Chapitre II. Incertitudes et imprécisions d’un système qui n’est pas encore le premier cycle court du trafic (1504-1510)
p. 64-83
Texte intégral
1Faire commencer en 1504, voire en 1506, une ébauche d’histoire conjoncturelle de l’espace économique d’un Atlantique espagnol et hispano-américain — d’un Atlantique transversal, Est-Ouest et Ouest-Est, qui n’existe pas encore véritablement — sera considéré, à juste titre, par les moins prévenus à l’égard d’une telle entreprise dans son ensemble, comme une folie condamnable en tous points, susceptible, tout au plus, de faire jeter sur le reste une suspicion légitime.
2A cette condamnation nous sommes prêt à souscrire. Et pourtant...
I. — LA DIFFICILE GAGEURE D’UNE ÉTUDE CONJONCTURELLE POUR LES ANNÉES 1504-1510
3Prêt à souscrire ? Parce que les masses économiques mises en cause sont encore, au cours de ces premières années, sinon dérisoires du moins médiocres, à l’échelle même de l’Ancien Régime économique, dont on a dit, tant de fois, que la mesure n’est pas la nôtre.
MÉDIOCRITÉ DES DONNÉES CHIFFRÉES CONCERNANT LES TRAFICS
4Le huitième des niveaux du milieu du xvie siècle — le sixième, tout au plus, en admettant qu’une partie du mouvement nous ait alors échappé — le vingtième, environ, des niveaux des dernières demi-décades du siècle, quand les plus hauts sommets ne sont pas encore atteints, n’est-ce pas bien peu ? Ce sont, pointant, les niveaux de la première demi-décade 1506-1510, soit, si l’on accepte nos bases de corrections1, en tonneaux de jauge constants de 2,83 m3 : 9 653 tonneaux pour les Allers, 6 027 pour les Retours, 15 680 pour les Allers et retours2. (Peut-on construire sur des quantités aussi médiocres, peut-on, dans un domaine mal épuré du hasard, de l’accidentel, dégager les conditions d’une dynamique ? En l’absence de termes valables de référence, il est prudent de ne pas trancher, d’entrée de jeu.
5Nous sommes prêt à souscrire, aussi, en raison de la carence de la documentation.
1. Carence de la documentation
6On a exposé, déjà, les raisons de cette carence3. (Elles découlent logiquement des conditions qui ont présidé à la construction statistique4. A nul autre moment, notre dénuement n’est aussi complet que pendant ces six premières années, puisque, de toutes les approches statistiques qui constituent la matière des tomes II à VII, une seule, alors, est valable : la mesure volumétrique du tonnage commercial des navires faisant la jonction entre les ports du monopole et le groupe d’îles, de franges côtières qui constituent les Indes naissantes5, (entendons la mesure volumétrique, à peu de choses près, des marchandises transportées6.
7Au sein de ce mouvement, la ventilation géographique entre les différents ports des Indes n’est que, partiellement, assurée. De 1506 à 1510, 34,57 % du mouvement global Allers et retours n’a pu trouver sa place dans une des trois grandes articulations fondamentales : Nouvelle-Espagne, Iles, Terre Ferme7. Déficience de médiocre portée, il est vrai, puisque la totalité du tonnage comportant une indication de direction ou de provenance appartient sûrement au groupe des îles ; il y a, donc, tout lieu de penser qu’il en serait de même, à 95 % au moins, pour l’ensemble du trafic.
8Plus grave, par contre, le caractère relativement grossier des chiffres par lesquels on approche le mouvement — chiffres rigides, plus vrais, sans conteste, globalement, à la demi-décade, qu’ils ne le sont annuellement. Les raisonnements pourraient être presque aussi bien échafaudés sur le seul mouvement unitaire des navires8 et la sensibilité des séries exprimées en toneladas n’excède pas, notablement, celles des séries bâties sur le seul nombre des navires. Il est facile d’en juger par la répartition des tonnages entre connus directement, connus indirectement et évalués9. Sur 22 400 toneladas de 1506 à 1510 pour le mouvement global Allers et retours10 et 226 navires — 22 700’toneladas et 229 navires, en y adjoignant l’année 1504 — aucun connu directement, 300 toneladas, seulement, sont connues indirectement11, 22 100 et 22 400 appartiennent donc à la troisième catégorie des évalués. Or, l’exactitude et plus encore, la sensibilité de l’évaluation12 dépend du nombre des navires de la seconde et surtout de la première catégorie. On dispose, néanmoins, même pour cette période, d’un nombre suffisant d’éléments sûrs13 en partie incorporés à l’ouvrage14 pour le reste de la première grande phase d’expansion du siècle et légitimement extrapolables pour que, globalement, au-delà du cadre annuel, l’évaluation soit bonne. Mais qui pourrait nier une certaine épaisseur du trait dans le dessin du mouvement annuel ? Épaisseur peu favorable, bien sûr, à une étude de conjoncture.
9Il faut rappeler, enfin, la très grande pauvreté des sources littéraires d’atmosphère. En l’absence de séries continues de la Casa de la Contratación, ce que l’on peut savoir des hommes de négoce de Séville, de leur réaction en présence de cette météorologie économique qu’est la conjoncture, ce que l’on peut savoir des pensées mêmes d’une Casa qui n’est pas encore leur organe et leur porte-parole, reste étonnamment imprécis et flou.
2. Difficulté des contrôles
10Au cours de ces premières années, un certain nombre de navires ont dû — pour des raisons déjà dites15 — échapper à nos contrôles. L’importance de ce facteur ne doit pas être démesurément grossie. Il faut, du moins, s’efforcer de le délimiter, aussi exactement que possible. Les années 1504 et 1505 doivent, finalement, être abandonnées. Trois navires d’aller, pas de navire de retour, pour deux ans, n’expriment pas, évidemment, la réalité, même une réalité stricte, un comput limité aux seuls navires de commerce partant de Séville, en dehors des expéditions de découverte et des entreprises d’État16.
11Les expéditions de découverte ont assuré la seule jonction — ou presque — entre Espagne et Amérique, au cours des dix années qui suivent le premier retour de Colomb ; elles se poursuivent, au-delà de 1504-150617, au-delà, donc, de la mise en route du Livre de Registres qui commande cette entreprise. On les a, pourtant, délibérément écartées, tout en signalant en note, dans le tome II, nombre d’entre elles. On n’a pas cru devoir procéder, pour elles, comme on l’a fait, plus tard, pour les navires [d’armada18, à un comput effectif. Pour plusieurs raisons.
