Chapitre IV. La première fluctuation décennale de la nouvelle Espagne (1522-1532)
p. 113-141
Texte intégral
1Les trafics, à peine sortis du creux de 1522, reprennent leur marche en avant ; il semble, toutefois, que le progrès, un moment, s’essouffle, et que l’interprétation des phénomènes devienne plus délicate, dans la mesure, précisément, où des facteurs extérieurs à l’économique pure — la guerre, la construction par grands pans géographiques de l’espace des Indes de Castille — viennent troubler le système normal des respirations propres à l’Atlantique.
I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX
2Il importe, pour pouvoir faire le départ de l’endogène et de l’exogène, de l’économique pur et de l’extra ou du para économique, d’être à même, d’abord, d’apprécier la valeur des éléments qu’on aura à intégrer dans une trop ambitieuse construction.
LES BASES DOCUMENTAIRES
3Presque tous les doutes, presque toutes les limites reconnues pour la première fluctuation primaire de 1506 à 1510 et pour le premier cycle de 1510 à 1522 s’appliquent encore à la première fluctuation décennale de la Nouvelle-Espagne.
4Les masses économiques mises en cause demeurent faibles, quelles que soient les normes de l’Ancien Régime. Pour les demi-décades 1521-1525 et 1526-1530, 227 et 316 navires en Allers, 119 et 167 en Retours, 346 et 483 en Allers et retours1, ce qui — si l’on suit nos hypothèses — représente en tonneaux de jauge internationaux actuels de 2m3 83 : 18 262,5 et 25 927,5 tonneaux pour les Allers, 9 697,5 et 13 800 pour les Retours, 27 960 et 39 727,5 pour les Allers et retours2. Chiffres plus proches des 226,279 et 442 unités des trois premières décades 1506-1510, 1511-1515, et 1516-1520 et des 15 680, 19 390 et 20 807 tonneaux qu’ils représentent, qu’ils ne le sont — en tonnage surtout, — des chiffres records à l’apogée soit pour les Allers et retours des demi-décades 1591-1595, 1596-1600, 1606-1610 et 1616-1620, 920, 943, 965 et 867 navires, équivalant à 162 323,218 988, 273 500,4 et 248 214,6 tonneaux. Les volumes ont, au cours de ce second cycle3, (quasi doublé par rapport au plancher des débuts, mais ils ne représentent encore que le 1/8 des masses déplacées à la belle époque. On pourra, ici encore, hésiter à conclure sur des quantités aussi médiocres. Médiocrité des masses impliquées et grossièreté de notre approche. Rien sur les valeurs, rien dans les statistiques par types de marchandises. On ignore la nature des cargaisons. Plusieurs sont résumées en note aux tableaux4 ; elles sont, d’autre part, suffisamment homogènes pour qu’on puisse constituer une espèce de cargaison type à l’Aller et de même, au Retour5. Mais de telles données, malgré leur prix, sont purement qualitatives, elles ne peuvent servir à une étude conjoncturelle.
1. Tonnage
5Il faudra donc, une fois encore, pratiquement, tout édifier sur la seule approche volumétrique des échanges, saisis à travers le tonnage des navires en cause, en vertu de l’équation volume-tonnage tant de fois évoquée.
6Or ce volume, dont tout dépend, est-il mieux connu ? Mieux, sans doute, mais d’une manière grossière encore, comparée à la précision, aux certitudes des périodes plus tardives. Le mouvement global à l’intérieur de cette seconde fluctuation, dont on justifie, ultérieurement, les limites6, met en cause 885 navires, totalisant 97 170 toneladas non pondérées : 588 navires et 64 220 toneladas à l’Aller, 297 navires et 32 950 toneladas au Retour7. La proportion des évalués, par rapport à l’ensemble, demeure forte8, partant, la marge d’imprécision, de l’évaluation relativement grande et l’évaluation individuelle des navires, dont le tonnage n’est, ni directement, ni indirectement connu, rigide. Le tonnage des connus directement, connus indirectement et évalués9, (en Allers, Retours et Allers et retours, est, pour la période 1523-1532, de 940, 3 620, 59 660 ; 340, 1340, 31 270 ; 1 280, 4 960, 90 930 toneladas. Soit encore, une proportion d’évalués de 94 %, de connus directement de 1,5 % et de connus indirectement de 4,5 %, répartis inégalement, en Allers surtout. Progrès sensible comparé aux 0,3 % de connus directement et 3,7 % de connus indirectement du cycle 1510-1522, mais bien maigre, par rapport aux 80 % de connus directement de l’époque de la plus grande précision.
7Aucune modification sensible n’est encore intervenue dans le tonnage des navires. Les facteurs qui pousseront à l’accroissement du tonnage unitaire moyen commencent à peine à jouer : l’allongement des distances, par exemple — mais les îles prédominent toujours dans le trafic Espagne-Amérique : le continent n’est guère atteint, encore, qu’en partant des îles, — la navigation en convois, l’augmentation des volumes transportés pour répondre aux besoins de colonies européennes toutes jeunes encore10. Les navires, dont on connaît le tonnage, sont toujours de petits navires : 90, 60, 200, 80, 80 et 30 toneladas, par exemple, en 152311. La lenteur extrême des modifications illustre la rigidité des structures de la mer, et son lourd volant d’inertie technique et humaine.
8Certains faits ont pu, néanmoins, dès cette décade, jouer en faveur d’un très léger gonflement du tonnage unitaire. L’aggravation de la tension maritime franco-espagnole — elle finira par entraîner une politique des gros convois — pousse à l’introduction de navires plus forts, susceptibles d’être mieux défendus. La première mesure interdisant désormais, pour des raisons de défense, l’usage dans la Carrera de navires de moins de 80 toneladas daterait de 152212. Cette mesure donne l’indication d’un vœu. Elle n’a certainement pas exclu, d’entrée de jeu, les navires de moins de 80 toneladas — ils ne disparaîtront jamais de la Carrera. Elle tend à prouver, tout au contraire, que le très petit ou le petit navire prédominait encore en 1522. Elle peut signifier, aussi, à partir de cette date, une tendance à un léger gonflement du tonnage unitaire. La diminution, par rapport à la période précédente, du nombre et de l’importance des expéditions de découvertes sortant directement d’Espagne13 joue dans le même sens, par la diminution qu’elle entraîne de la part relative du matériel généralement le plus médiocre14,
2. Règles d’évaluation et modification du taux de pondération
9Pour essayer de suivre ces modifications, on s’est donné les règles suivantes dans l’évaluation des tonnages :
110 toneladas, pour les navires allant en un point non spécifié ou dans une île ; 8 fois sur 10, la direction ou provenance non spécifiée est une île : son alignement sur les îles est donc un moindre mal. On a conservé — ce qui est logique — pour les navires anciens apparus depuis longtemps dans la Carrera, l’évaluation plus faible de la période antérieure. D’où les nombreuses évaluations à 100 toneladas.
120 toneladas, pour les navires qui vont directement au continent, que ce soit la Nouvelle-Espagne — on a compris dans cette mention Villarica, Yucatan, voire même Guatemala15 — ou la région de l’isthme de la Terre Ferme, avec Nombre dé Dios signalé pour la première fois dans nos tableaux en 152616. L’évaluation choisie, pour un navire qui apparaît avoir, au cours de sa carrière, desservi plusieurs régions évaluées de manière différente, est toujours la plus faible.
10Diagrammes d’équipages, selon la méthode déjà exposée des tables d’équivalence17 et données qualitatives, malheureusement rares, sur le matériel de la Carrera ont été utilisées au maximum. On a conservé, le plus souvent, les principes adoptés au cours de la période précédente : considérer une caravelle comme un navire généralement plus petit que la moyenne, entendez 80 toneladas. On évalue, en les replaçant dans l’éventail du premier Atlantique, la « nao pequeña » à 70, la « nao grande » à 200, le galion à 180 toneladas.
11Ces quelques règles — ces tâtonnements, dirons-nous — réduisent au minimum les risques d’erreur. Suffisamment conservatrices, — tout un faisceau de sources concordantes insiste, encore, sur le tonnage unitaire réduit du matériel de la Carrera — elles ont, néanmoins, l’avantage de suivre empiriquement le gonflement très faible mais certain du tonnage moyen et d’aménager le raccord avec les données dont on dispose pour la période suivante18.
12La modification, à partir de 1526, du taux de pondération qui permet de transcrire des chiffres globaux donnés en toneladas non pondérées en tonneaux de jauge modernes de 2m3 83 — le taux est porté de 70 à 75 % — permet de serrer d’un peu plus près l’évolution présentée19.
3. Nature des navires
13La nature des navires — pas plus que leur tonnage — n’est bien connue. Le silence, sur ce point, est lié à la faiblesse documentaire de l’ensemble de la période : presque pas de Registres20, pas de correspondance suivie de la Casa de la Contrataciόn, quelques bribes seulement dues aux catalogues de l’Archivo de Protocolos. Sur un total, en effet, de 885 navires, au cours de cette fluctuation exactement décennale, on ne possède des indications précises que pour 8 % des cas, soit 68 navires, 59 à l’Aller et 9 au Retour21. On doit, pour tous les autres navires, se borner aux seules indications généralement insuffisantes du Livre de Registres : nao et navío, dont on a vu, ailleurs, la signification (qui n’est pas pourtant absolument négligeable)22. Ces renseignements — autre disgrâce — sont localisés au cours d’un petit nombre d’années de 1523 à 1528, une zone de grand silence documentaire commençant au-delà de 1529. 48 navires (41 à l’Aller, 7 au Retour) sont mentionnés dans la catégorie caravelle, à quelques variantes près, 4 navires, dans celle plus précise encore, caravelle portugaise (3 à l’Aller, 1 au Retour), 4 galions (2 à l’Aller, 2 au Retour), une zabra et 12 galions n’entrant pas, il est vrai, dans le calcul du mouvement23. Cette précision, plus grande, sans doute, que celle rencontrée dans les périodes antérieures, n’est rien, comparativement aux masses dont on disposera plus tard et qui permettront de suivre, en particulier au sein du matériel de la Carrera, la poussée des navires étrangers, cet élément non négligeable de l’histoire conjoncturelle. Encore ce léger avantage est-il compensé par une moindre précision, ailleurs, dans la ventilation des directions et provenances.
4. Ventilation des directions et provenances
14Il est inutile d’en redire l’intérêt. Elle est nettement moins bien connue que dans la fluctuation antérieure, à cause du grand silence documentaire qui recouvre la période 1529-1536 et déborde largement cette seconde fluctuation24. Carence fâcheuse, à une époque où, avec l’apparition du continent et l’utilisation de nombreux ports nouveaux, une ventilation détaillée est plus utile que jamais. 158 directions sont connues sur 588 voyages d’Allers, 81 provenances sur 297 voyages de Retour, 239 directions et provenances, donc, sur 885 globaux soit 27 % au total, contre 33 % au cours de la fluctuation antérieure.
