cours du cycle. Nous retrouvons, ici, une caractéristique sûre du creux de la conjoncture décennale, à l’exclusion, toutefois, de toute anomalie flagrante. Les Retours, à la différence des Allers, ne se sont pas montrés sensibles au même point, au facteur sécurité. Cette relative insensibilité et la moindre nervosité qui en résulte pour le mouvement Retours — son rôle caractéristique de volant — tout cela disparaîtra, dès la seconde moitié du xvie siècle. A partir de 1560, mais de 1588, surtout, le mouvement Retours, par rapport aux Allers, deviendra le mouvement hypersensible, celui qui accuse le plus l’accidentel de mer et de guerre ; à tel point qu’il faudra préférer, souvent, alors, pour une étude de la conjoncture économique même la plus courte, aux niveaux vrais, les chiffres d’une moyenne bloquée ou d’une moyenne mobile de 2 ou 3 ans.
114Cette différence de comportement du mouvement Retours, avant et après une certaine date, 1560 ou 1588, pose des problèmes difficiles à résoudre. Sans doute, au tout premier rang des causes de changement, sera-ce l’adoption du système des énormes convois, la lenteur du rendez-vous de la Havane, les hésitations que l’on éprouve, quant au temps et quant à l’ennemi éventuel, avant de risquer le sort du négoce et celui de l’État ? Peut-être, faut-il interpréter, aussi, cette différence de comportement du mouvement Retours, avant et après le milieu du xvie siècle, comme un signe d’une modification même des structures du négoce161 ?
115Au début, forte centralisation et étroite dépendance de l’ensemble du trafic à l’égard de Séville ; là, seule, est la direction ; Séville, seule, peut réagir d’une manière autonome, en différant ses départs, par exemple.
116C’est bien ce qu’exprime la plus grande sensibilité, faut-il dire la plus grande intelligence de la courbe des Allers, par opposition à la relative passivité de la courbe des Retours, tout au long de la première moitié du xvie siècle. Les facteurs des maisons andalouses aux Indes seront assez libres, bientôt, pour agir aux Indes, comme on le fait à Séville et, à plus forte raison, un peu plus tard, les peruleros162, entendez ces négociants créoles qui, de Lima, Puerto Belo et Mexico, commanderont, on a déjà vu comment163, une partie de l’import-export en direction de l’Europe. Mais cette différence peut signifier, aussi, plus simplement, un poids plus lourd de la guerre, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps et une plus grande appréhension, parallèlement à la croissance de la valeur des trésors transportés164.
3. Caractéristiques : dominance de la Terre Ferme
117Il résulte de tout ceci que le creux conjoncturel doit être considéré globalement en y incluant 1544 et 1545. La paix, d’ailleurs, n’est pas revenue d’emblée. Témoins, les documents littéraires165, et plus symptomatiques, peut-être encore, les tableaux des pertes166 : ils expriment une détente, un relâchement sérieux, mais non une disparition, d’emblée, de la pression. Les îles se battent contre une course qui dégénère vite en piraterie, au début de 1545, entendez au moment où les effets de la paix [de Crépy ne sont pas encore présents partout, où l’on peut affecter, à la limite d’en ignorer l’existence. Au même instant, la course anglaise entre en action. Un navire anglais se serait emparé de la nao de Juan Gallego167. Est-il besoin de cette nouvelle preuve de la large indépendance du fait de guerre, dans la vie quotidienne de l’Atlantique, face aux rapports officiels des États ?
118Dans le mouvement du creux de 1544-1545, considéré dans son ensemble, le trafic dominant — et rarement, dans la Carrera il ne Ta été, avec autant d’intensité, que durant cette décennie168 — reste celui de la Terre Ferme. Une partie des Retours de la Terre Ferme se fait avec escale aux îles, voire même, ce qui n’est pas exclu, par la Nouvelle Espagne ; le mouvement avec la Terre Ferme fournit, d’autre part, le gros des al traves, traduisez ces navires qui vont, on l’a vu, finir169 leur carrière, soit dans le cabotage d’Inde en Inde, soit dans les chantiers de démolition alimentant l’Amérique en biens d’équipement170.
119Le déséquilibre entre Allers et Retours est plus accentué pour la Terre Ferme que pour les autres masses géographiques. Pour 59 Allers connus en deux ans (8 125 toneladas), la Terre Ferme ne peut aligner que 26 Retours connus (3 675 toneladas). Un tel déséquilibre ne peut être imputé à la seule imprécision de notre connaissance. Aux 17 Allers en direction de la Nouvelle Espagne, répondent 19 Retours (2 440 et 2 720 toneladas), aux 16 Allers en direction des îles, 25 Retours (1 930 et 2 715 toneladas)171. Dans le creux conjoncturel de 1544 et 1545, le mouvement avec la Terre Ferme assume seul le déséquilibre Allers Retours, dans le sens d’une très forte anomalie négative des Retours, le mouvement Retours de Terre Ferme ne représente que, en effet, 31,1 % du mouvement Retours global, en 1544 et 1545, contre 68,9 % pour les Allers. La proportion, Nouvelle Espagne, îles et inconnus compris, s’élève à 43 et 57 %.
120La primauté de la Terre Ferme est évidente, en contraction comme en expansion. Le Pérou, dernier venu, pèse de tout son poids par le port de Nombre de Dios172 ; il suffit d’en suivre le mouvement en le reportant à l’ensemble : les perles, aussi, sont parties prenantes, comme le prouve l’importance relative de Cabo de la Vela173. Rien, mieux que ces substitutions d’une terre à l’autre, n’établit la rapidité de l’usure des espaces coloniaux espagnols. La Terre Ferme, dernière venue, a, pour un temps, relégué derrière elle, tout l’espace indien. Le déséquilibre exorbitant des Allers et des Retours dans cette direction est un autre signe de jeunesse. Fait de structure, d’abord, la Terre Ferme accusera toujours, dans sa balance avec l’Espagne, une disproportion volumétrique plus écrasante des Allers par rapport aux Retours qu’aucun autre domaine. Longtemps, avant le xviie siècle, elle n’aura, en dehors de son argent et de ses perles, rien à exporter174, ou presque. Mais cette anomalie positive énorme des Allers, c’est un fait de conjoncture, aussi, ou si l’on veut, de, jeunesse. Une exportation de pondéreux175, au Retour, suppose, comme aux îles, puis en Nouvelle Espagne, des plantations et des hommes. Rien de tel, ici. La Terre Ferme absorbe, au début, surtout, sans rien rendre en poids, ou si peu. Pour les navires qui la desservent, la quête du fret, ailleurs, est essentielle pour éviter, dans la mesure du possible, le retour sur lest. Cette situation exprime la réalité d’un pays en plein processus d’équipement.
121Il ne faut pas oublier, en effet, que le départ annuel, pour la Terre Ferme, d’un nombre important de navires qui ne reviennent pas, de navires al traves — sachant ce qu’on sait —, équivaut à une forte exportation, en direction de cette partie des Indes, de biens de construction. Le navire, avec ses richesses en bois, fers, métaux de toutes espèces, cordages, constitue, soit qu’on le démolisse, soit qu’on l’utilise tel quel, le bien d’équipement par excellence. Conclusion certaine à tirer des déséquilibres Allers et Retours suivant les grandes articulations de l’espace indien, le primat de l’essor de la Terre Ferme est donc capital, puisque c’est vers elle que s’écoule le plus gros des biens d’investissement.
122Le creux du mouvement exprimé, soit en masses, soit en valeurs176, dans toutes les directions fondamentales qu’il est possible de saisir, correspond donc parfaitement au creux des prix, conformément à cette règle de covariation positive presque synchrone qu’on a vu s’affirmer à la fin de la précédente fluctuation177. 1545 est au creux de la vague des prix, à 94,9409 % de la moyenne pour l’ensemble géographique espagnol178. Et encore, l’amplitude de la contraction cyclique des prix dans l’espace Atlantique hispano-américain est en partie masquée sur la série rigide des indices combinés des prix-argent par l’hétérogénéité fondamentale du groupe valencien. Le mouvement, très sensible déjà pour la Vieille-Castille-Léon179, est particulièrement net pour la Nouvelle Castille, le meilleur substitut possible, on le sait, en leur absence, des séries andalouses : 1542, 127,45 ; 1543, 124,91 ; 1544, 119,43 ; 1545, 105,45.
LA PHASE ASCENDANTE (1546-1549)
123Il résulte de cette analyse que l’expansion cyclique, qui semblait, dans le cadre du découpage annuel, partir du creux de 1544, ne commence vraiment qu’au-delà de 1545, au terme d’une période de marasme étalé sur deux ans. La phase ascendante du cycle, plus étroitement délimitée, couvre les quatre ans qui vont de 1546 à 1549.
1. La reprise (1546-1547)
1241546 marque le signal de la reprise, avec une brutalité étonnante, sur le mouvement des prix. L’ébranlement qu’il communique à l’ensemble du mouvement se fera sentir dès 1546, mais surtout, au cours des années qui suivent.
125a. Reprise des prix.
126Le mouvement. — De 1545 à 1546, le bond en avant, même sur le mouvement pondéré des prix pour l’ensemble de l’Espagne, est extrêmement sensible. La progression, arrêtée depuis 1542-1543, reprend avec le plus bel élan qu’elle ait jamais connu. Parti de l’indice 59,49 en 1545, l’indice composé des prix-argent atteindra 70,63 en 1549180, soit, en quatre ans, une poussée ascensionnelle singulière de 15,7 %. Par rapport à une moyenne de 13 ans qui, pourtant, se redresse violemment, l’indice cyclique relatif passe de 94,940 % à 105,7968 %, le sommet cyclique, en outre, ce qui lui confère plus de poids, n’est pas isolé mais bien encadré de points hauts. Or, cette poussée est naturellement fractionnée, elle s’effectue en deux paliers : un premier palier, aussi bref que redressé, nous porte de l’indice 59,49 en 1544 à l’indice 64,75 en 1546, soit, par rapport à la moyenne, de 94,9409 % à 101,4731 %, entendez un bond en avant de 8,1 % en un an, seulement, sur un indice aussi rigide.
1271547 ne consolide pas toutes les positions acquises, puisque, avec l’indice 62,64 au lieu de 64,75, il accuse un repli de 3,28 % ne conservant que 4,8 % d’avance par rapport à 1545, soit 60 % du gain qui avait été alors réalisé en 1546. Ces respirations sont fréquentes en période d’expansion des prix. La récession est assez sensible, en 1547, pour que l’indice repasse en dessous de la moyenne de 13 ans avec un 96,7562 %.
128Le gros de l’avance est réalisé entre 1547 et 1549, au cours d’un second palier, palier plus relevé mais surtout, plus long que le premier. On y passe, en deux marches sensiblement égales, de 3,63 à 4,33 points, de l’indice 62,64 à l’indice 66,32 d’abord, en 1548 et à l’indice 70,63 en 1549. Bond de 11,3 % en deux ans, acquis par deux progressions égales de 5,7 % et 5,6 %, respectivement, entre 1547 et 1548, 1548 et 1549. Et c’est ainsi qu’en 1549, l’indice des prix-argent atteint, pour la première fois, une valeur indicielle de 70,63, double du niveau indiciel des premières années du siècle, exactement à mi-chemin entre les chiffres de la décade 1501-1510 et ceux des décades records de la fin du xvie et du début du xviie siècle.
129Les séries. — Peut-être est-il plus important encore de se rendre compte comment ces valeurs sont obtenues. Il existe — première constatation qui s’impose — une grande disparité entre les différentes séries composantes : Valence, Vieille-Castille-Léon, d’une part, Nouvelle-Castille et Andalousie — dans la mesure où on peut entrevoir quelque chose de l’Andalousie, — d’autre part. Les vibrations de la courbe des prix valenciens sont relativement peu accentuées et indépendantes des vibrations de la courbe nouvelle-castillane, par exemple. Le creux y est placé en 1544181, suivi d’une montée plus étalée — sur deux ans — et moins importante qu’ailleurs. Dans le domaine Vieille-Castille-Léon — un peu moins à l’écart, déjà, de l’espace Atlantique — on retrouve bien le creux conjoncturel de 1545, mais très atténué (recul de 110,47 à 107,13, contre un recul de 127,45 à 105,45 en Nouvelle Castille). Le premier palier de hausse s’y retrouve, mais, lui aussi, très atténué (de 107,13 à 113,23). Il est suivi, par contre, au-delà, ce qui en diminue encore la portée, d’un creux énorme (de 113,23 à 109,08), qui ramène les prix presque à leur niveau de 1545 ; Valence, de son côté, agit d’une manière sensiblement égale (de l’indice 122,06 en 1546 à 110,42 en 1547 ; l’indice 110,42 est plus près du creux 103,37 de 1544 que de la pointe 122,06 de 1546). Le creux relatif de 1547, qu’on a vu bien dessiné sur les indices combinés des prix-argent résulte, pour l’essentiel, d’un comportement spécifique des espaces Nord et surtout, méditerranéens de la péninsule, entendez des domaines les plus résolument marginaux de l’espace Atlantique de Séville.
130Le mouvement des prix en Nouvelle Castille, par contre, est très différent. Tout d’abord, il est avancé dans le temps : le point culminant semble atteint en Andalousie en 1548, en Nouvelle-Castille, les prix dessinent, en 1549, une pointe magistrale, en Vieille-Castille-Léon et Valence, l’ascension se poursuit jusqu’en 1550. D’autre part, il est — autant qu’on puisse en juger avec certitude pour la première de ces séries, la série nouvelle-castillane — beaucoup plus accusé, en Andalousie et en Nouvelle Espagne qu’au Nord et à l’Est. Les prix nouveaux-castillans ont réalisé, de 1545 à 1549, en quatre ans, passant de l’indice 105,45 à l’indice 170,09, une progression prodigieuse de 61,3 % par rapport à 1545. Poussée d’autant plus extraordinaire qu’elle est pure de toute inflation ou modification de définition monétaire. C’est la poussée record, la plus prodigieuse de toutes celles qui se produisirent jamais en Espagne, de 1501 à 1650.
131Il en résulte une grande disparité entre les différents groupes géographiques. Le groupe andalou-nouveau-castillan se tenait au début du xvie siècle au-dessous du groupe vieux-castillan-léonais-valencien. Le Sud et l’Ouest de la péninsule formaient, alors, une zone de bas prix relatifs, le Nord et l’Est, une zone de hauts prix relatifs. A la fin de la première moitié du siècle, il en va exactement à l’inverse : le Nord et l’Est forment une zone marginale de bas prix relatifs, le Sud et l’Ouest, la zone ouverte sur l’Atlantique hispano-américain, un domaine de hauts prix relatifs. Comparons seulement les pointes cycliques du demi-siècle, 1548 en Andalousie, 1549 en Nouvelle-Castille, 1550 en Vieille-Castille-Léon et Valence : 162,68 pour l’Andalousie, 170,09 pour la Nouvelle Castille, 132,62 pour la Vieille-Castille-Léon, 125,49 seulement pour Valence. Antériorité, d’autre part, de la fluctuation sur le groupe andalou, puis nouveau-castillan. N’est-ce pas là caractéristique majeure d’une révolution des prix qui, commandée par les importations des trésors du Nouveau-Monde, s’irradie en partant de Séville à travers la péninsule ibérique et par-delà, l’Europe ?
132La série nouvelle-castillane — dirons-nous, sud-castillane ? — présente, enfin, une dernière caractéristique : une belle montée, de 1545 à 1546, plus forte que sur aucune autre série, de l’indice 105,45 à l’indice 129,48, soit, par rapport à 1545, un décrochement positif de 22,8 % suivi d’un reflux insignifiant, en 1547, qui consolide presque intégralement la progression de l’année précédente : à la place de la profonde échancrure de 1547, sur les séries du Nord et de l’Est de la Péninsule ibérique, on ne trouve plus en écho, en Nouvelle Castille, qu’un imperceptible tassement de 1,6 % seulement. Le mouvement reprend sa marche en avant, quelque peu. hésitante, par rapport au creux très relatif de 1546, avec l’indice 131,19, en expansion d’un peu moins de 3 % Seulement et, par rapport au palier de 1546, de 2,09 % seulement182.
133Mais c’est entre 1548 et 1549, que se place la plus prodigieuse de toutes les expansions jamais observées, de 1501 à 1650, d’une année sur l’autre (exception faite des poussées inflationnistes billonnistes) : on passe de 131,19 à 170,09, soit un déclenchement interannuel record de près de 37,3 %. Les prix de, l’espace andalou, pour lesquels on dispose seulement de deux indices — 1548 et 1549 —, rappellent (1548 :162,68 ; 1549 :152,20) davantage les sommets atteints en Nouvelle-Castille (1548 : 131,19 ; 1549 : 170,09 ; 1550 :145,23) que les prix du Nord et du versant méditerranéen de la péninsule. Ils semblent, d’autre part, précéder d’un an encore les prix de la Nouvelle Castille qui ancitipent, à leur tour, d’un an ceux de la Vieille-Castille-Léon et de Valence.