12Parce qu’il était très difficile et surtout peu rentable d’établir avec certitude la liste exhaustive des expéditions et des navires qui les composaient19, en raison de la pauvreté de la dispersion d’une documentation fortement éprouvée. A cause, aussi, du caractère commercial équivoque de semblables entreprises. Les navires d’expédition transportaient beaucoup d’hommes et fort peu de marchandises : le groupe capitaliste qui se trouvait derrière l’adelantado achetait, accessoirement, le droit à un type de commerce bien particulier, le rescate — entendez le troc avec l’indigène, mode économique qui dans la première conquête des Indes s’apparentait plus à la chasse qu’au vrai négoce — mais il achetait, bien plutôt, le droit à l’exploitation coloniale du pays. L’entreprise privée se trouva ainsi étroitement associée à l’exploitation coloniale — l’exploitation coloniale, féroce et sans mesure, de l’ère fernandinienne, fondée sur la volatilisation du volant démographique précolombien par le truchement des grands repartimientos du début. Ces premières expéditions, très médiocrement commerciales, ne pouvaient entrer, dans l’appréciation globale du négoce, qu’affectées d’un énorme coefficient difficile à apprécier. Les aligner sur le trafic commercial du Livre de Registres aboutissait à un monstrueux contresens. Elles n’ont, enfin, mis en œuvre, d’ordinaire, qu’une masse de tonnage infime et de biens, plus infime encore. Les notes aux tableaux des premières années du tome II le prouvent : chaque expédition ne comprend qu’un petit nombre de navires, et encore, de tout petits navires. Le matériel de la conquête est constitué, en moyenne, par des unités du type caravelle, de 80 toneladas tout au plus, presque uniquement consacrés au transport des hommes. Le choix d’un matériel aussi léger, celui de Colomb, s’explique aisément par la nécessité — entre autres20 — de pouvoir aborder partout, par la faiblesse des quantités de marchandises à transporter, en l’absence de liens économiques constitués.
13Pour toutes ces raisons, il était plus sage de renoncer, comme on l’a fait, à incorporer le matériel des expéditions de découverte aux tableaux. Il y a, en quelque sorte, double moindre mal. On peut espérer que les expéditions de découverte constituent une masse annuelle à peu près constante, soit constante, soit en corrélation avec la conjoncture, de toute manière, non fondamentalement perturbante. D’autre part, la pondération proposée s’efforce de corriger — sans peut-être y parvenir totalement — la distorsion que risque d’apporter au trafic, dans les rapports d’une période à l’autre, d’une fluctuation à l’autre, l’omission systématique, au début, des expéditions de découverte. Ainsi, la solution adoptée permet, sans doute, de serrer, autant que possible, une réalité particulièrement difficile encore à chiffrer, mais il n’en reste pas moins qu’une telle série d’approximations inaccoutumées risque de mettre dangereusement en péril les échafaudages conjoncturels qu’on pourrait être tenté d’édifier sur elles, d’autant plus que des suspicions légitimes, à l’égard de l’effectivité et de l’efficacité du Monopole21, ne peuvent trouver place que dans les toutes premières années du XVIe siècle.
14Voici — et le bilan est maigre — pour notre propre apport de données chiffrées. Il ne semble pas, malheureusement, que l’on puisse compter du dehors sur un appui décisif. Le secours, en l’occurence, ne peut venir que des prix.
MÉDIOCRITÉ DES DONNÉES CHIFFRÉES CONCERNANT LES PRIX
15On sait — l’hypothèse vaut ce qu’elle vaut, mais la moitié de ce volume est construite sur elle22 — que dans l’impossibilité où l’on se trouve d’obtenir, pour l’ensemble des prix dans l’espace Atlantique, des données continues, on a dû se limiter au seul espace espagnol, à l’étude des prix réalisée par E. J. Hamilton23.
16Mais, là encore, il faut se résigner à ce qui est, sans doute, l’inévitable. A la médiocrité de nos sources en vue d’une étude des trafics, pour la première moitié du xvie siècle, et plus encore, pour la première décade du xvie siècle, fait écho la médiocrité des sources espagnoles en vue d’une étude des prix. Certes, Hamilton a été à même de calculer des indices généraux pour l’ensemble des prix espagnols argent. Ils nous ont permis d’établir des rapprochements, mais il ne faut pas nourrir à leur propos un optimisme démesuré.
17Les indices généraux des prix espagnols du début du xviie siècle24 sont établis sur des listes complètes de 92 articles pour l’Andalousie, 59 pour la Nouvelle-Castille, 64 pour la Vieille-Castille et le Léon, 52, encore, pour le Royaume de Valence, soit, au total, 267 articles, parmi lesquels ce qui pèse le plus dans les économies anciennes, comme C.-E. Labrousse l’a si bien démontré, les céréales et le blé, notamment dans ces terres méditerranéennes, est largement représenté. Les lacunes sont rares et on peut estimer qu’en moyenne, les prix indiciels de Hamilton sont établis pour la fin du xvie et le xviie siècle sur une liste de 250 à 260 articles, dont près du tiers sont des articles andalous.
18L’ample représentation des prix andalous dans ces indices, la possibilité d’utiliser, concurremment et même, de préférence à la courbe générale, une courbe autonome des prix andalous épaulée, en certaines circonstances, par une courbe autonome des prix nouveaux-castillans, n’est pas indifférente, tout au contraire. Les prix espagnols interviennent, incontestablement, d’une manière très inégale, suivant la nature du produit qu’ils affectent et suivant leur provenance géographique. Les quatre grandes zones : Andalousie, Nouvelle-Espagne, Vieille-Castille-Léon, Valence ne participent pas au même titre à la dynamique des affaires, dans l’espace économique de l’Atlantique espagnol et hispano-américain. L’Andalousie est au cœur de cet espace : c’est là, a priori, dans les premières décades surtout, qu’il faut chercher, le cas échéant, le primum mobile de la conjoncture de l’espace Atlantique de Séville, dans la mesure où l’Andalousie constitue la réserve en produits alimentaires disponibles, la base des exportations en direction des Indes, dont l’importance relative est d’autant plus décisive qu’on remonte plus haut dans le temps. Interviennent ensuite, dans un ordre d’importance dégradé et beaucoup plus limité, la Nouvelle-Castille, avec ses céréales d’appoint et ses centres manufacturiers de Tolède, puis, plus indirectement déjà, tout au début de la Conquête l’espace Vieille-Castille-Léon et ses foires25, enfin, très loin derrière, Valence, le versant méditerranéen presque totalement à l’écart26.