15La masse des connus reste, toutefois, suffisante, pour suivre l’arrivée des grands espaces continentaux, d’une part et pour avoir la certitude de la primauté des îles, encore, dans l’ensemble de la période, d’autre part. C’est bien contre les îles et la péninsule ibérique que le gros du négoce transocéanique est encore cantonné. Sur 158 directions connues, 26 concernent la Nouvelle Espagne, 8, la Terre Ferme, 124, les îles ; sur 81 provenances, 3, 3 et 75, et sur 239 directions et provenances, 29, 11 et 199, entendez pour l’ensemble des Allers et retours, 83,33 % pour les îles, 12,17 % pour les ports de la Nouvelle Espagne, et 4,5 % pour ceux de la Terre Ferme.
16Les proportions obtenues pour les Allers, — respectivement, 16,5 %, 5 %, 78,5 % — sont, sans doute, plus valables que celles obtenues pour l’ensemble, faussées par les Retours, en trop petit nombre, dont certains navires portés comme venant des îles risquent d’être, en réalité, des navires d’escale, en provenance du continent.
1778,5 % pour les îles, à l’Aller, est, vraisemblablement même, chiffre trop fort, valable, tout au plus, pour le début, seulement, de la fluctuation en raison du fléchissement de la documentation, dans les trois dernières années de la fluctuation, au moment où l’on pourrait, normalement, s’attendre à rencontrer la plus forte proportion en faveur des masses continentales nouvelles. En raison aussi, du fait signalé déjà pour les Retours, que l’on retrouve, à l’Aller, à une moindre échelle : un certain nombre de navires mentionnés dans les textes comme desservant les îles ont dû, en réalité, pousser au-delà après escale. Par une sorte de vitesse acquise, même quand le navire doit aller plus loin et qu’on le sait, le port insulaire le plus ancien est nommé de préférence.
18On pourra donc, pour l’ensemble de cette fluctuation parfaitement décennale, considérer comme vraisemblable, entre les trois directions et provenances fondamentales, les proportions suivantes : 70 % pour l’ancien domaine toujours important des îles, 10 % pour la Terre Ferme, 20 % pour la Nouvelle Espagne, ce soleil montant, depuis Cortès, au ciel des Indes.
19Cette ventilation, suffisante pour saisir les grandes lignes, n’en demeure pas moins trop grossière pour permettre de suivre, comme on le fera plus tard, le rôle de chaque direction ou provenance dans le déroulement de la fluctuation.
5. Les prix
20Les prix ne présentent, encore, que des séries fragmentaires : Nouvelle Castille et Valence sont au complet, Vieille Castille possède 9 indices pour 10 ans, mais on dispose seulement de deux indices andalous (1530 et 1532), qui n’incorporent toujours pas de prix céréaliers, sinon d’une manière très indirecte, par le biscuit de mer25. La conjonction prix-trafic ne pourra donc se faire, la plupart du temps, que d’une manière assez artificielle, à travers les prix de Nouvelle Castille, de préférence et les indices de prix-argent, maniés avec prudence, puisqu’ils ont dû être calculés sans les prix moteurs d’Andalousie.
21Tel est le matériel, dont il faudra se contenter. Son dénuement est encore, à quelques nuances près, beaucoup plus proche de la pauvreté du tout début que de la richesse de la fin.
L’ALLURE GÉNÉRALE DE LA PÉRIODE
22Cette période de 10 ans, à la différence des deux premiers cycles de 1506-1510, 1510-1522, de celui de 1544-1554 qui clôt cette première demi-phase longue d’expansion, constitue, avec la fluctuation cyclique de 12 ans qui la suit, de 1532 à 1544, une espèce de palier, de conjoncture hésitante, d’ascension moins rapide — de ralentissement relatif, dirons-nous.
1. Ralentissement relatif
23Ce ralentissement est particulièrement vrai pour le cycle de 1522-1532. Représentations graphiques sur canevas semi-logarithmique26 et séries chiffrées le montrent clairement. Il suffit, sur les séries des mouvements semi-décadaires en unités non pondérées27 et en unités pondérées28 de comparer points hauts et point bas de cette fluctuation à ceux des cycles qui la précédent et la suivent. 1520, point culminant de la fluctuation précédente est en Allers et retours29 de 7 525 tonneaux en unités pondérées ; les deux sommets de 1522-1532, avec 9 037,5 et 9 142,5 tonneaux, marquent une expansion de 20 et 21 % seulement par rapport au sommet précédent d’expansion cyclique maximale, le point haut de 1536, avec 15 330 tonneaux, une expansion de 66 % sur le cycle, tandis que 1550 est encore en progrès de 64 % par rapport à 1536. Un raisonnement sur les creux donnerait des résultats analogues.
24Les rapprochements auxquels on parvient sur les moyennes mobiles en unités non pondérées et mieux, en unités pondérées, sont plus probants peut-être encore. On peut comparer, par exemple, des points du présent cycle à ceux semblables du cycle précédent et du cycle suivant et apprécier, par le calcul, l’ampleur du ralentissement de la pente ascendante au cours de cette fluctuation d’essoufflement. Ainsi, la progression est de l’ordre de 25 % entre 1510-1522 et 1522-1532, et entre 1522-1532 et 1532-1544, toutes choses étant égales, de l’ordre de 50 %. La fluctuation 1522-1532 apparaît donc comme une période de progrès, mais de progrès modeste, comparativement à la pente générale d’une phase en fantastique ascension, ralentissement relatif, il faudra l’expliquer.
2. Relative indépendance des fluctuations internes
25La seconde caractéristique de la fluctuation décennale réside dans son articulation interne.
26La simple vue des séries brutes30 et de leur expression graphique31 fait apparaître deux fluctuations (interprétation large), voire même trois (interprétation étroite), parfaitement indépendantes. Sur les Allers et retours et les Allers qui les commandent, une première fluctuation de 1522 à 1528 — phase d’expansion de 1522 à 1525, plateau concave de 1525 à 1527, phase descendante de 1527 à 152932 —, une seconde fluctuation de 1528 à 1532 — phase descendante de 1528 à 1530, phase descendante de 1530 à 1532. Les Retours offrent des caractères analogues, à une différence près : le mouvement y est réduit, coincé entre la fluctuation précédente plus longue et une zone de conjoncture hésitante de 1531 à 1534. C’est donc sur 7 ans seulement que le mouvement Retours décrit ses arabesques, entre 1524 et 1531. Schéma identique pourtant : une première fluctuation de 1524 à 152833 — 1524-1525, expansion, 1525-1527, plateau concave, 1527-1528, contraction — et une seconde fluctuation 1528-1530-1531. Ces deux fluctuations, tant sur les séries brutes que sur les pourcentages d’écart à la tendance majeure34 apparaîtront parfaitement indépendantes l’une de l’autre.
27Seuls, les Allers peuvent se laisser interpréter, d’emblée, comme coulés en une fluctuation unique, 1528 — charnière entre les deux fluctuations primaires —, y étant moins creusé que les deux termes de 1522 et de 1532 : 85,003 % contre 33,82 % et 63,31 %. Les Allers et retours, par contre, avec 75,146 % contre 58,703 % et 75,58 % sont coupés par une articulation profonde qu’ils empruntent au mouvement Retours. La cassure, en effet, qui sépare les deux fluctuations primaires sur le mouvement Retours est beaucoup plus accentuée que sur le mouvement Allers. Le creux initial de 1523 et de 1524 y est plus profond — à 43,388 et 34,4785 % du trend — que le creux médian de 1528, à 55,377 %, mais ce dernier est, lui-même, plus profond que le creux terminal de 1531, à 81,9113 % du trend. La situation des Allers et retours est donc bien à mi-chemin entre celle des Allers et celle des Retours, le creux médian de 1528 étant moins creusé que la vague de 1522, mais à égalité avec le creux de 1532. Il pourrait donc sembler à l’observateur pressé que, de 1522 à 1532, on est en présence de deux fluctuations autonomes et de puissance équivalente.
3. Un cycle, pourtant
28En réalité, il n’en est rien, et la période 1522-1532 peut et doit légitimement être considérée comme formant une seule et même fluctuation décennale, engendrée, il est vrai, par deux belles fluctuations primaires accolées. Il est difficile, en effet, de conférer au creux médian de 1528 la même signification qu’au creux encadrants dont 1522 et 1532 constituent les fonds. 1522 est, en Allers, entre deux points bas, 1521 et 1523, sa position en Allers et retours est analogue, en Retours, 1524 est précédé d’un autre point très déprimé 1523. La situation est, pour 1532 et 1531, exactement identique — 1528, par contre n’est qu’un grand coup de scie, dont on verra plus loin le caractère exogène. Cette situation apparaît clairement dans les écarts au trend35.
29Un procédé permet de dégager le caractère authentique de la fluctuation décennale 1522-1532 : les moyennes mobiles médianes de 5 ans. Trop courtes pour éliminer le cycle décennal, suffisantes pour faire disparaître l’accident de mer ou de guerre, elles dégagent parfaitement ici, la fluctuation globale, tant pour les Allers, pour les Retours, que pour les Allers et retours36, en situant le point haut, soit en 1529 pour les Allers, soit en 1527 pour les Retours et les Allers et retours.
30Ces considérations interdisent de douter de la réalité d’une fluctuation décennale. Moins clairement affirmée, sans doute, que la fluctuation précédente, elle est bien délimitée par les moyennes mobiles de 5 ans et fond en une seule masse les deux fluctuations.
31Un problème subsiste : le choix d’une crête. 1530 (1529 pour les Retours37), chiffres absolus en unités pondérées et rabotage par les moyennes de cinq ans inclinent à le faire penser, serait le sommet de la fluctuation. Mais l’adoption de nos coefficients de pondération modifie la localisation de la crête, du moins sur le mouvement global en unités brutes : 1525 égale pratiquement 153038. Or c’est bien en 1525, d’après les pourcentages des écarts à la tendance39, que se place l’expansion cyclique maxima, élimination faite, comme il se doit, de la tendance majeure40.
32On rejoint ainsi par la bande la constatation faite au départ : ce cycle est un cycle d’expansion, certes, mais avec un ralentissement relatif de l’accélération. La curieuse dissymétrie, qui permet, élimination faite du trend, d’attribuer41 au cycle d’une phase ascendante de 2 ans, suivie d’un palier descendant et d’une phase de contraction au total de 8 ans, procède de ce caractère. Ce schéma — normal en phase longue de contraction — surprend en phase A et corrobore bien, finalement, l’hypothèse initiale d’essoufflement relatif du cycle. Cette dissymétrie apparaît clairement d’une manière graphique, sur la courbe des moyennes de cinq ans rapportée au trend obtenu par les moyennes de treize ans42. C’est au début du cycle, en 1525, que la courbe des cinq ans — celle qui dégage le plus parfaitement la réalité de la fluctuation décennale — s’écarte le plus sensiblement du trend dégagé par les moyennes de treize ans. Cet écart s’en va ensuite en décroissant et la courbe de cinq ans passe, à nouveau, en-dessous du trend en 1529. Cette dissymétrie n’est donc pas une simple vue de l’esprit ; elle correspond bien à une réalité profonde que l’on retrouve, quelles que soient les démarches empruntées.