134Deux conclusions provisoires se dégagent. Une nette séparation se précise, désormais, en Espagne, dans l’histoire des prix, entre le Sud et l’Ouest, la Nouvelle-Castille et l’Andalousie aux pulsations étonnamment synchrones, autant qu’on en puisse juger, d’une part, et les prix plus calmes du Nord et de l’Est valencien, d’autre part. Les premiers sont seuls à faire vraiment partie de l’espace de l’Atlantique espagnol. Ce sont eux — deuxième conclusion — qui semblent liés au trafic de la Carrera par une covariation positive particulièrement étroite.
135b. Reprise des trafics. — Le parallélisme est frappant entre les prix de la moitié Sud-Ouest de la péninsule ibérique et le mouvement des navires dans l’Atlantique de la Carrera. Le premier déclenchement des prix se place en 1546 (de 22,8 % sur la série Nouvelle-Castille).
136Les Allers. — Il en va de même sur l’ensemble des mouvements dans l’Atlantique de Séville, bien que les Allers se comportent, apparemment, d’une manière différente.
137Le repli de 97 navires et 13 148 toneladas en 1545, à 79 navires et 10 640 toneladas procède, on l’a vu, d’une simple apparence183. Il faut, en réalité, partir du mouvement moyen au fond du creux 1544-1545, soit 63 navires et 9 076,5 toneladas. Entre 1545 et 1546, de 63 à 79 unités, de 9 076 à 10 640 toneladas, le mouvement Allers repart donc, lentement encore — le déclenchement de 17 % sur les Allers corrigés184 est faible —, mais sûrement. Étant donné le décalage habituel entre prix et trafics, l’épaisseur de temps nécessaire à l’onde de choc pour se répercuter de la série-prix à la série-volume, la répercussion, comme atténuée, sur le trafic Allers de 1546, e3t normale. 1547, par contre, malgré le tassement des prix, bénéficie de la vitesse acquise en 1546. Les progrès réalisés par le mouvement Allers en 1547, par rapport à l’année 1546, et, a fortiori, par rapport à 1545, sont à mettre en rapport avec le déclenchement des prix de 1546 et la conservation partielle des gains de 1546 à 1547. De 1546 à 1547185, le mouvement Allers passe de 79 navires et 10 640 toneladas à 84 navires et 11 320 toneladas, soit un progrès faible de 6,4 % mais cumulé sur deux ans. Compte tenu de la correction de 1545, le progrès des Allers en tonnage, de 1545 à 1547 est de 24,7 %(1). Avec ses 84 départs et 11 320 toneladas, 1547 égale, à peu de chose près, les pointes cycliques précédentes de 1542 et 1536 (86 navires, 11 660 toneladas ; 84 navires, 11 180 toneladas), en chiffres absolus, du moins, sinon en valeurs relatives186.
138Le mouvement Allers s’est donc redressé au cours de ces deux ans, d’une manière régulière et relativement appréciable, dans la mesure où le creux compensé, de 1544-1545 était peu accusé. Le mouvement des Allers — mais avec un léger décalage — suit le mouvement des prix d’une manière linéaire. La tranquillité n’est pas, encore, totalement revenue dans la mer des Antilles en 1546 et en 1547 : les boucaniers continuent à se manifester, malgré la paix de Crépy. Un certain climat d’incertitude187 a pu contribuer à entraver la reprise, pendant quelque temps encore, en 1546, du moins. Les tables des pertes188 — on sait à quel point ces relevés sont incomplets avant la deuxième moitié du xvie siècle — traduisent, vraisemblablement, cette réalité : pression forte encore en 1546, relaxation relative en 1547 et 1548.
139Ce facteur, combiné à la conjoncture des prix espagnols, rend compte des variations d’accélération du mouvement Allers de 1545 à 1550 : faible d’abord, puis forte, lorsqu’au prodigieux déclenchement des prix s’ajoute l’action tonique de deux années (1547-1548) de sécurité relative.
140Les Retours. — Ils sont d’une surprenante régularité. Le mouvement des Retours joue, encore, par rapport aux Allers, le rôle de volant.
141Leur proportion, par rapport à l’ensemble du mouvement, au fond du Creux 1544-1545, est forte, légèrement supérieure à 42,8 %, puis accroissement, entre 1545 et 1546, de 27,9 %, commandé par la conjoncture des prix de l’année et peut-être, aussi, par l’anomalie du bouchon de 1545, en Allers. La pente se maintient sensiblement encore, entre 1546 et 1547, elle est, en effet, de 20,7 % et l’on passe de 65 à 75 navires, de 8 760 à 10 575 toneladas (en témoignage de quoi, la différence entre Allers et Retours dans le mouvement global diminue). Au cours de cette première phase de l’expansion, le mouvement Retours prend de l’avance sur les Allers (de 45,15 % en 1545, le pourcentage des Retours passe à 48,30 % en 1547). Quant à la pointe des Retours en 1547, elle est, en partie, la conséquence, aussi, de l’anomalie des Allers de 1545. La répercussion de l’accident à deux ans d’intervalle est, en l’occurrence, la norme.
142Les Retours pour l’ensemble de cette période, bénéficient d’un effet de récupération et contribuent à épauler efficacement l’ascension des Allers.
143Le mouvement global. — Élimination faite de l’inversion des Allers, entre 1544 et 1545, par adoption d’une pondération par moyenne bloquée de deux ans sur les Allers, le global donne les résultats suivants :
144Creux en 1544 et 1545, avec 113 et 108 navires, 15 848 et 16 008 toneladas, montée très rapide, puis tassement relatif du rythme de croissance dû aux Allers, entre 1546 et 1547, 144 navires, 19 400 toneladas, 1547, 159 navires et 21 895 toneladas, soit des déclenchements respectifs de 21,18 % et. 11,44 %. De tout ceci, il résulte clairement que le fort déclenchement des prix, entre 1545 et 1546, incomplètement maintenu en 1547, se traduit, sur l’ensemble des mouvements dans l’Atlantique de la Carrera, par une courbe parabolique, soit une accélération rapide, d’abord, en 1546, puis un ralentissement relatif en 1547.
145Articulations géographiques indiennes de la poussée. — Cette première phase de la montée, qui va conduire les mouvements du creux de 1544-1545 à la pointe cyclique de 1549-1550, est emmenée par une nette reprise, accessoirement, des îles, mais surtout, de la Nouvelle Espagne189. Le mouvement avec la Nouvelle Espagne, dont l’affaissement, notamment, avait été le principal responsable, peut-être, du creux de 1544-1545, retrouve ses positions de 1542-1543190. Au cours de cette fin de la première moitié du xvie siècle, le trafic avec la Nouvelle Espagne serait donc, au premier chef, responsable du creux cyclique initial des années 1543-1545. La Terre Ferme, par contre, assumerait un rôle décisif dans la pointe d’expansion cyclique maximale des années 1549-1550.
146On ne saisit pas toutes les raisons de cette situation, mais elles nous échappent, en partie, seulement. La faiblesse du trafic avec la Nouvelle Espagne, ses responsabilités dans l’amplitude de la contraction cyclique doivent être mises en rapport avec la grande épidémie qui détruit entre 1545 et 1546, une partie de la population indigène191 du Mexique central humide dominant, par rapport à l’ensemble de la Nouvelle Espagne192. L’épidémie de 1545-1546 se place, en effet, dans l’histoire épidémiologique des Indes immédiatement après la grande épidémie de matlazahualt de 1576-1579. Elle porte une lourde responsabilité dans le premier dégonflement des richesses démographiques fossiles des plateaux mexica. Une rupture de cette amplitude, même si elle n’affecte que médiatement l’économie coloniale de la population blanche préservée, suffit à éclairer la réceptivité sélective, au cours de ces années 40 du xvie siècle, de la Nouvelle Espagne à la contraction cyclique décennale normale.
147Une chose demeure incontestable : le primat de la Terre Ferme, au cours de la période, et la rigidité des deux autres directions qui forment volants, mais ne sont pas insensibles aux effondrements conjoncturels, du type 1544-1545.
2. La seconde partie de la phase ascendante 1548-1549
148Au-delà de 1547, s’ouvre la deuxième partie de la phase ascendante, qui conduira l’ensemble des mouvements aux altitudes exceptionnelles dont on a apprécié, ailleurs193 l’ampleur, tant absolue que relative.
149a. Lit poussée des trafics et des prix. — Là encore, le parallélisme trafics Atlantique-prix espagnols est troublant.
150C’est entre 1547 et 1549, en effet, que se produit, on s’en souvient194, la brusque et étonnante poussée des prix. La pointe andalouse se place en 1548, l’indice des prix globaux argent passe de 62,54 à 66,32 de 96,7512 % à 100, 5 610 % par rapport à la moyenne. Or, c’est bien au même moment que les trafics, eux aussi, se redressent, après un ralentissement tout relatif de l’accélération entre 1546 et 1547. C’est le mouvement Allers, surtout celui en direction de la Terre Ferme, qui mène le jeu. Il est naturel que les Allers répondent les premiers à une excitation des prix espagnols et plus particulièrement, andalous. Le résultat ne déçoit pas, puisqu’on passe de 84 à 104 navires, de 11 320 à 14 790 toneladas, soit un accroissement numérique de 23,78 % et un accroissement en tonnage de 30,65 %195. C’est le-déclenchement le plus fort qu’on ait observé depuis le commencement de la fluctuation.
151Ce déclenchement ne se répercute pas immédiatement sur les Retours, mais cela va de soi. Les Retours de 1548 sont même légèrement en retrait par rapport à ceux de 1547, 73 navires, 9 760 toneladas, contre 75 navires et 10 575 toneladas, soit un reflux de 7,5 %, tout en conservant sur 1546 — c’est l’essentiel — une avance de 11,4 %. Cet accident s’explique facilement par le bouchon du mouvement Allers en 1545. Les Retours de 1547 bénéficient du contrecoup de la masse anormalement élevée des Allers de 1545. Ce facteur passager ne joue plus en 1548. 1548, en Retours, rentre dans le rang et reprend l’alignement. On retrouve, donc, en grande partie, ventilés et atténués, les accidents du mouvement Allers sur des Retours. Ces alignements se répercutent, naturellement, sur cet indice capital de la proportion de la masse des Retours à celle des Allers et aux globaux. Les Retours, qui représentaient 45,15 % et 48,30 % des globaux en 1546 et 1547. soit une forte anomalie positive, retrouvent, pour trois ans, une proportion plus proche de la normale : 39,76 %, 39,74 et 39,37 % de 1548 à 1550.
152Les globaux allers et retours sont, une fois de plus, la résultante prévisible de cette double situation. Entre 1547 et 1548, déclenchement de 12,1 % exactement identique à celui de 1546 à 1547 (12,1 % également). Le saut en avant, l’accroissement de la pente se fait sentir, l’année suivante, entre 1548 et 1549. Il est alors de 18,4 %.
153b. La prédominance de la Terre Ferme et l’aménagement des convois. — Cette poussée rapide s’effectue en direction de la Terre Ferme.
154Entre 1547 et 1548, par exemple, en Allers196, la totalité de l’accroissement porte sur le trafic avec la Terre Ferme, alors qu’il y a fléchissement des départs en direction des îles, et progrès léger seulement en direction de la Nouvelle Espagne. En 1548, l’ensemble des départs en direction de la Nouvelle Espagne et des îles n’excède pas, sensiblement, l’ensemble des départs dans la même direction en 1547 : 4 760 toneladas contre 4 380. L’énorme saut qui sépare 1547 et 1548, — autant qu’on en puisse juger en raison de la proportion inégale des directions inconnues entre ces deux années (34 navires, 4 530 toneladas, en 1547 et 15 navires, 1 200 toneladas, seulement, en 1548) — est imputable à l’appel de la Terre Ferme, dont le volume passe de 16 navires à 53, de 2 410 à 8 830 toneladas, soit un déclenchement apparent de 350 %. Les départs en direction de la Terre Ferme se maintiennent désormais pour trois ans très largement au-dessus de 8 000 toneladas.
155Pour les Retours, le primat de la Terre Ferme est moins sensible197. Jusqu’en 1548 le plus gros du trafic Retours provient des îles et il en va de même encore en 1550. Le mouvement Retours de la Terre Ferme n’est pas aussi dynamique que celui des Allers. Le décrochement positif maximal est sensiblement atténué et normalement décalé d’un an, sur les Allers, de 1547 à 1548, sur les Retours de Terre Ferme, de 1548 à 1549. De 1548 à 1549, les Retours de Terre Ferme font un saut de 71,5 %, passant de 3 490 toneladas à 5 985 toneladas, de 20 à 34 navires. Il est vrai qu’une grande partie des navires allant en Terre Ferme font, on l’a vu, pour compléter leurs cargaisons au Retour, le crochet par les îles, grosses pourvoyeuses, semble-t-il, à cette époque, de pondéreux destinés à la péninsule ibérique.
156Sur les globaux198, la grosse poussée du mouvement avec la Terre Ferme se situe bien entre 1547 et 1548, avec un déclenchement de 117,06 % entre les 5 685 toneladas et 35 navires de 1547 et les 12 320 toneladas et 73 navires de 1548. Pendant quatre années consécutives, le mouvement avec la Terre Ferme dépasse en Allers et retours, 12 000 toneladas199.
157Cette prodigieuse poussée, que les relations avec la Terre Ferme commandent dans l’ensemble de la Carrera, répond d’autant plus facilement à la conjoncture des prix que 1548 et 1549 sont des années relativement calmes200. On note bien, en 1548, les traces d’une course dieppoise201, indépendante de la guerre, ou mieux, indifférente à la paix. Néanmoins, la Carrera a, selon toute vraisemblance, trouvé déjà contre la course et contre l’insécurité en général, une réponse très proche de sa réponse définitive qui prévaut dix ans plus tard : le système de la navigation par gros convois. On a analysé, ailleurs202 le faisceau de causes qui a permis le triomphe de la navigation en convois. En 1548 et en 1549, désormais, sans contestation possible, les gros convois — les convois moyens, du moins — persistent au-delà de la paix officiellement rétablie. Un pas décisif a donc bien été accompli.
158La chronologie de l’almojarifazgo de Nombre de Dios donne le ton du système : une série de petits paquets de sept, huit navires qui arrivent ensemble et payent, à quelques jours, à peine, d’intervalle203 Que la fantastique poussée, qui part de 1548 et se prolonge, au-delà, sur 1549 et 1550, ait pu s’accommoder de cet héritage de l’insécurité issue de la guerre, n’est-ce pas la preuve que le système des convois défensifs est, désormais, accepté et rôdé ? avant la lettre officielle Puisqu’il fonctionne même, quand les conditions de sécurité sont redevenues normales, à l’échelle d’une époque troublée.
159Force de l’habitude, sans doute, incertitude persistante due à la présence des boucaniers, piraterie endémique, séquelle de la course, économie de bons techniciens de la navigation, surtout besoins plus grands des territoires nouveaux. Tout ceci explique cela. D’autant que ne prévalent pas encore les véritables flottes, mais un système intermédiaire de navigation, par petits convois ou, si on veut', par groupes qui n’offrent pas tous les avantages de sécurité, mais ne présentent pas tous les inconvénients, non plus, des énormes convois de la Carrera séculaire d’après la mutation de la décade des années 60 du xvie siècle.
160Cette incrustation du convoi commande ou accompagne d’autres transformations.
161c. L’accroissement du tonnage unitaire. — C’est entre 1548 et 1549 que la mutation quantitative décisive se produit. Les valeurs absolues qui sont atteintes n’ont jamais été égalées ou approchées. Elles sont en 1548-1549 presque déjà celles de 155Q (d’autant plus que le rapport des mouvements des années 1549-1550 appelle des interprétations difficiles204).
162On ne peut imaginer équation prix-trafics plus simple et plus parfaite. L’indice espagnol général des prix-argent205 atteint 70,63, en 1549, soit 105,7965 % de la moyenne. Si les indices des prix de l’espace andalou ne semblent pas avoir maintenu intégralement les acquisitions de l’année précédente, les indices des prix de la Nouvelle Castille, par contre, passent, on l’a vu, par une pointe exceptionnellement détachée tellement en flèche même qu’elle a dû rendre difficile les exportations de produits agricoles. La paix subsiste, malgré une tension, à nouveau, des rapports franco-espagnols206. Mais ces nuages n’entravent pas l’action euphorique des prix, tout au contraire. Peut-être même accentuent-ils la hâte du négoce à profiter, au plus tôt, de la conjoncture optimiste des prix et d’une paix, nécessairement, de courte durée.
163Le mouvement Allers accomplit, de 1548 à 1549, un progrès considérable de 2 735 toneladas dû, uniquement, à l’accroissement du tonnage unitaire, soit de 18,5 %, inférieur, certes, au progrès de 3 470 toneladas et 30,65 % de l’année précédente, mais d’autant plus appréciable qu’il vient s’ajouter à un niveau déjà très élevé. Le nombre des navires engagés reste, apparemment, le même : 104 unités. Cette énorme marche en avant est, donc, uniquement imputable au progrès (18,5 %) du tonnage unitaire des navires entre les départs de 1548 et ceux de 1549. Il passe de 142,2 toneladas en 1548, à 168,6 toneladas, l’année suivante. Un tel accroissement du tonnage unitaire d’une année sur l’autre pourrait paraître suspect. Il ne résulte, pourtant, d’aucun truquage. D’une part, on a vu, ailleurs207, l’entrée dans la Carrera des premiers très gros navires construits sur les plans et pour le compte d’Alvaro de Bazan, l’introducteur ou le réintroducteur dans l’Atlantique espagnol de monstres disparus depuis la fin du xve siècle, si tant est qu’ils aient jamais existé.
