Chapitre V. Cycle décennal ou fluctuations accolées ( ?) contradictions et difficultés le Pérou entre en scène (1533-1544)
p. 142-185
Texte intégral
1Durant les douze années comprises entre 1532 et 1544, après le tassement relatif de l’expansion au cours de la période antérieure, avant la prodigieuse envolée de la demi-décade 1545-1550, la montée reprend à un rythme rapide. Et pourtant, jamais la « géographie cyclique » des mouvements ne fut aussi confuse. D’une interprétation encore plus délicate que celle de la période antérieure 1522-1532, elle présente avec cette dernière d’évidentes analogies. Le découpage 1533-1544 est commode et c’est uniquement d’après ce critère qu’on peut le justifier. L’alternative n’en demeure pas moins entière : 1533-1537 et 1538-1554 ou 1533-1544 et 1545-1554 ? On peut hésiter quant aux frontières de la fluctuation moyenne. La réalité, par contre, de deux fluctuations primaires, l’une de cinq ans, l’autre de sept ans, est indéniable. Rarement, en effet, fluctuations internes sont aussi nettement délimitées. Et c’est à cette réalité, par conséquent, qu’il faudra s’attacher.
I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX
2Mais il importe, comme toujours, avant de trancher de la structure complexe de cette période, qui, mieux que toute autre, se prête à des interprétations aussi diverses que contradictoires — peut-être, parce que, là aussi, la guerre et des déplacements de structure viennent apporter un élément exogène à l’économique pur — d’apprécier à leur juste valeur les mesures sur lesquelles l’édifice sera construit.
LES BASES DOCUMENTAIRES
3C’est au cours de cette période et plus particulièrement, au cours de la belle fluctuation primaire septennale 1537-1544, que de très grosses modifications entrent en jeu.
1. Modifications des conditions de la connaissance
4Certes, les conditions de la connaissance de la période, prises dans leur ensemble demeurent plus proches des premières décades que de l’apogée, mais toute une série de transformations importantes interviennent désormais.
5a. Le brusque relèvement du mouvement et son incidence sur la connaissance. — Le volume économique du mouvement, lui-même, commence à être profondément modifié.
6On reste encore loin, bien sûr, des chiffres records de la belle époque. Les demi-décades 1536-1540, 1541-1545 représentent respectivement en Allers, Retours et Allers et retours 46 180, 49 738, 29 440, 37 840, 75 620 et 87 578 toneladas, et 351, 357, 227, 281, 578, 638 navires1. Ces chiffres sont environ le triple de ceux relevés au cours des deux premières décades, mais représentent seulement 60 % du nombre des navires et un peu plus de 33 % du tonnage en toneladas du mouvement des demi-décades records des années 1591-1600, 1601-1610, 1611-1620. Mêmes proportions sur les séries pondérées2. En Allers 34 635 et 37 303 tonneaux sont à plus de 350 % des 9 653 et 9 562 tonneaux des demi-décades 1506-1510, et 1511-1515. Il en va sensiblement de même des Retours et des Allers et retours, 15 937 et 22 080 tonneaux, 44 467 et 56 715 tonneaux, d’une part, contre 6 027, 9 828 et 15 680, 19 390, d’autre part. Les décades records de 1591 à 1620 sont elles-mêmes à 350 % des chiffres précédents. Les volumes mis en cause, au cours des demi-décades 1535-1540, 1541-1545, se tiennent, donc, exactement à mi-chemin des extrêmes du début et de la fin — compte tenu même de toutes les corrections qu’il faut apporter pour tâcher d’exprimer l’accroissement du tonnage unitaire des navires, les modifications de la jauge et de l’unité de mesure3.
7Les moyennes mobiles corroborent parfaitement ces résultats4. Celles de treize ans en unités pondérées donnent, à la fin de la période, entre 1540 et 1544, des chiffres exactement à mi-chemin entre ceux du début et ceux records de 1611 à 16205 C’est donc un peu au delà de 1540 — toute une série de tests successifs le confirment bien —, que se situe le point médian dans l’ascension du mouvement. La montée relative des 35 premières années aura été aussi efficace que celle des 65 ans qui suivent6, si l’on tient compte, seulement, de l’accélération, et non, bien entendu, des masses effectivement mises en cause.
8La montée des mouvements, un instant ralentie au cours du cycle précédent, a repris à un rythme accéléré. L’ampleur des décrochements le prouve. Le mouvement de 1536-1545 comparé à celui de la décade 1526-1535, est en progression de 60 %, au moins sur les Allers et retours. Ce brusque relèvement peut apparaître tout aussi bien7 sur la tendance majeure dégagée par les moyennes mobiles de treize ans ou même, — sans avoir plus amplement recours au calcul —, graphiquement, sur un canevas logarithmique, sensible aux seules accélérations8.
9La comparaison des pointes d’expansion cyclique dans cette fluctuation et dans la fluctuation précédente est tout aussi instructive. Entre la pointe maximale de la fluctuation 1522-1532 et celle de la fluctuation 1510-15229, le progrès n’était que de 20 % ; entre la pointe maximale de la période 1532-1544 et celle de la fluctuation précédente 1520-1532, il dépasse 55 % : 19 640, en 1536, contre 12 190 en 1530.
10Cette reprise générale de la marche en avant, aussi profonde qu’étendue, fait que l’on se trouve désormais, en fin du cycle, en face d’ordres de grandeur à mi-chemin entre ceux du tout début et ceux du mouvement à son apogée. Cette constatation est rassurante. Non seulement, les erreurs ont, désormais, même sur une série de très courte durée, plus de chance de s’éliminer, mais la portée des trafics s’accroît d’une manière proportionnelle, en gros, à leur volume. C’est, peut-être, à la hauteur du cycle de l’entrée en scène du Pérou, que l’Atlantique de Séville achève d’acquérir ses lettres de noblesse.
11N’anticipons rien toutefois. Cette masse reste faible. Au cours des douze ans qui couvrent la période 1532-1544, 842 navires vont en Amérique, 579 en reviennent, 109 630 toneladas, d’une part, 71 790 toneladas, d’autre part, soit, au total, un mouvement portant sur 1 421 unités et 181 420 toneladas10 Ce qui donne, en tonneaux de jauge internationaux de 2,83 m3, d’après nos tables de conversion : 82 221,5 tonneaux, 53 842,5 et 136 065. Soit une moyenne annuelle de 9 136 et 6 852 toneladas et, conversion faite, de 5 982 et 4 498 tonneaux seulement pour les Allers et les Retours, de 15 118 toneladas et 11 350 tonneaux pour l’ensemble du mouvement Allers et retours. En dépit de sa faiblesse encore, la masse plus grande du mouvement n’en est pas moins rassurante.
12b. Une contre-épreuve : les importations de métaux précieux. On retrouve la même brusque accélération du mouvement, dans la statistique officielle des importations d’or et d’argent en Espagne11.
13Après l’énorme creux de la demi-décade 1521-1525 — il correspond à l’épuisement de l’orpaillage à Espanola, il n’est pas étranger à la quête victorieuse du continent — très nette et très belle reprise. C’est, en fait, le point de départ du premier cycle de l’argent, d’avant l’amalgame12. On peut, à la ligueur, contester le niveau absolu des chiffres de 1521-152513 : 134 170 pesos à 450 maravedís entre 993 196,5 pesos de 1516-1520 et le niveau 1 038 437,0 de 1526-1530 — l’autre a peut-être été victime d’une distorsion documentaire —, mais on notera à quel point le creux incontestable des arrivées métalliques correspond à un creux tout aussi incontestable du mouvement. Les arrivées de 1526-1530, 1 038 437,0 pesos à 450, restent inférieures aux arrivées de la demi-décade de 1511-1515, 1 195 553,5 pesos.
14Une période de ralentissement relatif de la phase ascensionnelle de l’ensemble des mouvements correspond à un effondrement des arrivées de métaux précieux. Un progrès considérable est réalisé entre les arrivées de la demi-décade 1526-1530 et celles de la demi-décade 1531-1535 ; entre 1038 437,0 et 1 650 231,0 pesos, l’expansion excède 60 %. Mais le déclenchement est beaucoup plus net encore, entre 1531-1535 et 1536-1540 : entre 1 650 231,0 et 3 937 892,0 pesos, l’expansion est de l’ordre de 125 %. Au-delà, les arrivées des trésors montent, au cours des demi-décades 1541-1545 et 1546-1550, mais plus lentement : on passe de 3 937 892,0 à 4 954 005,0 pesos et de 4, 954 005,0 à 5 508 711,0. Le rapport or-argent, dans le même temps, est totalement renversé : 3,0 % d’argent et 97,0 % d’or entre 1521 et 1530,87,5 % et 12,5 % entre 1531 et 1540, 85 % et 15 % de 1541 à 155014 Certes, la valeur de l’or importé {ratio : 10,11 à 1 jusqu’en 1536 et 10,61 à 1 de 1537 à 156515 dépasse encore sensiblement celle de l’argent, 60 à 40 % en gros, respectivement, pour l’or et l’argent, dans la masse d’ensemble des importations officielles. C’est, au-delà de 1561, seulement que les exportations d’argent d’Amérique, l’emporteront, même en valeur, sur celles de l’or.
15A l’accélération du mouvement observée au cours de cette période correspond donc une accélération sensiblement égale du mouvement des exportations de métaux précieux d’Amérique en direction de l’Europe. La poussée de la demi-décade de 1531-1535 est, pour près de 75 % due à l’entrée en scène du Pérou16 Le volume des trésors mis par Séville à la disposition de l’économie européenne entre 1532 et 1544, dépasse dans le rapport de 5 à 1 celui de la période antérieure. On retrouvera l’effet le plus sûr de cette mutation quantitative fondamentale dans la phase ascendante du cycle suivant, de 1544 à 1550.
2. Tonnage
16Mutation quantitative des volumes, amélioration qualitative de notre approche. La précision avec laquelle ce mouvement est saisi s’est accrue, en effet, au cours de la période.
17Connus directement et connus indirectement, pour l’ensemble du mouvement, représentaient 0,3 % et 3,7 % au cours de la période 1510-1522, 1,5 % et 4,5 % au cours de la période 1522-1532. Les connus directement de la période 1533-1544 sont sensiblement inférieurs à ceux de 1522-1532, mais la proportion des connus indirectement devient relativement importante. Pour les Allers, 1 100, 11 300 et 97 230 toneladas en connus directement, connus indirectement et évalués, soit 12,2 % pour les connus et 87,8 % pour les évalués, 1 % pour les connus directement, 11,2 % pour les connus indirectement ; pour les Retours, les chiffres respectifs sont, comme il est logique, sensiblement inférieurs, 600, 6 140, 65 050, soit 9,3 % et 90,7 %, 0,8 et 8,5 % pour les connus directement et indirectement, pour l’ensemble Allers et retours, 1 700, 17 440, 162 280, soit 10,5 % et 89,5 %, 0,95 et 9,55 % pour les connus directement et indirectement.
18Mais la réalité est moins simple. Il n’existe, pratiquement, aucune donnée de 1529 à 1538 inclusivement, c’est le grand vide documentaire. Les tonnages de 1531, 1532, 1533, 1534, 1535 sont même totalement évalués, ceux de 1538 aussi17. La proportion des connus directement et indirectement est donc presque double au cours de la fluctuation primaire de sept ans qui va de 1537 à 1544, comparée aux moyennes artificielles pour l’ensemble du cycle : elle se tient, alors, entre 17 et 18 %, pour l’ensemble du mouvement. Cette situation est, finalement, plus favorable à la précision de la connaissance, que ne le serait une répartition plus égale ; elle permet de fructueuses comparaisons entre la situation d’avant 1528 et celle d’après 1536.
19Ainsi, on dispose, désormais, d’indices plus sûrs, permettant l’évaluation du tonnage des navires18. Le tonnage utilitaire s’est, aussi, sensiblement élevé. Cet accroissement est logique. Il résulte de la part toujours plus grande du continent dans l’ensemble du mouvement. Avec la Nouvelle Espagne et le Pérou auquel on accède par l’isthme, les distances s’allongent, et le plus gros navire est plus rentable. De Cádiz à la Vera Cruz, la distance, de nos jours, pour un steam-ship, est de 4 860 milles, de Cádiz à l’isthme (Nombre de Dios ou Puerto Belo) de 4 300 milles. De Cádiz, par contre, à Saint-Jean de Puerto Rico, cette distance n’est plus que de 3 500 milles, et de 3 210 à Marie-Galante ou 3 220 à la Dominique, de 3 560 de Cádiz à Saint-Domingue, et de 4 070 de Cádiz à La Havane. Ces distances linéaires ne correspondent pas à la réalité de la voile. La substitution progressive des ports du continent américain aux ports des îles accroît les distances théoriques de 1 000 milles en ligne droite, donc de 2 000 milles, Aller et retour ; elle les double, elle les triple, éventuellement, elle les quadruple, si on parle temps et difficultés. On a vu comment et pourquoi19. La meilleure connaissance des côtes, l’apparition de rades plus profondes et plus sûres aura joué, en facilitant l’emploi du plus gros navire. Enfin, l’accroissement rapide des masses économiques aura été le facteur décisif : le gros navire devient rentable, dans l’exacte mesure où l’on a de quoi le remplir régulièrement.
20Qu’il y ait gonflement du tonnage unitaire des navires, la chose est certaine et les preuves, nombreuses. Entre ce phénomène et l’apparition du Continent, le lien est évident. De Panama, le 22 février 153520. Fray Tomas de Berlanga, sur la route du Pérou, l’écrit, sans ambage, au Roi. L’évêque propose le déplacement du port et préconise, soixante-deux ans à l’avance, la solution qui prévaudra, lors de la substitution de Puerto Belo à Nombre de Dios, il tira argument de l’insuffisance du port, en présence de navires toujours plus lourds : le mouillage ne suffit plus pour des navires qui peuvent atteindre, désormais, 200 toneles.
21Autre facteur décisif, les débuts, autour de 1540, de l’expérience Alvaro de Bazan. Le grand capitaine s’est vu confier entre Gibraltar et Fontarabie la garde de la mer du Ponant21. Il dispose, à cet effet, d’une galéasse de 800 toneladas, une autre de 1 200 toneladas serait en voie d’achèvement dans les chantiers de Bilbao, et l’on prétend, en 1540, que deux galions jaugeant ensemble 1 300 toneladas entreront bientôt en fonction. Les chiffres sont vraisemblablement exagérés. De toute manière, il s’agit d’un système beaucoup plus généreux que celui du xviie siècle. On cède facilement au mirage. Les exemples ne manquent pas. Notre source, d’ailleurs, n’est pas des meilleures. Les navires des premières armadas, enfin, d’Alvaro de Bazan, sont sur les marges mêmes de la Carrera : leur fonction est étroitement militaire, et s’ils sont amenés à faire du transport — ils en font — c’est entre les deux Espagnes, celle du Sud et celle du Nord. En aucune manière, à cette époque encore, l’armada d’Alvaro de Bazan ne peut être considérée comme partie intégrante du matériel naval de la Carrière des Indes22. On peut, néanmoins, y voir un signe prémonitoire de la révolution du grand navire. Au même dossier encore, une lettre de Saint-Domingue du 17 août 154023 qui signale les exploits d’un nave corsaire anglaise de 400 toneladas. Appréciation au jugé, certes et complaisante. Il s’agit de grossir le danger et, éventuellement, d’excuser. Le navire, d’autre part, même réduit à de plus justes mesures, est aussi marginal que ne le sont ceux de l’armada de Bazan. Mais on n’aurait guère songé, quelques décennies plus tôt, à lancer semblables appréciations, par simple crainte du ridicule. De tels indices — ils valent peu, individuellement, mais ils valent par leur nombre — ont servi à la modification des appréciations du tonnage unitaire. Mais c’est surtout la masse beaucoup plus considérable, au cours de ce second cycle primaire 1537-1544, des connus directement et indirectement qui a permis d’étayer plus solidement notre connaissance24.
22On a porté en 1534, à 120 toneladas, au lieu de 110 l’appréciation de navires dont la destination ou la provenance n’est pas connue et dont on n’a pas trace avant cette date25. En s’autorisant de l’avertissement de Fray Tomas Berlanga on a porté l’appréciation des navires faisant le trafic de Nombre de Dios ou de La Vera Cruz à 140 toneladas au lieu de 120, tout en maintenant à 110 toneladas, l’appréciation du matériel des îles. En 1536, on passe respectivement pour les évaluations mobiles à 130 et à 150. Le galion connu indirectement est évalué à 180 toneladas, toutes les autres équivalences sont maintenues. Le danger — on s’est efforcé de l’éviter — résidait moins dans un risque d’oubli du gonflement du tonnage unitaire que dans une surestimation du rythme d’une évolution peu douteuse. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, la lourdeur du volant constitué par le stock des navires. La vie du navire dans la Carrera s’établit en moyenne, entre 10 et 15 ans au moins, comme il est possible de le calculer avec une certaine précision pour les périodes postérieures. Dans ces conditions, la substitution ne peut se faire que lentement, au rythme des remplacements et de la croissance, sans même faire entrer en ligne de compte le frein des. traditions, particulièrement solides dans le monde de la mer.