19Pour apprécier, dans toute son étendue, la fragilité des indices de prix de la première décade du xvie siècle, comparativement aux précédentes, il importe, tout d’abord, de rappeler que la courbe des prix andalous27 ne repose que sur trois années pour lesquelles les indices ont pu être calculés : 1503, 1505 et 1507, voire 1511, qui donne un terme de référence et de raccord, au-delà du cycle supposé. Le trait se borne donc à relier, d’une manière vraisemblable, ces 4 points, en s’inspirant dans sa démarche des séries voisines de Nouvelle-Castille et de Valence, intégralement calculées pour la période, des séries de Vieille-Castille et de Léon, dont les indices sont calculés pour cinq ans seulement sur dix. Quant aux années, dont les indices sont calculées, elles le sont, sans conteste, sur des bases infiniment plus fragiles, que dans les périodes documentairement plus riches de la fin du xvie et de la première moitié du xviie siècle, prises comme termes de référence. Trois indices annuels andalous pour la décade, seulement, et encoré. Ils n’ont été obtenus qu’en intégrant 16 articles en moyenne seulement. Les indices de Nouvelle Castille, au nombre de 10, ne sont calculés que sur un peu moins de 7 articles, en moyenne, et la situation est à peine supérieure pour la Vieille-Castille-Léon et le Royaume de Valence. On mesurera mieux, dans ces conditions, l’abîme qui sépare les premiers indices des derniers, surtout si l’on tient compte de l’énorme lacune qui frappe durement — et relativement, très loin, dans le cours du xvie siècle — les séries indicielles andalouses. Rien pour les céréales en Andalousie, avant 155928. Une telle lacune — que l’on songe, d’une manière générale, au rôle capital des céréales dans les économies d’Ancien Régime, mais, bien plus encore, d’une manière spécifique au rôle du blé, des farines dans les exportations d’Europe en direction des Indes, dans les premières années du siècle — est très mal compensée par les séries également déficientes de la Nouvelle-Castille, de la Vieille-Castille-Léon et de Valence. Le biscuit de mer, il est vrai, constitue, dans les séries andalouses, un substitut honnête.
20Le stock des données chiffrées disponibles pour ces premières années — tant pour les trafics que pour les prix — demeure donc extraordinairement modeste, comparativement aux étonnantes et presque désespérantes richesses de la fin du xvie et du xviie siècles.
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21Et pourtant... ces doutes sont-ils suffisants, cette marge inhabituelle d’incertitude condamne-t-elle la tentative d’interprétation conjoncturelle de cette période, que, seules, justifieraient des raisons de simple symétrie ou d’alignement factice.
22Les limites de l’entreprise étant soigneusement fixées, pourquoi ne pas la tenter ? Et si on devait trouver, quand même, au cours de cette première décade d’histoire de la Carrera dont on devine, plus qu’on ne saisit, 6 ou 7 années seulement, un schéma destiné à se généraliser ultérieurement : en l’occurrence, une fluctuation de l’ordre de la demi-décade, parfaitement symétrique sur le terrain du trafic et sur celui des prix dissymétrique à l’intérieur de chaque ordre de phénomène au profit de la partie ascendante..., les mauvaises conditions, dans lesquelles semblables traits auraient pu être dégagés, loin de rendre l’expérience douteuse, n’en militeraient que mieux en faveur d’un schéma tellement ancré en profondeur dans la réalité qu’il finirait par émerger, malgré tout, dans les conditions les plus mauvaises d’une ébauche pourtant imprécise, grossière et lointaine de l’objective et insaisissable réalité.
II. — PHYSIONOMIE DE LA DÉCADE
23On peut se représenter la dynamique économique de l’espace Atlantique de cette période, sous la forme d’un schéma que l’on retrouvera, plusieurs dizaines de fois, au cours des trois demi-siècles : une fluctuation, en gros, cyclique, qui culmine autour de 1508 et sépare deux périodes, une période d’expansion de trois ans et une période de contraction de deux ans.
LA PREMIÈRE PÉRIODE D’EXPANSION DES TRAFICS ET DES PRIX
24On observe, au cours de cette brève période, le synchronisme simple et direct des prix espagnols, dont le graphique représentatif se comporte, sensiblement, comme celui du trafic global à travers l’Atlantique.
1. Les trafics
25Les différentes expressions des mouvements volumétriques globaux29 montrent, tout d’abord, une pente ascendante rapide.
261506-1507 et 1508, si on laisse de côté les années 1504-1505, qu’on peut considérer comme le creux d’une vague précédente, dont nous ignorerons toujours les contours, constituent une montée continue, dont la pente ascendante est de l’ordre de 50 %, si bien que le point haut se situe, exactement, au double du point bas. Pour les Allers, qui donnent le ton : 23, 33 et 45 navires soit 2 210,3 300 et 4 480 toneladas, 1547,2 310 et 3136 tonneaux de jauge internationaux ; pour les Allers et retours : 35,52 et 66 navires, soit 3 390, 5 130 et 6 580 toneladas, 2 373, 3 591 et 4 606 tonneaux de jauge internationaux.
27Les Retours, par contre, qui sont normalement en deçà des Allers, tant en volume que dans le temps30, suivent le même mouvement, mais avec un double retard : 12 navires en 1506 au lieu de 23, 19 en 1507 au lieu de 33 21 en 1508 au lieu de 45, et en toneladas, 1180,1 830, 2 100 en face de 2 210, 3 300, 4 800, enfin, en tonneaux de jauge internationaux de 2,83 m3, 826, 1 281 et 1 470, au lieu de 1 547, 2 310 et 3 136. Les Retours montent donc moins vite et de ce fait, leur infériorité s’accentue. Alors qu’ils représentent une proportion sensiblement égale du mouvement global en 1506 et 1507, au creux de la vague, soit 34,81 % et 35,67 %31 ; les Retours n’atteignent plus, en 1508, que le pourcentage vraiment très bas, rapporté aux chiffres identiques de la table 159 (t. VI1, p. 356), de 31,92 %. Ils continuent, par contre, comme c’est, d’ordinaire, le cas, en raison du décalage normal, quasi structurel, des Retours sur les Allers, à monter au-delà de 1508, jusqu’en 1509, où, exceptionnellement — ce fait s’est produit 5 fois au cours de la première moitié du siècle, 40 fois en un siècle et demi — le volume des Retours dépasse celui des Allers (54,35 % du mouvement total). Le mouvement global annuel Allers et retours, toutefois, dont le rythme est dicté — comme c’est huit ou neuf fois sur dix le cas — par le mouvement des Allers (dont le volume est de 50 % supérieur aux Retours en moyenne et le rythme beaucoup plus nerveux), atteint son point de rebroussement en 1508, au même moment que le mouvement Allers.
2. Les prix
28La fin du xve siècle marque, dans la péninsule ibérique comme dans toute l’Europe, les derniers moments d’une grande phase de dépression32.
29L’admirable étude de E.-J. Hamilton porte seulement, pour l’année33, sur Valence, l’Aragon et la Navarre — entendez les provinces les moins impliquées dans l’aventure américaine. Mais les synchronismes prouvés ultérieurement permettent de penser que le comportement des prix en Castille et en Andalousie — qui sont, pour nous, les provinces clefs — peut être éclairé par ce que l’on sait des trois autres provinces. Or, on lit, partout, une spectaculaire descente des prix que les dévaluations successives de la monnaie de compte n’arrivent généralement pas à masquer34. Cette descente, plus nette encore, lorsqu’elle est exprimée en argent-métal, est surtout particulièrement sensible, lorsqu’elle est exprimée en or — dont la famine sévit, si cruellement, à la fin du xve siècle. Les prix-or, dans les dernières années du xve siècle, représentent en Royaume de Valence 60 % — à peine — des niveaux de la fin du xive et en Aragon, 35 ou 40 % des points hauts de la seconde décade du xve.