164Mais — et c’est là l’argument essentiel — les départs de 1548 incluaient 15 navires canariens, évalués presque, à coup sûr, à 80 toneladas. Le mouvement, pour permettre la comparaison, devrait être dépouillé en 1548 de l’adjonction des navires canariens. Réduits aux seuls départs du Guadalquivir, sur la série beaucoup plus sûre et homogène du Monopole traditionnel, la comparaison s’établit entre 89 navires d’une part, en 1548,104 navires, d’autre part, en 1549, 13 590 toneladas en 1548 et 17 525 toneladas en 1549. Le progrès est de 3 935 toneladas et 15 navires : soit un déclenchement de 16,7 % pour le mouvement unitaire et de 18,9 % pour le mouvement volumétrique. Le progrès est alors supporté, à peu près à égalité, par l’accroissement du nombre de navires de 16,7 % et par l’accroissement correspondant du tonnage unitaire de 10,2 %, le tonnage unitaire passe, en effet, de 1548 à 1549 sur le seul mouvement du Guadalquivir de 152,9 toneladas à 168,5 toneladas. L’accroissement du tonnage unitaire se trouve ramené, ainsi, dans des limites raisonnables et tout à fait plausibles. 10,2 % de 1548 à 1549, contre un accroissement unitaire de 13,4 % entre 1547 et 1548, dans les mêmes conditions, entendez exclusion faite des navires canariens. Les résultats, toujours sur la série plus homogène et plus sûre du mouvement andalou208, sont très différents, l’accroissement qui était, dans le premier cas de 30,65 % et de 18,5 %, respectivement, entre 1547 et 1548,1548 et 1549, c’est-à-dire, une progression parabolique, se présente, désormais avec une allure concave, en progression hyperbolique, soit, respectivement, un déclenchement de 20,05 % de 1547 à 1548, de 28,9 % de 1548 à 1549.
165d. La participation canarienne : problème. — L’arrivée des navires canariens dans le mouvement de la Carrera est un événement extrêmement important.
166En 1548, ils apparaissent, pour la première fois, au nombre de 15, dont on peut évaluer le tonnage avec beaucoup de précision (1 200 toneladas au total), une seconde fois, en 1550, (3 360 toneladas et 42 navires). Ils ne disparaîtront pratiquement plus. Il importera donc, désormais, de tenir compte, au sein des Allers, des différentes catégories repérables et notamment, celle des Canariens. On a vu, ailleurs209, les caractéristiques propres du trafic canarien. Que l’ouverture des Canaries à un trafic autonome avec l’Amérique ne corresponde pas, en fait, sinon toujours en droit, à l’apparition des navires canariens dans le comput du Livre de Registres, la chose est sinon certaine, du moins vraisemblable. Il y a, certainement, eu une contrebande, ou un état de fait : on ne comprendrait pas, sans cela, la brusque apparition de 15, puis de 42 navires ; il est très possible, également, que le trafic de navires canariens ait existé, mais qu’ils aient été partiellement computés, emballés en quelque sorte, sans être distingués comme ils le sont à l’Aller et seulement, là d’ailleurs, dans les années postérieures à leur première apparition en 1548.
167Donc, comment interpréter l’apparition dans le mouvement, pour la première fois, d’une catégorie de navires canariens distinguée du reste ? Certes, comme une prise de conscience de Séville face aux Canaries, comme un renforcement des contrôles, comme l’entrée en jeu, aussi pour la première fois, sur une grande échelle, des navires, des marchandises et du négoce canariens, dans les relations avec l’Amérique. Qualitativement, les marchandises exportées presque uniquement agricoles, d’abord, semblent de faible importance. Mais il est raisonnable de penser que le Livre de Registres n’a pas, nécessairement, fixé la date de naissance exacte de la participation canarienne. La vérité se trouve donc à mi-chemin entre les rapports calculés, en partant du mouvement global et ceux auxquels on parvient sur le seul mouvement espagnol à l’exclusion des Canaries. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes appliqué, pour notre part, à ne conclure qu’après étude des doubles séries.
168e. Disparité valeur-volume. — En valeur, l’apport des Canaries peut, à l’Aller, être négligé sans danger. Et les chiffres du mouvement sans les Canaries, peuvent être, dans certains cas, préférés aux premiers. Si on accepte, par exemple, les chiffres, moins les Canaries, on obtient la pointe du mouvement Aller, non plus en 1550,mais en 1549.1550, en effet, ne se place plus, avec 91 navires partant d’Andalousie et 16 260 toneladas, que légèrement en recul par rapport à 1549 (soit un repli de 7,2 %). C’est la traduction même, sans décalage aucun, du mouvement de l’ensemble des prix espagnols et plus particulièrement, nouveaux-castillans. Dans ces conditions, l’écart à la moyenne de 140,4 %, déjà si important en 1549, reste inférieur à la réalité. Les chiffres qui traduisent la valeur des exportations, à leur arrivée dans les deux principaux ports de Nombre de Dios et de la Vera Cruz, sont proprement énormes : 512 115 000 maravédis pour les marchandises en provenance d’Espagne en Terre Ferme, 285 841 780 maravédis pour la Vera Cruz. La pointe de 1549 apparaît totaliser en valeur près du double des chiffres de 1550.
169On peut, sans doute, critiquer ces chiffres, la disparité est trop forte, toutefois, pour être écartée d’un revers de main. La pointe cyclique du mouvement en valeur précède, incontestablement, la pointe cyclique du mouvement en volume : un peu comme si le négoce avait effectué un tri dans ses exportations destinées à l’Amérique, mettant au maximum à profit, et la relative sécurité qui, on peut le craindre, risque d’être de courte durée210 et la conjoncture excellente des prix. Séville a exporté, d’abord, vers l’Amérique ses cargaisons les plus chères, réservant pour 1550 les pondéreux, produits agricoles, sans doute, de moindre valeur. D’autant plus facilement, que les trop hauts prix de 1549 n’en facilitent pas l’exportation. La retombée des prix, sensible, on l’a vu, dès 1550, pour l’Espagne Atlantique, a dû, compte tenu des gros bénéfices réalisés lors des années précédentes, permettre l’exportation d’une masse considérable de produits agricoles, désormais, moins chers.
170Mais la prodigieuse disparité, valeur-volume, entre les exportations de 1549 et celles de 1550, appelle encore une autre constatation. Elle s’expliquerait difficilement, semble-t-il, si on ne supposait pas, aux Indes, des prix plus forts en 1549 qu’en 1550. En l’absence, pour l’heure, de renseignements plus précis sur le mouvement des prix aux Indes, semblable indication milite en faveur de l’hypothèse vraisemblable d’une grande homogénéité des prix sur les deux bords de l’Atlantique dans les ports d’Andalousie et ceux de la mince pellicule d’une Amérique portuaire extravertie.
171Le parallélisme valeur-volume du trafic Allers nous approche d’une constatation qui, renouvelée, aura valeur de loi. Le schéma utilisé pour la première fois, en 1549-1550, sera repris très souvent. Il a été, pour la première fois, éprouvé, au terme de la première demi-phase longue d’expansion, moins, sans doute, parce qu’émergeant de structures nouvelles, qu’en raison d’une richesse documentaire, entendez l’apparition d’un mouvement valeur. En fin d’expansion, il arrive souvent que la pointe du mouvement valeur précède d’un an la pointe du mouvement volume, parce qu’un tri a été fait dans les exportations ; les produits manufacturés de grand prix, sous un faible volume, passent les premiers et collent, au plus près, à la conjoncture des prix. Les exportations de vin, d’huile, de céréales, de produits agricoles qui jouent, en l’occurrence, le rôle de pondéreux, suivent de près, à un an, au moment même où leur exportation est facilitée par le renversement, déjà, de la conjoncture des prix et le tassement des indices. Un tel comportement des courbes suppose en outre, dans une certaine mesure, que les prix hauts en Espagne se répercutent presque instantanément en Amérique.
172f. Retours et globaux.
173Mais la conjoncture des Allers n’est pas toute la conjoncture.
174Décalage des Retours. — Le mouvement Retours suit, décalé, en gros, d’un an, la montée des Allers. La récession courte de 1548 ne peut guère être comprise, on l’a vu, que comme la répercussion sur les Retours de l’accident Allers de 1545-1546. Les Retours continuent, en 1549, leur marche en avant, à un rythme qui est, désormais, celui des Allers — comme le prouve la constance du pourcentage des Retours au mouvement global Allers et Retours211. Avec 11 555 toneladas, le progrès par rapport aux 9 760 toneladas de 1548 est de 18,4 %, presque uniquement imputable à l’accroissement du tonnage unitaire.
175Entre 1547, 1548 et 1549, en effet, le nombre des navires qui viennent d’Amérique en Europe, 75,73, 75, est constant, les variations sont donc bien dues presque uniquement aux variations du tonnage unitaire212. Entre 1547 et 1549, toutefois, le déclenchement est beaucoup plus faible, 9,28 %, ce qui réduit sur deux ans l’expansion vraie des Retours à une moyenne légèrement inférieure à 5 %, très inférieure à l’accélération du mouvement Allers. C’est au cours de ces trois années que le volume des Retours prend, par rapport aux Allers, un retard, somme toute, normal, d’un à deux ans. Tout se passe comme si le flot des navires arrivés aux Indes avait été, au cours de ces années, trop fort, pour, que l’on trouvât suffisamment de fret sur place pour permettre immédiatement leur retour en Espagne. D’où un décalage dans le temps que les armateurs peuvent utiliser pour louer leurs services à un cabotage, d’autant plus actif que la prospérité est grande, en période d’euphorie Atlantique générale et que les marchandises espagnoles sont en abondance dans l’espace de la Méditerranée américaine.
176On peut, donc, pour expliquer le comportement des Retours au sommet de la poussée décennale du trafic, proposer, sous toutes réserves, le schéma suivant : tant que dure la prospérité liée aux prix hauts, les navires loués comme caboteurs ou vendus comme al traves, entendez comme carrières de biens d’investissement, trouvent facilement à s’employer, aux Indes où ils s’accumulent. Cette situation dure, ici, jusqu’en 1549, d’où le retard du mouvement Retours et l’accumulation des navires aux Indes. Cette accumulation s’effectue jusqu’à un point critique de rebroussement.
177Ce point critique se place, non pas au hasard, mais entre 1550 et 1552, entendez au moment du rebroussement de la conjoncture des prix. Peut-être contribue-t-il, d’ailleurs, à un rebroussement de la conjoncture des prix, que l’on suppose se placer dans la frange côtière des Indes, au même moment qu’en Espagne. Le renversement de la conjoncture est chose faite, à la fin de 1549 (séries des prix connus, point culminant du mouvement en valeur au point culminant du mouvement volumétrique du monopole andalou, stricto sensu, à l’exclusion de l’apport canarien) et c’est bien au-delà de 1549 que se place le véritable débouchement du mouvement Retours. Le mécanisme en est clair : ne trouvant plus meilleur emploi ou un autre emploi, toute la masse des navires accumulés aux Indes se porte sur le fret Retour, à tel point qu’il y a effondrement du prix du fret et, par voie de conséquence, dégagement, invention, même, d’une importante quantité de fret.
178Cet effondrement ne va pas sans drame. On peut, le deviner, en quelque sorte, à travers les chiffres de la ventilation des Retours entre les principales provenances. Le nombre de navires venant des îles en 1550 (44 navires et 5 960 toneladas) et surtout en 1551 (41 navires.et 4 246 toneladas)213, exceptionnellement important, tant en chiffres absolus, que relativement à l’ensemble des Retours, traduit bien le drame de cet effondrement du prix du fret sur le continent. Il entraîne, en effet, la recherche frénétique du fret pondéreux de Retour là où, d’ordinaire, on le trouve, partant, l’engorgement des ports des îles. Ces années de Retours-records le sont, en effet, plus particulièrement pour les îles. Incapables de trouver du fret sur le continent, les armateurs vont en chercher dans les Antilles. L’effondrement des cours du fret les a chassés en direction des îles. Tout comme il a pu de même susciter des exportations. Les armateurs, dont les navires se sont laissés prendre dans l’engorgement des Retours, naviguent, sans doute, à perte, mais mieux vaut un fret à perte que pas de fret du tout. Les lourdes pertes subies — on peut, du moins, le supposer — par l’armement, en cette occasion, aurait accentué, après coup, l’action déprimante des prix sur la masse des départs à l’Aller. Les trop lourdes masses des Retours, aussitôt après la pointe cyclique des Allers, contribuent, peut-être, paradoxalement, à accentuer dans un premier temps le reflux naturel des Allers moteurs, lors du long intercycle de baisse des années 50.
179La participation des Allers et des Retours à la construction des globaux. — La montée des Allers et la croissance des Retours se combinent, naturellement, dans la massé du mouvement global. Après le palier 1545-1547, dont on a rendu compte214, les globaux commencent leur marche ferme en avant, assurée, pour la quasi-totalité, par les Allers. De 1547215 à 1548, de 21895 à 24 550 toneladas, le déclenchement de 12 % en tonnage est sensiblement du même ordre pour le mouvement unitaire (de 159 à 177 navires, 11,3 %). La part du gonflement du tonnage unitaire des navires est minime, plus faible que de coutume, à cause de l’entrée en jeu, en 1548, des premiers départs canariens bien individualisés. De 1548 à 1549, par contre, les progrès sont beaucoup plus sensibles, d’autant que les Canaries n’apparaissent pas en 1549, grâce à l’action convergente des Allers et des Retours. L’accroisse-/ment de 1548 à 1549 est de 4 530 toneladas en tonnage, 2 navires, sur le mouvement unitaire ; il était, rappelons-le, dans les mêmes conditions, de 1547 à 1548, de 2 655 toneladas et 18 navires. Le progrès est dû à un très fort gonflement du tonnage unitaire. Grâce à lui, le déclenchement, entre 1548 et 1549, est beaucoup plus fort (de 18,45 %) qu’entre 1547 et 1548. On arrive, ainsi, en 1549, à 132,80 % de la moyenne mobile au lieu de 114,566 %, en 1548.
180La progression, grâce, surtout, aux Retours, se poursuit jusqu’au point culminant de 1550, avec 36 navires supplémentaires (215 au lieu de 179, mais dont 42 départs des Canaries216), et 3 285 toneladas en plus, soit un déclenchement de 11,29 %, grâce auquel on atteint le point culminant du trafic de cette première moitié du siècle, avec 215 navires et 32 355 toneladas. Quant à l’ensemble des points hauts de 1548, 1549 et 1550. c’est, essentiellement, sur le trafic avec la Terre Ferme qu’ils sont fondés, la conjoncture de la période d’expansion cyclique maximale est dictée par la Terre Ferme, par la conjoncture des navires qui vont en Terre Ferme mais reviennent souvent par les îles. La ruée folle de ces trois ans a pour moteur une Terre Ferme vierge encore, avec, au centre, le Pérou.
1550. LE REBROUSSEMENT CAPITAL
1811550 est, pour l’ensemble de toute la Carrera, le moment décisif.
1. Comportement du mouvement en volume
182Si l’on s’en tient aux seuls chiffres du mouvement volume, la hausse se poursuit.
183a. La hausse se poursuit.
184Allers. — Elle se poursuit même sur le mouvement Allers exprimé en toneladas : 133 navires (Canaries comprises), 19 620 toneladas, soit 29 navires et 2 095 toneladas en plus — un déclenchement plus faible qu’au cours des deux années précédentes, de 11,9 % seulement. Ce comportement des Allers, progrès continu mais atténué — atténué, si on inclut les Canaries, sans elles, il y aurait déjà, ce qui est, peut-être, plus vrai, début de récession, de 104 à 91 navires, de 17 525 à 16 260 toneladas — cadre parfaitement, dans l’hypothèse de travail d’une covariation positive prix espagnols-trafic.
185Certes, les prix andalous refluent depuis 1548 et les prix nouveaux-castillans, tout en restant en net progrès sur les positions de 1548 et des années antérieures217 sont en retrait par rapport à la pointe de 1549 de 14,6 %. Prix vieux-castillans et valenciens, continuent, par contre, leur poussée au rythme lent qu’on a dit218. Ce sont les prix nouveaux-castillans qui traduisent le mieux une situation moyenne, puisque 1550, sur les indices moyens des prix-argent est légèrement en retrait, déjà, aussi, par rapport à 1549219. Covariation positive, donc, avec décalage normal d’un an, et si on exclut les Canariens, covariation positive synchrone.
186Retours. — Tous les autres aspects du mouvement à travers l’Atlantique corroborent ce point de vue : le mouvement Retours, notamment, poursuit au-delà de 1549 son mouvement ascensionnel. Ce mouvement, loin de se ralentir, s’accentue, au contraire.