4. L’allure générale des prix
33Mais — première distorsion qu’il est bon de signaler, d’entrée de jeu et dont il faudra rendre compte — au ralentissement relatif de l’accélération du trafic correspond une accélération relative des prix, la décade 1522-1532 étant comme toute la première moitié du xvie siècle espagnol, mais plus particulièrement, une période d’accélération assez forte des prix. L’expansion des prix calculée grossièrement sur le trend des indices de prix-argent dégagé par les moyennes mobiles de 13 ans est, en effet, de l’ordre de 12 % de 1512 à 1522, de 18 % de 1522 à 1532, de 13 % seulement de 1532 à 154243. Cette distorsion semble imputable à deux facteurs.
34La position des points hauts, tout d’abord. Les courbes des prix présentent, dans l’ensemble, deux forts déclenchements, l’un, à la fin du second cycle, l’autre, à la fin du présent cycle 1528-1532. Or44, la poussée du trafic est commandée, on le verra, au cours de la fluctuation 1522-1532, par la poussée des prix des années 1521-1522, tandis que l’énorme marche d’escalier des années 1529-1531 ne peut, en vertu de la théorie ébauchée45, intervenir au cours du cycle 1522-1532, mais seulement — ce qu’elle fait, en réalité —, commander le début de l’expansion suivante. L’augmentation, de ce fait, entre 1522 et 1528, si on se reporte aux indices des prix-argent non rabotés, a été seulement de 1,5 %46. On comprend mieux que la forte pente des prix, dans le découpage chronologique du cycle du trafic, ait pu, normalement, n’avoir que des effets différés.
35La conquête aura été un autre facteur. Au cours de cette décade, comme à la fin de la fluctuation antérieure47 (et plus peut-être encore, la conquête effective du continent absorbe partie des forces économiques des Indes de Castille déjà existantes — les îles et la partie soumise du continent.
36Le prodigieux déséquilibre, au cours de la période, entre Allers et Retours en est la preuve. Les Retours ne représentent, en effet, que 36,5 % du mouvement global de la fluctuation 1522-1532, contre 42 % pour l’ensemble de la période 1506-1650. Le retard relatif du mouvement Retours est donc responsable du retard relatif de l’ensemble du mouvement et derrière lui, l’énorme poussée des Indes déjà existantes en direction de la Nouvelle-Espagne.
37Une troisième cause, enfin, la plus décisive, peut-être, de la discordance entre l’accélération des trafics et des prix se trouve dans l’histoire du cycle précédent et dans la relation trafic-prix qu’il faut bien supposer. L’accélération de la croissance du trafic a été particulièrement forte, au cours de la fluctuation cyclique 1510-1522. Une contre-épreuve en est donnée, on s’en souvient, par la statistique des importations officielles de métaux précieux48. Les trésors des années 1511-1520 n’ont pas, selon toute vraisemblance, fini d’épuiser leurs effets sur les prix, au cours de la décade 1511-1520, le meilleur en est sensible de 1521 à 1530. Au cours de la fluctuation 1510-1522, le trafic dépassait, dans sa marche conquérante, les prix espagnols, il est normal qu’au cours de la fluctuation suivante, les prix portés par les trésors désormais monnayés rattrapent une partie de l’avance perdue.
38Ces trois facteurs sont, vraisemblablement, suffisants pour rendre compté de l’apparente discordance existant entre la pente du mouvement des prix au cours de cette fluctuation et la pente générale du négoce. Mais la caractéristique majeure de ce cycle reste bien la relative indépendance des deux fluctuations primaires qui le constituent.
II. — LA PREMIÈRE FLUCTUATION PRIMAIRE (1522-1528)
39Cette fluctuation s’impose jusqu’à l’évidence.
LA PÉRIODE DU CREUX INITIAL
401522, sur l’ensemble des courbes de mouvement, est bien au centre d’une grande zone déprimée. Les pourcentages des chiffres vrais au trend l’attestent49.
41Sur le mouvement Allers, 1522 est à 33,82 %, entre 1521 et 1523, à 71,19 % et à 78,46 %. Sur le mouvement Retours, le creux, décalé de deux ans par rapport aux Allers, est moins étalé, mais plus vigoureux encore : 1523 est à 43,388 % et 1524, à 34,4785 %. Sur les Allers et retours, enfin, la conjonction des deux mouvements aboutit à dessiner une vaste dépression, plus étalée encore que creusée50 : 1521 n’est plus qu’à 83,003 %, sous l’effet du seul reflux du mouvement Allers, tandis que le volume des Retours s’est considérablement rapproché du volume des Allers (45,93 % du global51.1522 marque le centre du creux des globaux, sous la seule action du reflux des Allers, tandis que la courbe des Retours passe au-dessus de celle des Allers (1522 est, avec des Retours représentant 62,95 % du total, une des 40 années de rapport inversé au sein du couple Aller-Retour, le plus marqué de la première moitié du xvie siècle). Le chiffre vrai de 1522 n’est plus en Allers et retours qu’à 58,703 % du trend. 1523 reste très déprimée, car la reprise des Allers (en augmentation de 130 % sur l’année antérieure, mais à 78,467 %, seulement, du chiffre tendanciel) compense et au-delà, la dépression des Retours (à moins de 40 % de l’année précédente et à 43,388 % du chiffre tendanciel). Le rapport des Retours par rapport au global est inférieur à la normale très basse de la fluctuation, 24,44 %, au lieu de 36,5 %. 1523 demeure encore très en-dessous de la moyenne des Allers et retours, avec 65,52 % en faible progrès seulement par rapport à l’année précédente. 1524, en pleine expansion des Allers, mais au creux de la vague des Retours — ce qui lui vaut un pourcentage insolite de 84,88 % pour les Allers et 15,12 % seulement pour les Retours, — reste de ce fait encore au-dessous du trend des Allers et retours à 82,927 % du chiffre tendanciel. Le creux est si profond sur les mouvements Allers, Retours, et Allers et retours, qu’il apparaît bien dessiné, sur les moyennes mobiles de 5 ans, centré en Allers sur l’année 1521, en Retours sur 1522, et en Allers et retours sur 152252.
42Ce phénomène — on l’a vu — peut s’expliquer par tout un faisceau de causes53. Le comportement des Retours, au maximum de l’indépendance possible au cours de ces années, par rapport aux Allers, a pour facteur essentiel la colonisation du continent et plus spécialement, la construction de la Nouvelle-Espagne, le détournement en direction du continent des exportations des îles transformées de plus en plus, en simple relais sur le chemin de la colonie nouvelle. De plus, la guerre française aura pesé sur les Retours, encourageant les négociants de Séville à laisser leur avoir aux Indes — or que faire d’un avoir aux îles, à moins de l’investir au cours de ces années surtout, dans la grande aventure du continent ? A cet ensemble, le creux conjoncturel normal des Allers vient s’ajouter. Ainsi s’explique — sous ce faisceau de preuves accumulées — le grand contre-courant des Retours, continu de 1518 à 1524, de puissance telle que le point haut de 1518, et mieux encore, celui de 1514, n’est pas égalé avant 1529, compte tenu de la pondération de la tonelada, pas avant 1536, sur les séries exprimées en unités brutes supposées constantes54.
43Le creux des Allers peut s’expliquer par l’action combinée de trois facteurs, la guerre, l’action déprimante des prix longtemps en-dessous de leur trend et la poussée conjoncturelle brutale de 1522.
44Que 1522 soit l’œil d’un cyclone, le fait n’est guère douteux. On le reconnaît, malgré l’infirmité de la documentation, à un certain nombre de signes, qui sont la traduction psychologique normale de la dépression commerciale. Les états de tension sont fréquents entre Casa de la Contrataciόn et marchands55, structurellement normaux, en quelque sorte tant que la Casa restera ce qu’elle devait être, à l’origine, un organisme d’État, soucieux, d’abord, des intérêts de l’État.
45Ces tensions logiques n’en subissent pas moins la loi de la conjoncture. La densité des conflits, leur acuité augmentent avec la contraction, diminuent pendant l’expansion. La localisation chronologique d’un des conflits en 152256 (est significative. Il en va de même de l’action menée de la Corogne contre le Monopole Andalou, à la fin de 152257 (. Fait de structure entrant dans tout un contexte d’autres mesures, d’autres velléités, mais réactif aussi, par sa date précise, d’une période de difficultés conjoncturelles graves. La guerre, enfin, a joué et en particulier, la poussée de la course française. On connaît son incidence sur le tonnage58 (La mesure de 1522 rapportée par Duro, platonique, sans doute, à plus d’un égard, est conjoncturellement instructive. Tout comme les attaques dirigées par les corsaires français en décembre 1522, au large de l’Algarve59.
LA REPRISE (1523-1525)
46Or, c’est pourtant en 1523, que les signes les plus clairs de reprise se manifestent.
47Le mouvement Allers, tandis que le synclinal des Retours se creuse, avec autant de rapidité que de violence, entame une puissante marche en avant, totalement indépendante des Retours. On ne peut, en effet, rêver distorsion plus absolue que celle des Allers et Retours en 1523. Les Allers sont en progrès de 150 % par rapport au creux de 1522, leur chiffre étant en gros deux fois et demi celui de l’année précédente, les Retours, par contre, sont en recul de 60 % sur le chiffre de l’année précédente, leur volume ne constituant même plus alors 40 % du volume de 1523. La sitution s’accentue encore en 1524. Allers et Retours continuant leur marche divergente : progrès de près de 50 % sur les chiffres de 1523, pour les Allers, recul de près de 20 % pour les Retours. Le formidable recul du mouvement Retour60 qui passe de 62,95 % à 24,44, puis à 15,12 % exprime cette distorsion étonnante.
48La montée des Allers mise en branle en 1523, se poursuit sur trois ans seulement, pourtant, avec une vigueur peu commune. 1522 :18 navires, 1 940 toneladas (1 355 tonneaux), 1523 : avec 41 navires et 4 360 toneladas (3 270 tonneaux), réalise un bond en avant de près de 150 % ; 1524, avec 60 navires et 6 400 toneladas (4 800 tonneaux), réalise un nouveau progrès de près de 50 % et 1525 (73 navires, 7 710 toneladas, 6082,5 tonneaux) progresse encore de 20 % : record jusqu’à ce jour du mouvement Allers, il ne sera pas dépassé avant 1530. 1525, élimination faite du trend, avec une expansion cyclique de 137,81 %, constitue même le point culminant de cette fluctuation décennale.
49Cette formidable montée, sans précédent, dont la force ascensionnelle sera rarement égalée, est à mettre en rapport, d’abord et avant tout, avec la conjoncture des prix. Sa localisation dans le temps, s’explique ainsi aisément. Mais pour rendre compte de son ampleur, et, surtout, de son insolite rapidité, il est bon de faire intervenir d’autres facteurs, dans une large mesure, d’ordre politico-militaire.