30Les dernières années du xve siècle se trouvent bien placées au fond d’une vague doublement creusée par l’action conjuguée du mouvement séculaire et du mouvement décennal. A telle enseigne qu’on a pu raisonnablement inscrire la famine monétaire de la fin du XVe siècle dans le complexe causal de la poussée des grandes découvertes géographiques. Et c’est de ce creux — il ne faut pas le perdre de vue — que partent les prix au cours de la première décade du xvie siècle.
31La suite des nombres indiciels des prix argent-métal35 exprime une prodigieuse poussée de 1501 à 1506, commandée, peut-être, par les premiers arrivages d’or des Antilles nouvellement découvertes. Les réserves qu’impose la fragilité des données sur lesquelles ces chiffres ont été calculés, ne peuvent rien contre un mouvement d’une telle amplitude. L’indice passe de 33,26 au record de 46,89 qui, par la suite, ne sera pas atteint ou égalé avant 1522, soit 16 ans plus tard. Il s’agit, comme on peut s’en rendre compte sur un canevas semi-logarithmique36 (de la poussée la plus violente jamais observée, accroissement du plancher des prix de 41,25 % en 6 ans, soit une pente annuelle moyenne, maintenue pendant 6 ans, de près de 7 %.
32Mais ce n’est pas là le plus important. Les prix, avant le grand rebroussement qui conduit au creux de 1510 (38,76)37, — et qui correspond parfaitement au creux du trafic — ou au creux de 1512 (37,92), se maintiennent, pendant deux ans, à un niveau très élevé, encore que légèrement déclinant, jusqu’en 1508, année, précisément — bien qu’on hésite à employer le mot — d’expansion cyclique record. Entre 1505 et 1506, 6,29 de différence, avec 40,60 et 46,89, les prix de 1506 sont à 13 % au-dessus de ceux de l’année précédente. Tout se passe, donc, comme si le point haut dans les prix de 1506, commandait le point haut des trafics de 1508. Le décalage de deux ans, dans ce sens, est celui que Ton notera le plus souvent au long de cette analyse. Il faut, d’ailleurs, en saisir, ici, l’exacte nature. Si la dénivellation en plus de 1506, par rapport à 1505, est de 13 %, la dénivellation en moins de 1507 46,42), (par rapport à 1506 (46,89), n’est que de 0,47 point, soit de 1 %, et l’on peut, sans aucune restriction, étant donné la précision des données de base pour cette période, parler de palier. 1508 reste, encore, une année de prix hauts, avec 44,78, inférieure seulement à 1507 de 1,64, soit une dénivellation de 3,5 %. La cassure, puisqu’elle existe, est postérieure, elle se place entre 1508 et 1509. 1509, sur les « composite index numbers of silver prices » est donc de 5,45 points en retrait par rapport à 1508, soit une dénivellation de plus de 13 %, comparable à celle en sens inverse, située entre 1505 et 1506. Et le moins étonnant n’est pas que l’on retrouve, au même moment, entre 1508 et 1509, le décrochement majeur des trafics et des prix, mais que l’identité se prolonge dans l’allure même des courbes. 1506, 1507, 1508 sont donc situées sur deux escarpements des trafics et des prix, deux plateaux bordés de falaises, seule, la pente du plateau est différente, pente ascendante pour le trafic, pente légèrement déclive pour les prix.
33Les prix andalous, de beaucoup, les plus importants, calquent, dans la mesure où leur marche peut transparaître des seuls indices calculés de 1503, 1505, 1507, l’allure générale du trafic aller global d’une manière plus parfaite encore. Il serait, peut-être, plus exact de dire que la courbe du trafic épouse celle des prix. Partie d’un indice qu’on peut supposer à peine supérieur à 60 en 1501, à 65,84 en 1503, à 70,59 en 1505, la courbe atteint, en 1507, un chiffre record — en toute vraisemblance, son véritable record — 92,36, pour redescendre en 1511 au creux inverse de 67,7238. L’expansion des prix andalous a donc été de l’ordre de 33 % en 7 ans, soit une pente moyenne jusqu’en 1507 de près de 5 % annuellement. Cette pente est, pourtant, un peu moins rapide que celle des prix de Nouvelle-Castille qui donnent, apparemment, le ton aux composite index numbers.
34Pour la première fois, on voit s’établir une covariation évidente, à l’échelon de la fluctuation courte, entre niveau des prix sur le marché espagnol, andalou surtout, et nouveau-castillan et niveau des trafics Allers, ainsi que, a fortiori, puisque l’influence des Allers sur les Retours est déterminante, Allers et retours. Cette corrélation, tant de fois répétée au cours du siècle et demi d’histoire sur lequel porte notre analyse, pourra, superficiellement, surprendre un lecteur non accoutumé aux modalités de la dynamique économique. On pourrait être tenté, en effet, d’attribuer cette rencontre au hasard, deux séries de causes totalement indépendantes et agissant, chacune de leur côté, sur les séries-prix et sur les séries-trafic. Cette solution de facilité serait raisonnable, si la première décade du xvie siècle était seule en cause, mais sa répétition étonnante, plusieurs siècles durant, contraint à supposer un lien de rationalité.
35Il peut sembler, toutefois, paradoxal — du moins en surface — que de hauts prix en Andalousie et en Nouvelle Castille suscitent un accroissement des exportations en direction de l’Amérique (nous entendons par hauts prix, plus une série de hauts planchers, qu’une poussée cyclique proprement dite malsaine, au vrai). On résout, pourtant, sans peine, cette apparente contradiction, si on tient compte du fait que, pendant longtemps, l’agent moteur du commerce s’est trouvé être le négoce côté-Europe, que ses réflexions, ses espérances donnaient l’impulsion à la machine.
36Avec les seuls moyens dont on a disposé, à la hauteur de ces premières années, on peut suggérer le schéma provisoire suivant39 :
37Années de prix hauts : attente de gros bénéfices, le négociant, faute de renseignements récents, précis et concrets, sur l’état des marchés aux Indes naissantes, extrapolait, vraisemblablement, la situation espagnole. Les années d’expansion cyclique sont, en outre — en économie d’Ancien Régime surtout — celles où la rémunération du capital et de l’entreprise est la plus élevée, les bénéfices, les plus forts et partant, les investissements, les plus considérables, puisque les bénéfices du négoce s’investissent, essentiellement, dans le négoce. Telle semble être la raison profonde de cette apparente contradiction.
38Enfin, expansions et contractions sont, aussi, des états d’âme collectifs. Elles expriment, autant qu’elles ne causent, ces vagues d’optimisme et de pessimisme qui constituent la cyclothimie collective des milieux d’affaires. On comprendra, ainsi, qu’en phase d’expansion des prix, emporté par l’optimisme ambiant, on entreprenne, même si l’exportation doit se heurter à des difficultés d’approvisionnement, qu’on entreprenne et donc, qu’on arme, en direction de l’Amérique, contribuant, peut-être, ainsi, en surexcitant la demande, au moment où elle en a le moins besoin, à maintenir la vague gonflée, le plus longtemps possible. Jusqu’au jour où, sous l’action des facteurs souvent analysés par les économistes du cycle — on s’efforcera, ici, de les envisager, sous l’angle particulier de l’Atlantique espagnol et hispano-américain — la conjoncture, brusquement, se renverse, l’expansion faisant place à la contraction.