187De 1547 à 1549, les progrès sont lents, 9,27 % en deux ans, 4,65 %, annuellement : uniquement en raison de l’augmentation du tonnage unitaire des navires, puisque le nombre des Retours en 1549, 75, est le même qu’en 1547. Quant au déclenchement du mouvement entre 1548 et 1549, de 18,3 %, compte tenu de l’accident négatif de 1548 par rapport à 1547, il est purement en trompe l’œil. Dans ces conditions, le déclenchement de 10,2 % du mouvement Retours en toneladas ou en tonneaux, par rapport aux chiffres correspondants de l’année précédente, entre 1549 et 1550, traduit bien un redressement en fin de la phase ascendante des Retours et — fait non négligeable, il dit bien l’importance du phénomène — le déclenchement du mouvement unitaire 9,33 % (de 75 à 82 navires) est sensiblement égal au déclenchement du même mouvement exprimé en tonnage, de 11 555 à 12 735 toneladas. En fait, rien là de surprenant, les Retours de 1550 forment, pour l’essentiel, le contre-courant des Allers de 1549, dont on sait l’exceptionnelle importance. Le rapport du mouvement Retours à l’ensemble du trafic annuel reste sensiblement égal à ce qu’il était au cours des deux années précédentes (39,37 % en 1550 contre 39,74 % et 39,76 % en 1549 et 1548). Rien là, donc, de décisif. Mais le mouvement ascensionnel — cela, par contre, est décisif — se poursuit au-delà de 1550. Le renversement du mouvement Retours se situe, avec une netteté et une vigueur décuplées, en 1551 seulement.
188Le déclenchement de 19,7 % du volume des Retours, entre 1551 et 1550, est très supérieur à celui de 1549 sur 1550 : la courbe des déclenchements pondérés du mouvement Retours, entre 1547 et 1551, s’établit donc de la manière suivante : 4, 65 %, 4, 64 %, 10,2 % et 19,7 %. A telle enseigne qu’en 1551, la proportion du volume des Retours dans le volume global du mouvement passe de 39,37 % en 1550 à 49,63 % en 1551220. Cette proportion anormalement élevée, cette classique anomalie conjoncturelle positive des Retours est un signe, entre autres, d’un renversement important de la tendance. Le volume très élevé des Retours, en 1551, 89 navires, 15 241 toneladas, est dû, en partie, sans doute, au contre-coup de l’entrée en ligne, en 1550, d’un puissant contingent de 42 navires canariens (3 360 toneladas). Ce mouvement est, de toute manière, particulièrement important, puisque calculé par rapport à la pointe cyclique des Allers de 1550 ; la pointe cyclique des Retours de 1551 représente encore 43,7 % d’un mouvement global constitué par les Allers de 1550 et les Retours de 1551221. Suivant toute vraisemblance, le mécanisme précédemment décrit222 a dû fonctionner pleinement.
189Formation d’un stock important de navires dans les ports des Indes. Ces navires sont à la recherche d’une utilisation plus avantageuse que le transport des exportations des Indes en direction de l’Espagne, et notamment, le cabotage d’Inde en Inde et la conversion du navire pour le chantier de démolition en biens d’équipement. Jusqu’au moment où les signes du renversement de la conjoncture en Europe et l’accumulation dangereuse du tonnage aux Indes provoquent une ruée des navires vers un fret de Retour structurellement insuffisant. Cette ruée entraîne, par voie normale de conséquence, un déséquilibre conjoncturel s’ajoutant au déséquilibre structurel, l’amenuisement excessif des cours du fret aux Indes. Mais l’effondrement du fret, en ruinant l’armement, libère du fret. D’où le nœud des 89 navires et 15 241 toneladas à 19,7 % au-dessus des chiffres de 1550 et à 54,9 % du niveau de 1552. Et ce nœud marque, sur les Retours, avec un an de décalage, au moins, voire deux, sur les Allers, le terme d’une phase d’expansion et le commencement de la phase descendante d’un cycle de contraction, qui est bien plus qu’un cycle ordinaire de contraction.
190Globaux.— Ils reflètent une situation intermédiaire.
191La marche en avant continue bien entre 1549 et 1550, en passant de 29 080 à 32 355 toneladas, le déclenchement est de 10,01 %, en volume223, contre 18,45 % l’année précédente, donc, ralentissement très net qui emprunte plus aux Retours qu’aux Allers. Mieux, si le mouvement ascensionnel continue, même ralenti, cette année encore, c’est uniquement, grâce à l’entrée en jeu du mouvement canarien à l’Aller. Sans lui, 1550 n’aurait à opposer que 173 navires et 28 895 toneladas aux 179 navires et 29 080 toneladas de 1549. Le mouvement global en volume de 1551, avec 197 navires et 30 711 toneladas, n’est encore que très faiblement en retrait, soutenu par la pointe puissante des Retours, de 5,35 % en retrait, seulement, par rapport à 1550, à mi-chemin pratiquement, entre 1549 et 1550224. Le mouvement Allers et retours exprimé en volume semble donc constituer sur deux ans, un sommet en palier légèrement incliné vers 1551, comme les pourcentages d’expansion par rapport à la moyenne le confirment d’ailleurs225.
192b. Décalage par rapport aux prix et facteurs de synchronisation. — De l’analyse poussée jusqu’à Ce point, il semblerait résulter que la pointe cyclique des mouvements de la Carrera, située, suivant les cas, entre 1550 et 1551, se trouverait décalée d’environ 18 mois, par rapport à la pointé cyclique des prix, telle qu’elle apparaît se placer, en gros en Espagne, d’après E.J. Hamilton, entre 1548 et 1550, suivant les séries envisagées, avec une résultante, en fin de 1549. Un décalage de 12 à 18 mois, n’est, en rien, incompatible, d’ailleurs, dans l’hypothèse qui est nôtre, avec une covariation positive prix trafics, commandée par le prix.
193Navires canariens.— Mais d’autres facteurs tendent à synchroniser davantage encore les deux mouvements et à réduire le laps de temps qui sépare le rebroussement des trafics et le rebroussement des prix, tendent à substituer à l’hypothèse de la covariation positive simple, déphasée, avec antériorité de douze à dix-huit mois des prix, celle, plus simple encore, d’une covariation positive parfaitement synchrone. Il est difficile, certes, d’omettre, en effet, l’intrusion massive de 42 navires des Canaries, évalués, avec beaucoup de certitude, à 3 360 toneladas, dans la masse globale des Allers de 1550.
1941550 marque l’entrée en ligne des exportations canariennes en direction des Indes. Cette brusque intrusion correspond, vraisemblablement à quelque chose de profond : tout laisse à penser226 que les premières exportations canariennes furent, comme on le sait, avec certitude, pour les suivantes227, des exportations de faible valeur, un complément de produits agricoles, depuis que l’Espagne envoie une proportion toujours plus forte de produits manufacturés de haute valeur. On le comprend d’autant plus aisément, que la densité de la population canarienne est faible, que les distances228 entre l’archipel canarien et les Indes sont sensiblement moindres qu’entre la péninsule ibérique et les Indes et plus encore, si l’on tient compte de l’hétérogénéité temps espace dans le champ complexe de la navigation à voile en convois.
195Les navires canariens ne peuvent donc être comptés dans le mouvement global Allers, exactement au même titre que les navires qui partent du Guadalquivir. Or, 1549 n’en compte pas et 1548, relativement peu, par rapport à 1550. Il y aurait, certainement, erreur à ne pas compter les canariens, mais il y a, peut-être, un danger plus grand, encore, dans le fait de les compter au même titre que les autres.
196Une autre objection vient également à l’esprit. On a déjà eu l’occasion de s’en expliquer. Il est certain que l’accès officiel et l’accès, sur une grande échelle, de l’archipel canarien au trafic de la Carrera date des dernières années de cette dernière décade, qui précède la grande récession intercyclique d’un xvie siècle d’expansion, mais il y aurait quelque naïveté à penser que la naissance en fut exactement aussi tardive et aussi dépourvue de transition que le Livre de Registres, et derrière lui, nos tables et nos tableaux ne le laisseraient à penser au lecteur trop confiant. De ce fait, si les 133 navires et 19 620 toneladas des Allers de 1550 saisissent bien la réalité avec une grande précision, dans sa totalité, il est peu vraisemblable qu’il en soit exactement de même pour les années précédentes.
197Ébauche d’une correction. — D’où l’idée de substituer, au moins, à titre d’essai, aux chiffres globaux des Allers, une série établie avec les seuls ensembles issus de la péninsule ibérique andalouse, à tous égards, privilégiée.
198La série en toneladas229 des départs d’Espagne en direction de l’Amérique donne les résultats suivants, plus aptes, peut-être, à traduire la réalité conjoncturelle que les séries complètes, Canaries incluses. La pointe du mouvement Allers se situe en 1549, avec 104 navires et 17 525 toneladas. Elle est suivie d’un léger tassement, dès 1550, avec 91 navires, seulement, mais 16 260 toneladas encore, puis le rythme de la descente s’accuse, 81 navires et 13 310 toneladas, un crochet qui sera expliqué ultérieurement230 en 1552,14 706 toneladas dues uniquement au grossissement du tonnage unitaire, puisque 1552, au départ du Guadalquivir, ne compte que 72 navires, puis le gouffre, 47 navires, 8 935 toneladas, en 1553 et 23 navires 2 260 toneladas, seulement, en 1554. Cette correction égalise, sur les globaux 1549 et 1550, au léger avantage, on l’a vu231, de 1549 sur 1550 : 173 navires, 28 895 toneladas, d’une part, 179 navires, 29 080 toneladas, en 1549, d’autre part. Au prix de cette correction, la pointe du mouvement volume, tant Allers seuls que global, prend la forme d’un palier étalé sur deux ans et légèrement incliné avec son maximum en 1549.
199La covariation prix-trafics s’établit t parfaitement rigoureuse, positive et synchrone, sans décalage dans le temps entre la marche des prix espagnols compensés ou celle plus particulièrement des prix de Nouvelle-Castille et le trafic.
2. Comportement du mouvement en valeur et modifications structurelles
200a. Le mouvement. — Or, cette poussée de 1549, on la retrouve, d’une manière beaucoup plus incontestable encore, sur le mouvement en valeur des exportations de l’Europe en direction de l’Amérique. On ne possède, sur lui, il est vrai, que des prises indirectes. Interpréter l’évaluation du prix global des marchandises tirée des chiffres des différents almojarifazgos des Indes, comme la traduction exacte de la réalité, serait commettre une erreur, contre laquelle on a été mis en garde232. Il s’agit, tout au plus, d’une approximation, nécessairement en dessous de la réalité, mais dont les indications de mouvement peuvent être retenues233.
201On possède, dès cette époque, le mouvement en valeur à l’entrée des deux plus grands ports des Indes, Nombre de Dios et la Vera Cruz. Pour Nombre de Dios, dont l’importance est, au cours de cette décade, double de celle de la Vera Cruz, il n’y a pas d’hésitation possible234 ; pour la Vera Cruz, par contre235, un hiatus dans la série fait que, si l’on possède la totalité des entrées en valeur pour l’ensemble de l’année 1549, il n’en va pas de même pour 1550, dont les comptes nous font défaut, au-delà du 28 mai236. L’extrapolation, toutefois, est aisée et sans risque. Et le mouvement des importations d’Espagne combinées de la Vera Cruz et Nombre de Dios donne, en millions de maravedís, officiellement, les résultats suivants, — elles représentent en volume, 75 % environ, du total des importations des Indes, en valeur vraie et en valeur fiscale, très certainement plus encore, 90 %, au moins237 — : 1544, 221 ; 1545, 272 ; 1546, 472 ; 1547, 490 ; 1549, 700 ; 1550, 500 ; 1551, 290 ; 1552, 274.
202b. Simplification. — Sur le mouvement des exportations en valeurs approchées, c’est, donc, bien en 1549 et non pas en 1550, qu’il faut placer le rebroussement de la tendance. La distorsion prix-trafic est considérable en 1550, en direction de la Terre Ferme, surtout. Elle va au-delà de ce qui est imputable à l’adjonction des canariens. Elle ne peut être portée au seul actif de la baisse des prix. Elle implique une modification sensible de la nature des marchandises, un peu comme si cette phase d’expansion se terminait par une braderie, comme si, en fin d’expansion, mieux, à l’entrée de la contraction, le négoce sévillan exportait une quantité considérable de produits moins désirables et de moindre valeur qu’il aurait conservés pendant la hausse et qu’il écoulerait, maintenant, profitant d’une baisse substantielle du fret et, par crainte, peut-être, que les Indes ne puissent absorber une production plus chère.
203La conclusion de tout ceci — les raisons profondes nous échappent et il faudrait, pour les percer à jour, un éclairage plus aigu — c’est que la courbe des exportations en valeur anticipe le mouvement en volume. Cette distorsion est un nouveau signe, l’expérience des années suivantes le montre, d’un renversement de la tendance. Signe de perturbations graves, il se place en avant garde des rebroussements les plus massifs, à la veille, notamment, des crises qui n’affectent pas seulement la conjoncture courte, mais qui affectent, aussi, les structures profondes du trafic. On le voit, ici, aux propylées de la grande récession intercyclique du demi xvie siècle, on sera en présence de phénomènes analogues, soixante ans plus tard, à l’entrée de la grande phase de contraction qui commence en 1608 et se prolonge très avant dans le xviie siècle.
204La constatation va plus loin. 1551 et 1552, avec des volumes très supérieurs, à l’Aller, à 1546 et 1547, ne constituent plus, en valeur, que 60 % environ, des dites années. Si on s’en tient à l’interprétation étroite des séries, il faut admettre que l’on a exporté, en 1551 et en 1552, des produits de valeur moitié moindre, proportionnellement à leur poids, qu’on ne le fît en 1546 et en 1547. Que faut-il en déduire ?
205Que la contraction se marque aux Indes par un effondrement massif des prix ? Rien de ce que l’on voit en Espagne n’autoriserait à le penser238. Il faudrait, alors, admettre une distorsion complète, bien improbable, contredite par tout ce que l’on sait, entre prix indiens et prix d’Espagne. Il faudrait, d’autre part, que l’almojarifazgo aux Indes fût autre chose, un instrument plus sensible et plus fidèle qu’il ne l’est en réalité. Les prix qu’il reflète sont plus, on l’a vu239, les prix d’Espagne, affectés, ou non, d’un tant pour cent forfaitaire, que les prix vrais de marché aux Indes. Si le facteur baisse spécifique des cours aux Indes entre en ligne,— on ne peut, d’entrée de jeu, l’écarter — il ne peut assumer, à lui seul, la responsabilité d’une distorsion de cette ampleur.
206Deuxième facteur, et facteur appréciable, la résistance antifiscale. On manque de documents pour ces années. Il est possible, toutefois, de faire bénéficier, par extrapolation légitime, l’éclairage de la période, de notre connaissance de situations analogues pour des périodes postérieures, pour lesquelles la documentation est plus abondante. On a vu comment fonctionnait le système fiscal de la Carrera, tout dépend de l’appréciation des principaux types de caisses au départ de Séville, d’une part, du pourcentage de plus-value forfaitaire dans l’appréciation des valeurs aux Indes, d’autre part. Ces deux éléments sont l’objet, annuellement, de tractations complexes. Tant le bon sens que les documents des périodes mieux éclairées nous prouvent qu’en contraction, pour se défendre, le négoce et l’armement cherchent à obtenir de l’appareil fiscal une imposition moindre, et par tout autre moyen, bien sûr, que par la modification du pourcentage d’un ad valorem, aussi inutile que trop spectaculaire. La distorsion du simple au double et, ce qui est plus grave, à contre-courant de la tendance majeure de l’évolution du siècle du couple volume-valeur des exportations d’Espagne en direction des Indes, entre la phase ascendante et la phase descendante de cette fluctuation décennale, peut-être, dans une certaine mesure, portée au dossier — nous ne manquerons pas de le faire — de la plus ou moins grande efficacité fiscale : maxima en cours d’expansion cyclique, minima, grosso modo, pendant la-contraction décennale.
207Mais si on a voulu peser ces facteurs secondaires, c’est afin d’être mieux à même d’apprécier, à sa juste valeur, ce qui constitue, à notre sens, le facteur essentiel, entendez la modification — en l’occurrence, conjoncturelle — de la nature des cargaisons à l’Aller. Cette distorsion est non seulement un signe qui se place à la crise, mais un élément de la contraction, ou des premières années, du moins, de la contraction — ce qui a été observé, en effet, pour 1550, reste valable en 1551 et 1552. La réduction de la valeur des marchandises exportées, proportionnellement plus forte que la réduction des volumes, ou, si l’on veut, la modification des marchandises transportées, nous apparaît comme un signe du renversement de la conjoncture et, qui plus est, comme un signe de la contraction ou, du moins, des premiers temps de la contraction. On le trouvera, plusieurs fois, dans les mêmes circonstances, et plus particulièrement240, lors des grandes cassures qui séparent les grandes phases intercycliques de l’histoire de la Carrera. Modification importante, modification qui va au fond des choses, modification des structures, dans une large mesure.
208c. Crise de tonnage, crise de fret. — La théorie en est facile à établir. Il suffit de faire intervenir les deux éléments fondamentaux, dont le rôle respectif apparaîtra, avec tant de force, dans le siècle à venir241, quand on disposera, pour les éclairer, des séries continues de la correspondance de la Casa de la Contratación : le négoce et l’armement, — on sait, quels faisceaux d’intérêts souvent divergents et certainement divers il est commode de désigner sous ces génériques, en fait simples résultantes.