23On saisira, donc, avec un peu plus de précision, au cours de cette période, dans sa seconde partie surtout, le mouvement global du trafic.
3. Nature du navire
24On note, parallèlement, une très légère amélioration dans la connaissance même du matériel naval utilisé. Pour 842 navires en Allers, 579 en Retours et 1 421 navires en Allers et retours, les navires connus d’une manière plus précise sont au nombre, respectivement, de 52, 45 et 97, soit 6,8 % de l’ensemble26. Ce progrès encore bien faible, certes, paraîtra plus sensible, si l’on tient compte du fait qu’à l’exception de cinq navires dont la nature est connue en Allers de 1532 à 1537, au cours de la première fluctuation primaire la nature exacte de 92 navires est connue au cours de la seconde fluctuation 1537-1544, 47 en Allers et 45 en Retours, soit environ 10 % du total27. Ces navires dont la nature est connue, mieux que par l’insuffisante alternance des termes nao et navío, sont : 4 galères, 20 caravelles et 28 galions, en Allers, 24 caravelles, 20 galions, 1 nave génoise en Retours, soit, au total, 4 galères, 44 caravelles, 48 galions, une nave génoise. Il ne faudrait pas se leurrer sur la valeur de tels résultats, toutefois une constatation importante s’impose : la modification profonde du rapport : caravelles-galions, entre la fluctuation 1522-1532 et 1532-1544. Les deux termes peuvent être, à peu de choses près, considérés comme les deux pôles de la construction navale : la caravelle constitue le type de l’ancien, du petit navire, du navire de la découverte et le galion, le type même du gros navire. Dans ces conditions, le rapport caravelle-galion au sein des navires connus risque d’être tout à fait déterminant : de 1532 à 1544, il y a 44 caravelles contre 48 galions parmi les connus : de 1522 à 1532, 48 caravelles contre 4 galions. Quant à la proportion des caravelles par rapport à l’ensemble des navires dont la nature est connue, elle passe de 85,7 % de 1522 à 153228 à 45 % seulement de 1532 à 154429. La proportion des galions par rapport aux caravelles, de 8,3 % à 109 %. Rien ne nous paraît plus sûr, pour mesurer les modifications profondes survenues entre les deux bornes du grand trou documentaire qui va de 1530 à 1538. L’arrivée, de plus en plus massive, des galions dans la Carrera est un signe certain de l’ampleur de la modification du tonnage unitaire du navire30, un signe de la transformation rapide du stock des navires, de l’élimination progressive des petits navires de la découverte et des îles au profit de plus gros bâtiments.
25On chercherait vainement encore, par contre, des renseignements sur l’âge des navires. Les équipages sont connus pour 6 navires seulement, 3 complètement et 3 incomplètement, de l’Armada du Capitaine Général Garcia de Escalant31. Tout cela reste encore bien approximatif et grossier.
5. Directions et provenances
26La grande mutation dans notre connaissance de la ventilation du mouvement se situe exactement à la fin de la période et précède de plusieurs années l’adjonction des directions et provenances aux listes du Livre de Registres. Tables des répartitions fondamentales32 et, surtout, tables de répartitions semi-décadaires des Allers, Retours et Allers et retours33, entre la Nouvelle Espagne, les îles, la Terre Ferme34 et les Indes non spécifiées, montrent, en effet, que le grand tournant, dans ce domaine, se prend en 1538 : directions et provenances reconstituées et non reconstituées s’équilibrent sensiblement au-delà de cette date. Pour les Allers, les directions non spécifiées (Indias) représentaient 59,13 % dans la demi-décade 1521-1525, 79,92 % de 1526 à 1530, 93,37 % de 1531 à 1535, 61,86 % de 1536 à 1540 et 34,28 % de 1541-1545 ; à cette date, le cap est doublé, au-delà, le pourcentage s’amenuise jusqu’à disparaître. Pour les Retours, les proportions entre provenances non spécifiées et provenances spécifiées sont, respectivement, de 69,76 %, 68,75 %, 95,10 %, 56,41 %, 30,70 % et 14,36 % de 1546 à 1550. Là aussi, le cap est doublé à la même hauteur, d’une manière presque plus décisive encore. Les Allers et retours, enfin, sont, bien entendu, en position intermédiaire : 62,82 %, 75,97 %, 93,99 % et 59,79 % (1536-1540), 32,74 % (1531-1545), 15,81 % (1546-1550).
27Cette amélioration très sensible de l’approche du mouvement à partir des années 1537-153835, entendez au début de la seconde fluctuation primaire du cycle 1532-1544, coïncide, précisément, — cette rencontre lui donne plus de prix encore — avec une des plus graves mutations structurelles de l’Atlantique espagnol et hispano-américain, le passage d’un trafic à prédominance insulaire, avec tout ce qu’il implique à un trafic à prédominance continentale.
6. Séries nouvelles
28Au cours de cette période, à partir de 1540 et de 1544, de nouvelles séries vont naître. Il faudra, concurremment aux autres, les soumettre à l’analyse. Source de difficultés, peut-être, mais source d’enrichissement, aussi.
29Les premiers linéaments du mouvement en valeur commencent en 1540, avec l’almojarifazgo de la Vera Cruz. Or, à partir de cette date, le mouvement de la Vera Cruz représente, en volume, bon an mal an, 35 % de l’ensemble du mouvement et en valeur, sans doute au moins autant36.
30A partir de 1544, enfin, on dispose annuellement et jusqu’en 1572, du mouvement détaillé de l’ensemble du port de Nombre de Dios, la clef de l’Amérique andine : mouvement avec l’Espagne et avec le reste du monde.., en nombre de bateaux et en valeur37.
31Pour le détail des marchandises, par contre, et en dehors des métaux précieux dûs au patient labeur de EJ. Hamilton38, il faut encore se borner aux seuls éléments essentiellement qualitatifs de l’échantillonnage de quelques cargaisons types39.
7. Les prix
32Les données concernant les prix ont, durant cette période, accompli des progrès sensibles mais non décisifs.
33De 1532 à 1544, les séries Nouvelle Castille, Vieille Castille-Leon, Valence, sont désormais, complètes40. La série andalouse, par contre, est tout à fait insuffisante, encore, puisque, pour ces douze années, elle ne compte que trois indices annuels calculés et ces indices n’incorporent qu’un nombre restreint de produits41. Données médiocres, mais suffisantes, certes, au prix d’un peu de bonne volonté, pour tenter, à coup plus sûr que dans les périodes précédentes, l’ébauche d’une conjoncture.
PHYSIONOMIE DE LA PÉRIODE
34L’importance des douze années qui vont de 1532 à 1544 n’échappera pas. Même si on contestait la réalité d’une fluctuation cyclique globale sur l’ensemble. La période 1532-1544 est — on l’a vu — formée par deux fluctuations primaires, 1532-1537, 1537-1544, qui se détachent avec une absolue netteté. Leur réalité objective, seule, est incontestable. Le lien organique entre elles, plus ténu, est, par contre, discutable. Cette fluctuation de douze ans est la plus mal constituée de toutes les fluctuations en gros décennales jusqu’ici discernées. Cette incohérence est, en fait, l’expression, entre autres, des grandes transformations structurelles, apportées notamment, par l’entrée en jeu effective du continent américain tout récemment saisi.
1. Justification du découpage 1533-1544
35Le découpage 1532-1544 commode pour des raisons d’homogénéité, à l’intérieur d’un flux où prévaut un large cycle, en gros, plus que décennale, ne se justifie pas, quand même, par sa seule commodité.
36a. Chiffres absolus. — Certes, si l’on se borne, par exemple, aux chiffres absolus des creux de 1532, 1537 et 1544, il n’y a pas de raisons, apparemment, valables d’établir entre eux une hiérarchie, de préférer 1532 et 1544 à 1537, d’en faire les deux creux majeurs, encadrant d’un cycle plus important un creux mineur marquant simplement les limites internes de deux fluctuations primaires.
37Pour le mouvement Retours42, par exemple, 1532 est, on s’en souvient, une pointe relative sur un long palier bas qui va de 1530 à 1534 — on en verra, ailleurs, les raisons profondes — 1530, 33 navires et 3 630 toneladas, 1531, 32 navires et 3 520 toneladas, 1532, 39 et 4 290, 1533,34 et 3 740, 1534, 35 et 4 010 toneladas : soit en moyenne sur 5 ans un mouvement très bas de 34 à 35 navires et de 3 838 toneladas. 1537 est aussi creusé avec 28 navires et 3 900 toneladas. Toutefois, la vague rapide ne dure pas, encadrée entre les 67 navires et 3 460 toneladas de 1536 et les 39 navires et 5 010 toneladas de 1538. Le creux de 1537, en ce sens, sur le mouvement Retours, est moins accusé, même si on se borne à faire entrer en ligne de compte les seuls chiffres absolus, que le creux initial de 1530-1534. Celui de 1544, par contre, — encore qu’étalé sur trois ans : 1543 : 57 navires et 7 530 toneladas, 1544 : 50 navires et 6 770 toneladas, 1545 : 45 navires et 6 930 toneladas — est, sans conteste, moins affirmé que le creux précédent de 1537. Dans ces conditions, on pourrait hésiter et préférer 1537 à 1544 comme point de départ d’une fluctuation majeure, s’il n’y avait, par ailleurs, des raisons décisives.
38Le mouvement Allers43, le plus important, par contre, se prête, sans hésitation, même en ayant recours aux chiffres absolus seulement, à une interprétation cyclique globale dans le cadre plus que décennal des années 1532-1544 : 3 fluctuations primaires : 1532-1535-1536, 1536-1540-1541, 1541-1542-1544, qui n’en font que deux, 1532-1536, 1536-1544, dans l’exacte mesure où — on le verra —, 1541 n’est qu’une respiration mineure imputable à des conditions extra-économiques, de l’ordre de 15 et 20 % par rapport aux positions des années encadrantes, 1540 et 1542. Cette situation est encourageante, puisque, on le sait, le mouvement Allers est presque toujours le mouvement moteur du trafic.
391537, en effet sur le mouvement Allers, n’est qu’un creux relatif comparé aux creux encadrants de 1532 et 1544 : 56 navires, 7 290 toneladas (encadrés par les 84,63 navires, 11180 et 8 290 toneladas des années 1536 et 1538) — 1532 est plus creusé, avec 44 navires et 4 480 toneladas (entre 57 et 60, 6 430 et 6 610 toneladas), 1544 d’une manière presque comparable avec 29 navires, 5 005 toneladas (entre 75,10 685 toneladas et 97,13148toneladas). La seule objection grave que l’on puisse faire à la précellence du creux de 1544 est son caractère accidentel. Raboté, toutefois, le mouvement des Allers de 1543 à 1547 forme un palier étalé faiblement en contrebas.
40Le rapport Allers-Retours44 joue également en faveur de l’importance toute particulière des creux de 1532 et 1544. Les Retours forment en 1532 46,99 % du mouvement, 57,50 % en 1544, soit dans l’un et l’autre cas, une forte anomalie positive des Retours.., 34,85 % seulement en 1537. Or, une forte proportion des Retours dans l’ensemble du mouvement constitue un signe taon douteux de perturbation conjoncturelle majeure.
41Enfin, sur le mouvement global Allers et retours45 dont les caractéristiques sont toujours intermédiaires entre le mouvement Allers et le mouvement Retours, bien que plus proche des Allers que des Retours, la situation sera un peu moins favorable à la fluctuation majeure que sur les Allers, plus, toutefois, que sur les Retours. Dans la hiérarchie, en chiffres absolus, des creux, 1532 vient incontestablement en tête, non seulement parce qu’il est très déprimé, 83 navires, 9 130 toneladas, mais aussi parce qu’il est encadré de deux mouvements médiocres, 1532 avec 89 navires et 9 860 toneladas, 1534 avec 121 navires et 14 170 toneladas. 1537 et 1544, par contre, sont sensiblement équivalents. Le creux de 1544 l’emporte par l’amplitude de l’anomalie négative entendez par le nombre des navires, du moins, 79 seulement contre 84 en 1537, un peu moins creusé, toutefois, correction faite du tonnage, 11 775 toneladas en 1544, 11190 en 1537. Mais le creux de 1537, en chiffres absolus, du moins, est incontestablement mieux encadré que celui de 1544. 1537 tombe plus brutalement, certes, que ne le fait 1544 : de 151 navires à 84, de 132 navires à 79, de 19 640 toneladas à 11190, de 18 215 à 11 775. La remontée, par contre, est beaucoup plus brutale après 1545 qu’elle ne l’est après 1537, 142, 144, 159 navires, 20 078, 19 400, 21 895 toneladas... en 1545, 1546, 1547 d’une part, 102, 115, 126 navires, 13 300, 14 970, 16 520 toneladas..., en 1538, 1539, 1540, d’autre part.
42b. Moyennes mobiles. — On pourrait donc, en se bornant aux chiffres absolus, raisonnablement hésiter à établir une hiérarchie entre les creux de 1537 et 1544. Mais, si l’on cherche — comme il se doit — à éliminer la tendance majeure des mouvements par le procédé — entre autres — simple et efficace des moyennes mobiles de 13 ans, la supériorité de la dépression de 1544, sur celle de 1537, ne semblera plus guère douteuse. Le mouvement de 1544 est en Allers, Retours et Allers et retours, à 42,99 %, 81 0155 %, et 58,954 % des niveaux correspondants de la moyenne mobile. 1537 n’était respectivement qu’à 81,83 %, 66,581 % et 76,084 %46 relativement beaucoup plus proche, donc, de la moyenne. Seul, le mouvement Retours apparaît, proportionnellement, plus creusé en 1537 qu’en 1544, mais sur l’ensemble du mouvement, l’accident de 1544 l’emporte largement sur 1537. Il en va de même pour 1532. Élimination faite de la tendance majeure, le creux initial de 1532 est plus important que le creux médian de 1537. C’est le cas des Allers et des globaux Allers et retours, à 63,31 % et 75,58 %, seulement, du niveau de référence, contre 81,83 % et 76,084 % pour 153747. Néanmoins, la dépression de 1544 plus creusée est plus rapide que celle de 1537, à l’exception des Allers et retours, qui l’emportent, de toute manière. Il manque à 1544, malgré ses supériorités sur les mouvements particuliers pris individuellement, un encadrement comparable de points bas.
43La mise en parallèle des moyennes mobiles de 13 ans et de 5 ans — on sait l’intérêt que cette méthode présente pour l’étude de la fluctuation décennale, la moyenne de 5 ans constituant peut-être le meilleur antidote de l’accident politique, maritime et militaire — fournit des arguments en faveur de l’interprétation cyclique de la période de douze ans 1532-1544. On peut comparer, par exemple, les moyennes mobiles de 13 ans et de 5 ans du mouvement global48 exprimé en unités pondérées. La moyenne mobile de cinq ans est en dessous de celle de 13 ans de 1529 à.1533 inclusivement, et de 1542 à 1546 inclusivement. Les deux grands creux cycliques sont parfaitement marqués, sur cinq ans chacun. Entre les deux, de 1534 à 1541, 8 ans. Au cours de ces huit années, à la seule exception de 1539 — influencée, précisément, par l’accident secondaire de 1537 — les moyennes mobiles médianes de 5 ans sont au-dessus de celles de 13 ans49.
44Ce procédé exprime assez bien, graphiquement, la réalité profonde de cette période. Le découpage 1532-1544 ne se justifie donc pas uniquement par des raisons de pure homogénéité. La réalité d’une fluctuation, en gros, décennale est démontrée. Réalité atténuée, dirons-nous, par la profonde dislocation qui marque, en 1537, les limites des deux puissantes fluctuations primaires, mais réalité quand même.
2. Explication profonde de la période. — Une grande modification structurelle, l’entrée en masse du continent
45Il est difficile de ne pas mettre cette dislocation profonde de la fluctuation 1532-1544 en rapport avec les grandes transformations structurelles du moment.
46C’est au cours de cette période de douze années que le continent américain, une Nouvelle-Espagne que le Pérou vient de renforcer, fait son entrée effective dans la Carrera de Indias. Jusqu’en 1520, en effet, de Séville, les Indes — dans la mesure où la ventilation du mouvement peut être saisie50 — se sont confondues avec les îles : 97 % de 1511 à 1515, 93 % de 1516 à 1520, 90 % encore de 1521 à 1525, 80 % de 1526 à 1530. La proportion des directions et des provenances connues51 est trop faible, de 1531 à 1535, pour que l’on puisse en tirer des conséquences valables52. Mais, comparaison établie entre les chiffres de la période antérieure à 1531, et ceux de la fluctuation 1532-1544, il paraîtra hors de doute, que c’est bien à sa hauteur que la grande substitution s’opère.