LE REBROUSSEMENT DES COURBES : LA CRISE DE 1508 ET LA RÉCESSION
39Cela commence par les prix : depuis 1506, sur un palier légèrement descendant. Conditions optima pour l’apogée du trafic, puisque les gros bénéfices réalisés dans la période des prix montants trouvent à s’employer sur un palier très légèrement descendant, ce qui représente, incontestablement, l’assurance d’un emploi plus efficace.
1. La crise de 1508
401508 voit l’apogée des Allers et, grâce à des Retours importants, échos des Allers importants déjà de 1507, l’apogée du mouvement Allers et retours. Ces années records 1508, 66 navires, 6 580 toneladas non pondérées, 1507, 52 navires, 5 130 toneladas non pondérées — soit plus encore, que 1509 n’en alignera, 46 navires et 4 600 toneladas — sont, aussi, des années de peste40. Et quelle peste, une des plus graves du siècle. Elle n’a pas épargné Séville, comme tous les ports, largement ouverte à l’épidémie. Et pourtant, elle n’a pas paralysé le trafic maritime, porté, au cours de ces années d’expansion, par le haut plateau des prix. Que déduire de cette curieuse coïncidence ? Dans la mesure où la statistique du mouvement est sûre, totale indépendance ? Paroxysme de la croissance du trafic et paroxysme de l’épidémie coïncident. Quand les miasmes se dissipent, en 1509, le volume du négoce, au départ, s’effondre. On ne peut imaginer meilleur plaidoyer pour la corrélation prix espagnols — trafic, l’expansion du prix commandant celle du trafic. Et pourtant, faut-il éliminer totalement la peste ? Vraisemblablement pas à la contraction. Phénomène retard, effet cumulatif. On appellera cela comme on voudra. C’est au moment où elle cède le pas qu’elle totalise ses effets. Si elle s’est fait oublier à l’expansion, elle contribue, quand-même, un peu, à éclairer 1509.
2. La récession
41La grande débandade des Allers de 1509 conduit le mouvement Aller à 45 %, à peine, des chiffres de l’année précédente : 21 navires, 2 100 toneladas non pondérées, au lieu de 45 navires et 4 480 toneladas, en 1508. Elle a été commandée — bien qu’il soit impossible d’en préciser les moyens, puisque les commentaires des marchands à travers la Casa de la Contratación nous manquent — par l’effondrement des prix : le décrochement des indices composés de 13 % est, en effet, comparable en tous points à celui des trafics Allers, compte tenu de la plus grande rigidité des prix par rapport aux trafics en général, aux trafics Allers, en particulier41. Le décrochage se fera sentir sur les Retours en 1510 : avec 10 navires et 1 000 toneladas, 1 510 est à 40 % du niveau de 1509 :25 navires et 2 500 toneladas. C’est pour les Retours, le point le plus bas jamais atteint, comme 1509, pour les Allers. On note ici, avec le décalage logique d’un an, le synchronisme parfait des phénomènes. Sur le mouvement global, le décrochage est d’une ampleur comparable, mais normalement amorti, c’est de part et d’autre du palier de 1509, qu’il faut chercher ce décrochage de plus de 50 %, caractéristique des Allers, entre 1508 et 1509, des Retours entre 1509 et 1510. Le trafic global de 1510 ne représente plus que 40 à 45 % du trafic record de 1508. Cette flexion conjoncturelle est marquée, en outre, par le rapport anormal des Allers et des Retours dans le mouvement global de 1509 : 45,65 % et 54,35 %42, la première manifestation de l’anomalie positive conjoncturelle des Retours, appelée à devenir classique.
42Or, cette récession se poursuit pendant deux ans : de 1508 à 1510 sur les Allers et les globaux de 1509 à 1510 sur les Retours. Elle est profondément creusée, puisque 1510 est, partout, pour les trafics en dessous de 1506, entre 40 et 45 % de 1508, pour les Allers, Allers et retours et Retours, à 80 % environ de 1506, l’année point de départ, et la pente descendante de la récession est de ce fait beaucoup plus rapide que ne l’est la pente descendante de l’expansion. C’est une caractéristique normale, nous l’avons vu, en phase A, où la période ascendante de la fluctuation est plus longue que ne l’est la période descendante.
43Le temps de bas prix qui va de 1509 à 1512 (le décrochement record de 13 % se situe entre 1508 et 1509), avec son cortège, diminution du profit dans l’entreprise, vague de pessimisme succédant à la vague d’optimisme de l’expansion, suffit, peut-être, à éclairer, pour l’essentiel, ce marasme. Mais il y a d’autres facteurs, seconds, sans doute. L’effet cumulatif possible de la peste. La mesure prise par la Casa de la Contrataciόn, à la fin de 1507 — effet, peut-être, autant que cause —, pour surveiller le prêt maritime43. Cette mesure promulguée, en période d’expansion, entendez, quand l’enjeu était gros, n’a-t-elle pas eu pour effet, par les résistances qu’elle a, sans doute, suscitées, de jouet dans le sens du décrochement cyclique des prix, un rôle de frein, détournant pour un temps le capital disponible du commerce des Indes ? Les résistances qu’elle a rencontrées, son impopularité sont attestées par sa réitération, de 1507 à 1510 et plus particulièrement, en 1509, année de la grande débandade44.
44Cette première période de contraction cyclique revêt, déjà, peut-être, quelques-uns des caractères qui seront ceux, au long de ce siècle et demi, des temps de contraction. On peut être tenté, en effet, derrière une recommandation de Fonseca à la Casa45, du 22 janvier 1510, de déceler, en 1509 et 1510, une certaine tentative de fraude. Si oui — l’indice est faible — ce serait la première tension conjoncturelle, marchands/contrôle, avec son cortège de pression fiscale et de résistances marchandes, — mieux, d’attaque marchande et de défense fiscale. Serait-on, déjà, à Séville, plus impatient de contrôle, en contraction qu’en expansion ?
45Les contours qui viennent d’être ébauchés, au cours de ces cinq, voire sept années, sont ceux d’une fluctuation à peu près parfaite, telle qu’elle se présentera, maintes fois, au cours de ce siècle et demi. Une fluctuation du type le plus court. Faut-il, en raison de l’allongement évident des cycles dans l’Ancien Régime économique, par rapport à nos économies contemporaines, l’assimiler, un peu vite, au cycle de Kitchin des économistes ? Une fluctuation grossièrement cyclique, s’apparentant aux cycles très courts, par sa durée, mais, par sa violence, plus à la fluctuation décennale qu’à la précédente. Dernière originalité, enfin, — mais peut-être n’est-ce qu’une apparence due à l’infirmité de notre connaissance ? — ce « pré-cycle de Kitchin » apparaît totalement indépendant, puisqu’il ne vient pas s’inscrire, comme la plupart des fluctuations analogues qu’on verra apparaître ultérieurement, dans ce qu’il est commode d’appeler un « pré-cycle de Juglar », ces précycles de Juglar étant, on le verra, normalement engendrés par deux ou trois précycles de Kitchin.