50La poussée des Allers paraît logique et simplement, mais fortement liée à la conjoncture des prix espagnols suivant le schéma classique. Elle est précédée par un fort mouvement ascensionnel des prix ; accompagnée pendant la montée du trafic par un palier élevé des prix, légèrement en retrait, toutefois, par rapport à la poussée cyclique précédente, elle ne consolide qu’une partie des gains. Sur les prix et pour se borner aux indices composés des prix-argent61 — malgré le poids mort du groupe valencien aberrant et moins nerveux et la carence de l’Andalousie — cette corrélation se trouve parfaitement réalisée. De 1520 à 1522, même la série des indices composés exécute, malgré son habituelle placidité62, une spectaculaire montée : de 42,00 à 50,51, en deux bonds d’égale puissance de 9 % chacun, pour atteindre une expansion de 18 %, en deux ans, et passer de 93,228 % par rapport au trend des prix, à 107,789 %. Cette courte période a été, vraisemblablement, une période de progrès et d’accumulation d’un profit susceptible, ensuite, de s’investir dans le grand commerce colonial. Mais la pointe de 1522 — conjonction normale, on a vu pourquoi — se traduit, d’abord, par une baisse non moins spectaculaire du mouvement Allers : dans la mesure, précisément, où les exportations de l’Europe sur l’Amérique, dans la première moitié du xvie siècle et au delà, sont constituées, pour l’essentiel, par des produits alimentaires, hypersensibles aux fluctuations de la conjoncture63.
51Cette situation est plus nette encore, sur les séries de Nouvelle Castille64, qui, en l’absence, on le sait, des séries andalouses, peuvent leur être, sans trop d’inconvénients, substituées. C’est bien, aussi, entre 1520 et 1522, que se place, à l’endroit où on l’attendait, la poussée motrice des prix, celle qui est assez puissante pour commander toute la fluctuation primaire, voire même la fluctuation décennale tout entière. Entre l’indice 73,99 de 1520 et l’indice 109,99 de 1522, le progrès est de 32,7 %. Telle est l’ampleur du déclenchement des prix qui va mettre toute la machine en mouvement. Progrès énorme dû, essentiellement, à une poussée cyclique céréalière65 de plus de 130 % en deux ans pour le blé nouveau-castillan (1520 : 108,5 ; 1521 : 160,0 ; 1522 : 240,3). Cette poussée est bien mise à profit par les trafics. Les conquêtes des prix de 1522, en effet ont été, conservées en partie seulement dans les années suivantes. C’est, on s’en souvient, une circonstance heureuse. Les bénéfices constitués au cours des années précédentes d’expansion sont appelés, ainsi, à un rendement particulièrement efficace. Ce phénomène est assez profond pour se retrouver très vigoureusement indiqué sur les indices composés eux-mêmes malgré leur rigidité. Il faut y attendre, en effet, 1527 pour que la cote de 1522 y soit dépassée. 1523, avec 48, 84 est en repli de 3,5 % par rapport à 1522, 1524, 1525, 1526 sont, avec 49,24, 50,39, 49,83, en retrait encore par rapport au chiffre indice de 1522. Soit, par rapport à la tendance majeure, des positions de 102,0684 %, 100,232 %, 100,4385 % et 97,56 %, seulement pour 1526. Même phénomène, à peu de chose près, pour la série Nouvelle-Castille, mais le recul de 1523 est beaucoup plus accentué, avec l’indice 85,74 contre 109,99 ; l’année précédente, il est de 23,5 %, puis la série remonte graduellement avec 95,27 en 1524, 99,55 en 1525, et la pointe spécifique de 152666.
52La covariation prix-trafic est parfaite. La localisation de la poussée du trafic Allers n’offre pas de difficultés. L’ampleur toute particulière de cette poussée reste à expliquer. Elle trouve appui dans les événements politico-militaires du moment.
53Le poids de la course française semble s’être considérablement relâché en 1523 et, surtout, en 1524. L’attaque anglaise contre la France détourne de l’Espagne une partie des forces françaises. Malgré l’attaque de Fleury contre les Retours de Nouvelle Espagne en 1522-152367, la pression qui a existé autour des années 1520-1522, est désormais moins forte. L’événement politico-militaire a pu, dans ces conditions et par hasard, en se manifestant pendant la contraction et en se relâchant en phase d’expansion, accentuer l’ampleur de la fluctuation. L’amplitude de l’expansion cyclique bénéficie donc dans une certaine mesure d’un effet de récupération.
54L’événement politico-militaire est responsable, peut-être, également, de la structure très particulière de cette fluctuation, dont le point culminant d’expansion cyclique se situe, très tôt, après une période ascendante extraordinairement courte et abrupte, trois ans seulement68.
55Pour le mouvement Retours, le parallélisme est frappant. Mais le point bas, oh a vu pourquoi69, au lieu de se localiser en 1522 se trouve rejeté en 1524. La phase ascensionnelle, déjà très brève en Allers, s’en trouve réduite des deux tiers et ramassée en une seule année. 1525 culmine avec 36 navires, 4 190 toneladas, et 3 142 tonneaux 5, soit, de 1524 à 1525, une expansion de 280 % environ. Cet essor ne modifie pas fondamentalement la position des Retours dans le couple des Allers et retours. Les Retours, en 1525, ne forment encore que 34,07 % du mouvement global70, à peine plus de la moitié du mouvement Allers. Cette double définition des Retours de 1525, puissance par rapport aux Retours de 1524, et relative faiblesse, face aux Allers de 1525, n’offre pas de difficultés, elle résulte, à certains égards, de la récupération du mouvement Allers en expansion pendant trois ans, de 1522 à 1525 et du détournement continu, pendant tout ce temps, de la substance des îles en direction du continent : Nouvelle Espagne — plus particulièrement la Floride — et Terre Ferme, dont les côtes sont méthodiquement explorées sur les deux océans71.Tandis que la culture de la canne gagne, peu à peu, Cuba après l’Espagnole72.
56Le mouvement global des Allers et retours dans cette phase d’expansion, suit d’assez loin le mouvement Allers. Les Retours donnent la tonique, fait remarquable, étant donné leur faible proportion — on a vu pourquoi — dans le mouvement global73. L’expansion des années 1523 et 1524 reproduit celle des Allers, en l’atténuant, puisque les Retours vont à contre courant. Le progrès est de Tordre de 20 % de 1522 à 1523, de 30 % de 1523 à 1524. De 1524 à 1525, par contre, sous l’effet cumulatif d’une expansion des Allers ralentie et d’une poussée brusque des Retours, le mouvement global effectue un bond de 85 %. A la courbe convexe des Allers répond donc la courbe concave des Allers et retours. 1525, enfin, culmine : 109 navires et 11 900 toneladas et l’expansion cyclique maxima de toute la période, avec un chiffre vrai à 134,363 % du niveau tendanciel de référence.
LE SOMMET CONCAVE DU MOUVEMENT (1525-1527)
57Entre 1525 et 1527, se situe ce qu’on peut appeler le sommet concave du mouvement.. Pendant trois années consécutives, en effet, les trois mouvements, Allers, Retours, et leur composante, les Allers et retours se maintiennent à un niveau très élevé, sensiblement égal. 1525 et 1527 sont à peu près équivalents. L’écart entre leurs positions ne dépasse pas 2 et 3 %. On ne peut donc donner le pas à l’une des années sur l’autre. 1526, par contre, forme un creux relatif limité, de 20 % sur les Allers, de 7 %, seulement, sur les Retours, de 17-18 % sur les Allers et retours. Mais cet ensellement est peu sensible, comparé aux points bas du cycle, le premier, surtout, centré sur 1522, 1526 est très proche des points de forte expansion qui l’encadrent. C’est avec eux qu’elle offre le plus d’affinité.
58Quand on examine le mouvement de plus près, cette solidarité sur trois ans n’exclut pas des différences. 1527 n’égale pas tout à fait 1525, et depuis 1525-1526, mouvement Allers et mouvement global qu’il commande, marquent un palier pas tout à fait horizontal, de pente légèrement descendante. Le palier débouchera sur le creux de 1528. Les pourcentages du chiffre vrai par rapport au chiffre tendanciel, calculé par moyennes mobiles de treize ans, sont, respectivement, pour les trois années, 1525, 1526, 1527 de 137,31 %, 106,29 % et 130,49 % sur les Allers74, de 134,363 %, 111,75 % et 130,902 % pour les Allers et retours. De 126,7137 %, 119,427 %, 129,346 %, par contre, pour les Retours. Aussi la pente descendante — décalage normal, plus accentué encore, on l’a vu, pour le creux de 1522-1524 — commence pour les Retours deux ans plus tard, en moyenne, que pour Allers et Allers et retours.
59De cette prospérité de trois années, les signes ne manquent pas. L’occupation européenne s’étend dans le bassin de la Méditerranée américaine : Carthagène, et la Marguerite, Bayaha et la côte nord de Saint-Domingue75, essais de colonisation allemande sur la côte du Venezuela. Saint-Domingue et Cuba servent de point de départ à des explorations multiples76 — on a vu déjà les conséquences de cette situation77 — Floride, Cozumel, « l’île » de Yucatan — on appréciera le terme — Cubagua78. Une lecture attentive des tableaux du tome II permet de suivre le progrès de l’occupation européenne, ne serait-ce que par l’apparition des ports nouvellement desservis.
60Cette prospérité ne semble pas profondément affectée par la guerre qui, pourtant, continue. Elle durera jusqu’au 3 août 1529. Mais une guerre victorieuse pour l’ensemble politique dans lequel Séville est engagée — 1525 est, au vrai, l’année de Pavie. L’effort français paraît s’être relâché. Bien plutôt, la Carrera — les premières velléités de convois défensifs, en 1525, le prouvent79 — s’installe, désormais, dans la guerre et perfectionne ses moyens. La course, entreprise privée de l’Europe maritime, devient de plus en plus indépendante de la politique continentale des États. C’est contre elle — entendez un danger plus continu — qu'il faudra se prémunir.