47Les proportions respectives des directions et provenances fondamentales, élimination faite des indéterminées — elle est, désormais, possible, sans risque —, en Allers : 29,2 % pour les îles, 32,3 % pour la Nouvelle-Espagne, 38,5 % pour la Terre Ferme ; en Retours : 39,6 %, 23,7 % et 38,7 %, et pour les Allers et retours : 34,8 %, 26,6 %, 38,6 %, sont presque déjà des proportions de la période 1550-1650 ; il suffira pour y parvenir d’un tassement de moitié des îles, et d’une légère reprise de la Nouvelle-Espagne par rapport à la Terre Ferme. C’est plus précisément, autour de 1537, autant que les lacunes documentaires permettent d’en juger, que se place le grand changement d’allure. Changement dramatique, qui ne s’est effectué qu’au prix d’un énorme tassement du mouvement des îles, et surtout, d’Espanola.
48Si l’on veut mesurer l’ampleur de ce tassement, de cette « reconversion », il convient de suivre le mouvement probable du trafic des îles53. Le mouvement Allers et retours avec les îles, exprimé en toneladas, s’établit, en gros, de la manière suivante54 : 1506-1510, 22 400 ; 1511-1515, 26 869 ; 1516-1520, 42 360 ; 1521-1525, 33 552 ; 1526-1530, 42 386 ; 1531-1535 (impossible à évaluer)55 et 1535-1540, 20 000 toneladas... tandis que la moyenne du mouvement avec les îles au-delà de ces années se tient approximativement, aux alentours de 25 000 toneladas56. Le trafic avec les îles, pendant que le mouvement global poursuit sa marche en avant à un rythme rapide, grâce à l’adjonction de la Nouvelle-Espagne et de la Terre Ferme, subit en dix ans une réduction en gros de plus de moitié de sa masse. L’importance de la respiration médiane intercyclique des années 1537 doit être mise en rapport avec cet important phénomène. Il dépasse au vrai, le plan conjoncturel, pour retrouver par la conjoncture le plan le plus profond des structures. Les modifications qu’implique ce transfert sont assez importantes pour avoir affecté, semble-t-il, autour de 1537, la nature de la corrélation prix-trafic.
49On assiste, en effet, au cours des douze ans de ce cycle aux contours incertains, à un déplacement spectaculaire du centre de gravité de l’Amérique et partant, de l’Atlantique espagnol. L’ensemble des îles ne représente plus, globalement, que 34,8 % du mouvement, un peu plus que la Nouvelle-Espagne, mais un peu moins que la Terre Ferme, dont le prodigieux dynamisme est responsable, sans conteste possible, de la forte accélération du mouvement global au cours de ce cycle de nette reprise. Le recul plus net encore en Allers (29,2 %, moins que la Terre Ferme, 38,5 %, et moins même que la Nouvelle-Espagne, 32,3 %) qu’il ne l’est en Retour, 39,6 %, contre 38,7 % pour la Terre Ferme et 23,7 %. Cette distorsion — au vrai, structurelle — prouve que beaucoup de navires font encore, sur le chemin du Retour57 une escale dans les îles, et plus particulièrement à Espanola, la vieille terre partiellement déchue, seulement58.
50Dans le bloc des îles, Espanola domine toujours. A l’Aller, par exemple59 92 navires sont connus, comme se dirigeant sur Espanola, dont 82 vers Saint-Domingue, le reste pour des petits ports, tel la Yaguana ou des directions multiples, 5 pour Puerto Rico, 8 pour Cuba, dont 3 pour La Havane et 2 pour Santiago. Espanola, qui a joué, lors de la conquête du continent, le rôle d’une Métropole relais, s’est vidée de sa substance, lors de l’entreprise, elle n’a pas encore été détrônée, pourtant, dans ses fonctions de point de ralliement, sur le chemin des Retours. Au Retour, 112 navires sont connus comme revenant de l’île Espanola.
51Cette proportion anormale — et que l’on retrouvera inversée, bien sûr, dans le cas de la Vera Cruz ou de Nombre de Dios — révèle trois caractéristiques profondes. Le rôle de relais, tout d’abord, déjà souligné, qu’Espanola joue encore, sur le chemin du Retour ; puis la nécessité, pour les navires sur la route de retour de la Nouvelle-Espagne ou, plus encore, du Pérou — pour le moment, exportateur, presque uniquement, de métaux précieux —, de venir compléter leurs cargaisons de grande valeur, mais de faible poids, par des pondéreux de la plus vieille terre coloniale. Enfin, le fait, peut-être, que l’île subit, désormais, un long processus de désinvestissement, à l’encontre de ce qui se passait pour elle, dans les premières décades de son existence, avant que le continent n’entrât en concurrence, quand les Allers l’emportaient alors, normalement, le plus souvent, sur les Retours, en opposition avec le déséquilibre normal qui prévaut dans le trafic avec le continent.
52Cette inversion du rapport Allers/Retours est tout à fait fondamentale. Elle contribue à bien marquer l’importance de la mutation structurelle qui se situe dans le trafic, à la hauteur du cycle brisé. Il y a donc solution de continuité dans le trafic avec les îles. Le trafic Espagne-îles d’Amérique (avec son anomalie positive paradoxale des Retours), après 1537, n’est pas dans le prolongement du trafic Espagne/îles d’Amérique des premières décades du xvie siècle (avec son anomalie négative « normale » des Retours). C’est le continent qui prend le relais, c’est le continent et non les îles, qui se place dans le prolongement des îles anciennes.
53Le mouvement avec la Nouvelle-Espagne ou la Terre Ferme marque, en effet — et c’est normal —, un déséquilibre inverse. Celui de la Vera Cruz San Juan de Ulúa, dont la primauté sur le mouvement de la Nouvelle-Espagne est particulièrement astreignante60 exprime très bien cette vérité : 86 navires, 14 320 toneladas à l’Aller, 68 navires, 10 490 toneladas au Retour. Ces chiffres relatifs, bien sûr, traduisent, pourtant, le déséquilibre naturel entre Allers et Retours, celui d’un trafic avec un pays fortement minier, — l’Española des premières décades, le Continent, désormais.
54Le comportement de Nombre de Dios, dans l’isthme, est analogue, mais le déséquilibre, plus accusé encore — 95 navires, 14 750 toneladas à l’Aller, 65 navires, 10 240 toneladas au Retour61 —, pour des raisons identiques. Les exportations du groupe Pérou-Terre Ferme devaient, dès cette époque, être constituées, beaucoup plus exclusivement, sans doute, déjà, de métaux précieux que celles de la Nouvelle-Espagne62.
551532-1544, ou plutôt, 1537-1544, c’est l’entrée en jeu de la Terre Ferme ; elle commande l’expansion, elle installe, désormais, l’ensemble du mouvement sur un palier supérieur. C’est elle qui enlève la seconde fluctuation primaire. On comprend, dans ces conditions, la forte autonomie de chacune des deux fluctuations primaires, puisque, au terme de ce cycle tourmenté, la Carrera débouche sur des structures nouvelles.
II. — LA PREMIÈRE FLUCTUATION PRIMAIRE (1532-1537)
56Il est impossible, apparemment, d’imaginer fluctuation primaire plus nette et plus parfaite que celle observée sur les trafics, entre le creux de 1532 et celui de 1537, d’une dissymétrie accusée et normale en période d’expansion longue : 4 ans d’expansion sur les Allers et les Allers et retours, 3 ans sur les Retours ; une année seulement de contraction, mais profondément creusée.
LE CREUX DE 1532
57Le creux de 1532 — on s’en souvient — est situé, dans l’ensemble, au centre d’une dépression, profonde, générale et étalée63. 1530 donne le signal du reflux sur les Retours, par un repli accusé de 23 à 24 %, le pourcentage du chiffre vrai à la moyenne passant de 127,822 % à 86,054 %. 1531 fait de même pour les Allers et, d’une manière atténuée, pour les Allers et retours : repli sur les Allers de 21 à 22 %, le pourcentage du chiffre vrai à la moyenne passant de 113,20 % à 83,093 %, pour les globaux, repli de 19 % et pourcentage d’écart de 103,76 % à 82,01 %.
58Au-delà, le mouvement continue sur les Allers, la dépression se creuse vigoureusement. De 1531 à 1532, la pente ne se ralentit pas relativement, elle s’accélère même64 : repli de 24 %, accentuation de l’écart à la moyenne de 83,093 % à 63,31 %. Sur les Retours, par contre, elle s’étale sur 5 ans65, de 1530 à 1534 : 86,054 %, 81,9112 %, 95,466 %, 80,499 %, 78,845 % ; 1531 est, en chiffre absolu, le point le plus bas, 1533 et 1534, relativement à la moyenne, les points les plus creusés. Le mouvement Retours ne représente, alors, qu’une fraction assez faible du mouvement global ; à la seule exception de l’année 1532, pour laquelle les Retours atteignent 46,99 % ; pour les années 1530, 1531, 1533, 1534 et 1535, ils n’excèdent pas 29,93 %, 35,70 %, 36,14 %, 27,40 % et 36,04 % du mouvement d’ensemble. Profond déséquilibre comparable au déséquilibre des années 1523-1528... et qu’il faut mettre, vraisemblablement, en rapport avec la conquête du Pérou. Chacune des grandes poussées de la conquête a été marquée — on l’a vu —, par un recul considérable du mouvement Retours sur les Allers. On l’imagine sans peine. Les périodes de conquête ne sont-elles pas des périodes d’investissement et, par conséquent, de voyages sans retour ? La conquête de l’empire des incas par les fameux compagnons de Panama est, vraisemblablement, une des causes de cet étalement du mouvement Retour sur un palier bas — 35 navires (environ) annuellement de 3 500 à 4 000 toneladas — étalement tel qu’il retarde, par son incidence sur les Allers, la reprise conjoncturelle du mouvement global.
59L’année 1532, — curieuse en soi — correspond, en Retour, à un léger accident positif : 39 navires, 4 290 toneladas. Récupération partielle, peut-être, de l’anomalie positive de 1530 sur le mouvement Allers, bouchon dû sans doute aussi, à la gêne d’une petite course persistante dans l’Océan. Elle provoque un écoulement saccadé Ouest-Est. Cet accident légèrement positif des Retours, joint au creux puissant des Allers, explique la proportion anormalement forte des Retours par rapport au mouvement Allers, 46,99 % contre 53,01 %. Signe non équivoque, on le sait, de creux conjoncturel et de renversement de la conjoncture décennale.
60On a déjà souligné combien la corrélation prix-trafic, n’était, ici, ni simple, ni évidente. Il semble bien que des bouchons et des phénomènes de récupération se sont produits du fait de la guerre et de la course prolongée au-delà du terme légal66. Le creux dépressif de 1532, devrait, logiquement, se manifester en 1531. On est en présence, en effet, d’un cas de covariation négative, normal au cours de ces premières décades. Aux prix records de 1530-153167 : 56,78 et 57,06, 107,891 % et 107,8027 % de l’indice vrai à la moyenne, correspond le creux des Allers de 1531-1532, 83,093 % et 63,31 % dans les mêmes conditions. 1532, toutefois, bien qu’en recul sur les prix-argent, 54,99 et 102,8811 % reste accroché à un niveau très élevé. Les prix anormalement hauts de 1530 et 153168, peuvent être considérés comme responsables du creux des Allers de 1531 et 1532, dans la mesure où ils ont, vraisemblablement, gêné les exportations de produits alimentaires en direction du Nouveau Monde. Reste à comprendre cette localisation, en 1532, du creux du trafic un peu tardif, peut-être : mais les prix espagnols, bien qu’en retard, restent élevés, et les Retours, depuis deux ans, sont anormalement bas, sous l’effet de la conquête du Pérou69. La faiblesse des Retours a pu, à la longue — et ce serait, à la rigueur, une explication du creux de 1532 — avoir un effet dépressif sur les Allers.
61Certains échos de fraude ne sont peut-être pas sans lien avec le creux des années 1532, 1533 : les périodes de difficultés conjoncturelles du trafic ne sont-elles pas toujours marquées par des phases de tension entre marchands et organes de la fiscalité ? La cédule du 14 août 1532 fait état de frottements, à Cuba, autour de l’almojarifazgo70. Mêmes difficultés, encore, dans les premiers mois de 1533, à travers des textes cités du 7 et du 16 février71 et dans les derniers mois de 1532, où l’on retient un cas grave de fraude au Monopole par le Portugal, sur le chemin de Retour72. Ces plaintes apparaissent juste au cœur d’une contraction dont on a pu, ailleurs, mesurer l’ampleur. Rien de plus naturel. La fraude, est moins cause que conséquence d’un creux du trafic, dont elle est un réactif pour l’historien. Les oppositions — elles existent de tout temps, en contraction comme en expansion — sont d’autant plus violentes que la tension conjoncturelle est plus aiguë.
LA REPRISE (1533-1535)
62La reprise s’annonce timidement encore avec l’année 1533. En 1533,60 navires, 6 610 toneladas partent d’Espagne en direction du Nouveau Monde : le déclenchement est de 26 %, la pente, sensiblement plus raide que dans la descente73, très imparfaitement symétrique de 1531 à 1532. De 1533 à 1534, la pente s’accentue encore légèrement : entre les 86 navires et 10 160 toneladas du mouvement Allers de 1534 et les 60 navires et 6 610 toneladas de 1533, la pente ascensionnelle est de 34 % environ74, l’accroissement de 1532 à 1534, de 115 %, très supérieur aux 75 % du recul semblable de 1530 à 1532-1534, est en expansion de 26 % par rapport à 1530. Le mouvement Allers s’installe, ensuite, sur un palier biennal, 86,85 et 84 navires et pourtant, compte tenu du lent accroissement du tonnage unitaire, 10 160, 10 090, 11180 toneladas, soit un accroissement, mais de moins de 10 % seulement entre 1534 et 1536.
63La reprise est donc rapide sur le seul mouvement Allers. Les pourcentages du mouvement à la moyenne en témoignent : 63,31 % en 1532, 84,16 % en 1533, 120,006 % en 1534, puis le plafonnement, 120,75 % et 127,85 % en 1535 et 1536. Elle paraît en corrélation avec les hauts prix de 1529-1531, suivant un processus maintes fois décrit. Ce sont les bénéfices de l’entreprise et notamment, de la grande entreprise foncière andalouse, que l’on retrouve investis, trois et quatre ans plus tard, entre 1533 et 1536, dans la poussée correspondante du trafic Aller, d’autant plus fructueusement qu’ils s’investissent dans un cycle de bas prix, et, suivant toute vraisemblance, d’abondance agricole..., avec l’avantage supplémentaire d’exercer une action contracyclique régularisatrice.
64En effet, entre 1532 et 1533, la dépression est sensible sur l’ensemble des prix espagnols : de 54,99 on passe à 51,36 ; 1534 remonte, avec 53,8, tout en demeurant en dessous de la moyenne 99,0246 % contre 94,1992 %, l’année précédente75. Cette remontée est, peut-être, imputable, simplement à un accident propre à la courbe nouvelle castillane76. 1535, par contre, au cœur du palier triennal des hauts mouvements d’Allers, constitue un creux des prix relativement le plus accusé de tout le siècle77. La règle de la covariation négative joue, pour la dernière fois avec une précision presque caricaturale.
65D’autres facteurs, bien sûr, sont entrés en ligne de compte. Mais on manque d’éléments pour les mesurer. Au premier chef, peut-être, l’attrait du Pérou78. C’est à la fin de 1533, peut-être même avant, que les échos de la prodigieuse rançon d’Atahualpa sont parvenus à Séville79. Ces nouvelles ont pu alimenter la flambée des Allers en 1534.
66La reprise est sensible, tout d’abord, exclusivement ‘sur les Allers. On le conçoit sans peine. Le Pérou attire, mais ne peut rendre encore. Il peut, par la séduction de ses promesses, avoir un effet psychologique d’expansion en Allers, qui ne se répercute pas, immédiatement, sur les Retours. Cette expansion — une certaine détente dans l’Atlantique, depuis que la course française80 se tourne avec prédilection contre le Portugais, n’y est pas étrangère — d’autant plus rapide qu’elle a été plus longtemps, artificiellement différée, s’accompagne de quelques symptômes qui ne trompent pas. Saisis clairement pour la première fois, ils apparaîtront désormais, tout au long de l’exposé, en circonstances analogues, comme réactif infaillible de l’expansion.