LES CONSTANTES DE LA PREMIÈRE DÉCADE
46Par-delà les différents moments de la fluctuation, on s’efforcera, enfin, de retrouver les caractéristiques de ces quelques années — on dirait volontiers, sans crainte du paradoxe, les structures du premier cycle de la conjoncture — ce qu’elles sont, indépendamment de leur position sur la phase ascendante ou descendante de la fluctuation.
1. Le matériel
47C’est, tout d’abord, l’emploi d’un matériel extrêmement léger et relativement homogène. On est assez mal placé pour en juger, il est vrai, en raison du nombre restreint de renseignements dont on dispose. Sur 229 navires inscrits dans les tableaux, soit en voyage d’Aller, soit en voyage de Retour, pour la demi-décade 1506-1510 et l’année 1504, 222 navires restent dans un anonymat que ne lève pas la brève mention du Livre de Registres : nao ou navίo46, 7 navires, seulement, ont une nature précisée47 : 6 barcos — unités très petites — dont on peut considérer le tonnage comme indirectement connu — et une caravelle (80 toneladas environ). Indication ténue mais qui a force de preuve : les navires connus sont de tout petits navires.
48Les navires connus des périodes postérieures, ce que Ton sait du matériel des expéditions de decouverte, un peu différent, il est vrai, du matériel du commerce, seul retenu dans les tableaux, mais si peu48, viennent à l’appui de cette règle. On peut espérer serrer la réalité, au plus près, en adoptant pour les navires anonymes des tableaux — entendez pour les navires connus, seulement, sous la dénomination nao ou navío du Livre de Registres — le tonnage de 100 toneladas (unités non pondérées)49.
49L’arrivée du Nouveau Monde dans l’espace maritime de l’Europe occidentale, si l’on tient compte de l’évolution quasi générale des navires de la fin du xve siècle vers le gigantisme50 (aura provoqué une rupture totale, et la brusque réintroduction d’un tout petit matériel. La table 1351 (permet, d’autre part, de mesurer assez exactement l’évolution ultérieure du tonnage unitaire moyen des navires de l’Atlantique espagnol et hispano-américain. Il croît — si l’on adopte notre manière de voir — dans le rapport de un à huit en un laps de temps de 140 ans. Évolution choquante, s’il ne s’agissait, en partie, d’un mouvement de récupération.
50Est-il besoin de rappeler que les deux termes de cette évolution sont parfaitement logiques ?
51L’apparition de nouvelles routes, de nouvelles côtes non encore balisées dont les ports ne pouvaient être reconnus d’emblée, encore moins aménagés, devait exclure pour un temps l’usage sur ces lignes de gros navires. La faiblesse des échanges, liée à l’extrême faiblesse du peuplement européen dans les toutes premières années, pesait dans le même sens. Le premier commerce se dégageait péniblement de l’expédition de découvertes dont il était, un peu, le prolongement et la pérennisation. Il tendait, comme lui, à combler un besoin sporadique et changeant. Seul un nombre assez étendu de petits navires, aptes à de multiples combinaisons, pouvait donc parer à toutes les situations, à toutes les demandes.
52La moindre distance, à l’échelle de l’Atlantique transversal, enfin, a rendu possible le monopole, à l’origine, des petits navires. Avant 1519, la Terre-Ferme n’apparaît, pratiquement, en première position que dans le domaine de la découverte. La « navigation de ligne » — oserons-nous risquer cet anachronisme — ne dessert encore que les îles... et quelles îles, Espanola, notre Saint-Domingue. On peut l’affirmer sans hésiter pour les 229 navires incorporés aux tableaux, partant, pour les 229 navires classés ipso facto dans « la ligne », par opposition au matériel de la « découverte », dont la masse globale certaine nous échappe ; les 149 directions et provenances connues, en effet, forment une proportion suffisante, pour autoriser l’extrapolation du raisonnement sur les connus à l’ensemble.
53Or, les navires allant et venant de l’île de Saint-Domingue représentent, jusqu’en 1510, 99 % du mouvement : 28 navires vont et viennent d’Espanola, sans autre spécification, 11 de Puerto Plata, sur la côte Nord, 4, à la fois, de Puerto Plata et de Saint-Domingue, 104 de Saint-Domingue, le grand port de la côte Sud. En 1509, enfin, mais en 1509, seulement, 2 navires sont portés comme allant à Saint-Domingue et à Puerto-Rico. On mesure ainsi le rôle d’Espanola dans ce premier empire. Tout, certes, ne lui est pas destiné. A la seule exception, toutefois, des entreprises de découverte, ce qui est destiné aux Indes, jusqu’en 1510, fait nécessairement escale à l’Espagnole ; de même, pour les Retours. Saint-Domingue, le port et l’île, jouissent, donc, au cours de ces années, d’un monopole mieux que juridique, réel, pendant, de ce fait, du monopole du complexe andalou, sur l’autre rive de l’Atlantique.
54De cette constatation découle — conséquence évidente — la relative proximité de ces pré-Indes des îles, de ces pré-Indes de la seule Espanola : 6 700 km., au lieu de 8 000 km. environ pour la Nouvelle-Espagne et la Terre Ferme52. Route plus courte du cinquième ? L’affirmer serait méconnaître une notion fondamentale... l’hétérogénéité de l’espace océanique à l’époque de l’ancienne navigation à voile, au temps, surtout, des voilures archaïques des xvie et xviie siècles53. Route plus courte du cinquième : le gain de temps et de peine est incomparablement supérieur à ce que la simple distance kilométrique laisse à penser, de l’ordre de 40 % au moins, d’après les calculs faits pour une période postérieure, il est vrai, de 1550 à 165054. On comprend mieux, alors, comment l’utilisation de tout petits navires était, non seulement rentable mais possible.
55L’extraordinaire constance du matériel destiné aux îles peut, enfin, servir de contre épreuve. Son tonnage unitaire, en effet, ne double pratiquement pas de 1504 à 165055. Les îles, « parents pauvres de la Carrera », sont desservies, dans les premières décades du xviie siècle, par des navires sensiblement analogues aux navires qui les desservaient, lors de la première décade du xvie. Or, on connaît parfaitement les dimensions exactes de ce matériel56, pour la fin du xvie et le xviie siècle : son tonnage unitaire moyen est de l’ordre du tiers ou du quart du tonnage des navires destinés à la Terre-Ferme, à la Nouvelle-Espagne, les grandes masses continentales. Il n’y a donc pas de raisons de mettre en doute ce que l’on peut entrevoir du matériel des premières décades du xvie
56.C’est la dissolution précisément, sous l’action des facteurs qui seront ultérieurement analysés, de ce complexe causal qui explique le retour aux gros navires, puis l’utilisation de navires plus gros encore, dans des proportions déjà indiquées57.
2. Le négoce
57Que peut-on espérer savoir, pour finir, des caractéristiques du premier négoce entre le complexe portuaire et Española ?