209Les périodes d’expansion cyclique — les plus rapides, les plus accusées, du moins, et il n’en est pas qui le fussent davantage que ne le fût celle-ci242, de 1544 à 1549-1550, aussi est-elle plus qu’un simple accident cyclique — sont des périodes au cours desquelles l’armement s’essouffle à satisfaire les demandes d’un négoce en progrès trop rapide pour qu’il puisse le suivre immédiatement. Ce sont des périodes de fret cher.
210De cette cherté croissante du fret, une double conséquence résulte : incitation, soit à la construction navale biscayenne et andalouse, soit à la venue, à Séville, de navires étrangers, prêts à louer leur service, attirés par un pôle de fret cher. Que l’on compte sur l’habileté des armateurs étrangers, sur la complicité du négoce andalou en mal de tonnage et sur la moindre incitation à la résistance d’un armement à composante majeure biscayenne, pour que la loi des Indes soit tournée. Quoiqu’il en soit, ces mécanismes, qui tendent à accommoder les possibilités du tonnage sur celles du négoce, sont, nécessairement, des mécanismes lents, qui demanderont, pour porter leurs fruits, de dix-huit mois à deux ans, au moins.
211Or, pour peu que la pression du négoce se maintienne, ou aille s’accroissant, toute la période d’expansion restera une période de fret cher, une période, au cours de laquelle le négoce, par les lourdes servitudes qu’il devra consentir à l’armement, permettra à ce dernier d’assumer les investissements importants nécessaires à l’accroissement du stock des navires en usage dans la Carrera243. Tout au long de la période d’expansion, enfin, dans la mesure où, on l’a vu244 en expansion, les Retours sont toujours, chronologiquement, très décalés sur les Allers, parce que les Indes ne sont pas prêtes à répondre immédiatement aux sollicitations de l’Espagne, il se forme un bouchon de navires aux Indes, écartés du Retour, par l’absence d’un fret avantageux, sollicités, au contraire, par d’autres travaux.
212Second aspect, sur le négoce, cette fois. Puisque, de par le simple jeu des mécanismes précédemment décrits, l’expansion est, pour l’essentiel, dans la Carrera, une phase de fret cher. La cherté du transport exerce sur la matière transportée une action sélective. Seuls les produits chers sont susceptibles de supporter la charge qu’on leur impose. D’où le pas pris, on l’a vu, par la courbe mouvement Allers-valeur, sur la courbe des volumes, dont l’ascension, pourtant, ne manque pas d’être rapide.
213Mais l’expansion va être menacée par un double phénomène d’accumulation : aux Indes, constitution d’un nœud de navires qui, faute de trouver un emploi plus avantageux dans le cabotage ou l’al traves, — secteurs où, brutalement, l’offre l’emporte sur la demande — finira par se déverser, d’un coup, sur le mouvement Retours, la baisse du prix du transporteur finissant par créer la matière à transporter. Dans le Guadalquivir, d’un côté, un stock de marchandises, relativement peu coûteuses et relativement pondéreuses, dont les besoins resteront insatisfaits aux Indes, se forme tandis que, attirés par le taux élevé du fret, les investissements engagés dans la construction et l’achat des navires commencent à porter leurs fruits. Tant que les prix en hausse maintiendront sur l’offre de marchandises au départ une action tonique, la crise menaçante sera écartée. Mais que l’accélération, à la base, se relâche et tout l’édifice s’effondre. C’est alors la crise.
214La crise se marque, toujours, semble-t-il, par un effondrement à peu près simultané du prix du fret, par l’ouverture, à l’Aller, du commerce de la Carrera aux marchandises moins chères, — c’est ce que l’on observe en 1550 — suivi, immédiatement, dès que l’événement est connu, aux Indes, par un phénomène analogue — ce sont les Retours élevés de 1550 et surtout, de 1551. Aggravés, peut-être, encore, par les ordres de négociants et d’armateurs aux abois, qui doivent, coûte que coûte, rapatrier leurs avoirs. Lorsque le tonnage est en partie rapatrié, il excède dans une proportion énorme les besoins vrais d’une offre réduite. D’où arrêt de la construction navale et du flux des navires étrangers, désinvestissement dans l’armement dont on conduit le matériel à l’usure sans le remplacer. Mais les effets d’une telle politique ne peuvent être immédiats, comme l’investissement, le désinvestissement ès chantiers navals est une thérapeutique lente, dont les effets ne se font sentir qu’à échéance.
215Rien donc, n’empêche l’effondrement des cours du fret, surtout, si l’action déprimante des prix en cours de contraction persiste, si la récession se prolonge, ne serait-ce que deux ou trois ans. Ces bas cours du fret vont jouer le rôle exactement inverse du rôle précédemment décrit et permettre l’écoulement vers l’Amérique des stocks de pondéreux, que les hauts cours du fret de l’expansion avaient condamnés à l’immobilité. Le processus se poursuit, d’autant plus aisément que l’importance des Retours (le pourcentage des Retours aux globaux est plus fort en période de contraction qu’il ne l’est en expansion) contribuera à maintenir, peut-être même à faire baisser davantage, encore, le cours du transporteur maritime.
216L’effondrement des exigences de l’armement, le désinvestissement en matière de navires, au creux de la vague, jointe à une reprise des prix, qui précède, à l’ordinaire, d’un an au moins, le renversement de la conjoncture cyclique du trafic permettent la reprise. C’est le départ du négoce, d’abord, suivi, bientôt, par un armement affaibli obligé de reprendre ses investissements. Et un nouveau cycle se déclenche, avec, à nouveau, sur la marchandise transportée, une action sélective du prix du fret en faveur de la marchandise chère.
217C’est ainsi que, sans chercher à nier le primum mobile des prix, on peut entrevoir une théorie d’un cycle partiellement endogène, reposant sur les réactions réciproques sur les interréactions, dira-t-on, du négoce et de l’armement.
218La théorie rend compte, d’une manière à peu près satisfaisante, d’une situation qu’il a été possible de dégager pour la première fois, au sommet du cycle 1544-1554, grâce à l’existence des séries-valeur qu’on a pu mettre en parallèle avec les séries-volume. Cette situation, sans doute, n’est pas neuve, on peut légitimement penser qu’elle a dû se produire déjà, en gros, depuis une ou deux décades, au moins, depuis qu’on peut présumer cet important changement dans la nature des cargaisons.
219Grâce à cette analyse, il apparaît clairement que la crise, une grande et double crise conjoncturelle et structurelle, est en route dès 1550, contrairement aux apparences d’un niveau volumétrique record. Ce point de vue est corroboré, en outre, par une application, combien grossière, à la Carrera, du concept d’économie dominante. On appréciera, au passage, à quel point il rend service, ici.
3. Directions et provenances dominantes
220Les principales directions et provenances sont loin, au cours d’une même période, d’avoir, à l’intérieur du trafic, un rôle comparable et interchangeable. L’une d’entre elles joue, au cours d’une même fluctuation un rôle essentiel. Elle entraîne le mouvement et imprime au trafic ses caractéristiques. Les îles, jusqu’en 1540, la Terre Ferme depuis 1540 jusqu’en 1585, la Nouvelle Espagne, de 1590 à 1620-1630, la Terre Ferme, à nouveau, vers la fin. Il ne saurait être possible de rendre compte en un mot d’une alternance aussi brutale. En ce qui concerne le recul relatif de la Nouvelle Espagne, au delà de 1540, on est tenté de faire intervenir un grand fait d’histoire démographique, l’épidémie qui, entre 1545 et 1546, détruit une partie de la population des plateaux mexicains245. Elle est la plus grave après celle de 1576-1579, qui — on le verra — joue un très grand rôle dans l’histoire conjoncturelle de cette époque246. Il est incontestable que la disparition d’une partie de son substratum, indien a posé à l’exploitation coloniale des problèmes non pas insolubles, certes, mais qui auront demandé plus d’une décennie pour être dominés. Les difficultés de la Nouvelle Espagne ouvrent largement le chemin à la chance, sur quarante ans, d’une Terre Ferme dominante.
221Cette fonction de domination ne se marque pas seulement par une proportion très forte d’une des directions par rapport à l’ensemble du mouvement. Sur le seul mouvement exprimé en toneladas, la proportion de la Terre Ferme est, on l’a vu,247 de 56 %, au cours de la fluctuation cyclique 1544-1554. La direction dominante, du moins, quand elle est aussi clairement affirmée qu’elle ne l’est, au cours de cette période, est souvent plus sensible encore en valeur qu’en volume248. C’est le cas ici. Le rapport volumétrique entre le mouvement du monopole en direction de la Nouvelle Espagne et le mouvement en direction de la Terre Ferme est exactement dans l’ordre du simple au double249 ; en valeur, par contre, le rapport la Vera Cruz — Terre Ferme est de l’ordre du simple au triple. Mais cet avantage — en valeur — de la Terre Ferme sur la Nouvelle Espagne paraît beaucoup plus accusé, encore en période d’expansion (il approche alors du rapport du simple au quadruple) de 1544 à 1550, qu’il ne l’est en période de contraction de 1551 à 1554 (le rapport devient alors à peu près normal et s’aligne sur la relation qui lie les volumes : le rapport du simple au double).
222Une première constatation s’impose donc à l’esprit : les marchandises exportées en direction de l’espace dominant, en l’occurrence, la Terre Ferme, sont des marchandises plus chères que celles destinées aux autres espaces. On réserve à la clientèle, la plus riche, les produits les plus fins. La différence qui résulte du rapprochement des rapports Nouvelle-Espagne/Terre Fermer en volume et en valeur, est, en effet, trop grande pour être susceptible d’être expliquée autrement que par une authentique différence structurelle dans la nature des envois : ni une pression fiscale plus grande ( ?) peut-être, dans le secteur le plus privilégié, ni la différence, il est vrai, sensible, entre le plancher des prix de Terre Ferme, et celui de Nouvelle Espagne250 — différence qui explique, en l’occurrence le rôle moteur de la Terre Ferme, ne sont suffisants pour fendre compte d’une distorsion aussi importante. Il faudra donc bien admettre que les marchandises que l’on exporte vers la Terre Ferme sont des marchandises relativement plus appréciées que celles destinées à la Nouvelle Espagne, ou, a fortiori, aux Iles : parce que la Terre Ferme et l’arrière-plan des plateaux andins nouvellement découverts et saisis sont considérés comme un marché de choix. C’est, dans cette direction, que s’exerce, au maximum, l’action sélective de l’expansion, peut-être, entre autres facteurs, parce que — simple hypothèse — l’action de la poussée cyclique est plus sensible qu’ailleurs.
223Cette supériorité du mouvement Terre-Ferme en valeur — deuxième constatation qui tend à renforcer la première — est vraie, surtout, à l’expansion. Entre la contraction et l’expansion, il y a doublement de la valeur unitaire relative des exportations en direction du secteur dominant, entendez la Terre Ferme, ou si l’on veut, alors qu’à la contraction de 1551 à 1554, les rapports Nouvelle Espagne, Terre Ferme, en volume et en valeur, sont assez peu différents (les exportations en direction de la Terre Ferme sont, peut-être, relativement un peu plus riches encore que celles destinées à la Vera Cruz) en période d’expansion, de 1544 à 1550, les branches des ciseaux s’écartent. Du simple au double, en volume, l’écart est, en valeur, pratiquement, dans le rapport du simple au quadruple. Une des caractéristiques donc de l’espace indien dominant, c’est qu’il exerce sur les importations d’Espagne une action sélective en faveur des produits chers, particulièrement accusée à l’expansion, tandis qu’il tend à la contraction à se rapprocher de la normale. De la normale, ou, si l’on préfère, ce qui serait plus exact, de la valeur unitaire des exportations en direction de l’espace continental non dominant, faut-il dire marginal ou dominé ; en l’occurrence, ici, au terme de la phase d’expansion du cycle 1544-1554, la Nouvelle Espagne. Les caractéristiques de l’espace dominant apparaissent sensibles surtout à l’expansion, tandis que la contraction tend à l’alignement de l’espace dominant sur l’espace indifférencié des Indes.
224En effet, le. Pourcentage de la direction dominante — troisième constatation — varie au rythme de la conjoncture : 58 % du total en tonnage en période d’expansion de 1544 à 1550, 51,6 % en contraction de 1551 à 1554. Les caractéristiques de l’espace dominant sont donc saillantes en conjoncture d’expansion et tendent à s’effacer en période de reflux cyclique. Mais c’est sur l’échelle annuelle, qu’il est important de suivre le phénomène251. Sur le mouvement Allers, la Terre Ferme représente 68 % du nombre des navires engagés en 1546, 67,6 % en 1545, soit, respectivement, en tonnage, 69 et 69 %. Les deux pourcentages excèdent largement le pourcentage moyen de la participation de la Terre Ferme dans le global des exportations vers l’Amérique, tant sur l’ensemble de la fluctuation que sur la seule phase ascendante. Le choc d’accélération au début de la phase d’expansion — et c’est ce qui importe le plus — c’est l’espace dominant, la Terre Ferme qui le donne. Mais ne sont-ce pas là les caractéristiques d’une économie dominante ?
225En 1547, l’accélération de l’ensemble du mouvement se relâche. Simple respiration dans la montée générale. Mais pour la Terre Ferme, c’est un effondrement, le nombre de navires, dont la direction est connue et qui partent pour la Terre Ferme, ne représente plus que 32 % de l’ensemble. Puis viennent les années de l’expansion maxima, 1548 et 1549 ; le pourcentage des navires de Terre Ferme atteint 59 et 56 % de l’ensemble connu, en tonnage, 65 et 61,4 %. A nouveau, nous sommes au-dessus de la normale. Par contre, la crise se dénonce, d’abord, par une extrême sensibilité de l’économie de l’espace dominant. En 1550, la Terre Ferme ne représente plus, à l’Aller, que 46 et 54 % (en nombre de navires et en tonnage), en 1551, 40,8 % et 42,8 %. En 1552, 46,5 et 52 %. 1550, 1551 et 1552, la. crise doublée d’un des plus spectaculaires changements de la tendance majeure est, d’abord, une crise de la Terre Ferme, entendez de l’espace économique dominant. 1553, en pleine débandade, retrouve la normale, 58 et 62 %252
226De même que le coup décisif à l’expansion a été donné par l’espace de l’économie dominante, c’est le même espace, la Terre Ferme, qui, le premier, cède à la clef de voûte et donne, dès 1550, le signal de la crise. Que le volume des départs, tant en chiffres absolus qu’en valeurs relatives, soit, en direction de la Terre Ferme, en repli, dès 1550, voilà qui, avec beaucoup d’autres raisons, renforce l’hypothèse qui tend à placer l’accent de la crise entre 1549 et 1550 et non entre 1550 et 1551, comme tendrait à l’impliquer l’aspect brut des courbes en volume, Canaries comprises.
227En règle générale, la courbe du mouvement Allers avec l’espace dominant accentue et anticipe légèrement l’aspect général d’une fluctuation dont elle donne la tonique ; c’est le cas ici, de la Terre Ferme, et plus encore, en valeur qu’elle ne le fait, en volume.
228En Retours, il en va, sommairement, de même, avec un retard général d’un an, à condition de ne pas perdre de vue qu’une fraction des Allers de Terre Ferme reviennent, après crochet aux îles, voire même, accessoirement, en Nouvelle Espagne, afin d’y chercher un fret qui ne se trouve pas sur place. La position de la Terre Ferme, sous l’angle de la quête de fret de Retour, étant, structurellement, plus difficile que ne l’est celle de la Nouvelle Espagne. En 1550 et 1551, le nœud de navires accumulés aux Indes se défait partiellement253 et se défait par les îles : 44 navires et 5 960 toneladas en 1550, 41 unités et 5 246 en 1551254. Ce flux, qui se déverse brusquement sur le marché européen de l’armement, ne pourra manquer d’avoir sur le prix du fret, une importance capitale, précipitant, ainsi, le mécanisme de la contraction amorcé, une fois pour toutes, par un accident de la conjoncture générale des prix en Espagne, suivant les grandes lignes d’un schéma théorique qu’on s’est efforcé de dessiner ailleurs255
229Mais les réactions en chaîne, qui commencent à la hauteur de ce brusque dénouement256 et la pléthore d’armement qui va s’ensuivre, n’ont pas leur place, ici, car la crise qui débouche sur les années 1550 et 1551257, dépasse le cadre d’une simple crise de conjoncture. Elle nous amène aux bords d’une grande crise de structure de la Carrera, aux bords de la grande récession intercyclique du xvie siècle mondial qui se creuse dans l’Atlantique hispano-américain, un peu plus tard, peut-être, mais plus profondément, que partout ailleurs.