61Et l’on notera, bientôt, entre temps de guerre et temps de course, de curieux déphasages, à preuve, l’Anglais dont la présence suspecte aux îles inquiète en 152780. Le palier de 1525-1527 peut, tout au plus, prouver l’indépendance rapidement acquise par la conjoncture des négoces dans l’Atlantique à l’égard de ce fait politique majeur. La guerre, comme la paix, agit, en fait, plus par son déclenchement que par son étendue81. Mais l’organisme vigoureux de la Carrera, en cette période d’expansion, s’adapte vite à la guerre comme aux prix plus élevés. Le mouvement des prix — on ne peut que l’entrevoir — s’adapte assez bien, au cours de cette période, avec ce que l’on sait de la situation du commerce de Séville. Les indices combinés des prix-argent, dans le détail, du moins, sont, au vrai, assez déroutants. Dans leur ensemble, toutefois, ils restent sur un palier entre les deux grands décrochements de 1522 et 153082. Après avoir atteint l’indice 50, par une expansion brutale de près de 20 %, ils maintiennent et consolident leurs positions dans l’ensemble de la péninsule ibérique, jusqu’au nouveau bond en avant de 1530. Ce bond précède et commande un nouveau cycle du trafic. Or, il est normal que la consolidation des prix, après le léger fléchissement de 1523, favorise une forte poussée du trafic. Plusieurs années durant, la courbe des prix-argent colle à la tendance. 1526 sur la courbe générale apparaît même comme le centre d’un repli relatif assez sensible83. Dans ces conditions, faudra-t-il conclure trop vite, entre mouvement des prix espagnols et mouvement des trafics, à une covariation positive simple, parfaitement synchronisée ? Ce serait compter sans la pénurie andalouse. En fait, la tonique du mouvement global des prix, en l’absence de toute donnée pour l’Andalousie, est fournie par les groupes vieux-castillan-léonais et valencien, dont l’allure, au cours de ces années, est très indépendante des prix nouveaux-castillans, les plus proches, vraisemblablement, des prix andalous, les plus susceptibles d’exercer une action sur le trafic Atlantique, donc, les plus importants. Or, le comportement des prix nouveaux-castillans cadre beaucoup mieux, précisément, avec le rythme du trafic. 152684 (en Nouvelle Castille, se trouve en pointe entre deux années de prix sensiblement plus bas.
62Cette légère nervosité des prix, sans suite — elle se marque par un écart de 5 % entre 1526 et les années encadrantes — insuffisante pour déclencher une nouvelle fluctuation, peut, dans une certaine mesure, expliquer la récession limitée de l’indice d’activité des Allers — en recul de 20 % — et partant, des Allers et retours. Elle rend moins avantageuses, en effet, les exportations durant cette année. Simple hypothèse, car le recul est faible, les données recueillies, trop peu nombreuses, peuvent conduire à gonfler l’incidence, par exemple, des données connues, celles, notamment, des prix nouveaux-castillans, au détriment des autres qui nous échappent.
63Mais les trois années de 1525, 1526, 1527 constituent un palier haut et la légère respiration de 1526 ne modifie rien du résultat d’ensemble, l’expansion sur trois ans. Il en va tout autrement de 1528.
LE CREUX MÉDIAN (1528)
641528, en effet, si on s’en tient à une application raisonnable de la méthode des points de rebroussement, marque la charnière entre une première et une seconde fluctuation primaire plus courte, au sein du cycle décennal de 1522 à 1532. Le creux de 1528 n’est en rien comparable à celui, très relatif, de 1526. On en a apprécié, ailleurs, l’exacte ampleur85. L’année, on l’a vu, est creusée comme par un coup de hache et — fait curieux — beaucoup plus encore, sur les Retours que sur les Allers86. Les Retours de 1528 ne dépassent pas 40 % de 1527 et 35 % de 1529. D’où la proportion très faible des Retours dans le mouvement global87de l’année — 25,79 % —, nettement inférieure à la moyenne séculaire des Retours (42 %) et ce qui est plus significatif, nettement inférieure, encore, à la moyenne de la décade (36,5 %).
65Expliquer 1528, en le mettant en relation avec les prix, n’est pas chose aisée. On peut faire intervenir, à la rigueur, l’action déprimante des prix installés depuis six ans sur un palier88. 1528, sur les prix-argent, ne dépasse pas 99,0903 % du niveau tendanciel. La position en creux est plus nette encore sur les séries de la Nouvelle Espagne, avec un indice de 96,44, loin du 109,99 de 1522, dont il est séparé par six années, pourtant. Il est à noter, enfin, que si l’on se borne aux seuls Allers, l’importance du décrochage de 1528 est moindre qu’il n’apparaît sur les Allers et retours et, a fortiori, sur les Retours. Certes, le recul des Allers est de l’ordre de 29 % par rapport à 1527, le creux est de l’ordre, encore, de 22 % par rapport au chiffre de l’année suivante ; les Allers de 1528, par contre, sont peu déprimés, si on les compare à 1526 : de 18 %, à peine, en retrait. Le recul des Allers, en 1528, peut, dans ces conditions, être considéré, tout au plus, comme une respiration profonde dont les effets sont immédiatement effacés par la belle reprise de 1529 et de 1530 L’incident est tellement circonscrit qu’il n’est même pas sensible en Allers sur la marche des moyennes mobiles de cinq ans89. Cet accident du mouvement Allers peut, dans une certaine mesure, s’expliquer naturellement par le simple tassement des prix, après le déclenchement de 1522, responsable incontestable du premier cycle primaire d’expansion dont on vient de tracer les contours.
66Mais si l’accident de 1528 est beaucoup plus apparent sur les Allers et retours90 qu’il ne l’est sur les Allers, — le niveau de 1528 représente 65 % de 1529 et 60 %, environ, seulement, de 1527, pas plus de 75 % du creux relatif même de 1526 — il doit sa position déprimée au mouvement des Retours91. Avec 17 navires et 1 890 toneladas, 1528 ne dépasse pas, en effet, sur les Retours, 45 % de 1527 et 40 % de 1529. C’est, pour une fois, le mouvement Retours qui sculpte le mouvement global. Autre caractère, a priori, quelque peu surprenant : la complète simultanéité92 des deux mouvements, alors qu’on attend un décalage de l’ordre d’un an, voire même de deux ans, du mouvement Retours par rapport au mouvement Allers.
67La simultanéité des mouvements Allers et Retours et l’accentuation des Retours par rapport aux Allers oblige à faire intervenir un facteur extérieur à l’économique pur : la guerre. 1528 marque une reprise des hostilités sur mer93 et cette fois, les Anglais s’unissent aux Français. En 1528, la présence des Français aux Indes est signalée un peu partout — on l’a vu —, à Saint-Domingue94, point vital encore, près des pêcheries de perles de Cubagua95 ... La présence de l’ennemi dans la Méditerranée américaine suffit à expliquer l’anomalie de 1528, d’autant plus que 1529, avec 42 navires et 4 620 toneladas, aux Retours, aligne une masse exceptionnellement forte, imputable à un effet de récupération. Il faut admettre — outre la diversion en faveur du Continent : la Terre Ferme prend place, désormais, aux côtés de la Nouvelle Espagne —, que les Retours ont été différés,.. en partie, peut être, jusqu’à la paix entre la France et l’Espagne (3 août 1529). En Europe, on note, en 1528, le déplacement d’importants préparatifs sans lendemain96 : les chiffres de galères les plus fantaisistes sont lancés. Préparatifs et menaces amplifiées par les voix de la Renommée ont pu avoir une influence sur les Allers, eux-mêmes.
68Le coup de scie de 1528 dans la masse des trafics a eu, selon toute apparence des causes plus militaires qu’économiques. A l’appui, d’ailleurs, de ce point de vue la brièveté même d’une dépression qui apparaît accidentelle. Les réajustements conjoncturels des trafics — on a pu le noter déjà — sont toujours étalés sur un laps de temps de plus d’un an. Et le fait plus insolite encore qu’il est commandé par le mouvement Retour.
III. — LA SECONDE FLUCTUATION PRIMAIRE (1528-1532)
691528 ne peut être considéré — on l’a vu — au même titre que le creux conjoncturel de 1522, ni même que celui de 1532, moins profond, peut-être, mais plus étalé. Il est très suffisant, pourtant, pour marquer sur l’ensemble des mouvements, une fluctuation de quatre ans sur les Allers et les Allers et retours, de trois ans sur les Retours. En expansion, en valeur absolue, par rapport à la fluctuation précédente, 1522-1528, la seconde fluctuation primaire de 1528-1532 est, après élimination de la tendance majeure, en retrait par rapport à la période précédente97, même si les positions absolues de 1530 sont de 18 % supérieures aux chiffres de 1525 et de 1527, pour les Allers,98 de 2 % pour les Allers et retours, et celles de 1529, pour les Retours, de 8 % supérieures au chiffre de 1527.
LA VAGUE D’EXPANSION (1528-1530)
70Une première vague d’expansion de deux ans va de 1529 à 1530. En Allers, 1529, avec 60 navires et 6 600 toneladas, est de 22 % supérieur au chiffre de 1528 ; 1530, avec 78 navires et 8 560 toneladas, de 30 % supérieur à 1529 et de 40 % au creux très relatif de 1528. L’ascension des Retours s’effectue en un an, mais elle est beaucoup plus importante, de 150 % environ. Les Allers et retours reproduisent sensiblement le mouvement des Allers, en intervertissant, sous l’influence des Retours, l’importance des décrochements, 70 % de 1528 à 1530, 50 % de 1528 à 1529 et 20 % seulement de 1529 à 1530.
71L’interprétation de cette période — il serait vain de chercher à le dissimuler — est difficile et sujette à caution, étant peu dissociable de la période 1532-1544, qui prêtera, elle aussi, à des interprétations multiples, entre lesquelles il est, quelquefois, difficile de choisir.
72Deux interprétations, au moins, sont possibles. Elles ne s’excluent pas totalement, malgré les apparences. Une covariation simple, à peu près parfaite — première hypothèse — s’établirait entre l’ensemble du trafic et les prix espagnols, plus particulièrement, andalous. On dispose, en effet, grâce à Hamilton, de deux indices andalous calculés, un pour 1530 et un pour 1532. Une étude attentive des quatre groupes de prix espagnols fait apparaître une crête d’expansion cyclique entre 1530 et 1531. 1531, pour Valence et la Nouvelle Castille et peut être même aussi, pour la Vieille Castille-Léon99. L’Andalousie, par contre, est en avance d’un an, au moins100 : la crête s’y place en 1530, peut-être même en 1529 : la lacune de cette année n’exclut pas cette solution. On peut donc estimer, qu’après la dépression passagère de 1528, le mouvement des trafics (Allers, plus spécialement) et le mouvement des prix suivent des démarches identiques et synchrones101. On se trouverait, par conséquent, dans une situation moderne, d’une expansion concomitante prix-trafic. Le trafic étant tout simplement un élément d’une prospérité économique générale que les prix expriment, comme beaucoup d’autres indices le font. Une telle conjoncture102 sera courante dans les périodes ultérieures, lorsque les produits agricoles andalous auront été éliminés de leur position dominante dans les exportations de l’Europe en direction du Nouveau Monde et, peut-être aussi, lorsque pour avoir observé une identité des mouvements des prix et de la prospérité entre les deux rives de l’Atlantique, les milieux marchands auront pris l’habitude d’extrapoler des possibilités de profit en Europe la certitude de possibilités identiques en Amérique. Mais, à cette date, une telle covariation surprend : elle est isolée et les textes manquent pour l’étayer. C’est la raison pour laquelle il est peut-être plus raisonnable de pousser en première ligne une tentative d’interprétation moins rigide, apparemment, moins séduisante, et moins simple.