58Présence des étrangers, dès les origines, dans le négoce de Séville avec les Indes — et notamment des Génois et des Catalans58. Elle donne lieu à d’inévitables frottements59, grâce à quoi on les décèle. Large usage d’un crédit qu’on se procure par lettres60, suivant les procédés classiques, mais avec des modalités qu’on aimerait pouvoir préciser davantage61, où, vraisemblablement, toutefois, hommes et techniques de la banque méditerranéenne jouèrent leur rôle62.
59Quant à la nature des échanges, en l’absence de statistiques continues qui englobent la période, il semble qu’ils aient consisté, pour beaucoup, en une avance de biens d’investissement vivriers63 de l’Europe par l’Europe en direction de l’Amérique : le bétail sur pied, destiné au peuplement et à la reproduction, semble jouer, à l’aller, un rôle de premier plan64. De ce type de chargement, composé essentiellement de biens d’investissements agricoles, le chargement de la nao Santiago, maître Juan de Xerez (de Palos), propriétaires Juan de Xerez, Miguel Diaz et Francisco de Garay, allant en 1509 à Saint-Domingue, paraît tout à fait caractéristique65. Les produits alimentaires clef de la civilisation méditerranéenne, farine, huile d’olive, reviennent souvent et toujours en grande quantité dans les cargaisons66 ; ce sont eux qui permettent aux Ibériques, plantés dans ce monde étranger, malsain et lointain des Indes, de survivre en préservant le plus possible de ces habitudes imprescriptibles et vitales que sont les coutumes alimentaires.
60Et au retour ? C’est plus difficile à savoir. Pharmacopée, sans doute, perles et or, à l’exclusion de l’argent67, — cet or, dont beaucoup plus encore que l’argent, le xve siècle finissant, le xve siècle espagnol notamment, éprouvait une faim intense68, prélevé directement sur les stocks des indigènes ou obtenu par l’orpaillage insensé, à l’aide de la main-d’œuvre des repartimientos, lors de cette période fernandinienne d’exploitation féroce de l’indigène69. Mais ces quantités sont faibles et n’excluent pas, certaines années, une exportation du numéraire (argent) d’Espagne en direction des Indes, contre laquelle l’orthodoxie billonniste de l’État se dresse violemment. Situation pour le moins paradoxale, quand on connaît l’état des échanges métalliques entre les deux mondes dans les années à venir.
61Au début, la balance des échanges penche, semble-t-il, du côté Europe. Les Indes reçoivent, en hommes, vivres, matériel, animaux... exceptionnellement même en numéraire, un appoint de capital hors de proportion avec ce qu’elles fournissent. Elles ne rendent pas sur le champ. Rien de surprenant. Bientôt, elles le feront au centuple, sinon quantitativement, du moins en valeur. Mais, au cours de ces premières années, elles ne peuvent donner ni d’une manière, ni d’une autre. Quantitativement ? Le déséquilibre des Retours par rapport aux Allers est extrêmement sensible70 : 38,4 % des totaux contre 61,6 % pour le mouvement Aller au cours de la demi-décade 1506-1510 (au cours de la demi-décade suivante, les proportions très différentes seront, respectivement, de 50,6 % et 49,4 %). Les trésors ? 1 187 291,8 pesos à 450 maravedίs, pour la décade, d’après Hamilton71, valeur infime, auprès des 70 millions de la dernière décade du xvie siècle, soit un peu moins de 5 tonnes d’or de 1503 à 1510, un peu moins de 3 tonnes et demie de 1506 à 1510.
62Ce grave déséquilibre est bien le signe d’une toute jeune colonie qui prélève plus encore de richesses à la métropole qu’elle ne lui en rend immédiatement. Le peu d’enthousiasme suscité par les Indes, l’alternance de fols espoirs et de profondes désillusions devant une aventure qui ne débouchait pas sur les richesses attendues de la Especiería, de Catay et du Cipangu sont l’expression psychologique de ce déséquilibre.
63Cette situation était appelée, toutefois, à se modifier rapidement, au cours de la seconde fluctuation, qui, de 1510 à 1522, marque la fin de la domination exclusive des îles.
Notes de bas de page
1 Cf. t. I, p. 144-148 et t. VI1, table 129, p. 327.
2 Cf. t. VI1, table 143, p. 341. Rappelons les chiffres respectifs pour 1606-1610 : 152 640, 120 920 et 273 560.
3 Cf. ci-dessus ch. 1.
4 Cf. t. I, IIIe partie, p. 265 sq.
5 Cf. t. VIII1, ch. 2, 1re partie, p. 116 sq.
6 Sur les raisons de cette équation, cf. t. I, p. 125-129.
7 Cf. t. VI1, tables 174,175,176, p. 373-375.
8 Cf. t. VI1, tables 130,133, 136, secondes colonnes, p. 328. 331, 334.
9 Cf. t. I, p. 294 sq. et t. VI1, tables 130, 133, 136, 4e, 5e et 6e colonnes, p. 328, 331, 334.
10 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.
11 Cf. t. VI1, table 136, p. 334.
12 Cf. t. I, p. 294 sq.
13 Une partie de ces éléments a été incorporée aux notes aux tableaux. Cf. t. II, 1504 A à 1510 R.
14 Cf. t. II, notes aux tableaux, 1511 à 1550 R.
15 Cf. t. I, p. 280 sq.
16 C’est le cas, par exemple, de l’énorme armada de Ovando qui joint, avec 30 unités, la grande île, en 1502.
17 Il faut entendre par là, un ensemble de navires, frétés par un entrepreneur, qui a obtenu par contrat (asiento), passé avec l’autorité royale, et sur le modèle même du contrat passé par Colomb avec Isabelle, monnaie en quelque sorte des fameuses capitulations de Sauta Fé, un monopole de commerce et d’exploitation sur un morceau de terre américaine à découvrir. On trouvera dans la Codoin Ind. grand nombre de ces contrats de découverte passés entre l’autorité royale et cet entrepreneur de colonisation qu’est, en fait, l’Adelantado et... quelques mentions rapides dans tome II, notes des allers de 1504 à 1510, pour la période postérieure aux toutes premières années, dans la mesure où ce mode de colonisation se prolongera longtemps encore.
18 Cf. t. I, p. 106, p. 145 sq. et t. III à V.
19 Le travail, fort utile, devrait être conduit à l’aide d’une équipe munie de larges moyens. Une recension serait possible au prix d’une assez large approximation.
20 Cf. t. VIII1, p. 93 sq.
21 Cf. t. VIII1, p. 177 sq.
22 Cf. ci-dessus, p. 11-13.
23 E.J. Hamilton, cp. cit, 1501-1650. La limitation au seul espace espagnol d’une connaissance sérielle des prix est compensée, en bonne partie, par la position dominante de l’Espagne, longtemps, dans la stratégie des affaires de l’espace Atlantique de Séville.
24 Ibid., Appendice V, p. 358-389.
25 Le moment viendra, un peu plus tard, au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, notamment, où aussitôt après les indices des prix andalous, parfois, aussi bien qu’eux, les indices des prix de l’espace Vieille Castille-Léon rendront mieux compte que les indices de Nouvelle Castille de la conjoncture du trafic de Séville, une époque où les corrélations Vieille Castille/trafic hispano-américain seront plus évidentes que les corrélations Nouvelle Castille/trafic hispano-américain.