Notes de bas de page
1 L’occupation et le début de l’exploitation de Zacatecas, le plus grand centre minier du Nord de l’Amérique espagnole — il ne joue pas tout à fait dans l’activité minière plus dispersée de la Nouvelle Espagne le rôle du Potosi au Pérou, toutefois, l’un fait penser à l’autre — datent de 1546 ; la véritable poussée vers le Nord, au pied de la Cordillière, dans l’axe des filons miniers, se situera après 1560, entendons après la révolution de l’amalgame. Cf. notamment A. C. West, Mining community in northern New Spain. The Parmi mining district, Berkeley - Los Angeles, 1949, in-8,170 p., 10 pl., 10 cartes.
2 Cf. t. VI2, tables 321 à 361, p. 553 à 580 et t. VIII1, p. 847-897.
3 Cf. t. II, 1528 A., note I, p. 187 et t. VIII1, p. 626-628.
4 Juan Friede. Nicolas Federman en el descubrimiento del Nuevo Reino de Granada, art. cit. — Bertrand Flornoy. L’Aventure Inca (Paris, Amiot, 1955, in-8, 274 p.), p. 244.
5 Cf. t. II, table 384, p. 596. Le mouvement avec Cartagena commence, dans nos tableaux, en 1538, au moment de l’expédition Quesada.
6 P. Chaunu, R. H. 1951, no 1, article cité, p. 56-68.
7 Cf. t. VIII1, p. 1058 sq. Officiellement, la Plata sera-rattachée à l’Espagne par les Andes, jusqu’à la fin du xviie siècle, le mouvement direct avec l’Espagne est insignifiant (t. VI, tables 416-422, p. 613-614).
8 Cf. t. VIII1. Les évaluations de Velasco sont plus tardives.
9 Angel Rosenblatt. La poblaciόn ind gena de América desde 1492 hasta la actualidad, Buenos Aires, 1945, gr. in-4,242 p. — L’histoire démographique de l’Amérique est à reprendre, de fond en comble, avec les méthodes éprouvées de l’école de Berkeley. Des années d’efforts coordonnés seront nécessaires.
10 Progrès en profondeur de l’occupation blanche, notamment. Les chiffres, en gros, valables d’Alexandre de Humboldt, pour la fin de l’époque coloniale (fin de la première décade du xixe siècle), dans son Essai politique sur le Royaume de Nouvelle Espagne, (Éd. Antoine Augustin Reynouard, t. I, p. 320), donnent un bon terme de référence. L’Amérique espagnole comptait, alors—avec une précision qu’il ne faut pas s’exagérer— :3 276 000 blancs ; 7 530 000 indiens soumis, 820 000 indiens non soumis, 2 347 000 noirs, 5 328 000 sangs mêlés. 3 276 000 blancs, en y comptant, bien sût, tous les métis de teint assez clair et de genre de vie permettant l’assimilation. C’est un énorme progrès, mais l’espace qu’occupent ces 3 millions d’hommes, n’excède pas tellement l’espace repéré et délimité par les conquistadores, au milieu du xvie siècle.
11 Cf. t. VI1, tables 165, 168, 171, 174, 175, 176, p. 364, 367, 370, 373, 374 et 375.
12 Cf. t. VI1, tables 139 et 143, p. 337 et 341.
13 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.
14 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.
15 Cf. t. VI1, table 129, p. 327.
16 Commence, en 1551, pour les Allers et les Allers et Retours, en 1552, seulement, pour les Retours.
17 Reportons-nous, par exemple, aux moyennes mobiles en unités pondérées. En Allers, la moyenne médiane de 13 ans, celle qui dégage le mieux, la tendance majeure, passe par un maximum de 9 605,94 en 1551, qu’elle avait approché en 1546, déjà (9 580,7). Le chiffre est à un niveau 5 fois supérieur au point de départ de 1512 (2 294,92), mais représente plus du tiers, déjà, des pointes de la moyenne de 1606 et de 1614 (28 556,90 ; 29 141,70). Avec la moyenne de 5 ans, le rapport entre le point de départ et le chiffre de 1550 est dans l’ordre de 1 à 5,5 (1508 :1930, 6 tonneaux et 1550 :12 592,5), et de 1 à 8(1511 :1570,8 ; 1550 : 12 592,5). Entre le niveau de 1550, 12 592,5, et celui de 1608, 30 528, le rapport est, seulement, de l’ordre de 1 à 2,5.
Pour le mouvement Retours, rapports sensiblement identiques. Sur les moyennes de 13 ans, il suffit de comparer les 7 373,54, 7 332,75,7446,403 tonneaux de 1550,1551,1552, aux 1 687 tonneaux de 1512 (rapport de 4,6 à 1) aux 23 027,01, 22 775,53, 22 981,93 de 1611, 1614,1615 (rapport de 1 à 3, 2/3,3). Et sur les moyennes de 5 ans, reflet plus fidèle d’une conjoncture plus courte, comparons les 8 979,90,8 876,40 tonneaux de 1549,1550 aux 1 205,40,1 222,20,1 260,00 de 1508 à 1510 (rapport do 7,4 à 1) ou aux 25 188,96 et 25 398,72 tonneaux de 1610, 1611 (rapport de 1 à 2,8 ou 2,9).
Et naturellement, on trouverait des rapports identiques sur les Allers et retours. Sur les moyennes de 13 ans, 1546 et 1547 sont à 16 645,38 et 16 682,60, 1551 et 1552 à 16 938,69 et 16 773,23 tonneaux. Avec le point de départ de 3 981,92 en 1512, le rapport est de l’ordre de 4,5 à 1. Avec les niveaux de plus de 50 000 tonneaux de 1610 à 1615 et le niveau record de 53 265,46 tonneaux en 1614, le rapport est de 1 à 3, en gros. Sur les moyennes de 5 ans, plus sensibles, 21 468,90 en 1550 est dans le rapport de 6 à 1, avec les 3 136,30, 3 134,60, 3 169,60 et 2 970,80 tonneaux de 1508 à 1511, dans le rapport de 1 à 2,8, avec les 54 712,20, 53 103,36 et 58 619,36 tonneaux de 1608 à 1610.
A noter que les chiffres des moyennes mobiles de 5 ans de 1646, 1647, 1648 sont, à très peu de choses près, équivalents au chiffre de 1550. Sur les moyennes do 13 ans, 1546,1547 et 1551-1552 ne sont que de 30 % inférieurs aux chiffres de 1640 et au-delà.
18 Il n’est pas sans intérêt, non plus, de constater que le chiffre de 133 navires, à l’Aller, ne sera dépassé que huit fois. En 1586 : 148,1588 :135,1593 et 1594 :146 et 150,1596 : 151, 1601 :140,1608 et 1609 : 202 et 138. Il ne sera jamais plus atteint jusqu’en 1650.
Pour les Retours, par exemple, la pointe cyclique de 1551 (89 navires, 15 241 toneladas, 11430,75 tonneaux) surclasse, nettement, la pointe antérieure de 1541 (69 navires, 8 800 toneladas, soit une progression plus nette encore que pour les Allers, de 90 % en tonnage). Elle est six fois supérieure, en tonneaux pondérés, aux chiffres de la première pointe cyclique, celle de 1509 (25 navires, 2 500 toneladas, 1 750 tonneaux). Les records de 1610 (95 navires, 27 311 toneladas, 32 773,2 tonneaux), ou de 1630 (78 navires, 28 998 toneladas, 34 677,6 tonneaux) sont triples, en tonnage pondérés. Quant au mouvement unitaire, il a fait, en Retours comme en Allers, pratiquement son plein. Les 89 navires de 551 jamais atteints auparavant ne seront dépassés que 8 fois (1587 : 98, 1589 : 100, 1591 : 101, 1598 : 91, 1600 : 102, 1610 : 95,1612 : 96,1624 : 93), égalés une fois, en 1602, mais jamais égalés, ni dépassés avant 1551, bien sûr, ni au-delà de 1624.
Pour les Allers et retours, par exemple, situation analogue, plus nette encore. La pointe de 1550 (215 navires, 32 355 toneladas, 24 266,25 tonneaux), surclasse nettement les pointes de 1536 et de 1542 (151 navires, 19 640 toneladas, 15 330 tonneaux ; 146 navires, 19 470 toneladas, 15 058,5 tonneaux). La progression, d’une pointe à l’autre, dépasse 60 %. Par rapport à la première pointe cyclique de 1508 (66 navires, 6 580 toneladas, 4 606 tonneaux), le progrès, en tonneaux pondérés, excède largement 550 %. La pointe est telle qu’elle représente déjà, même en tonneaux pondérés, 35 à 36 % de la pointe record de 1608 (283 navires, 60 667 toneladas, 72 800,4 tonneaux).
Quant au mouvement mesuré par le seul nombre des navires mis en cause, il est, lui aussi, très proche de son plein ; la pointe de 1550 n’est dépassée que six fois (en 1589 : 217 navires, 1593 :219 navires, 1595 :224,1596 :238,1608 :283). La pointe unitaire de 1550 n’a jamais été atteinte, avant 1550, elle ne le sera plus, après 1608.
19 Cf. ci-dessus, p. 152-156.
20 Cf. t. VI1 tables 150, 153, 156, p. 347, 350, 353 et graphiques correspondants, t. VII, p. 50-51.
Les moyennes mobiles médianes de cinq ans ont l’avantage de ne pas isoler la pointe de ses épaulements, elles donnent bien les caractéristiques de3 niveaux moyens et l’amplitude absolue de l’expansion. Les pointes, pour les Allers, se situent, respectivement, en 1529, pour le premier cycle 1522-1532, avec 5 196 tonneaux, en 1541, avec 7 650,74 tonneaux pour le cycle 1532-1544, et 1550, avec 12592,5 tonneaux pour le cycle 1544-1554. Entre 1529 et 1541, séparés par 12 ans, l’expansion était de 46,47 %, entre 1541 et 1550, séparés par 9 ans seulement, l’expansion, malgré des masses accrues, de 65 %.
Pour les Retours, les repères les meilleurs semblent être ceux des années 1527,1538 et 1549 (2 856, 4 536 et 8 979,90), séparés chacun par 11 ans. Du premier au second, l’expansion est de 60 %, du second au troisième, de 95 %. Pour les Allers et retours, les repères les meilleurs, 1527, 1541, 1550, séparés, respectivement, par 14 et 9 années. Et pourtant, l’expansion du second au troisième de 1541 à 1550 est de 13 082,25 à 21 468,90 de 65 %, du premier au second de 1527 à 1541 pour un laps de temps de 14 ans au lieu de 9, sensiblement identique, soit une pente de près de moitié inférieure.
21 Cf. ci-dessus, p. 65-66, 85, 114-115, 143-145.
22 Cf. t. I, p. 302 sq.
23 Seule, l’année 1548, n’a pas de connus directement, en Retours et en Allers et retours. Les séries, connues directement et indirectement, seront désormais continues (sauf le creux des connus directement de 1559 à 1564).
24 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.
25 I.G. 2 000 à partir de 1550.
26 Pour 17 équipages, on connait aussi, directement, le tonnage chiffré : 1 en 1544,11 en 1545, 4 en 1546, 1 en 1547. Pour 18 autres cas, on possède l’équipage, sans indication de tonnage, mais on peut atteindre le tonnage en utilisant les équivalences établies dans les 17 cas précédents. Et c’est dans ce cas, que la connaissance de l’équipage est plus particulièrement précieuse. 6 en 1544, 7 en 1545,1 en 1546,1 en 1552, 2 en 1553,1 en 1554.
27 Cf. t. VI1, table 544 sq., p. 690 sq.
28 7 navires en 1544, 42 en 1545, 32 en 1546, rien pour 1547, 47 en 1548,46 en 1549,12 en 1550,34 en 1551,14 en 1552,23 en 1553, rien pour 1554. Cf. t. II, 1544 A., 1545 A., 1547 A., 1543 A., 1549 A., 1550 A., 1551 A., 1552 A. et 1553 A. p. 367 à 503.
29 La série de l’almojarifazgo de Nombre de Dios (Cf. t. VT*, table 544 à 572, p. 690 à 805) est la plus anciennement reconstituable des séries du mouvement-valeur. Le3 renseignements qu’elle fournit avant 1550, à partir de 1544, sont particulièrement précieux.
30 En 1545, on en est encore au barème des 130 toneladas — sauf précisions complémentaires, — pour direction ou provenance inconnues, 150 pour la Vera Cruz ou Nombre de Dios, 110 pour les îles. A partir de 1549, dans les mêmes conditions, 200 pour la Vera Cruz et Nombre de Dios (Terre Ferme), 120 pour les îles, en maintenant, bien sûr, la règle de l’antériorité et 130 pour le Honduras. A partir de 1552, mêmes règles, mais 220 pour la Terre Ferme et la Vera Cruz (Nouvelle Espagne).
31 Cf. t. I, p. 308-309.
32 Cf. t. VI1, tables 13, p. 168, croissance énorme de l’indice du tonnage unitaire moyen (25 %) de 131,2 à 163,59 toneladas en 10 ans.
33 Cf. t. II, p. 366.
34 Il existe, on le sait, entre la longueur et la vitesse théorique maxima d’un navire, une loi physique. Le trop petit navire est, de ce fait, quelle que soit sa souplesse, un navire lent. Au-delà de 100 à 150 toneladas, il ne semble pas, d’ailleurs, qu’il y ait eu danger, du temps de la marine à voile, de se heurter à l’obstacle de la vitesse théorique maxima. Le facteur vitesse a contribué, seulement et entre plusieurs autres, à l’élimination des moins de 100 toneladas de la navigation en convois entre l’Espagne et le continent.
35 Ct. 5103, état de flotte de Cádiz et Sainte-Marie du 20 février 1547. Texte cité, t. II, p. 404.
36 Le tonel est, dans ce cas. Légèrement inférieur à la tonelada. Cf. t. I, p. 130 sq.
37 Cf. t. II, p. 434.
38 Cf. t. II, p. 434, note I.
39 L’inventeur, à l’échelle de l’histoire de la Carrera. A l’échelle européenne de l’histoire du navire, le redécouvrir et l’adaptateur.
40 Cf. t. II, p. 450, note I.
41 Frédéric C. Lane. Venetian Ships and Shipbuilders of the Renaissance, op. cité.
42 Colec. Muñoz t. LXXXV, f. 331, d’après Fern. Duro, Arm. Esp. I, p. 440 ; cf. aussi t. II, p. 450, note 2.
43 Le navire est très gros, il frappe par sa taille inhabituelle. Le chiffre de 500 toneles est lancé pour exprimer quelque chose d’insolite. Il traduit plus cette impression de grandeur, qu’une relation chiffrée certaine.
44 Cf. t. II, p. 488, note 1.
45 Peut-être, pour les besoins de la cause. Il n’est pas impossible qu’elles soient inférieures à 100 toneladas. Nous attribuons à l’ordinaire, 80 toneladas aux navires de ce type. Il fallait éviter d’être frappé, par l’interdit qui exclut mollement les moins de 100 toneladas de la Carrera.
46 Cf. t. II, p. 510, note 1. Quant à l’armada que commande Alvaro de Bazan fils, elle comprend, encore, en décembre 1554, 4 navires de 200 à 300 toneladas. L’alignement sur les monstres n’est pas chose faite.
47 De la montée extraordinairement rapide du tonnage unitaire, au cours de ces années, la comparaison des chiffres du mouvement Allers de 1548 et de 1549 est particulièrement révélatrice. 104 navires partent aux Indes en 1548, autant en 1549, soit, respectivement, 14 790 et 17 525 toneladas.
48 Cf. ci-dessus, p. 193.
49 Cf. t. II, p. 511 et ci-dessous, p. 115.
50 Cf. ci-dessus, p. 149-150 et t. VI1, tables 12B, 12C, 12E, p. 160-163,166-167.
51 L’état d’extrême expansion oblige à incorporer un matériel disparate. Constatation de bon sens. On en a la preuve pour d’autres temps. Une relative simplification du matériel naval incorporé au trafic est une caractéristique du passage de l’expansion à la contraction, en phase longue d’expansion. Il n’est donc pas invraisemblable de supposer qu’il en va déjà de même à cette époque, d’autant plus qu’il y a, pour ce faire, de sérieuses présomptions favorables.
52 Cf. t. VI, tables 1 et 2, p. 114-117, table 12E, p. 166-167.
53 Le rapport évolue de la manière suivante : 1545, 16 et 5 ; 1546,11 et 10 ; 1547, 1 et 11 ; 1548,10 et 6 ; 1549, 7 et 10 ; 1550,8 et 6 ; 1551, 5 et 8 ; 1552, 4 et 5 ; 1553, 4 et 4 ; 1554,0 et 1. Cf. t. VI1, tables 12B et 12C, p. 160-163.
54 Cf. t. VI1, tables 174-176,p. 373-375.
55 Cf. ci-dessus, p. 147.
56 L’augmentation du volume du mouvement est la conséquence, en première position, de l’augmentation du tonnage unitaire des navires ; l’augmentation du nombre des navires n’y contribue qu'accessoirement (cf. t. VI1, tables 130-131,133-134,136-137-139,p. 328-329,331-332,334-335 et 357).
57 Pour la Vera Cruz, cf. t. VI1, table 209 A et B, p. 434-437, pour Nombre de Dios. T. VI2, tables 544-554, p. 690-733.
58 Et aussi, on Je verra, par l’augmentation intrinsèque des valeurs marchandes transportées.
59 Cf. ci-dessous p. 192-196.
60 Cf. t. II, 1544 A. à 1554 A., p. 367 à 508 et t. VI2, table 544 à 554, p. 690 à 733.
61 Cf. ci-dessus, p. 115, note 3.
62 Innombrables exemples relevés dans les notes des tomes II à V, ces indications ont été englobées dans l’explication conjoncturelle.