73Cette seconde hypothèse fait intervenir un facteur, qu’il est imprudent de négliger sur une aussi courte distance et dans un domaine, quand même, aussi superficiel : la guerre. Le jeu, tour à tour — on l’a vu103 — de l’insécurité de 1528 à la mi-1529, puis de la sécurité, rapidement retrouvée peut rendre compte du creux anormal de 1528 et de la reprise des années 1529-1530. Par les départs prévus, puis différés, jusqu’au rétablissement de la paix, 1529 et 1530 seraient, en réalité, des années de récupération. On pourrait, dans ces conditions, substituer à bon droit aux chiffres des années 1528, 1529 et 1530 (18 mois d’insécurité en fin de guerre et 18 mois de temps de récupération) des chiffres moyens104 calculés sur les 3 ans. On obtiendra alors, des séries doucement dégradées depuis les points hauts du palier supérieur des années 1525-1527, jusqu’au creux de 1531-1532. En nombre de navires annuels, Allers : 70, 62, 62, 62, 57, 44, Retours : 39, 31, 31, 31, 32, 39 ; Allers et retours : 109, 93, 93, 93, 89, 83. C’est, à peu de chose près, la réalité que traduit la courbe de la moyenne mobile de 5 ans superposée au trend105 dégagé par les moyennes de 13 ans.
74Si on admet cet expédient destiné à éliminer des perturbations que nous supposons apportées par le « contingent » politico-militaire, la respiration générale de la période s’explique plus facilement. Le cycle a été mis en mouvement par le déclenchement des prix des années 1520-1522 qui commande la remontée de 1522-1525 et les points hauts de la période 1525-1527. Au-delà, au fur et à mesure que l’action stimulante du déclenchement s’estompe, un tassement s’opère, masqué par les alternances de la guerre et du retour à la paix, et que l’on a restitué au moyen d’un rabotage sur trois ans.
75Or, le léger tassement devient débandade et effondrement, quand la nouvelle poussée cyclique des prix survient autour de 1530. C’est elle qui commande le creux centré autour de 1531-1532, en entravant par les hauts prix les exportations, de marchandises essentiellement agricoles en direction du Nouveau Monde. Voilà pour l’effet à court terme. L’effet principal, c’est trois ans, en moyenne, plus tard, la belle poussée des années 1532-1535, phase ascendante de la première fluctuation primaire 1532-1537 du cycle suivant 1532-1544. Parce que les années de prix forts sont, on l’a vu106, des années de profits élevés susceptibles d’être investis, ensuite, on a dit comment, dans le grand commerce colonial de la Carrera. Les gros profits latifundaires des années de hauts prix agricoles fournissent, après l’événement, au négoce sévillan des possibilités d’argent bon marché. Parce que les prix hauts des années 1530-1532 et le creux du commerce d’exportation qu’ils ont provoqué, ont dû contribuer à créer en Amérique une grande disette de produits d’Europe. Cette disette est surtout sensible dans les années qui suivent le reflux. Elle tend à provoquer un mouvement de reprise, d’autant plus que les prix sont alors déprimés en Espagne. Le profit constitué dans la période antérieure s’investira avec d’autant plus d’avantages et plus rapidement que.. les prix sont supposés plus hauts aux Indes et moindres en Espagne. Ces trois éléments commandent l’expansion des années qui suivent un fort déclenchement des prix : c’est le cas, présentement des années 1533 à 1535. Avec l’attirance, en plus, d’un Pérou qui, grâce à l’aventure pizarrienne, commence à s’entrouvrir. Cette seconde interprétation a l’avantage, au prix d’un artifice légitime, de replacer les mouvements dans les cadres de la théorie générale explicative du cycle de la première moitié du xvie siècle à Séville.
76Una analyse plus précise peut faire entrer sans peine tous les éléments de ce second « faux cycle primaire » dans les cadres de cette théorie. Et notamment, certains éléments décisifs survenus au cours de ces années, comme la cédule du 15 janvier 1529, par laquelle—si on admet son authenticité : il est difficile de ne pas l’admettre — Charles Quint bravait éphémèrement le Monopole de Séville107.
77Cet acte — on en a vu ailleurs la portée ; il suffit de le replacer ici dans son exacte chronologie — prend toute sa signification, au débouché de cette année de crise que fut 1528. Il a pu, au cœur de cette ère courte d’insécurité, et de rétention du trafic, être dicté par un double dessein : diminuer, en cherchant à disperser le trafic, les prises de l’ennemi, et peut-être aussi, faire pression sur Séville et les milieux du Monopole jugés, devant le danger, timorés jusqu’à compromettre fâcheusement les communications impériales108. On comprendrait mieux en outre, l’échec et la non-exécution — indiscutables — d’une simple mesure de circonstance que le retour à des conditions normales de sécurité dans l’Atlantique et la belle récupération des années 1529-1530 auraient rendu vaine. Et la menace implicite de la cédule aura, peut-être, contribué fortement à inciter le commerce du Monopole, un instant, menacé à donner à cette récupération l’ampleur qu’on a appréciée.
78Il importe, dans le mécanisme de la récupération des années 1529-1530, de faire une large part au facteur psychologique.
79La paix de Cambrai (3 août 1529) n’a pas, du jour au lendemain, ramené la sécurité dans les eaux de la Méditerranée américaine109. Le fait de guerre — la course, notamment — ne conservait-il pas, à l’égard des définitions juridiques des relations internationales, une large autonomie ? La lenteur naturelle du cheminement des nouvelles joue dans le même sens. La paix de Cambrai n’a pu être connue avant octobre, dans l’ensemble de la Méditerranée américaine. De la connaissance à l’exécution, une certaine distance subsiste, celle de la coupe aux lèvres110. Et pourtant, l’annonce longtemps attendue de la paix — elle devait aussi un moment donner l’espoir d’un front uni chrétien contre le Turc et le Barbaresque111, la certitude de son imminence ont, très certainement exercé sur le commerce un effet tonique. On en apprécie, quelques effets sur la courbe générale du mouvement.
80La paix a bien été marquée pour Séville malgré lenteurs et incertitudes de la course par un solde positif. Il n’est plus question, en 1530, de la menace que la cédule du 15 janvier 1529 faisait peser sur ses activités. Bien au contraire, la provision royale du 9 juin 1530112 limite en Amérique, les possibilités, légales du moins, du cabotage interaméricain, du commerce dit d’Inde en Inde. Mieux, la cédule du 22 novembre 1530, qui confirme à Cádiz ses privilèges antérieurs, ceux, notamment, du 14 septembre 1519 ne fait aucune allusion au texte devenu caduc du 15 janvier 1529. Ainsi, la grande poussée récupérative qui culmine en 1530 se sera incontestablement soldée pour le groupe monopoleur de Séville par de substantiels avantages, juste prix peut-être de l’effort mené, dans une conjoncture alourdie pour effacer le grand creux militaire de 1528. On aura souvent la preuve de marchés semblables113 passés tacitement entre l’État et le groupe monopoleur. Marchés tacites, mieux, substantiels avantages arrachés par le Monopole à l’État, à la faveur des circonstances exceptionnellement favorables.
81Ces années, enfin, sont le théâtre, aux Indes, de profondes modifications. Augmentation régulière des surfaces prospectées et des points de la côte occupés. Epuisement rapide de Saint-Domingue, plus relatif encore qu’absolu, sous le double facteur de l’effondrement démographique désormais consommée de la population indienne de l’île et du déplacement, plus à l’Ouest, du centre de gravité des Indes, l’occupation de la Nouvelle Espagne se poursuivant en profondeur — Saint-Domingue tend de plus en plus à céder le pas à Cuba : plusieurs indices incorporés aux notes des tableaux jalonnent cette translation114 (. Cette situation ira se précipitant, lorsque le Pérou viendra s’ajouter à la Nouvelle Espagne dans l’espace hispano-américain, au cours de la demi-décade qui suit.
LE REFLUX (1531-1532)
82Au-delà de 1530, lorsque l’effet de récupération s’est estompé, le mouvement de reflux que plus rien ne masque apparaît au grand jour, beaucoup plus creusé, peut-être, qu’il ne l’est en réalité115.
83Ce sont les Retours qui ont donné le signal, puisque le point de rebroussement est en avance, ici, d’un an. 1530 était déjà fort en retrait par rapport à 1529. Le mouvement des retours, avec 42 navires et 4 620 toneladas (41,18 % du global annuel, le chiffre relatif le plus élevé depuis 1522), marquait le sommet de l’ensemble de la fluctuation116. 1530 et 1531 avec 33 navires 3 630 toneladas, 32 navires, 3 520 toneladas sont à 77 % environ du point haut-référence de 1529. Cette avance persistante, par rapport à l’ensemble du mouvement général, n’est pas sans intérêt. Elle peut signifier que la récupération du trafic, grâce au retour à des conditions de sécurité meilleures s’est faite plus rapidement aux Indes qu’en Europe. Cette caractéristique — qu’on est bien obligé d’admettre — peut s’expliquer de plusieurs manières.
84Le recul de 1528 avait été, relativement, plus accentué (chiffres de Retours de 1528, 40 % seulement de 1527) sur les Retours qu’en Allers et la poussée de la course, plus lourde aux Indes117, la récupération sur le chemin Amérique-Europe se fait plus vite parce qu’on aura eu hâte à Séville de mettre à l’abri les cargaisons, avant, de s’engager dans de nouvelles aventures. Séville — à une époque où le trafic est commandé, sans compromis, d’Europe — ordonne le repli, après la crise de ses investissements. La masse des Retours de 1529 correspond, pour l’essentiel, aux départs de 1527. Le point haut des Retours de 1529, enjambant le creux de 1528, retrouve donc le sommet des Allers de 1527. En 1530, d’autre part, les Retours s’installent sur un long palier creux de cinq ans118. Les préparatifs en direction du Pérou ont dû, dès 1530, avoir sur les Retours pour un observateur placé à Séville l’effet dépressif déjà analysé pour la conquête et la colonisation de la Nouvelle Espagne119.
85En 1531, toutefois, la dépression normale, depuis longtemps différée et attendue se produit. Le creux dure trois ans, conduit par le recul des Allers : 1530 : 78 navires et 8 560 toneladas, 1531, 57 navires, 5 340 toneladas, position qui n’est plus qu’à 73 % du point haut précédent, en très léger recul, même, par rapport aux positions alignées des trois années 1528, 1529, 1530120. En 1532, c’est la débandade, avec 44 navires et 4 840 toneladas, le mouvement Aller ne représente plus que 60 % du point haut de 1530 et 75 % du point de 1531. La pente sur deux ans demeure aussi accusée, à peine ralentie dans sa deuxième phase. La situation est sensiblement égale sur les Allers-Retours. La pente est tout au plus atténuée et surtout ralentie en fin de course. 1531 est à 80 % de 1530, au lieu de 73 % (3 navires et 12 190 toneladas et 89 navires et 9 860 toneladas), mais 1532 est à peine en contrebas de 1531, à 93 % de 1531 au lieu de 75 %, à 74,8 % de 1530 au lieu de 60 %. L’accident qui marque la fin de la fluctuation est moins creusé, peut-être, que le fléchissement de 1522121, mais — ce qui importe — aussi étalé : trois ans en Allers, Retours et globaux, Allers et retours sont en dessous du trend, contre respectivement trois, deux et quatre ans autour du creux de 1522122.