Tout cela est trop mince, trop à la limite de la perception objective, pour qu’on puisse se hâter à conclure. Mais ces indices entrent bien dans un faisceau concordant qui s’appelle recul des pondéreux alimentaires, décadence de Tolède, croissance de la main-mise du grand négoce représenté par les foires de Medina del Campo. Une étude plus poussée, sous l’angle de Séville, des fonds Ruiz, ne manquerait pas, vraisemblablement, si on en juge par les sondages effectués de confirmer l’hypothèse.
26 La Flandre, la France négociante de l’Ouest, peut-être, l’Allemagne capitaliste du Sud, seront, très vite, beaucoup plus directement engagées dans la conjoncture de l’espace hispano-américain que l’Espagne aragonaise et méditerranéenne lointaine. La série Valence est souvent, pour nous, une série repoussoir.
27 E.J. Hamilton, op. cit, p. 191.
28 Ibid., p. 390-391.
29 Cf. t. VI1, tables 130, 132, 135, 140, p. 328, 331, 334, 338.
30 On a eu, souvent, l’occasion de s’expliquer sur cette infériorité structurelle des Retours par rapport aux Allers. Pour son expression graphique, cf., notamment, t. VII, p. 50-51 et Déficit des Retours, p. 52-53.
31 Cf. t. VI1, table 159, p. 356, t. VII, p. 53-54.
32 EJ. Hamilton. Money, Prices, and Wages in Valencia, Aragon and Navarre. 1351
33 Cambridge (Mass.), 1936, in-8, XXVIII, 310 pages.
34 Ibid., notamment, p. 60, 106 et 163.
35 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403.
36 Cf. t. VII, p, 54-55.
37 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 403.
38 EJ. Hamilton, op. cit., p. 189 et 191.
39 Au cours de cet exposé, volontairement timide, on s’est efforcé d’anticiper le moins possible, évitant d’extrapoler, dans un passé moins bien connu, les certitudes d’un passé proche.
40 Cf. t. II, 1507 A, note 1, p. 16... De 1503 à 1507 et encore en 1508.
41 Cette règle est évidente, de prime abord, sur les graphiques.
42 Cf. t. VI1, table 159, p. 356, t. VII, p. 52-53.
43 Cf. t. II, 1507 A, note 1, p. 16.
44 Cf. t. II, 1509 A, note 1, p. 30, Codoin Ind ; II, 5, p. 97-103, Codoin Ind. I, 39, p. 159-162, etc.
45 Cf. t. II, 1610 A, note 1. p. 36.
46 Cf. t. I, p. 316-317. On manque trop, ici, de termes de référence pour se croire autorisé sur la seule nuance certaine, pourtant, que ces deux termes impliquent, à varier les évaluations des tonnages.
47 Cf. t. VI1, table 2, colonnes 4 et 8, p. 116.
48 Presque toujours, entre 70 et 80 toneladas, exceptionnellement, une unité de 130 toneladas. On a retenu une partie de ces indications dans les notes aux tableaux du tome II.
49 Si l’évaluation spécifique risque de se révéler inexacte, dans plusieurs cas, — risque fatal, étant donné la pénurie des indices et des termes de référence. L’un portant l’autre, une erreur corrigeant l’autre, elle a toutes les chances d’être exacte à l’échelon du mouvement annuel. Ce qui, présentement, nous suffit.
50 Fernand Braudel, La Méditerranée, op. cité ; F.C. Lane. Venetian Ships, op. cité.
51 Cf. t. VI1, table 13, 4e colonne, p. 168. On a adopté, ici, une grille différente de celle utilisée, pour la conversion des tonnages globaux de l’unité non pondérée à l’unité pondérée (t. VI1, table 129, p. 327). Puisque la correction s’applique à l’unité et non plus à la masse, elle n’a plus à tenir compte d’autres facteurs, notamment l’insuffisante prise en charge des navires de découverte, etc. Ajoutons que la correction est plus fragile. Les grilles de conversion sont d’autant plus sûres, en effet, qu’elles s’appliquent à des masses plus étendues.
52 Cf. t. VI1, tables 128 A, 128 B, p. 320-321.
53 Cf. t. VII, p. 28-29, 30-31.
54 Cf. t. VI1, tables 18 à 128, p. 177 ter à 319.
55 Cf. tableaux des t. II à V et t. VI2, tables 230 à 543, p. 487 à 687. et plus spécialement, table 432, p. 622. Tonnage unitaire moyen des navires allant à l’Espagnole : 100,1 toneladas de 1506 à 1510,133 de 1586 à 1590,167 toneladas de 1645 à 1650.
56 Cf. t. IV et V et t. VI2, tables 230 à 320, p. 487 à 550.
57 Cf. ci-dessus p. 79, note 4 et t. VI1, table 13, p. 168.
58 Cf. t. II, 1506 A., note I, p. 10.
59 Ibid.
60 Cf. t. II, 1507 A., note 1, p. 16,1509 A., note 7, p. 30.
61 A.E. Sayous, articles cités et notamment, Les débuts du commerce de l’Espagne avec l'Amérique, Revue Historique, t. 174, 1934, p. 185-215 ; Le rôle des Génois dans les premiers mouvements réguliers d’affaires entre l'Espagne et l’Amérique, Boletín de la Real Sociedad geográfica de Madrid, 1932, série 13, no 12.
62 Abbott Payson Usher, The early history of deposit banking in Mediteranean Europe, Cambridge (Mass.) Harvard Economic Studies, Vol. LXXV, 1943, in-8, XX-649 pages.
63 Si on ose le rapprochement de termes aussi antithétiques.
64 Cf. t. II, notes aux tableaux.
65 Cf. t. II, 1509 A., note 7, p. 30. Cas typique, parce que cas moyen. La première Carrera, à l’Aller, c’est cela, chaque année, à plusieurs dizaines d’exemplaires.
66 Cf. t. II, notes aux tableaux.
67 EJ. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 42.
68 E.J. Hamilton, 1351-1500, op. cit., p. 59-60. Officiellement, d’après le travail de la Contratación, 4 tonnes 965 kg, 180 de 1503 à 1510, pas d’argent, 9 tonnes 153 kg, 220 de 1511 à 1520, pas d’argent, 4 tonnes 889 kg, 650 de 1521 à 1530 et 148 kg, 739 d’argent seulement.
69 Cf, t. VIII, p. 495-510.
70 Cf. t. VI1, table 139 et 140, p. 337-338, de 1504 à 1510. Le déficit des Retours par rapport aux Allers est de 55 navires (142 Allers, 87 Retours) et de 5 210 toneladas en unités non pondérées (13 820 toneladas pour les Allers, 8 510 pour les Retours). Cf. t. VI1, table 160, p. 357 et t. VII, p. 53.
71 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34.
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Meurtre au palais épiscopal
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