63 Toutes proportions gardées, les mêmes exigences ont présidé à la méthode du bombardement par grosses escadrilles compactes adoptée par l’aviation américaine, de 1943 à 1945. Elle permettait de n’employer qu’un nombre limité de pilotes qualifiés. Au milieu du convoi, comme au milieu de l’escadrille, il suffit de se laisser guider. La production des pilotes qualifiés aurait risqué de constituer, sans cela, pour l’utilisation des appareils, un goulot d’étranglement.
64 Règle valable pour tous les temps et toutes les marines. Qu’elle se fût appliquée dans l’ancienne Carrera, les preuves abondent. Cf. colonnes équipage, t. II à V.
65 Cf. t. VI1, table 181, p. 380-383.
66 Ibid., tables 181 et 182, p. 380-387. Leur apparition pose une grave question. Est-ce en 1548, pour la première fois, comme les tables 181 et 182 tendraient à l’impliquer, que des navires canariens sont allés aux Indes ? Certes non.
Mais alors, ce mouvement antérieur nous échappait-il auparavant ? Si oui, c’est grave, car cette brusque adjonction risque de fausser nos données. On risque, en comparant le mouvement, avant et après l’adjonction canarienne, de comparer des données non comparables et la prodigieuse poussée conjoncturelle de 1550 serait, sinon fictive, cependant, moindre qu’elle n’apparaît. En fait, il n’en est rien. Le mouvement partant des Canaries existait sur une assez faible échelle, avant 1548. Mais quelques-uns, du moins, de ces navires ont dû être computés de Séville, sans spécification particulière. Raison, entre autres, de présumer la justesse de cette appréciation, la brusque adjonction des départs des Canaries — alors qu’ils cessent d’apparaître comme tels aux Retours — ne perturbe pas l’équilibre Allers Retours (cf. t. VI1, table 159, p. 356), comme elle ne manquerait pas de le faire. Certes, il y a eu des navires canariens qui ont dû nous échapper — et il y en aura encore. Les distinguer clairement constitue un progrès. Leur apparition dans la Carrera n’est pas aussi brutale qu’on pourrait le croire, d’après la table 181 (t. VI2, p. 383). On s’en est expliqué ailleurs (t. VIII1, p. 387) 1548-1550 correspond bien, pourtant, à une brusque montée des Canaries, cette brusque poussée est, en partie, commandée, elle-même, par un accroissement considérable de la demande aux Indes.
67 On s’est efforcé — on a vu comment (t. I, p. 285 et t. II) — de suppléer, partiellement, dans la mesure du possible, non sans mal, à cette lacune.
68 Cf. t. II, p. 367, note 3 et t. I, p. 285.
69 Cf. t. II, p. 412 sq.
70 Jusqu’en 1586, t. II, p. 380-381, premières directions américaines de navires canariens donnés par le Livre de Registres. On s’efforce, d’ailleurs, de pallier le plus possible ces lacunes. On appréciera les résultats obtenus, en se rapportant aux colonnes, Indias ( ?) des tables 171 à 176, p. 370-375, du t. VI1 et aux tableaux des t. II à V.
71 Cf. ci-dessus p. 117-119.
72 47 388 toneladas connues comme allant et venant de la Nouvelle Espagne, 50 741 des îles, et 97 135 de la Terre Ferme, sur 190 878 toneladas de directions et provenances connues, et 224 718 toneladas au total. Les pourcentages sont calculés, élimination faite des directions et provenances inconnues.
73 Les chiffres respectifs sont, alors, 27 763 pour la Nouvelle Espagne, 28 810 pour les îles, 63 625 toneladas pour la Terre Ferme, 120 998 toneladas de directions et provenances connues et au global 147 358 toneladas.
74 Respectivement, 19 625, 21 931, 22 510, 70 680 et 77 360.
75 Même impression obtenue dans la comparaison du mouvement valeur de la Vera Cruz et de Nombre de Dios. En valeur, les entrées en provenance du complexe sont à Nombre de Dios au cours de la phase ascendante du cycle triple des entrées dans les mêmes conditions à la Vera Cruz. — Comparer la table 209 A, t. VI1 (p. 434) d’une part et les tables 544 à 550 (t. VI2, p. 692 à 716), d’autre part.
76 Cf. t. VI1, tables 174 et 175, p. 373-374. De 1546 à 1550, 17 160 toneladas sont connues comme revenant des îles, soit 32,14 % du mouvement Retours, non élimination faite des provenances inconnues, 9 300 toneladas, seulement, à l’Aller, soit 12,58 %. De 1551 à 1555, la distorsion est plus grande encore : 20 351 toneladas et 42,49 %, d’une part et 6 780 toneladas et 11,39 % dans les mêmes conditions.
77 Rôle que jouera, surtout, plus tard, la Havane. La comparaison du mouvement Allers et du mouvement Retours de l’ensemble des ports d’Espanola-Saint-Domingue et de Cuba est particulièrement instructive. Sur les seuls semi-décadaires (Cf. t. VI2, tables 432 et 433, p. 622-624), vont à Espanola, 61 navires de 1546 à 1550 (7 380 toneladas) 32 de 1551 à 1555 (4 840 toneladas), en reviennent 112 (13 720) et 128 (16 076 toneladas). Avec Cuba, les chiffres sont respectivement 5 navires (550 toneladas), 8 (970), à l’Aller, 7 (910) et 8 (1295), au Retour. Le rôle d’Española est clair, c’est le lieu de rendez-vous des convois au Retour. La Havane (Cuba) accuse, à partir de 1560, une semblable distorsion. Le relais est pris.
78 Cf. t. VIII1, p. 465 sq,... 535 sq,... 563 sq.
79 A partir de 1560 (Cf. t. VI2, tables 459-460, p. 638-639).
80 La représentation la plus objective de la réalité se situe, sans doute, entre ces deux positions extrêmes. Le mouvement Retours, ou plus exactement, son reflet sur le mouvement Allers et retours qui fait, incontestablement, la part trop belle aux îles et le mouvement Allers qui, en tant qu’expression d’un global, leur fait, vraisemblablement, la part un peu trop mince. Une chose est certaine : le déséquilibre de la balance commerciale en poids s’exerce avec les îles au profit des Retours, tandis qu’elle joue pour la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme, comme pour le mouvement d’ensemble, au profit des Allers. Au tout début, pourtant, quand l'économie des îles était essentiellement minière, il en allait pour elles, comme, présentement, du continent. C’est donc bien dans l’évolution catastrophique de l’économie minière des îles que réside la cause véritable des modifications et de la spécificité du rapport Allers/Retours, à l’intérieur du trafic entre les îles et le Monopole. Cette constatation cadre bien avec ce que l’on peut entrevoir & travers E.J. Hamilton (op. cit. 1501-1650, p. 43) de la production des métaux précieux en Amérique. Le rôle des îles, comme producteurs d’or, même en quantité infime, est terminé en 1550. En 1541-1545. les îles fournissent encore 12 % du total des importations officielles d’or et d’argent d’Amérique, 8 % entre 1546 et 1550, rien de 1551 à 1560, 3 % de 1561 à 1565, puis, à nouveau et définitivement, plus rien. Cf. ci-dessus t. VIII1, p. 511-517.
81 Mouvement Allers avec la Nouvelle Espagne de 1545 à 1554 : 31 408 toneladas. avec les îles, 16 565 toneladas et avec la Terre Ferme, 61 621 toneladas, soit 109 233 toneladas dont la direction est connue, sur un mouvement Allers global de 131 133 toneladas.
82 De 1545 & 1550, chiffres respectifs de 18 963, 10 805, 41 856 et, 71 623, 87 043 toneladas.
83 De 1551 à 1554, chiffres respectifs de 12 445, 5 760, 19 405, 37 610 et 44 090 toneladas.
84 Et se borner à la méthode très approximative des cargaisons types, dont on a relevé, de-ci de-là, quelques exemples dans les notes aux tableaux du tome II. Aux entrées en Espagne, toutefois, grâce à EJ. Hamilton (op. cit., 1501-1650, p. 34-35), une marchandise de toute première importance, l’argent et l’or.
85 T. VI1, tables 209 A et 209 B, p. 434-437 ; table 544 sq., p. 690 sq.
86 E.J. Hamilton, op. cit, 1501-1650, p. 189 et 198.
87 Les indices andalous, par exemple, reposent, en 1551, sur un échantillonnage de 41 types de produits, en 1554, sur 45 types, dont le blé et le vin (E.J. Hamilton, op. cit. 1501-1650, p. 335). En 1548, et en 1549, les indices n’incorporent que 14 et 21 produits. Pour les séries de Nouvelle Castille, les indices incorporent, respectivement, 6, 4, 11, 8, 9, 12, 35, 36, 54 et 49 produits (Ibid., p. 321 et 340-341), pour la Vieille-Castille-Léon : 43, 44, 42, 43, 44, 42, 53, 48, 50 et 50 produits (Ibid., p. 321-348), pour Valence : 36, 35, 32, 32, 33, 37, 30,29, 27 et 32 produits (Ibid., p. 334 et 354).
88 Cf. ci-dessus p. 56-57 ; 68-71 ; 72-74 ; 118-119 ; 152.
89 Cf. ci-dessus, p. 180-184.
90 Cf. t. VI1, table 162, p. 361 ; t. VII, p. 52-53.
91 42,99 % en 1544, 164,27 % en 1550. C’est le plus grand écart relatif du demi-siècle.
92 Cf. t. VI1, tables 133 et 140, p. 331 et 338.
93 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
94 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
95 Celle-ci est à 155,88 % de la moyenne de 13 ans (t. VI1, table 162, p. 361).
96 Cf. ci-dessus p. 182.
97 Cf. t. VI1, table 150-153-156, p. 347, 350, 353 et t. VII, p. 50-51.
98 Cf. t. VI1, table 150, p. 347. Le niveau 7 619,7 tonneaux des moyennes mobiles médianes de 5 ans représente, à peine, un peu plus de 80 % seulement du niveau des moyennes de 13 ans, 9145,48 tonneaux en 1545, sur le mouvement Allers en unités pondérées.
99 Cf. ci-dessus p. 37.
100 Cf. t. VI1, table 153, p. 350. Entre moyennes de cinq ans et de treize ans, le plus grand écart se situe, également, en 1545 : 6 084,74 sur les moyennes mobiles médianes de cinq ans, 7 108,15 sur les moyennes de treize ans.
101 Cf. t. VI1, table 156, p. 353. Sur les Allers et retours, 1545 totalise encore le plus grand écart : 13 704,45 sur les moyennes mobiles médianes de cinq ans, 15 984,23 sur celles de 13 ans.
102 Postérieurement à cette date, seul, 1641, avec 3 173 toneladas et 19 navires, a une position analogue. Avant 1554, on pense à 1510 (17 navires, 1 700 toneladas), mais les conditions sont bien différentes, — il y a eu, dans l’intervalle, changement de structure — 1510 n’est-il pas à 40 % de la pointe cyclique précédente de 1508, le niveau en Allers de 1554 n’est plus guère qu’à 12 % de la pointe cyclique précédente de 1550.
103 Cf. t. VI1, table 182, p. 384 et t. VII, p. 64-65.
104 Cf. ci-dessous p. 333-335.
105 Conscience prise de ce rythme binaire, on obtient un mouvement ainsi rectifié, par substitution au chiffre vrai de la moyenne simple sur deux ans, soit : 1552,95 navires et 16 545 toneladas ; 1553, 58 et 9 815 ; 1554,52,5 et 8 830 ; 1555, 52,5 et 8 830 ; 1556, 61 et 9 985 ; 1557, 61 et 9 985 ; 1558, 50 et 8 310 ; 1559, 47 et 7 900.
106 Cf. t. VI1, table 159, p. 356. Ajoutons que l’anomalie positive des Retours apparaît dans des conditions particulièrement favorables aux Allers, pourtant. Élimination faire des départs des Canaries, on aurait un pourcentage de Retours, de l’ordre, à peu de choses près, de 90 %.
107 Cf. ci-dessus, ibid., p. 208, note 4.
108 En application des mêmes règles, 1555 ferait 115 navires et 19 000 toneladas. Un creux moins accentué, mais plus étalé, un creux dû au conjoncturel économique pur résiste, donc, à l’élimination.
109 Cf. t. VI1, table 151, p. 341 et t. VII, p. 50-51.
110 C’est même (cf. ci-dessus p. 20 à-25) un des arguments les plus valables que l’on puisse faire valoir en faveur de la récession inter cyclique du milieu du siècle, entendez l’amplitude et la durée de l’anomalie négative de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue.
111 Seule, 1556, est, avec un écart négatif de 1880, 6 tonneaux, de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue, soit un fléchissement de 21,4 %, dans une situation à peu de chose près analogue.
112 Cf. t. VI1, table 154, p. 351 et t. VII, p. 50-51.
113 Cf. t. VI1, table 154, p. 351 et t. VII, p. 50-51.
114 Cf. t. VI1, table 157, p. 354 et t. VII, p. 50-51.
115 En 1559, toutefois, la moyenne de 5 ans touche et dépasse même de quelques points celle de 13 ans.
116 Cf. t. VI1 table 163, p. 362.
117 Résultat d’autant plus valable qu’il est obtenu avec des chiffres qui incorporent les départs des Canaries. Sans eux, l’anomalie négative serait incomparablement plus dominante encore.
118 Soit un temps record. On verra, en effet, à quel point, dans la seconde moitié de cette histoire du premier Atlantique, sur le mouvement Retours, les creux peuvent être souvent des creux simplement dictés par des raisons militaires ou météorologiques non strictement économiques, de plus en plus, au fur et à mesure que l’on descend dans le temps.
119 Faible repli, certes, de 13 148 toneladas à 10 640, de 97 à 79 navires, soit de 19,5 % tandis que 1546 est encore à 210 % du creux de 1544. Cf. t. VI1, table 130, p. 328.
120 Cf. t. VI1, table 131, p. 329 ; t. VII, p. 50.
121 De 1550 & 1554, en effet, le nombre de navires, à l’Aller, décroît : 133, 108, 95, 58, 23. T. VI1, table 131, p. 329.
122 Cf. ci-dessus, p. 205-207 et ci-dessous p. 216-218.
123 Cf. t. VI1, tables 133-134. p. 331-332, t. VII, p. 50.
124 Cf. ci-dessous p. 237-238.
125 Cf. t. VI1, tables 136-137, p. 334-335.
126 Cf. ci-dessus, p. 183.
127 Cf. t. VI1, tables 162-163, p. 361-362 ; t. VII, p. 52-53.
128 Cf. ci-dessus p. 212, note 2.
129 Il suffit de faire subir aux Allers, la correction de bon sens (p. 183 et 212) proposée. Au prix de quoi, on obtient la continuité parfaite et l’élimination de l’anomalie mineure de 1545-1546, 58, 954 %, 94, 20 %, 87, 41 %, 98,43 %.
130 Pour Allers et Allers et retours, à l’exception du mouvement Retours, qui anticipe, un peu, ici, Allers et Allers et retours.
131 Les Retours de 1552 sont à 99,560 %, la nuance est, comme on le voit, à peine perceptible. Il y a légère anticipation du comportement global des Retours.
132 Cf. t. VI1, tables 150-151 ; 153-154 ; 156-157, p. 347-3481, 350-351, 353-354.
133 Cf. ci-dessus, p. 207.
134 Cf. ci-dessus, p. 206, note 1.
135 Cf. ci-dessus, p. 213.
136 Cf. ci-dessus, p. 207.
137 Cf. t. VI1, tables 156-157, p. 353-354.
138 Cf. ci-dessus p. 207.
139 Cf. ci-dessus p. 212-213.
140 Cf. ci-dessus p. 212.
141 Cf. t. VII, p. 50-51.
142 Cf. t. VI1, table 209 A et B, p. 434-437.
143 Cf. t. VI1, tables 544 à 556, p. 692 à 740.
144 Cf. t. VI1, tables 162-163 (colonne II et IV), p. 361-362, cf. EJ. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 403 et p. 189 et 215.
145 Cf. t. VI1, tables 130 et 140, p. 328, 338.
146 Cf. t. VI1, tables 133 et 140, p. 331 et 338 et ci-dessus p. 205-206 et surtout p. 180-184.
147 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
148 Cf. t. VI1, tables 136 et 140, p. 334-340.
149 Cf. t. VI1, table 162, p. 361 ; t. VII, p. 52-53 et E.J. Hamilton op. cité, 1501-1650, p. 403.
150 Par rapport aux 102,10 et 101,75 % de 1542 et 1543.
151 Sur la seule série de Nouvelle Castille (EJ. Hamilton. op. cit. 1501-1650, p. 189), la plus utile pour notre propos, en l’absence de séries complètes pour l’Andalousie, 1545 est à 105,45, soit un recul de 13 % par rapport à 1544 et de près de 20 % par rapport à l’indice 127,45 de 1542.