67Ce signe d’expansion, c’est l’essoufflement de l’armement derrière les exigences du négoce. On lui a donné nom : crise de tonnage81. Plusieurs indices, au cours de ces années, permettent de la saisir. L’intrusion, par exemple, en 153482, des marins étrangers dans la Carrera — on la subit, mais on s’en plaint. Le manque, aussi, de pilotes diplômés83. En 1534, à Séville, la demande de navires est telle, qu’on vient, de toutes parts, y vendre de vieux navires hors d’usage, du moins fatigués. D’où la lourdeur des pertes84. En 1534, Séville est un centre européen d’armement cher. Symptôme de la période du redressement le plus violent du trafic ? Les navires sont surchargés, les ponts, tellement encombrés que la manœuvre n’est plus possible85, les gaillards avant et arrière, recouverts, les équipages, incomplets. Les « passe volants » fleurissent, lors des visites de la Casa de la Contratación86. Certes, ces abus ne sont pas propres à l’année 1534, mais il n’est pas indifférent, qu’ils soient dénoncés cette année même. Symptômes analogues en 153587. Le Roi donne des ordres à la Casa pour que le rythme de rotation des navires ne soit pas ralenti par les vérifications des registres88. Qu’on les envoie sans tarder à San Lúcar. Les gens de mer sont en position de force, il ne faut pas se les aliéner : une cédule du 12 avril fait interdiction aux almojarifes de Cádiz, Puerto de Santa Maria, Rota et San Lúcar, de lever des droits d’almojarifazgo sur la pacotille des marins allant aux Indes. La poussée est telle que, Séville, à son grand dam doit partager avec Cádiz le droit de fréter des bâtiments en direction des Indes. Non sans protester89, non sans que la Casa de la Contratación ne s’ingénie à en limiter la portée.
68La crise du tonnage est d’autant plus aiguë, que le retard anormalement accusé du mouvement Retours vient s’ajouter à la brusque expansion du trafic Allers90. Il représente 36,14 % du total en 1533, 27,06 % en 1534 et en 1536, quand, pourtant, le signal de la reprise a déjà été donné et l’ascension des Allers, bloquée (36,06 % encore). La rotation se fait mal, les Indes jouent à plein le rôle de cimetière de navires91 et de pompe à investissements. L’approvisionnement des Allers, dans ces conditions, s’avère des plus difficiles. L’adjonction nécessaire de navires nouveaux dans la Carrera enrichit, au bout de trois ans, de 45 à 50 navires le mouvement annuel. Les Indes jouent ce rôle d’autant mieux que les carcasses de navires sacrifiés constituent, on le sait, un excellent mode d’approvisionnement en biens d’équipement divers absorbés par la conquête, et que la mauvaise qualité, la vétusté du matériel attiré par la cherté conjoncturelle, le rend particulièrement inapte à un service prolongé : navires tout désignés pour alimenter en al traves les « chantiers » (le mot est prétentieux) de démolition et de récupération de la côte américaine. Les Retours de la première conquête, essentiellement métalliques, pèsent trop peu pour exiger un armement encombrant.
69Il faut deux ans, pour que les Retours empruntent la même voie que les Allers ; 1535 est, en quelque sorte, le symétrique, au Retour, de 1533 à l’Aller. Le mouvement Retours sort seulement du marasme, avec 47 navires, 5 690 toneladas, contre 35 navires et 4 010 toneladas soit une progression de plus de 40 % — le déclenchement symétrique des Allers en 1533, n’était que de 26 %92 1536, avec 67 navires et 8 460 toneladas, marque un déclenchement de quelque 48 %, nettement supérieur également à son symétrique sur les Allers de 1534 (34 % seulement). Le mouvement Retours passant de 34 navires à 67 navires, de 4 010 à 8 460 toneladas, a réalisé en deux ans une progression, de 111 à 112 %, comparable à la pente que les Allers ont mis quatre ans à gravir. 1536 est l’année de rencontre des trois points d’expansion maximale de la fluctuation courte du trafic, Allers, Retours et globaux, Allers et retours. De 1534 à 1536, sur les pourcentages, par rapport à la moyenne, on passe de 78,845 % à 166,622 %, par l’intermédiaire d’un 107,113 %. Le mouvement Retour qui totalisait 27,06 % du mouvement global en 1534, en constitue 45,30 % en 1536, soit très exactement, la place occupée en 1532 lors du creux initial : 46,99 % — Cette pointe n’a jamais été égalée ; elle ne le sera pas — et de justesse — avant 1541. Une telle poussée n’est compréhensible qu’à condition de faire une large place à un puissant effet de récupération.
70Les Retours de 1536 furent, sans doute, longtemps différés au cours des années précédentes, ou précipités par la crainte de la reprise officielle des hostilités avec la France. Ils ne sont, peut-être, pas sans influence sur la pointe Allers de 1536. Aucune plainte, en effet, ne nous est parvenue en 1536, comparable à celles de 1534 et de 1535, sur la cherté du tonnage et les difficultés à s’en procurer. Sur les prix, 1536 est, en covariation négative, moins favorable que ne l’était 1535. La forte poussée des Retours différés aura contribué à soutenir, en 1536, un mouvement Allers plus fort, peut-être, qu’il ne l’eût été normalement ; la facilité à se procurer du tonnage compensant en quelque sorte, la reprise des prix.
71Le mouvement global, résultant d’une double expansion déboîtée de deux ans, s’exprime par une montée graduée, étalée sur quatre années. Entre 1532 et 1536, le déclenchement est de 115 %, comparable à celui observé en Allers, entre 1532 et 1534 (ou 1536), en Retours, entre 1534 et 1536, mais la pente est réduite de moitié par l’étalement et la montée régulière. Le déclenchement faible, de 1532 à 1533,12 % (de 83 à 94 navires, de 9 130 à 10 350 toneladas), assuré par les Allers, seulement et contrecarré par le léger tassement des Retours, est plus fort, par contre, entre 1533 et 1534, 35 %, déterminé encore par le déclenchement des Allers. Il est à nouveau faible, de 1534 à 1535, assuré désormais par le seul mouvement des Retours, avec un léger tassement des Allers. Les Retours ne représentant, en gros, qu’on bon tiers du global, le déclenchement de 40 % du mouvement Retours se traduira, sur le mouvement global, en un déclenchement de 13 %, seulement, sensiblement égal à celui observé deux ans plus tôt (de 121 à 132 navires, de 14 170 à 15 780 toneladas).
72De 1535 à 1536, le déclenchement est de 25 % (de 132 à 151 navires, de 15 780 à 19 640 toneladas), symétrique de celui de 1534, assuré par la prodigieuse poussée du mouvement Retours.
73Les Allers et retours présentent donc un beau mouvement continu étalé sur quatre ans, avec deux étages en pente douce et deux étages en pente raide, résultante de l’épaulement des deux mouvements déboîtés des Allers et des Retours.
LA DESCENTE ET LE CREUX MÉDIAN (1535-1537)
74Entre 1536 et 1537, cette belle et fragile prospérité s’écroule d’un seul coup93. La descente est rapide et simultanée, sur les Allers et sur les Retours. Sur les Allers — on passe de 84 à 56 navires, de 11180 à 7 290 toneladas — le repli brutal, de plus d’un tiers, ramène le mouvement à des périodes intermédiaires entre celles de 1533 et de 1534, plus proches de 1533 que de 1534. Il est infiniment plus brutal encore sur les Retours : simultanéité troublante, puisque, le mouvement Retours, à l’ordinaire, est décalé par rapport aux Allers, — il l’était même de deux ans dans la première moitié du cycle. Avec 28 navires et 3 900 toneladas, on est, à peine, à plus de 40 % du chiffre de 1536. L’écart Aller-Retour s’en trouve accentué — on dira plutôt qu’il redevient normal — passant de 53,70 % — 45,30 % en 1536 à 65,15 % — 34,85 % en 153794. Le mouvement global, naturellement, a un comportement intermédiaire, plus proche des Allers, toutefois, que des Retours, passant de 151 navires et 19 640 toneladas à 84 navires, 11190 toneladas, en 1537.
75Ce creux est étonnamment accusé, au point de faire presque légitimement douter de la réalité d’une fluctuation décennale englobant l’ensemble des deux fluctuations primaires. D’autant que la remontée, au-delà de cette date, reste lente et hésitante et ne peut s’expliquer que par une série concordante de circonstances.
76L’effet dépressif, naturel, des prix, dont la croissance tendancielle paraît stoppée depuis le grand déclenchement des années 1529, 1530, 1531. L’incidence, tonique à court terme, de l’anomalie négative courte des prix de 1535, comme stimulant à l’exportation, abolie. La reprise nette, par contre, de la croissance tendancielle sur l’ensemble des prix en 1536 et 153795, dont on sait que l’effet tonique à moyen et à long terme est dépressif, d’abord, à court terme. Une fin de cycle normale en covariation négative.
77Certes, mais... si on peut rendre compte ainsi, du creux par le simple recours aux facteurs économiques naturels internes, on justifiera ni son ampleur, ni, peut-être, non plus, son exacte localisation. C’est en 1536 que les prix espagnols, d’après Hamilton, repartent, passant de 89,4717 % à 97,6289 % par rapport à la moyenne ; 1537, autant qu’on en puisse juger, se borne à conserver, pour l’essentiel, les conquêtes de 1536. En léger recul96, en Nouvelle-Castille et à Valence, en progrès continu en Vieille-Castille-Léon. Un décalage d’un an est, d’ailleurs, normal, d’autant plus, on s’en souvient, que, selon toute vraisemblance, les Allers de 1536 ont dû être soutenus par le brusque et éphémère dénouement du mouvement Retours, en cette même année.
78D’autres facteurs interviennent. La guerre reprend — on le sait — pour deux ans, de 1536 à 1538, entre la France et l’empire de Charles-Quint. Elle ne modifiera pas fondamentalement la situation dans l’Atlantique, où le conflit est latent et les opérations se dérouleront, pour l’essentiel, en Méditerranée. Mais la France, au cours de ce premier xvie siècle, est l’ennemi, par excellence. Et la guerre française (psychologiquement, ses effets sont certains) est considérée comme sérieuse, du moins en 1537 : on parle d'armada défensive. Elle aura, vraisemblablement, précipité le mouvement des navires en 1536, plus peut-être au Retour qu’à l’Aller, et paralysé le trafic, par contre, au cours des années 1537 et 1538.
79Le creux de 1537, 1538, 1539 peut, enfin, — troisième et dernier élément d’explication — être légitimement lié à la guerre civile qui oppose, au Pérou, Pizarre et partisans d’Almagro, les conquistadores ennemis97. De 1523 à 1528, sur le mouvement global, — mais ce n’est qu’une présomption, en raison d’une connaissance médiocre, encore, de la ventilation des mouvements98, — la Nouvelle Espagne l’emporte sur la Terre Ferme. De 1533 à 1535, la Terre Ferme prend la tête. La phase ascendante de la première fluctuation primaire est commandée, apparemment, par une poussée consécutive à la main mise sur l’empire incas. De 1536 à 1541, par contre, le mouvement avec la Nouvelle Espagne mène, à nouveau99, tandis que la Terre Ferme, au-delà de cette date, reste en tête et sans interruption, pour 70 ans, au moins. L’apparente victoire de la Nouvelle Espagne résulte moins d’un gain intrinsèque que des malheurs de son principal concurrent. En fait, de 1536 à 1540-1541, on ressent, à Séville, le repli passager du Pérou, dont la mise en exploitation commerciale est gênée par la guerre civile. Le creux des années 1537, 1538, 1539,... n’est-ce pas d’abord un repli de la Terre Ferme facilement explicable par les événements politiques du monde andin ? La conjoncture — autant qu’on puisse le deviner, mais l’indication est précieuse —, semble déterminée, cette fois, par la défaillance du mouvement avec la Terre Ferme.
80Tel nous apparaît, grossièrement ébauché, le faisceau de causes qui rend compte du creux conjoncturel de 1537.
III. — LA SECONDE FLUCTUATION PRIMAIRE (1537-1544)
81Au-delà du creux de 1537, la deuxième fluctuation primaire se dessine, parfaitement individualisée, avec une phase ascendante de quatre ans sur les Retours, de cinq ans sur les Allers et Allers et retours, suivie d’une chute extraordinairement creusée de deux ans sur les Allers et les globaux, moins profonde, mais plus étalée sur trois ans, sur les Retours.
82On ne saurait, en aucune manière, surestimer l’importance absolument primordiale de cette période, puisqu’elle voit, pour la première fois, l’entrée effective et définitive du Pérou dans la vie d’un Atlantique espagnol qui vient de trouver, en gros, ses contours,... et surtout, une modification radicale du rapport prix-trafic. Une modification de cette importance n’est plus de l’ordre de la conjoncture, elle traduit, en fait, une modification capitale des structures les plus profondes.
83Au-delà de 1537, les mouvements Allers, Retours et globaux repartent et vont dessiner une nouvelle fluctuation primaire de sept ans, dont on ne sait trop ce qu’il faut le plus admirer, les ressemblances ou les dissemblances avec la fluctuation précédente.
84Les ressemblances sautent aux yeux ; elles sont troublantes : dissymétrie au profit de l’expansion et au détriment de la contraction, égale altitude des pointes, profondeur presque analogue des creux,... mais tout cela a déjà été dit100. On insistera, plutôt, sur les différences. Un mouvement beaucoup plus étalé : la fluctuation dure sept ans, au lieu de cinq. Les différences des temps portent moins sur la durée de l’expansion que sur la durée de la contraction : une expansion pour les Allers et les Allers et retours de quatre ans, au cours de la première fluctuation primaire, de cinq ans au cours de la seconde (élimination faite du contre courant en Allers de l’année 1541), de trois ans et de quatre ans, respectivement, au cours de la première et de la seconde fluctuation sur les Retours, un temps de contraction beaucoup plus long, par contre, au cours de la seconde fluctuation, un an seulement pour les trois mouvements pendant la première fluctuation primaire, deux ans pour les Allers, les Allers et retours, trois ans pour les Retours, pendant la seconde fluctuation.
LA MONTÉE DES TRAFICS ET DES PRIX. — CORRÉLATION POSITIVE SIMPLE (1537-1541)
85Mais la principale différence, la plus significative est ailleurs, elle réside dans l’existence d’une corrélation positive simple entre les trafics et les prix.
1. Parallélisme des trafics et des prix
86Ce type de corrélation n’est pas nouveau dans la Carrera. Ce qui est nouveau, par contre, c’est la plus grande fermeté et la quasi simultanéité des mouvements liés par un type simple de corrélation que les structures plus anciennes esquissaient déjà. Pour bien saisir cette corrélation, une étude successive des mouvements et des prix s’impose.
87a. Étude des mouvements.
88La montée des mouvements, dans l’ensemble, est beaucoup plus lente, au cours de la seconde fluctuation, qu’elle ne Tétait, au cours de la première. Pour les Allers101, par exemple, entre 1537 et 1538, le déclenchement est de 13 % : le mouvement passe de 56 navires, 7 290 toneladas à 63 navires et 8 290 toneladas, — position intermédiaire entre celle de 1533 et de 1534. Entre 1538 et 1539, le déclenchement est plus faible encore, 8 %, environ, avec 69 navires et 9 000 toneladas, chiffre très inférieur encore à celui de 1534. Entre 1539 et 1540, la pente se redresse un peu, retrouvant un déclenchement de 13 %, et l’on atteint 79 navires, 10 420 toneladas, soit des positions à peu près équivalentes à celles de 1534, en tonnage, sinon en unités. Fléchissement, par contre, en 1541, avec 70 navires et 9 240 toneladas, soit un reflux de 11 % environ qui ramène le volume des départs à un point presque identique à celui de 1539 ; 1542, par contre, reprend sa marche en avant et culmine avec 86 navires, 11 600 toneladas, soit un déclenchement de 25 % par rapport à 1541 et de 11 %, environ, par rapport à 1540. Les précédents records de 1534, 1535 et 1536 sont alors légèrement dépassés en tonnage, du moins. Le cheminement sur les pourcentages des niveaux vrais à la moyenne est analogue102. On passe des 81,83 % de 1537 aux 94,14 %, 95,29 %, 106,82 %, 93,86 % et 114,25 % de 1538 à 1542.
89Les Retours103 suivent, d’abord, de très près les Allers. Du creux de 1537 (28 navires, 3 900 toneladas), on passe par un déclenchement de 30 %, aux 39 navires et aux 5 010 toneladas de 1538 ; les progrès sont plus rapides qu’en Allers, le pourcentage des Retours au global ne passe-t-il pas, d’ailleurs, de 34,85 % à 37,67 %104 ? En 1539, la pente reste forte, 46 navires, 5 910 toneladas, soit un déclenchement de 18 %, et le pourcentage des Retours (39,68 %) s’accroît encore. En 1540, le rythme s’amenuise, le déclenchement est à peine de 2 %, on passe de 46 à 47 navires, de 5 977 à 6 100 toneladas, et la part des Retours rétrograde à 36,92 %. En 1540 et 1541, le déclenchement des Retours est un déclenchement record (45 %) ; on atteint 69 navires et 8 800 toneladas, tandis que, dans le même temps, il y a léger tassement sur le mouvement Allers, les Retours, avec 48,78 % du mouvement global, équilibrent presque les Allers, et 1541 marque, d’ailleurs, le point culminant des Retours, au-delà, il y a repli sur trois années. En pourcentage à la moyenne, l’ascension est aussi régulière, on passe de 66,58 % à 121,88 %, de 1537 à 1541, par les niveaux relatifs respectifs de 82,030 %, 94,603 et 95,0991 % des années 1538-1539 et 1540105.