86La liaison existant entre le mouvement du trafic et celui des prix n’est pas toujours parfaitement évidente. Sur la courbe la plus générale des prix espagnols, le déclenchement le plus important se situe entre 1529 et 1530123. 1530 et 1531 constituent les deux niveaux les plus élevés par rapport à la tendance depuis 1507 et 1508, en meilleure position relative que ne le sont 1529 et 1522. 1532 reflue déjà et les prix restent en dessous de la tendance majeure depuis 1533 jusqu’en 1538. La courbe de la Nouvelle Castille a — en plus nerveux — sensiblement le même comportement124. L’allure générale des trafics pourrait s’expliquer, par le mouvement général des prix et par une série de circonstances politiques et militaires. Le déclenchement entre 1529 et 1530 aurait dû normalement en gênant les exportations entraîner, dès 1530, un reflux à court terme — suivant le type de relation le plus logique et le plus courant. En fait, il n’en va pas tout de suite ainsi, parce que le trafic de 1530 bénéficie, on a vu comment, d’un effet de récupération. 1531 reste une année de prix anormalement hauts, d’accentuation donc des difficultés, d’après le schéma proposé. L’effet de récupération épuisé, le mouvement des Allers est, désormais, sous l’emprise des prix, d’autant plus que la pointe cyclique est, contrairement à l’ordinaire, établie sur deux ans.
87Ce n’est donc pas dans ce retard initial que réside l’anomalie, mais bien, au vrai, dans les années qui suivent : l’action tonique du nouveau palier ne se fait sentir que tardivement. La reprise ne commence, en effet, qu’entre 1532 et 1533 et n’est vraiment substantielle qu’en 1534, pour plafonner sur trois ans : 1534, 1535 et 1536. On était en droit d’attendre une reprise plus rapide. 1532, voilà l’anomalie. Elle semble en grande partie imputable à la persistance des menaces de course. On a suffisamment insisté sur la distorsion course — guerre, pour n’avoir pas à nous en justifier. Les derniers mois de 1531 et 1532125 auront vu, à nouveau, la pression barbaresque aux bouches du Guadalquivir et l’activité des Dieppois. La nouvelle d’importants préparatifs à Dieppe, a, sans doute, paralysé une bonne partie des départs de 1532 et peut-être même, encore, de 1533. Ces départs — on les retrouvera en 1533 et surtout en 1534 — expliquent l’insolite ascension du trafic Allers au cours de ces deux ans. Seule, l’action combinée des prix et d’une récupération de départs différés peut rendre compte d’un gradient tel à cet endroit. Les départs des îles et de la Nouvelle Espagne en direction du Pérou entre 1531 et 1534 contribuent également à la longue rigidité du mouvement Retours. Cette rigidité freine à son tour le démarrage du mouvement global. L’action conjuguée de ces différents facteurs explique le décalage entre prix et trafics. Le retard du trafic sur les prix, qui va s’accentuant régulièrement au cours de ces années constitué une des caractéristiques du cycle qui vient.
Notes de bas de page
1 T. VI1, table 139, p. 337.
2 T. VI1, table 143, p. 341.
3 Cf. aussi les moyennes mobiles de 5 ans et 13 ans sur tonnages pondérés. T. VI1, tables 150 à 158, p. 347 à 355.
4 Cf. t. II, 1 522 R., note 4, p. 132, 133, 1 524 A., note 34, p. 145,1 525 A., note 16, p. 155, 1 525 R., note 26, p. 161, 1 526 A., note 39, p. 169, 1 526 R., note 6, p. 172,173, etc.
5 Au Retour, en valeur, les métaux précieux dominent déjà, le sucre constitue le demi-pondéreux et le cuir, le pondéreux, par excellence.
6 Cf. ci-dessous, p. 121-122.
7 Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136, p. 328, 331, 334.
8 Cf. t. I, p. 293 sq.
9 Cf. t. VI1, tables 174-176, p. 373-375.
10 Cette impression est étayée par la masse des notes aux tableaux du tome II. Cf. par exemple le détail du matériel de l’expédition Sébastien Cabot, 1526 A., note I, p. 166-167.
11 Cf. t. II, p. 134 sq.
12 Cf. t. II, 1522 A., note I, p. 130. D’après C. Fernández Duro.
13 Les îles sont désormais le tremplin de la conquête. On a déjà eu l’occasion d’en noter l’incidence sur l’équilibre des Allers et Retours dans la Carrera. Cf. ci-dessus, p. 101-102.
14 La diminution du nombre des expéditions de découverte partant d’Espagne qui, pour l’essentiel échappent à notre comput permet aussi d’escompter une amélioration progressive au cours de cette décade, dans la précision de la connaissance du matériel.
15 Le Guatemala sera considéré, ultérieurement, comme une zone de petits navires.
16 Cf. t. II, 1526 A., p. 164-165, sous la forme non équivoque de Nombre de Dios, mais on l’avait noté déjà sous la forme vraisemblable de Terre Ferme depuis 1514, t. VI2, table 362, p. 503.
17 Cf. t. I, p. 144 sq.
18 Cf. t. VI1, table 13, p. 168 donne le sens et les étapes de l’évolution.
19 On trouvera les raisons de cette modification exposées dans t. I, p. 144 sq. ; cf. en outre, t. VI1, table 129, p. 327.
20 A l’exception d’une poussière de Registres, des années 1523, 1524, 1525, 1526, plus ou moins incomplets, tous utilisés dans les tableaux du tome II. La colonne Nature et les notes y afférant rendent compte de ce qu’il a été possible d’attendre de cette source pour la connaissance des types de navires.
21 Cf. t. VI1, tables 1 et 2, p. 114-117.
22 Cf. t. I, p. 44, 277 sq., 288 sq., 309 sq.
23 Cf. t. VI1, table 2, no 8, p. 116-117.
24 Cf. t. VI1, table 174-176, p. 373-375.
25 EJ. Hamilton, op. cit., p. 189 et 319-334, Appendice III.
26 Cf. t. VII, p. 54-55.
27 Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136, 139, p. 328, 331, 334, 337.
28 Cf. t. VI1, tables 140,143, p. 338, 341.
29 Cf. t. VI1, table 140, p. 338.
30 Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136 et 140, p. 328, 331, 334 et 338.
31 Cf. t. VII, p. 54-55.
32 On pourrait, à la rigueur, considérer que cette première fluctuation est elle-même constituée, si l’on s’en tient à une application étroite de la méthode des points de rebroussement, par deux sous-fluctuations : une première de 1522 à 1526, à caractère très violemment ascendant : 1522-1525 et 1525-1526 ; une seconde de 1526 à 1529, à caractère descendant marqué : 1526-1527 et 1527-1529.
33 Que l’on pourrait, à l’extrême rigueur, mais avec moins de raison que pour les Allers et au prix, seulement, d'une interprétation étroite et contraire à l’esprit de la méthode, considérer comme la résultante de deux sous-fluctuations primaires, 1524-1525-1526 et 1526-1527-1528.
34 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
35 Cf. t. VI1, table 162, colonnes V, VI, VII, p. 361.
36 Cf. t. VI2, table 150 à 158, p. 347-355.
37 Cf. t. VI1, tables 131, 134, 136 et table 140, p. 328, 331, 334, 338.
38 Cf. t. VI1, table 140, 9 225 tonneaux, en 1525, contre 12 190 en 1530.
39 Cf. t. VI1, table 152, p. 361.
40 La position relative de 1525 est en Allers, de 137,31 % (130,49 % en 1527 et 113,20 % seulement en 1530), et en Allers et retours de 134,363 % (130,902 % en 1527 et 105,91 % en 1529, 103,76 % en 1530). Seule exception légère pour le mouvement Retours, 129,346 % en 1527, contre 126,7137 % en 1525 et 127,822 % en 1529.
41 Par le calcul des écarts à la moyenne mobile de 13 ans. T. VI1, table 162, p. 361.
42 Cf. t. VI1, table 156, p. 353 et t. VII, p. 50-51.
43 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
44 Cf. t. VI1, table 162, colonne II, p. 361 et E.J. Hamilton op cit. 1501-1650, p. 189, série nouvelle castillane, surtout.
45 Cf, ci-dessus, p. 75.
46 De 50, 51 à 51, 20.
47 Cf. ci-dessus, p.107-108.
48 E.J. Hamilton op. cit. 1501,1650, p. 34 et 42.
49 T. VI1, table 162, p. 361.
50 Cela se voit très bien graphiquement. Cf. t. VII, p. 52.
51 Cf. t. VI1, table 159, p. 356. D’où on peut déduire un rapport moyen de 58 % pour les Allers et 42 % pour les Retours, pour l’ensemble du siècle et demi. Le rapport par contre, entre les Allers et les Retours est (cf. t. VI1, tables 159 et 160, p. 356-357) de 1521 à 1525 de 65,9 et 34,1, de 1526 à 1530 de 65,3 et 34,7, de 1531 à 1535, de 64,2 à 35,8.
52 Cf. t. VI1, tables 150, 153, 156, p. 347, 350 et 353 ; t. VII, p. 50.
53 Cf. ci-dessus p. 109-112.
54 1514, expansion cyclique sur le mouvement des Retours de 169,0647 %, en 1518 de 155,397 %, de 1536 de 166,622 %. Pour trouver une expansion égale ou supérieure, il faut attendre 1587 avec ses 197,74 %.
55 Cf. t. I, p. 24 et 111 sq.
56 Cf. t. II, 1522 A., note I, p. 130, 131.
57 Cf. t. II, 1522 A., note I, p. 130-131, cette cédule du 22 décembre 1522 ne met pas dangereusement en cause le monopole (cf. t. VIII1, p. 192 sq).
58 Cf. ci-dessus, p. 115 et t. II, 1522 A., note I, p. 130-131.
59 Cf. t. II, 1522 R., note 4, p. 132-133. Il n’est pas impossible que ces attaques n’aient eu leur incidence sur l’effondrement des Retours, en 1523. Cf. ci-dessus, p. 109-112.
60 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
61 E.J. Hamilton op. cit. 1501-1650, p. 403 et cf. t. VI1, table 162, p. 361.
62 Construction graphique (t. VII, p. 54-55, en bas) et écarts cycliques (t. VI1, tables 162-164, p. 361-363 et t. VII, p. 52-53) montrent qu’il s’agit d’un des trois ou quatre plus importants déclenchements positifs de 1504 à 1650.