152 Cf. t. II, p. 366, note 1.
153 Cf. t. VI2, table 609, p. 869, notamment.
154 Cf. ci-dessus p. 183.
155 Cf. t. VI1, table 165, p. 364.
156 Cf. t. VI2, table 544, p. 690-693. 22 navires venant d’Espagne entrant à Nombre de Dios en 1544. Discordance apparente avec les 7 navires allant à Nombre de Dios dans t. II, 1544 A., p. 364-367, 9 seulement pour toute la Terre Ferme. Mais il convient de noter que le gros des arrivées se place en janvier et février (9 et 5), et que ce total comprend, en fait, des navires partis en 1543, année au cours de laquelle nos tableaux non complets accusent, pourtant, 27 départs. Il y a, d’autre part, parmi les directions inconnues, 7 navires dont on sait, pratiquement, qu’ils vont en Nouvelle Espagne ou en Terre Ferme.
157 En valeur, les deux tiers des arrivées de 1544. correspondent à des départs de 1543. Le mouvement en valeur « fiscale » a quintuplé, passant de 50 à 250 millions de maravedίs.
158 Cf. t. VI2, tables 544-545, p. 690-697.
159 Cf. t. VI1, table 162, p. 361. En pourcentage à la moyenne de 13 ans, calculée, pourtant, sur la série en tonnage, le volume des Retours de 1545 est inférieur à celui de 1544. (75,519 % au lieu de 81,0155 %).
160 Cf. ci-dessus, p. 183.
161 Cf. ci-dessous, p. 853-919 et 530-569.
162 Cf. ci-dessous p. 1330-1332.
163 Cf. t. VIII1, p. 751 sq 904-958... et t. VIII2bis, p. 1327-1332.
164 Entre la demi-décade de 1541-1545 et 1591-1595, d’après E. J. Hamilton (op. cité, p. 34) le niveau des trésors transportés au Retour, évolue dans le rapport de 1 à 7.
165 Cf. t. II, p. 378, note 1.
166 Cf. t. VI2, table 609, p. 869.
167 Cf. t. II, p. 378, note 2.
168 Le Mouvement Allers des deux années 1544-1545 se répartit, en effet, de la manière suivante : 46 non précisés (4 285 toneladas), contre 17 à la Nouvelle Espagne (2 448 toneladas), 16 aux Iles (1 930 toneladas) et 59 à la Terre Ferme (8125 toneladas) : en Aller, la Terre Ferme représente près des 2/3 du mouvement.
169 Cf. ci-dessus p. 157-159.
170 Les rares maisons de Nombre de Dios ne sont-elles pas encore construites eu bois de démolition des navires ?
171 Les inconnus s’équilibrent sur deux ans en tonnage, sinon en nombre : 46,4 285 toneladas, 25 et 4 590 toneladas. Ce qui prouve que dès cette époque, les gros navires reviennent en plus grand nombre que les petits.
172 Cf. t. VI2, tables 544 sq., p. 690 sq. et tables 362 sq., p. 583 sq.
173 Cf. t. VI2, tables 397 sq., p. 604.
174 Cf. t. VIII1, p. 898 sq.
175 Cf. ci-dessus p. 157-158.
176 La moyenne annuelle des entrées en valeur officielle (ou fiscale, telle qu’elle ressort de3 différentes conventions de douane (cf. t. I, p. 169-224. Tout ce qui est dit de l’averia s’applique, a fortiori, en raison du système du Registre, à l’almojarifazgo des Indes) à Nombre de Dio3 entre 1544 et 1545, est un peu inférieure à 200 000 000 de maravédis. La valeur des marchandises venues d’Espagne traduite dans les mêmes conditions à Nombre de Dios est en 1546 de 450 522 000 maravédis, en 1549 de 512 115 000, soit deux fois et demi plus. Cf. t. VI2, tables 544, 545, 546 et 549, p. 692, 696, 700 et 712. A la Vera Cruz, les importations d’Espagne sont dans les mêmes conditions... moyenne annuelle du creux conjoncturel de 1544-1545, 62 000 000 de maravédis, environ. Moins du tiers des importations de l’isthme. (Noter au passage la concordance prix trafic... Elle tend à prouver que la nature des exportations espagnoles en direction de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme ne sont pas fondamentalement différentes, à cette époque, du moins.) En 1541, ces importations d’Espagne s’élevaient à 93.550.124 maravédis, en 1542 à 119.382.000. Le creux conjoncturel est en valeur sur la série des importations de la Vera Cruz à 50 % seulement à peu de choses près de la pointe conjoncturelle précédente. 1549 atteint 285 841 780 maravédis, soit la moitié des valeurs importées par l’isthme (il y a remontée relative de la Nouvelle Espagne par rapport à la Terre Ferme en valeur comme en volume), le niveau de la pointe conjoncturelle de 1549 valeur est quatre fois et demi supérieur aux creux des années 1544-1545. Cf. t. VI1, table 209 A, p. 434. Le mouvement valeur est fidèle — on en jugera — au mouvement volumétrique. Il le renforce et nuance ses apports. Il n’en ira pas toujours de même. C’est pourquoi la concordance est précieuse en conjoncture.
177 Cf. ci-dessus p. 177-180.
178 Cf. t. VI1, table 162, IVe colonne, p. 362.
179 Cf. E. J. Hamilton, Op. cité. 1501-1650, p. 189 ; 1543 : 110, 46 ; 1544 : 110, 47 ; 1545 : 107, 13 ; 1546 : 113, 23.
180 Cf. t. VI1, table 162, p. 361, colonne II et pour les reports à la moyenne, colonne IV.
181 E.J. Hamilton, op. cité. 1501-1650, p. 189. A Valence — 1543 : 107, 96 ; 1544 : 103, 37 ; 1545 : 112, 06 ; 1546 : 122, 06 ; 1547 : 110, 42 ; 1548 : 117, 00. En Vieille-Castille-Léon — 1543 : 110, 46 ; 1544 :110,47 ; 1545 : 107,13 ; 1546 : 113,23 ; 1547 : 109, 08 ; 1548 : 115, 99.
182 L’accident en dent de scie des prix de l’Espagne atlantiquemennt marginale fait place entre 1546 et 1548, sur la série sud-castillane des prix, à une période de palier horizontal et de piétinement provisoire, presque respiratoire de l’expansion.
183 Cf. ci-dessus p. 180, 184, 205.
184 Un peu plus, 25 %, si l’on s’en tient au nombre des navires.
185 Cf. t. VI1, table 130, p. 328.
186 Cf. t. VI1, table 162, p. 361. 88,93 % seulement en 1547 contre 114,25 % et 127,85 %, respectivement en 1542 et 1536, ce qui permet d’apprécier indirectement la rapide croissance de la tendance majeure au cours de ces années.
187 Cf. t. II, p. 390, note I et p. 404 note 1.
188 Cf. t. VI2, 4e partie, p. 861-974, table 609, p. 869, surtout.
189 Cf. t. VI1, tables 165, 168, 171, p. 364, 367, 370.
190 1542-1543, 25 et 28 allers et retours connus, représentent 3 770 et 4 110 toneladas contre 23 et 25, 3 160 et 3 590 en 1546-1547, pour une proportion sensiblement égale de direction ? et provenances non connues.
191 W. Borah. New Spain’s century of depression, op. cit., p. 2.
192 Cf. t. VIII1, p. 685-817.
193 Cf. ci-dessus p. 210-214.
194 Cf. ci-dessus p. 214-227.
195 Car on est en pleine période d’accroissement du tonnage, ceci est d’autant plus sensible qu’au nombre des 104 navires de 1548 sont venus s’inscrire 15 navires canariens (cf. t. VI1, table 181, p. 383) qui n’entraient pas en ligne, de-compte l’année précédente, pas plus qu’ils n’entreront en ligne de compte l’année suivante. Le mouvement du Monopole moins les Canaries en 1548, 89 navires et 13 590 toneladas accuse par rapport à 1547, un accroissement du tonnage unitaire des navires, évidemment plus considérable, soit de l34. toneladas,. 8 en 1547 à 152 toneladas, 9 en 1548 ; compte tenu-de l’adjonction des navires canariens, le tonnage unitaire passe seulement de 134 toneladas, 8 à 142 toneladas, 2 en 1548.
196 Cf. t. VI1, table 165, p. 364 et table 130, p. 328.
197 Cf. t. VI1, table 168, p. 367 et table 133, p. 331, p.
198 Cf. t. VI1, tables 171 et 172, p. 370-371 et tables 136, 137, p, 334, 335.
199 1548 : 73 navires et 12 320 toneladas ; 1549 : 91 navires et 16 570 toneladas ; 1550,68 navires et 13 730 toneladas ; 1551, 63 navires et 12 630 toneladas.
200 Cf. t. II, p. 418, note 1 et p. 434, note 1, Cf. aussi t. VI2, table 609, p. 869.
201 Cf. t. II, p. 418.
202 ) Cf. ci-dessus p. 199-200.
203 Cf. t. II, p. 419-421, notes 33 à 80.
204 Cf. ci-dessous p. 243-244.
205 Cf. t. VI1, table 162, p. 361, d’après E. J. Hamilton, op. cit., p. 403.
206 Cf. t. II, p. 434, note 1.
207 Cf. t. II, p. 310 à p. 517 et cf. ci-dessus p. 195-196.
208 Cf. t. VI1, tables 181-182, p. 380-387.
209 Cf. t. VIII1, p. 349-441.
210 Cf. t. VI2, table 609, p. 869.
211 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 et ci-dessus p. 229..., 220....
212 Quant à ces variations du tonnage unitaire elles-mêmes, elles ne sont pas uniquement imputables au seul gonflement du tonnage des navires, mais aussi à l’importance relative du trafic des îles. C’est l’importance des retours des îles en 1548 qui explique l’apparent dégonflement de la taille des navires entre 1547 et 1548.
213 Compte même tenu des canariens qui, en forte proportion sans doute, se bornent à desservir les îles. A cette époque déjà, par extrapolation des certitudes qu’on a pour des époques plus récentes.
214 Cf. ci-dessus p. 216-224.,
215 Cf. t. VI1, table 136, p. 334.
216 Mais si on exclut les Canaries, on. aura un très léger tassement entre 1549 et 1550, de 179 à 173 unités, de 29 080 & 28 995 toneladas.
217 L’indice de 145,23 (calculé par E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 189) pour 1550, est encore de 10,6 % supérieur au point antérieurement record atteint par les prix nouveaux castillans en 1548. L’indice des prix de Nouvelle Castille en 1550 dépasse donc de plus de 10 % tous les indices antérieurs à la seule exception de 1549.
218 Cf. ci-dessus p. 224-225.
219 69,05, au lieu de 70,63, soit un repli de 2 %, à 102,1298 % de la moyenne au lieu de 105,7985 %, en 1549.
220 T. VI1, table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
221 Ce qui constitue une anomalie positive conjoncturelle des Retours, beaucoup plus probante encore que le pourcentage 49,63 % (Cf. t. VI1, table 159, p. 356) de 1551 calculé suivant la méthode classique.
222 Cf. ci-dessus, p. 240-241.
223 De 20,1 %, par contre, en expression unitaire.
224 Si, en 1551, on faisait abstraction des départs canariens, on aurait sur les Allers et retours (comparés aux Allers et retours de 1550 et de 1549, moins les Canariens), un plateau imperceptiblement descendant : 1549 : 179 unités, 29 080 toneladas ; 1550 : 173 unités, 28 895 toneladas ; 1551 : 170 unités 28 552 toneladas.
225 Cf. t. VI1, tables 162 et 163, p. 361-362,1550 et 1551 présentent par rapport aux moyennes mobiles de 13 ans, les plus grands écarts cycliques, soit 148,98 et 135,97 %.
226 Ne serait-ce, pour se borner aux seuls chiffres, que les nombreuses comparaisons, volumes valeurs possibles. Par des rapprochements étroits entre les valeurs et les volumes, avec ou sans l’adjonction des Canaries, ces comparaisons sont particulièrement instructives, entre 1549 et 1550, par exemple, par l’analyse des entrées à Nombre de Dios et à la Vera Cruz, telles qu’elles résultent des comptes d’almojarifazgo (cf. t. VI1, tables 209 A et B, p. 434-437 et t. VI2, tables 549-550, p. 710-717).
227 Les officielles, du moins, cf. ci-dessus, t. VIII2bis car, pour les autres, la contrebande, qui utilise les Canaries comme base de départ, il en va autrement. Mais les beaux jours des Canaries, plate-forme relais du-« bout de la pique », sont plus tardifs.
228 Cf. t. VI1, tables 128 A et B, p. 320-321.
229 Cf. t. VI1, tables 181-182, p. 380-384.
230 Cf. ci-dessous, p. 305.
231 Cf. ci-dessus, p. 235.
232 Cf. t. I, p. 88-94 et p. 245-252.
233 Deux indications de valeur des importations peuvent être comparées, à un siècle de distance, sur les tables du tome VI, au prix, seulement, d’un important matériel critique, aussi compliqué qu’hasardeux. A un an d’intervalle, par contre, la comparaison s’impose entre chiffres bruts et sans risque de gauchissement sensible.
234 Cf. t. VI2, tables 544 sq... et, plus spécialement, 549 et 550, p. 690 sq. et p. 710 à 717.
235 Cf. t. VI1, table 209 A et B, p. 434-437.
236 Il n’est pas interdit, compte tenu des indications de mouvement volume, et par rapprochement avec la série, alors continue, de l’isthme, d’attribuer aux entrées à la Vera Cruz, en 1550, un chiffre inférieur, très vraisemblablement aux 285 841 780,2 maravedis de 1549 mais supérieur aux 187 255 540,4 obtenus pour les cinq premiers mois de 1550.
237 Ce n’est pas là une simple déduction de bon sens, mais (Cf. t. VIII1, p. 465-583) il s’agit d’une constante du trafic des îles, telle qu’elle se déduit des rapprochements volume-valeur pour les périodes plus proches de nous, où la vérification est possible.
238 Cf. sur les index numbers of silver priées, 1546 et 1547 sont à 64,75 et à 62,54,1551 et 1552 à 69,40 et 71,32.
239 Cf. t. I, p. 245-251.
240 Cf. ci-dessous, p. 776.... 1321...
241 Cf. ci-dessous, IIIe, IVe, Ve parties. H. et P. Chaunu. A la recherché des fluctuations cycliques dans les économies des xvie et xviie siècles. Crises de tonnage et crises de fret. Mélanges Lucien Febvre, op. cit, t. II, p. 389-407.
242 Cf. ci-dessus, p. 210-212.
243 Plus tard on pourra suivre, en pareille phase, le rajeunissement consécutif des navires en usage, et une forte augmentation de la proportion des navires étrangers. Cf. ci-dessous, p. 707-708 ; 945-946...
244 Cf. ci-dessus, p. 237-238.
245 W. Borah, New Spain’s Century of dépression op. cité, p. 3.
246 Cf. ci-dessous, p. 617-620.
247 Cf. ci-dessus, p. 221-224.
248 A cet égard, la comparaison des importations d’Espagne à la Vera Cruz (t. VI1, table 209 A et B. p. 434-437) et à Nombre de Dios (t. VI2, tables 544-554 p. 690-733) est intéressante.
249 Cf. ci-dessus, p. 221. Sur le mouvement Allers, en toneladas de 1544 à 1554, la Nouvelle Espagne représente 28,5 % de l’ensemble et la Terre Ferme, 56 %. L’avantage de la Terre Ferme étant plus accentué encore à l’expansion, respectivement, 27 et 58 % de 1544 à 1550, qu’à la contraction, 33 et 51,6 % de 1551 à 1554.
250 Faute d’une étude des prix aux Indes, suffisamment avancée, c’est ce qui se dégage des impressions que l’on peut tirer des Actas de Cabildo (si riches en prix) et des classiques de l’économique ancienne, telle la Suma de tratos y contratos de Tomas de Mercado.
251 Chiffres de pourcentages sur le nombre d’unités de navires, déduction faite des navires allant aux Indes, direction indéterminée. Ces chiffres sont naturellement inférieurs à ceux qu’on obtiendrait en calculant en tonnage : les navires allant en Terre Ferme, à Nombre de Dios, surtout, étant, on s’en souvient, très sensiblement plus gros que ceux qui sont destinés aux autres directions.
252 La proportion des Indias ( ?) directions connues est trop forte en 1554 pour qu’un jugement soit possible sur le comportement dans le creux de l’espace dominant.
253 Cf. ci-dessous, p. 240-242.
254 Cf. t. VI2, tables 165 et 166, 168 et 169, p. 171 et 172, p. 367 et 368, p. 370 et 371.
255 Ces chiffres sont énormes. Ils sont égalés, voire même légèrement dépassés, trois fois seulement en 1593, en 1596, en 1612, mais à des époques où la valeur relative de ces chiffres est infiniment moindre parce que le niveau global du trafic est, en gros, trois fois plus élevé qu’il ne l’est au milieu du xvie siècle.
256 Cf. ci-dessus, p. 176 180.
257 Marquée, notamment, par la proportion anormale des Retours par rapport aux Allers en 1551 (Cf. t. VI1, table 159, p. 356 - 49,63 % part des Retours et 50,37 %, part des Allers).
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