90Les Allers et retours106 combinent les caractéristiques des deux mouvements, entendez une progression lente, mais régulière et presque sans à-coup. Entre 1537 et 1538, un fort déclenchement de 20 %, sous l’action du double déclenchement des Allers et plus encore des Retours, de 84 à 102 navires et de 11190 à 13 300 toneladas. Entre 1538 et 1539, nouveau déclenchement mais plus faible, de l’ordre seulement de 12 à 13 %, on passe de 115 à 126 et de 14 970 à 16 520 toneladas.
91De 1539 à 1540, nouveau ralentissement, sous l’influence des Retours, de 115 à 126 navires, de 14 970 à 16 520, le déclenchement est à peine supérieur à 10 %. De 1540 à 1541, de 126 à 139, et 16 520 à 18 040, sous la seule poussée des Retours contrecarrée par un tassement des Allers, on note un déclenchement de 9,5 % environ, et de 1541 à 1542, de 139 à 146, de 18 040 à 19 470 toneladas, sous la seule poussée des Allers contrecarrée par les Retours, un déclenchement de 7,5 % seulement. Un fragment de parabole a été dessiné. Cette admirable régularité, on la retrouve dans les pourcentages des niveaux vrais à la moyenne107 : 76,084 % en 1537, 89,534 %, 95,97 %, 100,77 %, 106,08 % et 110,12 % en 1542.
92Telle est, entre 1537 et 1542, l’allure générale du mouvement. Elle cadre admirablement avec ce qu’on sait des prix, mais, fait nouveau, cette concordance se traduit sous la forme d’une covariation positive simple, pratiquement synchrone... La constatation serait, peut-être, de faible portée, si cette covariation n’était pas appelée à prévaloir, le plus souvent désormais, tout au long de l’histoire de l’Atlantique hispano-américain. Cette seconde fluctuation primaire des années 1537 1544, dont on a apprécié, ailleurs, la belle venue, est donc, vraisemblablement, l’expression de transformations graves qui affectent les structures des rapports au sein du couple prix-trafic. On en verra, plus tard, les modalités. On s’efforcera de les expliquer et d’éclairer, en partant des aperçus qu’elles ouvrent sur l’ensemble du trafic. Il suffira, pour l’heure, de préciser la marche du couple prix-trafic.
93b. Étude des prix. — 1535 est, pour les prix, le creux, par excellence ; 1536, marque une reprise, 1537, par contre, est partout en recul, sauf pour l’espace Vieille-Castille-Léon. Que 1535 ait commandé une pointe de trafic, la concordance était parfaite, — on s’en est expliqué — rien que de très normal dans l’hypothèse d’un mouvement d’exportation en direction de l’Amérique, portant, essentiellement, sur des produits agricoles et commandé, plus ou moins, par le grand capitalisme agraire de l’Andalousie. 1536 ne présente pas de difficultés. En 1537, l’impetus de la hausse initiale des prix des années 30 est dissipé. — A court terme, 1537 est sur un creux des prix, relatif, certes, mais clair108. Sur les indices généraux des prix-argent pour l’ensemble de l’Espagne, il représente un retrait par rapport à 1536, avec 53,21 contre 53,94, 95,722 %, par rapport à la moyenne contre 97,6289 %. Au-delà de cette date, mouvement des prix et mouvement du négoce Allers sont étonnamment identiques et synchrones. 1538 avec l’indice 57,05 contre l’indice 53,21, se trouve placé sur un déclenchement énorme des prix de près de 4 points, de plus de 7 % ; par rapport à la moyenne, on passe de 95,722 % à 102,2036 %. C’est lui qui met en branle le mouvement du trafic. Le choc se répercute — du moins, apparemment —, tout de suite sur l’ensemble des trafics, en Allers, Retours, Allers et retours. A long terme, il est responsable, sans aucun doute possible, cette fois, de la poussée générale des trafics. Sur ce point, rien de neuf. Un fort déclenchement des prix suivi d’une consolidation commande, normalement, le mécanisme d’expansion des cycles primaires du trafic. Or c’est bien, en très gros, ce que signifie, sur les courbes des prix de Hamilton, cette année motrice de 1538.
94Mais, et c’est là où réside l’originalité profonde de la conjoncture nouvelle — la grande antériorité du mouvement des prix disparaît. Le mouvement Allers, suivi des Retours et des globaux, part en même temps que les prix. 1538,1539, 1540 forment un plateau : 57,05, 56,41, 58,20, 102,2035 %, 100,4272 %, 101,748 % de la moyenne. Appuyés sur lui, les trois trafics montent, poussés, en quelque sorte, par l’énergie accumulée dans l’explosion génératrice de 1537-1538. Le synchronisme se fait plus troublant encore. En 1541, un accident rapide, mais profond, se produit sur les prix ; sur la seule série Nouvelle Castille, le creux profond de 1541, à 104,54, est encadré par les indices élevés de 1540 et 1542, 121,25 et 127,45. On aurait pu — en application du schéma, jusque-là utilisé et par la substitution de l’indice calculé de Nouvelle-Castille à l’indice d’Andalousie défaillant — attendre une pointe du trafic Allers. C’est un creux relatif qui se produit, liant prix et trafic aller par une covariation positive simple, parfaitement synchrone. Indice vrai des prix — argent pondérés109, à 96,786 % de la moyenne des prix, trafic Allers à 93,86 % de la moyenne du trafic Allers. L’indice relatif des prix de 1541 est encadré, en 1540 et 1542, par les indices relatifs de 101,748 % et 102,18 %, d’une part, l’indice relatif du trafic Allers, 96,786 %, est encadré, respectivement, par les indices relatifs 106,82 % et 114,25 % en 1540 et 1542, d’autre part. Mais le parallélisme se prolonge. En 1542, fougueuse poussée des. prix. On passe de 56,02 à 60,49. Ce déclenchement est comparable à celui de 1538 en amplitude (7 %), mais il n’est pas suivi sur les prix d’une consolidation comparable ; la poussée, confirmée en 1543, est démentie en 1544 et 1545. De 102,10 %, le pourcentage des écarts à la moyenne reflue, rapidement et solidement, à 101,03 %, 97,3748 % et 94,9409 %. Ce caractère est plus net encore sur la marche des prix nouveaux-castillans qu’on a intérêt, en l’absence d’une bonne série andalouse, à associer, pour l’éclairer, au trafic hispano-américain. Après l’indice 127,45 atteint en 1542 et l’indice 104,54, en 1541, une longue pente descendante va de 1542 à 1545, par les indices 124,91, 119,43 et 105,45. Le déclenchement de 1542 n’est donc pas comparable aux deux grands déclenchements moteurs de 1537-1538 et de 1545-1546, dans la mesure où il n’est pas suivi d’une consolidation comparable en pente ascendante. Or, le mouvement Allers monte brutalement110 de 1541 à 1542 (déclenchement de 25 % entre 1541 et 1542 et de 11 % seulement de 1540 à 1542), une fois de plus, il adhère jusque dans ses moindres aspérités au mouvement des prix. Il reflue, ensuite, en 1543, pour s’effondrer en 1544. La chute du mouvement Allers anticipe, donc, et caricaturiste la chute atténuée des prix. Elle reproduit très fidèlement, en l’exagérant à peine, l’allure générale des prix de l’espace nouveau-castillan.
2. Tentatives d’explication
95a. La guerre. — Cette concordance prix-trafic n’exclut pas, bien sûr, la prise en compte d’autres facteurs — le facteur politique, notamment. Le creux de 1537 correspond, on l’a vu, à une poussée belliqueuse. La guerre et son cortège : climat d’insécurité, menaces, projet d’armadas n’ont pas manqué, s’ajoutant au facteur dépressif des prix, de façonner le creux conjoncturel de 1537. La paix avec la France est rétablie par la trêve de Nice le 15 juin 1538111. Mais le calme ne revient pas instantanément et le trafic de l’année 1538 en demeurera, encore, partiellement entravé.
961538, toujours sous le signe des armadas défensives et de la course112 reste, dans l’ensemble, une année de difficultés, de tension. Il y a, de la part des services de la Casa, volonté très nette de favoriser la reprise. La cédule du 28 janvier 1538 condamne les exactions commises par Médina Sidonia contre le négoce113. Les almojarifes de la Vera Cruz et de Saint Domingue se font rappeler à l’ordre. Et l’administration de Saint Domingue, encore, pour avoir toléré des importations massives de nègres en fraude. Le négoce sévillan obtient des garanties contre ses facteurs, par nature, toujours infidèles114. Ces signes traduisent, incontestablement, une atmosphère de difficultés de conjoncture jointe à un plan concerté pour ramener la confiance dans les milieux d’affaires de Séville. C’est en période de contraction, on le sait, que la fiscalité pèse le plus lourd. C’est alors que le négoce cherche à en alléger le fardeau, soit en négociant des allègements avec l’État, par le truchement de la Casa, soit par la fraude. C’est en période de contraction aussi, qu’au sein même des entreprises, les rapports se tendent ; d’où l’urgence d’arbitrer la sempiternelle querelle qui oppose, sans issue possible, capital et maîtrise, dirions-nous, dans une tension aggravée par la distance. Le capital est à Séville, la factorerie, aux Indes.
971538, pourtant, bien qu’au fond du creux, est déjà sur la pente ascendante. La cédule du 1er mars 1538, en effet, rappellera aux autorités de Saint Domingue l’obligation de hâter les formules administratives, afin qu’elles ne risquent pas de ralentir démesurément le rythme de rotation des navires. La cédule est inspirée, sans doute, par une situation antérieure, celle, notamment, de 1537, elle accuse donc le rythme lent de rotation spécifique de la contraction. La Casa de la Contrataciόn aura facilité la reprise dans la mesure où elle sera obéie, dans la mesure incertaine où il était nécessaire qu’elle intervînt en volant au secours de la victoire. L’accélération du rythme de rotation des navires à laquelle vise la mesure de la Contratación est autant, au moins, un facteur qu’un signe de reprise.
981539 et 1540 sont des années de paix, et l’effervescence se calme aux Antilles115. Cette situation, à vrai dire, exceptionnelle, aura favorisé la pointe du trafic Allers en 1540. 1540 joue, en Aller, on s’en souvient, avec 106,82 % par rapport à la moyenne, contre 114,25 % seulement à la pointe principale de 1542, encadré, en 1539 et 1541, par les niveaux relatifs de 95,29 % et de 93,86 %, le rôle d’une pointe secondaire.
991541, par contre, constitue un accident secondaire sur le mouvement Aller ; on en a apprécié ailleurs, l’ampleur ; on a vu à quel point il épousait, jusque dans son moindre détail, la courbe des prix. Mais, là encore, il y a interférence entre facteur économique endogène et facteur politique. Depuis juillet 1541, la France et l’Espagne sont à nouveau virtuellement en guerre116. Séville doit recourir à l’acheminement en gros convois. Psychologiquement, étant donné ce que représente le Français, une perspective de conflit à court terme est plus importante que les opérations elles-mêmes. Dans ces conditions, la menace de guerre est vraisemblablement venue s’ajouter aux prix pour modeler le creux relatif des Allers en 1541. Mais les Retours n’en sont pas affectés. Les événements italiens de juillet 1541 n’ont pu être connus avant l’extrême fin de l’année aux Indes. Ils auront, tout au plus, le cas échéant, contribué à hâter le rythme des Retours. La guerre n’est pas encore, mais elle est imminente.
100Or, l’élément moteur est bien la crainte de la guerre, plus que les opérations militaires. 1542 le prouve abondamment. La Carrera117, on l’a vu, s’est installée, sans à-coup, dans une guerre que les Français ne font pas, dans l’Atlantique, avec tellement de conviction. Les convois mieux rodés se révèlent plus efficaces et les postes indiens se défendent : témoins, les événements de Puerto Rico du printemps 1543118. De Séville la riposte s’est révélée d’autant plus efficace, que les départs de 1542 bénéficient, fatalement, d’un effet de récupération. Il n’en va pas de même, par contre, aux Indes. La menace de guerre aura, vraisemblablement, eu pour effet de reporter, à l’Aller, sur 1542, partie du mouvement préparé et différé en 1541, tandis qu’elle aura, en Retour, diminué le mouvement de 1542, anticipant, en quelque sorte, le repli conjoncturel normal. Au Retour, l’effet des corsaires et de la guerre française a joué dans un sens contracyclique, arrondissant et lissant les angles du mouvement.
101La poussée cyclique secondaire Allers de 1540 se retrouve, d’autre part, en 1541, sur les Retours. L’importance des Retours en 1541, contribue, à son tour, à accentuer la poussée cyclique absolue de 1542. Mais en 1543, le reflux de tous les trafics se développe parallèlement au tassement relatif des prix et la guerre, dès 1542, contribue à anticiper le mouvement de reflux des Retours, et en l’anticipant, elle contribue à en atténuer la pente décroissante.
102Mais ces considérations sont insuffisantes, dans la mesure où on a continué à envisager le mouvement comme un tout homogène. Ce qui était légitime, au début, peut-être, quand l’Amérique était essentiellement insulaire, a cessé de l’être, désormais, depuis qu’une Terre Ferme enracinée dans l’ancien empire incas, est venue se joindre à la Nouvelle-Espagne. La conjoncture globale de l’Atlantique espagnol et hispano-américain ne peut être, désormais, qu’une somme de conjonctures particulières.
103b. L’entrée en scène de la Terre Ferme et la « reconversion péruvienne ». — Le fait dominant, depuis les premières années de la quatrième décade du xvie siècle, c’est, incontestablement, la brusque émergence du monde incas, de la civilisation quechua-aymara, sur l’Océan Atlantique, à la hauteur, de l’isthme. La conjoncture motrice du mouvement global est celle, désormais, du monde andin. La poussée de la première fluctuation primaire de 1532-1537 avait été guidée, vraisemblablement, par le mouvement avec la Terre Ferme119. C’est bien la Terre Ferme — autant que la médiocre connaissance des mouvements permette, alors, d’en juger120 — qui, entraîne la montée. En 1534 et 1535, le mouvement de Séville avec la Terre Ferme, comparé au mouvement de Séville avec la Nouvelle-Espagne, est, pour les Allers, dans le rapport de 9 à 2, pour les Retours, dans le rapport de 6 à 1, pour les Allers et retours, dans le rapport de 5 à 1.
104Le creux relatif de l’ensemble du mouvement de 1537 à 1539-1540, correspond au creux, plus accentué encore, du mouvement de la Terre Ferme. Ce creux, fils de la guerre civile du Pérou, est, aussi, le contre-coup naturel d’une conquête trop rapide, d’un engouement excessif. Inévitable phénomène de tassement, de réadaptation, il se produit dans les mêmes conditions, autour de 1527, après la conquête de la Nouvelle-Espagne, sur une échelle plus réduite dans la mesure où la conquête de la Nouvelle-Espagne a été moins violente, moins sauvagement dévastatrice121. Au cours des premières années, les conquistadores — ceux du monde incas étaient de la pire espèce — se sont bornés à cueillir, piller les richesses potentielles et non commercialisées accumulées par les siècles de labeur d’une civilisation tuée. Puis, rapidement, le rendement du rapt décroît. Et c’est, précisément, dans ce creux naturel, qu’elle tend à accentuer, que la guerre civile se situe.
105Elle éclate à la fin de 1536, au retour de l’expédition malheureuse d’Almagro, au Chili122. Déjà, l’organisation même de cette expédition est révélatrice du franchissement d’un seuil de plus grande difficulté. Almagro avait quitté Cuzco, en direction du Chili, le 3 juillet 1535 — à la tête de l’expédition la. plus considérable, peut-être, de toutes celles qu’un conquistador ait jamais, mise sur pied. 1 500 Espagnols, des interprètes, des milliers de porteurs indiens enchaînés et gardés par des Indiens fidèles et des noirs, — dix fois plus qu’il n’en avait fallu pour briser cinq ans plus tôt, l’empire des Incas. Tout cela exprime, essentiellement, l’écrémage de la première conquête, l’épuisement des possibilités d’une économie purement destructive. Le moment approche où, les stocks facilement accessibles ayant été épuisés, il va falloir produire, extraire et fondre le minerai argentifère, renouveler, même superficiellement, les stocks métalliques, que l’on désire si avidement. La première expédition au Chili, la guerre civile du retour, le départ des almagristes, vaincus en 1540 derrière Valdivia, pour la seconde expédition, — la bonne, en direction du Chili —, qu’est-ce sinon l’expression de cette grande crise d’adaptation, la reconversion d’une économie purement de rapt à une économie qui est obligée de reconstituer, du moins à court terme, la richesse qu’elle puise, le passage du pillage, pur et simple, à un pillage à l’état second ?