63 On peut se demander, en vertu de cette constatation, dans quelle mesure, dès cette époque, une partie du capital, qui alimente le grand commerce colonial en direction des Indes, n’a pas ses origines dans le grand capitalisme foncier, dans la grande entreprise agraire de l’Andalousie — pour le xviie siècle, nous en avons la preuve, grâce à la nature complexe des entreprises bien connues du Comte-duc de Olivares. Il paraît tentant de projeter cette structure certaine pour le xviie siècle dans la première moitié du xvie. Le rapport qui lie la conjoncture des prix et celle du trafic Allers est difficile à comprendre, si on ne suppose qu’au début du siècle, déjà, le capitalisme foncier andalou était, soit directement, soit indirectement engagé dans le grand négoce colonial de la Carrera. Il tend, par conséquent, à prouver que le xvie siècle a déjà une structure dont on est sûr pour le xviie.
Ernest Labrousse n’a-t-il pas définitivement démontré, pour l’économie d’ancien Régime de la France du xviiie siècle, que si le petit exploitant perd à la poussée conjoncturelle, il en va différemment du grand exploitant et du revenu seigneurial ? Il est logique d’extrapoler dans l’Andalousie du xvie siècle cette certitude que nous avons pour la France du xviiie siècle. Or, quel profit se constitue plus aisément, lors de la poussée conjoncturelle agricole, que le profit latifundaire ? Ce profit constitué en période de prix hauts trouve d’autant plus facilement à s’investir dans l’entreprise sévillane que les prix hauts sont suivis, ensuite, de prix bas.
Les exportations de produits alimentaires en direction de l’Amérique ont l’avantage, en outre, d’exercer, lors de la retombée des prix, un effet stimulant sur les prix agricoles et de jouer ainsi le rôle toujours bienvenu de volant contracyclique.
64 EJ. Hamilton, op. cit., 1501-1650, p. 189.
65 Ibid., p. 320 et 390.
66 Cette pointe se retrouve, accentuée dans l’espace Vieille-Castille-Léon et atténuée pour l’espace valencien, l’aimée suivante, en 1527... d’où le caractère diffus du mouvement sur les indices composés... avec prédominance du caractère vieux-castillan, léonais, valencien, et localisation de la pointe secondaire du mouvement des prix en 1527 et non en 1526.
67 CH. de la Roncière, t. III, p. 249-250 et Rumeu de Armas op. cit., t. I, p. 74 sq.
68 Cf. t. VI1, table 162, colonne V, p. 361 ; t. VII, p. 52.
69 Cf. ci-dessus, p. 109-110.
70 Cf. t. VIl, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52.
71 Cf. t. II, 1524 A., note I. Explorations de Gil González de Avila, notamment, qui fraye sur le Pacifique les voies à Pizarro et Cortes dans le Golfe du Mexique.
72 Cf. t. II, 1523 A., note 1, p. 136.
73 En raison de l’amplitude extraordinaire de la fluctuation. Cf. ci-dessus p. 125,
74 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
75 Cf. t. II, 1525 A., note I, p. 152 sq.
76 Cf. t. II, 1526 A., note I, p. 166 sq.
77 Cf. ci-dessus, p. 109-110, 125.
78 Cf. t. II, 1527 A., note I, p. 178 sq.
79 Cf. t. II, 1525 A., note 1, p. 152.
80 Cf. t. II, 1527 A., note 1, p. 178.
81 Règle vérifiée tout au long de la conjoncture.
82 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
83 Avec l’indice 49,83 les prix-argent de 1525 sont à 97,56 % du trend entre le niveau relatif 100,4385 % en 1525, et le niveau 102, 5080 % en 1527.
84 Cf. EJ. Hamilton, p. 189, indices nouveaux castillans : 1524 : 85,27 ; 1525 : 99,55 ; 1526 : 103,83 ; 1527 : 90,70.
85 Cf. ci-dessus, p. 120-121. Il suffit de se reporter aux tables et aux graphiques correspondants. Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136, 140, p. 328, 331, 334, 338 et t. VII, p. 4445,52-53.
86 Noter au cours de ces années l’étonnante similitude des mouvements Allers et des mouvements Retours.
87 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
88 Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
89 Cf. t. VI1, table 130 et 140, p. 328 et 338.
90 Cf. t. VI1, tables 150, p. 437 et graphiques, t. VII, p. 50-51.
91 Cf. t. VI1, tables 136 et 140, p. 334350.
92 Cf. t. VI1, tables 133 et 140, p. 331-350.
93 Un certain décalage, au vrai, au sein d’un découpage chronologique aussi grossier que le découpage annuel, peut, un moment passer inaperçu quand — c’est le cas ici — on ne possède encore aucun élément d’une chronologie plus précise. Un certain décalage est donc possible. Une forte probabilité de simultanéité n’en demeure pas moins.
94 Cf. t. II, 1528 A., note 1, p. 186-188.
95 D’après un document de Saint-Domingue, en date du 30 octobre 1528. Codoin Ind. I. 40 p. 384387.
96 Cf. t. II, 1528 A., note 1, p. 186-188.
97 Cf. t. VI1, table 162, p. 361. Il suffit pour s’en assurer de comparer les positions des pointes de 1525 et de 1530 et des années encadrantes, 1524, 1526, 1527 d’une part, 1529, 1532 d’autre part, sur les trois mouvements des Allers, des Retours et des globaux Allers et retours : 110,61 %, 137,31 %, 106,27 %, 130,49 %, 34, 4785 %, 126,71370 %, 119,27 %, 129,346 %, 82,927 %, 134,363 %, 111,78 %, 130,9023 %, pour la première fluctuation primaire, la seconde fluctuation primaire, par contre, n’atteint respectivement que les positions suivantes : 93,79 %, 113,20 %, 83,093 %, 127,822 %, 86,054 %, 81,9112 %, 105,91 %, 103,76 %, 82,01 %.
98 Cf. t. VI1, tables 130, 133, 136 et 140, p. 328, 331, 334 et 338.
99 Hamilton la suppose en 1532, hypothétiquement en raison de la lacune de 1531, mais cette lacune n’interdit pas de penser que sur ce point le groupe vieux-castillan-léonais se comporte comme le valencien et le nouveau-castillan (EJ. Hamilton, op. cit., p. 189). On aurait donc pour l’ensemble de l’Espagne continentale extra sévillane une pointe d’expansion cyclique des prix en 1531.
100 La fluctuation des prix en Andalousie, plus exposée en première ligne à l’arrivée des trésors d’Amérique, anticipe le plus souvent d’un an voire davantage, les fluctuations des prix de l’Espagne intérieure.
101 Cette situation apparaît même sur les « composite index numbers » (cf. t. VI1, table 162, p. 361). 1530, point d’expansion cyclique maxima, avec 107,891 %, mais 1528 le point de départ de la fluctuation courte n’est qu’à 99,090 %). Élimination faite du trend, 1530 l’emporte sur 1531 (107,89 % et 107,80 %). 1528 : 51,20 ; 1529 : 53,49 ; 1530 : 56.78 ; 1531 : 57,06... Au-delà le reflux est aussi rapide... pour aboutir à l’indice 48,95 en 1535.
102 Cf. ci-dessous T. VIII2 bis.
103 Cf. ci-dessus, p. 133-134.
104 Si on fait le calcul avec le nombre des navires, on obtient le chiffre moyen annuel pour 1es trois ans à l’intérieur de la fluctuation, Allers : 62 navires, Retours : 31, Allers et retours : 93.
105 Cf. t. VII, p. 50-51. 1527 marque la plus grande expansion du mouvement, pondéré pour les moyennes de cinq ans par rapport à la moyenne de treize ans. Cf. t. VI1, tables 150-158, p. 347-355.
106 Cf. ci-dessus, p. 127-128.
107 Cf. t. VIII1, p. 195.
108 Aucun texte, bien sûr, ne permet de soutenir cette hypothèse. La conjoncture, toutefois, jointe à ce que nous savons des rapports du négoce et de l’État, de source sûre, pour d’autres périodes, permettent d’avancer cette hypothède avec de sérieuses bases de vraisemblance.
109 Cf. t. II, 1529 A., note 1, p. 195-196.
110 Cf. notamment les événements de 1532 (t. II, 1532 A., note 1).
111 Cf. t. II, 1529 A., note 1, p. 195-196 et 1530 A., note 1, p. 206-207.
112 Cf. t. II, 1530 A., note I, Colec. Fern. Navarrete XXI doc. 5, fol. 24 et Codoin Ind., p. 19-22.
113 Cf. T. VIII1, et VIII2 bis.
114 Cf. t. II, 1529 A., note 1, p. 194-197 et sq.
115 Dans la mesure, précisément, où le terme de référence qui s’impose d’abord des années précédentes 1529-1530 est gonflé, on a vu comment, par un effet de récupération.
116 On trouve cette avance sur les moyennes mobiles médianes de cinq ans. Cf. t. VI1, tables 150-158, p. 347-355 et t. VII, graphiques p. 50-51. Le rebroussement que l’on trouve en Allers et en Allers et retours en 1529 se place ici, deux ans plus tôt, en 1527.
117 Cf. t. II, 1528 A., note 1, p. 186-187.
118 Cf. t. VI1, tables 133 et 140, p. 331 et 338,32, 32, 39, 34 et 35 navires représentant 3630, 3520, 4 290, 3 740 et 4 010 toneladas.
119 Effets moindres pour le Pérou. Le pourcentage des Retours dans le mouvement global remonte dans la décade 1531-1540 (cf. t. VI1, table 139, p. 337, tables 159-160, p. 356-357 ; t. VII, p. 52-53), dans la mesure où les masses humaines colonisatrices mises en cause sont moindres et dans la mesure surtout, où elles viennent beaucoup plus des îles et de la Nouvelle-Espagne que directement d’Espagne. Cap. Fernando Romero y Emilia Romero de Valle Probable itinerario de los tres primeros viajes maritimos para la Conquista del Peru. R.H. de América, Mexico, no 16, déc. 1943, p. 1 à 23.
120 Cf. ci-dessus, p. 136.
121 Des termes de comparaison sont fournis par les pourcentages à la tendance majeure représentée par la moyenne mobile de treize ans.
En Allers. — Aux 71,19 %, 33,82 % et 78,40 % de 1521, 1522, 1523, correspondent les 83,093 % 63,31 % et 84,16 % de 1531, 1532 et 1533.
En Retours. — Aux 43,388 % et 34,4785 % de 1523 et 1524, les 86,054, 81,9112 % et 95,466 %'des années 1530, 1531, 1532.
En Allers et retours. — Aux 83,003 %, 58,703 %, 65,52 %, 82,927 % de 1521, 1522, 1523 et 1524. les 82,01 %, 75,58 % et 83,189 % des années 1531, 1532, 1533.
Cf. t. VI1, table 162, p. 361.
122 Cf. note 4, ibid.
123 L’indice 56,78 en 1530 contre 53,49 et 51,20 en 1529 et 1528 s’élève à 107,891 % du point. Correspondant du trend. L’indice 57,06 en 1531, est encore à 107,8020 % du trend.
124 1528 : 96,44 ; 1529 : 107,90 ; 1530 : 117,95 ; 1531 : 118,37 ; 1532 : 103,48.
125 Cf. t. II, 1531 A., note 1, p. 214-215.
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