106Le creux du trafic, de 1537 à 1539, n’est pas intégralement commandé par cette crise de la « reconversion » péruvienne, mais il s’en est trouvé, sans doute, aggravé. Pas intégralement commandé, certes, puisque si le point de départ concorde, le terme ne concorde pas tout à fait. La reprise du mouvement d’expansion, la pointe secondaire des Allers en 1540, notamment, précédent, incontestablement, la fin de la « reconversion » péruvienne. C’est à partir de 1542, seulement, — l’année, précisément, de la pointe conjoncturelle principale, — que la Terre Ferme l’emporte dans la ventilation en grandes masses du mouvement sur les îles et sur la Nouvelle Espagne123. Le mouvement de la Terre Ferme, loin d’anticiper, retarde même, plutôt, le retournement conjoncturel de 1542-1543. Le repli de la Terre Ferme est postérieur à celui de l’ensemble du mouvement. Le trafic avec la Terre Ferme progresse encore, grâce surtout, aux Retours. La pointe d’expansion cyclique maximale des Retours de Terre Ferme se trouve décalée, de ce fait, de deux ans par rapport à l’ensemble du mouvement Retour.
107Cette dernière constatation a l’avantage, en outre, de donner plus de poids au découpage cyclique choisi. Le creux de 1544, sur les seuls mouvements les plus anciens, celui des îles et celui de la Nouvelle-Espagne, est beaucoup plus accusé, de ce fait, qu’il n’apparaît sur l’ensemble du mouvement124 La crise de structures que la Terre Ferme, — entendez le Pérou, — achève de traverser, au cours de la seconde fluctuation primaire, aura contribué, vraisemblable ment, à sur creuser la dépression intermédiaire entre les deux fluctuations primaires, tout en brouillant le creux frontière entre les cycles décennaux classiques 1532-1544, 1544-1554. Sans que les contre-courants qui s’établissent en pareil cas avec les masses géographiques voisines puissent, même de très loin, constituer une compensation équivalente.
108Tel s’établit, grossièrement esquissé, autant qu’on puisse l’entrevoir à l’aide d’une documentation insuffisante, le contexte des événements qui viennent, s’ajoutant aux prix, tisser la trame de la conjoncture. Mais ces effets, qu’ils soient cumulatifs ou contrariants, ne peuvent masquer le grand fait de la période, celui dont les conséquences seront les plus durables, les plus astreignantes, la modification, des rapports prix-trafic, le passage d’une covariation, grossièrement négative, à une covariation, en gros, positive125.
3. Ébauche d’une théorie du trafic
109Ce changement — il faut tâcher de l’expliquer — a d’autant plus de valeur qu’il est durable. C’est l’installation définitive, pour ainsi dire, d’une covariation positive avec un décalage d’un an, — deux ans, exceptionnellement —, d’anticipation du prix sur le mouvement global Allers et sur le mouvement Allers et retours, dicté presque toujours par les Allers, un décalage supplémentaire d’un an, souvent, pour les retours. Il peut même arriver, on vient d’en avoir un exemple, que le décalage prix espagnols-mouvement Allers se réduise au point de s’annuler.
110Si la modification du comportement à l’intérieur du couple prix-trafic n’était que passagère, on ne pourrait en tirer qu’une leçon d’agnosticisme et d’impuissance basée sur l’insuffisance de la documentation, ou, peut-être, une présomption d’indépendance des deux séries, de non-covariabilité. La modification, toutefois, est appelée à durer ; elle débouche sur un type de corrélation liant une certaine approche des prix espagnols et une certaine approche du trafic dans l’Atlantique, tellement astreignante et durable qu’elle constitue un des aspects essentiels des structures émergentes de l’Atlantique hispano-américain ; il y a donc bien, maintien d’une covariabilité, mais d’une covariabilité différente ou, du moins, plus rigide, plus astreignante, coulée en structure, pour plus d’un siècle.
111Que les phases de prix ascendants — à l’exception, toutefois, des pointes passagères dues à un accident de caractère agricole126 — soient des périodes de prospérité, de hauts profits, favorables aux investissements et aux affaires, en général, la chose est aussi sûre pour le xvie siècle que pour toute autre époque du capitalisme libéral au sens le plus large-A partir du moment où les produits agricoles ne représentent plus la masse prépondérante, des exportations, à partir du moment où les produits manufacturés, les fers, par exemple, pour l’équipement des mines ou des premiers moulins à sucre du continent, les étoffes, surtout, prennent une place relative plus grande127, on conçoit que le mécanisme de la relation se simplifie. Quand les prix montent, — euphorie — tout monte, même le trafic. La relation prix-trafic à court terme, s’aligne sur la relation qui a toujours prévalu, à long terme ; les deux phénomènes, prix et trafic, expression, sans doute, sous des aspects divers d’une même réalité, évoluent de conserve.
112La relation existe. On peut faire jaillir de cette réalité objectivement établie un certain nombre de présomptions raisonnables.
113Il faudrait, cependant, admettre une plus grande indépendance du capitalisme marchand à Séville à l’égard de la grande exploitation foncière de l’Andalousie..., une source de recrutement interne des capitaux, peut-être, même, un embryon de système bancaire plus efficace128.
114La formation, aussi, des deux côtés de l’Atlantique d’un espace économique homogène — des premiers linéaments, du moins, d’un tel espace. D’un espace économique suffisamment homogène, suffisamment fluide et ductible pour que les respirations des prix y soient en gros, identiques, au bout d’un laps de temps uniformisateur, de six mois, au plus, sans autres hétérogénéités apparentes que des hétérogénéités secondaires. Invraisemblance, non. Cet espace, s’il existe129 et il existe —, n’incorpore pas, nécessairement, l’humanité des plateaux andins et son économie repliée — pratiquement morcelée et murée — sur elle-même, il se borne à couvrir une infime pellicule portuaire et urbaine, fragmentée et dispersée, le monde espagnol et hispano métis, à la rigueur, des Indes.
115Mais pourquoi s’en étonner ? Ces hommes, quelques milliers, cent ou deux cent mille peut-être, qui vivent — en comptant très largement les métis et les indiens hispanisés — sur les bords américains de l’Atlantique, à Mexico, à Cuzco et bientôt à Lima, ne se nourrissent-ils pas encore, en partie, des excédents agricoles de l’Andalousie, ne se vêtent-ils pas, pour une part plus large, des étoffes que tissent l’Espagne et l’Europe, n’investissent-ils pas dans leurs mines et dans leurs moulins à sucre les fers d’Espagne, de Biscaye et du Nord..., ne travaillent-ils pas, ne font-ils pas travailler, pour la mine ou pour le sucre, pour un argent qui commande, en Europe, la vie monétaire, pour un sucre, pour une cochenille, pour des perles... qui flattent un luxe, qui comblent des besoins en grande partie psychologiques de l’Europe dominante ? Et les 6, 7, 8,10 mille kilomètres qui séparent ces points d’Amérique, de Séville, à combien de centaines de kilomètres de routes terrestres contemporaines équivalent-ils ? On ne dira jamais assez la supériorité économique de la mer sur la terre, dans les anciennes économies, de la caravelle, de la nave biscayenne, du galion de la Havane sur le portage muletier ou le char à bœufs. Oui — et aucune impossibilité, aucune invraisemblance majeure ne viendront s’y opposer, — une solidarité s’est établie entre les points dispersés de la nébuleuse de l’espace Atlantique espagnol. Cette solidarité a nom conjoncture.
116Finalement, il suffisait, pour qu’une telle situation fût possible, qu’un nombre suffisant de bateaux, représentant une quantité suffisante de tonnage établît une jonction régulière. Or, c’est à dater de 1534, — on y aura été sensible — que le mouvement global s’est établi sur le palier de 100 à 150 navires et de 15 à 20 000 toneladas130 un plancher, on l’a vu, grossièrement quadruple, du plancher des premières années. L’expérience semble prouver qu’une condition suffisante a été atteinte.
117Il fallait surtout, et c’est, sans doute, la condition essentielle, pour que la covariabilité élémentaire positive prix-trafic pût s’établir, que les hommes de Séville, ces petits groupes d’armateurs et de négociants que l’on connaît ou que l’on devine dans le grouillement des listes annuelles, se rendissent compte de la réalité, de l’unité, de la fluidité de l’espace économique de leur Atlantique. En dehors de cette prise de conscience, une conjoncture unique n’existe pas. Elle n’est pas une donnée, mais un devenir.
118Et c’est, peut-être, aux alentours de 1535-1540, dans le creux de 1537, plus précisément, que la prise de conscience de cette réalité, serait clairement apparue : présenter beaucoup de marchandises aux Indes, au moment de l’euphorie des prix hauts en Espagne, se replier au moment des prix bas.
119Les Indes, dans ces conditions, ne resteront pas vraisemblablement, élément passif d’une conjoncture Atlantique, dont elles sont de plus en plus partie prenante ; elles participeront à cette conjoncture, soit comme accélérateur, soit comme volant modérateur..., au début, du moins, surtout, comme accélérateur. Une augmentation des prix en Espagne facilite le financement des entreprises commerciales de la Carrera. Le négoce sévillan, l’expérience ayant montré qu’une élévation des prix espagnols créait une présomption légitime d’élévation des prix aux Indes, gonfle le volume de ses départs, dans l’espoir légitime d’un écoulement facile et de gros bénéfices. Il pourra arriver que de grosses rentrées de numéraire consécutives accentuent la marche ascendante du mouvement, tant des prix, que des exportations d’Andalousie en direction d’Amérique131 Dans ce cas, le mouvement des marchandises Allers pourra être considéré, très modestement, comme un accélérateur du prix... et il y aura tendance au décalage des pointes du trafic Allers au-delà des pointes des prix d’Espagne. Mais il pourra se produire également — situation prochaine qu’on retrouvera souvent à la charnière des deux siècles — qu’en période ascendante des prix en Espagne, le négoce de Séville pêche par présupposition optimiste de la situation réelle des marchés des Indes. Il y a, alors, engouement d’autant plus grave que l’élasticité du marché aux Indes est faible, et que les nouvelles cheminent lentement. Un incident de mer minime qui retarde un aviso, par exemple, peut faire qu’un gros départ conçu sur une situation révolue se dirige en direction d’un marché surencombré et cause une catastrophe. Cette erreur de calcul provoque des désastres à Séville et dans tout l’appareil du négoce du Guadalquivir... La correspondance de la Casa de la Contrataciόn est là, heureusement, au cours des cycles postérieurs, pour nous éclairer. Mais il y a, de toute manière, dès le milieu, au moins, de ce cycle, présomption de situation analogue, en cas de légère anticipation du mouvement du trafic Allers, par rapport au mouvement des prix.
120Telle pourrait s’ébaucher, en gros, les premiers traits à peu près sûrs d’une « théorie » nouvelle (le mot est excessif) d’un trafic, portant moins exclusivement à l’Aller sur les produits alimentaires, avec un espace qui englobe une fraction, toujours plus importante, de continent et où, au retour, les métaux précieux jouent un rôle toujours plus considérable132.
LA DESCENTE (1511-1514)
1. Étude des trafics
121Il est loisible de vérifier l’efficacité de cette hypothèse sur le palier descendant du second cycle primaire de la troisième fluctuation décennale.
1221541 marque, on l’a vu, le point de rebroussement du mouvement Retours (69 navires, 8 800 toneladas, pourcentage d’écart à la moyenne, 121,881 %) : point culminant absolu de la fluctuation décennale, point culminant absolu et relatif de la seconde fluctuation primaire. 1542 est dans la même position par rapport aux Allers et par rapport au global Allers et retours133. Point culminant absolu de la fluctuation décennale majeure, mais non relatif ; point culminant absolu et relatif par contre, de la seconde fluctuation primaire.
123La descente du mouvement Retours s’effectue lentement, à la différence des Allers : 69 et 8 800 toneladas en 1541, 50 navires et 6 770 toneladas en 1544 ; en 1545, 45 navires, seulement, mais d’un tonnage qui est apparu sensiblement supérieur : 6 930 toneladas. Le recul serait donc de 23 % du tonnage en trois ans, de 1541 à 1544, de 27 %, en unités, de 32 % en quatre ans, de 1541 à 1545. De 1541 à 1542, le recul n’excède guère 11,5 %, de 69 à 60 navires de 8 800 à 7 810 toneladas. De 1542 à 1543, le repli est inférieur à 5 %, de 60 à 57 navires et de 7 810 à 7 530 toneladas, de 1543 à 1544, le tassement est de l’ordre à nouveau de 10 %, de 57 à 50 navires et de 7 530 à 6 770 toneladas. De 1544 à 1545, le repli sur le mouvement unitaire se poursuit : de 50 à 45 navires, mais déjà reprise en tonnage : 6 770 à 6 930 toneladas.
124La solidité des Retours, au cours de cette période de contraction, est, peut-être, le fait le plus frappant134. Un simple coup d’œil sur les tableaux des directions et provenances fondamentales135 en révèlera la cause. Le mouvement Pérou-Terre Ferme, traverse sur les Retours la récession des années 1543-1545, sans en être, pratiquement, affecté. Ce sont les îles, mais surtout la Nouvelle-Espagne qui assument seules, en Retours, la responsabilité de la contraction. En 1543, par exemple, la Terre Ferme représente près de 60 % du mouvement Retours connu, en 1544, 33 % en 1545, les deux tiers. Serait-ce une insensibilité de la Terre Ferme aux fluctuations de la conjoncture ? Non, sans doute, mais le contre-coup de la guerre civile de 1536 à 1540 suscite, on l’a vu136, un mouvement naturel de récupération des départs. Bien plus encore, les Retours différés du Pérou soutiennent, à partir de 1542-1543, le mouvement global Retours, au-dessus, peut-être, du niveau qui lui serait normalement affecté, sans cet effet de récupération. Outre l’effet de récupération, faut-il parler, comme conséquence des troubles, d’un effet différé de désinvestissement au Pérou qui profiterait, naturellement, au mouvement Amérique-Europe ? Les événements du Pérou auront donc eu, dirons-nous, sur le mouvement général des Retours, un effet contracyclique. Cette situation apparaît clairement dans le pourcentage des Retours au global137 anormalement élevé de 1541 à 1544 ; 1541 : 48,78 %, 1542 : 40,11 %, 1543 : 41,34 % et surtout en 1544 : 57,50 %. Semblable situation — elle deviendra presque réactive des renversements importants de conjoncture — ne s’était pas produite depuis 1522 et ne se reproduira pas avant 1554.
125Le reflux des Allers et derrière lui, celui des globaux, est beaucoup plus vigoureux138. En 1542, 86 navires, représentant 11 660 toneladas font voile en direction du Nouveau Monde. En 1544, 29 navires et 5 005 toneladas, soit une chute de près de 60 % en tonnage et pratiquement, des deux tiers en unités. Tels sont les résultats du simple découpage annuel. Mais est-ce la traduction la plus efficace de la réalité conjoncturelle profonde ?
126La chute du mouvement n’est pas due, uniquement, au simple jeu des forces économiques autonomes. Ce serait éliminer la guerre, qui, incapable de perturber durablement la conjoncture, est susceptible, quand même, d’interférer à court terme sur les trafics maritimes. 1543 et 1544 correspondent au poids maximum de la guerre qui n’est même pas atténué par l’alliance anglaise dont l’Espagne bénéficie, au cours de ces dernières années de la troisième guerre hispano-française. L’appui de Barberousse aux Français et les attaques mauresques compensent et au-delà, sur le plan maritime, la molle diversion de l’aide britannique... Quel intérêt pour l’Anglais, au vrai ? Il n’y a rien à piller au détriment du Français ; quant à lancer course contre course, quel avantage en tirerait-il139 ?. Les assauts de la course, enfin, comme toujours, sont plus lourds, lorsque, l’issue officielle du conflit sentie toute proche ; l’assaillant se hâte à bénéficier d’un reste de bonne conscience. Les années 1543, 1544 sont donc, en raison de ce réflexe, les plus dures de la période140. 1542 verrait le chiffre le plus élevé des pertes, 1544, le chiffre, proportionnellement, le plus fort. La paix de Crépy-en-Valois (18 septembre 1544)141 — elle a entraîné, sans doute, pour plusieurs années une présomption de paix relative que l’expérience a, au moins, partiellement justifiée142 — n’a pas, du jour au lendemain, pacifié l’espace de la Carrera. L’année 1544, tout entière, est sous le coup paralysant de l’effort final de la course française qui frappe au plus fort et au plus vite : il faudra plusieurs mois pour que les corsaires soient touchés dans la mer des Antilles. L’aide du Barbaresque aux Français tend, d’autre part, à placer, à proximité de la côte andalouse, une zone de danger sélectif. D’où une incidence plus grande sur les Allers que sur les Retours. A l’Aller, on se garde, en s’abstenant, au Retour, on part sans savoir, endossant le risque d’être frappé au hasard. 1544 est l’année du risque le plus grand, d’un risque plus sensible à l’Aller qu’au Retour. 1545 est encore une année troublée143 ; les Anglais chassent pour leur compte dans la mer des Antilles. Mais la menace n’est déjà plus comparable ; les voiles se dissipent aux vents d’une paix revenue : les départs de 1545 sont des départs récupérés. Le creux de 1544 — tout le laisse à penser — est bien, outre le mouvement propre de l’économie, le creux de la guerre, et plus encore, de l’expectative de paix.
127La guerre est donc responsable de l’accident de 1544-1545, de sa forme, au moins, et de son amplitude. On peut rétablir la véritable tendance, en substituant aux chiffres vrais des années 1544 et 1545 des chiffres obtenus en faisant la moyenne entre les deux années. Le mouvement Allers s’approcherait donc de l’allure obtenue ainsi : 1542, 86 navires, 11 660 toneladas ; 1543, 75 navires, 10 685 toneladas ; 1544 (chiffres restitués), 63 navires, 9 078 toneladas ; 1545 (chiffres restitués), 63 navires, 9 098 toneladas’, 1546, 79 navires, 10 640 toneladas’, 1547, 84 navires, 11 320 toneladas. L’encoche folle de 1544 disparaît alors, tant sur le mouvement Allers que sur les Allers et retours. Le mouvement Allers au prix d’une altération minime prend un rythme conforme à celui des Retours. La distorsion144 entre les deux mouvements disparaît, le recul des Allers est de l’ordre de 18 % seulement entre 1542 et 1544, inférieur même à celui des Retours entre 1541 et 1544, à peine supérieur à celui des mêmes Retours dans le même laps de temps entre 1542 et 1544 (15 %).
128Quant aux Allers et retours, leur mouvement vrai est, naturellement, calqué plus sur les Allers moteurs que sur les Retours. 1542 culmine, avec 146 navires et 19 470 toneladas. 1544, avec 79 navires et 11 775 toneladas, marque le creux. Le repli dépasse 40 %. 1543 amorce le repli, avec 132 navires et 18 215 toneladas, soit un recul de 7 % et 1544 s’effondre, avec un recul de l’ordre de 33 % environ.
129Une pondération, cherchant à éliminer l’incidence perturbante de la guerre, donne un mouvement continu qui abolit totalement l’encoche aberrante de 1545-1546 :1542,146 navires, 19 470 toneladas’, 1543,132 navires, 18 215 toneladas’, 1544, 113 navires, 16 848 toneladas (le repli n’est plus ainsi que de 19 %) ; 1545, 103 navires, 16 003 toneladas ; 1546, 144 navires, 19 400 toneladas ; 1547, 159 navires, 21 895 toneladas.
2. Étude des prix
130Si on se tourne vers les prix espagnols, tels qu’ils apparaissent145 dans le travail de Hamilton, on ne pourra qu’être frappé de la simplicité et de la perfection de la covariabilité des séries, prix et trafics. On prend, en l’absence de tout renseignement valable sur les prix andalous, la série la plus proche de Nouvelle-Castille : 1541,104,54 ; 1542, 127,45 ; 1543, 124,91 ; 1544, 119,43 ; 1545, 105,45 ; 1546, 129,48.
131La covariabilité positive, élimination faite du facteur de trouble apporté par la paix de Crépy-en-Valois, s’établit, sans peine, d’une manière absolue entre cette série-prix et celle du trafic Allers et partant, Allers et retours. Les rythmes de la descente empruntent, à peu de chose près, les mêmes accélérations sur les prix et sur les mouvements des marchandises. Le décrochement est très faible entre 1542 et 1543, précipité, au-delà. La débandade ne se produit vraiment sur le trafic, que lorsqu’on a pris conscience d’une baisse qui s’accentue146.
132Même covariabilité sur les séries pondérées des prix-argent pour toute l’Espagne147. 1542 remonte spectaculairement de près de 4 points et demi par rapport à l’année précédente, avec l’indice 60,49, soit 102,15 % par rapport à la moyenne. 1543148 progresse encore un peu, atteint l’indice 61,15, mais recule déjà relativement, avec un niveau qui représente 101,03 % seulement du niveau moyen. C’est entre 1543 et 1544, que le repli atteint son paroxysme, de 61,15 on passe à 60,09, soit à 97,3743 % seulement de la moyenne. Il se poursuit quoique ralenti, au-delà, en 1545, avec 59,44 et 94,9403 %, véritable fondrière conjoncturelle.
133Courbes des trafics et courbes des prix espagnols, établies de manière totalement indépendante, suivent, désormais, des chemins étonamment parallèles. Des corrélations s’imposent à l’esprit. D’autant plus sûrement que le matériel dont on dispose, désormais, est plus riche.
Notes de bas de page
1 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.
2 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.
3 On arriverait à des constatations analogues, en comparant les expansions cycliques du début de la période envisagée et des premières décades du xviie siècle : 4 606 tonneaux du mouvement Allers et retours en 1508, 14 602 en 1542, 72 800 en 1508... On pourrait multiplier les exemples, faisant ressortir toujours la même homogénéité des chiffres. 1542 étant, en l’occurrence, un peu plus proche encore de la première pointe cyclique qu’elle ne l’est de la pointe record du mouvement.
4 Sur les pondérés de treize ans..., t. VI1, tables 150 à 158, p. 347-355.
5 Pour les Allers, par exemple (t. VI1, tables 150 et 152, p. 347 et 349), le rapport existant entre la moyenne pondérée de 1512 (2 294, 92) et celle de 1540 (7 315,84) est le même qu’entre 1540 et 1614 (29141,70). Le test donne le même résultat pour les Retours : 1 687, 5 022,49 et 24 655,684 pour l’année 1618 (t. VI1, tables 153 et 155, p. 348 et 350). Même résultat pour les Allers et retours, entre 1512,1542 et 1614, avec respectivement, 3 981,92,13 260,15 et 53 265,46.
6 Cette disparité entre les deux termes de la phase ascendante des mouvements globaux est fatale. Elle n’est visible, d’ailleurs, que sur un graphique logarithmique d’accélération (t. VII, p. 54-55), les graphiques classiques donnent une impression toute autre (Ibid., p. 50-51). Elle est, au demeurant, logique. Les montées sont toujours plus rapides au début des mouvements, quand chaque accroissement met en cause des masses économiques moins importantes, avant que ne soit atteinte la zone de saturation dans un cadre structurel qui a perdu son élasticité. Ce comportement — la comparaison, de notre point de vue, vaut la peine d’être faite — est celui, aujourd’hui encore, de toutes les courbes de production nouvelle. Puisque nous avons supposé qu’il est possible dans une étude de conjoncture ancienne de substituer des mouvements de commerce extérieur à l’insaisissable production, cette analogie de comportement apporte à l’hypothèse un renfort de poids.
7 T. VI1, tables 146-147 à 149, 150 à 158, p. 344-355.
8 Cf. t. VII, p. 54-55.
9 Sur les mouvements Allers et retours. Cf. t. VI1, table 136, p. 334. Mêmes résultats sur les Allers, les Retours et les Allers, et retours, un peu moins sensible sur les Allers (t. VI1, table 130, p. 328), mais plus accentué sur les Retours (cf. t. VII, table 133, p. 331). 1529, 4 620 toneladas, 1518, 4580 toneladas, la progression n’est que de 1 % à peine. Entre 1529 et 1536.(4 620 toneladas et 8 460 toneladas) en 1541 18 800 toneladas), le progrès est de l’ordre de 100 %
10 Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136, p, 328, 331, 334.
11 E.J. Hamilton 1501-1650, op. cit., p. 34-35.
12 Ibid., p. 40, 41 et 42. L’argent apparaît et combien faiblement, au cours de la décade 1521-1530, 3 % en poids et quelque 0,3 % en valeur. En fait, tout laisse à penser que l’argent n’apparaît pas, d’une manière sensible, avant les ultimes années de la décade.
13 Même si l’on supposait une distorsion documentaire — il n’y a rien de moins probable, — la marge est suffisante pour mettre le raisonnement à l’abri de toute surprise.
14 Ibid., p. 40.
15 Ibid,, p. 71.
16 Ibid., p. 43.
17 Cf. t. VI1, table 136, p. 334 et t. II, p. 212-299.
18 Quant aux équivalences qui servent la reconnaissance des navires du second type, elles n’ont pas sensiblement varié entre cette période et les périodes précédentes. Cf. t. I, p. 302-313 et ci-dessus, p. 116. Voir aussi les tableaux (t. II) de la p. 220 à la p. 371.
19 Cf. t. VII, p. 28-31.
20 T. II, p. 259 ; Codoin Ind., I, t. 41, p. 532-538.
21 C. Fern. Duro. Disq. naut. V. p. 14 d’après Colec. Sans y Barutell, Simancas, V. 26 ; cf. t. II, p. 314, note 1.
22 Et c’est la raison pour laquelle nous ne l’avons pas intégré aux tableaux du t. II (p. 314), ni, à plus forte raison, aux mouvements du t. VI (tables 130 etc.).
23 C. Fern. Duro, Arm. Esp. I. p. 427-428. Colec. Muñoz, L. XXXII, f° 143 ; t. II, p. 314, note 1.
24 Les bases du système de l’appréciation ont été établies, t. I, p. 313-322.
25 On maintient, la chose va sans dire, l’appréciation antérieure, quand le navire a fait intérieurement son apparition dans la Carrera.,
26 Cf. t. II, tableaux, 5e colonne Nature et tome VI1, tables 1 à 12, p. 114-167.
27 Le pourcentage atteignait 8 % au cours de la période précédente.
28 Il convient de soustraire, en effet, des 68 navires connus de 1522 à 1532,12 galères qui ne sont pas effectivement saisies dans le mouvement Europe-Amérique, on arrive donc à la proportion de 48 caravelles sur un total de 56.
29 Il ne faudrait pas croire ces proportions semblables à la proportion vraie du type caravelle à l’ensemble des navires du mouvement, ce serait possible si le Livre de Registres était absolument silencieux sur la nature du navire, ce qui n’est évidemment pas le cas. Une partie, assez faible, il est vrai, des natures spécifiées viennent du Livre de Registre. Quand le préposé au Livre de Registres a inscrit un navire sou3 la désignation : nao ou navίo, il a impliqué, le plus souvent, la non appartenance du navire à une catégorie plus précise. Il y a, donc, pour nous, en ce qui les concerne, une assez forte présomption de non appartenance à une catégorie particulière et notamment, à la catégorie des caravelles. C’est pourquoi, d’ailleurs, le couple caravelle galion nous apparaît, parce que moins prétentieux comme une meilleure approche de la réalité.
30 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.
31 T. II, p. 357, 1544 A., colonne Équipage, p. 229 à 371.
32 Cf. t. VI1, tables 165-173, p. 364-372.
33 Cf. t. VI1, tables 174-176, p. 373-375.
34 Cf. t. VIII1, Structures géographiques.
35 1537-Aller : 36 navires, 31 directions inconnues, 5 connues, 6 590 toneladas d’un côté, 700 de l’autre. 1537-Retour : 17 provenances connues, 11 inconnues, 2 210 et 1 690 toneladas ; 1538-Aller, par contre : 29 et 34, 3 770 et 4 520 toneladas ; 1538-Retour : 17 et 22, 2 180 et 2 830 toneladas ; 1539-Aller : 31 et 38, 4 030 et 4 970 toneladas ; 1539-Retour : 10 et 36 4 650 toneladas contre 1 320 toneladas ; 1540-Aller, 44 et 35, 4 750 et 5 670 toneladas ; 1540Retour, 17 entre 30, 2 210 toneladas entre 3 890 toneladas. Et ainsi de suite... jusqu’à la résorption totale des directions et de3 provenances non connues au-delà de 1548.
36 Cf. t. VI1, tables 209 A et B, p. 434-437.
37 Cf. t. VI1, table 544 (année 1544), p. 690 à 693 et de la table 544 à 575, pour la période 1544-1572, p. 690 à 811.
38 EJ. Hamilton, op. cit. 1501-1650, p. 3435.
39 Cf. t. II, notes aux tableaux.
40 EJ. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 181.
41 Les indices andalous de 1537, 1539, 1542 n’incorporent encore, respectivement, que 21, 24 et 19 produits, mais sans céréales, avec, il est vrai, le biscuit de mer comme substituts, biscuit brun pour les trois ans, biscuit au froment pour 1539 seulement. (EJ. Hamilton,, op. cit. 1501-1650. p. 319).
Les indices nouveaux castillans (op. cit. p. 321) auxquels, en présence de la carence andalouse on est obligé de demander tant, ne s’appuient encore, également, que sur des séries restreintes de produits, il est vrai, mais ils incorporent, presque toujours, les céréales décisifs (orge et blé), l’huile et le vin ; de 1533 à 1544, le nombre des produits incorporés est respectivement de : 8,6, 4,5,6,8,8,6,12,11,10 et 7. Les séries vieilles-castillanes-léonaises, qui, il est vrai, nous intéressent moins directement, incluent, à l’ordinaire, près de 40 produits, 42 même, en 1541. La série Valencienne, la moins intéressante pour Séville, est d’une richesse presque comparable à celle de la série la mieux pourvue, la série Vieille-Castille, supérieure, de toute manière, aux indices nouveaux-castillans.
42 Cf. t. VI1, table 133, p. 331.
43 Cf. t. VI1, table 130, p. 328.
44 Cf. t. VI1, tables 159-160, p. 356, 357. Cf. 1522, mouvement Retour, 62,95 % de l’ensemble, 1513, 1514, 60,04 % et 61,52 %, 1509, 54,34 %. Il s’agit d’années situées ou bien au changement de la fluctuation décennale, ou bien à proximité de ce changement. L’anomalie positive des Retours est un signe, entre plusieurs, de la crise cyclique.
45 Cf. t. VI1, table 136, p. 334 et table 142, p. 340.
46 Cf. t. VI1, tables 161 et 162, p. 359 et 361.
47 C’est le cas des Allers et des Allers et retours, pour les Retours, par contre, situation inverse, le creux de 1537, 66, 58 %, est plus profond que 1532, 95, 47 %. Et pourtant, même sur les Retours, 1530-1534 forme une anomalie négative plus considérable, plus longue, que 1537-1540.
48 Cf. t. VI1, table 156, p. 353 et t. VII, p. 50-51.
49 Même situation, à quelques modalités près, sur les grandes articulations du trafic. En Allers (cf. t. VI1, table 150, p. 347), les moyennes mobiles de cinq ans restent en-dessous du trend par moyennes de treize ans, de 1529 à 1533, sur cinq années consécutives. Il en ira de même de 1542 à 1547, sur cinq ans à nouveau, avec des écarts énormes, de 1544 à 1546. De 1534 à 1541, par contre, sur huit ans, la moyenne courte dépasse presque toujours la moyenne longue, preuve incontestable d’une expansion cyclique épurée. Le creux médian de 1537 ne disparaît pas, pourtant, il reste sensible par deux points de contact (en 1537 et en 1540, les deux courbes se confondent) et par une légère anomalie négative des cinq ans en 1539.
Pour les Retours (t. VI1, table 153, p. 350), creux très prononcé de 1529 à 1533, sur cinq ans, creux symétrique de 1542 à 1547 sur six ans. Entre ces deux creux marqués par la continuité et par l’importance de l’écart de la moyenne courte par rapport à la moyenne longue, la zone d’expansion apparaît beaucoup moins monolithique, tantôt un peu en-dessous, 1535, 1536, 1538, 1539, tantôt un peu au-dessus, 1537, 1540, 1541, exceptionnellement, seulement en 1534, en position victorieusement positive.
50 Cf. t. VI1, t. 174-176, p. 373-375.
51 Cf. ci-dessus, p. 117-119.
52 6,01 % seulement du mouvement Allers et retours est connu de 1531 à 1535. Apparemment les positions seraient dès cette époque renversées — 62,6 % pour la Terre Ferme, 10,2 % pour la Nouvelle-Espagne et 27,2 % pour les îles. Ces proportions ne peuvent être considérées comme un reflet exact de la réalité. D’une part, la série est trop courte, il existe, d’autre part, une disparité trop flagrante entre ces résultats et ceux qui l’encadrent, beaucoup plus sûrs, puisque établis sur des séries plus longues. Trop faibles, les proportions du mouvement avec la Nouvelle-Espagne et les îles, trop forte, la proportion de la Terre Ferme.
53 Non pas tel qu’on le lit t. VI1, table 177, p. 376, mais tel qu’on peut le calculer, élimination faite des indéterminés.
54 Notons, ici, au passage, la ponction représentée par la conquête de la Nouvelle-Espagne, effectuée, on l’a vu, au détriment des îles.
55 Cf. t. VI1, table 176, p. 375. Au-delà de 1550, on peut recourir directement aux chiffres de la table 177 (t. VI1, p. 376) sans besoin de correction particulière. Il suffit pour obtenir la correction tonelada-tonneau de jauge international de 2m3 83 de se reporter à la grille, t. VI1 table 129, p. 327.
56 Chiffre, au demeurant, un peu trop fort, puisqu’une fraction non négligeable des Retours portés comme venant des îles vient, en fait, du continent après crochet par les îles.
57 De 1532 à 1544, le mouvement connu entre l’Espagne et l’Amérique s’établit de la manière suivante — il ne s’agit là, bien sûr, que d’une fraction, étant donné la proportion très forte encore des Indias indéterminés — : 92 navires soit 10 185 toneladas à l’Aller, 112 navires soit 12 120 toneladas au Retour. Proportion d’autant plus anormale que le mouvement Retours ne représente guère pour l’ensemble de la période que 38 % du mouvement global.
58 Cf. t. VIII1, p. 523 sq.
59 Étant donné l’existence des directions et provenances indéterminées, ces chiffres n’ont, naturellement, qu’une. valeur relative.
60 En Allers, 86 navires (79 marchands 7 d’armada) 14 320 toneladas, contre 4 navires allant, officiellement, en Nouvelle-Espagne par les îles jangeant530 toneladas et 8 au Honduras, jaugeant 1130 toneladas. En Retours, les chiffres sont respectivement de : 1532 à 1544, 68 et 10 490,6 et 1 050, 5 et 690, pour la Vera Cruz, la Nouvelle Espagne par les îles et le Honduras. Ils ne sont valables que relativement, en raison de la forte proportion d’indéterminés.
61 Ces chiffres, eux aussi, ne sont valables que relativement. En face dans le groupe Terre Ferme, il faudrait placer, à l’Aller, 4 Terre Ferme par les îles, 650 toneladas à annexer, en fait à Nombre de Dios, 7 Cartagena (970 toneladas) et 3 Cabo de la Vela de 300 toneladas globalement. Au Retour, non compte tenu des coulés, 4 Terre Ferme par des îles de 630 toneladas, 7 Cartagena (840 toneladas) et 2 Cabo de la Vela de 190 toneladas.
62 D’après E.J. Hamilton (1501-1650, op. cit., p. 43), on a une évaluation de la part respective de la Nouvelle Espagne, de la Terre Ferme et des îles dans les arrivées des métaux précieux d’Amérique. De 1531 à 1535, Iles : 8 %, Terre Ferme : 74, %, Nouvelle Espagne : 18 % ; de 1536 à 1540, îles : 24 %, Terre Ferme : 37 % Nouvelle Espagne : 39 %, de 1541 à 1545, 12 %, 36 % et 52 % 1546 à 1550, 8 %, 40 %, 52 %.
63 Cf. ci-dessus, p. 139-141.
64 Cf. t. VI1, table 130, p. 328, de 57 à 44 navires, de 6 430 à 4 840 toneladas. Cette accélération masquée par l’échelle arithmétique (cf. t. VII, p. 51) est sensible, par contre, sur l’échelle logarithmique (cf. t. VII, p. 54).
65 Particulièrement visible sur les échelles semi-logarithmiques, cf. t. VII, p. 54-55.
66 On est bien obligé de se borner aux seuls éléments connus, à l’exclusion des facteurs qui nous échappent, peut-être, les plus importants, étant donné la faible masse documentaire dont nous disposons.
67 Indices des prix-argent de EJ. Hamilton op. cit. 1501-1650, p. 403 et t. VI1, table 162, p. 361.
68 EJ. Hamilton, op. cit. 1501-1650, p. 189.
Autant qu’on puisse en juger sur des séries fragmentaires, la pointe de3 prix se place en 1531 sur les séries : Nouvelle-Castille, Valence, et peut-être, aussi en Andalousie, elle doit vraisemblablement se placer, par contre, en 1532, dans l’espace Vieille-Castille-Léon.
69 L’effet dépressif de la nouvelle conquête se fait sentir, d’abord ; son effet positif ne sera pas sensible sur les Retours avant 1535.
70 Cf. t. II, p. 222, note I.
71 Cf. t. II, p. 230-231, note I.
72 Cf. t. II, p. 231, note I.
73 C’est normal, en période de tendance majeure à la hausse, il est naturel que les périodes ascensionnelles soient plus rapides et surtout, ce qui est le cas ici, plus longues que les périodes de contraction.
74 A suivre sur canevas semi-logarithmique, de préférence, cf. t. VII, p. 54-55.
75 Cf. t. VI1, table 162, p. 361 ; t. VII, p. 52.
76 EJ. Hamilton, op, cit. 1501-1650, p. 189 — un 125, 18 encadré entre un 100, 69 et le creux de 85, 55 de 1525, creux tel qu’il faut remonter jusqu’en 1520 pour en retrouver sur la courbe de Nouvelle Castille l’équivalent, et tel aussi qu’il ne s’en trouvera jamais plus d’équivalent au-delà de cette date.
77 Cf. t. VI1, table 162, 163 et 164, p. 361-363 et t. VII, p. 52-53. On ne retrouvera pas un écart négatif comparable avant 1642 et encore, il s’agit d’un effet très particulier de déflation qui suppose une structure monétaire très différente, la structure du billon.
78 Cf. t. II, p. 243.
79 L’isthme est passé désormais, au centre, des préoccupations de la Carrera. Sur quelques-uns des innombrables projets et débats que son aménagement provoque en 1534 et en 1535, au moment donc de cette expansion que nous soulignons, cf. t. II, p. 245 et p. 259.
80 Depuis novembre 1533, Ch. de la Roncière, t. III, p. 291.
81 Mélanges Lucien Febvre, op. cil., t. II, p. 389-407.
82 Cédule du 21 mai 1534, t. II, p. 243.
83 Cédule du 21 mai 1534, situation réitérée dans cédule du 11 décembre 1534, t. II, p. 243. Cf. aussi ibid., Consejo à C.C., 25 septembre 1534.
Il ne faut pas oublier que la navigation en gros convois n’est pas encore organisée, elle est exceptionnelle et les navires naviguent seuls ou en petits paquets, ou en petits convois, il faut relativement au tonnage mis en cause un nombre infiniment supérieur de pilotas examinados, de marins experts ès sciences nautiques qu’il n’en faudra plus tard pour une masse navale très supérieure. La navigation en convois et l’augmentation du tonnage unitaire des navires sont, entre autres facteurs, une réponse à ce problème, que l’on a trop négligé, et dont l’acuité est chronique pendant toutes les années d’expansion, plus de soixante ans sur un siècle de tendance majeure à la hausse. L’augmentation du tonnage unitaire des navires réduit, proportionnellement, le nombre des gens de mer nécessaires et l’augmentation du tonnage unitaire jointe à la navigation en gros convois, plus fortement encore, celui des gens de mer qualifiés.
84 Cf. t. II, p. 244.
85 Cf. notes aux tableaux ; cf. aussi Irving A. Leonard. Libros del Conquistador, opcit.
86 Cf. t. I, p. 74.
87 Cf. t. II, p. 257.
88 Cf. t. I, p. 70 sq. et I.G. 1961, lib. I, f. 308, 3 août 1535. Le Roi à C.C., t. II, p. 257.
89 Cf. t. II, p. 257-258.
90 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
91 Cf. t. II, p. 244.
92 Cf. ci-dessus, p. 162.
Un canevas semi-logarithmique permet à l’œil nu (cf. t. VII, p. 54-55) d’apprécier la perte au départ et de mesurer l’ascension plus rapide des Retours.
93 Cf. les mouvements graphiques sur canevas semi logarithmique, t. VII, p. 54-55.
94 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
95 Cf. t. VI1, table 162, p. 361. Pour l’ensemble de l’Espagne avec Hamilton on retrouve des indices de 53,94, 53,21, à mi-chemin entre le sommet de 1530-1531, et le creux de 1535, plus proche pourtant du premier que du second.
96 EJ. Hamilton, op. cit. 1501-1650, p. 189.
97 Cf. t. II, p. 283.
98 Cf. t. VI1, table 165,168,171, p. 364, 367, 370 et la ventilation portuaire des tables 230 à 543, t. VI2, p. 487-687.
99 La chose est indéniable. Il importe toutefois de ne pas perdre de vue que, déjà au cours de ces toutes premières aimées une jonction secondaire s’était établie entre la côte péruvienne et l’Espagne par l’intermédiaire de la Nouvelle Espagne. C’est ainsi que nous avons la preuve que dès janvier 1538 de l’argent péruvien fut exporté sur l’Espagne par la route Acapulco — la Vera Cruz. Woodrow Borah, Early colonial Trade and Navigation between Mexico and Peru (Berkeley, 1954, in-8,180 p.) p. 13. Mais cette circulation secondaire est constante. L’étude de ses péripéties ou, si on veut, de sa conjoncture ébauchée ailleurs (R. H., 1956, n° 4, p. 216-218) serait possible. Elle reste à faire.
100 Cf. ci-dessus p. 153.
101 Cf. t. VI1, table 130, p. 328.
102 Cf. t. VI1, table 162, p. 361, 5e colonne ; t. VII, p. 52-53.
103 Cf. t. VI1, table 133, p. 331.
104 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52.
105 Cf. t. VI1, table 162, p. 361, 6e colonne ; t. VII, p. 52-53.
106 Cf. t. VI1, table 136, p. 334.
107 Cf. t. VI1, table 162, p. 361, 7e colonne ; t. VII, p. 52-53.
108 E.J. Hamilton, op. cit. p. 189 et 403 ; Cf. t. VI1, table 162, p. 361 Après le 107,70 de la Nouvelle Castille, on arrive à 102,50 ; après un 106,77 à Valence, on arrive à 100,23.
109 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
110 Cf. ci-dessus p. 169-170.
111 Ch. La Roncière, t. III, op. cit. p. 294296.
112 Cf. t. II, p. 292.
113 Cf. t. II, p. 292, Codoin Ind. II, 10, p. 314315.
114 Cf. t. II, p. 292-293.
115 Cf. t. II, p. 314-315.
116 Ch. de La Roncière, III, p. 376 ; Cf. t. II, p. 326.
117 Cf. t. II, note I, p. 338-340.
118 Cf. t. II, p. 340, note 3, on y voit un Gine3 de Carrion qui repousse brillamment un adversaire plus lourd et mieux doté.
119 Cf. ci-dessus, p. 161-162.
120 Cf. t. VI1, tables 165, 168, 171, 174,175, 176, p. 364, 367, 370, 373, 374, 375.
121 Bien qu’indirectement — on a vu pourquoi, t. VIII1 — plus destructrice d’hommes. Pour des raisons qui ne sont pas imputables à la conquista, plus humaine en Nouvelle Espagne qu’au Pérou, mais aux structures précoloniales des sociétés indiennes.
122 P. Chaunu. Quelques aspects d’une Hispano-Amérique sacrifiée. R.H. 1952, no. 1, p. 56-68.
123 En 1542, sur 146 navires, 99 de directions et provenances connues et 47 inconnues ; Nouvelle Espagne en compte 25 et 3 770 toneladas, les îles 39 et 4 280 toneladas, la Terre Ferme, 35 et 5 190 toneladas.
124 Cf. t. VI1, tables 165, 168,171, p. 364, 367, 370.
125 Il vaudrait mieux dire, peut-être, la réduction brutale du temps de transfert des séries prix aux séries-trafics.
126 Les méthodes suivies par Hamilton dans l’établissement de ses courbes (non pondération) tendent à minimiser l’importance réelle de ces pointes dues à la mauvaise récolte.
127 Cette évolution, il faudrait pouvoir en chiffrer les jalons.. Malheureusement, la documentation manque. Une présomption, en ce sens, pourrait du moins être tirée d’une étude attentive des quelques cargaisons types.
128 Cet aspect nécessitera une étude attentive.
129 Son existence pour le XVIIe ou la fin du XVIe n’est pas contestable, les preuves abonderont alors (cf. ci-dessous 3e, 4e et 5e parties), le seul point sur lequel on puisse, un instant hésiter, c’est sur sa date de naissance. L’établissement de la covariabilité positive des prix et du trafic nous incite à penser que sa date de naissance doit être reculée loin dans le passé.
130 Cf. t. VI1, table 136, p. 334.
131 Dans la ligne de l’explication un peu trop simpliste, peut-être, des théories quantitativistes. La liaison, pourtant, existe. Nous l’avons, nous même, expérimentée. Elle nécessite un laps de temps, pour s’exercer et beaucoup de souplesse dans l’interprétation.
132 Entre la période 1506-1510 et la demi-décade 1536-1540, le rapport des niveaux d’exportation des métaux d’Amérique est de l’ordre de 1 à 3,5 entre 1506-1510 et 1541-1545, de l’ordre de 1 à 4,5 (D’après E.J. Hamilton op. cit. 1501-1650, p. 34-35). Cet accroissement est vrai en quantité, bien sûr. Il reste valable en valeurs constantes. Tandis que les quantités des trésors officiellement exportées évoluent dans le rapport de 1 à 3,5 et de 1 à 4,5, les prix le font, tout au plus, dans le rapport de 1 à 1,4, ce qui laisse en valeurs constantes, pour les exportations des trésors d’Amérique, une marge très considérable de croissance, de l’ordre, entre 1506-1510, d’une part, 1536-1545, d’autre part, de 300 % environ.
133 Cf. t. VIl, tables 130, 136, 142 et 162, p. 328, 334, 340 et 361.
134 On a rendu compte, ailleurs, de la permutation des points des mouvements globaux, Allers et Retours, entre 1541 et 1542. Cf. ci-dessus, p. 169-170.
135 Cf. t. VI1, tables 168, 165, 175, 174, p. 367, 364, 374 et 373.
136 Cf. ci-dessus p. 175-176. Cf. t. VI1, table 165, p. 364.
137 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
138 Cf. t. VI1, tables 130, 136,140, p. 328, 334 et 338.
139 Cf. t. II, p. 352-353 ; p. 366 ; p. 378.
140 Notre comput des pertes, certes, on l’a vu, ne peut au cours de la première moitié du xvie siècle, surtout, prétendre à être complet. Toutefois, tout laisse à penser, qu’il existe, entre ce que nous avons saisi et la réalité, une relation étroite. Cf. t. VI,, tables 601 à 669, p. 861 à 975 et plus spécialement table 609, p. 869 ; et pour le détail des pertes, entre 1538 et 1546, t. II, p. 288 à 399. D’après la table 609 (t. VI2, p. 869), on note : avant 1538 : rien ; 1538 ; I, 150 toneladas ; 1539 : rien ; 1540 : I, 150 toneladas ; 1541 : 4, 410 toneladas ; 1542 : 6, 730 toneladas ; 1543 : 3, 360 toneladas ; 1544 : 4, 555 toneladas (le plus gros pourcentage, 4,7 % par rapport à l’ensemble du mouvement) ; 1545 ; 2, 300 : 1546 : I, 130 ; 1547 : rien... Poussée d’autant plus significative que l’instrument de mesure est plus grossier.
141 Cf. t. II, p. 366.
142 Cf. t. VI2, table 609, p. 869.
143 Cf. t. II, p. 378.
144 Cf. ci-dessus, p. 169-171
145 E.J. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 189 et 403 et t. VI1, table 162, p. 361.
Valence est aberrante, ce qui est presque réconfortant, car elle repart entre 1544 et 1545. Mais, en l’absence de renseignements sur l’Andalousie, il est bon de noter la parfaite concordance des séries Nouvelle-Castille et Vieille-Castille-Léon.
146 Quiconque n’accepterait pas — cela semble pourtant difficile, en présence de la série approchée des pertes de la table 609 (t. VI2, p. 869) — cette manière de voir et voudrait s’en tenir aux données du trafic Allers, non corrigées, pourrait tâcher d’expliquer 1545, en supposant une poussée de trafic (exportations, essentiellement, de produits alimentaires) destinées à désengorger les marchés du Sud de l’Espagne qu’on peut supposer engorgés en 1545.
Mais cela ne semble guère raisonnable. On peut admettre, tout au plus, que la rétention et la décongestion relative du trafic Allers en l545 ou si l’on veut, la permutation de 1544-1545 aura été facilitée par les bas prix eux-mêmes. Sorte de fuite devant la crainte de la déroute.
Mais tout cela n’est guère convaincant.
147 Cf. tome VI1, table 162, p. 361.
148 Sous l’influence des séries Vieille-Castille-Léon et Valence. Cf. E.J. Hamilton op. cit., 1501-1650, p. 189.
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